Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 19 - Témoignages du 27 octobre 2009


OTTAWA, le mardi 27 octobre 2009

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 9 h 30 pour mener une étude sur les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : questions relatives aux Autochtones selon la Loi sur les Indiens)

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Je souhaite la bienvenue à tous les sénateurs, aux membres du public et aux téléspectateurs de toutes les régions du pays qui suivent les débats du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur CPAC et peut-être même sur Internet. Je suis le sénateur Gerry St. Germain, de la Colombie-Britannique, et j'ai l'honneur d'occuper le poste de président du comité.

Le comité a le mandat d'examiner les dispositions législatives et, de façon générale, les questions relatives aux peuples autochtones du Canada. Le 1er avril 2009, le comité a décidé d'entreprendre une étude dans le but d'examiner des questions relatives aux élections selon la Loi sur les Indiens. Le comité se penche sur les préoccupations qui subsistent au sujet du régime électoral prévu par la Loi sur les Indiens, y compris la durée du mandat des chefs et des membres du conseil de bande, qui est actuellement de deux ans selon la loi. Le comité veut connaître l'opinion des chefs des Premières nations, des organisations autochtones et des membres des Premières nations, ainsi que celui des experts dans le domaine, quant à l'opportunité d'apporter des modifications et à la nature des modifications à apporter au régime électoral prescrit par la Loi sur les Indiens, dans le but d'améliorer la gouvernance au sein des Premières nations, et notamment de renforcer la responsabilisation politique des chefs des Premières nations à l'égard de leurs citoyens.

Il est important de souligner, à l'intention des téléspectateurs, que 252 bandes indiennes, c'est-à-dire plus ou moins 40 p. 100 des bandes au Canada, tiennent des élections conformément à la Loi sur les Indiens. Notre étude des processus électoraux porte uniquement sur ces bandes. Les autres bandes des Premières nations choisissent leur chef selon leur régime coutumier ou leur entente d'autonomie gouvernementale.

[Français]

Avant d'entendre nos témoins, permettez-moi de vous présenter les membres du comité qui sont présents.

[Traduction]

Les sénateurs ici présents sont les suivants : le vice-président du comité, le sénateur Nick Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest, le sénateur Patrick Brazeau, du Québec, le sénateur Sandra Lovelace Nicholas, du Nouveau- Brunswick, le sénateur Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard, le sénateur Bob Peterson, de la Saskatchewan, le sénateur Dennis Patterson, du Nunavut; le sénateur Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique, et le sénateur Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

Permettez-moi de vous présenter les premiers témoins. Je vous demande d'accueillir les coprésidents du Secrétariat du Congrès des chefs des Premières nations de l'Atlantique, le CCPNA, le chef Lawrence Paul et le chef Noah Augustine. Le comité souhaitait initialement se rendre au Nouveau-Brunswick ce mois-ci pour entendre leur témoignage. Malheureusement, notre horaire entrait en conflit avec celui des réunions de l'Assemblée des chefs du Nouveau-Brunswick et l'Union des Indiens du Nouveau-Brunswick, ce qui a rendu impossible la comparution de la vaste majorité des témoins que nous nous proposions d'entendre. En fait, une seule des 14 organisations des Premières nations que nous avions invitées à témoigner avait confirmé sa présence. Il ne nous a donc pas été possible de tenir les audiences aux dates prévues. Le comité a conclu que le moyen le plus efficace de mener à bien notre étude en temps voulu était d'inviter les membres de l'APC et de l'Union des Indiens du Nouveau-Brunswick à Ottawa. Nous sommes très heureux que ces organisations aient pris le temps de venir nous rencontrer aujourd'hui.

Fondé en 1995, le CCPNA est un organisme de politiques, de recherche et de revendications regroupant 33 communautés des Premières nations micmaque, malécite et pescomody de l'est du Canada. Dix chefs sont élus pour siéger au conseil d'administration du secrétariat du CCPNA, qui est composé de huit membres et de deux coprésidents provenant du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse.

Nous nous retrouvons aujourd'hui dans une situation un peu particulière : le chef Augustine comparaît aujourd'hui à deux titres. De fait, il représente également l'organisation qui sera notre deuxième témoin, à savoir l'Union des Indiens du Nouveau-Brunswick, dont il est le président. Chef Augustine, dans l'éventualité où l'opinion des deux organisations que vous représentez diverge sur l'une ou l'autre des questions qui seront examinées aujourd'hui, je vous prie de bien vouloir le préciser et d'indiquer au nom de quelle organisation vous vous exprimez.

Messieurs, nous avons hâte de connaître le point de vue des gens de l'Atlantique sur cette importante question. Je vous répète que je suis désolé des conflits d'horaire qui nous ont empêchés d'aller à votre rencontre, car nous avions l'intention de le faire. Nous vous sommes très reconnaissants d'être venus à nous.

Je cède la parole au premier intervenant, le chef Lawrence Paul. Nous nous sommes déjà rencontrés. Le comité vous souhaite la bienvenue. J'ai eu l'honneur et le plaisir de me rendre sur votre territoire. Nous devons reconnaître la valeur de vos réalisations et du bon travail que vous avez effectué. Veuillez nous présenter votre exposé.

Chef Lawrence Paul, coprésident, secrétariat du Congrès des chefs des Premières nations de l'Atlantique : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. Au nom du Congrès des chefs des Premières nations de l'Atlantique, le CCPNA, et de mon collègue coprésident, le chef Noah Augustine, je tiens à exprimer notre reconnaissance du fait que vous nous ayez donné l'occasion de comparaître devant les membres du présent comité chargé d'examiner cette importante question de gouvernance.

Cependant, j'aimerais faire remarquer, aux fins du compte rendu, que notre organisme a fait part de ses préoccupations et de sa déception concernant la récente décision du comité d'annuler les deux seules dates d'audiences devant se tenir dans les provinces de l'Atlantique, plus précisément au Nouveau-Brunswick. Nous croyons fermement que tous les dirigeants des Premières nations et que les citoyens de notre région auraient grandement apprécié de pouvoir faire savoir au comité à quel point ils estiment que le régime électoral prévu dans la Loi sur les Indiens a besoin d'être amélioré pour renforcer la gouvernance dans leurs communautés et qu'il faudrait que vous incluiez notre région dans les séances ou discussions à venir.

Le CCPNA est un organisme sans but lucratif de régime fédéral constitué en personne morale en 1995, qui parle collectivement au nom des 38 chefs des Micmacs, des Malécites, des Pescomodys et des Premières nations innues qui vivent sur leurs territoires traditionnels qu'on appelle maintenant le Canada atlantique, la Gaspésie au Québec et le sud-est du Maine aux États-Unis. Notre organisme a pour mandat de chercher, d'analyser et d'élaborer des solutions de rechange aux politiques fédérales qui ont une incidence sur ses Premières nations membres.

Le régime électoral prévu dans la Loi sur les Indiens, qui s'applique toujours à la majorité de nos membres des Premières nations, a eu une profonde incidence sur la manière dont nos sociétés se sont traditionnellement gouvernées elles-mêmes. Il a supplanté notre autorité inhérente en tant que chefs et porté atteinte à nos traditions, à notre culture et à nos systèmes de croyances. Il ne reflète pas nos besoins et nos aspirations, et il n'a pas non plus évolué au même rythme que les principes des gouvernements modernes et responsables.

Il est d'opinion courante que le mandat de deux ans des membres des conseils de Première nation qui tiennent leurs élections en vertu de la Loi sur les Indiens restreint la capacité de ceux-ci de gérer le gouvernement des Premières nations et d'agir au mieux des intérêts de tous les citoyens à long terme. Le court délai fait obstacle à l'engagement de substantiels investissements commerciaux et à l'établissement de relations d'affaires, à la planification et à la mise en oeuvre à long terme, de même qu'au renforcement de la responsabilisation continue d'un régime de gouvernance acceptable qui sert les intérêts à long terme de tous les citoyens des Premières nations.

Le mandat de deux ans prévu dans le régime électoral actuel de la Loi sur les Indiens a des limites et des conséquences considérables, notamment les suivantes : les chefs et les conseils élus, plus précisément ceux qui sont nouveaux, ne disposent pas du temps requis ou n'ont pas la possibilité de connaître leurs rôles et leurs responsabilités ainsi que le contexte dans lequel ils assument leurs tâches; les chefs et les conseils n'ont pas suffisamment de temps pour élaborer des plans stratégiques ou communautaires, mettre en oeuvre des mesures et évaluer le rendement par rapport aux objectifs; des élections fréquentes empêchent la stabilité et la régularité qui sont essentielles à la bonne gouvernance, en plus d'être coûteuses et de perturber considérablement les activités et la prestation de programmes et de services; il est difficile d'attirer des entreprises extérieures ou d'autres investissements, ce qui entraîne une perte de débouchés économiques opportuns et ébranle la confiance des membres à l'égard de leurs dirigeants; aucune disposition ne concilie les intérêts des membres habitant sur la réserve et de ceux habitant à l'extérieur de la réserve; enfin, le processus de nomination est peu structuré, et peu de conditions encadrent l'éligibilité d'un candidat à une élection en vertu de la Loi sur les Indiens.

À la fin de mon mandat, j'aurai été chef pendant 26 ans. Je connais l'animosité qu'éprouvent les chefs à l'égard de la tenue d'élections aux deux ans. Après le déclenchement des élections, il faut six mois pour se mettre en mode électoral, et, après, il faut six mois pour s'en remettre. Au bout du compte, nous ne gouvernons réellement que pendant un an. Compte tenu du fait que les Premières nations possèdent maintenant la capacité de se lancer en affaires et d'entreprendre des projets de développement économique, nous devons prolonger le mandat des chefs et des conseillers de manière à pouvoir atteindre nos objectifs.

Un comité du CCPNA travaille à l'élaboration d'un modèle qui, nous l'espérons, sera jugé acceptable par nos citoyens, les Micmacs, les Pescomodys et les Malécites de la région de l'Atlantique. Nous savons que nous aurons de la difficulté à faire accepter à notre peuple l'idée de faire passer de deux à quatre ans, ou même seulement à trois ans, la durée du mandat. Nous savons que nous devrons tenir un référendum et consulter nos membres pour savoir quelle voie ils veulent prendre et pour obtenir leur assentiment. Des Premières nations ont tenu un référendum, et certaines ont choisi de s'en tenir à un mandat de deux ans, alors que d'autres ont signifié leur désir d'instaurer un mandat de quatre ans. J'imagine qu'il revient aux dirigeants, c'est-à-dire aux chefs et aux conseils, d'expliquer à leur peuple pourquoi il faut porter à quatre ans la durée du mandat et en quoi cela permettra de régler certains problèmes des Premières nations.

Je remercie les sénateurs ici présents de prendre le temps d'écouter nos exposés. Il est essentiel que les sénateurs présentent nos recommandations au gouvernement du Canada au moment précis où nous sommes en train d'élaborer un nouveau régime électoral. J'aimerais obtenir l'approbation, la confiance et le soutien du Sénat. Comme je l'ai toujours dit depuis que je suis devenu chef, le développement économique et l'éducation sont les bouées de sauvetage de notre peuple, aujourd'hui et pour l'avenir. Je fais campagne depuis des années pour mettre cette idée de l'avant. J'ai déjà dit que nous avions besoin de la collaboration de toutes les administrations, à l'échelon tant fédéral, provincial que municipal, pour atteindre nos objectifs dans le secteur du développement économique et de la libre entreprise.

Dans le secteur de l'éducation postsecondaire, nous avons un bon dossier. Nos gens, surtout les jeunes, prennent conscience du fait qu'ils doivent acquérir des compétences solides, que ce soit en menant des études dans le système collégial ou en suivant une formation professionnelle. Bon nombre de nos plus jeunes gens veulent à présent bénéficier d'un meilleur niveau de vie, et ils suivent les bonnes études et obtiennent des diplômes de manière à pouvoir intégrer la population canadienne générale et, à un moment ou à un autre, acquérir leur propre indépendance. Le principal objectif des chefs et des conseils est de libérer nos peuples du joug de la dépendance. Cela prendra encore un peu de temps. Je me souviens de l'époque où Ellen Fairclough était ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien dans le gouvernement du Premier ministre John Diefenbaker. J'étais membre d'un conseil de bande dans ce temps-là. Mme Fairclough m'avait demandé de lui dire si je croyais que, dans 20 ans, les peuples autochtones seraient autonomes. Je lui ai répondu qu'il faudrait attendre de nombreuses années avant d'atteindre cet objectif et que, à cette fin, nous avions une kyrielle de choses à mettre en place.

Je suis très fier des peuples autochtones et des efforts qu'ils ont déployés en matière de libre entreprise, de développement économique et d'éducation. Un jour, nous occuperons la place qui nous revient de plein droit au sein de la société canadienne. Avant d'en arriver là, nous devons pouvoir compter sur la collaboration des administrations fédérale, provinciale et municipale. Un jour, nous y arriverons. Au nom du CCPNA, je remercie de nouveau les sénateurs d'avoir écouté mon exposé.

