Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 23 - Témoignages du 8 décembre 2009
OTTAWA, le mardi 8 décembre 2009
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 32, pour continuer son étude sur les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis, et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada.
Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : La séance est ouverte.
Bonjour à tous. Je souhaite la bienvenue à tous les honorables sénateurs, aux membres du public présents et à toutes les personnes qui regardent nos délibérations via la CPAC ou Internet.
Je suis le sénateur St. Germain, de la Colombie-Britannique, et c'est moi qui ai l'honneur de présider ce comité qui a pour mandat d'examiner les projets de loi et les questions touchant les peuples autochtones du Canada. Le comité bénéficie ainsi d'une vaste portée lui permettant de se pencher sur différents sujets susceptibles de préoccuper les Premières nations, les Métis et les Inuits.
La partie publique de notre séance d'aujourd'hui permettra aux représentants des Chefs héréditaires Gitxsan et de la Société des traités Gitxsan de nous parler du modèle de gouvernance différent qu'ils ont proposé afin de mieux concilier les intérêts des Gitxsan, de la Colombie-Britannique et du Canada.
Suivra une période de questions après laquelle nous poursuivrons nos discussions à huis clos pour examiner les travaux futurs du comité.
[Français]
Avant d'entendre nos témoins, permettez-moi de vous présenter les membres du comité qui sont présents :
[Traduction]
À ma gauche, je vous présente le sénateur Brazeau, du Québec. À ses côtés, il y a le sénateur Raine, de la Colombie-Britannique et le sénateur Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard. À ma droite, voici le sénateur Peterson, de la Saskatchewan, le sénateur Patterson, du Nunavut et le sénateur Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.
Chers collègues, je vous invite à accueillir avec moi nos témoins d'aujourd'hui. Nous recevons M. Elmer Derrick, négociateur en chef, des Cefs héréditaires Gitxsan. Il est accompagné de collègues de la Société des traités Gitxsan; soit Gordon Sebastian, directeur exécutif et négociatrice; Bev Clifton Percival, négociatrice, Gordon Gibson, conseiller; et Tex Enemark, conseiller.
Quel groupe sélect de citoyens de la Colombie-Britannique! Que pourrait-on demander de plus?
Monsieur Derrick, je vais vous demander de nous présenter votre exposé. Si j'ai bien compris, il est possible que vous soyez trois à faire des déclarations. Monsieur Derrick, la parole est à vous.
Elmer Derrick, négociateur en chef, Chefs héréditaires Gitxsan : Merci, monsieur le président. J'aimerais d'abord remercier le comité sénatorial de nous donner l'occasion de prendre la parole ce matin. Nous sommes venus à Ottawa pour essayer de faire comprendre au gouvernement que nous avons besoin d'un nouveau mandat pour notre table de négociation et de conciliation.
Voilà déjà quelques décennies que nous avons amorcé le processus de négociation d'un traité, et nous estimons que le moment est venu pour que le gouvernement du Canada et le gouvernement de la Colombie-Britannique prennent en compte nos intérêts et nous accordent le mandat que nous réclamons.
Nous estimons important de vous exposer les détails de notre requête. Nous vous avons donc transmis toute la documentation pertinente. Certains de ces documents ne sont sans doute pas traduits, mais mon collègue négociateur, Bev Clifton Percival, vous en présentera les grandes lignes.
Je profite de mes remarques préliminaires pour vous parler de notre démarche entreprise il y a plusieurs décennies. Certains membres de la nation Gitxsan ont contribué aux efforts déployés à la fin des années 1970 pour apporter des amendements à la Constitution canadienne. Je faisais d'ailleurs partie de l'équipe qui a réussi à inclure l'article 35 dans la Loi constitutionnelle de 1982.
Après 1982, nous avons commencé à nous faire une place au Canada. Nous avons initié l'affaire Delgamuukw c. La Reine en 1984 et nous nous sommes présentés devant le tribunal en 1987. Nous avons comparu devant l'honorable juge en chef Allan McEachern, qui a rendu son jugement en 1991. Nous nous sommes adressés à la Cour d'appel de la Colombie-Britannique avant d'obtenir une décision que je qualifierais d'historique de la Cour suprême du Canada en 1997.
La démarche que nous menons depuis consiste principalement à négocier notre intégration au pays. Nous ne perdons jamais le vue l'objectif que nos chefs nous ont fixé : bâtir un pays meilleur. Nous voulons créer un Canada meilleur et nous sommes déterminés à y parvenir à l'intérieur du cadre législatif de ce pays.
Nos chefs ont reconnu sans réserve la validité des Lois constitutionnelles, de 1867 à 1982. Nous reconnaissons la totalité des responsabilités et des pouvoirs conférés au gouvernement du Canada par l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867. Nous reconnaissons également les pouvoirs dévolus à la Colombie-Britannique en vertu de l'article 92 de la même loi. Nous basons notre position de négociation sur l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 qui reconnaît et affirme nos droits en tant que Gitxsan.
Nous nous sommes adressés aux tribunaux, non pas pour détruire ce pays ou lui enlever quoi que ce soit, mais bien pour établir un fondement juridique pour notre peuple. Nous estimons que l'arrêt Delgamuukw nous fournit une base solide pour étayer notre intégration au Canada. Nous demandons maintenant à la Couronne de faire son bout de chemin en instaurant des politiques publiques mieux adaptées. Demain, nous allons saisir le ministre des Affaires indiennes et du Nord de questions très importantes. Nous souhaitions donc pouvoir apporter des éclaircissements au comité sénatorial qui doit traiter de bon nombre de ces questions dans le cadre de ses responsabilités à l'endroit du Parlement. Nous avons besoin de votre aide et nous vous demandons donc de nous guider dans l'élaboration de cette politique publique primordiale.
Avant de laisser mes collègues vous présenter notre exposé, j'aimerais vous lire un extrait du jugement rendu par la Cour suprême de la Colombie-Britannique en 1991. Cette décision revêt une grande importance historique. Le juge en chef McEachern avait joint quelques observations à sa décision. Je voudrais donc vous lire quelques paragraphes de ces observations que l'on retrouve à la partie 22 de l'arrêt Delgamuukw de 1991.
Voici ce qu'on peut y lire :
En présumant que les discussions se poursuivront entre les Autochtones et les gouvernements, j'offre respectueusement à leur considération les commentaires suivants.
Depuis trop longtemps, les parties en cause concentrent leurs efforts sur des questions juridiques et constitutionnelles comme celles touchant la propriété, la souveraineté et les « droits », autant de concepts juridiques fascinants. Aussi importantes puissent être ces questions, les réponses qu'on pourra y apporter ne régleront en rien les problèmes socioéconomiques sous-jacents qui désavantagent depuis toujours les peuples autochtones.
Les Autochtones ont profité de nombreuses occasions de s'intégrer au courant principal de la vie sociale et économique du Canada. Certains refusent l'intégration alors que de nombreux autres n'ont pas cette possibilité. Il arrive qu'on leur reproche de demeurer autochtones, ce qui en incite certains à devenir extrêmement critiques à l'endroit de la communauté non autochtone.
Ce dialogue de plus en plus cacophonique à propos des droits légaux et des injustices sociales a donné lieu à des prises de position caractérisées par moult allégations et arguments exagérés et un manque flagrant de réalisme. Il apparaît certes évident que les deux parties ont leurs torts. Les Autochtones sont demeurés trop longtemps dans un état de dépendance. L'injection annuelle de milliards de dollars dans la recherche de solutions aux problèmes autochtones, même si elle permet assurément d'aplanir quelques difficultés, ne parviendra pas à rompre ce cycle débilitant de la dépendance.
Et voici un autre paragraphe dont j'aimerais vous faire lecture :
Certains Autochtones se disent incapables de vivre sous le paternalisme et la réglementation de la Loi sur les Indiens, mais bon nombreux d'entre eux ne pourraient pas non plus survivre sans les avantages que cette loi leur procure. Certains Autochtones s'opposent à la structure de bande imposée par la Loi, mais il serait stupide de s'en départir tant que l'on n'aura pas trouvé un mécanisme de remplacement acceptable pour la majorité des Autochtones.
Le juge parle ensuite des plaignants dans l'arrêt Delgamuukw :
Comparativement à bien d'autres bandes autochtones de la province, les peuples Gitxsan et Wet'suwet'en ont déjà atteint un niveau assez élevé d'organisation sociale.
Cette démarche judiciaire nous a permis d'établir clairement notre identité, nos positions et nos objectifs.
Ils peuvent compter sur plusieurs leaders prometteurs, une détermination à atteindre des objectifs communs et une capacité latente de s'affranchir de la dépendance si on leur fournit l'aide additionnelle dont ils ont besoin . . . Je suis impressionné de constater que les Gitxsan et Wet'suwet'en sont prêts à conclure un nouvel arrangement sensé avec les deux ordres de gouvernement.
C'est le but visé dans nos négociations au cours des deux dernières décennies.
Permettez-moi de vous lire deux derniers paragraphes :
Il doit bien sûr y a voir accommodement au sujet de l'utilisation du territoire, une préoccupation constante au sujet de laquelle je dois m'abstenir de formuler des commentaires si ce n'est de répéter que la mauvaise fortune des Autochtones découle principalement de leur difficulté à s'adapter à l'évolution des circonstances, plutôt que des contraintes quant à l'utilisation du territoire.
