Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 2 - Témoignages du 28 avril 2009


OTTAWA, le mardi 28 avril 2009

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 17 h 31 pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je vois que nous avons quorum. Je déclare donc la séance ouverte.

Messieurs Pineau et Bombay, je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je m'appelle Percy Mockler. Je suis sénateur originaire du Nouveau-Brunswick et président du comité réuni ici aujourd'hui. Je voudrais que les autres sénateurs se présentent, en commençant par ma droite. Après les présentations, nos témoins pourront présenter leur exposé.

[Français]

Le sénateur Housakos : Je m'appelle Léo Housakos, sénateur du Québec.

Le sénateur Eaton : Je m'appelle Nicole Eaton, sénateur de l'Ontario.

Le sénateur Poulin : Bienvenue au comité M. Pineau et M. Bombay. Je m'appelle Marie Poulin et je représente le nord de l'Ontario depuis 1995.

[Traduction]

Bienvenue. Nous avons hâte d'entendre le témoignage que vous allez présenter sur une étude très importante, celle qui porte sur le secteur forestier.

Le sénateur Cordy : Bienvenue aux travaux de notre comité. Je m'appelle Jane Cordy et, je suis sénateur et je viens de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Mahovlich : Frank Mahovlich, du Nord de l'Ontario, je viens d'un coin où il y a la forêt boréale, très au nord, à Timmins.

Le sénateur Mercer : Terry Mercer, sénateur de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Rivard : Mon nom est Michel Rivard, sénateur du Québec, des Laurentides plus précisément.

Le président : La réunion d'aujourd'hui est la troisième du comité au sujet de son étude sur l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier canadien.

[Traduction]

Nous voulons en arriver à une vision d'ensemble de l'industrie forestière. La première étape de l'étude consiste à réunir davantage d'informations d'ordre général. Nous accueillons aujourd'hui les représentants de deux groupes à vocation nationale. De l'Institut forestier du Canada, nous accueillons John Pineau, directeur général. Merci de venir comparaître.

[Français]

Et le deuxième témoin, M. Harry Bombay, directeur exécutif de la National Aboriginal Forestry Association.

[Traduction]

Nous vous remercions d'avoir accepté de venir comparaître aujourd'hui. Avant de vous céder la parole, je vais demander à la vice-présidente du comité de se présenter.

Le sénateur Fairbairn : Bonsoir. Je suis le sénateur Joyce Fairbairn, originaire de Lethbridge, en Alberta. Je fais partie depuis longtemps de l'excellent comité qui vous accueille aujourd'hui. Je suis heureuse de vous voir.

Harry Bombay, directeur général, Association nationale de la foresterie autochtone : Je tiens à remercier le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts de m'avoir invité à présenter la perspective des Autochtones sur le secteur forestier. Les travaux du comité se mettent à peine en branle; la nôtre est une des premières organisations à venir témoigner devant vous. Nous espérons que vous garderez à l'esprit l'essentiel de notre exposé pendant toute la durée de vos travaux. Pour régler bon nombre des questions que nous soulevons par le truchement de notre association, il faut se soucier à trouver des solutions à court et à long terme, et nous espérons soulever un grand nombre des questions qui nous préoccupent à court terme, dont certaines que j'évoquerai aujourd'hui.

Premièrement, je veux vous expliquer un peu ce qu'est notre association, l'Association nationale de la foresterie autochtone, ou ANFA. À ne pas confondre avec la NAFTA, sigle de l'ALENA en anglais. Notre association est un organisme non gouvernemental dirigé par des Autochtones et orienté vers des activités de recherche et de représentation dans le secteur forestier. Nous préconisons des cadres stratégiques forestiers qui prennent en considération les droits, les valeurs et les intérêts des Autochtones, et qui déboucheront sur un partage plus équitable des avantages tirés de la mise en valeur des ressources forestières dans le vaste pays que nous appelons Canada.

Nous souhaitons contribuer à la mise en valeur d'une économie forestière proprement autochtone au pays. Nous admettons qu'une économie forestière autochtone ne peut naître à part du secteur forestier dans son ensemble ni faire fi des réalités économiques que vivent toutes les industries forestières au Canada. Par contre, nous faisons face à des conditions et à des défis uniques et, en tant qu'Autochtones, nous croyons avoir affaire aussi à des occasions qui nous sont propres.

Dans mon exposé aujourd'hui, je voudrais aborder les quatre enjeux que vous avez soulevés dans votre invitation à comparaître et dont vous entendez traiter dans votre étude sur le secteur forestier. Premièrement, j'aimerais brosser un tableau du contexte.

Quand je parle du secteur forestier, je parle de toutes les personnes et de tous les organismes qui créent de la valeur, de la richesse et du mieux-être grâce à nos forêts. Cela comprend les industries de la forêt, les pâtes et papiers, le bois de sciage, la valeur ajoutée et la seconde transformation, l'exploitation commerciale, les produits forestiers autres que le bois, les produits biologiques forestiers et le secteur nouveau des biens et services écologiques. Cela comprend également les régimes d'aménagement de la forêt relevant du gouvernement fédéral, d'une province, d'une Première nation, d'une administration territoriale ou d'adeptes de l'utilisation non consommatrice de la forêt qui tirent parti du milieu forestier pour ses valeurs et activités récréatives, spirituelles et sauvages.

Pour l'heure, les peuples autochtones du Canada jouent un rôle mineur dans la gestion des forêts et d'autres activités liées au secteur forestier, malgré un certain nombre de faits. Premièrement, 80 p. 100 de nos communautés se situent en secteurs forestiers. De même, la protection de nos cultures, qui vient incarner notre relation avec la terre, et nos perspectives de bien-être dépendent d'une forêt en santé et d'une utilisation écologiquement viable des ressources forestières.