Chef Noah Augustine, coprésident, Secrétariat du Congrès des chefs des Premières nations de l'Atlantique : Bonjour, membres du comité. Je suis originaire du plus ancien village du Nouveau-Brunswick, Metepenagiag, situé sur les rives de la rivière Miramichi, dans le nord du Nouveau-Brunswick. La communauté vit sur les rives de la rivière Miramichi depuis 3 000 ans. Je suis le petit-fils du regretté Joe Mike Augustine, et l'arrière petit-fils de John Augustine, qui ont tous deux été chefs élus du village de Metepenagiag. Comme ils l'ont fait avant moi, je suis venu ici, à Ottawa, pour exprimer la crainte de mon peuple. Je représente ma communauté, mais également le CCPNA dont je suis le coprésident, et l'Union des Indiens du Nouveau-Brunswick, dont je suis le président. Le message que je veux vous transmettre aujourd'hui a deux volets : d'une part, je veux vous faire part de mon opinion personnelle, qui est fondée sur l'expérience que j'ai acquise à titre de chef au cours des cinq dernières années, et, d'autre part, je veux exprimer le point de vue des autres chefs du Nouveau-Brunswick et des chefs de la région de l'Atlantique.

Commençons par mes opinions personnelles. Comme je l'ai mentionné, je suis chef depuis cinq ans, et je me prépare en vue de ma quatrième campagne électorale. Au cours des cinq dernières années, j'ai vu ma communauté être divisée à trois occasions. J'ai vu des familles s'entre-déchirer. J'ai vu des frères se battre entre eux, j'ai vu des pères désavouer leur fils, j'ai vu des familles foudroyées par des suicides. Le comité doit comprendre que cette perturbation régulière de notre vie communautaire a des conséquences bien plus graves qu'une simple instabilité gouvernementale ou que le simple amenuisement de nos espoirs d'essor économique. Il s'agit à proprement parler d'une question de vie ou de mort.

Si j'ai évoqué le suicide, c'est parce qu'il s'agit d'une réalité, et je vais vous expliquer de quoi il retourne. Comme une pléthore de communautés des Premières nations, ma communauté a une population pouvant être qualifiée de petite à moyenne; elle compte environ 600 personnes. Tout le monde se connaît. Toutes les familles sont liées les unes aux autres, que ce soit par le mariage, des amitiés de longue date, ou le simple fait d'avoir grandi à proximité les unes des autres. Puisque le bureau du conseil de bande constitue la principale — et parfois la seule — source d'emploi, des gens qui entretiennent des liens étroits sont constamment en lutte en vue d'obtenir un poste de pouvoir. La tenue d'élections aux deux ans fait en sorte que les familles sont continuellement divisées et que les émotions ont tendance à s'exacerber. Les enjeux électoraux sont de la plus haute importance, parce qu'ils concernent le gagne-pain des gens — c'est pourquoi le taux de participation aux élections est si élevé, à peu près 95 p. 100. Les gens ont pris l'habitude de se battre entre eux et de tenter de se nuire les uns les autres pour accéder aux postes de pouvoir les plus convoités, à savoir chef et conseiller. Après chaque élection, la communauté parvient, dans une certaine mesure, à panser ses plaies, mais la guérison n'est jamais complète puisque, comme vous le savez, une autre élection surviendra sous peu.

La tenue d'élections aux deux ans a pour conséquence d'échauffer les esprits au sein des communautés autochtones. En ma qualité d'ancien formateur dans le domaine de la prévention du suicide, métier que j'ai exercé dans une kyrielle de Premières nations du Canada, je peux vous dire qu'une communauté instable, où les émotions sont exacerbées et à fleur de peau et en proie à des tensions constantes en raison des divisions continuelles est une communauté où le taux de toxicomanie sera élevé et où les comportements suicidaires seront fréquents. Cela doit cesser.

Le problème est grave, car même si mon peuple veut se débarrasser de son taux élevé de toxicomanie et de comportements suicidaires, il ne parvient pas à le faire puisque la Loi sur les Indiens a favorisé l'instauration d'une culture de dépendance, une culture qui est si profondément ancrée qu'elle enlève toute force à nos hommes les plus forts. Les gens de mon peuple ont souffert si longtemps sous le poids de l'oppression exercée par la Loi sur les Indiens qu'ils n'ont même plus la force nécessaire pour s'en affranchir. J'ai consulté les membres de ma communauté, et la majeure partie d'entre eux souhaitent conserver un régime d'élection aux deux ans parce que c'est le régime qu'ils connaissent, et cela, même si on leur donnait l'occasion de passer à un régime d'élections aux quatre ans.

Au fil des décennies, on les a programmés, comme des robots auto-destructeurs, pour qu'ils se fassent du mal les uns les autres, encore et encore, tous les deux ans. Vous croyez peut-être que j'exagère, mais si vous veniez passer deux mois dans ma réserve juste avant la tenue d'une élection, vous comprendriez probablement ce que j'essaie de vous dire. Si vous pouviez voir l'inquiétude qui se lit dans les yeux de nos aînés, entendre une mère pleurer parce que sa famille est divisée ou être témoin d'une scène où on oblige une jeune enfant à ne plus s'adresser à son cousin pour des raisons politiques, vous constateriez que tout ce que je vous raconte est bien réel.

Nous ne pouvons pas nous passer d'élections, car nous sommes un peuple démocratique, mais la tenue d'élections aux deux ans a des répercussions très négatives sur notre communauté. Je connais peu d'autres administrations dans le monde qui disposent d'un régime électoral comme celui qui est en vigueur dans nos réserves. Les Canadiens ne toléreraient jamais cela, et je sais que les gens du Nouveau-Brunswick ne le toléreraient pas, mais il semble que cela soit convenable pour nous, les Indiens.

Vous devriez entendre ce que disent à propos de leur communauté les plus jeunes gens de ma communauté, les gens scolarisés, les chanceux qui ont réussi à quitter la communauté. Il n'existe aucun sentiment de fierté. Dès le moment où ils prennent conscience du fait qu'il existe un autre mode de vie à l'extérieur de la communauté, souvent, ils ne veulent pas revenir dans la réserve. Et pourtant, nos communautés ont désespérément besoin de ces personnes scolarisées, qui deviennent des agents de la GRC, des médecins, des avocats, des pharmaciens ou des propriétaires d'entreprise. Mais il y a tant d'obstacles au sain développement de nos communautés, et le système de réserve a été paralysé à un point tel par la Loi sur les Indiens, qu'ils ne veulent pas revenir chez eux et élever leurs enfants dans un tel environnement. En tant que chef d'une communauté des Premières nations, cela me trouble. Je m'inquiète souvent pour mes propres enfants. Tous les parents veulent ce qu'il y a de mieux pour leurs enfants.

Personnellement, j'ai la ferme conviction que l'obstacle le plus fondamental au sain développement de nos communautés est le régime électoral d'élections aux deux ans. Cela entraîne une instabilité au chapitre de la gouvernance, et il est impossible de faire progresser une économie sans un gouvernement stable. Cela fait peur aux investisseurs. J'ai vu de nombreux projets être mis en veilleuse en raison d'une élection. Si nos communautés sont si endettées, c'est notamment parce qu'elles sont continuellement en mode électoral. Cela a une incidence négative sur la planification à long terme au sein des communautés puisque les politiciens des Premières nations ne peuvent pas dépasser un horizon de deux ans, à savoir le moment où la prochaine élection aura lieu. Ce n'est pas de leur faute. Je ne les blâme pas d'agir ainsi. Nous agissons ainsi parce que c'est comme cela qu'on nous a dit d'agir.

Lorsque je pense à la Loi sur les Indiens, je sens la colère monter en moi. Notre régime électoral est le symptôme d'un problème de plus grande ampleur — le problème, c'est ce texte législatif, la Loi sur les Indiens. Chaque fois que les chefs et les conseillers tentent de faire quelque chose pour stimuler leur communauté, la Loi sur les Indiens leur met des bâtons dans les roues, que ce soit au chapitre de l'administration et de l'affermage des terres, des ajouts aux réserves, des référendums liés aux revendications territoriales, du logement fondé sur le marché ou de la conversion d'immobilisations en capital productif. La liste est longue.

Je trouve frustrant qu'il soit nécessaire que je vienne ici, à Ottawa, pour vous dire que la Loi sur les Indiens nuit au développement communautaire. Cela est évident. J'ai rencontré l'actuel ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, et je lui ai dit la même chose que j'ai déjà dit aux maintes personnes qui l'ont précédé dans ce poste : il faut simplement apporter une légère modification à la Loi sur les Indiens et faire passer de deux à quatre ans la durée du mandat des chefs. Il n'y a aucune raison d'en faire tout un plat.

J'ai toujours craint que le gouvernement en place se borne à exprimer la volonté de faire quelque chose sans passer de la parole aux gestes; j'ai toujours craint que le ministre ou le gouvernement ne décide de refiler la patate chaude au ministre ou au gouvernement suivant. Je reconnais que les élections selon la Loi sur les Indiens soulèvent d'autres préoccupations, mais le plus urgent, c'est de modifier la durée du mandat. Au lieu de cela, nous sommes livrés aux caprices des gouvernements successifs, qui se bornent à rabibocher une chose qui pourrait ne jamais finir par se concrétiser.

Je n'ignore pas que, pour vous, membres du Comité sénatorial des peuples autochtones, le fait d'être là et de m'écouter exprimer mes craintes et mes frustrations n'est qu'une petite partie de votre travail. Toutefois, pour moi, il en va de ma vie, de ma communauté et de l'avenir de ma communauté. En tant que chef, je ne peux pas me permettre de rentrer tranquillement chez moi et de me détendre. Lorsque je reviens dans ma communauté, je vois le chaos. Je vois la misère et je souffre, et, pendant ce temps, le système parlementaire continue de faire du rafistolage, comme si nous n'étions qu'un jouet brisé, ne s'intéressant à nous que de temps à autre, lorsque l'envie lui en prend. C'est mon opinion. Je vous demande de m'excuser si mes propos vous ont offensés, car là n'était pas mon objectif. Je veux simplement être honnête et vous dire à quel point nous nous sentons coupés du Canada en des temps comme celui-ci. Nous sommes au XXIe siècle, et nous sommes au Canada, mais vous n'auriez pas cette impression si vous viviez dans une réserve.

Au nom de mes collègues des organisations politiques que je représente, je dois vous informer des travaux que nous avons effectués à ce jour en ce qui a trait à la réforme du régime électoral selon la Loi sur les Indiens. Les chefs de la région de l'Atlantique ont constitué un groupe de travail et un comité technique régional en vue d'étudier et d'examiner la réforme sur la Loi sur les Indiens et de mener des discussions sur cette question dans la région de l'Atlantique. Les réformes législatives que nous proposons au gouvernement fédéral peuvent être considérées comme une étape provisoire avant que des ententes ne soient négociées avec les gouvernements autonomes, et elles ne s'appliqueraient pas aux Premières nations qui ont déjà adopté et mis en place dans leur communauté un régime électoral coutumier.

Notre région compte 35 Premières nations micmaques et malécites; de ce nombre, 27 tiennent leurs élections selon la Loi sur les Indiens, et les huit autres, selon leur régime électoral coutumier. Étant donné que plus de 77 p. 100 de nos Premières nations tiennent leurs élections selon la Loi sur les Indiens — il s'agit du taux le plus élevé au Canada —, une réforme législative aurait des répercussions importantes et immédiates sur la stabilité et la gouvernance des Premières nations de notre région. Parmi les aspects de la loi qui font l'objet de notre examen actuel, mentionnons la prolongation à quatre ans de la durée du mandat de deux ans, l'établissement d'un équilibre entre les membres vivant dans la réserve et les membres hors-réserve, la nomination des agents d'élection, la notification des électeurs, les mises en candidature, l'éligibilité des candidats, les bulletins de vote postal, la procédure de vote, les infractions et les sanctions, le mécanisme d'appel actuel et la mise en place d'un mécanisme d'appel de rechange et l'instauration d'un mécanisme de révocation. À ce jour, on a mobilisé les conseillers et les chefs élus, des conseillers techniques et juridiques et des membres de la bande par le truchement d'un vaste processus de participation.

Certaines préoccupations soulevées à ce jour concernent le désir de nombreuses Premières nations de porter à quatre ans la durée du mandat. Il convient de souligner qu'un grand nombre de personnes, y compris certains chefs, continuent de privilégier le mandat d'une durée de deux ans. Ces personnes croient que la tenue d'élections aux deux ans permet de s'assurer que les élus bénéficient du soutien continu des électeurs. Il est nécessaire de mettre en place un meilleur processus d'appel, ce qui comprend la création d'un tribunal d'appel indépendant. D'aucuns ont proposé d'envisager l'instauration d'un scrutin par voie électronique. Les bulletins de vote postal — et leur falsification éventuelle — soulèvent des préoccupations. Il faut également établir un régime de sanctions pour pénaliser les infractions qui portent atteinte au nouveau processus électoral. Par ailleurs, les communautés souhaitent choisir elles- mêmes les mécanismes permettant de déterminer les intérêts des membres vivant hors-réserve. De nombreuses communautés proposent l'instauration de périodes de mises en candidature plus courtes, de déclarations de mises en candidature et de procédures officielles d'acceptation. En outre, quelques communautés ont suggéré qu'une option de non-participation soit prévue puisque quelques Premières nations pourraient choisir de ne pas être assujetties au nouveau régime.

