Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 22 - Témoignages du 2 décembre 2009
OTTAWA, le mercredi 2 décembre 2009
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 18 heures pour étudier les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (thème : aperçu des questions et priorités de l'Assemblée des Premières Nations).
Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonsoir. Je tiens à souhaiter la bienvenue à tous les honorables sénateurs, aux membres du public et aux téléspectateurs du pays qui suivent les délibérations du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur le réseau CPAC ou sur le web. Je m'appelle Gerry St. Germain, je viens de la Colombie-Britannique et j'ai l'honneur de présider le comité.
Notre comité a pour mandat d'examiner les lois et les questions qui touchent les peuples autochtones du Canada en général. Il a donc beaucoup de latitude pour étudier des questions de tous ordres qui intéressent les membres des Premières nations, les Métis et les Inuits.
Aujourd'hui, la portion publique de la séance sera consacrée à un bref exposé des priorités actuelles et des principales préoccupations de l'Assemblée des Premières Nations. Après la période de questions, nous poursuivrons la séance à huis clos pour examiner une ébauche de rapport que nous avons préparée.
[Français]
Avant d'entendre nos témoins, permettez-moi de vous présenter les membres du comité.
[Traduction]
J'ai à ma gauche le vice-président du comité, Nick Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest. Le sénateur Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique, est à côté de lui. Nous avons ensuite le sénateur Sandra Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick, et à ses côtés le sénateur Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard. Je ne pourrais jamais oublier l'ancien maire de Vancouver, le sénateur Larry Campbell, de la Colombie-Britannique. Nous avons également le sénateur Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick, le sénateur Sharon Carstairs, du Manitoba, et le sénateur Pana Merchant, de la Saskatchewan. Je suis heureux de vous voir tous ici.
Mesdames et messieurs les membres du comité, s'il vous plaît, accueillez avec moi notre témoin de ce soir, M. Shawn Atleo, le nouveau chef national de l'Assemblée des Premières Nations, qui vient d'être élu. Monsieur Atleo, au nom des membres du comité je tiens à vous féliciter à nouveau de votre récente élection à ce poste.
S'il vous plaît, présentez-nous votre exposé. Les sénateurs auront ensuite certainement des questions à vous poser.
Shawn Atleo, chef national, Assemblée des Premières Nations : Merci. C'est un honneur pour moi, d'être ici. Merci beaucoup de cette invitation à comparaître ce soir pour vous parler de ce que nous pouvons faire.
Je me présente devant votre comité à peine quatre mois après mon entrée en fonction comme chef national. C'est un privilège et un honneur qui m'ont été faits lors d'une élection qui a duré toute la soirée à Calgary, il n'y a pas si longtemps. Moi-même et un certain nombre d'autres candidats nous avons exprimé de concert notre détermination à améliorer la situation et la vie de nos peuples.
Au cours des quatre derniers mois, j'ai eu le très grand honneur d'être invité par de nombreuses collectivités au pays. Je suis venu ce soir avec quelques précieux collègues — Karen Campbell se trouve à ma gauche, et Bonnie Leask est assise derrière moi. Ensemble, avec l'exécutif national et nos collègues, nous sommes venus ici ce soir, à la veille d'une assemblée nationale qui aura lieu la semaine prochaine, après avoir établi essentiellement un plan stratégique interne que je vais vous exposer aujourd'hui. Nous le présenterons aux chefs dans le cadre d'une discussion beaucoup plus détaillée et approfondie la semaine prochaine, à l'occasion de notre assemblée nationale.
Je veux d'abord vous remercier, monsieur le sénateur, de vos bons vœux. Je viens ici non seulement pour vous faire part des travaux que nous avons entrepris, mais aussi pour parler des travaux, des importants travaux, que votre comité a effectués par le passé. Je peux mentionner nombre d'initiatives. La Loi sur le tribunal des revendications particulières me vient immédiatement à l'esprit, car j'ai participé directement aux travaux qui sont à l'origine de cette loi, un important exercice mixte mené par le gouvernement et les Premières nations et qui a été couronné de succès.
Dans le cours de mes réflexions, je veux demander comment nous pouvons resserrer la collaboration entre les Premières nations et les gouvernements. L'assemblée qui vient a pour thème les relations entre les Premières nations et la Couronne. Dans son essence même, la relation originale telle qu'exprimée dans les traités était une relation fondée sur le respect mutuel, sur la reconnaissance mutuelle du fait que nous devions tous partager la richesse et les splendeurs de la terre, que nous n'oublierions jamais les sacrifices consentis sur les champs de bataille, qu'il s'agisse de Micmacs ou de Malécites, dans l'Atlantique, de Mohawks ou de Métis, qui étaient là eux aussi, coude à coude avec les Canadiens lors des guerres du passé.
Notre conversation porte maintenant sur des questions précises, mais aussi sur les possibilités de notre pays et la relation entre les peuples, la volonté de combler les abîmes d'incompréhension, comme l'a si bien exprimé le premier ministre lorsqu'il s'est adressé à la Chambre des communes et qu'il a déclaré que ce qui s'était passé dans les pensionnats indiens n'aurait jamais dû se produire; c'était mal, et nous veillerons à ce que cela ne se reproduise jamais. C'est un épisode historique qui nous touche tous et qui a eu de terribles conséquences. Cela a en outre été fait sous le couvert de l'instruction.
Je suis convaincu que nous devons envisager l'instruction comme l'un des principaux outils à utiliser pour allumer une flamme dans l'esprit de nos peuples, pour qu'ils s'épanouissent, car tous les membres de nos collectivités méritent pleinement d'avoir la possibilité de réussir dans la vie. Si l'instruction, par le passé, a été utilisée pour aliéner nos gens relativement à leur langue, à leur culture et à leur famille, cet outil sert maintenant à appuyer la redécouverte de la culture, de la langue et de la famille et, parallèlement, à aider les gens à réussir dans la vie, que ce soit dans une école de métiers, au collège ou à l'université.
J'ai le sentiment qu'à ce point précis de l'histoire, après tout ce qui a été réalisé, la conclusion de cette grande entente, nous sommes maintenant sur le point de commencer vraiment le travail de vérité et de réconciliation, un travail que mon ancien collègue et l'ancien chef national a si courageusement fait partager au pays, au sujet de l'épisode des pensionnats indiens. Le temps est venu de réfléchir à ce que nous pouvons faire à compter de maintenant pour assurer la réussite de notre peuple et pour mener à bien le dur labeur de la réconciliation, qui nécessite une étroite collaboration.
À la suite des travaux et des discussions avec notre peuple, quatre grands thèmes ont été définis et ils seront présentés à l'assemblée la semaine prochaine. Le premier est l'appui aux familles des Premières nations. Je crois qu'une série de diapositives a été distribuée aux sénateurs, et je vais donc passer rapidement sur ces questions puisque vous avez l'information en main.
Pour les familles des Premières nations, avec l'éducation comme pivot de la réconciliation et du soutien aux familles, nous mettons l'accent sur les résultats en santé et l'appui à la capacité communautaire pour mener des activités de promotion de la santé et de prévention des maladies plutôt que de gestion de crise. Nous devons rompre le cycle des crises à régler en succession.
Dans le dossier de la grippe H1N1, j'ai beaucoup de reconnaissance envers la ministre de la Santé et le ministre des Affaires indiennes, qui ont signé un protocole de communication pour qu'une information opportune et pertinente puisse être transmise à nos collectivités. Je suis heureux des progrès réalisés en réponse au problème de la grippe H1N1, mais il nous reste encore beaucoup à faire. La grippe H1N1 est en quelque sorte une illustration des grands défis que nous devons relever dans le domaine de la santé, face aux maladies chroniques comme le diabète et la tuberculose, et de nombreuses autres questions auxquelles nous sommes confrontés, notamment pour assurer le bien-être des enfants. C'est certainement un aspect dont nous devons tous répondre. Nous comptons toutefois sur les gouvernements pour assumer cette responsabilité avec nous afin de veiller à ce que nos enfants vivent en sécurité et puissent avoir un accès équitable aux programmes et aux services. Nous savons que notre population est la plus jeune de tous les groupes du pays. Nous sommes une jeune population en pleine explosion.