D'un point de vue conceptuel, la participation des Autochtones aux affaires du secteur forestier représente un élément fondamental de l'aménagement durable des forêts. Les droits ancestraux et issus de traités, reconnus par la Cour suprême du Canada et d'autres tribunaux partout au pays, jettent les fondements de notre participation aux affaires du secteur forestier; or, ces droits-là sont protégés dans la Constitution. De fait, ces droits jettent les fondements d'un mode de tenure forestière. Ils montrent que nous utilisons de façon continue les terres en question. Néanmoins, le mode de tenure lié à ces droits entre en contradiction, au Canada, avec les modes de tenure forestière des provinces et autres administrations. C'est un des grands défis que nous devons relever aujourd'hui.

Quant à notre place au sein des industries forestières, nous avons d'abord et avant tout pourvu en personnel et en bois les grandes entreprises forestières. La plupart des entreprises forestières autochtones s'adonnent à la récolte du bois ou à la sylviculture, sinon elles offrent quelques services de gestion forestière en amont. D'après nos estimations, c'est plus de 85 p. 100 des 1 200 à 1 400 entreprises autochtones du secteur forestier au Canada qui oeuvrent dans les domaines que je viens de nommer. Quant à la transformation et au façonnage du bois, les Premières nations détiennent une participation dans une cinquantaine de petits établissements de transformation, faible proportion des 3 000 à 4 000 établissements de transformation qui composent les industries forestières dans l'ensemble du pays. Les données que je viens de citer ne sont peut-être pas tout à fait à jour, car un certain nombre d'établissements ont fermé leurs portes un peu partout au pays.

Je tiens à souligner que le ralentissement économique touche les Autochtones, leurs communautés. Plusieurs de nos scieries ont fermé, et un grand nombre de nos entreprises d'abattage ont réduit la quantité de bois qu'elles récoltent.

En même temps, notre position se renforce dans le secteur forestier avec la reconnaissance par les tribunaux de nos droits issus de traités. Cela a été l'élément moteur de notre participation aux affaires du secteur forestier. Cela a conduit à certaines notions comme l'obligation pour l'État de consulter et d'accommoder en rapport avec les droits des Autochtones.

D'autres facteurs viennent favoriser également notre présence dans le secteur forestier : la gestion durable des forêts et les procédés comme la certification forestière, de même que l'évolution démographique dans les régions du pays où le secteur forestier constitue une force prédominante. Vous savez peut-être que la main-d'œuvre vieillit dans le secteur forestier, alors que la main-d'œuvre autochtone est très jeune et connaît une croissance rapide. Nous nous interrogeons justement sur l'avenir de nos jeunes. La majeure partie de notre population a moins de 25 ans. Il y a toutes sortes de statistiques qui ont été établies autour de ce point. Le fait de posséder des connaissances traditionnelles met les Autochtones dans une situation avantageuse face aux secteurs émergents du domaine forestier — les sous-secteurs comme les produits biologiques et les biens et services écologiques. Nous croyons que les connaissances uniques que nous possédons dans ces domaines-là peuvent représenter des débouchés pour nos communautés.

Autre élément favorisant notre participation aux affaires du secteur : le fait que nous ayons désormais un accès plus grand aux ressources forestières. Le volume des terres forestières dont des Autochtones au Canada sont les propriétaires et les administrateurs augmente de manière constante. À l'heure actuelle, nous contrôlons une assise forestière de 55 000 kilomètres carrés, qui, si elle est fragmentaire, équivaut en taille à la Nouvelle-Écosse. Ces terres-là sont importantes aux yeux des Autochtones. C'est que nous y vivons et que c'est le centre d'activités, qu'il s'agisse de bois à récolter ou non. Ce sont — vous en avez peut-être entendu parler — les terres de réserve indienne, les terres visées par une entente de revendications territoriales globale, les terres dues en vertu d'un traité et les terres détenues en fief simple qui relèvent de divers types d'ententes conclues avec les différents ordres de gouvernement. Notre présence dans le secteur forestier fait l'objet de toute une panoplie d'ententes. Pour l'avenir, nous croyons que l'assise foncière des Autochtones pourrait doubler d'ici 25 ans avec le règlement d'un certain nombre de revendications territoriales et le parachèvement d'un certain nombre de traités dans des provinces comme la Colombie-Britannique. De même, la tenure forestière commence à gagner en importance au sein des communautés autochtones.

Les entités autochtones entrent dans diverses catégories. Les communautés ont accès à quelque 10 millions de mètres cubes de bois par année et plus, d'abord et avant tout en Colombie-Britannique. Des activités semblables se produisent dans d'autres provinces, par exemple le Nouveau-Brunswick, où nous comptons pour 5,3 p. 100 de la possibilité de coupe annuelle. Nous avons conclu avec les gouvernements des ententes uniques que j'appelle « ententes d'intendance forestières ». Il y en a au Québec, dans le nord de la Colombie-Britannique et au Labrador. Nous avons conclu des ententes générales pour déterminer notre entrée dans le secteur forestier dans ces champs-là, et d'autres ententes du genre sont en train d'être négociées. Nous constatons que les gouvernements provinciaux adoptent davantage de modalités proactives pour s'acquitter de leur obligation de consulter et d'accommoder.

Par exemple, l'Union of Ontario Indians est en train de négocier un accord-cadre forestier avec la province de l'Ontario. Nous espérons que cela va déboucher sur une certaine activité dans cette province-là. Vous le savez peut- être, les Premières nations érigent des barrages sur les chemins forestiers de Grassy Narrows depuis six ou sept ans. Or, elles en sont maintenant arrivées à une entente et à un compromis en ce qui concerne les questions touchant l'aménagement de la forêt. Nous gagnons en influence à considérer les terres que nous gérons et les tenures qui deviennent les nôtres.

Il faut souligner que cela ne revêt pas un caractère uniforme partout au pays. Diverses provinces ont adopté diverses approches et, dans certains champs d'action, l'activité est faible. Il faut souligner aussi que la majeure partie des terres sur lesquelles nous mettons la main sont situées dans le Nord. Dans de nombreux cas, c'est au nord de la forêt commerciale, ce qui fait que l'approche de l'industrie forestière traditionnelle devient moins viable, vu la distance des marchés.