Nous avons même créé une page web sur le site Facebook — que je ne prise pas particulièrement — où les gens qui veulent discuter de ces questions peuvent le faire. En date d'hier, notre groupe sur le site Facebook comptait 467 membres, qui font part de leurs commentaires précieux et diversifiés quant à la manière dont les Premières nations doivent s'y prendre pour tenir compte des besoins de tous leurs membres et établir un équilibre entre les besoins des membres vivant dans la réserve et ceux vivant à l'extérieur de la réserve. L'opinion selon laquelle le système de scrutin postal constitue un cauchemar administratif et prête trop aisément le flanc à la corruption fait l'unanimité, et l'idée selon laquelle il est nécessaire pour les Premières nations de mettre en place leur propre régime électoral semble rallier tous les suffrages. En outre, d'aucuns ont proposé qu'une politique en matière de conflit d'intérêts soit adoptée en ce qui concerne la sélection des agents d'élection.

L'une des principales préoccupations que nos recherches ont mises en évidence touche à la perception selon laquelle un mandat plus long limitera la possibilité des dirigeants de rendre des comptes aux membres de leur communauté. Certaines personnes ont laissé entendre que le mandat de deux ans a pour objectif d'assurer la responsabilisation politique, et d'autres ont soutenu que nous devrions informer les membres de nos communautés des avantages de la prolongation de la durée du mandat et des désavantages du régime actuel, qui tiennent aux coûts des élections, à l'instabilité et à l'impossibilité de planifier à long terme. Une autre préoccupation importante que nous avons relevée concerne la nécessité de créer un mécanisme de révocation de façon à ce que les membres de la communauté puissent remplacer les dirigeants élus si elle le juge nécessaire.

D'après les résultats d'un sondage mené récemment dans le cadre de l'assemblée générale annuelle des chefs et des conseillers du CCPNA, une proportion de 83 p. 100 des répondants ont indiqué qu'ils étaient prêts à faire porter de deux à quatre ans la durée du mandat, une proportion de 72 p. 100 des répondants veulent que la présentation d'une demande écrite et de documents d'identité soit obligatoire aux fins de l'obtention d'un bulletin de vote postal, une proportion de 97 p. 100 des répondants veulent qu'une liste précise d'infractions électorales et un régime de sanctions connexes soient créés, de manière à ce que les contrevenants puissent faire l'objet de poursuites, et, enfin, une proportion de 86 p. 100 des répondants veulent qu'un tribunal indépendant soit mis sur pied pour instruire les appels interjetés aux termes de la Loi sur les Indiens. Ce tribunal prendrait la place d'Affaires indiennes et du Nord canadien, l'AINC, mais le ministre prendrait la décision finale.

Nous avons bon espoir que, d'ici janvier 2010, date à laquelle la présente phase de notre travail sera terminée, nous nous serons entendus sur un nouveau modèle législatif souple et facultatif modifiant le régime électoral selon la Loi sur les Indiens auquel seront assujettis les gouvernements des Premières nations micmaques et malécites de l'Atlantique et du Québec, et que ce modèle permettra au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien d'entreprendre un processus de rédaction d'un projet de loi à l'appui de notre approche. Nous devons poursuivre notre travail, et nous vous transmettrons notre rapport final dès qu'il aura été parachevé et que nos chefs l'auront approuvé.

Cela met fin à notre exposé. Au nom du Congrès des chefs des Premières nations de l'Atlantique et de l'Union des Indiens du Nouveau-Brunswick, mon collègue, le chef Lawrence Paul et moi-même serons heureux de répondre à toute question que vous voudrez bien nous poser.

Le président : Merci, chef. Plusieurs sénateurs ont des questions à poser, mais je me permettrai de poser la première.

Le sénateur Sharon Carstairs, du Manitoba, vient de se joindre à nous. Le sénateur Carstairs était initialement un sénateur de la Nouvelle-Écosse.

Messieurs, ma question s'adresse à chacun d'entre vous : que peut faire le gouvernement fédéral pour aider votre groupe de travail à atteindre ses objectifs? Avez-vous des recommandations précises à formuler au gouvernement?

Messieurs, je suis fier de dire que le comité fonctionne à présent de façon non partisane. Notre objectif principal consiste à servir le groupe d'intérêt auquel nous avons été appelés à nous intéresser, à savoir les peuples autochtones du Canada. Quiconque veut poser une question peut le faire — il n'y a aucun ordre préétabli à cette fin.

Nous aimerions que vous nous fournissiez des indications. Il est important que vous nous disiez exactement ce dont vous avez besoin — non pas toute la gamme de vos besoins, mais si vous le pouvez, quelques éléments précis.

M. Augustine : Merci de votre question. J'ai toujours suggéré l'adoption d'un simple projet de loi modifiant la Loi sur les Indiens de manière à ce que la durée du mandat passe de deux à quatre ans. Un point c'est tout. Il n'y a pas de quoi en faire tout un plat. Modifiez simplement la loi.

Si vous rouvrez la loi, entreprenez le processus de consultation et commencez à examiner toutes les autres questions, le danger, c'est que nous soulevions une nouvelle série de questions remontant au projet de loi de 2003 sur la gouvernance des Premières nations. Vous vous souvenez de ce qui s'est produit : les chefs n'ont pas appuyé ce projet de loi en raison de toutes les nouvelles idées qui y étaient présentées.

Faites tout simplement passer la durée du mandat de deux à quatre ans au moyen du projet de loi le plus bref possible.

Le président : Voulez-vous dire porter la durée du mandat à quatre ans ou à un maximum de quatre ans?

M. Augustine : Jusqu'à un maximum de quatre ans.

Le président : Vous voulez qu'on donne le choix aux Premières nations de passer à un mandat de trois ou de quatre ans. Est-ce exact?

M. Augustine : Oui. Au départ, les chefs de la région de l'Atlantique voulaient que la durée du mandat passe de deux à quatre ans. Ce qui m'inquiétait, c'est l'éventualité que le gouvernement en place à ce moment-là verse du financement à nos organisations politiques pour qu'elles puissent étudier la question. Étudier la question ne permet pas de trouver une solution : cela sert uniquement à la différer. Modifiez la loi pour faire en sorte que la durée du mandat passe de deux à quatre ans, tout en étant conscient du fait que d'autres questions entourant les élections selon la Loi sur les Indiens doivent être réglées.

Cependant, si vous décidez d'examiner toutes ces autres questions, vous devez demander aux communautés de tenir un vote. J'ai mené un sondage dans ma communauté, et près de 80 p. 100 des membres sont favorables à la tenue d'élections aux deux ans. Je comprends très bien pourquoi. Nous vivons dans une culture de dépendance, et on ne peut pas s'attendre à ce que des gens qui vivent depuis des décennies dans un tel système pensent autrement. Ils veulent des élections aux deux ans parce qu'on les a habitués à un tel régime. En outre, dans un tel régime, nous sommes continuellement en campagne électorale, et il s'agit du seul moment où les peuples des Premières nations ont l'impression que l'ensemble des membres de leur communauté peuvent s'exprimer véritablement et équitablement. Ils veulent des campagnes électorales aux deux ans parce qu'ils sont accoutumés à un tel régime, mais cela nuit à l'essor de nos communautés.

Nous voulons simplement modifier la loi. Toutefois, nous sommes actuellement engagés dans un processus qui exige que nous étudiions toutes sortes d'autres questions. C'est la raison pour laquelle nous sommes présents ici aujourd'hui.

Le sénateur Sibbeston : Je veux remercier les chefs de l'exposé qu'ils nous ont présenté aujourd'hui. J'ai été particulièrement sensible à l'exposé direct et informatif du chef Augustine. Cela me fait prendre conscience du fait que, parfois, le gouvernement doit tout simplement agir. Comme vous l'avez dit plus tôt, la situation est évidente.

Je comprends pourquoi, au départ, la Loi sur les Indiens prévoyait des élections aux deux ans. Il s'agissait pour le gouvernement de mettre en place un régime électoral officiel dans les communautés autochtones de toutes les régions du pays. Au fil du temps, ce régime a pu atteindre ses objectifs, mais, à présent, il ne répond plus aux besoins des gens. Comme vous l'avez souligné, certains membres des Premières nations demeurent en faveur de ce système de dépendance — ils sont habitués aux élections aux deux ans, et ils veulent conserver ce régime.

Je suis d'accord pour dire que, en l'occurrence, le gouvernement doit tout simplement modifier la Loi sur les Indiens. À cet égard, le Sénat doit présenter des recommandations convaincantes au gouvernement. En ce qui a trait à la durée du mandat, nous devrions simplement apporter la légère modification que vous proposez de manière à ce que les bandes puissent instaurer un mandat d'une durée maximale de quatre ans. J'espère que nous pourrons présenter cette recommandation.

Une fois ces modifications apportées, une kyrielle d'autres facteurs entrent en ligne de compte, par exemple les dispositions relatives aux appels. Nous privilégions la création d'un organisme indépendant qui s'occuperait de ces questions. Le processus actuel, administré par AINC, n'est pas très fonctionnel — il est très contraignant et laborieux. Il faut créer un organisme indépendant qui puisse instruire les appels.

Je suis heureux de voir le chef Lawrence Paul. Notre comité a eu l'occasion de se rendre dans votre région il y a un certain nombre d'années. Je suis allé vous voir personnellement. Vous avez été très accueillant et m'avez montré la réserve, l'endroit où les gens vivent et les entreprises que la bande avait mises en branle. Voir la création d'entreprises que vous et votre bande mettez en oeuvre était très impressionnant. Merci d'être venu présenter un exposé. Nous allons essayer de réagir véritablement à ce que vous dites aujourd'hui.

Le président : Je me souviens de votre exploitation aquicole. J'espère que cela marche, monsieur Paul.

M. Paul : Oui, nous avons des petits correctifs à apporter, par exemple pour la filtration du système, mais c'est faisable.

Le sénateur Stewart Olsen : Merci d'avoir présenté cet exposé. Je vous en sais gré. Je fais mes tout premiers pas au comité, et je vous prie donc d'être indulgent avec moi.

Monsieur Augustine, je comprends ce que vous dites quand vous dites que vos propres gens ne souhaitent pas de changement. Comment envisageraient-ils un mandat de quatre ans? J'entends deux choses différentes : nous parlons d'un mandat allant jusqu'à quatre ans, mais vous avez dit très clairement qu'il faudrait que ce soit quatre ans.

Ottawa se retrouve en mode électoral tous les deux ans, depuis un certain temps. Je saisis donc ce que vous dites quand vous parlez du fait d'être toujours en campagne. Après un certain temps, on se lasse vraiment d'être toujours en campagne sans pouvoir s'attacher à ce qui se passe au pays.

Est-ce qu'il serait plus facile de persuader les gens de l'utilité d'un mandat de quatre ans s'il y avait le mécanisme de révocation, pour rassurer les gens? Pour accompagner votre modification, envisageriez-vous la révocation pour convaincre les gens qui ne sont pas tout à fait sûrs?

M. Augustine : Au départ, je n'étais pas en faveur d'un mécanisme de révocation. Je croyais que les gens allaient en profiter et s'en prévaloir trop souvent. Toutefois, par souci de compromis et sachant que cela cause beaucoup d'agitation, j'ai révisé ma position. L'idée de modifier le mandat n'est pas appuyée à 100 p. 100. Je vous ai dit que j'ai sondé les membres de ma collectivité; ce sont presque 80 p. 100 des gens qui sont en faveur d'un mandat de deux ans. Si on instaurait un mécanisme de révocation, les gens dubitatifs accepteraient peut-être de laisser la chance au coureur. Si c'est ce qu'il faut pour changer cela, je suis prêt à appuyer le mécanisme de révocation.

Le sénateur Stewart Olsen : Du point de vue de la communication, je crois que vous seriez mieux placé pour persuader vos gens de cela. Monsieur Paul, êtes-vous d'accord?

M. Paul : Nous avons discuté du mécanisme de révocation et nous croyons qu'il vaudrait peut-être mieux l'adopter plus tard. L'enjeu principal, en ce moment, c'est de convaincre les gens d'appuyer le passage du mandat de deux ans au mandat de quatre ans.

Certaines des dispositions législatives qui se trouvent dans la Loi sur les Indiens feront partie du modèle du CCPNA, j'imagine. Il y a un article qui demeurerait : si vous êtes condamné pour avoir commis un acte criminel, vous devez démissionner immédiatement du poste de chef ou du conseil. Cela serait ajouté à notre modèle. Monsieur le président, je dois m'excuser d'avoir omis la page 6 dans mon mémoire.

Le président : C'était la page la plus importante, n'est-ce pas? Voulez-vous nous parler de la page 6?

M. Paul : Oui.

Le président : Vous êtes l'invité, alors allez-y.