Notre deuxième thème est l'exercice et la mise en œuvre des droits. Les droits sont inscrits dans la Constitution, les droits ancestraux et les droits issus de traités sont reconnus. Les droits issus de traités sont tout aussi valides aujourd'hui que le jour où les traités ont été signés. Dans le cas des territoires micmacs, cela remonte à plus de 260 ans. Les traités ont été reconnus par les tribunaux et dans des arrêts comme l'arrêt Marshall.
Il nous faut envisager des moyens concrets pour faire progresser notre travail. On a proposé des exemples de ce qu'il conviendrait de faire, par exemple créer une fonction de commissaire national aux traités. Nous avons brièvement parlé d'utiliser l'approche mixte de renouvellement de la politique sur les revendications particulières et d'examiner la politique sur les revendications globales, qui touche toutes les Premières nations. Elle a en particulier des incidences sur les Premières nations qui sont actuellement en négociation dans diverses régions du pays. Le comité pourrait peut-être envisager d'étudier la question. On peut s'appuyer sur l'excellent travail que nous avons réalisé dans le dossier des revendications particulières.
Troisièmement, l'économie et l'environnement sont étroitement liés. Nous sommes confrontés à des défis de taille. Je serais fier d'aller à Copenhague et de me joindre aux milliers de personnes qui cherchent à renouer avec l'environnement. Comment faut-il aborder les problèmes qui découlent du changement climatique? La question du changement climatique m'a été très clairement expliquée par mon défunt grand-père alors que j'étais encore tout jeune, quand je vivais encore sur nos territoires ancestraux, bien avant que ces problèmes ne fassent la une dans le monde et que les scientifiques les décrivent et que d'autres professionnels, par exemple des ingénieurs, en discutent.
Cela est également lié au renforcement des économies. J'ai parcouru tout le pays et j'ai vu des cas incroyables où les Premières nations essaient de parvenir à l'autosuffisance et utilisent les ressources pour combler leurs besoins au chapitre de l'infrastructure et des services sociaux dans leurs collectivités et pour protéger nos langues menacées.
L'économie et l'environnement vont de pair. Les Premières nations veulent jouer un rôle de premier plan non seulement pour favoriser l'économie mais aussi pour créer une économie viable, dans le souci de l'environnement.
Quatrièmement, nous devons appuyer les gouvernements des Premières nations et examiner, peut-être même demander au comité d'examiner, la relation qui lie les gouvernements des Premières nations et le gouvernement fédéral — les ententes financières qui existent actuellement. Nombre de chefs des Premières nations m'ont fait part de leurs difficultés. La relation financière est telle qu'il faut choisir entre des services essentiels, en retenir un plutôt qu'un autre, alors que tous ces services sont essentiels et doivent être assurés. C'est un grand défi auquel nous sommes tous confrontés; les chefs des Premières nations m'en parlent et ils en discutent entre eux. La semaine prochaine, ils aborderont à nouveau cette question.
Il nous faut aussi songer à éliminer les obstacles que crée la Loi sur les Indiens dans nos collectivités. Il est important de repérer les obstacles qui découlent de la réglementation. Je sais que votre comité travaille sur la question des élections. C'est un problème que l'Assemblée des Premières Nations reconnaît, et nous cherchons à appuyer les Premières nations qui envisagent de réformer leur processus électoral. On envisage des mécanismes innovateurs pour régler les différends.
Finalement, et cela est tout récent, les gouvernements des Premières nations se penchent sur des questions comme la citoyenneté dans le contexte des compétences ou des traités — c'est-à-dire le droit prévu dans les traités pour déterminer qui est citoyen de la nation.
Je vous expose brièvement ces idées et j'essaie de les raccorder au programme législatif de la Chambre des communes et j'espère que votre comité essaiera de trouver des façons dont nous pourrions modifier notre relation de travail en nous inspirant du processus de règlement des revendications particulières, en vertu duquel nous déterminons conjointement, de nation à nation — entre les Premières nations et le gouvernement — la façon dont nous pouvons le mieux progresser ensemble.
Je vous remercie de m'avoir invité à me joindre à vous aujourd'hui. Je serai heureux de discuter avec vous de la façon dont nous pouvons collaborer.
Le président : Merci beaucoup, chef Atleo, de cet excellent exposé.
Le sénateur Campbell : Merci d'être venu aujourd'hui, chef Atleo. Il est toujours agréable de rencontrer un autre résident de la Colombie-Britannique.
Nous en avons parlé précédemment et je veux soulever à nouveau la question. Le sénateur Watt et moi-même avons entendu dire, au sein du comité des affaires juridiques, qu'il y avait dans nos prisons et nos pénitenciers un très grand nombre de membres des Premières nations. Nous étudions le projet de loi depuis un mois ou un mois et demi. Les témoins se succèdent et nous présentent tous les mêmes chiffres. Ces statistiques sont effroyables. Est-ce que notre comité peut se pencher, dans le cadre d'une étude, sur les causes profondes de cette situation ou est-ce que nous connaissons déjà ces causes?
Deuxièmement, comment pouvons-nous renverser la tendance en Saskatchewan, où 70 p. 100 de la population est, je crois, d'origine autochtone? Qu'est-ce que le comité des peuples autochtones peut faire?
M. Atleo : Je vous répondrai en deux temps.
Premièrement, j'aimerais revenir à la Loi sur le tribunal des revendications particulières, qui nous offre l'occasion d'appliquer dans le domaine de la justice des approches pertinentes et adaptées sur le plan culturel. C'est un aspect de cette loi. Même si elle n'est pas encore mise en œuvre, elle offre un bel exemple pour le système juridique et la relation entre les Premières nations et l'administration de la justice.
Je crois qu'il y a beaucoup de travail à faire. Les Autochtones, les gens dont nous parlons, ce sont aussi mes parents, des habitants de mon village. Ils ont été pris dans les filets du système juridique et ils se sont retrouvés dans les prisons. Nous parlons d'une immense perte en termes de potentiel.
Il ne s'agit pas seulement de l'arrivée dans le système. Je crois qu'il y a beaucoup de travail à faire. De nombreuses organisations font de l'excellent travail dans tout le pays, auprès des délinquants et des ex-délinquants. Il faut absolument que ce travail soit appuyé et reconnu et il faut recourir à ces ressources pour trouver les réponses à votre question concernant le système juridique.
Je crois aussi sincèrement que la prévention et une approche axée sur des domaines comme l'éducation sont également d'importants éléments de réponse. Il faut également lier tout cela au financement de l'aide à l'enfance ou d'autres domaines.
Nous devons être en mesure d'appuyer les familles et les collectivités, d'appuyer les jeunes pour qu'ils réussissent à l'école et qu'ils puissent réussir dans la vie. J'ai vu aujourd'hui des chiffres qui semblent indiquer que parmi la population adulte des Premières nations, ceux qui ont 18 ans et plus, le taux actuel d'obtention de diplôme est de 52 p. 100. C'est une statistique que j'ai vue aujourd'hui, le résultat d'études longitudinales qui portaient sur un échantillon d'environ 23 000 membres des Premières nations, réalisées par les Premières nations et pour celles-ci. Cela n'a pas été fait à l'externe; c'est une recherche administrée par les Premières nations.
Il existe d'étroites corrélations entre la réussite scolaire et non seulement les questions de justice, mais aussi les questions de santé et les facteurs sociaux et économiques. On peut rapprocher bien des choses pour vraiment appuyer la réussite individuelle, du jardin d'enfance à la douzième année, en passant par l'éducation spéciale, pour garantir que les jeunes participent à des activités récréatives et ont accès à des bibliothèques. Les familles ont besoin d'appui pour favoriser la réussite.
Le volet prévention est également important. Nous parlons de justice et de système juridique, mais nous devons aussi mener des activités de prévention fondamentales qui sont les garantes du succès dans la vie.
Le sénateur Campbell : Il faut en déduire que si nous réussissons d'un côté, nous n'avons pas de craintes à avoir de l'autre. Nous devons réussir du côté prévention et du côté scolaire. Vous êtes un éducateur instruit. Dans les écoles, nous devons reconnaître les familles qui sont en crise ou les jeunes qui risquent d'être oubliés par le système.
