Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 19 - Témoignages du 28 octobre 2009
OTTAWA, le mercredi 28 octobre 2009
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 18 h 30, pour étudier les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis, et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : questions relatives aux élections selon la Loi sur les Indiens).
Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.
Le président : Je constate que nous avons le quorum. Je déclare la séance ouverte.
Je souhaite la bienvenue aux honorables sénateurs, aux membres du public et à tous les téléspectateurs du pays qui regardent la séance sur CPAC ou sur le Web. Je suis Gerry St. Germain, de la Colombie-Britannique, et j'ai l'honneur de présider le comité.
Le comité a pour mandat d'examiner les dispositions législatives et les dossiers touchant les peuples autochtones du Canada en général. Le 1er avril 2009, le comité a décidé d'amorcer une étude pour examiner les questions relatives aux élections selon la Loi sur les Indiens.
Le comité se penche sur des préoccupations qui subsistent concernant le régime électoral prévu par la Loi sur les Indiens, y compris le mandat de deux ans des chefs et des membres du conseil qui est actuellement prescrit par la Loi. Le comité cherche à connaître le point de vue des dirigeants des Premières nations, des organismes autochtones et des membres des Premières nations ainsi que celui d'experts dans ce domaine concernant la pertinence et la nature des modifications qui pourraient être apportées au régime électoral prévu par la Loi sur les indiens afin de permettre aux Premières nations d'établir une meilleure gouvernance, entre autres grâce au renforcement de la responsabilité politique des dirigeants des Premières nations.
Pour l'information des téléspectateurs, il est important de souligner que 252 bandes indiennes, soit environ 40 p. 100 de toutes les bandes indiennes du Canada, tiennent des élections en conformité avec la Loi sur les Indiens. L'étude que nous réalisons est axée sur les Premières nations qui tiennent leurs élections selon le régime prévu par la Loi sur les Indiens. Les autres bandes indiennes choisissent leur chef selon un code coutumier ou une entente sur l'autonomie gouvernementale.
Avant de commencer, je souhaiterais présenter les membres du comité qui sont présents ce soir : le sénateur Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest; le sénateur Brazeau, du Québec; le sénateur Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick; le sénateur Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard; le sénateur Dyck, de la Saskatchewan; le sénateur Martin, de la Colombie-Britannique; le sénateur Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick; et le sénateur Carstairs, du Manitoba.
Chers collègues, permettez-moi de vous présenter le témoin. Lynne Groulx est présidente du Centre de recherche et de droit autochtone, situé à Gatineau, au Québec. Le centre se spécialise dans la recherche juridique sur les questions autochtones, entre autres le droit constitutionnel, les droits de la personne, le droit pénal et le droit international, et examine comment ces aspects du droit s'appliquent aux Autochtones.
Mme Groulx est une Métisse d'origine algonquine et française. Elle a obtenu un diplôme en droit civil de l'Université d'Ottawa, avec une spécialisation en droit autochtone, et elle a récemment terminé un mémoire de maîtrise en droit intitulé Striking a Human Rights Balance : a Study of the Canadian Human Rights Act vis-à-vis Aboriginal Peoples (2009). Mme Groulx travaille actuellement à la rédaction de sa thèse de doctorat en droit qui portera le titre suivant : Mental Illness under Canadian Law : a Study of the Criminalization of the Mentally Ill from a Human Rights Perspective.
Par le passé, Mme Groulx a entrepris des travaux de recherche pour le compte du Congrès des peuples autochtones. Ces travaux de recherche ont mené à la publication, en avril 2008, du rapport du Congrès des peuples autochtones intitulé Justice is Equality.
Mme Groulx a demandé à comparaître devant le comité pour discuter des répercussions des élections tenues en conformité avec l'article 74 sur les tribunaux fédéraux et sur la Commission canadienne des droits de la personne et pour exposer des décisions en particulier et l'incidence qu'ont eue ces décisions.
Les membres du comité se rappelleront que, en juin 2008, le Sénat a adopté le projet de loi C-21, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne. Ce projet de loi visait à abroger l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui restreignait l'accès aux mécanismes de recours appliqués par la Commission en ce qui a trait à toute disposition de la Loi sur les Indiens.
En vertu du projet de loi C-21, la Commission peut désormais recevoir les plaintes liées à la Loi sur les Indiens qui sont déposées par le gouvernement fédéral, ce qui était auparavant exclu aux termes de l'article 67. Le projet de loi prévoit une période de transition de trois ans avant que des plaintes puissent être reçues à l'encontre des autorités gouvernementales des Premières nations.
Madame Groulx, le comité est impatient d'entendre vos propos concernant les répercussions relatives aux élections tenues en conformité avec l'article 74. Avez-vous un exposé à présenter?
Lynne Groulx, présidente, Centre de recherche et de droit autochtone inc., à titre personnel : Oui, je suis en train de le faire traduire. J'ai préparé un document détaillé qui sera prêt vendredi dans les deux langues officielles. Je m'exprimerai en anglais, mais je serais ravie de répondre à toute question aussi en français.
Le président : Les sénateurs aimeraient vous poser des questions, alors si vous pouviez vous en tenir le plus possible à l'essentiel, les sénateurs disposeraient de suffisamment de temps pour poser leurs questions.
Mme Groulx : Est-ce qu'un exposé de 10 minutes vous convient?
Le président : C'est parfait. Vous avez la parole.
Mme Groulx : Monsieur le président, membres du Comité sénatorial permanent des affaires autochtones, j'ai l'honneur de vous présenter les constatations d'une recherche juridique récente que j'ai entreprise dans le cadre d'une maîtrise en droit en 2008 et en 2009. Elle porte en partie sur la question des élections tenues par les bandes en faisant appel à l'arrêté ministériel prévu à l'article 74 de la Loi sur les Indiens. Je vous présenterai les constatations d'une « analyse en vrac » d'un certain nombre d'affaires entendues par les cours fédérales et portant sur des différends entourant les élections selon la coutume.
La Loi sur les Indiens prévoit que l'élection des conseils de bande peut être régie soit par les dispositions de la Loi et ses règlements d'application, soit par la « coutume de la bande », conformément aux articles 2 et 74. Pour permettre à une bande qui tient des élections régies par la Loi sur les Indiens de revenir à des élections selon la coutume, le MAINC a comme pratique de demander que celle-ci soumette par écrit une loi sur les élections selon la coutume qui soit conforme à la Charte canadienne des droits et libertés. Il n'existe aucune autre exigence administrative ou procédurale entourant ce processus de retour à la coutume.
Bien que le MAINC ne puisse intervenir dans des élections selon la coutume une fois ce processus accompli, il garde le contrôle ultime et peut prendre une mesure, au moyen d'un arrêté ministériel, pour forcer une bande à tenir à nouveau ses élections aux termes de la Loi sur les Indiens. Toutefois, cette mesure a rarement été utilisée.
D'habitude, une bande enclenche le processus de retour à des élections selon la coutume en procédant à une consultation auprès de ses membres pour s'assurer d'un large consensus. Pour ce faire, il lui faut envoyer aux membres des avis conformes pour les prévenir des réunions et discussions à venir et allouer suffisamment de temps pour le déroulement du processus.