M. Paul : Au-delà de la limite de deux ans imposée au mandat, le régime électoral découlant de la Loi sur les Indiens présente d'autres difficultés, par exemple le fait qu'il n'y ait pas de financement particulier qui soit prévu pour que les bandes puissent tenir des élections tous les deux ans. Le processus d'appel long, opaque et inefficace faisant appel à AINC, qui exige souvent 12 à 18 mois, sur un mandat de 24 mois, avant d'aboutir, ne répond pas aux principes de la justice naturelle en matière d'équité et d'impartialité. Nous organisons un scrutin postal qui est ouvert aux abus sans que des sanctions soient prévues en cas de transgression des règles électorales. En ce moment, pas dans la région de l'Atlantique, mais partout au Canada, il semble que les appels aient trait au processus de scrutin postal, qui ouvre tant la porte aux abus.

Je sais qu'il y a un de nos membres à nous qui est à l'origine d'un appel où il est question du vote postal. Je crois que ce sera un problème à l'avenir. D'une façon ou d'une autre, nous devons resserrer les règles entourant le vote par correspondance pour nous assurer d'en exclure les possibilités de fraude. Les diverses Premières nations de tout le Canada vont continuer à faire appel des résultats électoraux si les dispositions législatives réglementaires en matière de vote postal en dehors des réserves ne sont pas resserrées.

Voilà la partie du mémoire que j'ai oubliée, monsieur le président.

Le sénateur Stewart Olsen : Lorsque vous aurez mis la dernière main à ce rapport en 2010, dans les cas des membres de la région de l'Atlantique, allez-vous le présenter à vos gens et au ministre des Affaires indiennes et du Nord? Quelle est la démarche prévue une fois le rapport achevé? Allez-vous devoir obtenir l'approbation du reste du pays pour apporter des modifications? Est-ce une solution valable pour tous ou s'agit-il d'appliquer une mesure adoptée par les conseils de l'Atlantique?

M. Paul : J'ai parlé au ministre Strahl. Le Manitoba a entamé des discussions là-dessus. Selon le ministre, si nous devions aller de l'avant et modifier le processus électoral prévu dans la Loi sur les Indiens, nous pourrions le faire dans la région de l'Atlantique chez les Micmacs et les Malécites. Nous mentionnons les Pescomodys parce qu'ils étaient partie aux traités, même s'ils vivent de l'autre côté du 38e parallèle, aux États-Unis, et qu'ils ne sont pas domiciliés au Canada à proprement parler en ce moment.

Nous avons proposé d'apporter à la Loi sur les Indiens des modifications qui, selon nous, profiteraient à nos gens. Par exemple, selon la démarche existante, nous affichons les candidatures proposées, attendons 30 jours, puis choisissons les candidats. Ensuite, nous attendons 42 jours avant de tenir le scrutin. C'est une longue période en mode électoral, et ça perturbe beaucoup le travail du chef et du conseil. Comme mon coprésident l'a dit, c'est le frère opposé au frère, la soeur opposée à la soeur, le cousin opposé au cousin, étant donné que les Autochtones prennent les élections très au sérieux. Nous allons probablement intégrer à notre modèle un mécanisme qui a trait à la proposition de candidatures aux postes de chef et de conseiller. Dans une petite Première nation, ce sont 60 ou 70 personnes qui peuvent briguer une place au conseil et six à huit personnes qui souhaitent devenir chef. Proposer un si grand nombre de candidatures au poste de conseiller ou de chef nous fait paraître ridicules. Dans la Première nation Milbrook, nous avons essayé d'appliquer une pénalité. Quiconque brigue le poste de chef doit verser 250 $ s'il n'obtient pas 50 p. 100 des voix; pour les conseillers, c'était 100 $ pour les conseillers. Les gens se sont révoltés contre l'idée. Certains auraient les moyens de s'en tirer, mais bon nombre de personnes, vivant de l'assistance sociale, n'en auraient pas les moyens.

D'une façon ou d'une autre, nous devons resserrer cet élément-là aussi. Quiconque brigue le poste de conseiller ou de chef devra déposer une certaine somme d'argent; cela permettra de réduire le nombre de candidats. Lorsqu'il y a 60 personnes qui cherchent à se faire élire au conseil au sein d'une petite Première nation, nous n'avons pas l'air d'avoir toutes nos facultés; nous devons donc changer cela. Je n'y ai pas été par quatre chemins; j'ai dit ce que je pense.

Le président : Cela n'a jamais été une faiblesse de votre caractère, monsieur Paul, ce que je comprends depuis la première fois où je vous ai vu.

M. Augustine : Une fois le rapport terminé, il sera renvoyé pour examen au CCPNA, de même, il sera transmis à l'AINC et au ministre. Nous allons également afficher les résultats de l'étude sur notre site Web.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Bienvenue, MM. Paul et Augustine. Je suis déçue de ne pas voir de femme malécite assise à vos côtés aujourd'hui. Votre étude a-t-elle été financée par le gouvernement fédéral?

M. Paul : Oui, le gouvernement fédéral finance le CCPNA.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Que pensez-vous de l'idée d'élections tenues le même jour?

M. Paul : Je peux seulement vous dire qu'il nous faut un changement. Je ne dirai rien de plus.

M. Augustine : À propos d'un scrutin tenu à une date commune, nous en avons discuté longuement à l'assemblée qui réunit tous les chefs et tous les conseils. Les gens sont nombreux à être en faveur de cela. Ce serait une façon de s'assurer que les collectivités autochtones sont plus en vue. Je crois que le chef national est venu témoigner au moment où il était chef régional pour la Colombie-Britannique. Il a parlé de l'idée de tenir des élections à une même date, en même temps que l'élection du chef national. Il y a des appuis généraux en faveur de cela. Le seul souci, ce semble être la logistique de l'affaire; disposons-nous d'un personnel électoral suffisant pour prendre en charge la région? Dans la seule province du Nouveau-Brunswick, il y a 15 Premières nations; dans la région de l'Atlantique, il y en a plus de 35. Ce sera beaucoup d'activités pour une seule et même journée. Si c'est possible et faisable, alors, assurément, nous appuierions la mesure.

Le sénateur Brazeau : Merci d'être venu nous voir ce matin.

Je dirai moi aussi que j'appuie M. Paul. Dans le métier précédent que je pratiquais, je suis allé souvent à Millbrook et, certes, l'accent que vous y mettez sur le développement économique a été source de croissance chez vous. Monsieur Augustine, nous avons eu le bonheur de nous rencontrer plusieurs fois par le passé et nous avons déjà eu des discussions intéressantes. Je serai le premier à l'admettre, vos remarques ne me choquent pas du tout. En réalité, vous faites mon bonheur aujourd'hui. Le moment est venu pour les chefs de dire qu'il faut abandonner la Loi sur les Indiens, mais comment le faire de façon responsable, ouverte et transparente? Les problèmes frustrants que vous avez décrits sont des choses que j'entends depuis 34 ans, comme membre d'une Première nation. Le hic, c'est de savoir comment en arriver à des solutions et commencer à appliquer les solutions pour que nous puissions faire avancer les choses.

Bon nombre des points que vous avez soulevés rappellent la loi sur la gouvernance des Premières nations, et, avec tout le respect que je vous dois, je dois dire que je ne suis pas d'accord avec la façon dont vous avez parlé des idées nouvelles qui se trouvent dans ce projet de loi. La loi sur la gouvernance des Premières nations visait à mieux responsabiliser les chefs face à leurs citoyens, sur le plan tant politique que financier. Grâce à elle, les collectivités elles- mêmes auraient eu la possibilité et l'occasion de fixer leurs objectifs quand il s'agit d'élire les dirigeants de la collectivité; elles auraient donc fixé le mandat, décidé du moment du scrutin et déterminé la façon dont il aurait lieu. La collectivité aurait eu son mot à dire dans le processus. La même chose s'applique aux codes relatifs à l'obligation de rendre compte. Cela a certainement permis de s'approcher du but visé, soit la réalisation d'une véritable autonomie gouvernementale. Vous savez autant que moi ce qu'il est advenu de ce projet de loi-là. Les chefs se sont levés et s'y sont opposés, en affirmant qu'il n'y avait pas eu de consultations. Personnellement, je ne suis pas d'accord avec cela. Il y a eu consultation et il y a eu une possibilité de consultation, mais les chefs ont rejeté justement cette possibilité-là.

J'espère que je ne vais pas vous choquer en exposant certaines de mes frustrations en tant que membre d'une Première nation. Quand le gouvernement essaie d'agir, que ce soit les libéraux ou les conservateurs, et que les chefs n'apprécient pas ce qui est proposé, c'est le jeu du blâme qui commence : on dit qu'il n'y a pas eu consultation ou que le gouvernement en place essaie d'imposer quelque chose aux gens des Premières nations. Quand le gouvernement n'agit pas, et vous avez affirmé plus tôt que vous vouliez porter votre mandat à quatre ans, cela devient très difficile.

Cela dit, en tant que parlementaire, j'aimerais que vous sachiez comment nous et le gouvernement du Canada pouvons vous aider vraiment à trouver une issue pour que nous puissions sortir de la Loi sur les Indiens. Je connais le système. Je vois les organismes : l'Assemblée des Premières nations, les organismes provinciaux et régionaux, l'Union of New Brunswick Indians, l'Atlantic Policy Congress, et vous êtes tous les deux respectés comme chefs de votre propre Première nation. Le gouvernement du Canada finance ici tous les niveaux différents qu'il y a. J'aimerais savoir comment vous travaillez ensemble, entre entités et entre collectivités, à concevoir un processus que vous allez présenter au gouvernement du Canada pour vous sortir de la Loi sur les Indiens et tourner votre regard vers un avenir plus viable où il y a moins de dépendance. Voilà ce qui me frustre. J'ai besoin d'entendre des solutions de la part des chefs; sinon, ce sera le jeu du blâme qui commencera.

M. Augustine : Je me rappelle de nos conversations; nous faisions des progrès, mais, avant, vous et moi, nous n'étions pas d'accord sur quelques points. Je suis heureux de savoir que nous en sommes venus à une entente sur certains points ici et je vous remercie de poser la question.

Pour ce qui est de la loi sur la gouvernance, nous savons tous que ça ne se résume pas à la seule question de la responsabilisation, mais permettez-moi de m'attacher à cette question-là. L'obligation de rendre compte ne pose aucun problème aux Premières nations. Un des soucis que nous avons en rapport avec les mesures que le gouvernement mettait en place en la matière, c'étaient les exigences en matière de rapport, même si, dans son rapport, la vérificatrice générale a déclaré que les Premières nations étaient inondées de papiers à remplir. Voilà une question sérieuse.

Le sénateur Brazeau : Si vous me permettez de vous interrompre, je reconnais ce qui a été dit dans le rapport de la vérificatrice générale, mais c'est autre chose que de parler de l'obligation de rendre des comptes au gouvernement du Canada, par rapport à l'obligation pour les dirigeants de Premières nations de rendre des comptes à leurs membres. La vérificatrice générale ne s'est pas penchée sur cette question-là.

M. Augustine : Voilà. Quant à l'obligation de rendre compte, en tant que chef de Metepenagiag, c'est probablement la question la plus importante à mes yeux. Ma communauté est chanceuse en ce moment. Nous sommes sur le point de générer des millions de dollars en revenus propres. Au Nouveau-Brunswick, nous sommes chanceux d'avoir conclu avec le gouvernement de la province un accord fiscal qui nous permet de percevoir 95 p. 100 des recettes de la taxe de vente provinciale sur toute activité économique générée sur le territoire des Premières nations. Aux côtés de la revendication territoriale de Metepenagiag et des obligations juridiques assumées au nom du Canada, nous faisons l'acquisition de terrains dans la région du Nouveau-Brunswick en étant tenus légalement de les convertir en terres de réserve. En ayant la main sur la taxe foncière, nous sommes équipés pour agir maintenant. Metepenagiag va avancer et générer des millions de dollars. Si nous procédons sans rendre de comptes, nous courons à la catastrophe. L'avenir se déroulera sous le signe de la controverse. Quant à moi, en tant que chef de cette collectivité, je ne vais pas consacrer les six ou sept dernières années de ma vie à une fondation qui générera des millions de dollars sans qu'il n'y ait de comptes à rendre.

Je pousse cela encore plus loin en cherchant à établir une structure distincte, à part celle du chef et du conseil, qui se composera de membres du conseil, qui y seraient peut-être nommés d'office, de représentants du gouvernement, du secteur privé et de municipalités avoisinantes, étant donné qu'il est impératif pour nous de pouvoir rendre compte de chaque dollar généré grâce à nos sources de revenus propres. Du fait qu'il y a des fonds fédéraux qui nous sont attribués, nous devons faire rapport et rendre compte de cela au gouvernement fédéral. Tout de même, lorsque nous générons nos propres revenus — et M. Lawrence peut en témoigner —, nous avons alors des comptes à rendre non pas au gouvernement fédéral, mais plutôt aux gens eux-mêmes.