Pour cela, il faut de l'argent. Nous en revenons toujours à cela. Il faut de l'argent. Toutefois, je crois que vous conviendrez avec moi qu'il s'agit d'un investissement dans l'avenir, dans notre avenir.
M. Atleo : Nous devons réfléchir à la question dans le contexte actuel. Je suis absolument convaincu que nous vivons une étape importante. J'ai perdu ma grand-mère il y a quelques mois. Elle avait 88 ans; elle a élevé 11 enfants, et mon père était l'aîné. Ma défunte grand-mère est allée au pensionnat et elle souhaitait de tout son cœur devenir infirmière. À l'époque, la loi interdisait de poursuivre des études après la huitième année. Quand elle a cessé de travailler, elle était cuisinière. Elle était fière de gagner sa vie et de prendre soin des 17 enfants qu'elle a élevés. Elle a survécu à trois maris.
L'aîné de ses 17 enfants était mon père. Il a été le premier membre des Premières nations à décrocher un doctorat à l'Université de la Colombie-Britannique. Bon sang ne saurait mentir. Ma mère et mon père considéraient que l'éducation était d'une importance primordiale. Mon père est même devenu directeur de l'école de mon village. Nous vivions à l'école. Mes parents avaient, en matière d'éducation, des attentes extrêmement élevées.
Ce que je veux dire, c'est que nous ne parlons pas d'un lointain passé. C'est exactement ce que disait le premier ministre au pays, l'épisode des pensionnats autochtones combiné à des politiques comme l'interdiction de dépasser la huitième année à l'époque de ma grand-mère n'a pas créé les conditions du succès. Il a entravé notre épanouissement.
Je suis parfaitement d'accord avec vous. Si nous avons investi par le passé pour empêcher les gens de réussir, nous devrions nous efforcer aujourd'hui d'appuyer la réussite. Cette expérience historique a contribué à remplir les prisons. Lorsque nous avons opprimé les gens, nous avons produit des traumatismes intergénérationnels qui se sont manifestés par des comportements qui ne permettent pas d'appuyer les gens comme ils devraient l'être.
Je sais de quoi je parle, car cela touche aussi ma famille. À l'Assemblée des Premières Nations, nous entendons constamment parler des expériences que partagent les membres des Premières nations. Je suis absolument d'accord avec vous, je reconnais ce que vous dites. Je voulais simplement ajouter quelques éléments.
Le président : J'ai une question complémentaire sur le sujet de l'éducation. Une entente a été conclue entre Ottawa et la Colombie-Britannique dans ce domaine. D'après votre expérience d'éducateur, est-ce que vous pensez que les provinces joueront un rôle plus important en matière d'éducation? Elles ont une infrastructure qui fait défaut à AINC. Les choses bougent lentement au Nouveau-Brunswick et en Colombie-Britannique, mais il semble que les débuts soient difficiles. Cela permettrait d'acheminer vers les enfants des Premières nations des fonds nécessaires qu'ils ne reçoivent pas maintenant. Une partie de cette responsabilité en matière d'éducation a été définie avec les provinces, le statu quo a été rejeté.
M. Atleo : Il y a des cas, et vous en avez mentionné quelques-uns, où des ententes tripartites ont été conclues avec les Premières nations et sont considérées comme un important progrès pour répondre aux problèmes créés par la multiplicité des compétences.
Je veux souligner l'importance de la relation de nation à nation pour les Premières nations et la question de l'éducation qui est reconnue dans les traités entre les Premières nations et le gouvernement fédéral. C'est une place importante qu'occupe, à mon avis, le gouvernement fédéral dans le contexte de la relation avec les Premières nations de ce point de vue particulier. L'accord tripartite est un exemple de la façon dont on peut faciliter les choses et reconnaître la multiplicité des compétences. Nous avons été confrontés non seulement à la question de compétence en matière d'éducation, mais aussi dans le dossier de la grippe H1N1. Nous avons eu des réactions et des approches distinctes et des niveaux d'information et de communication différents avec le fédéral, les provinces et les territoires et entre ces compétences. Lorsque nous avons reconnu qu'il fallait trouver un moyen de surmonter l'obstacle que présentait la multiplicité des compétences, nous avons eu l'impression que nous commencions enfin à progresser.
Parallèlement, au chapitre du bien-être des enfants, le principe de Jordan s'applique, c'est-à-dire qu'il ne faut pas permettre qu'une situation laisse un jeune vulnérable. La compétence la plus rapprochée du problème doit intervenir rapidement. Nous ne voulons pas que ce qui est arrivé à cet enfant se reproduise.
Ce n'est pas seulement à moi qu'il incombe d'agir, parce que les Premières nations ont un lien spécial avec la Couronne aux termes des traités qu'elles ont signés. Certes, vous avez cité des exemples où les Premières nations ont déclaré : « Trouvons des moyens de concrétiser cette relation entre les Premières nations et la Couronne dans le cadre d'accords tripartites et collaborons avec toutes les compétences pour assurer la parité, la qualité et la comparabilité de notre éducation. »
Les exemples que vous avez donnés nous offrent une excellente occasion d'orienter la suite de nos travaux. Votre comité pourrait peut-être examiner cette question plus en détail, pour que nous puissions ensemble déterminer de quelle façon il convient de s'attaquer à cet important aspect.
Le sénateur Sibbeston : Monsieur Atleo, j'aimerais que vous nous disiez ce que vous pensez d'une nouvelle politique sur les revendications globales et du recours à une approche modèle en matière de revendications particulières, dans le contexte d'une loi que le gouvernement a adoptée. Comment pensez-vous qu'une nouvelle politique sur les revendications globales serait mise en œuvre? Une partie du problème en ce qui concerne les revendications globales, c'est que le règlement n'est pas mis en œuvre. Le gouvernement ne donne pas suite à l'entente et il ne met pas en œuvre les dispositions qu'il a acceptées.
M. Atleo : Je répondrai à votre question en deux temps. Le travail accompli par le Sénat dans le dossier de la mise en œuvre est extrêmement important pour envoyer un signal à ceux qui sont en négociations ou qui envisagent des négociations, s'ils voient que d'autres signataires d'ententes éprouvent des difficultés au plan de la mise en œuvre. Une Première nation pourrait se dire, par exemple : « J'ai conclu un accord avec la Couronne, pas simplement avec un ministre. Comment se fait-il que mon entente soit avec la Couronne mais que je ne puisse traiter qu'avec le ministre? Cela nuit à ce qui devrait être, selon moi, l'esprit et l'intention de mon entente contemporaine. » Nous en aurions entendu autant au sujet des traités d'il y a 260 ans. « Les tribunaux confirment mon traité, ils le déclarent valide, mais nous nous heurtons à des contestations qui touchent l'esprit et l'intention de l'accord. » Il n'y a pas de notion commune, pas de compréhension sur ce que devrait être la mise en œuvre. C'est pourquoi j'ai indiqué un peu plus tôt que le renouvellement de la politique sur les revendications globales aurait des conséquences plus générales.
Entre autres raisons pour lesquelles cela serait important, nous pouvons songer aux processus de négociation qui sont en cours au pays. Le groupe de traité de l'île de Vancouver a réussi à convaincre la Cour interaméricaine des droits de l'homme, à l'Organisation des États américains, d'entendre ses arguments au sujet de l'inclusion de la propriété privée dans les négociations menées dans le cadre du processus de règlement des revendications globales. À l'heure actuelle, ces questions sont exclues. Je n'utilise peut-être pas les mots qui conviendraient pour exprimer clairement cela, mais j'espère que vous comprenez l'esprit de mon message.
Pour résumer, on considère généralement que la politique sur les revendications globales est en vigueur depuis 1986 et qu'elle n'a pas été adaptée en fonction des progrès ou de l'évolution de la common law. Nous citons l'exemple des revendications particulières pour démontrer que nous déployons des efforts depuis l'époque de feu Frank Calder, de l'arrêt Calder, en 1973. Il a fallu 30 années de travail. Un projet de loi modèle a été rédigé en 1987. Votre comité a décidé de réfléchir à tout cela et de déterminer l'orientation à prendre. Le premier ministre a fait progresser les choses avec l'ancien chef national, et nous avons maintenant un tribunal qui, nous l'espérons, commencera bientôt à entendre des causes.