Certaines collectivités décident d'adapter une forme de leurs traditions « ancestrales » au code de sélection de leurs dirigeants. Certaines préfèrent recourir à une approche moderne faisant appel à un code écrit qui ressemble à une loi moderne sur les élections municipales. Enfin, d'autres optent pour une formule hybride intégrant des éléments de la « vieille » et de la « nouvelle » loi. La grande majorité des codes semblent appartenir à la dernière catégorie de type hybride.
Malheureusement, à l'heure actuelle, il y a bien des malentendus à propos de la nature et de la signification de l'expression « coutumes électorales ». De fait, l'un des premiers problèmes à surgir dans les conflits entourant les élections selon la coutume en est un de nature explosive. Il s'agit de la légitimité de la coutume elle-même.
L'arrêt clé servant à déterminer la légitimité d'une coutume contestée est l'affaire Bigstone c. Big Eagle. Dans cette affaire, la Cour fédérale a décidé qu'une coutume doit comprendre des pratiques pour le choix d'un conseil qui sont généralement acceptables pour les membres de la bande et qui font l'objet d'un large consensus. Cette définition semble assez simple, mais ce passage a été cité à maintes reprises dans de nombreuses décisions.
Pour régler bien des différends, les tribunaux ont clairement délimité cette notion, et ils la qualifient de « coutume contemporaine ». C'est exactement le terme employé par les tribunaux : ils la nomment « coutume ancestrale » et non « coutume contemporaine ».
Les « coutumes ancestrales » sont celles auxquelles on fait généralement allusion dans la jurisprudence, comme dans l'affaire R. c. Van der Peet, à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 ou à l'article 25 de la Charte.
L'une des clés permettant de comprendre la nature d'une coutume électorale consiste à ne pas forcément présumer que la coutume elle-même signifie « coutume ancestrale ». Dans le contexte des élections selon la coutume dans les bandes, il faut forcément faire appel à une dichotomie différente, qui s'écarte de celle utilisée pour déterminer les droits ancestraux. Par exemple, si un ou une juge devait se pencher sur la coutume électorale de choisir un conseil selon la « coutume ancestrale », il ou elle examinerait comment la bande en question choisissait son chef et son conseil au moment de la prise de contact avec les Européens.
Ce n'est pas le cas ici. Selon leur approche contemporaine, les cours fédérales examinent en quoi la coutume a changé au cours d'une certaine période de temps récente et vérifient si cette méthode reçoit un large appui de la part des membres de la collectivité.
Dans certains cas où on fait valoir que les pratiques réelles en matière d'élection consignées dans un code coutumier ne correspondent pas à la coutume ancestrale de la bande ou aux traditions orales, les cours examinent la volonté de la collectivité plutôt que d'entreprendre un examen en profondeur de la coutume ancestrale.
On s'interroge également sur la question de savoir si la coutume est un pouvoir inhérent ou un pouvoir en vertu de la Loi sur les Indiens, même s'il s'agit d'un code ou d'un régime électoral coutumier. Dans l'affaire Bone c. Sioux, le juge a déclaré que le pouvoir de la bande de choisir sa coutume ne provient pas de la Loi sur les Indiens elle-même; il l'a plutôt qualifié de « pouvoir inhérent ». Selon le juge, les bandes ont toujours eu ce pouvoir. Le juge Strayer, dans l'affaire Première nation Wood Mountain c. Canada (Procureur général), a confirmé l'opinion du juge dans l'affaire Bone et déclaré :
La Cour a conclu que la mention d'élections tenues selon la coutume de la bande dans la définition de « conseil de bande » qui figure à l'article 2 de la Loi ne crée pas la compétence pour des élections coutumières mais ne fait que les définir pour ses propres fins [...] Par conséquent, de telles élections ne sont pas tenues en vertu d'une compétence prévue par une loi fédérale.
Dans la décision Jacobs c. Kahnawake, le Tribunal canadien des droits de la personne a déterminé que les élections des Mohawks selon la coutume étaient tenues « en vertu de la Loi sur les Indiens ». Cette décision donne lieu à une controverse, car la Cour fédérale soutient qu'il s'agit d'un pouvoir inhérent, alors que le Tribunal canadien des droits de la personne déclare que ce n'est pas un pouvoir inhérent, que les élections se tiennent en vertu de la Loi sur les Indiens et que toutes les décisions prises dans le contexte des élections selon la coutume sont prises en vertu de la Loi sur les Indiens. Le Tribunal adopte cette position au motif que l'article 74 constitue un arrêté ministériel. Par conséquent, toutes les décisions sont prises « en vertu de la Loi sur les Indiens ». Cela prête à confusion.
À la lumière du projet de loi C-21 et de l'abrogation de l'article 67, il importe de comprendre que, sans égard à la position prise dans l'affaire Jacobs, des intervenants intéressés pourraient envisager de déposer une plainte à la fois contre Affaires indiennes et du Nord Canada et l'administration de première nation visée. Le gouvernement du Canada, au titre de son obligation de fiduciaire, doit agir dans les meilleurs intérêts des peuples autochtones et veiller à ce que toutes les lois approuvées par la Couronne, en l'occurrence les lois sur les élections selon la coutume, ne contreviennent pas aux droits fondamentaux de la personne. Les administrations ou gouvernements des Premières nations doivent également assurer le respect de la Charte et des lois fédérales sur l'antidiscrimination.
Les demandeurs contestent généralement des décisions prises par des comités ou commissions d'appel en matière d'élections, des conseils de bande, des conseils des Aînés et des superviseurs d'élections. Il y a toutes sortes de contestations. Les décisions sont souvent rendues avant, pendant ou après les élections, mais nombre de décisions font l'objet de contestations.
La jurisprudence révèle que les décisions prises par ces différentes entités entraînent des problèmes importants. Par exemple, un membre d'une commission d'appel peut être appelé à examiner sa propre conduite ou inconduite. Le code peut autoriser le directeur général des élections à siéger à la commission d'appel, mais une plainte peut être déposée contre lui. À l'évidence, il y a un conflit d'intérêts.
En conclusion, bien qu'il soit préférable que chaque bande ou Première nation élabore sa propre coutume, tienne ses propres élections et entende ses propres appels, il est entendu que certains litiges ne peuvent être réglés qu'en Cour fédérale. La réalité est que les tribunaux sont un instrument contondant et qu'on ne devrait y recourir qu'en tout dernier lieu. Malheureusement, ils sont trop souvent appelés à intervenir pour éteindre « un incendie qui fait rage ».
Dans bien des cas, le processus comporte des lacunes dès le début. Le code coutumier contient des erreurs sous la forme de vices de procédure, d'incohérences ou même de violations de la Charte. Le code est approuvé à l'aveuglette, sans que la bande et le gouvernement du Canada l'aient examiné en détail. De plus, le code peut être modifié en tout temps à l'insu du MAINC.
Parfois, les problèmes paraissent imposants, mais ils peuvent être prévenus sans forcément réinventer la roue. Actuellement, il y a un mécanisme en place qui permet aux Premières nations de revenir à un code électoral coutumier, à condition que ce code soit en conformité avec la Charte. Les Premières nations qui reviennent à un code électoral coutumier respectent cette condition. Les Premières nations sont allées un peu plus loin, et elles ont vigoureusement réclamé l'ajout de l'article 34 à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. En voici le libellé :
Les peuples autochtones ont le droit de promouvoir, de développer et de conserver leurs structures institutionnelles et leurs coutumes, spiritualité, traditions, procédures ou pratiques particulières et, lorsqu'ils existent, leurs systèmes ou coutumes juridiques, en conformité avec les normes internationales relatives aux droits de l'homme.