En terminant, je dois souligner qu'un accommodement raisonnable demeure possible, même s'il y a encore beaucoup à faire. Une fois le dernier appel entendu, les problèmes qui subsisteront ne seront toutefois pas de nature juridique. Comme toujours, ce sont plutôt les problèmes socioéconomiques qui continueront de sévir.
C'est de cette problématique que nous avons essayé de traiter dans la lettre envoyée au ministre Stahl, lettre que nous avons jointe à la documentation fournie.
Je laisse la parole à ma collègue pour son exposé.
Bev Clifton Percival, négociatrice, Société des traités Gitxsan :
(Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.)
Je m'appelle Bev Clifton Percival. Je suis de la maison de Hanamuuxw, au sein du village de Gitsegukla dans les territoires Gitxsan. Bonjour à tous et merci de me donner l'occasion de prendre la parole devant vous.
Mon exposé est basé sur un document PowerPoint dont vous avez une copie en main. Pour vous donner un aperçu de ma présentation, je vous parlerai des fondements de la Première nation Gitxsan, de son processus décisionnel, des bassins hydrologiques, des politiques, des activités de négociation de traité et d'un modèle de réconciliation.
Je passe maintenant à la diapositive 2. La société Gitxsan est matrilinéaire, ce qui signifie que l'affiliation et l'héritage de propriété suivent le côté de la mère. Si vous êtes Gitxsan, c'est parce qu'une femme Gitxsan vous a mis au monde.
L'entité la plus fondamentale de la société Gitxsan est le wilnaatahl, parfois appelé wilp, au singulier, ou huwilp, au pluriel. C'est la terminologie Gitxsan pour désigner les regroupements de maisons. Ce sont de grandes familles traditionnelles élargies ayant chacune une population estimée entre 200 et 600 personnes. Chaque wilp, ou regroupement de maisons, réunit de deux à cinq lignées qui déterminent le rang qu'occupent au sein du wilp le simoogit — le chef de la maison —, les chefs adjoints et les membres. Nous sommes issus d'une société matrilinéaire dont la hiérarchie est déterminée par le lignage et les liens du sang.
Parmi les caractéristiques de la société Gitxsan, la plus importante est le liligit, notre terme pour désigner la salle des fêtes. On peut y être témoin du daxgyet, le pouvoir, dans notre langue, de la Première nation Gitxsan par l'entremise d'un protocole qui consiste à déclarer publiquement les affaires du wilp pour les témoins et l'appui du huwilp gali ax Gitxsan. Les Gitxsan règlent publiquement toutes leurs affaires avec l'approbation des gens qui assistent au festin pour être témoins du processus décisionnel. Tout festin fait l'objet d'intenses préparatifs et d'une planification minutieuse. Le processus n'est pas pris à la légère, car nous devons nous assurer le soutien de nombreux paliers distincts. Vous pourrez le constater plus loin dans ma présentation lorsque je vous entretiendrai du processus décisionnel et de notre mode de gestion des affaires publiques.
Toutes ces procédures sont dictées par nos lois, que nous appelons ayokim Gitxsan. Nous sommes une société fondée sur la tradition orale et nos lois sont demeurées les mêmes depuis le tout début. Ces lois ancestrales dictent la conduite des Gitxsan simgiigyet, les chefs responsables des maisons, et des regroupements de maisons, les huwilp, au sujet de l'héritage, de la succession, du mariage, de l'adoption, de l'accès à la propriété, du territoire et ses ressources, de la violation du droit à la propriété, des préjudices, de la réparation des préjudices et des autres affaires de la nation.
Le terme gwalyeinsxw est fondamental pour nous; il désigne notre héritage. Chaque maison Gitxsan possède sa propre richesse; les actifs réels et irréels sont légués en héritage de génération en génération pour toujours, ils ne diminuent pas et ne disparaissent jamais — le wilnaatahl, soit la maison elle-même; le lax yip, les territoires appartenant à la maison; et l'adaawx, l'histoire orale qui relie chaque maison à son territoire; l'ayook, les emblèmes portés par les Gitxsan; les limx ooii, soit leurs chants sacrés; les waaimp taa, les noms faisant partie de la maison — voilà tous les éléments du gwalyeinsxw, l'héritage du wilp et du huwilp, et l'héritage collectif de la nation. Chaque maison a ses territoires, ses ressources, ses noms, ses chants et ses emblèmes, autant de composantes de l'héritage qu'elle doit transmettre à la prochaine génération.
Voici quelques dates importantes pour le peuple Gitxsan. Le premier contact n'a lieu qu'à la fin des années 1800. La Loi sur les Indiens n'est mise en application dans notre secteur qu'à compter de 1951. Dans les premiers temps d'application de la Loi sur les Indiens, les représentants élus sont souvent les chefs héréditaires de la communauté. Ce n'est pas avant les années 1970 que les choses changent avec l'adoption du vote libre, notamment.
En 1977, les Gitxsan et les Wet'suwet'en, leurs voisins à l'est, émettent une déclaration affirmant leur souveraineté, leurs droits et leurs titres. En 1984, on dépose le bref pour Delgamuukw et Gisday'wa, ce qui a été à l'origine de la première cause judiciaire. En mai 1987, le tribunal débute ses travaux pour Delgamuukw et Gisday'wa.
Les premières audiences ont lieu à Smithers, ce qui oblige le juge McEachern à faire des allers-retours vers cette ville. Cependant, il se fatigue rapidement de faire le trajet et déplace toute la cause à Vancouver, ce qui force les Gitxsan et les Wet'suwet'en à trouver des fonds pour le transport des témoins. Les délibérations se poursuivent pendant 300 jours pour aboutir, le 8 mars 1991, au premier jugement dont M. Derrick vous parlait tout à l'heure. C'est une décision dévastatrice pour les Gitxsan et les Wet'suwet'en, car le juge McEachern n'a tenu compte d'aucun des éléments portés à son attention par ces Premières nations. En 1993, les Gitxsan et les Wet'suwet'en s'adressent donc à la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dont la décision confirme une partie des éléments rejetés par le juge McEachern. Comme cela n'est toutefois pas suffisant, les Gitxsan et les Wet'suwet'en se présentent à Ottawa en 1997 pour une journée et demie d'audience devant les juges de la Cour suprême du Canada.
Dans l'intervalle entre 1993 et1997, les Gitxsan et les Wet'suwet'en doivent se séparer du point de vue politique et commencer à négocier un traité pour leurs nations respectives. Il est important de noter que nous entreprenons le processus de négociation en partant du principe que nous sommes les héritiers légitimes des titres sur le territoire, ce qui nous distingue de certains autres peuples qui y ont participé en tant que première nation. En décembre 1997, la Cour suprême du Canada rend une décision qui nous est favorable. Nous amorçons donc des pourparlers de conciliation avec les représentants de la Couronne en Colombie-Britannique. Nous en arrivons à un accord de conciliation, mais celui-ci porte principalement sur les territoires et les ressources.
En outre, nous sommes le premier groupe à être écarté du processus de négociation d'un traité par la province, parce que nous refusons le modèle de sélection des territoires qui est proposé. Entre 1995 et 2001, nous tenons une série de pourparlers relativement à la conciliation avant de retourner à la table de négociation d'un traité en 2001. En 2002, nous intentons une action en justice contre le ministre des Forêts de la Colombie-Britannique relativement au transfert du permis de New Skeena. Dans sa décision rendue en notre faveur, le juge Tysoe indique que les Gitxsan détiennent d'emblée les droits et les titres pour certaines portions de leurs territoires. S'ensuivent des négociations imposées par le tribunal concernant les questions de foresterie.
En juin 2003, ces négociations aboutissent à une entente intérimaire conclue avec le ministre des Forêts. En août 2006, nous en arrivons avec le même ministre à une entente à court terme dans le domaine de la foresterie. Nous nous apprêtons à entreprendre les pourparlers en vue d'un accord à long terme, toujours dans le cadre du processus de négociation lancé par la décision rendue en 2002 par le juge Tysoe.
Au printemps 2007, nous faisons partie de la commission d'évaluation environnementale pour le projet de mine à Kemess. Dans sa décision, la commission reconnaît notre droit de la paix et notre tradition orale. Depuis 2006, nous participons à un processus de conciliation et d'exploration avec la Colombie-Britannique et le Canada à notre table de négociation.
Quant au processus décisionnel du wilp — le regroupement de maisons —, des problèmes peuvent être soulevés par plusieurs sources et faire l'objet d'un débat ouvert dans la maison. Le Sayt giim goot, ou consensus, est recherché et devient la position du wilp. On demande conseil au nigwoot, le côté du père, et au niidihl, le clan opposé au sein de la communauté. Les décisions sont prises dans la maison en utilisant le consensus au profit des intérêts collectifs.
Ces décisions sont ensuite soumises au gal tsup, notre vocable pour désigner la communauté. Les différents huwilp, ou regroupements de maisons, du gal tsup se réunissent pour présenter leurs positions. Le simoogit, ou chef de maison, peut prendre la parole ou désigner un squinlitxwt, un orateur qui le fera en son nom. Nous dégageons ainsi un consensus à l'échelle de la communauté.