Je propose de prendre exemple sur ce dossier pour voir comment nous pourrions faciliter la négociation de revendications particulières pour qu'elle se déroule beaucoup plus rapidement dans l'esprit récemment manifesté dans le rapport. Le règlement de ces revendications aura d'importantes incidences sur l'économie dans l'ensemble du pays, des incidences extrêmement positives.
Votre comité serait peut-être en mesure de mener ce travail à bien. Je le dis uniquement en raison des succès obtenus grâce à vos travaux passés. Je crois qu'il y a peut-être un parallèle à faire entre l'exercice sur les revendications particulières et le travail qu'il faut accomplir — selon de nombreuses Premières nations au pays — pour réformer la politique sur les revendications globales.
Le sénateur Sibbeston : Notre comité s'intéresse depuis quelques mois aux processus électoraux des Premières nations et à la façon dont nous pouvons les améliorer. Nous en sommes aux dernières étapes de la rédaction de recommandations. Nous avons visité diverses régions du pays et nous avons entendu nombre de témoins — des membres des Premières nations, des universitaires, des représentants du gouvernement.
À l'heure actuelle, certaines dispositions de la Loi sur les Indiens stipulent que les bandes doivent tenir des élections tous les deux ans. Des dispositions permettent en outre l'adoption de codes électoraux communautaires. Notre recommandation serait de faciliter, pour les Premières nations, l'élaboration de ces codes communautaires régissant les élections.
Il est certainement difficile de modifier la Loi sur les Indiens et de faire l'unanimité chez les Premières nations, d'un bout à l'autre du pays. Nous pourrions aussi proposer dans nos recommandations l'instauration d'une disposition qui créerait une commission électorale pour appuyer le processus électoral et gérer les appels de résultats d'élections. Est-ce que cela serait favorablement accueilli par votre organisation et par les chefs que vous rencontrerez prochainement?
M. Atleo : La question que vous mentionnez semble extrêmement importante et elle est régulièrement soulevée par les chefs, en particulier ceux dont le régime prévoit des élections tous les deux ans. Ils affirment avoir l'impression d'avoir à peine le temps de se mettre au travail qu'il leur faut déjà procéder à des élections. Certains disent, à la blague, que c'est comme le gouvernement fédéral.
En règle générale, les gens seraient beaucoup plus heureux si les mandats étaient plus longs, parce qu'ils pourraient vraiment accomplir quelque chose. Certains ont pris des dispositions en ce sens. Je crois que l'idée serait très bien accueillie par les Premières nations. Les Premières nations encouragent déjà le gouvernement fédéral à examiner la question. Certaines régions s'intéressent de près à la question et l'étudient.
Bref, si l'on pouvait trouver un moyen de mieux appuyer le fonctionnement des gouvernements des Premières nations, je suis certain que cela serait très bien accueilli. Cela dit, je ne sais pas si l'Assemblée des Premières Nations a adopté des résolutions à ce sujet. Nous sommes impatients de savoir où en est la réflexion dans ce dossier, parce que nous avons évoqué la question devant le ministre fédéral des Affaires indiennes.
Le sénateur Carstairs : Je vous félicite de votre élection, chef Atleo. Ce que vous avez dit de votre grand-mère a éveillé en moi des souvenirs au sujet de ma propre grand-mère. Elle a eu 18 enfants et elle accordait elle aussi énormément d'importance à l'éducation. Son dernier enfant, ma mère, est devenue infirmière. C'était la génération qui a précédé celle de votre grand-mère.
Ce qui me préoccupe, c'est le plafond. Si nous devons fournir le genre de soutien dont vous avez parlé pour les familles en termes de protection de l'enfance et d'éducation, est-ce que cela peut se faire sans modifier le plafond actuel qui est de 2 p. 100 par année? Cela est inférieur à la croissance démographique dans vos collectivités.
M. Atleo : Cela n'est pas possible dans le cadre de notre entente financière actuelle. Le sénateur Campbell avait parfaitement raison. Il faut des ressources et des investissements considérables. J'en parle comme de services essentiels. Disons les choses telles qu'elles sont, c'est un peu comme de demander à quelqu'un de choisir entre mettre de la nourriture sur la table ou chauffer la maison quand il fait -30. C'est une situation insoutenable lorsqu'il s'agit des enfants et de ceux qui s'en occupent.
Les Premières nations savent bien que le plafond de 2 p. 100 a été fixé il y a plus de dix ans et elles soulèvent la question régulièrement auprès des gouvernements et à l'occasion de nos assemblées. Ce plafond a eu des conséquences dramatiques et néfastes sur la capacité qu'ont les gouvernements des Premières nations pour appuyer leur population.
Nous devons bien réfléchir à cela. Si nous voulons faire progresser le dossier de l'éducation, il faudra consentir d'importants investissements, et nous parlons d'un seul secteur. Je fais un lien avec l'épisode des pensionnats. Je ne sais pas si quelqu'un a calculé les coûts de l'exercice. Il est impensable que l'on puisse espérer continuer au même rythme en termes d'investissement ou de contribution et arriver au but sans devoir faire de grands changements.
Pensons un peu au dossier des pensionnats. Quels ont été les coûts et quelle volonté politique a-t-il fallu faire jouer pour que cela se fasse? Que devons-nous avoir pour pouvoir aller de l'avant? C'est pourquoi je fais le lien avec l'éducation, par exemple. Le bien-être des enfants est un autre dossier où il faut des investissements adéquats pour appuyer nos familles et nos enfants.
Je suis tout à fait d'accord avec vous. Il serait très utile que le comité sénatorial nous aide à faire valoir ce point et à déterminer ce qu'il nous faut faire pour régler ces problèmes.
Le sénateur Carstairs : Je ne fais pas d'affirmation partisane, car je l'ai entendu dire par des gouvernements de toutes les allégeances politiques : l'argent ne suffit pas. La réalité, c'est que lorsque l'on consacre moins d'argent à l'éducation des enfants autochtones qu'à celle des enfants non autochtones, on leur offre une éducation de moindre qualité.
Il suffit de penser aux nombreux parents qui, dans notre pays, envoient leurs enfants dans des écoles privées. Ils sont prêts à payer des milliers de dollars de plus. Il faut donc conclure qu'ils pensent que cet argent leur permet d'offrir une éducation de meilleure qualité à leurs enfants. Ils ne peuvent pas tous avoir tort.
Si nous n'investissons pas plus dans l'éducation des enfants autochtones, est-ce que nous ne risquons pas de perpétuer les problèmes qui touchent le bien-être des enfants, les problèmes de santé des enfants et les problèmes au sein de notre système juridique?
M. Atleo : Je crois qu'il y a un lien direct. Nous avons fait des démarches auprès du ministère des Finances pour obtenir des ententes financières équitables. Dès mon arrivée au poste de chef national, je me suis efforcé de rejoindre la société civile, les districts scolaires, les commissions scolaires, les associations d'enseignants, les associations d'étudiants, les fondations, les organisations sans but lucratif, les organisations non gouvernementales et les Canadiens en général. Nous essayons de leur faire comprendre sans équivoque que personne d'entre nous, à lui seul, n'a créé ces conditions.
Je sais bien que lorsque quelqu'un apprend qu'il y a dans le nord du Manitoba des enfants qui ne vont pas à l'école depuis deux ans, cela lui brise le cœur. Je vais citer ma défunte grand-mère qui disait, au sujet de l'éducation, « Je suis une bagarreuse. J'ai élevé mes enfants pour qu'ils soient des bagarreurs. Nous n'avons plus à nous battre à coups de poing, nous pouvons combattre avec l'éducation. » C'est l'héritage qu'elle nous a laissé, à moi et à ma famille. C'est un héritage que votre famille partage. C'est une valeur que nous sommes nombreux à partager.
Nous n'en faisons vraiment pas assez actuellement pour appuyer les individus et leur offrir des occasions valables de développer leurs talents. À cette étape de notre histoire, il nous faut nous appuyer sur l'esprit dans lequel le premier ministre a offert ses excuses. C'est un devoir non seulement pour le gouvernement mais aussi pour tout le pays et toutes les compétences. Nous devons bien faire comprendre à la société civile que nous voulons conjuguer nos forces pour que les enfants aient des livres.