Les tenures que nous obtenons des systèmes provinciaux portent habituellement sur une courte durée et un volume fixe, c'est-à-dire que nous avons uniquement le droit de récolter le bois, ce qui limite le champ d'activité des communautés autochtones à celui d'un sous-traitant en abattage d'arbres et rien de plus. Nous avons de plus en plus accès à la forêt, mais il faut se demander comment cela se transposera en activité économique pour les communautés autochtones. Comment allons-nous pouvoir tirer parti de ces ressources-là? C'est un grand défi à relever pour nous. À nos yeux, le moment est bien choisi pour faire cela, étant donné l'évolution générale du secteur que l'on connaît aujourd'hui.

À cet égard, nous sommes d'accord avec le vaste consensus qui se dégage dans le secteur forestier et que le Conseil canadien des ministres des forêts a articulé, soit que les producteurs de matières premières vont continuer à contribuer à l'économie du pays, mais, pour que le secteur forestier connaisse un avenir prospère et viable, il faudra tirer parti des occasions nouvelles qui se présentent. Selon le Conseil, il s'agit de privilégier la transformation à forte valeur ajoutée, de créer une nouvelle économie fondée sur l'énergie renouvelable que constitue la biomasse et de créer des marchés pour les biens et services écologiques, pour s'attaquer à certaines questions comme l'atténuation des effets des changements climatiques.

À propos de ces occasions d'agir, les gouvernements sont prêts à apporter des modifications importantes tant aux politiques et aux pratiques en la matière qu'aux établissements chargés de gérer et d'affecter les ressources.

Pour une grande part, les recherches sont déjà en cours pour rationaliser les changements prévus dans le secteur forestier. Je crois que le comité en a entendu parler la semaine dernière de la part de M. Jim Farrell, sous-ministre adjoint, Ressources naturelles Canada, qui est venu témoigner devant lui. Le gouvernement canadien a annoncé qu'il allait verser 170 millions de dollars aux établissements de recherche pour la recherche et le développement visant à aider les sociétés forestières à saisir les débouchés nouveaux. Je voudrais souligner que les Autochtones jouent, pour les raisons que j'ai énoncées, un rôle de premier plan dans le secteur forestier. Nous faisons face à un problème de taille lorsque le gouvernement fédéral annonce les initiatives du genre, pour soutenir le secteur ou les industries de la forêt, c'est-à-dire qu'il omet de prendre en considération les besoins en développement des communautés autochtones. Cependant, notre gagne-pain et notre avenir tiennent à notre participation aux activités du secteur forestier.

Selon nous, le gouvernement fédéral a un rôle clé à jouer à cet égard et, selon toute vraisemblance, il est tenu légalement d'instaurer des mesures pour soutenir le secteur forestier autochtone. Pour ce qui touche le secteur forestier dans son ensemble, le gouvernement fédéral est responsable des questions d'importance pour l'économie nationale, du commerce, des relations internationales et des terres et parcs fédéraux; de même, il assume des responsabilités relativement aux peuples autochtones et à leurs intérêts de par la Constitution, les traités et le régime politique et juridique du Canada.

Autrement dit, « les Indiens et les terres réservées pour les Indiens » entrent dans le secteur de compétence du gouvernement fédéral. Veiller comme il se doit sur les intérêts des Premières nations est pour le gouvernement fédéral une obligation fiduciaire; protéger les droits ancestraux et issus de traités représente pour lui une obligation constitutionnelle; au nom de la Couronne, il a l'obligation de consulter véritablement les Autochtones et, dans certaines conditions, de tenir compte des droits ancestraux et issus de traités. Quoi qu'il en soit de ces responsabilités- là, le gouvernement fédéral garde le silence sur la relation entre les lois et intérêts des Autochtones et les processus de gestion de la forêt au Canada.

Le gouvernement fédéral met à profit des recherches, la coordination des politiques, des initiatives scientifiques et techniques, des programmes d'adaptation des travailleurs et toute une série d'instruments économiques pour exercer ses responsabilités relativement au secteur forestier. Le secteur forestier autochtone exige une approche semblable, mais qui serait beaucoup plus directe. À nos yeux, le mandat est on ne peut plus clair : le gouvernement du Canada devrait instaurer des mesures particulières pour soutenir le secteur forestier autochtone, tenir compte de nos droits, de nos intérêts et de la place grandissante que nous occupons dans les dialogues sur la politique forestière nationale. Le gouvernement fédéral devrait être proactif et agir de manière affirmée pour s'assurer que les intérêts des Autochtones sont pris en considération dans les plus hautes sphères, comme il le fait pour d'autres priorités relatives à la gestion de la forêt dans sa sphère de compétence.

Nous avons relevé un certain nombre de façons dont le gouvernement fédéral peut s'y prendre pour aider le secteur forestier autochtone. Voici nos propositions.

Premièrement, le gouvernement fédéral devrait définir et promouvoir son rôle quand il s'agit de soutenir le secteur forestier autochtone et la contribution que ce dernier peut apporter à la progression socio-économique des Autochtones, à la gestion durable des forêts, de manière générale, et à la compétitivité des industries forestières au Canada.

Deuxièmement, le gouvernement fédéral devrait soutenir la création d'un établissement national de recherche sur la gestion des ressources naturelles et les questions de développement en ce qui concerne les Premières nations. Cet établissement mènerait des recherches et fournirait des conseils stratégiques sur la relation entre, d'une part, le développement socio-économique et institutionnel chez les Premières nations et, d'autre part, les régimes prédominants de gestion des ressources naturelles.

C'est une question que le Réseau sur la gestion durable des forêts commençait à creuser. Il s'agit d'un centre d'excellence qui était financé dans le cadre du programme des réseaux de centres d'excellence du gouvernement fédéral. En fait, il a fermé ses portes le 31 mars. Il n'y a plus de recherche qui se fait grâce à ce réseau-là. On avait commencé à y aborder seulement les questions concernant la recherche sur la forêt et les Premières nations. Nous sommes d'avis qu'il faut remplacer ce réseau pour veiller sur les intérêts des Autochtones dans le secteur forestier. Bien entendu, les gens du réseau feraient valoir aussi qu'il faut s'attacher à d'autres questions, ce qui est sans doute vrai. De notre point de vue à nous, il existe un écart fondamental à combler; personne d'autre ne le fera. Les gouvernements des provinces et leurs établissements de recherche prendront en charge la gestion durable des forêts, mais le besoin de recherche relatif aux Premières nations restera lettre morte. Nous invitons donc le gouvernement fédéral à s'engager dans cette voie.