En appliquant le principe selon lequel il vaut mieux prévenir que guérir, nous pourrions grandement contribuer à apaiser les différends liés aux élections tenues selon l'article 74.
Le président : Je vous remercie, madame Groulx. Il y a toute une liste de sénateurs qui souhaitent vous poser des questions, et, si vous êtes prête, le premier intervenant sera le sénateur Sibbeston, vice-président du comité. En passant, je souhaiterais vous présenter le sénateur Patterson du Nunavut, qui s'est joint à nous; il est assis à ma gauche.
Le sénateur Sibbeston : Madame Groulx, je vous remercie de votre présence ici ce soir. À l'évidence, vous avez étudié le dossier dans une perspective très juridique. D'un autre côté, le comité s'est rendu à un certain nombre d'endroits dans le pays et a entendu des témoins qui se penchent justement sur la question bien pratique des élections et de l'actuel mandat de deux ans.
De façon générale, on s'entend pour dire qu'un mandat de deux ans n'est pas suffisant et qu'il faudrait prolonger la durée du mandat. Nous savons également que diverses Premières nations ont tiré avantage des dispositions de la Loi sur les indiens pour se doter de leur propre régime électoral. Le fait de leur permettre d'élaborer leur propre régime représente certainement une façon de régler la question des restrictions imposées par la Loi sur les Indiens. Bien sûr, nous recommanderons que des modifications soient apportées.
Selon vous, dans quelle mesure les Premières nations pourraient-elles invoquer la Charte, plus particulièrement l'article 35, si nous apportions des modifications à la Loi sur les Indiens? Croyez-vous que les Premières nations seraient fondées à contester les modifications que nous proposerions d'apporter à la Loi sur les Indiens?
Mme Groulx : Je crois qu'une telle contestation serait fondée sur le plan juridique. Les Premières nations sont certainement fondées à le faire aux termes de l'article 35. Toutefois, en ce qui a trait aux élections coutumières, les tribunaux ont tous adopté la même position. Ils ne les considèrent pas comme des pratiques ancestrales. Il y a un groupe de juges qui soutient que ce sont des « droits inhérents », et ce groupe a déclaré qu'il s'agissait d'une coutume ancestrale, abandonnée en conséquence de l'application de la Loi sur les Indiens, et que les Premières nations pouvaient désormais retourner à cette coutume ancestrale.
Toutefois, nombre de juges adoptent une position différente. Il existe de nombreuses affaires où les juges soutiennent qu'il ne s'agit pas d'une coutume ancestrale, que ces pratiques ne sont pas visées par l'article 35 et qu'ils n'accepteraient pas ce type d'argument. Ces juges affirment essentiellement qu'il s'agit d'une coutume hybride contemporaine, de sorte que la coutume ancestrale n'existe plus.
Il n'y aurait qu'une poignée de collectivités des Premières nations qui auraient vraiment conservé ces coutumes ancestrales. Je crois qu'il n'en reste que 10 ou 15 dans tout le Canada. Les autres collectivités des Premières nations ont opté pour un code qui appartient à une nouvelle catégorie, à savoir les coutumes contemporaines ou hybrides.
Si on examine un grand nombre de codes appartenant à cette catégorie, on constate qu'il s'agit bel et bien de codes hybrides — dans la mesure où ils intègrent certains éléments traditionnels —, mais ils se composent en majeure partie de dispositions modernes qui ressemblent à celles qu'on pourrait retrouver dans une loi sur les élections municipales. Voilà essentiellement en quoi cela consiste. On peut trouver certains des codes sur Internet, et ils sont cités de maintes façons dans la jurisprudence. C'est l'une des difficultés. Les codes sont parfois rédigés dans des termes juridiques, et ils doivent recueillir un large consensus au sein de la collectivité. Comment peut-on approuver quelque chose qu'on ne peut même pas comprendre parce que les termes utilisés sont trop compliqués? On insère parfois dans les codes des dispositions qui ne sont pas rédigées dans une langue simple.
Le sénateur Sibbeston : Par conséquent, recommanderiez-vous que nous proposions des modifications qui sont optionnelles? Par exemple, on estime que le mandat de deux ans prévu par la loi est trop restrictif. Plutôt que de fixer la durée du mandat à trois ou quatre ans, croyez-vous qu'il serait mieux de laisser à la discrétion des Premières nations la décision de mettre en place un mandat d'une durée maximale de quatre ans? Cela éviterait-il que les Premières nations contestent l'une ou l'autre des modifications que nous pourrions recommander?
Mme Groulx : Certainement.
Le sénateur Sibbeston : Diriez-vous que la question des élections et du gouvernement est de nature si délicate que les Premières nations pourraient très probablement invoquer l'article 35? Cet aspect de la gouvernance est-il particulièrement délicat? En serait-il de même pour les autres facteurs, comme le développement économique, le logement ou l'éducation?
Mme Groulx : Je qualifierais cette question d'explosive. Dans l'introduction de nombre de ces codes coutumiers, il est précisé que les Premières nations ont le droit inhérent de s'autogouverner et que c'est le Créateur qui leur a donné ce droit. Il y a l'article 33 de la déclaration des Nations Unies. Il s'agit décidément de l'argument très solide qui permettrait aux Premières nations de faire valoir l'article 35. Cela ne veut pas dire que les Premières nations obtiendraient nécessairement gain de cause, mais elles pourraient sans aucun doute invoquer cet article.
Le sénateur Stewart Olsen : Je vous remercie de votre exposé. Cette discussion prête beaucoup à confusion. Un profane aurait de la difficulté à s'y retrouver.
À votre avis, est-il préférable pour une Première nation de mettre en place un code coutumier? Selon vous, quel mécanisme est le plus avantageux?
Mme Groulx : Il s'agit d'une question à laquelle il est très difficile de répondre.
Le sénateur Stewart Olsen : Je sais.
Mme Groulx : Il y a de nombreux problèmes associés au code électoral coutumier, mais ce ne sont pas nécessairement des problèmes qui ne pourraient pas être réglés facilement. Il semble que ces codes donnent lieu à beaucoup de problèmes de procédure. On dirait qu'ils tombent entre les mailles du filet. Ils sont censés être conformes à la Charte, mais lorsqu'ils sont produits devant la Cour fédérale, le juge déclare : « Attendez une minute. Quel est l'objet de cette disposition? Elle est ambiguë. Elle n'est pas conforme à la Charte. » Il y a tous ces problèmes. Le filet de sécurité, par exemple l'approbation du MAINC, ne semble pas fonctionner. Si on pouvait améliorer cet aspect, je suis persuadée qu'il n'y aurait pas une Première nation qui hésiterait à dire qu'elle préférerait élaborer son propre régime électoral. Certaines de ces difficultés pourraient être corrigées assez facilement.
Le sénateur Stewart Olsen : Jusqu'à maintenant, combien de décisions ont-elles fait l'objet d'une contestation?