Pour que les Premières nations puissent avancer, se défaire de la culture de dépendance qui est la leur — je sais que vous comprenez cela —, nous devons générer nos propres revenus, que nous allons pouvoir alors réinvestir dans notre collectivité, dans des emplois à temps plein qui sont durables, et dans l'aménagement de logements en recourant au marché. Nous n'avons pas cela dans les réserves. La Loi sur les Indiens nous empêche toujours de nous engager dans cette voie-là.

À propos de l'obligation de rendre compte, nous serons tout à fait d'accord là-dessus, vous et moi, car je crois aux mesures de responsabilisation, je les appuie sans réserve, mais ce qu'ils ont proposé ne s'y trouve pas. Là où il est question de générer des revenus autonomes, l'obligation de rendre compte n'est pas prévue. Même si nous envisageons de modifier la Loi sur les Indiens, il n'y a toujours pas d'obligation de rendre compte en ce qui concerne les revenus propres. Je crois énormément au principe de responsabilisation.

Je ne veux pas aborder la question du projet de loi sur la gouvernance des Premières nations, étant donné que c'est un débat différent que celui-là, et les chefs ont exprimé leur point de vue clairement là-dessus. Tout de même, voici un jour nouveau, une occasion nouvelle aussi. Nous demandons l'appui du Sénat, pour que l'on pousse peut-être le gouvernement à agir, qu'on le pousse dans le bon sens. Cela fait des décennies qu'on fait semblant que la question n'existe pas. J'espère que ce n'est pas seulement une mode, ce qui fait que l'intérêt finira par tomber. Si des élections sont déclenchées au printemps, alors, soudain, la question tombe dans l'oubli, et je dois revenir ici dans 5 ou 10 ans pour discuter de la même chose.

Le président : Vous soulevez un bon point.

Le sénateur Hubley : Bienvenus aux deux témoins ce matin et merci des exposés présentés.

Je suis troublée par le fait que les élections bouleversent les choses dans vos collectivités, comme vous l'êtes sûrement aussi. C'est presque une atmosphère de méfiance qui s'installe. Je vous demanderai peut-être de m'expliquer la situation davantage. Je me demande si vous, en tant que chefs, au groupe de travail technique mixte, avez l'intention de faire quoi que ce soit pour faire en sorte que votre conseil et votre bande soient mieux convaincus de l'utilité de ces changements-là, pour que la situation soit peut-être moins grave ou, de fait, qu'elle disparaisse.

M. Augustine : Je ne suis pas sûr de savoir quelle est la question.

Le sénateur Hubley : Dans la plupart des exposés, les gens nous disent que le mandat de deux ans perturbe les choses. Il oppose le frère au frère et la famille à la famille.

Si le processus de mise en candidature était renforcé, cela éliminerait-il le problème, sinon est-ce si bien ancré que, tous les deux ans, maintenant, la situation va se présenter avec chaque élection? Il doit y avoir un mécanisme qui servirait à atténuer le problème et qui permettrait aux gens de prêter davantage foi aux élections pour ce qu'elles sont et ce qu'on espère qu'elles permettront d'accomplir. En tant que chefs, avez-vous un rôle à jouer sur ce plan?

M. Augustine : Notre rôle consisterait à aider les membres de notre collectivité à mieux comprendre les avantages qu'il y aurait à prolonger le mandat des élus. Montrez-moi un seul endroit au Canada où un scrutin se tient tous les deux ans et où quelqu'un milite en faveur d'élections qui se tiennent tous les deux ans.

J'ai dit que c'était évident, car je ne peux imaginer personne — quel que soit le parti politique où on se trouve — se lever à la Chambre des communes pour affirmer qu'un mandat de deux ans pour les élus des Premières nations est une bonne idée. Ça perturbe et ça divise, absolument. Ça divise nos collectivités tous les deux ans. Comme M. Paul l'a dit, nous commençons tout juste à remettre sur pied et à guérir que voilà qu'un autre scrutin se profile à l'horizon.

Il y a eu un scrutin chez moi en juin 2008. Le prochain scrutin y aura lieu en juin. Ma collectivité entre en mode électoral à grands pas. Elle a hâte. N'oubliez pas que le chef et le conseil ont la main haute sur tous les emplois dans la majorité des communautés autochtones — sur chaque maison, chaque prestation, chaque chèque d'assistance sociale. Le chef et le conseil contrôlent tout.

Il y a donc toutes sortes de gens qui aspirent à devenir chef ou membre du conseil, car ils veulent avoir leur mot à dire. Ils veulent représenter leur famille et recevoir une part des avantages que cela suppose. Lorsque vous disposez de ressources limitées comme c'est notre cas dans les Premières nations — nous sommes tellement sous-financés —, les gens se battent pour les restes à la table, étant donné qu'il n'y en a pas assez pour tout le monde. La lutte de pouvoir est constante. Une fois que les gens arrivent au pouvoir, ils récompensent leur famille et leurs partisans, et c'est un autre groupe qui est exclu. C'est très malheureux.

Tenir un scrutin tous les deux ans dans ces conditions-là est une source constante de désordre. Mon scrutin aura lieu à l'été, mais je sens déjà la fièvre électorale s'emparer de ma collectivité.

Le sénateur Hubley : Voilà qui est intéressant.

Quant à l'idée du juste équilibre qu'il faut entre les membres résidant dans la réserve elle-même et ceux vivant hors- réserve au sein du conseil de bande, avez-vous prévu ce qu'il faudrait faire pour y arriver? Quels sont les problèmes que cela pose en ce moment?

M. Paul : Où qu'ils vivent, je crois que les membres de notre bande doivent avoir leur mot à dire dans l'élection de leur chef et de leur conseil. Même s'ils ne relèvent pas d'une loi fédérale appelée Loi sur les Indiens, ils s'intéressent beaucoup à ce qui se passe au sein de leur Première nation.

En tant que chef, je suis heureux de savoir qu'ils ont le droit de voter pour élire un chef ou un membre du conseil. Les membres hors-réserve dépendent du chef et du conseil pour d'autres affaires, par exemple les études postsecondaires et les médicaments d'ordonnance. La Loi sur les Indiens limite notre champ d'action.

Permettre aux gens en dehors des réserves de voter me paraît être la chose démocratique à faire. Je n'ai aucune difficulté avec cela en tant que chef.

Monsieur le président, j'aimerais répondre à la question du sénateur Brazeau.

Le président : Je m'excuse de ne pas vous avoir permis de répondre à ce moment-là. Allez-y.

M. Paul : Vous avez proposé l'élimination de la Loi sur les Indiens. Pendant mon exposé, j'ai dit que notre plus grande tâche consistait à briser le cercle vicieux de la dépendance. Si la Loi sur les Indiens était abolie dès maintenant, cela déboucherait sur le désordre total chez nos gens. Je suis chef depuis 26 ans. Il n'y a jamais eu de colloque ni de délégation qui soit venue dire à nos gens comment faire un budget. Ça ne s'est jamais fait. Le moment est venu pour nous de commencer à enseigner à nos gens la manière de faire un budget. C'est un problème qui dure depuis de nombreuses années.

Si nous abolissons la Loi sur les Indiens aujourd'hui sans la remplacer par quoi que ce soit, il faut penser que les Premières nations sont nombreuses à dépendre des contributions du gouvernement fédéral en rapport avec les dispositions financières d'une loi fédérale appelée Loi sur les Indiens. Ce serait le chaos sans cet argent-là.

En ce moment, les Autochtones forment une des minorités les plus vulnérables qui soient au virus H1N1. Il y aura probablement perte de vie due au H1N1 chez les Autochtones. Je crois que nous allons être touchés durement.

Tant que nous n'aurons pas atteint le plateau où nous sommes financièrement autonomes, je l'ai souvent dit, nous ne pouvons avoir l'autonomie gouvernementale sans assise financière. Si nous n'avons pas d'argent, comment allons- nous nous gouverner nous-mêmes? Le gouvernement fédéral ne pourrait fonctionner sans argent, les provinces et les municipalités non plus. Le moment n'est pas encore arrivé.

Tout de même, grâce à la coopération des administrations fédérale, provinciale et municipale, nous allons atteindre ce plateau-là un jour. Nous serons financièrement indépendants un jour. Comme je l'ai dit tout à l'heure, l'éducation et le développement économique sont la planche de salut de notre peuple. Nous sommes très faiblement lancés de ce point de vue dans certaines collectivités en ce moment. Nous allons de l'avant avec la libre entreprise et le développement économique.

Quand je m'adresse à une chambre de commerce, je dis souvent que nous avons décidé d'adopter la libre entreprise et le développement économique et de nous battre pour une poignée de dollars comme tout le monde. Nous sommes là pour de bon; nous n'allons pas disparaître, vous allez devoir vous habituer à cela. Ce sont les conditions de notre sauvetage que nous devons créer. Je crois vraiment à cela.

Je ne veux pas vous manquer de respect, sénateur, mais je crois que le moment n'est pas encore venu d'abolir la Loi sur les Indiens.

Le sénateur Brazeau : À propos des électeurs en dehors des réserves, comme vous venez de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, respectivement, à quoi ressemble la relation de travail entre les Premières nations et les conseils qui représentent les Indiens inscrits en dehors des réserves? Au Nouveau-Brunswick, est-ce le New Brunswick Aboriginal Peoples Council et, en Nouvelle-Écosse, est-ce le Native Council of Nova Scotia?

M. Paul : Il y a une loi fédérale appelée Loi sur les Indiens qui nous limite plus ou moins. Comme je l'ai déjà dit, nous prenons en charge les études postsecondaires et les médicaments d'ordonnance. Pour d'autres choses comme le logement et l'assistance sociale, il faut être un résident de la Première nation. La Loi sur les Indiens nous empêche d'accorder de l'assistance sociale au gens qui vivent hors-réserve. Je ne peux dire pourquoi, étant donné que ce sont des membres de notre bande, mais nous ne pouvons le faire. C'est un problème.

Il y a beaucoup de membres de ma famille qui ont épousé des Blancs et qui ne vivent pas dans la réserve. Parfois, lorsque nous agissons au profit des membres de la bande sur le territoire de la Première nation, ils demandent pourquoi nous ne pouvons le faire pour eux qui habitent loin de nous. La seule façon d'y arriver consisterait à modifier la Loi sur les Indiens pour que nous puissions faire entrer dans le cercle de ceux que nous aidons les membres de la bande qui vivent en dehors de la réserve. J'aimerais les aider. Certains d'entre eux sont très pauvres et se trouvent dans une mauvaise situation.

J'ai étudié la situation sous tous ses aspects. En Nouvelle-Écosse, nous avons maintenant le processus néo-écossais comme on l'appelle. On dit aussi KMK. Lorsque Bob Nault était ministre des Affaires indiennes et du Nord, nous avons conclu un protocole d'entente qui faisait que nous allions mettre en oeuvre la chaîne d'alliance des traités que nous avions signés, pour en tirer les bienfaits. À partir de là, les autorités ont nommé un négociateur fédéral et un négociateur provincial, et, chez les Mi'kmaqs, nous avons eu notre propre négociateur.

Nous réglons divers problèmes. Dans l'arrêt Delgamuukw c. Colombie-Britannique, la Cour suprême du Canada nous a dit — au gouvernement du Canada, au Parlement provincial et à nous — que, avant de recourir aux tribunaux, il fallait s'asseoir et négocier. Elle a donné un avertissement au gouvernement fédéral et à celui des provinces. Elle a déclaré que s'ils ne négociaient pas de bonne foi et honnêtement avec les Autochtones, elle allait prendre les décisions à leur place, décisions qu'ils n'allaient probablement pas apprécier.

Nous devons laisser la chance aux négociateurs avant de nous tourner vers la Cour suprême, étant donné que la Cour suprême nous a dit de négocier d'abord. Si nous aboutissons à une impasse, alors, nous retournons devant le tribunal. C'est donc ce que nous faisons en Nouvelle-Écosse en ce moment. Nous appelons cela le processus néo- écossais. Nous devons négocier avec le gouvernement provincial à propos du territoire; nous devons négocier avec le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral à propos de la part des ressources naturelles en fait de pétrole extracôtier, de charbon et de bois, car il nous faut une assise financière pour nous lancer dans l'autonomie gouvernementale. C'est ce que nous essayons d'accomplir en ce moment. Il reste à voir si nous allons réussir à nous entendre avec les autorités provinciales, fédérales et municipales. Ça semble progresser assez bien jusqu'à maintenant. Tout de même, lorsque la situation se corsera, ce sera peut-être différent.

Je suis tout à fait d'accord avec l'idée d'abolir la Loi sur les Indiens à un moment donné, lorsque le moment sera bien choisi. Par contre, ce n'est pas en ce moment qu'il faut le faire. Nos gens en souffriraient énormément si les contributions issues du gouvernement fédéral étaient limitées, si elles n'étaient plus versées aux Premières nations. Comme vous le savez, les Mi'kmaqs et les Malécites ont presque été anéantis. Ils ont presque subi le même sort que le pigeon voyageur et la grue blanche, de même que les Autochtones de Terre-Neuve qui ont complètement disparu — je crois qu'ils s'appelaient les Béothuks. À l'époque, Joseph Howe a dit qu'il fallait faire quelque chose pour aider les peuples autochtones, sinon ils allaient disparaître; on a donc adopté une loi fédérale appelée Loi sur les Indiens. Cela a créé une dépendance. Pour le chef et le conseil maintenant, la tâche la plus difficile consiste à briser ce cycle de dépendance.