Troisièmement, le gouvernement fédéral devrait élaborer un cadre stratégique pour soutenir le renforcement de la capacité autochtone dans le secteur forestier par l'adaptation et la coordination des programmes en ce qui concerne les ressources humaines, l'éducation, le développement économique, la gouvernance, la foresterie, l'environnement et l'administration des terres. Le gouvernement fédéral a mis en place un programme baptisé Programme de foresterie des Premières nations, dont l'administration relève de Ressources naturelles Canada. C'est un programme de faible envergure qui permet de verser environ 3,5 millions de dollars par année en contributions pour soutenir la foresterie communautaire des Premières nations. Cependant, il ne répond pas aux besoins fondamentaux des Autochtones en ce qui concerne le secteur forestier. Il s'agit simplement d'une initiation à la foresterie; les questions de fond n'y sont pas abordées. Le secteur forestier autochtone présente de nombreux besoins en dehors de cela.

Quatrièmement, le gouvernement fédéral devrait soutenir la création d'un centre autochtone de recherche et de développement qui s'articulerait autour de la commercialisation des produits et services forestiers. Le but premier d'un tel centre consisterait à mieux diversifier l'économie forestière autochtone. Dans le contexte, il faudrait s'attacher à la manière dont le gouvernement fédéral soutient la foresterie autochtone aujourd'hui. Diversifier est un besoin fondamental : nous nous porterons acquéreurs de plus en plus de terres; l'industrie forestière se retire, et nous avons moins souvent l'occasion de travailler avec elle de ce fait; et le secteur forestier comportera les nouveaux débouchés que j'ai mentionnés. La communauté autochtone a besoin de faire de la recherche et du développement pour déterminer comment elle donnera forme au travail dans ces divers champs d'action. Dans certains cas, il y a des conditions propres aux Autochtones qui leur confèrent un avantage concurrentiel.

Cinquièmement, il faut renouveler le Programme de foresterie des Premières nations, qui est venu à terme. Il en est à sa deuxième prolongation de un an. Il est lié aux pouvoirs du ministère des Affaires indiennes et du Nord du Canada, le MAINC, en matière de développement économique. Vous savez peut-être que le MAINC est en train d'élaborer un nouveau cadre fédéral de développement économique. Le Programme de foresterie des Premières nations est lié à ce processus-là. Selon nous, il faut faire en sorte d'abord et avant tout de libérer ce programme et l'installer sur une meilleure assise. Le nouveau cadre conçu par le ministère des Affaires indiennes et du Nord du Canada devrait prendre en considération le secteur forestier autochtone dans son ensemble, au-delà du Programme de foresterie des Premières nations.

Sixièmement, il y a un problème que nous avons maintes fois signalé au ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada, soit la dégradation des forêts des réserves indiennes au Canada. Il n'y a pas de régime moderne de gestion des forêts qui s'applique aux terres en question. Par conséquent, la gestion présente des lacunes. Il faut impérativement que la forêt y soit régénérée, tout comme il faut examiner ce à quoi peuvent servir ces terres pour les Autochtones qui y vivent. Le MAINC doit entreprendre un examen de sa politique à l'égard des terres en question.

Septièmement, enfin, l'ensemble des politiques, des initiatives et des programmes fédéraux d'application générale du secteur forestier devrait renfermer un volet autochtone avec son budget propre, des objectifs et des approches de mise en œuvre et d'exécution adaptés aux Autochtones et qui favoriseront une plus grande participation des Autochtones aux affaires du secteur — question que j'ai déjà soulevée.

J'ai parlé de l'idée d'investir 170 millions de dollars dans des programmes, mais le gouvernement fédéral applique d'autres programmes encore ou il a tendance à ne pas tenir compte des besoins des communautés autochtones. Il y a des établissements de recherche au pays, par exemple FPInnovations et le Centre canadien sur la fibre de bois, qui sont au service de l'industrie forestière au sens large du terme. Le gouvernement fédéral ne semble pas soutenir les petites industries ni la participation des Autochtones au secteur forestier. Nous croyons qu'il devrait s'y attacher davantage. L'avenir tient pour une bonne part à ces éléments nouveaux dans le secteur forestier; or, il faudra mettre en place les conditions propices à leur évolution au fil du temps. C'est le cas en ce qui concerne les Autochtones.

Certains des programmes en place devraient comporter un volet qui tient compte des questions touchant la forêt et les Autochtones. Il faut s'attacher à cela tout de suite. Les besoins des Autochtones augmentent de jour en jour au fil de l'évolution du secteur forestier.

Voilà nos recommandations, ce que le gouvernement fédéral devrait faire, selon nous, au profit du secteur forestier autochtone. Quant à la crise de l'industrie forestière qui sévit actuellement au Canada, je ne m'oppose pas à ce que les témoins précédents ont dit. J'ai lu les mémoires de M. Farrell de Ressources naturelles Canada et de M. Lazar de l'Association des produits forestiers du Canada.

Il existe un lien solide entre la gestion durable des forêts, les droits de la personne et des industries forestières compétitives. Les actions que nous entreprenons dans le secteur au Canada ne devraient pas en faire fi. Par exemple, le rejet par le gouvernement fédéral de la déclaration sur les droits des peuples autochtones de l'ONU n'aide pas le Canada à devenir comme il le souhaite un chef de file mondial en gestion durable des forêts.