Nous nous adressons ensuite à l'assemblée des huwilp gali aaxs Gitxsan, qui représente tous les regroupements de maisons Gitxsan. On peut y entendre les positions des huwilp et le compte rendu des réunions de la communauté, ce qui peut donner lieu à un nouveau débat complet sur les problèmes soulevés. Nous devons déterminer s'il y a sayt giim goot, c'est-à-dire consensus, et, le cas échéant, établir un plan de mise en œuvre au nom du Gali aaxs Gitxsan. C'est la collégialité de toutes les décisions qui prime.
Tout au long du processus, il se tisse un réseau complexe de relations et de liens. Les conditions applicables à la famille élargie et les rôles sont clairement définis. Je suis de la maison de Hanamuuxw où il y a un côté du père et un côté du grand-père. Je représente moi-même le côté du père pour certains, et celui du grand-père pour d'autres. Lorsqu'une décision est prise, tous ces éléments doivent être pris en compte. Il ne faut pas prendre ces choses à la légère. Nous devons considérer l'intérêt collectif et les points de vue exprimés lors du processus décisionnel. On doit apporter du soutien à tous les niveaux — dans la maison, à l'intérieur de la communauté et au sein de tous les huwilp, regroupements de maisons — avant qu'une décision puisse être mise en œuvre. Aucun groupe ne peut fonctionner indépendamment des autres; notre système est basé sur l'interdépendance découlant des responsabilités sociales qui incombent aux autres membres de la maison comme aux autres regroupements de maisons.
Voici maintenant une illustration visuelle du processus décisionnel. Nous avons ici le wilsaleks, le côté du père; le gal tsup, la communauté; le gali aaks Gitxsan, l'ensemble des regroupements de maisons Gitxsan; et le niidihl, le clan opposé au sein de la communauté. Dans ma communauté, je suis un épilobe, ou gisgaast, et mon niidihl est la grenouille, ou ganeda. Votre niidihl, le clan opposé, doit appuyer les décisions que vous prenez. Lorsque notre maison prend une décision, elle doit compter sur le support des membres de la maison, de son niidihl, du côté du père et de la communauté. Il faut ensuite s'assurer du soutien de la nation avant de pouvoir aller de l'avant.
Je vous parle maintenant des impacts sur la Première nation Gitxsan. Les Gitxsan ont vécu tous les aspects de l'expérience du colonialisme. Des pandémies de grippe aux épidémies de tuberculose en passant par les pensionnats, les vagues d'aide sociale des années 1970, le racisme institutionnalisé et les politiques de la Couronne visant à les assimiler à la société d'origine européenne. Malgré tout, nos ancêtres ont tenu bon et ont su résister aux attaques incessantes à l'endroit de leur oojin, leur esprit personnel. Nos ancêtres s'en sont tenus à nos enseignements, à l'occasion des conseils et des cérémonies, que l'on tenait sous différentes formes. Ils n'ont jamais renoncé à ces enseignements. Notre nation et nos affaires n'ont pas cessé d'aller de l'avant.
Le peuple Gitxsan a tout conservé de son propre système. Nous montrons notre respect à chacun des regroupements de maisons par le biais de leurs membres et de leurs chefs. Nous avons des noms qui sont éternels. De nouvelles personnes peuvent assumer les responsabilités, mais nos noms ne s'éteignent pas. C'est bien différent de la situation des chefs imposés par la Loi sur les Indiens qui changent tous les deux ans. Nous sommes un peuple ancien qui vivra éternellement. Nos noms sont parmi les plus anciens sur la côte Nord-Ouest. Ils remontent à plus de 10 000 ans.
La planification durable des bassins hydrologiques a été le principal outil mis à contribution pour faire valoir les intérêts du peuple Gitxsan. Nos territoires couvrent 33 000 kilomètres carrés. Nous avons neuf bassins hydrologiques : Upper Skeena, Middle Skeena, Suskwa, Sustut, Babine, Kispiox, Nass, Gitsegukla et Lower Skeena. L'arrêt Delgamuukw de 1997 a fourni plusieurs bons outils pour ce processus. Citons par exemple l'existence des droits et des titres, la conciliation de la préexistence de la société Gitxsan et de la souveraineté de la Couronne; l'utilisation et l'occupation exclusives de nos territoires; le droit de déterminer le mode d'utilisation des terres, notamment suivant un concept de durabilité tenant compte de nos lois et croyances; les composantes économiques découlant de nos droits; et le droit de gagner sa vie modestement. Ce sont là les fondements des efforts que nous avons déployés dans le cadre du processus de conciliation avec la Couronne.
Les principes guidant cette planification sont la méthode du coût complet, l'évaluation environnementale, un élément essentiel, et la gestion écosystémique. Cette planification s'articule autour d'un processus en cinq étapes témoignant clairement de nos intérêts. Le processus permet une planification durable qui a des répercussions dans toute la région. Le concept d'héritage, ou gwalyeinsxw, assure la perennité de la nation Gitxsan grâce à la protection des gens, de la terre et de la culture.
Au cours des cinq dernières années, nous avons déployé des efforts considérables au chapitre des politiques. Nous avons pris le temps d'établir des politiques qui sont fondées sur notre identité en tant que peuple Gitxsan, tout en permettant de concilier nos intérêts et les objectifs législatifs de la Couronne. Nous pourrons ainsi travailler de concert pour élaborer des plans et prendre des décisions, notamment en matière de développement du territoire.
Nos politiques portent sur les étendues d'eau et les poissons; le pétrole et le gaz naturel; les forêts; et, plus récemment, les minéraux, la faune et la flore. Ces efforts sont un premier pas vers un terrain d'entente pour faire valoir nos intérêts dans les prises de décisions au niveau de l'économie et de la durabilité des ressources sur les territoires du peuple Gitxsan.
Les politiques concernent l'environnement et la biodiversité, la pollution et les contaminants ainsi que les mesures de protection. Elles sont fondées sur notre droit inhérent de gérer l'utilisation des terres et des ressources. Elles tiennent compte de la conduite des groupes d'usagers et assurent la mise en application des lois du peuple Gitxsan en matière d'accès, de violation du droit de propriété et de destruction.
J'en suis à la page 10 qui traite des intérêts et de l'engagement du peuple Gitxsan. Les politiques procurent un cadre pour la mobilisation des simgiigyet et des huwilp de la nation Gixsan. Notre participation à la planification durable des bassins hydrologiques nous a permis de collaborer avec l'industrie tant au niveau du wilp, soit de la maison, que du huwilp, pour l'ensemble du bassin.
Nous nous intéressons actuellement aux projets liés à l'énergie. Nous collaborons ainsi activement aux projets du réseau de Northwest Transmission Line et du pipeline d'Enbridge Northern Gateway. Ce pipeline ne passe pas directement sur nos territoires, mais nous suivons de près la situation au cas où des problèmes surviendraient. Nous sommes ouverts à l'idée d'entreprises communes qui tiendraient compte de nos intérêts en établissant des partenariats équitables et profitables pour toutes les parties.
Nous avons investi dans les techniques d'identification du pétrole et du gaz naturel. Nous avons conclu une entente à court terme avec la Couronne dans le secteur forestier ainsi qu'un accord qui remonte à plus de 20 ans avec Pêches et Océans Canada, qui reconnaît ainsi nos chefs héréditaires, nos sites de pêche et notre capacité de fournir des données scientifiques. Ce sont d'ailleurs nos données qui sont utilisées dans le cadre du processus d'allocation pour l'affluent de la rivière Skeena.
Nous avons acquis un permis forestier important pour nos territoires traditionnels en plus de créer des entreprises communes pour nos bassins hydrographiques. Nous avons notamment un projet de centrale de cogénération dans l'un de ces bassins. Des ententes d'exploration minière ont été conclues au niveau des bassins, des chefs et des regroupements de maisons. Dans le cadre de coentreprises, des regroupements de maisons se livrent à la pêche dans les eaux intérieures chaque été depuis plus de 15 ans. Des gens nous parlent de projets d'usines de fabrication de granulés. Nous avons signé tout récemment un protocole d'entente très prometteur avec le cabinet du premier ministre de la Colombie-Britannique au sujet des crédits carbone.
La diapositive 11 vous offre un aperçu visuel du territoire de 33 000 kilomètres carrés occupé par le peuple Gitxsan, avec ses neuf bassins hydrologiques distincts. Chaque bassin hydrologique est géré en vertu d'une entente conclue entre les wilp qui reconnaissent ainsi leur appartenance au même bassin et la nécessité de travailler ensemble dans l'intérêt de la collectivité. Les autorités responsables des différents bassins ont en outre signé un accord de fiducie qui reconnaît aussi chaque wilp du territoire et la volonté de conjuguer les efforts de chacun. Le respect des intérêts du peuple Gitxsan prime dans les accords conclus avec la Couronne ou les tierces parties.
Dans le but de protéger les huwilp de la nation Gitxsan, on s'emploie à faire appliquer nos droits découlant de l'article 35 et à faire en sorte que les lois respectent la structure des articles 91 et 92 de la Constitution de 1867 et la condition formelle d'une satisfaction totale de nos intérêts. À l'intérieur du système héréditaire de la nation Gitxsan, on retrouve le régime de gouvernance que nous utilisons. Le peuple Gitxsan peut demeurer soumis à la Constitution canadienne, plutôt que d'être assujeti à une constitution particulière comme le veut le modèle de traité actuel.