Le lieutenant-gouverneur de la Colombie-Britannique, Steven Point, a lancé une initiative de littératie. De nombreuses initiatives importantes ont été mises sur pied. Il est temps d'essayer de mobiliser toutes les ressources de notre pays pour que chaque enfant, chaque membre de nos collectivités, ait la possibilité de réussir dans la vie.
Je suis parfaitement d'accord avec vous.
Le sénateur Merchant : Chef, soyez le bienvenu, et félicitation pour votre élection.
Il y a un instant vous avez dit qu'il fallait conjuguer nos forces. Je crois qu'il y a un abîme, une grande incompréhension au sujet de votre situation. J'aimerais revenir sur certains des changements qui ont été apportés à notre système judiciaire.
Je pense que nous ne comprenons pas à quel point la détention est difficile pour les membres de vos peuples. Il est très difficile, pour les membres des Premières nations, d'être libéré sous caution, parce qu'ils ne possèdent rien. Vous vivez peut-être dans une belle maison, mais vous n'en êtes pas propriétaire. Je ne pense pas que les Canadiens comprennent l'énorme difficulté que cela représente pour vous, tout comme les peines minimales obligatoires, et cetera.
Pourriez-vous nous expliquer comment ces éléments touchent votre communauté? Est-ce que nous pouvons faire quelque chose ensemble? Pouvons-nous collaborer avec vous pour informer un peu mieux la population canadienne?
L'affaire des pensionnats indiens a donné aux gens une petite idée de ce qui s'est passé dans ces pensionnats, et il a fallu bien du temps. Ce ne sont pas des problèmes faciles à régler.
Que pensez-vous de ces changements? Comment est-ce que cela touche votre peuple, et qu'est-ce que nous pouvons faire pour aider les Canadiens à comprendre pourquoi ce problème vous affecte si lourdement?
M. Atleo : Je suis particulièrement sensible à la mention des difficultés que nous éprouvons dans le système juridique. Vous avez parlé des périodes de détention et du fait que les gens sont incapables de verser une caution. Cela n'est pas dû uniquement au système judiciaire, mais aussi à une immense pauvreté.
Nous commençons par parler de justice, et cela nous amène immédiatement à l'économie. Une conversation sur l'économie nous mène à l'éducation. Je parle non seulement d'éduquer les Premières nations pour leur permettre de réussir dans la vie, mais d'offrir une éducation qui réduira ou éliminera l'immense fossé de l'incompréhension entre les peuples et les cultures. C'est une notion qui a été très bien exprimée récemment : nous sommes tous signataires de traités. Que vous veniez d'une région visée par un traité historique, que vous soyez un nouvel arrivant qui s'établit au Canada ou que votre famille soit ici depuis cinq générations, vous aussi vous êtes visé par un traité.
Qu'est-ce que cela signifie pour notre pays, aujourd'hui? Je peux faire valoir le cas de la Saskatchewan, qui a accompli un très important travail. La Saskatchewan a un commissaire aux traités et elle a intégré les questions relatives aux traités dans le programme scolaire. J'aimerais bien que cela se produise dans tout le pays.
La plupart des conflits dans le monde sont fondés sur une profonde incompréhension entre les peuples. Ici même, dans notre pays, nous pouvons nous appuyer sur le sentiment que nos ancêtres se respectaient mutuellement, qu'ils se reconnaissaient et se comprenaient. C'est la clé que nous avons perdue. Lorsque nous comprenons mieux les défis, nous mettons du cœur à les relever, nous voulons aider, nous pouvons mieux réagir.
C'est lorsque nous nous contentons d'examiner superficiellement une question, sans prendre le temps d'aller en profondeur, que nous manquons de perspective. Les choses s'enveniment. Quel autre recours avons-nous que de recourir aux tribunaux? Certaines Premières nations posent des gestes directement, sur le terrain, si elles ont l'impression qu'on ne comprend pas vraiment la situation.
Je sais que vous parliez du système juridique, et cela me ramène à ce que disait le sénateur Campbell. Il faut faire des efforts, et il y a des spécialistes du domaine. Cela nous ramène à des domaines comme l'éducation de nos membres et l'éducation en général.
Je tends la main aux présidents des universités et des collèges, aux responsables du système d'éducation dans son ensemble, je leur demande d'assumer leur part des responsabilités pour favoriser la compréhension mutuelle face à ce problème dans notre pays.
J'ai rencontré bien des nouveaux diplômés d'établissements d'enseignement supérieur qui n'avaient jamais entendu parler des traités ni des pensionnats indiens. Comment pouvons-nous penser, comme société, que nous comblerons les abîmes d'incompréhension où naissent les conflits dans des régions comme l'Ontario, à Caledonia, à Oka? Nous sommes condamnés à toujours retomber dans le conflit si nous ne faisons rien pour corriger cette incompréhension profonde.
Cela touche les personnes qui ont affaire au système juridique; elles sont prises dans un cercle vicieux. La société ne les aide pas à briser ce cercle. Je sais que ma réponse est longue, mais elle nous ramène à la prévention et à l'éducation.
Le sénateur Stewart Olsen : Merci d'être venu.
Vous me pardonnerez, je suis nouvellement nommée à ce comité. Je me demande quel est votre rôle et comment vous faites les choses. Je ne veux pas trop monopoliser le temps du comité pour cela, mais j'aimerais savoir comment vous intégrez votre rôle avec la base, les membres des groupes autochtones.
M. Atleo : C'est une excellente question. Merci. Mon rôle consiste à défendre des intérêts. Au niveau international, les États nations se rassemblent aux Nations Unies et ils travaillent ensemble pour définir des façons de progresser dans l'intérêt de tous.
Les Premières nations font la même chose. Par l'entremise de l'Assemblée des Premières Nations, elles se réunissent. Nous avons des assemblées nationales où les chefs, nos dirigeants politiques, prennent des décisions politiques au sujet de ce qu'ils veulent que leurs gouvernements fassent.
Quant à la participation et à l'inclusion, ce sont des valeurs fondamentales pour les quelque 600 Premières nations du pays. Les gouvernements des Premières nations fonctionnent et agissent de cette manière. L'inclusivité est la prémisse du processus décisionnel, c'est une valeur traditionnelle profondément ancrée, qui fonde même les constitutions du Canada et des États-Unis. On sait bien que des groupes comme la Confédération iroquoise ont contribué à l'avènement de cette philosophie. L'inclusivité est une valeur fondamentale importante.
La semaine prochaine, nous tiendrons notre assemblée les mardi, mercredi et jeudi. Le soir du lundi 7 décembre, je vous invite tous à une réception offerte aux députés et sénateurs, où vous pourrez rencontrer des dirigeants des Premières nations et des membres de la communauté. Cette soirée est un préambule à notre assemblée de trois jours. Lundi, pendant la journée, nous aurons une discussion du caucus qui est ouverte non seulement aux dirigeants des Premières nations mais aussi à la base, aux membres des collectivités. Nous y parlerons d'éducation, de changement climatique, d'eau, de la Loi canadienne sur les droits de la personne ainsi que de santé. Cela se passe lundi, avant l'ouverture de l'assemblée proprement dite.
Notre assemblée a lieu les mardi, mercredi et jeudi. Nous traiterons des relations entre les Premières nations et la Couronne. Nous adopterons une structure similaire pour discuter d'éducation, d'économie et de changement climatique dans le contexte des traités et des relations découlant des traités, de droits autochtones et de la négociation des droits ainsi que de la mise en œuvre des traités contemporains.
Les Premières nations seront invitées à participer à ces discussions du caucus. Les gouvernements prendront ensuite des décisions, sous forme de résolutions. Ils donneront des instructions à notre comité exécutif national, qui est formé de 10 membres à part moi, qui en suis le 11e. Notre responsabilité sera ensuite de promouvoir la relation de gouvernement à gouvernement — et non pas d'y intervenir. Les gouvernements des Premières nations considèrent qu'ils ont des relations de gouvernement à gouvernement.
Le sénateur Stewart Olsen : Qui vous finance? Est-ce que les Premières nations financent votre organisation de promotion?
M. Atleo : Le gouvernement fédéral finance l'activité de l'Assemblée des Premières Nations par l'entremise de divers ministères, en particulier Affaires indiennes et du Nord Canada.