Quant à une vision de l'avenir pour l'industrie forestière, nous tenons à réitérer qu'il existe plus d'une industrie au pays et que de nombreux autres intervenants ont un intérêt économique dans l'affaire. Notre vision fait voir un secteur forestier plus inclusif qui permet, entre autres, d'avoir une économie forestière proprement autochtone. Les industries forestières compétitives au Canada sont importantes du point de vue de l'économie canadienne et elles sont importantes aussi du point de vue des peuples autochtones, dans la mesure où nous pouvons avoir les moyens d'entrer en relation avec les industries établies et certaines des industries nouvelles. Merci.

John Pineau, directeur général, Institut forestier du Canada : Au nom des membres de l'Institut forestier du Canada, je tiens à vous remercier de l'occasion que vous nous offrez de venir témoigner aujourd'hui.

En ma qualité de directeur général de l'institut, je représente quelque 2 500 professionnels et praticiens de la forêt dans tout le Canada. Notre organisme collabore activement avec tous ceux qui ont à cœur la santé des forêts canadiennes. Notre mission consiste à promouvoir l'excellence en intendance forestière et en gestion durable des forêts par l'application de recherches rigoureuses. De même, nous travaillons à promouvoir une compréhension meilleure et plus équilibrée de la foresterie et des forêts par le grand public et à organiser un perfectionnement professionnel accessible à tous les professionnels et praticiens de la forêt du Canada.

Notre institut vous a fourni un ensemble de documents d'informations bilingues se rapportant particulièrement à la présente déclaration liminaire, de même que certains renseignements sur l'institut, ses programmes et ses positions. En 101 ans, nous avons travaillé de concert avec les gouvernements à élaborer, modifier et améliorer les politiques touchant la forêt; et nous avons aussi diffusé des connaissances nouvelles dans le domaine et mieux fait comprendre les écosystèmes forestiers, ce qui a permis aux particuliers et aux collectivités de trouver des solutions aux problèmes qu'ils affrontaient. Nos activités reposent sur la passion que nous avons pour la forêt et sur la volonté que nous avons d'aider les gens de manière constructive et positive. L'institut est le seul organisme national au service des professionnels et praticiens de la forêt. C'est grâce à cette diversité — qualités et expérience de travail des membres, géographie, éducation aussi — que nous sommes en mesure de proposer un point de vue unique et éclairé sur les questions relatives à la gestion de la forêt sur le plan régional, national et international.

Les forêts publiques du Canada constituent un cas unique dans le monde — un vaste champ de ressources renouvelables contrôlées par les gouvernements provinciaux, mais exploitées essentiellement par des sociétés du secteur privé et des groupes coopératifs d'entreprises. C'est un système qui a débouché sur de nombreux avantages pour nos citoyens : la création d'emplois bien rémunérés, l'accès à la forêt pour divers adeptes des loisirs et, une fois par année, une balance commerciale nettement positive.

Cependant, si nous souhaitons jouir encore de ces avantages et d'autres encore, nous devons nous assurer de protéger l'intégrité écologique des forêts, c'est-à-dire veiller à ce que les fonctions écologiques des forêts ne soient pas altérées. Faire de la gestion durable des forêts un concept clé de la Stratégie nationale sur les forêts montre ce que souhaitent les Canadiens en rapport avec leurs forêts : le maintien de la diversité biologique, le stockage du carbone, la régulation des cours d'eau et la myriade d'avantages que procure par ailleurs la forêt.

Le terme « protection » n'a souvent qu'un sens aux yeux des citoyens — la forêt qui se trouve dans un parc ou une zone de conservation. Les parcs et les zones de conservation ont certes leur importance, mais ils ne représentent que l'un des moyens d'action qu'il faut employer pour assurer l'ensemble des fonctions écologiques de nos forêts à long terme. Fait tout aussi important : il faut s'assurer que tous les usages prévus, y compris l'extraction des matières, laissent intactes les fonctions écologiques naturelles de la forêt.

Nous proposons respectueusement les descriptions suivantes du contexte, et notamment des propositions et des recommandations entendues comme des solutions constructives et positives que l'on peut employer pour s'assurer que les Canadiens continuent de jouir de la multitude d'avantages que procurent nos forêts.

Premièrement, les forêts doivent continuer à y jouer un rôle important dans l'avenir économique, social et environnemental du Canada. La majeure partie des forêts du Canada — 90 p. 100 environ — sont des forêts publiques. L'investissement dans les ressources dont il est question doit être considéré comme un choix environnemental à long terme qui comporte des avantages sociaux et économiques.

Pendant la période de récession qui sévit actuellement, les gouvernements devraient envisager d'investir dans le renouvellement et le maintien de nos forêts publiques. Cela permettrait d'employer immédiatement des gens qui, partout au Canada, y compris dans certaines petites localités éloignées des grands centres, s'occuperaient de planter des arbres et veilleraient sur les jeunes peuplements. À long terme, l'investissement en question déboucherait sur la création de produits du bois, d'un habitat pour la faune et d'un puits pour piéger le carbone. Les recherches et l'expérience le montrent, une saine gestion des forêts a une incidence positive nette sur le piégeage du carbone et peut-être l'atténuation des effets du changement climatique. Je vous prie de vous reporter aux documents complémentaires que nous avons fournis. Vous y trouverez un communiqué de presse sur les forêts et le carbone que nous avons produit il y a un certain temps.

En outre, nous y indiquons sommairement le pourcentage de la superficie récoltée grâce à la régénération assistée — c'est-à-dire la mise en terre et l'ensemencement — dans chaque province. Veuillez noter que ces statistiques tiennent vivement compte de la superficie récoltée, et non pas de la superficie globale détruite par des phénomènes naturels comme le feu, le vent, les insectes et la maladie, qui est importante, mais qui varie d'une année à l'autre.

Nous recommandons vivement la mise sur pied de plans rigoureux pour les secteurs où la régénération assistée s'impose et la création d'un système national de prévision de la production pour ordonnancer la préparation des lieux et l'entretien de la forêt aux fins de la régénération. Récemment, nous avons recommandé cette mesure au Conseil canadien des ministres de la forêt, au moment de rencontrer son organisme de coordination en septembre 2008.