Je vais maintenant vous parler des activités qui ont eu cours à la table de négociation de traité. Lors d'une réunion des chefs négociateurs tenue en juin 2006, nous avons demandé une séance fermée pour amorcer l'examen des questions concrètes liées à la gouvernance et à notre réticence à accepter les concepts de choix des terres et de droits modifiés. Nous avons alors envoyé une lettre au gouvernement fédéral et une autre au gouvernement provincial. La British Columbia Treaty Commission a pris le relais pour assurer le suivi de notre demande.
Ce n'est qu'au mois de mars de l'année suivante que toutes les instances nous ont confirmé que nous pouvions aller de l'avant. Le commissaire en chef Stephen Point a accepté de faciliter les liaisons entre les Gitxsan, le Canada et la Colombie-Britannique. La première rencontre a eu lieu en avril 2007. Le processus ne correspondait pas exactement à nos attentes, car nous aurions voulu examiner la loi constitutionnelle et la jurisprudence. Nous avons néanmoins décidé de profiter de l'occasion.
La diapositive 13 traite des discussions plus approfondies qui ont été tenues. En vertu des dispositions générales des traités reconnus, les signataires renoncent aux droits prévus à l'article 35. Ils abandonnent également la protection offerte en application de l'article 91.24. Il n'existe aucune forme de protection légale découlant de la « Constitution » que l'on demande de fournir et d'approuver pour les Premières nations.
Parmi les problèmes à régler, il y a le fait que la Colombie-Britannique limite la gouvernance du peuple Gitxsan aux « terres du peuple Gitxsan ». Il s'agit d'une violation de nos droits qui ne respecte pas le principe d'accommodement. Le Canada tient pour acquis que la « Constitution du peuple Gitxsan » s'applique sur les terres du peuple Gitxsan, qui correspondent pour ainsi dire à des réserves, mais cela ne nous intéresse pas. Les terres régies par cette Constitution représenteraient seulement trois pour cent de nos territoires traditionnels; soit trois pour cent de 33 000 kilomètres carrés. C'est une autre violation de droits qui va à l'encontre du principe d'accommodement.
Voici un aperçu de la situation actuelle pour ce qui est des traités. Les peuples signataires ont renoncé à leurs droits prévus aux articles 35 et 91.24. Les Premières nations doivent accepter un transfert de l'article 91.24 à l'article 92, en fief simple. Par conséquent, il n'est pas question de changement dans les mandats du gouvernement à nos tables de négociation. Taikeke Alfred a indiqué que cela équivalait à abandonner ses droits en échange de sommes d'argent, ce qui coupait court à l'intention de l'Entente concernant une nouvelle relation, conclue avec le gouvernement de la Colombie-Britannique, tout en dynamitant l'Entente sur le changement transformateur.
Dans le cadre du processus facilité par la British Columbia Treaty Commission, les premiers progrès véritables ont été réalisés lorsque la province a fourni une liste de principes pour la gouvernance du peuple Gitxsan; le Canada a aussi élaboré sa propre liste de principes à ce sujet et la Couronne doit revoir l'orientation des mandats au chapitre de l'élaboration des politiques et des lois.
Nous croyons qu'il est possible de créer un système qui reconnaît pleinement le peuple Gitxsan comme un peuple héréditaire dans l'application de l'article 35. On ne devrait d'aucune manière limiter ou supprimer notre droit de ratifier un traité, car c'est notre moyen de parvenir à la conciliation. Cela nous ramène à l'arrêt Delgamuukw qui traite de la nécessité de concilier la reconnaissance de la préexistence du peuple Gitxsan et la souveraineté de la Couronne. Nous ne devrions pas avoir à changer pour réussir la conciliation avec la Couronne.
Je vous invite à regarder le diagramme de la page suivante. Du côté gauche, nous avons la situation actuelle avec les pouvoirs qui nous sont délégués. À droite, notre objectif consiste à établir une relation plus efficace avec la Couronne aux fins des décisions à prendre entre gouvernements au sujet de la planification et de l'utilisation des terres.
Vous avez ensuite un autre diagramme qui illuste le gim litxwid, c'est-à-dire l'ensemble des maisons du peuple Gitxsan et leur mode d'interaction dans la gestion des terres et des ressources. À l'intérieur de cette structure, vous noterez les différentes divisions responsables des secteurs stratégiques dans lesquels nous sommes intervenus.
Je cite maintenante Gwis Gyen, Delgamuukw, 1987 :
Tous les Gitxsan utilisent un code de lois commun. Notre code de lois est comme un vieil arbre dont les racines sont profondément ancrées dans le sol. Les racines de cet arbre énorme sont enfoncées très loin dans la terre, et c'est ainsi aussi que nous voyons notre code de lois.
Vous avez ensuite quelques photos de maisons situées dans le territoire du peuple Gitxsan, puis la carte que nous avons utilisée devant le tribunal. Je vais maintenant laisser la parole à mon collègue, M. Gibson.
Gordon Gibson, conseiller, Société des traités des Gitxsan : Monsieur le président, honorables sénateurs, c'est un honneur d'être ici à titre de membre de l'équipe de négociation des Gitxsan. Nous vous avons décrit un peu l'histoire, la culture et la société des Gitxsan. Mon travail aujourd'hui consiste à exposer la position des Gitxsan face aux gouvernements, dans une perspective constitutionnelle, étant donné que ce pays réalise véritablement des avancées concrètes en matière de réconciliation.
Nous acceptons et respectons la Loi constitutionnelle du Canada, comme le chef Derrick l'a mentionné, et nous acceptons les responsabilités du Canada et de la Colombie-Britannique en vertu des articles 91 et 92. Nous, Gitxsan, revendiquons nos droits découlant de la Charte canadienne des droits et libertés, qui s'applique à tous les Canadiens, ainsi que de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et de la common law, telle qu'interprétée par la Cour suprême du Canada dans le jugement Delgamuukw, entre autres. La tâche de tous nos négociateurs consiste à concilier ces réalités de manière constructive.
La nation des Gitxsan existe depuis des temps immémoriaux et nous réclamons le droit de préserver notre identité selon la liberté d'association garantie par la Charte, nos traditions ou nos lois, les ayookw, et l'autorité de notre simgiigyet, c'est-à-dire de nos chefs héréditaires.
Nous souhaitons cesser d'être des Indiens. Il y a longtemps, le gouvernement du Canada a fait de nous des Indiens sans notre permission. Ainsi, nous étions relégués à de petites parcelles de terrain, et notre territoire traditionnel nous a été usurpé, avant d'être exploité et, dans bien des cas, ruiné pour des générations. On nous a imposé un système de gouvernement et de réglementation qui nous était étranger par l'application de la Loi sur les Indiens, ce qui a causé la pauvreté et la misère de notre peuple. Nous voulons mettre un terme à cette situation.
Sur l'ensemble de notre territoire, nous désirons mettre fin aux gouvernements autochtones qui décident pour les Gitxsan. Nous voulons que soient abolies les subventions fédérales aux gouvernements de bande et que cet argent et tous les fonds nécessaires soient transférés à la province pour qu'elle assume ses responsabilités envers nous, en nous considérant comme des citoyens ordinaires.
Nous aspirons à exercer des droits politiques, c'est-à-dire à être traités comme de simples Canadiens et Britanno-Colombiens qui votent, paient des taxes, reçoivent des services et respectent la loi.
Nous comprenons que des changements aussi importants sont complexes et qu'ils toucheraient des milliers de personnes. Nous sommes 13 000 Gitxsan sur notre territoire et nous sommes voisins de nombreuses autres nations. Nous voulons collaborer pleinement avec toutes les parties intéressées pour effectuer cette transition, en recherchant l'équité et la justice pour tous.
Nous estimons que, pendant ce processus, il incombera aux gouvernements qui nous ont causé du tort et ont permis l'exploitation de nos ressources de fournir le financement et tout le soutien nécessaire afin de réparer les erreurs du passé. Il faut agir sans plus attendre, car chaque mois qui passe perpétue la pauvreté, le suicide, l'éducation et les soins de santé inadéquats, le gaspillage de nos terres et le manque d'emplois pour notre population.
Nous vous demandons la même chose qu'à la Colombie-Britannique : en venir à un accord de principe sur ces questions en un an.
Afin de contribuer au processus qui assurera notre avenir aux termes de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, nous revendiquons nos droits sur le territoire des Gitxsan tels que stipulés dans la décision Delgamuukw de la Cour suprême. Comme cette dernière l'a expliqué, ces droits nous ont été accordés en vertu de la déclaration par le Royaume-Uni de sa souveraineté sur la Colombie-Britannique en 1846.
Ces droits revenaient aux occupants qui, comme leurs descendants l'ont été jusqu'à aujourd'hui, étaient représentés par les chefs héréditaires Gitxsan. Ceux-ci sont, au nom des Gitxsan, les véritables dépositaires de leurs droits. Le territoire de chacun des chefs et de la nation ont été définis et reconnus dans les moindres détails par la Cour et sont clairement délimités.
La Commission des traités de la Colombie-Britannique, la Colombie-Britannique et le Canada ont tous reconnus les chefs à titre de négociateurs en chef. Après 163 ans de souveraineté, des dizaines d'années après les premières négociations et 12 ans après le jugement Delgammukw, nous croyons qu'il est temps pour nous tous de prendre nos responsabilités et de régler ces questions, espérons-le, par la négociation.
Voilà les principes constitutionnels qui, nous le croyons, doivent guider les Couronnes fédérale, provinciale et nous-mêmes. Nous estimons qu'ils s'appliquent bien à notre cas, mais nous ne prenons pas position dans le processus de réconciliation avec d'autres nations, ailleurs dans la province.