Nous avançons maintenant, comme je l'ai dit. Les bandes sont nombreuses à s'être lancées modestement dans le domaine du développement économique, mais nous avons atteint un plateau. Lorsque nous aurons suffisamment d'argent pour être indépendants sur le plan financier, à ce moment-là, le moment sera venu pour nous d'entrer dans l'ère de l'autonomie gouvernementale, vu que nous aurons l'assise financière nécessaire.

Merci beaucoup, sénateur, de votre question. Il fallait que j'y réponde.

M. Augustine : J'aimerais répondre aux questions du sénateur Brazeau et du sénateur Hubley.

Il y a deux ou trois semaines, nous avons témoigné devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Juste comme nous allions présenter notre exposé, j'ai vu qu'il y avait d'autres intérêts représentés à la table aussi. À ma gauche, pour présenter un exposé avant moi, il y avait les représentants du conseil des Autochtones de l'Île- du-Prince-Édouard. Je les ai écoutés et j'ai pensé que c'était malheureux. Ils ont traité de finances et de financement pendant leur exposé. Essentiellement, ils proposaient que le gouvernement fédéral réoriente l'argent actuellement consacré aux Premières nations vers les conseils autochtones.

Si j'ai pensé que c'était malheureux, c'est que ça m'a frappé comme étant une stratégie fondée sur l'idée de diviser pour régner : jetez-leur quelques pièces de monnaie et laissez-les se battre. C'est comme lancer des frites dans le stationnement d'un McDonald et regarder les mouettes faire. Je respecte les efforts qu'ils déploient, avec l'intérêt qu'ils défendent. Tout de même, en tant que chef de ma collectivité — et, en particulier, depuis l'arrêt Corbière c. Canada —, je sais qu'il y a des membres en dehors de la réserve qui votent pour moi. S'ils veulent quelque chose, ils me le font savoir. Ils me téléphonent. Ils peuvent se trouver en Arizona, dans un autre pays; sinon, à Calgary. Je représente les gens qui votent pour moi, dans la réserve et en dehors de la réserve.

À propos des gens qui résident hors-réserve, le fait qu'ils votent ne me préoccupe pas, étant donné que ce sont les gens instruits parmi les miens, bien souvent. Je veux qu'ils aient leur mot à dire dans leur collectivité. Certains habitent très loin. D'autres personnes se préoccupent de la situation des membres de la bande qui habitent en dehors de la réserve. Dans certains cas, ils n'ont jamais mis les pieds dans une réserve, mais ils conservent leur lien avec la bande. Dans la collectivité elle-même, on peut penser que ces gens-là ne devraient pas avoir le privilège de voter sur des trucs comme les revendications territoriales, la répartition par habitant des sources de revenu propres et ainsi de suite. Les membres de la bande se soucient de l'idée que les membres qui se trouvent en dehors de la réserve aient leur mot à dire. C'est comme si un sénateur qui représente la Nouvelle-Écosse vivait au Manitoba. Qu'en penseraient les Néo-Écossais si vous alliez déposer votre bulletin au scrutin en Nouvelle-Écosse alors que vous habitez une autre province? Il est probable qu'ils n'apprécieraient pas cela, vu que vous n'habitez pas dans la région voulue. C'est essentiellement la même chose dans le cas des réserves.

En vue des élections, nous dressons une liste des électeurs, une liste de noms. Je vois dans cette liste-là le nom de personnes dont je n'ai jamais entendu parler ou que je n'ai jamais rencontrées. Néanmoins, le bulletin de vote arrive par la poste, et la personne a le privilège de voter. Je ne peux pas faire campagne pour obtenir son vote parce que je n'ai pas le droit de communiquer avec elle. Je ne sais même pas de qui il s'agit, mais cette personne a son mot à dire dans ma collectivité. C'est une question qui sème la controverse. Je ne suis pas contre l'idée que les membres en dehors de la réserve aient leur mot à dire dans ma collectivité, car, je l'ai dit, ce sont souvent les plus instruits qui ont quitté la collectivité.

Le président : Recevez-vous des fonds fédéraux pour les membres de la bande habitant en dehors de la réserve?

M. Paul : Nous ne recevons pas de fonds pour les membres de la bande en dehors de la réserve parce que la Loi sur les Indiens l'interdit, mais on nous permet de financer les études postsecondaires de ces gens-là. S'ils n'habitent pas la réserve, ils fréquentent l'école publique. Quand ils font des études collégiales, leur frais d'études postsecondaires sont pris en charge; nous recevons des fonds pour les envoyer au collège ou collège communautaire, dans le cas des métiers de col bleu. Nous ne pouvons leur verser de l'assistance sociale. Santé Canada permet aux membres de la bande qui vivent en dehors d'une réserve d'accéder à des médicaments d'ordonnance dans le mandat qui lui revient, mais ce sont là les deux seuls avantages. Nous ne pouvons leur fournir de logements ou d'assistance sociale, parce que la Loi sur les Indiens limite le financement aux gens qui habitent dans la réserve elle-même. Nos mains sont liées.

Le sénateur Raine : Merci beaucoup d'être là. J'ai aimé en apprendre plus sur votre coin de pays, pour ainsi dire.

C'est difficile quand on est le dernier à poser des questions, étant donné que bon nombre de questions se trouvent à avoir déjà été posées. Je reviendrai à la solution simple que nous regardons peut-être. Nous entendons des témoins provenant de toutes les régions du Canada. Nous penchons en faveur de l'idée de porter de deux à quatre ans le mandat des élus. Tout de même, si je comprends bien, vous êtes en train de dire que nous devons fixer cela à quatre ans, car, si nous établissons que ce sera de deux à quatre ans, nous ne ferons qu'ouvrir la porte à de nombreuses autres querelles ou, probablement, les choses ne changeront pas. Nous disions jusqu'à quatre ans, au choix de la Première nation. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cela.

M. Augustine : Nous voulons que ce soit un mandat de quatre ans.

Le sénateur Raine : Pouvons-nous nous assurer de vous avoir entendu correctement?

Le président : Oui, il est catégorique : quatre ans.

Le sénateur Raine : En proposant des modifications de la Loi sur les Indiens, particulièrement en fait de gouvernance, il faut tenir compte de la pente glissante, car on nous accusera de ne pas consulter chaque personne touchée. Y a-t-il une stratégie que nous devrions adopter pour obtenir l'appui des dirigeants des Premières nations à ce sujet, de telle sorte que la recommandation que nous pouvons formuler serait soutenue?

M. Augustine : Je dois souligner que le ministre Strahl l'a dit très clairement : ce n'est pas un projet que lui ou le gouvernement fédéral mènerait. Il souhaitait que ce soit les chefs eux-mêmes, les Premières nations, qui prennent les rênes de l'affaire. Pour parler de l'histoire récente en la matière, les chefs du Manitoba se sont prononcés en faveur de la mesure catégoriquement et ont adopté une résolution en vue de prolonger le mandat des élus. Puis, la région de l'Atlantique s'est manifestée, et nous avons eu une résolution adoptée par tous les chefs, par consensus, tous les chefs ensemble, en faveur d'un mandat plus long. Les chefs de l'Assemblée des Premières nations vont se réunir à l'assemblée spéciale en décembre, et je crois que, à ce moment-là, il sera proposé à tous les chefs présents d'adopter une résolution en faveur de cette mesure, si tant est qu'il n'y en n'a pas une déjà. Cela me paraît clair : tous les chefs du Canada sont tout à fait en faveur de cette idée.

L'opposition ne se trouve pas parmi les chefs, à l'exception de quelques personnes qui jugent que la tenue d'élections tous les deux ans est convenable. L'opposition se trouve plutôt dans la collectivité, car notre peuple a été conditionné à la dépendance. Lorsque je parle de revendications territoriales dans ma collectivité, des membres me demandent : « C'est pour quand, la revendication territoriale? Et quelle en est la valeur? » C'est tout ce qui les intéresse. J'éprouvais autrefois de la frustration face à ce genre de réaction, mais je ne peux pas blâmer la personne de penser ainsi. Les gens ont été élevés dans un monde qui ne leur offre ni possibilités, ni emplois à temps plein, ils ont grandi dans la pauvreté; et s'ils croient qu'une revendication territoriale représentera un gain immédiat, la prospérité immédiate, je ne peux pas les de voir les choses et de penser de cette façon. Je peux blâmer le gouvernement fédéral d'avoir conditionné mon peuple à la dépendance sous le régime de la Loi sur les Indiens, car c'est clairement ce qui est arrivé à mon peuple.

Comme je l'ai mentionné, 80 p. 100 de ma collectivité s'opposaient à la prolongation de la durée du mandat. Par conséquent il y aura un débat dans la collectivité. Elle préférait la tenue d'élections tous les deux ans. Je ne peux pas la blâmer. Mon rôle de chef consiste à aller dans ma collectivité et à encourager la discussion. J'ai participé à une réunion communautaire il y a moins d'un mois, et je vois maintenant une lueur au bout du tunnel. Il y a de l'espoir. Je suis dynamisé et enthousiasmé du fait que ma collectivité adopte maintenant une vue d'ensemble. Cela illustre parfaitement le fait que, si nous retournons dans nos collectivités pour informer et sensibiliser la population, nous pouvons amener cette dernière à prendre la bonne décision.

Au début, lorsque j'ai commencé à m'intéresser à la question, lorsque j'ai commencé à participer dans la région de l'Atlantique, c'était parce que je croyais que mon peuple n'appuierait pas spontanément une modification de la fréquence des élections. J'avais dit que la seule façon d'arriver à nos fins était de s'adresser au gouvernement fédéral et de demander au Parlement de déposer un projet de loi modifiant la Loi sur les indiens pour que la durée du mandat passe de deux à quatre ans. C'était la solution la plus simple; ce n'était pas sorcier. Je ne pouvais pas imaginer qu'on s'oppose à cela. Maintenant que nous nous sommes engagés dans ce processus — et je me doute bien qu'il sera long —, je crois que je devrai retourner dans ma collectivité plutôt que de poursuivre dans cette voie.

Je vois bien que des élections sont imminentes; les travaux de la Chambre seront interrompus, et, si le Canada change de gouvernement, tous les projets de loi qui ont été déposés seront encore relégués aux oubliettes. C'est un long processus. Nous avons attendu des dizaines d'années, mais je crois avoir de meilleures chances de réussite si je retourne dans ma collectivité. S'il le faut, je tiendrai un référendum dans ma collectivité pour l'adoption d'un code électoral coutumier, ce qui dissipera les préoccupations de ma collectivité.

Pour l'Atlantique, c'est difficile à dire.

M. Paul : J'apprécie votre commentaire, monsieur le sénateur. J'ai été élu chef 13 fois, mais je ne consulte pas le peuple à la moindre occasion. Il m'a donné le mandat de gouverner pendant deux ans. Le gouvernement fédéral ne consulte pas les Canadiens chaque fois qu'il veut adopter un projet de loi, et il en va de même pour les gouvernements provinciaux et les administrations municipales. Les gens nous élisent pour un mandat de deux ans en suivant un processus démocratique, avec des nominations et tout cela, et ils nous donnent le pouvoir de gouverner. En ma qualité de chef, je crois que, si mon peuple me donne le pouvoir de gouverner, je dois gouverner. Si je fais un mauvais travail, ils se débarrasseront de moi. Ils ne l'ont pas fait en 13 élections, alors je dois bien me tirer d'affaire.

Quant aux modifications de la Loi sur les Indiens, c'est une boîte de Pandore, à mon avis. Mon conseil en a discuté, et nous croyons que notre Première nation profiterait d'un mandat de quatre ans, alors nous sommes prêts à faire passer à la prochaine étape cette décision du chef et du conseil. Si les membres de la bande s'opposent à la décision, ils peuvent nous flanquer à la porte, mais je ne crois pas qu'ils le feront. Il est temps de prendre des décisions fermes, et il incombe au chef et au conseil de rendre ces décisions dans l'intérêt supérieur de leur peuple. Si nous voulons un gouvernement, nous devons agir comme un gouvernement. Si nous voulons acquérir l'autonomie gouvernementale dans l'avenir, nous devons gouverner. Nous avons pour mandat de gouverner, alors nous devons le faire, peu importent les conséquences de notre décision. C'est quelque chose que nous devons affronter. Je sais que le passage à un mandat de quatre ans sera la source d'une grande controverse.

Si je parle au ministre Strahl, je vais lui dire qu'il devrait peut-être s'en remettre aux gouvernements des Premières nations, sans demander au peuple lui-même de trancher, mais je crois que cela profiterait à nos collectivités des Premières nations. Je serais même prêt à accepter un mandat de trois ans, pour faire les choses graduellement. Peut-être pas quatre ans, peut-être qu'on pourrait commencer par trois ans; ajouter un an, puis augmenter par la suite la durée du mandat à quatre ans. Une fois que nous nous serons habitués au mandat de trois ans et que nous obtiendrons les résultats escomptés, alors nous pourrons le faire passer à quatre ans.