Deuxièmement, nous devons nous assurer que les Canadiens ont accès à des renseignements objectifs et exacts sur leurs forêts. La démocratie est mieux servie lorsque le citoyen est engagé dans le processus et est en mesure de discuter et de débattre des questions importantes pour lui et les futures générations. Nous devrons pouvoir compter sur des renseignements accessibles, objectifs et exacts sur l'évolution de nos forêts, par exemple leur composition et leur structure, la biodiversité et la teneur en carbone. Des études publiées dans des revues avec comité de lecture font voir une évolution de la composition des espèces d'arbres dans les forêts du Canada. De manière générale, la surface occupée par les forêts de conifères diminue et compte de plus en plus de feuillus comme le bouleau blanc et le peuplier. Il est essentiel de préserver la diversité de structures, d'espèces et d'âges sur les terres en question.

Encore une fois, vous pouvez vous reporter aux documents complémentaires. Vous trouverez notamment un communiqué de presse sur les oiseaux des forêts. Vous pourriez lire en quoi une saine gestion des forêts et l'application de principes scientifiques rigoureux peuvent être utiles au maintien des populations d'oiseaux des forêts.

La démarche employée pour réglementer les activités forestières présente certaines différences d'une province ou d'un territoire à l'autre, mais certaines similitudes demeurent proprement canadiennes. Les méthodes électroniques d'analyse et de collecte des données, par exemple, sont des éléments fondamentaux de la gestion des forêts au Canada. À l'inverse de nombreux autres pays forestiers, le Canada articule sa gestion autour d'inventaires forestiers établis principalement au moyen de photographies aériennes. Même s'ils sont généralement peu détaillés, les inventaires forestiers en question sont les principaux ensembles de données utilisées dans les modèles informatiques pour prévoir l'évolution de la structure et de la composition des forêts du fait de la régénération, de la croissance, de la mortalité et de divers autres facteurs, par exemple le vieillissement et les perturbations d'origine naturelle ou humaine.

Le recours aux données interprétatives et aux modèles de forêts virtuelles est utile dans le sens où il nous permet d'expérimenter et de comparer divers régimes d'abattage sur de très grandes superficies au fil du temps, l'option « aucun abattage » étant comprise. Cependant, nous devons reconnaître les limites de ces moyens d'action et le besoin, la capacité et l'obligation pour nous de recourir à des techniques nouvelles pour améliorer la qualité des données dérivées ainsi obtenues et pour veiller à ce que les données employées et les règles appliquées en rapport avec des instruments électroniques complexes puissent être vérifiées dans le réel.

À l'heure actuelle, seule la Colombie-Britannique exige une comparaison des attributs associés à ses inventaires forestiers et des mêmes attributs tels qu'ils sont mesurés dans la forêt elle-même. Elle fait d'ailleurs en sorte que les données en question soient rendues publiques. La différence entre les attributs réels et les attributs décrits au moyen de données interprétatives obtenues à distance n'est en rien négligeable dans le cas de certaines forêts.

Il est recommandé de procéder à une comparaison des attributs établis dans tous les inventaires forestiers du Canada et des attributs correspondants dans la forêt en tant que telle. Il faut concilier la variabilité et le biais associés à une telle comparaison et leur incidence sur la coupe permise, la disponibilité de l'habitat et le bilan du carbone. De même, il faut publier les données en question sous une forme que le public est à même de comprendre.

À partir des renseignements tels qu'ils sont déjà présentés dans les rapports sur l'état de la forêt, nous formulons les recommandations suivantes : comme il est souvent difficile de déterminer les impacts locaux et même provinciaux des phénomènes en question, étant donné la grande aire géographique que couvrent les forêts dans chaque province; il faudrait élaborer des relevés sommaires des districts et des régions écologiques. Les auteurs du rapport en question devraient mettre en relief les dimensions de l'évolution de la forêt qui concernent l'intérêt public.

Comme l'évolution des forêts est difficile à relever en raison des longs délais qui s'écoulent entre les rapports, de la qualité limitée des données et de la faible résolution des modèles informatiques, il faudrait employer des programmes de surveillance précis comme moyen de détecter à l'avance les tendances importantes et d'adopter en temps utile les mesures correctives qui s'imposent. Les progrès au chapitre des techniques de télédétection, y compris l'imagerie numérique multispectrale et le radar optique, doivent devenir bientôt un élément courant de l'arsenal technique employé pour améliorer l'établissement de l'inventaire forestier et l'établissement de constatations utiles à partir des attributs forestiers dérivés.

À l'institut, il y a toutes sortes de gens qui utilisent des termes comme ceux-là. C'est merveilleux.

Pour avoir la forêt que nous souhaitons avoir à l'avenir, il faut investir dans la planification, la mise en œuvre, la surveillance et la recherche. Les rapports actuels sur l'état de la forêt ne comportent pas une analyse adéquate des niveaux d'investissement faits dans les forêts publiques. Les indicateurs adoptés permettent de prendre pour point de départ les données déjà établies et d'effectuer des comparaisons avec les pays forestiers rivaux et d'autres secteurs primaires.

Troisièmement, ce serait manquer à notre devoir que de ne pas parler, du point de vue du professionnel de la forêt, du secteur bioénergétique, qui connaît un essor rapide partout dans le monde, en raison de la nécessité qui est resssentie de réduire le recours aux combustibles fossiles. En tant que pays forestier, le Canada a le potentiel de devenir l'un des principaux producteurs mondiaux de bioénergie et biocombustible forestiers. Des milliards de dollars ont été investis au Canada pour favoriser la bioénergie de manière générale; ce sont des dizaines de millions de dollars qui ont été engagés récemment par le gouvernement pour la création de réseaux bioénergétiques visant à favoriser l'établissement d'usines de conversion. Toutefois, les responsables des réseaux et organismes gouvernementaux n'ont pas accordé autant d'attention à une tâche moins en vue, soit de veiller à la pérennité de la ressource forestière tout en prélevant une biomasse plus importante, même si c'est nécessairement un élément sous-jacent d'un secteur bioénergétique durable.