À titre de rapport d'étape, nous avons accompli des progrès considérables, en collaboration avec les représentants de la Couronne, au cours de la dernière année et demie. Mais maintenant la situation est au point mort car nous attendons que le mandat des négociateurs fédéraux et provinciaux soit élargi afin d'englober notre approche. En clair, les mandats actuels se limitent au modèle de traité habituel, qui ne convient pas à nos objectifs.
La Colombie-Britannique a donc accepté de revoir les mandats qu'elle a confiés, et nous demandons au gouvernement du Canada d'en faire autant, de toute urgence. En plus de la révision des mandats, les deux gouvernements devront, pour réaliser des avancées, sortir les négociations avec le peuple des Gitxsan du cadre des traités communs, pour les confier à de hauts fonctionnaires chargés de déployer toutes les ressources nécessaires dans les circonstances. Les Gitxsan seront prêts à négocier.
La réconciliation entre les Gitxsan et les gouvernements selon ces termes constituerait immanquablement une réalisation majeure pour tous. Pour les Gitxsan, ce serait retirer la chape de plomb qu'ils ont si longtemps dû porter. Ainsi, ils pourraient retrouver la voie du succès et prospérer grâce à leurs propres efforts, dans un système social et une culture bien à eux.
Pour les gouvernements, ce serait un exemple frappant, devant une population canadienne de plus en plus impatiente, de ce qui peut être accompli avec de l'imagination, de la collaboration et de la bonne volonté. Cette entente aurait une incidence, je le souligne, sur la nation la plus nombreuse de la Colombie-Britannique avec ses 13 000 membres.
Voici les points essentiels de notre optique. En termes de gouvernance, les Gitxsan ne seraient plus soumis à aucune forme de coercition de la part d'un gouvernement autochtone. Le système de réserve serait aboli. Les autorités municipale, régionale, provinciale et fédérale courantes assumeraient la gestion du territoire conformément à leur sphère de compétences. Quant aux responsabilités, les Gitxsan paieraient des taxes et respecteraient les lois, comme n'importe quel Britanno-Colombien.
À propos des transferts de droits, les Gitxsan recevraient les services de la province, bonifiés au besoin pour aider leur population dans les domaines où on les a terriblement négligés par le passé. Une subvention serait consentie, comme à l'habitude, pour faciliter les changements et pourvoir aux besoins futurs. Également, nos droits, tels qu'affirmés dans l'arrêt Delgamuukw, seraient respectés. En outre, des parcelles de terrain en fief simple seraient accordées individuellement aux Gitxsan pour qu'ils y vivent, et des terres collectives en fief simple seraient octroyées aux Gitxsan à des fins communes, notamment économiques, culturelles et récréatives. Enfin, ces terres serviraient à tirer avantage des ressources et à générer d'autres revenus selon ce qui aura été négocié avec les gouvernements, en prenant en compte le reste du territoire.
En ce qui concerne les droits, les gouvernements, de leur côté, obtiendraient la certitude que procure un accord complet et définitif, exigeant que chaque partie s'y conforme, et la capacité de gérer normalement la portion de territoire demeurant la propriété de la Couronne en vertu des dispositions de cette entente. De plus, au sujet des droits, toutes les parties bénéficieraient du développement économique résultant du climat de stabilité et de l'utilisation des subventions.
Quant à la portée, l'entente s'appliquerait aux deux Couronnes, à tous les chefs Gitxsan et à leur territoire et à toute personne considérée Gitxsan aux fins de l'accord.
Pour ce qui est de la ratification, on peut discuter de la méthode, mais il faut que l'accord puisse résister à un examen judiciaire approfondi si la clarté, la solidité et la sincérité de l'assentiment du peuple des Gitxsan étaient remises en question.
Ces éléments couvrent les principaux aspects à discuter. Nous avons choisi de collaborer avec les gouvernements afin de parvenir à un accord. La Colombie-Britannique s'est montrée très ouverte, et nous espérons que nos propositions recevront un écho aussi enthousiaste de la part du gouvernement du Canada.
Le président : Je vous remercie tous pour vos excellents exposés. Nous avons malheureusement pressé Mme Percival de se dépêcher, mais, comme nous le savons tous, le temps est notre pire ennemi.
Mon bureau a reçu des messages de Gitxsan préoccupés par les propositions avancées ici aujourd'hui. Pouvez-vous donner au comité une idée du niveau de soutien de votre bande dans cette entreprise?
Mme Percival : Nous bénéficions d'un grand appui. Il arrive souvent que des contestataires se fassent entendre, mais ils ne représentent pas la majorité. Nous avons reçu plus que des messages de la part de ce groupe : il a intenté des procédures contre le Canada, la Colombie-Britannique et la Commission des traités de la Colombie-Britannique.
Le président : Vous avez indiqué dans votre exposé de tout à l'heure que vous preniez généralement vos décisions par consensus, plutôt que par scrutin. Peut-être que je me trompe et que j'ai mal interprété vos paroles, mais j'aimerais savoir si vous avez l'intention de procéder encore de cette façon dans ce dossier.
Mme Percival : Nous avons en effet opté pour une approche consensuelle. Nous souhaitons poursuivre de la même manière, mais nous sommes certainement ouverts à d'autres solutions. Notre équipe de négociation reçoit énormément de commentaires et de conseils tout au long du processus. Nous savons également qu'un petit nombre de personnes s'y opposent. Dans l'ensemble, nous suivons la rétroaction et l'orientation qui nous sont données à tout moment, alors nous n'allons pas de l'avant sans avoir obtenu un solide appui à l'égard du mouvement que nous initions.
M. Gibson : C'est une discussion que nous avons encore avec le Canada et la Colombie-Britannique. Nous soutenons, et j'estime que c'est un point valable, que l'essence de la démocratie réside dans le consentement de la population. Dans le reste du Canada, une façon de le reconnaître consiste à tenir des élections standards; nous avons la possibilité de choisir nos représentants tous les quatre ans.
De l'avis d'une tierce personne comme moi qui a étudié en long et en large la théorie constitutionnelle et la politique canadienne, l'approche de la nation Gitxsan pour obtenir le consentement du gouvernement s'avère peut-être plus démocratique, vu la nature difficile et perpétuelle de l'établissement d'un consensus. Toutefois, lorsqu'on atteint ce consensus, il est pratiquement inébranlable. Je tenais à le préciser.
Le sénateur Stewart Olsen : Je commente rarement les exposés qui nous sont présentés, mais je tiens à dire dans ce cas-ci que vous représentez pour moi une lueur d'espoir dans le contexte des négociations qui ont cours à l'échelle du pays.
Madame Clifton Percival, est-ce que votre processus décisionnel a franchi toutes les étapes requises?
Mme Percival : Oui. Cette voie a été tracée avant même que la plupart d'entre nous aient été mis au monde. C'est la direction que les chefs ont prise depuis les premiers contacts. C'est pourquoi nous nous sommes rendus devant les tribunaux. Cela a été déterminé avant 1846. Nous exprimons ce que nous sommes, notre vision du monde et nos valeurs. Un dialogue interne se poursuit tout au long du processus, qui est ponctué de nombreuses discussions, de débats et d'opposition. On tient compte de tous ces éléments, mais ce doit être dans l'intérêt du bien collectif, car c'est là-dessus que se fondent notre titre et nos droits autochtones. En tant que détenteurs du titre, ce serait de la négligence de notre part de ne pas tenter de remédier aux difficultés qui surgissent.
Nous ressentons les effets de la colonisation, de la Loi sur les Indiens et du fait qu'une poignée d'élus veulent empêcher quelque chose qui ne leur procurerait peut-être pas d'avantages. Ce qui cloche avec ce processus de nos jours, c'est que depuis plus de cinq ans, on apprend dans les journaux que des membres de nos communautés se sont résolus au suicide. C'est un exemple retentissant qui montre à quel point nous sommes négligés par le système actuel. Il est difficile pour nous de continuer à avancer quand on sait ce qui se passe chez nous, et quand on sait que les jeunes, qui n'ont plus aucun espoir, sont prêts à y laisser leur vie. Nous voulons faire changer les choses. Nous voulons faire appliquer la décision Delgamuukw pour être en mesure d'exercer nos droits sur les 33 000 kilomètres carrés visés par la décision, pas sur les 70 000 kilomètres carrés sur lesquels s'étend le territoire des Gitxsan.
Le sénateur Stewart Olsen : Comment ce comité pourrait-il vous aider à surmonter les importants obstacles qui se dressent devant nous dans vos négociations avec le gouvernement fédéral? Pouvez-vous nous donner quelques exemples?
Mme Percival : Ce sont principalement les mandats qui posent problème dans le cadre du processus des traités actuel. La Colombie-Britannique a créé un modèle non viable et non tripartite qui profite au gouvernement de la province, mais pas aux Premières nations. Ce modèle ne permettra pas d'améliorer le sort de la population, ni de favoriser son bien-être économique et social. Ce sont les lacunes du modèle de traité standard. Je crois que M. Gibson veut ajouter quelque chose.
M. Gibson : Cela rejoint la remarque de M. Enemark, c'est-à-dire que le taux de suicide est révélateur du peu de confiance que voue la population à l'application actuelle de la Loi sur les Indiens dans le territoire des Gitxsan.