Mme Groulx : Il y a des centaines d'appels qui ont été interjetés à la Cour d'appel fédérale. Nombre de ces appels durent maintenant depuis plus de deux ans. Des personnes interjettent appel, puis on adresse des requêtes et on dépose des motions incidentes, et des milliers de dollars sont dépensés dans un litige.
Le sénateur Stewart Olsen : Les litiges opposent-ils des membres d'une même collectivité?
Mme Groulx : Des membres d'une Première nation contestent leur propre coutume. Le manque de clarté de la coutume suscite une controverse. Parfois, le code écrit expose la procédure à suivre pendant la tenue des élections. Par exemple, le code pourrait préciser que le directeur général des élections doit fermer les bureaux de scrutin à 18 h, mais, en réalité, au cours des 10 dernières années, le directeur général des élections a fermé les bureaux à 18 h 15, 18 h 30 ou 18 h 40. Il s'agit maintenant de la coutume ou de la pratique réelle. Lorsqu'un problème survient et qu'un candidat perd, il déclare : « J'ai perdu parce que vous avez fermé les bureaux de vote trop tard. » Il s'adresse alors au tribunal, et le juge dit : « Quelle est la coutume? Est-ce la loi écrite ou la pratique traditionnelle? » Un code oral peut modifier un code écrit, et les juges soutiennent qu'il ne faut pas accorder la priorité au code écrit. Le code écrit ne l'emporte pas nécessairement sur une tradition orale qui a dans les faits modifié la pratique sans qu'on apporte de changement au code écrit. C'est une situation qui crée beaucoup de confusion.
Le sénateur Stewart Olsen : Ces litiges et ces centaines de contestations coûteront très chers aux contribuables canadiens. Il faudra probablement leur consacrer beaucoup de fonds qu'il vaudrait peut-être mieux affecter aux soins de santé ou à l'éducation. Pourquoi devrait-on mettre en place deux systèmes?
Mme Groulx : Il y a aussi des contestations relativement aux élections tenues selon la Loi sur les Indiens. Cela se produit également. Je crois comprendre que le gouvernement du Canada est partie à ces litiges et qu'il devra en assumer le coût. Dans le cas des élections coutumières, parce qu'elles ne sont pas assujetties à la Loi sur les Indiens, le gouvernement n'a pas à payer la note. Les bandes doivent utiliser des fonds qui proviennent de leur budget.
Le sénateur Brazeau : Madame Groulx, je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie de votre exposé.
Le comité se penche sur la question des élections tenues en conformité avec l'article 74 de la Loi sur les Indiens. Personnellement, je trouve qu'il est très difficile de discuter de cette question sans parler des codes coutumiers, car le fait est que, actuellement, nous envisageons seulement de recommander au gouvernement du Canada de faire passer le mandat des élus de deux à quatre ans. En outre, toute collectivité des Premières nations peut maintenant retourner à ce qu'elle appelle un code électoral coutumier, et elle peut élaborer son propre code électoral et prolonger la durée du mandat.
À la lumière de votre expertise dans le domaine et des travaux de recherche que vous avez menés, croyez-vous que la possibilité, pour les Premières nations, de retourner à un code coutumier et de mettre en place un mandat d'au plus quatre ans constitue une option viable, particulièrement si elles souhaitent donner plus de légitimité et de crédibilité à leur régime électoral?
Mme Groulx : Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de prolonger la durée du mandat. De fait, lorsqu'on regarde les codes coutumiers, on constate que la plupart d'entre eux prévoient déjà un mandat de plus de deux ans.
Je suis d'avis que le code électoral coutumier peut être amélioré. Le problème, à l'heure actuelle, c'est qu'il parvient à passer entre les mailles du filet. Lorsque le code est soumis à l'approbation de tiers, il comporte déjà des lacunes. Il contient déjà des ambiguïtés et des failles. Nous devons traiter avec des aspects juridiques très difficiles parce que les Premières nations utilisent un code hybride. Il s'agit d'un code qui intègre à la fois des règles du droit canadien et des traditions juridiques autochtones. Essentiellement, le code doit être examiné par une personne qui possède des compétences dans ces deux branches du droit. Des détails pourraient échapper à un avocat qui possède une formation en droit canadien. En effet, cet avocat remarquerait tous les éléments liés au droit canadien, mais il pourrait négliger les éléments qui se rapportent au droit coutumier.
L'approbation du code semble comporter des failles ou des lacunes. Pour une raison quelconque, des erreurs ne sont pas relevées. Je ne suis pas certaine s'il y a un comité qui s'acquitte de cette tâche au MAINC ou si elle relève simplement de quelques responsables des politiques au ministère, mais il semble y avoir un problème à ce chapitre.
J'ai lu un code récent, rédigé il y a un an par un cabinet d'avocats, qui a été soumis et approuvé, et qui n'a pas encore fait l'objet d'un appel. Si on souhaitait contester une décision liée aux élections, on ne pouvait pas s'adresser à un comité d'appel. On devait s'adresser au directeur général des élections. Mais si on veut déposer une plainte contre le directeur général des élections, comment peut-on obtenir justice?
Le sénateur Brazeau : Cela dit, seriez-vous en mesure d'émettre une opinion en ce qui a trait à la comparaison entre les deux systèmes? Plus de 50 p. 100 des collectivités des Premières nations au Canada se sont dotées d'un code électoral coutumier. Je crois que nombre de ces Premières nations sont revenues à un code coutumier après l'arrêt Corbière c. Canada, en 1999, car, de cette façon, elles pouvaient refuser le droit de vote aux membres vivant hors réserve au motif que le tribunal n'avait pas abordé la question du droit de vote des membres vivant hors réserve dans le cadre d'élections coutumières. Seriez-vous en mesure de nous dire quel est, selon vous, le système qui est le plus avantageux ou qui confère une plus grande légitimité?
Mme Groulx : Je ne crois pas que je puisse répondre directement à cette question, car il ne fait aucun doute que les Autochtones ont le droit, en vertu du droit international, de mettre en place leur propre régime électoral. Cela ne fait aucun doute. À mon avis, il existe des problèmes de procédure, et le code coutumier comporte des lacunes. L'étape initiale qui consiste à soumettre le code et à examiner sa conformité avec la Charte donne lieu à des problèmes. Ce n'est pas parce que les traditions juridiques autochtones ne sont pas conformes à la Charte. Cela tient plutôt à la complexité de ces documents. Il semble y avoir nombre d'erreurs qui entraînent d'énormes quantités de litiges. Il est très probable que plus de la moitié de ces différends n'auraient jamais abouti devant les tribunaux si le code coutumier avait été adéquatement rédigé avant d'être approuvé. Il semble que ce soit l'une des principales lacunes.
Quant à la question de savoir quel système est le meilleur, je n'ai pas réalisé une analyse pour savoir combien de différends relatifs aux élections selon la Loi sur les Indiens ont été portés devant le tribunal par rapport au nombre de litiges liés aux élections coutumières.
Ces litiges sèment évidemment la division au sein des collectivités et coûtent des milliers de dollars. Cela occasionne non seulement des coûts élevés, mais également des conflits. Parfois, la police doit intervenir. La situation peut vraiment dégénérer. Il ne fait aucun doute que quelque chose ne tourne pas rond. Les Autochtones ont le droit de mettre en place leurs propres codes, et ce droit est presque reconnu en vertu du droit international.