Il est donc impératif que les nouvelles lignes directrices, dispositions réglementaires, politiques et lois traitant du prélèvement en quantités toujours plus grandes de la biomasse forestière reposent sur une solide connaissance de la pérennité de l'environnement, concordent avec les activités forestières actuelles et à prévoir à différents endroits au Canada et respectent en principe le contexte mondial.

Entre autres, il faut pour cela examiner et synthétiser la documentation scientifique tant nationale qu'internationale; recueillir puis interpréter les données scientifiques actuelles et pertinentes en rapport avec les écosystèmes forestiers canadiens; examiner les tendances actuelles et à prévoir dans le cas des méthodes de coupe qui auront une incidence sur la distribution et l'enlèvement des rémanents; et examiner les pratiques et les politiques employées ailleurs en rapport avec un secteur bioénergétique forestier plus avancé, en vue d'en tirer les leçons utiles.

Cela fait, les décideurs des diverses administrations du Canada peuvent adapter l'ensemble de connaissances en question à leurs conditions écologiques et territoriales particulières, qui varient d'une province à l'autre. Plutôt que de reprendre les tâches universelles en question à l'intérieur de chaque province, il serait possible de réaliser des économies par la coordination des efforts, la mise à profit de synergies et la diffusion des extrants entre les provinces.

Je vous demande encore une fois de vous reporter à notre communiqué de presse sur la bioénergie, que nous avons publié il y a quelque temps.

Enfin, bon nombre des difficultés auxquelles nous faisons face dans le monde découlent de la rareté des ressources fondamentales qu'il faut aux humains pour survivre et demeurer en santé, de l'eau potable, des sols fertiles, des combustibles et des matériaux de construction. Pour résoudre ces difficultés, il faut travailler avec les pauvres dans le monde et s'assurer qu'ils ont accès à ces ressources rares en quantités suffisantes. Or, le Canada dispose d'un véritable trésor d'expertise et d'expérience en la personne de ces professionnels de la forêt; des gens qui savent comment s'y prendre poux s'assurer que le sol, l'eau et les diverses formes de vie qui se trouent dans la forêt sont rétablies et maintenues à long terme.

Nous recommandons que le Canada recentre son aide internationale notamment sur des projets qui aident les pauvres à rétablir leurs forêts. Le nouveau programme « Forêts sans frontières » de l'Institut témoigne de notre détermination à mener à bien ce projet altruiste. Bon nombre de nos membres participent déjà de leur propre gré à des projets positifs partout dans le monde, et bon nombre encore attendent avec impatience la possibilité de mener à bien de telles initiatives et d'entreprendre un travail qui permettra d'améliorer la condition humaine en améliorant les conditions naturelles dans lesquelles ils vivent. Ces efforts représenteront une solution toute canadienne au problème. Cela arrive à point nommé, car, peu en douteraient, les changements climatiques se répercuteront sur l'accès aux forêts, à la nourriture et à l'eau avec les conséquences graves que cela peut comporter pour la santé et la sécurité des êtres humains dans le monde entier. Les professionnels de la forêt du Canada sont fins prêts à contribuer de manière proactive et extrêmement compétente à la résolution des problèmes liés aux changements climatiques. Ici même au pays, nous pouvons nous assurer de concevoir et de mettre en place des programmes perfectionnés de gestion de la forêt qui traitent des multiples défis et problèmes qu'amèneront les changements climatiques. De même, par le truchement de notre programme « Forêts sans frontières », nous offrirons nos services aux gens qui, de par le monde, en ont le plus besoin.

En guise de conclusion, au nom des membres de notre institut, je tiens à remercier encore une fois le comité de nous avoir donné l'occasion de venir témoigner. L'Institut forestier du Canada est un organisme bénévole de base populaire qui se compose de professionnels et praticiens de la forêt qui se passionnent pour leur domaine. J'espère les avoir représentés convenablement ici aujourd'hui. À nos yeux, les forêts sont un trésor, et la foresterie est non seulement un métier, mais également une passion. Nous nous engageons avec nos membres à nous et aussi avec les gens des collectivités locales à mener un dialogue sur l'intendance à long terme de nos forêts, par l'entremise de nombreuses activités locales. Bon an mal an, ce sont plus de 70 activités locales qui ont lieu un peu partout au Canada. L'institut continue à trouver des façons nouvelles de promouvoir, dans une optique constructive, l'innovation en matière d'intendance forestière. Parmi les plus récentes initiatives heureuses à notre actif, citons le recours à des conférences électroniques qui permettent à nos membres et aux membres intéressés du grand public d'écouter bien des spécialistes en forêt traiter de sujets très pertinents comme les changements climatiques, le caribou des forêts et la bioénergie.

Le bulletin, The Forestry Chronicle, que nous publions depuis 1925, demeure la revue forestière la plus lue au Canada. En règle générale, nos activités de communication, de bienfaisance et d'éducation ne visent pas à convaincre les gens d'adopter tel point de vue; plutôt, nous essayons de présenter des informations factuelles d'une façon qui soit scientifiquement rigoureuse, en laissant au destinataire de notre message le soin de tirer ses propres conclusions. Nous offrons ces services de communication à votre comité, qui pourra ainsi obtenir des renseignements complémentaires au besoin, et pour catalyser les communications dans toutes sortes de directions. Notre assemblée générale annuelle à venir, comme celle de 2010 d'ailleurs, portera sur l'économie de la biofibre, les changements climatiques et l'évolution des usages et des utilisateurs des forêts. Ces thèmes sont d'une grande pertinence pour un secteur forestier à une époque où les mutations se font importantes et rapides, et où les défis sont à l'avenant.

Nous invitons les membres du comité à assister à nos futures assemblées générales annuelles.

Le président : Messieurs Pineau et Bombay, merci beaucoup. Vous avez fait un bon travail. Nous allons maintenant passer aux questions.

Le sénateur Mercer : D'abord, je vous remercie beaucoup d'avoir présenté deux excellents exposés. Je n'ai pas beaucoup de questions à poser, mais j'ai remarqué que vous avez mentionné tous les deux la question de la recherche et la nécessité de la recherche.