Le sénateur Brazeau : Je vais poursuivre dans la même veine que les questions précédentes, c'est-à-dire l'appui que vous obtenez de vos membres ou des citoyens. Quel genre de consultations avez-vous pu mener auprès de vos quelque 13 000 citoyens avant de décider que vous aviez le soutien nécessaire pour aller de l'avant? De toute évidence, c'est une des idées les plus progressistes qu'il m'ait été donné d'entendre depuis un bon moment. Il arrive souvent que les gens nous disent vouloir se défaire de la Loi sur les Indiens pour élaborer leur propre processus, parce qu'ils sont prêts et déterminés à passer à autre chose. J'aimerais donc savoir quel genre de consultations prévoit votre système pour informer les gens de vos intentions?
Mme Percival : Des communiqués sont diffusés régulièrement. Nous avons profité des annonces publicitaires des Jeux olympiques de Beijing et de Vancouver pour présenter notre projet, et nous avons tenu des réunions internes. M. Derrick, M. Sebastian et moi assistons à des rencontres familiales et à des réunions dans les maisons lorsque nous y sommes invités. Nous rencontrons régulièrement les chefs de toutes les maisons. Nous assurons une communication continue et nous nous occupons de toutes les questions qui nous sont soumises. Beaucoup de discussions et de débats ont lieu à propos des questions qui surviennent en cours de route. Par exemple, nous avons tenu 17 réunions avant de conclure l'entente à court terme dans le domaine forestier. C'est toujours à l'issue d'un processus de longue haleine que nous prenons des décisions, et nous prenons le temps qu'il faut pour permettre cet important dialogue interne.
Le sénateur Brazeau : Est-ce que l'opposition à laquelle vous faites face provient des chefs élus? Pouvez-vous nous en dire plus au sujet de l'appui que vous recevez, ou non, de la part d'organisations politiques comme l'Assemblée des Premières Nations (APN) et la British Columbia Assembly of First Nations (BCAFN)?
Mme Percival : Ce qui nous aide beaucoup à recueillir des appuis, c'est surtout le réseautage politique que nous avons fait. Nous avons bénéficié du soutien de la BCAFN, sous la direction de l'ancien chef régional Shawn Atleo, maintenant chef national de l'APN, de même que de l'appui de la nouvelle chef régionale de la BCAFN, Jody Wilson-Raybould. Nous avons aussi eu le soutien du Sommet des Premières nations, par l'entremise du groupe de travail de la Colombie-Britannique. Nous avons par ailleurs travaillé à la table commune de la Colombie-Britannique, qui représentait la moitié des groupes de négociation des traités qui ne sont pas en faveur du modèle actuel. Nous profitons d'un bon appui politique, et nous avons su faire passer notre message. Tout est affiché sur notre site web, de façon à ce que la population puisse aller chercher en ligne de l'information sur le processus.
Le sénateur Brazeau : Ma dernière question porte sur les mandats de négociation du gouvernement de la Colombie-Britannique et du gouvernement fédéral. Corrigez-moi si je me trompe, mais je pense que le gouvernement provincial est intervenu plus rapidement que le gouvernement fédéral, qui a pris plus de temps pour se pencher sur la question et présenter son mandat. Pourquoi le gouvernement du Canada accuse-t-il du retard sur le gouvernement provincial dans ce dossier?
M. Gibson : Les rouages du gouvernement du Canada sont plus compliqués et cela ralentit forcément les choses. Pour vous donner un exemple du travail de collaboration que nous permet la Colombie-Britannique, je vous dirais que le 8 septembre, nous avons pu échanger pendant une heure avec le ministre des Relations autochtones et de la Réconciliation, George Abbott. Nous en avons alors profité pour le prier de remettre cette proposition à un haut-placé de la bureaucratie pour que le dossier puisse progresser, et de voir cette approche comme un moyen de modifier le mandat. Même s'il ne l'a pas dit dans ces mots, le ministre Abbott nous a indiqué qu'il porterait le chapeau de haut-placé bureaucratique pour le moment et qu'il souhaitait nous revoir le 13 octobre, pour une rencontre de quatre heures. Et c'est ce qu'il a fait avec ses cinq principaux représentants. À la fin du processus, ils avaient tout ce dont ils avaient besoin pour faire leur travail à l'interne et étendre leur mandat.
Nous espérons que le ministre Strahl et son personnel nous feront grâce de la même disponibilité. Nous sommes persuadés que oui. Nous avons rendez-vous avec eux. Tout porte à croire que les fonctionnaires qui ont travaillé sur ce dossier au cours de la dernière année ont eu l'occasion de très bien se familiariser avec la position avancée par les Gitxsan. Je ne veux pas parler pour eux, mais ils semblent sympathiques à la cause. Toutefois, ils n'auront pas la latitude nécessaire pour poser des gestes concrets tant que les limites du mandat de négociation du gouvernement fédéral ne seront pas suffisamment élargies pour traiter avec cette nouvelle approche. Ce n'est pas nécessairement que le gouvernement fédéral s'y oppose, mais nous sommes devant un état d'immobilisme qui doit être renversé par la volonté politique.
Le sénateur Hubley : Cela s'est avéré une bonne leçon d'histoire pour moi. Je viens de la côte Est, où votre nation est plutôt méconnue. Je trouve tout cela très intéressant.
J'aimerais qu'on apporte des précisions concernant une date importante pour les Gitxsan. Madame Percival, vous avez parlé d'un premier contact à la fin des années 1800. Que voulez-vous dire au juste par « premier contact »?
Mme Percival : C'est à ce moment que les premiers non-Gitxsan ont mis pied dans notre territoire.
Le sénateur Hubley : Et la Loi sur les Indiens est entrée en vigueur en 1951.
Mme Percival : Oui, et c'est à cette époque que nos communautés ont élu leurs premiers conseils de bande.
Le sénateur Hubley : Votre nation était assujettie à la Loi sur les Indiens à ce moment-là, n'est-ce pas?
Mme Percival : Oui, c'est à cette époque que la Loi sur les Indiens nous a été imposée.
Le sénateur Hubley : Ma prochaine question est probablement assez simple. Elle porte sur le principe des chefs héréditaires dans les wilp, ou les maisons. Combien y a-t-il de familles?
Vous avez parlé d'une population de 200 à 600 personnes pour chacune d'elles. Combien de maisons ou de familles formeraient le conseil général, dans ce cas?
Mme Percival : Au sein du gim litxwid, qui regroupe les chefs des maisons, on compte 61 premiers chefs. Dans une maison, ou wilp, on compte de deux à cinq lignées familiales, alors une maison regroupe entre deux et cinq familles.
Nous avons un système hiérarchique. Cependant, il est important de noter que les enfants sont formés dès la naissance à occuper un poste de chef, selon la hiérarchie. Quelqu'un ne devient pas chef du jour au lendemain; comme M. Derrick l'a indiqué, on ne permet pas à des imbéciles d'accéder à ce rang. Il s'agit d'une incroyable responsabilité. On prépare les choisis à devenir chef, mais s'ils sont incapables de s'acquitter de cette tâche correctement, la maison et, évidemment, le clan de la communauté doivent décider qui serait plus apte à jouer ce rôle.
C'est quelque chose qui se discute ouvertement. C'est aussi ce qui se produit lorsqu'il est question de la succession. Par exemple, le nom que je porte était celui de ma grand-mère. Lorsque j'en ai hérité, une série de réunions ont eu lieu à l'interne dans la maison, parmi les familles, et la question a aussi été soumise au clan épilobe à Gitsegukla. Puis, la chose s'est rendue jusqu'au clan ganeda, ou grenouille, qui a assisté aux réunions pour s'assurer qu'il s'agissait d'une bonne décision.
On analyse ouvertement votre personnalité, en parlant de vos faiblesses et de vos forces, et on détermine si vous avez ce qu'il faut pour être chef de votre maison.
Le sénateur Hubley : Merci beaucoup. Je ne peux que vous souhaiter bonne chance dans votre entreprise.
Le sénateur Raine : Merci d'avoir accepté notre invitation. Est-ce que l'un d'entre vous pourrait nous parler un peu des 33 000 kilomètres carrés de terres ancestrales en ce qui a trait aux non-Autochtones qui y vivent : les communautés qu'ils habitent et les relations que votre communauté entretient avec les leurs? Comment entrevoyez-vous la gouvernance pour les citoyens qui n'appartiennent pas à la nation Gitxsan sur le territoire?
Mme Percival : Il y a beaucoup de petites communautés à l'intérieur de ces 33 000 kilomètres carrés. J'estime qu'environ 5 000 non-Gitxsan vivent dans le territoire de la nation, mais cette population se concentre surtout dans les districts de New Hazelton, South Hazelton, Old Hazelton, Kispiox Valley et Kitwanga Valley. Ce sont de petites communautés établies à l'intérieur de notre territoire, et nous cohabitons bien.
En cherchant la réconciliation, notre but n'est pas de leur nuire, mais d'arriver à cohabiter et, on l'espère, de contribuer à l'économie, ce qui n'est pas le cas en ce moment. Nous voulons nous forger une économie. Nous avons de bonnes relations de travail avec le maire d'Old Hazelton; nous avons aussi entamé des discussions avec la municipalité de New Hazelton. Nous allons continuer à travailler en collaboration.
Nous avons des intérêts communs, notamment celui d'assurer la stabilité des bassins hydrographiques et de protéger les stocks de saumon. Il est arrivé que nous prenions des mesures conjointement, mais nous allons continuer de cohabiter.