Le sénateur Stewart Olsen : Dans le cadre de vos activités de promotion, comment pouvez-vous mesurer votre succès ou rajuster le tir? Vos principaux thèmes ont une immense portée. Il y a une énorme quantité de travail à accomplir. J'en suis bien consciente. Je m'inquiète parce que tout cela est si vaste. Comment pouvez-vous réussir avec un plan si général, des grands thèmes si importants?
M. Atleo : Les chefs discuteront entre eux la semaine prochaine. Par exemple, au sujet de ce que nous disions précédemment sur le financement et le plafond, les Premières nations essaient de trouver une solution au problème des transferts financiers.
Nous considérons comme une priorité les améliorations à apporter dans le domaine de l'éducation. Nos collectivités ont besoin de plus de 60 écoles, à l'heure actuelle.
Le sénateur Stewart Olsen : Essentiellement, dans le cadre de votre assemblée, les chefs détermineront les questions qu'il faut, selon eux, régler en priorité, puis vous interviendrez. Est-ce bien cela?
M. Atleo : C'est exact. Essentiellement, nous sommes une organisation de facilitation et de coordination. Les chefs se réunissent et attirent notre attention sur certains points. Ils nous donnent des instructions pour exécuter le travail.
Comme je l'ai dit au début, dans des dossiers comme l'éducation il s'agit essentiellement de trouver ensemble des moyens de concevoir et d'articuler ce qui constitue la réussite. Je propose d'écarter le statu quo sur deux fronts. Depuis des générations, nous vivons de conflit en conflit. Les tribunaux de tout le pays sont débordés, à tous les niveaux, en raison d'une relation qui est extrêmement tendue, d'un sentiment de méfiance profonde.
Je crois que votre comité peut jouer un rôle important pour faciliter une véritable collaboration, afin d'obtenir des résultats dans des domaines comme l'éducation et le bien-être des enfants, par exemple.
Le sénateur Stewart Olsen : Merci d'avoir répondu à mes questions. Vous avez bien éclairé ma lanterne.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Je tiens à vous féliciter, moi aussi.
Croyez-vous que le gouvernement s'acquitte de ses responsabilités envers les Premières nations?
M. Atleo : Il s'en faut de beaucoup. Nous commençons par parler de la signification du terme « réussite ». Je ne crois pas que cela ait été fait adéquatement par le passé. Je crois que le temps est venu. Nous avons toujours eu l'intention de tisser des relations étroites. C'est ce que les ancêtres ont décrit dans les textes des traités. Un traité, ce n'est pas quelque chose que vous signez puis que vous oubliez. C'est vraiment une relation.
Nous essayons d'établir cette relation cordiale pour pouvoir décider ou définir ensemble ce qu'il nous faut faire collectivement. Les gouvernements des Premières nations ont une responsabilité, tout comme le gouvernement fédéral et les autres gouvernements. Nous avons des droits ancestraux et des droits issus de traités. Toutefois, je ferais une comparaison avec les relations de travail, quand il y a des ententes en place entre les intéressés. Il existe des mécanismes de règlement des différends, et les avocats les ont bien étudiés. Tout est clair, mais la relation peut encore se détériorer, et vous avez alors des lock-out et des grèves.
J'applique cette comparaison à la relation découlant d'un traité. Il nous faut encore discuter honnêtement de ce que cela signifie, de la façon dont il faudrait procéder et de ce qui constitue la réussite. En conséquence, on ne saurait s'étonner de la frustration que provoque la mésentente au sujet des critères de réussite et du caractère suffisant des efforts déployés par les gouvernements. Pendant que nous discutons ici, il y a des gens qui bloquent des routes et des sépultures qui sont profanées.
Il y a deux jours, je parlais à un chef qui m'a expliqué ce que c'était que de vivre entre deux barrages. Les barrages servent évidemment à produire de l'énergie. Les dépouilles des ancêtres finissent par remonter à la surface des lacs formés par les inondations.
Cela nous ramène à ce que nous disions précédemment au sujet de la profonde incapacité à s'entendre sur le sens du terme « réussite ». Il reste encore beaucoup à faire dans notre pays, mais peut-on dire que nous progressons? Je le pense.
Je sais que quand mon père était étudiant au doctorat, il y avait à peine une poignée d'Autochtones dans le réseau d'éducation postsecondaire. Nous avons atteint un sommet en 2007, avec près de 30 000 Autochtones inscrits dans des établissements d'enseignement postsecondaire. Depuis, entre 2007 et 2009, les chiffres ont commencé à baisser. Notre population augmente, et toute diminution des taux de scolarisation suscite une profonde inquiétude.
Selon moi, nous devons faire porter notre attention sur ce qui produira certains des plus importants changements ou améliorations de la qualité de vie des membres des Premières nations dans notre pays. Il me semble que nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir. Je pense que c'est en partie ce dont nous parlons ici : que pouvons-nous faire maintenant, à cette étape de notre histoire?
Toutefois, et finalement, il nous faut revoir le taux et le rythme des changements qui surviennent dans la vie des membres des Premières nations. Est-ce que nous sommes satisfaits de ces petites améliorations que nous apportons au fil du temps, à la suite des affaires qui sont portées devant les tribunaux, ou est-ce que notre pays est prêt à modifier de fond en comble sa relation avec les Premières nations, à déclarer qu'il est inacceptable que plus de 500 femmes autochtones aient disparu ou aient été assassinées dans notre pays? Il est inacceptable que les tribunaux soient débordés. Il est inacceptable que nous ayons plus d'enfants pris en charge aujourd'hui qu'à l'époque des pensionnats indiens.
Il s'agit certes de questions complexes, mais un vaste corpus d'études nous porte à croire que nous savons déjà comment faire changer les choses. Il faut que notre pays soit disposé à reconnaître qu'il s'agit là d'une priorité absolue.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Pensez-vous que cela constituerait une solution rapide aux problèmes qui touchent les collectivités des Premières nations?
M. Atleo : Est-ce que vous pourriez répéter la question?
Le sénateur Lovelace Nicholas : Pensez-vous que la relation entre les gouvernements et les membres des Premières nations constitue une solution pour améliorer les conditions tiers-mondistes dans lesquelles vivent les membres des Premières nations?
M. Atleo : Je pense que la reconnaissance marquera le début du processus qui nous permettra de régler les problèmes. Si nous acceptons que cela constitue bel et bien le défi qu'il nous faut relever, le fait qu'au Canada, un pays qui, à juste titre, a la réputation de protéger et de défendre les droits de la personne dans le monde, nous éprouvons ces problèmes, et si nous le reconnaissons, j'ai bon espoir que nous pourrons concrétiser le genre de changements considérables qui s'imposent.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Merci.
Le sénateur Hubley : Soyez le bienvenu, monsieur Atleo. Vous avez parlé de la Loi sur les Indiens et de l'élimination des obstacles, vous avez fait allusion à cette étude que nous avons menée sur la gouvernance. Est-ce que vous pourriez développer un peu ce sujet?
J'aimerais savoir ce que vous pensez de la Loi sur les Indiens. Est-ce qu'elle joue un rôle nécessaire et fait ce que nous croyons qu'il faut faire et ce que vous croyez qu'il faut faire? J'aimerais aussi entendre ce que vous avez à dire au sujet du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.
M. Atleo : À cet égard, j'ai participé à un certain nombre de réunions et j'ai eu d'excellents échanges avec le ministre Strahl, ses représentants et le ministère au sujet de réflexions semblables à ce dont nous parlons ici, au sujet de la modification de notre relation de travail, pour passer des conflits interminables à la recherche de façons de collaborer, comme nous l'avons fait dans le cas de la Loi sur le Tribunal des revendications particulières.
Cela a également donné lieu à un accord politique entre l'ancien chef national et le gouvernement fédéral. À titre de nouveau chef national, je suis tenu de poursuivre le travail et de mettre cet accord en œuvre. Cet accord porte entre autres sur la question des traités et la relation découlant des traités. Dès le début de mon mandat, nous avons eu de bonnes conversations pour trouver des moyens de travailler de concert. Le ministre a accepté notre invitation de venir à l'assemblée extraordinaire des chefs, la semaine prochaine.