Je crois fermement que, si on vous élit pour gouverner, alors vous devez gouverner. Si la population n'aime pas votre façon de faire, elle a la possibilité de se débarrasser de vous aux prochaines élections.

Le sénateur Carstairs : Je dois dire que j'étais très réticente à l'égard de ce débat dès le tout début. Je ne vois aucune objection à ce qu'on prolonge le mandat de deux à quatre ans ni à ce qu'on établisse une procédure de révocation, à condition qu'on le fasse selon des limites très réelles et rigoureuses. Vous n'avez pas intérêt à ce que la procédure de révocation dure des mois; vous voulez un régime très rigoureux. En outre, le processus électoral devrait être financé et vous devriez mettre en place une commission électorale autochtone, car, autrement, il y aura toujours la question de la responsabilité. Selon moi, la commission électorale ne devrait pas justifier la création d'encore 50, 60, 100 ou 200 postes administratifs à AINC, alors c'est une source d'importantes préoccupations.

Mais ma principale préoccupation — et j'aimerais que vous vous prononciez tous les deux à ce sujet — tient au fait que ces mesures sont peut-être simplement une autre façon de différer la vraie réforme. La question ne se rattache qu'à une infime partie de la Loi sur les Indiens. Nous y consacrons une telle quantité de temps. Est-ce que tout cela n'est que poudre aux yeux? J'aimerais vos commentaires à ce sujet.

M. Augustine : Je vous remercie de vos ces commentaires. Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, les dispositions de la Loi sur les Indiens qui régissent les élections ne sont pas le problème. Elles témoignent d'un problème beaucoup plus vaste, à savoir la Loi sur les Indiens elle-même. J'ai cité de nombreux exemples de dispositions de la Loi sur les Indiens qui ont un effet dissuasif sur la collectivité.

Actuellement, en ma qualité de chef de la collectivité, je suis essentiellement un administrateur d'AINC. Je suis comme un agent d'AINC. Mon travail est de gérer la pauvreté sur ma réserve. Je prends les fonds que dégage le gouvernement fédéral et j'essaie de les affecter dans ma collectivité, si sous-financée soit elle. Aucune collectivité ne devrait avoir à vivre ainsi.

Comment y échappe-t-on? Je reconnais tous les obstacles qui me barrent la route et qui découlent de la Loi sur les Indiens, et je comprends que, pour ne plus devoir gérer cette pauvreté, nous devons faire en sorte que les conseils de bande génèrent eux-mêmes leurs propres revenus selon des structures de responsabilisation et qu'ils réinvestissent leurs profits dans la collectivité. Si nous considérons nos perspectives d'avenir, vu les tendances démographiques au Canada et dans la région de l'Atlantique — d'où nous venons —, il est clair que nos gouvernements ne pourront pas dépendre du soutien financier des gouvernements fédéral et provincial. La pression augmentera, comme nous le savons tous, vu la tendance démographique que nous observons actuellement.

Comment passons-nous du point A au point B? Si nous ne mobilisons pas les gens, nous ne nous y rendrons jamais. Il faut que les mentalités changent dans ma collectivité. Le changement de mentalité doit se produire dans notre peuple, ainsi qu'au gouvernement fédéral et dans la population canadienne. C'est l'un des plus gros défis que nous devons relever.

Est-ce de la poudre aux yeux? À mon avis, la chose est au goût du jour. Si ce n'est pas les élections en vertu de la Loi sur les Indiens, c'est autre chose. Je sais que vous avez tenu des consultations en 2006 au sujet de la politique sur les revendications particulières, et j'ai quelques objections à cet égard. Il y a toujours un problème sous ce règne.

Comme l'a signalé le chef Paul, comment nous affranchissons-nous de la Loi sur les Indiens? Mettons-nous en oeuvre l'autonomie gouvernementale immédiatement? Je suis d'accord avec lui sur le fait que bon nombre de Premières nations ne sont pas prêtes pour l'autonomie gouvernementale.

Quand j'étais plus jeune, à mes débuts dans le domaine, je croyais que l'autonomie gouvernementale était la solution. Je me demande bien comment j'ai pu croire une telle chose. Nous ne pouvons pas avoir un gouvernement responsable sans assises fiscales, sans capacité de générer des recettes autonomes, sans responsabilisation et sans planification des activités ni stratégie de réinvestissement. Voilà les outils qu'il faut introduire dans les collectivités des Premières nations. Il faut garnir leur coffre à outils, pour que ces collectivités puissent passer à la prochaine étape et générer des recettes autonomes de façon responsable.

J'éprouve de la frustration à venir ici devant un comité sénatorial et déclarer que la Loi sur les Indiens n'est pas une bonne chose, que les élections régies par la Loi sur les Indiens nuisent à ma collectivité. Je n'arrive pas à croire que nous passons autant de temps à examiner un problème auquel, au bout du compte, nous connaissons tous la solution. Y a-t- il quelqu'un dans le comité qui va renoncer au processus et dire que, non, un mandat de deux ans est dans l'intérêt supérieur de ces gens?

Nous parlons de la plus ancienne loi au Canada. Il n'est pas étonnant que nous ayons l'impression de ne pas être traités en égaux dans la société lorsque le Canada continue d'avancer et d'apporter des modifications législatives et nous laisse au XIXe siècle. Nous avons besoin de changements, mais, malheureusement, nous avons les mains liées à cause de la Loi sur les Indiens. Nous devons établir des partenariats avec le gouvernement fédéral et avec des gens comme vous, car vous êtes dans une position d'influence et pouvez nous aider.

Nous sommes paralysés par la Loi sur les Indiens. Le fardeau de l'oppression est lourd, et il pèse sur ma collectivité depuis de nombreuses années. Il y a 60 ans seulement, nos Premières nations n'avaient pas le droit de vote. Il y a 40 ans seulement, si une personne allait à l'université, elle perdait son statut d'indien. Il n'y a même pas 20 ans qu'on a fermé les portes des pensionnats indiens. Et nous voilà ici aujourd'hui. Certaines collectivités évoluent malgré tous les obstacles qu'on a dressés devant eux, et certaines Premières nations s'en sortent bien.

Il faut transformer les mentalités à l'échelon de la population. À l'échelon de la gouvernance, les Premières nations doivent être munies des outils de gouvernance dont elles ont besoin pour travailler à leur essor. Est-ce un écran de fumée? Peut-être. Est-ce de la poudre aux yeux? Je l'ignore. Je veux simplement que la durée du mandat passe de deux à quatre ans pour que je puisse poursuivre mes activités dans ma collectivité.

Le sénateur Peterson : Merci de vos exposés.

Vous avez mentionné qu'une simple modification de la Loi sur les Indiens suffirait à changer la durée du mandat. N'y a-t-il pas une bonne possibilité que cela provoque une contestation en vertu de l'article 35 qui pourrait, encore une fois, retarder le processus indéfiniment? La voie des codes coutumiers est peut-être la solution, et vous êtes alors maître de votre destinée, dans une certaine mesure. Il y aura toujours des problèmes liés, par exemple, à l'aide financière éventuelle et la surveillance des élections. Cela permettrait-il de bouger plus rapidement?

M. Augustine : Pourriez-vous répéter la question?

Le sénateur Peterson : Je dis que, au lieu de modifier la Loi sur les Indiens, qui pourrait donner lieu à une contestation en vertu de l'article 35, nous pourrions nous tourner directement vers le code coutumier.

M. Augustine : Si c'était aussi facile, ce serait fantastique. Et nous ne serions pas ici aujourd'hui. Toutefois, si nous sommes ici aujourd'hui pour réclamer les modifications d'une loi fédérale, c'est que nous ne croyons pas que les gens sont actuellement disposés à accepter de changer la fréquence des élections pour qu'elles soient tenues tous les quatre ans plutôt que tous les deux ans.

Mais je m'aperçois maintenant que je ferais mieux de travailler dans la collectivité à informer les gens et à changer les opinions, car le processus parlementaire sera probablement sans fin. La seule raison pour laquelle nous réclamons la modification d'une loi fédérale, c'est que le gouvernement a le pouvoir de le faire. On dépose sans cesse des projets de loi à la Chambre des communes. Nous vous demandons d'adopter le plus petit projet de loi qui n'ait jamais été adopté au Canada, afin qu'on puisse tenir des élections tous les quatre ans plutôt que tous les deux ans, et c'est tout; nous nous occuperons du reste.

Le sénateur Peterson : Ne croyez-vous pas que cela susciterait une contestation en vertu de l'article 35? Croyez-vous que c'est aussi simple, que nous n'avons qu'à faire passer le mandat de deux à quatre ans, point à la ligne, et que nous pourrons passer à autre chose?

M. Augustine : Qui le contestera? Qui invoquera l'argument selon lequel nous devons continuer à tenir des élections tous les deux ans, nous ne devrions pas faire passer la fréquence de deux à quatre ans?

Le sénateur Peterson : Vous avez dit qu'une grande partie de votre propre peuple ne veut pas que les élections soient tenues tous les quatre ans plutôt que tous les deux ans.

M. Augustine : Dans ma collectivité, car nous faisons face à une culture de dépendance. Je ne m'attends pas à ce que les parlementaires souffrent de la même culture de dépendance que mon peuple des Premières nations.

Le sénateur Peterson : Dans votre exposé, vous avez fait valoir que l'enseignement et le développement économique sont les deux principaux tremplins qui permettront aux Premières nations de voir à leurs propres affaires.

Nous avons appris, en écoutant d'autres exposés, que, lorsque les peuples des Premières nations ont signé les traités, ils se sont engagés à partager le territoire, mais que les traités ne visent que les six pouces à la surface de la terre, et non pas ce qu'il y a en dessous. A-t-on tenu des débats ou des discussions au sujet du contenu et du sens des traités afin d'accéder à ces ressources, ou est-ce à nous de nous acquitter de notre nouveau devoir de consulter la loi, pour que les Premières nations puissent avoir accès aux ressources ou à une partie des ressources?

M. Paul : À la lumière de la chaîne d'alliance des traités du Canada atlantique entre les Premières nations micmaques, malécites et pescomody — la véritable intention de ces traités, si les gouvernements fédéral et provinciaux l'acceptent, ne posera aucun problème.

Toutefois, comme vous le savez, nous avons dû nous présenter devant la Cour suprême du Canada — l'arrêt R. c. Marshall de septembre 1999 — pour avoir le droit de gagner un revenu raisonnable par la pêche.

Si le gouvernement acceptait les traités tels que les ont rédigés nos ancêtres, nous n'aurions aucun problème.

Vous parlez d'une assise territoriale. Nous savons que les assises territoriales respectives de la Nation Nisga'a et d'une autre bande sont plus grandes que la Nouvelle-Écosse. Nous cherchons une assise territoriale en Nouvelle- Écosse, par le truchement du processus néo-écossais, en négociant avec les gouvernements fédéral et provincial. Nous n'aurons jamais un territoire comme celui de la Nation Nisga'a. Elle possède des mines de diamant, ainsi que des sources de revenus pour un gouvernement autonome; ce n'est pas notre cas.

Nous avons déjà songé aux codes électoraux coutumiers. Les codes électoraux coutumiers doivent tout de même être sanctionnés par AINC. Le ministère doit donner son aval. Ce n'est pas une véritable démocratie. Nous rédigeons nos codes électoraux coutumiers selon les dispositions que nous voulons y inscrire, et si cela n'est pas conforme aux critères d'AINC, il y apportera des modifications ou des changements. La bande se demande quel est l'intérêt d'adopter des codes électoraux coutumiers s'ils doivent toujours faire l'objet de l'approbation du ministère.

La Loi sur les Indiens a été rédigée par le gouvernement du Canada de l'époque. Il n'y a pas eu de consultation préalable des peuples autochtones. Si nous demandions au gouvernement de prolonger le mandat de deux à quatre ans, il aurait l'obligation fiduciaire de changer la durée du mandat à quatre ans, vu la nature et le bien-fondé des propos que nous tenons ici aujourd'hui. Si le gouvernement du Canada devait consulter le peuple chaque fois qu'il adopte une loi, il aurait lui aussi du mal à avancer. Il en va de même pour les gouvernements provinciaux et les administrations municipales. Nous ne pouvons pas consulter le peuple à la moindre occasion et lui demander si nous faisons la bonne chose. Il nous a élu pour que nous prenions des décisions. Peu après notre élection, j'ai demandé à mon peuple ce qu'il voulait que nous fassions. Il m'a répondu que nous étions censés savoir ce qu'il fallait faire; c'est pourquoi il nous a élu.

Il est difficile d'exercer les fonctions de chef et de membre du conseil. On se soucie toujours du financement. En Nouvelle-Écosse, nous touchons une part des recettes générées par les terminaux de loterie vidéo, les TLV, un cadeau que Dieu a envoyé aux Premières nations néo-écossaise afin qu'elles aient une source de revenu et qu'elles évoluent sur le plan économique. Les Premières nations de Millbrook et de Membertou sont à la tête du peloton au chapitre du développement économique en Nouvelle-Écosse, mais, si nous ne touchions pas cet argent supplémentaire, nous ne serions pas où nous en sommes aujourd'hui.