Si le code coutumier connaît actuellement des ratés et présente des lacunes, on pourrait peut-être remédier à la situation simplement en modifiant certaines des procédures qui sont en place ou en prévoyant d'autres procédures. Il y a quelque chose qui cloche avec le filet de sécurité.
Après l'approbation du code, la collectivité peut le modifier une vingtaine de fois si elle le souhaite. Personne ne le réexamine. Même si le code approuvé est conforme à la Charte, il peut être modifié par la suite. Par exemple, une collectivité peut inclure une disposition qui accorde le droit de vote aux membres vivant hors réserve seulement pour obtenir l'approbation de son code — car il s'agit maintenant d'une exigence imposée par MAINC —, puis décider de modifier cette disposition à l'inverse. Actuellement, rien n'empêche quiconque de faire cela. Il s'agit sans aucun doute d'un problème.
Le sénateur Brazeau : Au chapitre de la recherche et de l'analyse, vous êtes-vous penchée sur les Premières nations qui tiennent des élections coutumières et qui ont prolongé la durée du mandat? Avez-vous été en mesure de conclure qu'il y a plus de stabilité dans les collectivités des Premières nations qui sont revenues à un code électoral coutumier et qui ont prolongé le mandat des élus?
Mme Groulx : Non. Le simple bon sens et la logique donneraient à penser que, puisque la plupart des codes prévoient des mandats de plus de deux ans, les collectivités estiment qu'un mandat de deux ans est trop court.
Le sénateur Brazeau : Si le comité recommandait de porter le mandat à au plus quatre ans, peut-être qu'une analyse des codes coutumiers actuels qui prévoient un mandat plus long pourrait permettre d'évaluer le degré de stabilité des collectivités.
Mme Groulx : Je serais ravie d'entreprendre cette étude pour vous.
Le sénateur Brazeau : Je vous remercie.
Le président : Croyez-vous qu'il serait utile d'établir un organe indépendant qui aiderait les Premières nations à rédiger des codes coutumiers juridiquement valides qui sont conformes au droit canadien et au droit autochtone?
Mme Groulx : Cela permettrait d'économiser beaucoup d'argent, de gagner du temps et d'éviter les dissensions. À l'occasion d'une conférence récente, j'ai entendu le professeur Sakej Henderson, qui est une sommité en matière de questions autochtones au Canada. Il parlait de la difficulté d'harmoniser les différentes traditions juridiques et de comprendre celles des autres. Les avocats spécialisés en droit canadien ne connaissent pas le droit traditionnel autochtone, et vice versa. Un tel organe serait certainement utile.
Le sénateur Hubley : Vous avez mentionné que le processus comportait des lacunes et que les codes coutumiers pouvaient être modifiés à l'insu du MAINC. Selon votre expérience, combien de temps faut-il — ou peut-être qu'il y a trop de variations — à une bande pour passer du régime électoral prévu par la Loi sur les Indiens à un code coutumier?
Mme Groulx : Une démarche menée en bonne et due forme prendrait probablement un peu plus d'un an, en raison de la consultation des membres de la collectivité. Pour élaborer adéquatement un code coutumier, il faudrait organiser de nombreuses réunions communautaires pour déterminer quelles traditions juridiques autochtones on souhaite intégrer au nouveau code. Parfois, la collectivité décide simplement d'embaucher un avocat pour créer un code moderne, comme toute autre municipalité. Dans d'autres cas, la collectivité préfère moderniser ses traditions ancestrales pour élaborer un nouveau régime électoral. La deuxième démarche prendrait un peu plus d'un an. La durée du processus varierait selon l'option qui est retenue.
Le sénateur Hubley : Tant que la collectivité ne se bute à aucune difficulté en cours de route, la transition peut s'effectuer dans ce délai.
Mme Groulx : Exactement.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Je trouve qu'il est malheureux que les contribuables aient à payer autant d'argent pour cela, mais nous ne sommes pas à l'origine de ces problèmes. Je crois qu'ils sont attribuables au gouvernement et au ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada.
Je travaille avec une personne qui peut prouver qu'il y a eu des élections frauduleuses dans une collectivité. Le MAINC a-t-il le droit de refuser d'examiner l'affaire? Est-ce le rôle de la GRC de se pencher sur ce dossier?
Mme Groulx : Je ne voudrais pas répondre au nom du MAINC. Je sais que sa politique consiste à ne pas intervenir parce que cela se rapporte à la coutume et ne relève pas vraiment de sa compétence. Si les choses tournent très mal dans une collectivité qui tient des élections coutumières, le MAINC est habilité à l'obliger à revenir au régime électoral prévu par la loi. Le ministère ne l'a fait qu'à deux ou trois occasions. L'affaire a été portée devant les tribunaux, et cela a été tout un processus. À l'évidence, lorsqu'il y a des actes frauduleux, la police ou la GRC pourrait intervenir.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Cette affaire finira devant les tribunaux. Quelle est la meilleure façon pour ces personnes de remédier à ce problème?
Mme Groulx : Elles pourraient tenter de s'adresser au MAINC, mais je ne crois pas que le ministère va les aider. Il est plus que probable qu'elles devront s'adresser aux tribunaux. Il y a probablement des cas semblables dans la jurisprudence.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Je croyais que vous pourriez suggérer un recours plus simple.
Le sénateur Carstairs : J'aimerais en savoir un peu plus sur le Centre de recherche et de droit autochtone. Vous êtes très instruite et vous rédigez actuellement votre thèse de doctorat en droit. Combien de personnes travaillent au centre et d'où provient votre financement?
Mme Groulx : Je suis indépendante. Je fournis moi-même le financement. Je travaille très dur et j'ai acheté l'immeuble de trois étages qui abrite le centre. Je conclus des contrats avec le gouvernement. Selon les contrats, je travaille avec l'Université d'Ottawa. Je tente de recruter le plus grand nombre possible d'étudiants de troisième année en droit qui s'intéressent aux questions autochtones — des étudiants autochtones, dans la mesure du possible — pour réaliser des projets de recherche. C'est ce que je fais.
Le sénateur Carstairs : J'aimerais poursuivre dans la même veine que le sénateur Lovelace Nicholas. Admettons qu'une bande ne tienne pas des élections coutumières. Elle décide de faire la transition vers un code coutumier et elle est autorisée par le MAINC à élaborer son propre code coutumier. Puis, le MAINC se lave les mains du reste. Ne s'agit-il pas d'un manquement à ses devoirs?
Mme Groulx : C'est pourquoi j'ai soulevé la question des obligations de fiduciaire du gouvernement, et, en effet, ce point a été abordé par le Tribunal canadien des droits de la personne dans l'affaire Jacobs. La présidence a dit exactement ce que vous avez dit et a blâmé le gouvernement du Canada. Le document que je distribuerai vendredi renferme une citation qui se rapporte exactement à la question que vous avez soulevée. La présidence a déclaré que le fait de se laver les mains de ce dossier constituait un manquement aux obligations de fiduciaire du gouvernement.
Le sénateur Carstairs : J'ai trouvé intéressante votre déclaration selon laquelle on peut élaborer un code coutumier, le faire approuver, puis le modifier à sa guise.
Mme Groulx : C'est exact.