Le sénateur Raine : À l'heure actuelle, est-ce qu'un district régional est compris dans la gouvernance de l'ensemble du territoire?
Mme Percival : Oui, le district régional de Kitimat-Stikine se trouve sur notre territoire.
Le sénateur Raine : Les communautés qui font partie du district régional sont déjà assujetties à un système de gouvernance régional. Alors comment pensez-vous que la transition va se faire vers le nouveau modèle de gouvernance national des Gitxsan, si je peux m'exprimer ainsi?
Si on pense aux autres personnes qui occupent la région, comment peut-on aller de l'avant de façon à contenter tout le monde?
Mme Percival : Je dois préciser que la gouvernance ne serait pas assurée par la nation Gitxsan. Nous ferions partie du district régional et de la municipalité. Nous préférons être intégrés au système plutôt que d'en être séparés.
La seule différence se situerait au niveau des négociations pour l'exercice des droits confirmés par la décision Delgamuukw, mais il s'agirait d'une relation d'État à État entre nous, la Colombie-Britannique et le Canada, si nous pouvons en arriver là.
Nous voulons faire partie du district régional et des municipalités en tant qu'électeurs ordinaires, au même titre que le reste de la population, à payer nos impôts et à observer la loi.
Le sénateur Raine : Évidemment, certaines de vos communautés, que l'on peut appeler des réserves, j'imagine, sont des divisions des différentes maisons et peuvent avoir l'air de municipalités, d'un point de vue non autochtone. On aurait deux types de municipalités. Cela pourrait compliquer les choses, mais je suis certaine que ce n'est pas impossible.
Mme Percival : Nous avons invité les gens des municipalités provinciales et nous voulons tenter de déterminer de quoi auraient l'air ces municipalités — par exemple, celles les plus près de New Hazelton — et comment nos communautés pourraient s'insérer dans le modèle municipal.
Nous ne voulons pas créer des municipalités distinctes. Peut-être pourrions-nous devenir le « district régional du Grand Gitxsan », qui sait.
Le président : Si je comprends bien, vous continueriez à vivre dans vos communautés actuelles, tout comme les Kispiox ou les autres communautés de la région. Toutefois, les terres de la Couronne feraient partie du territoire des Gitxsan. Est-ce bien cela? Aussi, les ressources locales seraient assujetties au même régime.
Mme Percival : Non, c'est l'inverse. Ces communautés se trouveraient sur les terres de la Couronne, et nous exercerions nos droits sur le reste du territoire.
Le président : À quoi faites-vous référence quand vous dites « sur le reste du territoire »?
Mme Percival : Je fais référence aux 33 000 kilomètres carrés. À l'heure actuelle, nous détenons 70 000 kilomètres de terres, alors nous proposons de nous soumettre à un gouvernement local et d'être traités comme le reste des citoyens de la Colombie-Britannique et du Canada. Nous conserverions notre identité Gitxsan, qui se traduirait par l'exercice des droits confirmés par l'arrêt Delgamuukw sur l'ensemble du territoire.
Le président : Je ne suis pas certain de bien comprendre.
M. Gibson : Je peux peut-être clarifier les choses pour vous. La proposition des Gitxsan prévoit l'attribution de titres de propriété à des particuliers de la nation gitxsan — comme en possèdent déjà d'autres personnes —, des propriétés en fief simple à des fins résidentielles.
De plus, la proposition prévoit qu'une certaine portion des terres, à négocier, serait un territoire collectif gitxsan, administré par les chefs et les nations. Le reste du territoire appartiendrait à la Couronne et serait administré par l'État selon le modèle habituel, ou selon les conditions de notre entente finale avec le Canada. Cette entente pourrait inclure une partie des redevances recueillies, la création d'emplois, et ainsi de suite. La majeure partie du territoire serait administré par l'État de la façon habituelle.
Le président : Comment allez-vous déterminer quelle terre fera partie du territoire collectif?
M. Derrick : Monsieur le président, au départ, avec la décision Delgamuukw, nous possédons un titre pour les 33 000 kilomètres carrés de territoire. Nous reconnaissons également le titre de la Couronne pour cette même propriété. La décision Delgamuukw nous accorde des droits sur les 33 000 kilomètres carrés.
Le sénateur Raine : En même temps, si je ne m'abuse, vous reconnaissez également l'existence d'un titre privé. N'est-il pas menacé?
M. Derrick : Oui, nous le reconnaissons. Dès le départ, quand nous avons entrepris une action en justice en 1984, nous avons reconnu l'existence d'un droit de propriété et nous savions que nous avions renoncé aux droits de passage.
Le sénateur Raine : Si je comprends bien, vous voulez que les Gitxsan aient des droits de propriété également.
M. Derrick : Nous voulons inclure des droits privés de propriété dans le cadre législatif.
Le sénateur Patterson : Je tiens à dire que je suis très heureux d'avoir entendu votre exposé, que j'ai trouvé excellent et très convaincant. Je viens d'un territoire, le Nunavut, qui a adopté une approche très différente. Je me rappelle très bien que l'on a critiqué la décision des Inuits de choisir un gouvernement populaire pour le territoire que l'on appelle maintenant le Nunavut. On les a blâmés d'avoir abandonné leurs droits ancestraux, qu'ils ont cherché à faire reconnaitre en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle, avec leurs frères et sœurs autochtones.
Ils ont choisi un modèle de gouvernance qui leur a donné ce que vous cherchez à obtenir, je crois, c'est-à-dire des pouvoirs importants en ce qui concerne la gestion des terres et des ressources dans toute la région visée par le règlement. Les Inuits ne possèdent que 18 p. 100 des terres du Nunavut. Ce n'est pas une petite portion de territoire; ils sont les plus grands propriétaires fonciers en Amérique du Nord. Toutefois, il ne s'agit que de 18 p. 100 de toute la masse terrestre du Nunavut et de 8 p. 100 de la subsurface. Ils ont acquis d'importants pouvoirs sur la gestion de toute la région visée par le règlement et 5 p. 100 des redevances tirées du développement des ressources de cette région.
Je ne suis pas ici pour vous parler des revendications territoriales des Inuits, mais je tiens à dire qu'il faut du courage pour faire ce que vous faites. Le chef national de l'Assemblée des Premières Nations a vivement critiqué les Inuits pour leur proposition à l'époque, ce qui ne les a pas aidés, je peux vous l'assurer.
Bien entendu, les Inuits ne sont pas pris dans le carcan des traités et des réserves, fort heureusement. Cependant, j'aime à penser que les éléments de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut — et probablement d'autres traités modernes récents, comme celui du Labrador et d'autres régions nordiques — serviront d'inspiration et de soutien à l'égard des principes que vous défendez ce matin.
Ce que vous proposez respecte manifestement la vision fondamentale et les croyances profondes de vos peuples. Toutefois, croyez-vous qu'il y ait des précédents ou des éléments communs avec certains accords sur les revendications territoriales des Inuits? Si je vous pose la question, c'est peut-être parce que je comprends mal votre proposition.
Croyez-vous, comme les Inuits, que cette approche qui préserve vos liens avec les terres et les ressources ancestrales est également destinée à protéger votre culture et votre langue? Cela fait partie, j'en suis certain, de vos objectifs. Même si vous en parlez dans votre mémoire, je me demande si vous pensez que votre langue et vos valeurs culturelles et traditionnelles peuvent être mieux protégées par le modèle que vous proposez.
M. Derrick : La route que nous suivons est la même que mes arrière-grands-pères et mes arrière-grands-mères ont emprunté à partir du moment où d'autres peuples ont mis le pied dans nos territoires.
Le processus de réconciliation est très important pour nous parce que lorsqu'il est question de réconciliation, s'il y a une continuité comme celle-ci, une partie peut faire 95 p. 100 ou même 100 p. 100 des compromis et on arrivera tout de même à une entente. Parfois, il y a un mouvement de 50 p. 100 dans les deux sens.
Nous souhaitons trouver ce qui nous convient au sein de ce pays. Nous voulons enrichir le pays de notre héritage et nous assurer de transmettre à nos arrière-petits-enfants les assises que nous possédons actuellement.
Vous avez parlé de la langue, de l'histoire et de la culture. Nous avons entrepris un processus par lequel nous avons fait appel aux tribunaux de ce pays. La Cour suprême du Canada a accepté nos arguments et elle a reconnu le message que nous avons livré au tribunal, soit que nous sommes tous ici pour rester.
Tous les éléments sont en place dans la Constitution pour que nous puissions fonctionner à l'intérieur du cadre juridique. J'ai examiné soigneusement ce qui s'est produit dans d'autres régions, et ce pays s'est montré audacieux en créant le Nunavut. Nous applaudissons cette initiative du Canada et le leadership dont a fait preuve le Nunavut par les mesures qu'il a prises.
Dans le Nord-Ouest de la Colombie-Britannique, nous pouvons nous aussi nous fonder sur les droits qui nous ont été confirmés par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Delgamuukw. Nous ne voulons pas être un fardeau pour la Couronne ni qu'elle en soit un pour nous. Nous voulons être un peuple libre dans ce pays.