En réponse à une question antérieure sur la façon dont nous travaillons, je peux dire que par le passé, tout au long de notre histoire, nous avons dans une large mesure réagi à des initiatives législatives dont les Premières nations se sentaient parfaitement exclues et qui ne reflétaient ni ne respectaient les droits issus des traités et les droits ancestraux.
J'aimerais revenir à votre autre question.
Le sénateur Hubley : Vous avez parlé d'éliminer les obstacles.
M. Atleo : Les travaux qui s'achèvent, au sujet des élections, sont un bon exemple.
Il ne faut pas oublier que la Loi sur les Indiens a été imposée aux Premières nations. Elle constitue une réalité dans nos vies aujourd'hui, et c'est pour ainsi dire le principal instrument que nous avons utilisé pour définir et décrire notre relation avec le gouvernement fédéral. Comme nous l'expliquons maintenant au Sénat et à d'autres, de nombreuses Premières nations croient qu'il faut remplacer ou éliminer cette loi et redéfinir notre relation sur la base de la notion de traité, c'est-à-dire une relation de nation à nation. Lorsque nous commençons à parler d'Indiens inscrits ou non inscrits, nous ne parlons pas d'une citoyenneté qui a été définie et décrite par les Premières nations, et nous ne vivons pas une relation de nation à nation.
Nous participons à une conversation en parallèle, n'est-ce pas, sur l'élimination d'obstacles liés à un instrument qu'aucun d'entre nous n'a créé et qui comporte toutes sortes de problèmes mais qui demeure le principal vecteur d'interaction entre les Premières nations et le gouvernement fédéral. Je crois que, dans le cadre de notre collaboration, nous devons examiner la façon non seulement d'éliminer des obstacles mais, à long terme, d'abolir purement et simplement la Loi sur les Indiens. Mais par quoi allons-nous la remplacer? Nous en sommes maintenant à ce point, à cette étape de notre histoire. Nous nous posons ces questions. Les Premières nations examineront également le problème au cours des conversations de la semaine prochaine.
Le sénateur Hubley : Je veux revenir à la notion de nation à nation, si la Loi sur les Indiens s'inscrit quelque part dans tout cela, dans la relation de nation à nation ou entre la nation et le gouvernement fédéral, ce qui revient à dire la Loi sur les Indiens.
M. Atleo : Il y a deux volets. Premièrement, la Loi sur les Indiens soulève ou crée de nombreux obstacles à la réussite des Premières nations. Elle fait partie intégrante de notre discours concernant la relation de nation à nation. En réalité, la Loi sur les Indiens est un instrument unilatéral; elle ne prévoit pas une relation entre nations. Elle a été imposée de l'extérieur, ce qui va à l'encontre du concept de relation de nation à nation. Aujourd'hui encore, elle est généralement modifiée de façon unilatérale, et c'est ainsi que les Premières nations ont perçu les changements qui y ont été apportés.
Elle crée de graves problèmes à tous, mais nous continuons de faire de notre mieux pour poursuivre l'exercice en cours et décider de ce qu'il convient de faire d'un instrument dont nous avons tous hérité et qui comporte ces problèmes et ces obstacles. Quelle est notre vision à long terme, qu'est-ce que nous voulons faire? Il nous faut examiner la relation originale décrite dans les traités, la relation de nation à nation. C'est l'optique que les Premières nations veulent adopter pour la discussion. Il nous faut revenir à cette relation de nation à nation.
Le sénateur Dyck : Bienvenue, et félicitations, chef Atleo. Pardonnez-moi mon retard, j'assistais à la réunion d'un autre comité. Nous examinions un projet de loi article par article, et je ne pouvais donc pas m'esquiver.
Ma question porte sur l'éducation. Je suis heureux de vous entendre dire que l'éducation est un important volet de votre mandat. Vous avez mentionné que la population des Premières nations était jeune et en pleine croissance. Nous savons depuis quelque temps déjà que l'éducation est importante pour la réussite des individus, des familles et de la société dans son ensemble.
En termes d'éducation des Premières nations, compte tenu de la démographie, pensez-vous qu'il y a des occasions précises qu'il faut saisir? Dans le cadre de votre travail, par exemple, est-ce que vous faites porter votre attention principalement sur les enfants des cours primaire ou secondaire par opposition à l'intérêt que nous avons accordé de façon continue à l'éducation postsecondaire? Est-ce que nous devrions nous intéresser à tous les niveaux parce que la question est si importante et qu'il faut que chacun atteigne le niveau de scolarité le plus élevé possible?
M. Atleo : Cette question me tient énormément à cœur, et ce pour deux raisons. Premièrement, les séquelles du système des pensionnats indiens ont, intentionnellement ou non, miné la réussite de générations en termes d'éducation. À cet égard, si nous nous concentrons uniquement sur un segment démographique ou un groupe de la population, il y aura des oubliés. Je suis convaincu qu'à ce point de notre histoire il nous faut appuyer tout l'éventail des services d'éducation, y compris l'éducation spéciale et le développement de la petite enfance. Nous savons que la période allant du jardin d'enfance à la quatrième année est essentielle à la réussite dans la vie et que la participation des parents et le soutien familial sont des facteurs essentiels. Les chefs viennent me voir avec des listes de personnes qui veulent faire des études postsecondaires, et elles n'ont pas les ressources pour le faire.
Nous pensons au travail de guérison. Selon la Fondation autochtone de guérison, ses recherches indiquent qu'il faut en moyenne 10 années de travail de guérison concerté dans les collectivités avant que les adultes puissent se remettre et réintégrer la population active. Si nous les négligeons, nous laissons aussi une marque des pensionnats indiens qui blesse ou entrave la personne.
Voilà ma réponse à votre question. Parfois, nous mettons l'accent sur des études sur les taux d'obtention de diplôme, sur la petite enfance, sur l'éducation spéciale ou sur la formation générale par opposition aux métiers, aux programmes d'apprentissage et à la formation axée sur les compétences. C'est pourquoi il me semble que le moment est venu de harnacher tous les grands efforts intellectuels qui ont été consacrés à tous ces domaines et de les compléter, peut-être. Nous ouvrons la porte sur l'éducation, mais alors tout le dossier explose, n'est-ce pas? Cela est vaste. Comment pouvons-nous accomplir ce travail, reconnaître l'immensité du domaine tout en nous concentrant sur le type de résultats que nous voulons atteindre?
Le sénateur Dyck : Est-ce que vous pensez à que notre comité pourrait vous aider dans le domaine de l'éducation?
M. Atleo : Précédemment, quand j'ai commenté certaines des remarques qui ont été faites, j'ai dû me retenir parce que je me disais que peut-être votre comité pouvait nous aider à nous pencher précisément sur cette question. Comment pouvons-nous tirer des leçons de nos expériences et reconnaître la réalité et les défis de la Loi sur les Indiens? Nous avons défendu et appuyé les Premières nations qui voulaient s'en éloigner. Nous devrions peut-être envisager de reconnaître que, d'une certaine façon, la Loi sur les Indiens est une attaque pure et simple dirigée contre les Premières nations. Il faut s'arrêter pour réfléchir, pas nécessairement se concentrer sur un aspect quelconque si ce n'est la façon dont nous pouvons obtenir des résultats. Cela est important. Contemplons, comme le président ou quelqu'un d'autre l'a dit, les aspects intercompétences. C'est la question supplémentaire que le président a posée avant l'arrivée du sénateur.
Le président : C'est exact, et vous avez mentionné l'aspect tripartite.
M. Atleo : Oui, comme exemple. Le comité pourrait peut-être nous aider à réfléchir sur nos erreurs et sur ce qui a porté fruit. Et quelle est la voie de l'avenir? Il faut orienter notre réflexion, déterminer comment nous pouvons appuyer les gens pour qu'ils réussissent dans leurs études.
J'ai lu toutes sortes de choses récemment, notamment George Washington qui disait qu'un Indien instruit est un Indien dangereux. J'ai lu cela, aujourd'hui. Je suis d'accord, mais cela est positif. Nous parlons d'allumer une flamme, d'enflammer l'esprit de notre peuple, pour faire réfléchir toute notre population et peut-être définir un ensemble de « jamais plus », qu'il s'agisse d'approches ou d'autres choses. Le premier ministre a dit que jamais plus l'éducation ne serait un outil qui servirait à blesser ou à brimer un peuple.