Le sénateur Carstairs : Évidemment, le droit de retourner à un code coutumier devrait être assorti d'un ensemble de règles imposées par le MAINC pour dire aux collectivités : « Si vous souhaitez modifier votre code coutumier de quelque façon que ce soit, vous devez en obtenir l'approbation. » Mais je crois comprendre que de telles règles n'existent pas.
Mme Groulx : C'est le filet de sécurité dont je parlais et qui n'existe pas. Il n'y a pas de filet de sécurité. Ce genre de règles n'a pas été mis en place.
Le sénateur Carstairs : Vous avez mentionné que, à votre avis, les Premières nations ont le droit de revenir à un code coutumier en vertu du droit international.
Mme Groulx : En effet.
Le sénateur Carstairs : Ma connaissance des traités internationaux m'amènerait à conclure la même chose. Toutefois, c'est une chose de dire qu'elles en ont le droit, mais c'en est une autre de prétendre qu'elles peuvent violer d'autres principes internationaux et la Charte pendant l'élaboration de leur nouveau code.
Mme Groulx : Tout à fait.
Le sénateur Carstairs : Il s'agit d'une violation claire de ces dispositions.
Mme Groulx : C'est exact. Voilà pourquoi j'ai soulevé la question de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, contre laquelle a voté le Canada. Toutefois, les Autochtones eux-mêmes réclamaient l'adoption de cette mesure. L'article qu'ils souhaitaient faire inclure — et je tiens à le répéter — prévoit que les peuples autochtones ont le droit de promouvoir, de développer et de conserver leurs structures institutionnelles et leurs coutumes, spiritualité, traditions, procédures ou pratiques en conformité avec les normes internationales relatives aux droits de l'homme.
Ils ont eux-mêmes établi ces normes. Par conséquent, cela signifie que leurs propres codes électoraux et leurs propres traditions devraient être conformes à la Charte. Ce n'est pas le gouvernement du Canada qui les y contraint. Ils ont eux-mêmes réclamé l'ajout de cet article. Ils ont fixé la barre assez haut.
Le sénateur Carstairs : Soyons très clair : c'est le pouvoir exécutif du gouvernement qui a rejeté cette déclaration, et non le gouvernement dans son ensemble.
Ma dernière question concerne les erreurs de rédaction. À votre connaissance, combien y a-t-il de personnes au MAINC qui élaborent et approuvent ces nouveaux codes électoraux coutumiers, et, selon vous, ce nombre est-il adéquat?
Mme Groulx : Je crois qu'il y a une ou deux personnes qui sont affectées à cette tâche. Je ne crois pas qu'il s'agisse nécessairement d'avocats. Ce sont peut-être des responsables des politiques. Le nombre est loin d'être suffisant. Les documents qui contiennent les codes électoraux coutumiers peuvent facilement faire de 10 à 80 pages. Ce sont des documents juridiques volumineux. Chacune des dispositions qu'ils renferment doit être conforme à la Charte. Pour déterminer si une disposition quelconque respecte la Charte, on doit connaître tous les articles de la Charte et la jurisprudence qui se rattache à chacun d'entre eux. Il faut assigner cette tâche à une personne qui est très compétente dans ces deux branches du droit, à savoir le droit constitutionnel et les traditions juridiques autochtones. Les lois canadiennes passent par un processus de rédaction et par le ministère de la Justice. Alors, par quel processus doivent passer les codes coutumiers? Ils doivent être examinés par un organisme spécial ou par une personne très compétente dans ce domaine.
Le sénateur Carstairs : Je vous remercie, monsieur le président, mais il faut signaler que le gouvernement du Canada ne peut présenter une mesure législative tant que sa conformité avec la Charte n'a pas été confirmée par le ministère de la Justice.
Le président : Je pourrais me tromper, mais je crois que toute disposition législative est soumise au ministère de la Justice pour qu'il examine sa conformité avec la Constitution.
Le sénateur Carstairs : Le ministère doit conclure que la disposition législative en question respecte la Charte, mais il ne semble pas que l'on doive soumettre un code coutumier qui est conforme à la Charte.
Mme Groulx : Pourtant, c'est une politique du MAINC. L'article 74 précise que le ministre « peut déclarer par arrêté », et on a mentionné que le ministre le ferait, pourvu que le code électoral se plie aux dispositions de la Charte.
Le sénateur Dyck : Madame Groulx, je vous souhaite la bienvenue et je vous félicite pour votre thèse de doctorat, d'autant plus qu'elle aborde la question du droit et de la maladie mentale.
Mme Groulx : Merci.
Le sénateur Dyck : À mesure que la discussion avance, l'information concernant le code électoral coutumier devient de plus en plus déconcertante. J'aimerais revenir à la préoccupation selon laquelle une Première nation peut décider de modifier son code coutumier une fois qu'il a été approuvé. Il y a probablement deux aspects à prendre en considération. D'abord, ce n'est pas une si mauvaise chose de croire que, si on a le droit inhérent de s'autogouverner en vertu de l'article 35, alors on devrait avoir le droit de modifier le code. Cette idée part du principe selon lequel on a des intentions louables, on a la compétence requise, et cetera.
Vous avez donné l'exemple d'une bande qui décide de retirer le droit de vote aux membres vivant hors réserve. Si une telle chose se produisait, on peut présumer que les membres vivant hors réserve contesteraient cette décision devant un tribunal, de sorte qu'il ne s'agirait pas d'une décision permanente.
Mme Groulx : Certainement. Toute décision peut faire l'objet d'une contestation.
Le sénateur Dyck : C'est ce qui se passe déjà relativement au code coutumier.
Mme Groulx : C'est exact.
Le sénateur Dyck : Ce qui me déroute, c'est que, d'après les renseignements que nous avait transmis le MAINC, il me semblait que, si une bande souhaitait retourner à un code coutumier, elle pouvait télécharger un modèle de code coutumier ou recevoir ce modèle par la poste, et l'utiliser pour élaborer son propre code. Je crois que nous avons reçu une copie du modèle. Ne croyez-vous pas que ce modèle devrait au moins indiquer quels éléments ne peuvent être modifiés, comme le fonctionnement d'un conseil d'appel?
Mme Groulx : Du point de vue d'une membre des Premières nations, je crois que les bandes auraient alors l'impression que le gouvernement du Canada ferait de l'ingérence. Il y aurait beaucoup d'exigences à respecter. Vous voulez dire que les bandes n'auraient qu'à remplir les espaces vides pour préparer un document de base qui est conforme et qu'elles pourraient choisir les sections qu'elles voudraient remplir.
Le sénateur Dyck : Il semble que cela fonctionne déjà de cette façon. C'est vraiment le cas. Elles doivent remplir les espaces vides ou les sections.
Mme Groulx : Il n'y a pas deux codes qui se ressemblent. J'ai examiné plus de 80 codes, et il n'y en a pas deux pareils. Certains ressemblent au modèle du MAINC dont vous parliez. Ils peuvent faire de 10 à 80 pages. Dans certains d'entre eux, il manque des sections entières, par exemple les sections portant sur les appels, des sections fondamentales. Ce n'est pas de la mauvaise foi. Vous avez soulevé un bon point. Ce n'est vraiment pas de la mauvaise foi. Cela tient au fait que la collectivité a rédigé le code sans retenir les services d'un conseiller juridique. À la lecture de ces codes, il est évident qu'il n'y avait aucun filet de sécurité. Ce n'est décidément pas de la mauvaise foi. C'est sûrement que la rédaction d'une loi n'est pas une mince tâche.