Toutes les mesures que nous prenons pour améliorer les politiques gouvernementales sont importantes pour nous. Nous avons fait connaître publiquement notre position il y a quelques années, lorsque nous avons publié des annonces dans le Globe and Mail et le Vancouver Sun. Nous avons poussé la chose plus loin en faisant de la publicité sur la chaîne CBC lors des Jeux olympiques de Beijing. Nous avons reçu beaucoup de rétroaction à ce sujet depuis différentes régions du pays.
Nous continuerons d'agir en ce sens afin de favoriser un dialogue sur notre position. Nous souhaitons bâtir un meilleur pays et faire participer tous les Gitxsan au débat. Les chefs n'ont aucun pouvoir de coercition sur l'ensemble des membres; quand nous aurons recueilli les points de vue de chacun, nous nous prononcerons sur l'accord final avec la Couronne, qui aura, nous l'espérons, suffisamment de respect pour nous aider à obtenir un mandat adéquat.
Le sénateur Patterson : J'espère que notre comité sera tenu informé des progrès réalisés à ce chapitre dans l'avenir. Comme certains de mes collègues l'ont dit, c'est un défi passionnant et sans précédent. Pour ma part, j'espère que notre comité pourra soutenir vos objectifs très louables et votre initiative courageuse.
Le sénateur Dyck : Cela fait chaud au cœur d'entendre l'opinion d'une communauté qui a conservé sa tradition de gouvernance et d'autres aspects de sa vie communautaire.
Je viens de la Saskatchewan. Ma mère était une McNab, de la Première nation de Gordon. Une grande partie de ce qui arrive en Saskatchewan passe par le processus des traités. L'une des pierres d'achoppement au développement économique porte sur le fait de savoir qui possède le titre de propriété des ressources terrestres et souterraines. J'aimerais connaitre la position des Gitxsan sur cette question.
Souhaitez-vous recevoir des redevances tirées du développement des ressources? Quel serait le rôle d'un gouvernement héréditaire dans les négociations sur le développement des ressources et les avantages économiques pour la communauté?
Mme Percival : Notre rôle en tant que chefs héréditaires se situe dans le processus de prise de décisions. Les tribunaux nous ont confirmé que nous disposions de ce droit. Nous avons des droits économiques et nous avons droit à un niveau de vie raisonnable, alors nous ne parlons pas seulement de redevances. Ma grand-mère et sa grand-mère étaient d'avis que les redevances devaient être partagées à parts égales avec la Couronne. C'est notre position sur le partage des revenus. C'est pourquoi nous avons beaucoup insisté sur les ressources minérales, forestières, hydriques et halieutiques.
Dans les politiques que nous proposons, nous tentons de créer un cadre décisionnel pour nous et la Couronne, ou notre promoteur, en ce qui touche le développement des ressources. C'est fondamental. Le développement économique ne doit pas se faire dans une seule petite communauté, mais plutôt à grande échelle. Nous examinons les avantages de ces ressources au point de vue de la maison et les mécanismes juridiques au point de vue des bassins hydrologiques. Je viens du bassin hydrologique de Gitsegukla. Nous avons créé une fiducie qui nous permet de toucher des revenus, ainsi qu'un mécanisme décisionnel qui nous permet de distribuer ces revenus aux maisons de façon collective ou individuelle, selon le cas. Nous examinons les outils juridiques dont nous disposons et nous tâchons d'établir un mécanisme juridique qui répondra aux objectifs de la Couronne et des promoteurs et qui permettra d'utiliser les revenus générés sur nos territoires.
Le sénateur Dyck : Les deux ordres de gouvernement s'entendent-ils pour dire que les Gitxsan et la Couronne sont propriétaires des ressources à parts égales?
Mme Percival : C'est l'objectif des négociations afin que nous puissions mettre au point des accords responsables et pratiques pour tous. La Colombie-Britannique s'intéresse davantage aux ressources parce qu'elle en est la plus près. Nous bénéficions de son appui dans ces discussions. De plus, le gouvernement de la Colombie-Britannique se débat avec le problème du partage des revenus tirés des ressources depuis cinq ans. Il n'a pas encore réussi à le régler, mais nous sommes prêts à l'aider.
Le sénateur Dyck : Vous avez parlé de la venue d'autres personnes sur le territoire des Gitxsan vers la fin du dix-neuvième siècle. Faisiez-vous allusion aux Européens et aux Britanniques?
Mme Percival : Oui. Il s'agissait de commerçants de fourrures, puis il y a eu l'agent des sauvages.
Le sénateur Dyck : Permettez-moi d'ajouter qu'à la fin du dix-neuvième siècle, beaucoup de Chinois sont arrivés. Dans un livre écrit par Lily Chow, on parle des Chinois qui travaillaient dans l'industrie minière. Nous sommes peut-être parents, car mon père faisait partie des premiers immigrants chinois. Les Gitxsan pourraient avoir de la parenté en Saskatchewan.
Mme Percival : Le monde est petit. Partout où nous allons, nous pouvons rencontrer quelqu'un avec qui nous sommes parent.
Le sénateur Peterson : Sur le plan de l'éducation, avez-vous un programme d'enseignement autochtone pour vos jeunes ou faites-vous partie de la structure provinciale?
Mme Percival : Nous avons un programme de langues qui s'étend de la maternelle à la dixième année. Nous n'avons pas de programme d'enseignement autochtone complet. Au niveau provincial, il y a un programme général d'études pour les Premières nations qui n'a pas été adapté aux nations du territoire dans lequel on l'offre. C'est un problème qui perdure. Le gouvernement provincial accorde un financement ciblé, mais on l'utilise pour répondre aux besoins de base. C'est une bataille constante. Nous avons encore le plus faible taux d'achèvement des études secondaires de la Colombie-Britannique. C'est un problème très important qui nécessite une attention immédiate.
Le président : Avec le système provincial, vos jeunes recevraient le même enseignement que tous les non-Autochtones de Colombie-Britannique, n'est-ce pas?
Mme Percival : Oui. Dans certaines de nos communautés, il y a des écoles privées, mais elles ne vont pas au-delà de la septième année. Les élèves entreprennent ensuite leurs études secondaires dans le cadre du système provincial.
Le président : Comment pouvez-vous protéger votre identité culturelle? Y a-t-il eu des discussions à ce sujet?
Mme Percival : L'un des plus grands défis auxquels nous faisons face est celui du maintien des connaissances linguistiques. Les recherches révèlent que l'enseignement de la langue dans un milieu scolaire est peut-être l'un des moyens de réussir. Pour nous, il est plus important d'avoir un processus linguistique axé sur la communauté. Nous avons un organisme linguistique en place depuis cinq ans.
À la table de négociations, nous avons essayé de négocier un chapitre portant sur la langue et la culture assez différent de ce que l'on considère comme la langue et la culture, soit un chapitre sur le patrimoine culturel. Nous avons tenté de faire valoir la nécessité de parler les deux langues dans les écoles et de faire renaître la langue dans la communauté pour augmenter la rétention et le nombre de personnes qui la parlent couramment. Au rythme où vont les choses, dans les vingt prochaines années, le nombre de personnes parlant couramment la langue va chuter radicalement. Il nous faut adopter une démarche concertée; nous ne pouvons laisser simplement cela aux mains du système d'éducation. Nous devons prendre des initiatives communautaires.
Nous avons conclu une entente avec l'Université Northern British Columbia sur un programme d'enseignement spécifique à notre langue. Dix étudiants ont obtenu le diplôme. Il nous faut adopter diverses stratégies pour protéger la langue. Notre culture se porte bien, mais il faut que nos membres parlent couramment la langue afin que nous puissions accroître nos forces.
Le président : Je tiens à remercier les témoins d'être venus ce matin. Nous avons beaucoup appris. J'ai eu le privilège de me rendre sur le territoire des Gitxsan. J'y ai déjà rencontré M. Derrick, Mme Percival et M. Sebastian. Ce que nous voyons et entendons m'encourage. C'est une initiative courageuse, comme le sénateur Patterson l'a souligné.
Le comité va discuter à huis clos des idées à l'appui de cette initiative digne d'intérêt. D'énormes problèmes sociaux existent dans la région. Il est urgent de s'attaquer aux problèmes complexes des jeunes et au taux de suicide.
Monsieur Derrick, avez-vous un dernier commentaire?
M. Derrick : Oui. Nous voulons remercier les membres du comité sénatorial de nous avoir permis de nous adresser à eux. Nos efforts pour régler les questions de politique publique sont sincères. Nous aimerions inviter les membres du comité à venir nous rencontrer dans notre territoire, où vous pourrez entendre le point de vue des divers groupes de notre communauté.
Nous cherchons tous véritablement à améliorer les conditions sociales et économiques de nos peuples. J'aimerais revenir sur les commentaires du juge McEachern que j'ai lus tout à l'heure. Nous avons exploré toutes les avenues juridiques possibles. Nous pourrions exiger, au moyen d'un processus judiciaire, que la Couronne respecte certains critères, mais nous ne voulons pas emprunter de nouveau cette voie. Il est beaucoup trop facile de poursuivre les gens et d'obtenir des décisions qui ne conviennent à aucune des parties. Nous voulons faire de réels efforts pour bâtir un meilleur pays, non seulement pour nous-mêmes, mais aussi pour les autres Canadiens et Autochtones. Encore une fois, merci. Si vous souhaitez visiter la Colombie-Britannique, sachez que le territoire Gitxsan est le meilleur endroit au monde, et vous y êtes les bienvenus.
Le président : Oui, c'est une très belle région. Merci.
(La séance se poursuit à huis clos.)