Nous avons des ententes avec le secteur privé. Par exemple, la Première nation de Millbrook a une entente avec General Dynamics Canada pour le nouvel hélicoptère Cyclone. J'étais mécontent du changement de nom qu'a apporté l'armée, car « Sky Hawk » était un excellent nom pour l'hélicoptère. J'ai signalé mon mécontentement aux hauts dirigeants militaires. En ma qualité d'ancien membre de l'Armée et de la Marine canadiennes, je n'estimais pas que c'était un bon changement. L'Armée possède déjà des hélicoptères Black Hawk, et le nom Sky Hawk lui ressemblait trop, alors elle a nommé l'hélicoptère « Cyclone ». J'ai rappelé aux responsables l'histoire des Sea Kings qui se sont écrasé, et maintenant, ils ont le Cyclone, un autre nom qui n'augure rien de bon. J'ai essayé de faire valoir mon idée aux Forces armées, mais la communication avec eux est difficile, et ils sont têtus.

La responsabilité incombe au gouvernement fédéral, et, lorsque j'en aurai la possibilité, je vais dire au ministre Strahl que la décision revient au gouvernement du Canada. Il a entendu les demandes des chefs du Manitoba, de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, de l'Île-du-Prince-Édouard, de Terre-Neuve, de la région de Gaspé et du Québec visant à changer le mandat pour qu'il dure quatre ans au lieu de deux. Il incombe au gouvernement fédéral de prendre les mesures qui s'imposent. Si j'étais sénateur, je présenterais une recommandation à cet égard au gouvernement fédéral.

M. Augustine : J'aimerais répondre à la question du sénateur au sujet des traités, car c'est un aspect important. Les traités dont vous parlez sont ce qu'on appelle des traités de paix et d'amitié. La plupart d'entre eux ont été ratifiés vers 1760 ou 1761. Le peuple micmac, aux abords de la rivière Miramichi, a été le dernier à signer, en 1779. Un navire britannique battant pavillon français, le NSM Viper, remontait la rivière Miramichi lors de la Révolution américaine, à une époque où les Micmacs avaient une alliance solide avec les Français. Bien des gens ne connaissent pas cette histoire, ce qui est dommage, parce que c'est la vraie histoire et cela permet d'expliquer certains des gâchis dans lesquels nous nous retrouvons aujourd'hui. Le navire de guerre remontait la rivière Miramichi, et 16 Micmacs sont allés le rejoindre, parce qu'ils croyaient qu'il s'agissait d'un navire français. Ils ont alors été pris en otage et envoyés au Québec. Un surintendant de l'époque a réclamé leur retour, et on les a amenés à Halifax; mais ils ne sont pas tous revenus. Nous avons perdu des hommes.

C'est à ce moment du conflit entre les Français et les Anglais, lors de la Révolution américaine, quand les micmacs et les malécites étaient des alliés des Français, que les traités de paix et d'amitié ont été signés. Les traités sont conclus non pas entre des gouvernements internes, mais entre deux nations. On réclamait le territoire et les cours d'eau pour chasser et pêcher, mais le problème, c'est que ces traités n'ont jamais été respectés et qu'il y a eu des empiètements. Actuellement, plusieurs revendications territoriales sont en cours dans ma collectivité, à cause de la question du règlement.

J'ai passé par le système scolaire du Nouveau-Brunswick, et j'ai appris à avoir honte en lisant un manuel qui traitait des Indiens — les sauvages qui scalpaient les colons. C'est une honte en soi, car les gens ne sont pas bien renseignés sur ces traités et sur la véritable histoire canadienne.

Maintenant que nous avons été victimes de ces empiètements, pourquoi la Première nation Metepenagiag obtient- elle de nouveaux territoires? C'est parce que nous avons présenté une série de revendications territoriales. Nous n'avons aucune influence politique sur nos politiciens parce que nous sommes une minorité à l'échelle du pays. Nous avons été obligés de nous adresser aux tribunaux, et c'est pourquoi les traités conclus en 1761 reprennent vie. Il est déplorable qu'on doive les présenter à des tribunaux pour assurer notre développement économique. Les temps changent. Le point commun que partagent le Canada, les Premières nations et les provinces est l'économie. Compte tenu de la crise économique, il importe que nous formions des partenariats et que nous collaborions de sorte que tout le monde tire des avantages.

Votre question se rapportait précisément aux territoires. Certaines Premières nations n'ont pas les mêmes possibilités que d'autres. Elles n'ont pas actuellement de revendications territoriales soumises au gouvernement fédéral. C'est un problème, car certaines de ces collectivités sont établies dans des réserves éloignées, isolées d'une économie prospère. Sans possibilité de nouveaux territoires à des fins de développement économique, on ne sait pas trop comment ces collectivités généreront des revenus. Je suis heureux que vous ayez soulevé la question des traités, car c'est un facteur important à considérer dans tout cela.

Le président : Vous dites avoir constitué un groupe de travail pour étudier le processus électoral en profondeur. Vous avez mis l'accent sur la responsabilité et la capacité de destitution. Vous demandez au gouvernement de prendre une décision arbitraire au chapitre du leadership et de faire passer la durée du mandat de deux à quatre ans. Si vous n'apportez pas d'autres changements à la Loi sur les Indiens, comment convaincrez-vous le peuple du bien-fondé de vos démarches, alors que vous ne vous attachiez qu'à une toute petite chose — la durée du mandat — et qu'aucun autre changement n'est entrepris? C'est pourquoi, au Manitoba, Ron Evans, grand chef de l'Assemblée des chefs du Manitoba, essaie d'établir une commission électorale qui sera chargée d'apporter le changement, pour que tous ces enjeux soient traités au même endroit. Je crois que vous travaillez dans le même sens.

Pourquoi ne pas recourir aux codes coutumiers et tout simplement exiger un mandat de quatre ans sans y greffer les facteurs de responsabilisation et de destitution, entre autres, qu'a mentionné le chef Augustine en parlant du groupe de travail de l'APC établi sur la côte est?

M. Augustine : Nous avions initialement abordé le gouvernement sur la simple question de faire passer le mandat de deux à quatre ans. Nous pensions que c'était faisable. Une fois qu'on ouvre le dossier, de nouveaux enjeux surgissent, et les choses se compliquent. Par souci de rapidité, nous voulions une modification rapide pendant que nous continuerions notre travail sur les autres questions importantes. Nous avons constitué le groupe de travail après avoir demandé à AINC d'examiner la question. Depuis la constitution du groupe de travail, toutes les questions que le ministre voulait qu'on aborde l'ont été.

Je tiens à m'assurer de faire la distinction entre le mandat de deux ans et le mandat de quatre ans. Cette demande a été faite à un moment où nous pensions que la chose était faisable et raisonnable, et nous ne nous attendions pas à une opposition. Toutefois, il ne suffira pas d'apporter une simple modification, car, maintenant que nous avons entamé la discussion, toutes ces autres questions font surface. Nous avons constitué le groupe de travail pour coordonner le processus. Nous avons constitué un comité technique ayant pour mandat d'éclairer ce groupe de travail. Nous avons créé une page dans Facebook pour que les membres de la collectivité puissent participer à ces discussions; nous recueillons toutes ces idées et tous ces commentaires.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Vous avez dit que l'APC avait un groupe de travail. Je suis préoccupée par le système de scrutin par vote postal. Pouvez-vous expliquer comment on pourrait l'améliorer pour prévenir les activités frauduleuses?

M. Augustine : Beaucoup de discussions ont lieu sur le site de Facebook. J'ignore quelles sont les suggestions, mais on les recueille. Un certain nombre d'idées sont mises de l'avant. Toutefois, nous sommes assurément préoccupés par la manipulation des bulletins de vote postaux. Le danger, c'est qu'on n'en finisse jamais avec les appels. Je crois que tout le monde reconnaît le risque de fraude électorale.

Toutes les idées seront recueillies et feront l'objet d'une discussion. Les conclusions qui seront tirées de cet exercice seront transmises au ministre.

Le sénateur Lovelace Nicholas : J'ai posé cette question, car l'enjeu est important pour les Autochtones qui vivent hors réserve. J'ai déjà été dans cette situation, et je ne pouvais pas voter. Je crois qu'il est très important que les gens vivant à l'extérieur de la — je déteste dire ce mot — « réserve » participent aux élections.

Le sénateur Raine : Je ne sais plus trop qui a dit que chaque emploi, chaque maison et chaque avantage est contrôlé par le chef et son conseil, ce qui leur donne beaucoup de pouvoir. À mon avis, pour établir un bon système de gouvernance, il faut séparer le personnel du conseil de bande du processus politique. A-t-on adopté cette pratique à l'heure actuelle, ou les employés du conseil de bande sont-ils remplacés lorsqu'il y a un changement de leadership?

M. Paul : C'est une question que nous nous posons — le conflit d'intérêts. J'ai discuté avec AINC à ce sujet pendant plusieurs années. Nous croyons qu'AINC est responsable d'établir des lignes directrices relatives aux conflits d'intérêts, puisque c'est lui qui nous finance. La responsabilité n'appartient pas au chef et à son conseil. Ce serait un suicide politique. Nous sommes aussi des politiciens, et nous regardons les deux extrémités de la chaîne. Si je finançais le Sénat et ce dernier refusait de faire quelque chose pour moi, j'interromprais son financement jusqu'à ce qu'il cède.

AINC est responsable d'établir ces mécanismes dans le cadre des accords de transfert. La question des conflits d'intérêt devrait être réglée dans les accords de transfert à long terme que nous avons conclus avec le ministère. Il n'y a pas de chef ni de conseil qui veut se mettre dans cette situation, pour différentes raisons.

Ce n'est pas parce que nous nous enrichissons. La Première nation de Millbrook est très rigoureuse. Nous voulons répondre de chaque dollar dépensé. Personne ne peut se servir.

Nous avons des règlements administratifs qui régissent les lieux inesthétiques, le bruit excessif, le contrôle des chiens et le zonage. Notre localité ressemble à une banlieue de la ville de Truro. Il n'y a pas de discrimination. Nous avons un petit problème au chapitre de l'accès à l'enseignement. Toutefois, nos enfants vont dormir chez des amis en ville, qui viennent à leur tour dormir dans notre collectivité. Nous avons une bonne relation avec eux.

Si vous cherchez toujours la discrimination, vous êtes certain de la trouver. Si vous interprétez chaque mot comme témoignant d'une quelconque discrimination, vous lutterez continuellement contre la discrimination.

Les recommandations du Sénat nous seront très utiles pour améliorer la stabilité financière. Les Autochtones ont besoin du soutien d'une organisation telle que le Sénat pour prendre la place qui nous revient dans la société canadienne.

J'aimerais remercier le président et tous les sénateurs d'avoir entendu nos exposés. Je suis heureux d'être ici en train de vous parler.

Le président : Nous vous remercions tous les deux de vos exposés directs et sincères et des réponses que vous avez données à nos questions. Il y a de la lumière au bout du tunnel. Nous délibérerons sérieusement au sujet de vos recommandations afin de trouver une solution acceptable aux peuples des Premières nations. Le gouvernement ne devrait plus assujettir les peuples des Premières nations. Il devrait chercher à les aider, et non à les contrôler.

Jeudi dernier, j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec la bande indienne Osoyoos et le chef Clarence Louie. Je crois que la plupart des sénateurs ici présents ont été invités à l'ouverture de son centre des congrès à Osoyoos, en Colombie- Britannique. Il s'agit du parfait exemple de la réussite, du leadership et de la bonne gouvernance. Le chef Louie doit se soumettre à des élections tous les deux ans et, à l'instar du chef Paul, il est élu depuis 20 ans. La situation là-bas est semblable à la vôtre sur la côte Est. On s'efforce de devenir autonome.

Je vous remercie encore une fois. Je remercie les sénateurs des bonnes questions qu'ils ont posées. Nous avons hâte de collaborer avec vous à l'avenir.

Si vous pensez à quelque chose que le comité devrait savoir avant que nous produisions notre rapport, veuillez communiquer avec la greffière du comité.

Avant de terminer, chers collègues, j'aimerais vous rappeler la visite prochaine du Comité directeur de l'éducation des Premières nations à Ottawa. J'espère que vous avez eu l'occasion de lire le courriel que vous a envoyé notre excellente greffière. Certains d'entre vous ont rencontré les membres de cet organisme à Vancouver. Nous avons écouté leurs idées et leurs initiatives novatrices concernant l'éducation. J'encourage les membres qui seront à Ottawa la semaine prochaine à saisir l'occasion de rencontrer le Comité directeur de l'éducation des Premières nations pour en apprendre davantage sur les préoccupations urgentes liées à l'éducation chez les Autochtones.

Je vois qu'il n'y a pas d'autre question ou commentaire des sénateurs. La séance est levée.

(La séance est levée.)


Haut de page