Le sénateur Dyck : Vous avez déclaré qu'on tentait de réunir des avocats qui ont une formation en droit selon le modèle occidental et des avocats qui connaissent très bien le droit traditionnel ou ancestral. Toutefois, dans une collectivité, le même genre de situations se produirait : les membres de la collectivité observent probablement leurs pratiques communautaires, mais ils ne parlent pas la même langue que celle qui est utilisée dans le modèle que leur a envoyé le MAINC.
Mme Groulx : Bien souvent, la personne compétente dans le domaine du droit autochtone vient de la collectivité. Il peut s'agir d'un Aîné de la collectivité. C'est le type de spécialiste dont je parle; il ne s'agit pas nécessairement d'un diplômé universitaire, car ce sont les membres de la collectivité qui connaissent leurs propres lois.
Le sénateur Dyck : Alors, dans un sens, nous imposerions encore à cette collectivité le modèle nord-américain ou européen. Les connaissances traditionnelles pourront-elles jamais convenir au modèle nord-américain? Ce sont deux choses différentes.
Mme Groulx : En ce qui a trait à la plupart des traditions juridiques autochtones, je ne crois pas en avoir récemment trouvé une qui ne respectait pas les droits fondamentaux de la personne. Elles reposent toutes sur le respect. Dès qu'il s'agit de véritables traditions juridiques autochtones, elles sont conformes aux normes internationales. Parfois, ces traditions ont été déformées avec le temps.
Le sénateur Dyck : Nous tentons de faire passer des pommes pour des oranges. Si nous prévoyons approuver le système judiciaire d'une collectivité, alors nous ne pouvons pas utiliser des normes qui ne nous permettent pas d'évaluer comment cette même collectivité applique ces lois.
Mme Groulx : Il existe des codes qui sont très traditionnels au sens où vous l'entendez. Tant que ces codes sont rédigés clairement, ils ne donnent pas forcément lieu à des problèmes. Par exemple, une collectivité qui n'a pas prévu un mécanisme d'appel ne se conforme tout simplement pas au principe de justice naturelle. La plupart des traditions juridiques autochtones comprendraient un mécanisme d'appel, qu'il s'agisse d'un comité de sénateurs ou d'un comité d'Aînés. Le nom qu'on lui donne importe peu.
Le sénateur Dyck : Quelle serait alors la solution?
Mme Groulx : Le modèle hybride est une bonne option. Les collectivités qui souhaitent intégrer certains aspects du droit moderne dans leurs propres codes ne connaissent aucune difficulté, à condition qu'elles prévoient un filet de sécurité.
Les collectivités ne font pas preuve de mauvaise foi lorsqu'elles rédigent leurs codes, sauf en ce qui concerne le droit de vote des membres vivant hors réserve. Le fait qu'une disposition semblable figure toujours dans les codes coutumiers constitue manifestement un problème. L'arrêt Corbiere a été rendu, mais nombre de collectivités n'y souscrivent pas. Elles précisent encore dans leurs codes que seuls les membres vivant dans les réserves ont le droit de vote.
Cette question est examinée par les tribunaux au cas par cas. Pour l'instant, les tribunaux n'ont pas encore obligé les collectivités à supprimer cette disposition des codes coutumiers. La suite reste à voir.
Le sénateur Patterson : Je suis un nouveau membre du comité. Je vais poser une question simple. Si j'ai bien compris, vous vous êtes penchée sur de nombreuses affaires judiciaires. Vous avez quelque peu critiqué les tribunaux sur le fait qu'ils ne reconnaissent pas toujours entièrement les coutumes ancestrales. Vous avez parlé d'un désaccord entre la Cour fédérale et le Tribunal canadien des droits de la personne. Je ne crois pas que vous ayez mentionné quels étaient les coûts, mais je crois qu'ils sont souvent exorbitants. J'ai entendu parler de litiges qui ont duré plusieurs années et coûté des millions de dollars.
Pour régler les types de problèmes que vous avez étudiés, pourriez-vous proposer une solution de rechange à cette procédure judiciaire qui est coûteuse et peut-être incompatible avec les usages autochtones?
Mme Groulx : Oui, il existe certainement une solution. Elle est très simple : c'est le mécanisme d'appel et de résolution des différends. Toutes les collectivités qui tiennent des élections coutumières doivent mettre en place un comité ou un conseil qui s'occupe des problèmes ou des contestations liés à une élection. Il s'agit d'un conseil d'Aînés, que les Premières nations appellent un sénat. C'est ce comité qui devrait décider si les élections étaient conformes à la coutume et examiner les faits. Ce comité devrait constituer l'autorité suprême.
L'affaire ne devrait pas être portée devant la Cour fédérale du Canada. Les collectivités s'adressent encore à la Cour fédérale parce que, souvent, le mécanisme d'appel comporte des lacunes. Encore une fois, cela nous ramène à la question de la rédaction des codes.
Par exemple, le comité d'appel pourrait avoir un pouvoir discrétionnaire trop vaste. Il pourrait décider s'il entend ou non des plaintes. Par conséquent, certaines personnes pourraient ne pas avoir l'occasion d'être entendues. Si on fait l'objet d'une contestation et qu'on souhaite être entendu par le comité d'appel, ce dernier pourrait simplement dire : « Envoyez-nous une lettre; nous ne vous entendrons pas. » Puis, si le comité décide de ne pas trancher l'affaire, on doit s'adresser à la Cour fédérale. Ce n'est pas nécessaire.
Il arrive que les conseils d'appel ne soient pas au courant des décisions dans lesquelles les juges ont conclu que les conseils d'appel sont tenus d'entendre les parties. Nous avons le droit d'être entendus. Il s'agit d'un principe de justice fondamentale.
Un filet de sécurité adéquat réglerait une grande partie de ces problèmes, y compris les coûts associés à la procédure judiciaire.
Le sénateur Patterson : Suggéreriez-vous au comité de recommander des modifications appropriées qui permettraient de créer un mécanisme d'appel communautaire semblable? Est-ce la bonne façon de procéder?
Mme Groulx : Le sénateur St. Germain a évoqué la mise en place d'un organe indépendant. À mon avis, cet aspect est essentiel. Si le code prévoit un mécanisme d'appel adéquat, il n'y a aucune raison pour quiconque d'intervenir. La collectivité sera en mesure de résoudre les problèmes grâce au mécanisme d'appel et de résolution des différends tant que le comité de résolution des différends et le conseil d'appel se conformeront aux règles en vigueur.
Encore une fois, nous ne voulons pas imposer de nombreuses règles aux collectivités, mais il existe des règles fondamentales de justice naturelle. Les gens ont le droit d'être entendus.
Le sénateur Martin : C'est l'un des sujets dont a discuté le comité il y a quelques mois. C'est intéressant pour moi d'envisager cette question dans l'optique du profane. Je ne connais pas cette question aussi intimement que d'autres sénateurs ici présents.
J'aimerais revenir sur le dernier point. Au cours de la discussion, le sénateur St. Germain a proposé une idée proactive. Vous avez déclaré sans réserve que cette idée permettrait d'économiser beaucoup d'argent et qu'elle représente la solution clé. C'est ce que vous croyez.