C'est pourquoi ce que vous dites au sujet de tout cet éventail, de ce qui devrait retenir notre attention et faire l'objet de nos efforts, est important. Je reconnais que s'il y a des façons pour nous de mettre l'accent sur les résultats, cela est important. En matière de soutien, nous devons trouver un moyen d'appuyer tous les membres de nos collectivités, parce qu'ils ont tous été affectés.
Le sénateur Raine : Merci d'être venu ce soir, chef Atleo. Je voulais poser des questions sur un autre sujet, mais je vais attendre que vous reveniez, parce que l'éducation est une préoccupation primordiale, et tous les membres de notre comité en sont conscients. Vous avez dit que l'éducation comprenait divers éléments, par exemple la petite enfance, l'instruction postsecondaire, les métiers, et cetera. Un aspect de l'éducation qu'il est, selon moi, important de ne pas oublier est l'éducation du citoyen, la façon dont on doit vivre sa vie, mener une bonne vie saine : l'alimentation, la nutrition, les mesures de prévention dans le domaine de la santé. Il faut aussi penser que l'on peut s'instruire sans aller à l'école. Nous avons tendance à voir l'éducation comme un ensemble de salles de classe, d'enseignants et de programmes, une activité qui relève des ministères de l'éducation ou des conseils scolaires, mais l'éducation c'est beaucoup plus que cela. Les connaissances traditionnelles que vous avez encore dans vos collectivités, avec les aînés et leur capacité de les transmettre, cela aussi c'est important.
À l'échelle nationale, comment pensez-vous que nous devrions faire pour allumer la flamme sur tous ces fronts sans en négliger aucun? C'est une grande question, n'est-ce pas?
Le sénateur Campbell : Vous venez en dernier, alors ça va.
Le sénateur Raine : Si vous aviez une toile blanche devant vous et que vous pouviez conjurer votre imagination et vos rêves pour imaginer la situation parfaite qui permettrait de s'attaquer à tous les problèmes en même temps, qu'est- ce que cela serait?
Le sénateur Dyck : Et toutes les ressources?
Le sénateur Raine : Oui, toutes les ressources.
M. Atleo : Je me fonderais sans doute sur la tradition, comme vous l'avez mentionné. La longue maison où mon père est né était la maison de l'instruction. C'était aussi la maison de la santé. C'était la maison des soins aux enfants. C'était la maison de la saine alimentation. Tout y était incroyablement et complètement intégré.
Pensez aux choses que nous faisons aujourd'hui. Souvent, elles sont faites isolément les unes des autres. J'ai vu quelques modèles qui sont excellents, où le centre de santé est situé à l'école, ou inversement, et vous ne pouvez pas les différencier parce qu'ils sont intégrés.
Il existe des possibilités très prometteuses pour nous, pour répondre à votre question, par exemple dans le domaine des sports. Vous êtes un modèle et un symbole dans le domaine des sports. Pour en revenir au financement, les Premières nations ne reçoivent pas de financement pour les installations récréatives, par exemple. Les dirigeants des Premières nations se sont réunis et ont imploré l'Assemblée des Premières Nations de faire quelque chose pour les enfants dans les collectivités. Je veux appuyer les jeunes qui rêvent de devenir des athlètes d'élite, de participer à des compétitions sportives qu'ils choisiront ou simplement à mener une vie saine. L'éducation sur la santé, pour monsieur Tout-le-Monde, ce qu'il faut manger, cela aussi c'est important. Je crois que l'idée de la prévention ou de l'éducation sur les éléments d'une vie saine et réussie est excellente.
Si nous définissons ensemble ce qu'est l'éducation, sans rien oublier, sans laisser personne derrière, nous pouvons décider, notre pays peut décider, dans le même esprit que celui qui a présidé à l'excuse dans cette période qui suit l'excuse, que nous redresserons les torts faits aux Premières nations. L'expérience des pensionnats indiens a été menée sous le couvert de l'éducation. C'était le domaine dans lequel elle s'inscrivait, mais elle a eu des conséquences désastreuses, parce que les enfants ont été arrachés à leurs foyers et placés dans un contexte différent. Il faut réconcilier tout cela. Ils ont été arrachés à leurs foyers et on les a initiés à des aliments nouveaux. Il faut réparer cela. Ils ont été tirés de leur milieu mais ils n'ont pas eu d'interaction avec la société canadienne en général.
Nous pouvons réparer cela. Nous avons les outils qu'il faut pour y parvenir. Dans une génération, nos jeunes sortiront des écoles de la majorité et ils seront au courant de ces questions. Pour eux, une conversation comme la nôtre n'aura aucun sens, car nous sommes parfaitement conscients que tout le pays connaît ces dossiers et que toutes nos ressources collectives sont utilisées pour les régler.
Dans toutes les provinces et tous les territoires, il y a une municipalité d'un côté de la rivière ou de la voie ferrée et il y a une Première nation de l'autre, mais ces deux entités pourraient tout aussi bien être à des milliers de kilomètres l'une de l'autre. Nous avons aussi d'excellents exemples où tel n'est pas le cas, où les deux travaillent ensemble. Je sais que je ne suis pas le seul dans cette pièce à savoir que cela se passe dans tout le pays.
À mon avis, au bout du compte, on en revient toujours aux relations entre les gens et à la notion d'inclusion. Les traités originaux parlaient d'inclusion. Il s'agissait d'accueillir les gens sur la terre et de les aider à survivre, à passer leur premier hiver, de leur enseigner comment survivre, puis à trouver une façon de cohabiter — cette notion exposée dans l'arrêt Delgamuukw, le fait que nous sommes ici chez nous. Il y a 35 millions d'habitants dans notre pays, et il n'y a pas un seul endroit sur notre territoire où les Premières nations n'ont pas participé à l'histoire, y compris la pièce où nous nous trouvons maintenant.
J'aimerais terminer mon mandat en sachant que je ne risque pas d'arriver dans une collectivité pour découvrir que les enfants ne fréquentent plus l'école depuis deux ans. C'est vraiment ce que je voudrais faire. Je crois, en mon âme et conscience, que nous pouvons y parvenir, parce que cette situation est inacceptable pour nous tous. Je veux faire baisser les taux de suicide. Cela aussi, c'est lié, mais nous n'en avons pas parlé. Les taux d'incarcération sont liés à cela eux aussi, et les meurtres et les disparitions de femmes, et la violence. Très souvent, la violence éclate entre des membres des Premières nations. Le fait que nous puissions nous faire mutuellement du tort ou être en conflit les uns avec les autres, c'est quelque chose que j'ai connu personnellement quand j'étais jeune, dans mon village. Nous constatons des progrès à cet égard.
Pour terminer, je dirai qu'à mes yeux, ce qui compte c'est la notion que nous ne sommes pas arrivés à ce point par nous-mêmes. Nous n'avons pas créé ces établissements ni ces lois par nous-mêmes. Puisez dans ce que nous avons, notre relation spéciale avec la Couronne, avec la population du Canada, et dites-vous qu'il est temps de faire front commun pour changer les conditions de vie de notre peuple.
Le président : Merci beaucoup, grand chef Atleo. Comme vous pouvez le constater, les membres du comité sont tout à fait disposés à travailler avec vous et à faire ce qu'il faut pour les Premières nations. Je crois pouvoir affirmer sans crainte de me tromper que cela vaut pour tous ceux qui sont réunis autour de la table ce soir.
Vous abordez votre tâche avec une grande passion, et c'est une chance pour notre pays que vous occupiez le poste qui vient de vous être confié. Vous devrez répondre à de très grandes attentes, mais je vous connais depuis un certain temps et je suis absolument certain que, si les conditions voulues sont réunies, vous ferez ce qu'il faut et ce qui est juste. Il y a beaucoup à faire. Vous avez parlé de réussite, et nous refusons d'envisager l'échec.
M. Atleo : C'est exact.
Le président : C'est ce que nous retiendrons. Je vous remercie d'avoir pris le temps de venir nous parler ce soir. Au nom de tous les membres du comité, nous vous souhaitons beaucoup de succès au cours de votre mandat.
(La séance se poursuit à huis clos.)