Cela semble une bonne suggestion. Cette idée me fait penser à la question de la réunification de la Corée du Nord et de la Corée du Sud, où je suis née. Il y a de nombreux intervenants : un immense ministère qui emploie des milliers de personnes, la communauté internationale et les six parties. Pourtant, les deux Corées formaient auparavant un seul pays.
Les Autochtones et le reste de la population canadienne sont tous concernés par ce problème. Le sénateur St. Germain a proposé ce soir une solution très proactive. À quel point est-elle viable? Quel serait le point de vue des collectivités autochtones? Est-ce une idée que vous avez souvent entendue? Les collectivités autochtones seraient-elles ouvertes à cette idée?
Mme Groulx : Je suis certaine qu'elles seraient très ouvertes à cette proposition. Elles ont déjà accepté de faire en sorte que leurs codes soient conformes à la Charte canadienne des droits et libertés. C'est le comité qui se chargerait d'en vérifier la conformité. Cette tâche relève actuellement du gouvernement du Canada.
Il n'y a pour l'instant aucun filet de sécurité en place. L'examen de la conformité du code coutumier serait réalisé non pas par un responsable des politiques du gouvernement, mais par un groupe de deux ou trois spécialistes du domaine. Il pourrait y avoir un spécialiste des traditions juridiques autochtones. On ne changerait pas vraiment le système qui est en place. On ne ferait que resserrer un peu le contrôle.
Ce groupe formulerait des recommandations à l'égard du code. Il pourrait proposer à la collectivité de revoir la section trois de son code parce qu'elle semble comporter une erreur, et il la renverrait à des décisions judiciaires. Il appartiendrait à la collectivité de décider comment elle modifierait le code, mais elle aurait grand avantage à prendre connaissance des décisions judiciaires. Sinon, il y aurait des conséquences.
Le sénateur Martin : Pendant la discussion, j'avais l'impression de m'enliser, je ne dirais pas dans des sables mouvants, mais dans quelque chose de très épais et d'immuable. Toutefois, dès que le sénateur St. Germain a parlé d'un organe indépendant, vous avez réagi. Le sénateur Patterson a mentionné — et vous étiez d'accord avec lui — qu'un mécanisme d'appel constituerait également une bonne solution. J'ai l'impression qu'on peut enfin se sortir de ce bourbier. Merci.
Le président : Nous commençons maintenant la deuxième série de questions posées par les honorables sénateurs. N'oubliez pas que nous avons une autre affaire à traiter par la suite.
Le sénateur Stewart Olsen : Je suis un peu perdue en ce qui concerne l'organe indépendant. D'abord, il y a un organe supérieur qui examine la conformité des codes coutumiers. Cela en fait un. Puis, je crois que vous avez proposé — plutôt que de recourir aux tribunaux — de créer un autre organe, comme un groupe d'Aînés ou d'arbitres. Est-ce bien ce que vous avez dit?
Mme Groulx : Ces deux organes existent déjà. Les codes coutumiers prévoient habituellement un mécanisme d'appel quelconque. Toutefois, les rôles et les responsabilités des organes d'appel sont parfois mal définis, et les différends aboutissent devant les tribunaux parce que les organes d'appel n'ont pas été capables de les résoudre, principalement à cause de la façon dont le mandat a été rédigé.
En outre, quelqu'un au gouvernement du Canada approuve les codes coutumiers à l'aveuglette.
Le sénateur Stewart Olsen : Je comprends cela. Essentiellement, vous suggérez de mettre en place deux organes indépendants, pas seulement un?
Mme Groulx : C'est exact.
Le sénateur Stewart Olsen : Lorsque les bandes sont obligées de s'adresser aux tribunaux pour régler des différends, cela ne représente-t-il pas un problème pour les tribunaux et les avocats? Je présume qu'il ne doit pas y avoir beaucoup de personnes qui se spécialisent dans cette branche du droit. Le manque de soutien doit occasionner des coûts élevés pour les bandes.
Mme Groulx : Oui, en effet.
Le sénateur Brazeau : La Loi sur la gouvernance des Premières nations prévoyait la création d'un organe semblable, mais, à l'époque, les chefs ne l'avaient pas approuvée. Pour répondre au sénateur Martin, les membres de la population des Premières nations seraient ouverts à cette proposition, car ils pourraient s'adresser à cet organe s'ils souhaitaient contester les résultats d'élections.
Juste au nord de ma collectivité, à Lac Barrière, il y a un grave conflit qui oppose les partisans du régime électoral prévu à l'article 74 et les défenseurs d'un code électoral coutumier. La collectivité a tenu des élections coutumières, le ministre a ordonné la tenue d'élection conforme à l'article 74, et un nouveau chef a été élu. C'est un vrai gâchis, et ça coûte beaucoup d'argent.
Il est également vrai que nombre de collectivités qui tiennent des élections coutumières ne donnent pas le droit de vote aux membres vivant hors réserve. Vous avez mentionné que diverses affaires semblables ont abouti devant les tribunaux. Puisque j'ai vécu à l'extérieur des réserves pendant la majeure partie de ma vie, je ne comprends pas pourquoi je devrais m'adresser au tribunal pour obliger mon chef et mon conseil de bande à m'accorder un droit fondamental, à savoir le droit de vote. C'est ce qui se passe actuellement. Même si je reconnais que le recours aux tribunaux est une option, ce n'est pas le MAINC qui refuse d'accorder le droit de vote aux membres vivant hors réserve. Ce sont les chefs et les conseils de bande.
Auriez-vous un commentaire à ce sujet?
Mme Groulx : Oui. La Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit 11 motifs de discrimination, et le lieu de résidence n'en fait pas partie. La Cour suprême du Canada a déclaré qu'on ne peut faire de la discrimination fondée sur le lieu de résidence. À mon avis, ce motif devrait être ajouté dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Cette loi devrait refléter la Charte. Il s'agit d'un motif analogue. Il ne figure pas dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, mais cela devrait être le cas. De cette façon, les membres des Premières nations vivant à l'extérieur des réserves auxquels on refuse le droit de vote n'auraient pas besoin de s'adresser aux tribunaux ou à la Commission canadienne des droits de la personne.
Malheureusement, ce motif n'est pas inclus dans la loi. Certaines personnes optent pour un moyen détourné. Si elles font partie d'une Première nation visée par le projet de loi C-31, elles invoquent un motif de discrimination fondé sur la race ou un autre motif, mais ce n'est pas vraiment la même chose que le lieu de résidence hors réserve. C'est un motif important, et j'espère qu'il sera ajouté aux autres motifs.
Le président : Madame Groulx, nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir témoigner ici. Je crois que tous les sénateurs ont été impressionnés de vos connaissances. J'espère que votre immeuble de trois étages sera entièrement occupé et que vous deviendrez la femme d'affaires la plus riche de la ville. Je serais ravi de vous voir conduire une Bentley, une Rolls-Royce ou quelle que soit l'automobile que vous choisirez.
Chers sénateurs, nous allons examiner à huis clos les travaux futurs du comité.
Le sénateur Carstairs : Je propose que le personnel soit autorisé à rester dans la salle.
Le président : Êtes-vous d'accord?
Honorables sénateurs : D'accord.
(Le comité poursuit ses travaux à huis clos.)