Monsieur Bombay, vous avez parlé en particulier du fait que la recherche se soit arrêtée du fait que le financement des chaires de recherche a été stoppé. Ai-je bien compris?

M. Bombay : Oui.

Le sénateur Mercer : À quel établissement se trouvait cette chaire-là?

M. Bombay : Le Réseau sur la gestion durable des forêts se trouve à l'Université de l'Alberta. Pendant 14 ans, il a été financé à titre de centre d'excellence en recherche sur la gestion durable des forêts. Il approchait du moment de l'examen à mi-parcours. On lui reprochait de ne pas tenir compte des questions intéressant les Autochtones. Les réseaux des centres d'excellence ont insisté pour que les responsables intègrent un programme de recherche en foresterie autochtone au centre d'excellence en question.

C'est une activité que les membres du réseau ont pu approfondir pendant quelques années, et c'est un domaine de la recherche sur les forêts qui demeure inexploré ailleurs, depuis que le centre d'excellence en question a cessé ses activités et qu'aucune nouvelle recherche n'a été entamée.

Le sénateur Mercer : Peu importe, il me semble, que la recherche soit effectuée au nom de la collectivité générale ou d'une communauté autochtone — une recherche est une recherche, et elle sera utile à tous les secteurs.

À quoi le centre d'excellence devrait-il s'attacher en particulier, selon vous, en rapport avec la participation des Autochtones au domaine forestier?

M. Bombay : Il faut faire des recherches sur les questions particulières qui intéressent les Autochtones en ce qui concerne la forêt; cela n'a pas encore été fait. Il s'agit par exemple du savoir traditionnel et de la façon dont il pourrait s'appliquer à toute une série de contextes différents en gestion des ressources naturelles et comment il pourrait servir, disons, à la commercialisation.

Il y a également des questions qui se posent au sujet de la gouvernance au sein des communautés autochtones. Nous avons des structures organisationnelles où la gestion des forêts doit être harmonisée avec les structures de gouvernance des communautés autochtones et nos systèmes décisionnels traditionnels.

Ce champ d'activité-là n'a jamais fait l'objet d'une recherche concertée, mis à part le travail qui avait été entamé par les membres du réseau. Nous constatons qu'il faut maintenant continuer cette activité-là, compte tenu du fait que le secteur forestier subit une transformation en ce moment.

Comme le réseau n'existe plus, nous cherchons d'autres façons de répondre à nos besoins en recherche forestière. À nos yeux, il importe que les Autochtones participent davantage à la recherche, à la conception et à l'orientation des recherches effectuées, étant donné que les recherches en question nous aideront à répondre aux besoins de nos communautés à nous.

Le sénateur Mercer : Monsieur Pineau, j'aimerais que vous me parliez davantage des lacunes que vous voyez du côté de la recherche. Du point de vue de vos membres, quel est selon vous le champ d'action qui serait le plus important pour la recherche?

M. Pineau : Comme nous avons des membres aux intérêts variés, il est difficile de dégager un consensus là-dessus. Je dirais d'abord que je suis d'accord avec M. Bombay pour dire que la recherche devrait mettre davantage en valeur la dimension des sciences sociales. Les membres du Réseau sur la gestion durable des forêts avaient entamé d'excellents travaux en ce sens, et il serait dommage que ces travaux-là soient abandonnés avant de toucher à leur terme.

Du côté des sciences sociales, en songeant aux localités forestières, aux communautés autochtones, demandons-nous comment nous pouvons mieux les servir ou comment elles peuvent mieux profiter de la ressource dans un contexte de développement durable. C'est une question clé.

De même, il faut dire que ces expressions-là — gestion durable, développement durable — sont galvaudées. Qu'entend-on vraiment par là? La notion de développement durable comprend des aspects sociaux, culturels, spirituels, écologiques, environnementaux et, bien entendu, économiques. Tous ces aspects-là sont des éléments clés d'un véritable développement durable. La recherche sur la dimension économique n'a pas été poussée aussi loin qu'elle aurait pu l'être.

Durant mon exposé, j'ai parlé des nouvelles techniques que l'on emploie pour mieux connaître le terrain, ce dont la forêt est faite et quels sont ses attributs. Il y a quantité de bonnes recherches qui ont été faites là-dessus, mais il faut les appliquer davantage. Souvent, nous disposons de bonnes informations et de belles idées, avec les technologues qui pourraient en être chargés, mais sans les avoir appliquées comme il faut. Les membres de mon établissement en conviendraient : nous pourrions accomplir bien des choses en appliquant seulement une partie de ce que nous connaissons déjà grâce à la recherche.

Le sénateur Eaton : Les deux exposés étaient intéressants. Je voudrais continuer à creuser le même sujet que le sénateur Mercer. Monsieur Bombay, plutôt que de mettre sur pied un système parallèle, ne pourrions-nous pas échanger et avoir des programmes forestiers autochtones aux côtés des autres programmes forestiers? Vous pourriez vraisemblablement nous apprendre des choses. Pourquoi essayons-nous de réinventer la roue? Pourquoi ne pas simplement agrandir la roue?

M. Bombay : Nous serions tout à fait d'accord pour le faire. De nombreux programmes fédéraux s'appliquent de manière générale au secteur forestier, et nous avons demandé qu'ils comportent un volet autochtone. De fait, le Service canadien des forêts s'occupait de recherches sociales et de foresterie à une certaine époque, mais c'est une approche qui a été abandonnée. Les autorités se sont tournées davantage vers le Centre canadien sur la fibre de bois et vers l'idée de servir la grande industrie. Je voudrais souligner que nos besoins dans le secteur forestier ne correspondent pas à ceux de la grande industrie.

Le sénateur Eaton : Non.

M. Bombay : Nous évoluons dans un système juridique tout à fait différent, notre développement correspond à des besoins différents et nous avons un point de vue différent sur ce qui est important dans les forêts. Nous détenons les terres en propriété collective, contrairement à l'industrie forestière. Nous avons des valeurs et des problèmes de gouvernance qui nous sont propres et un équilibre différent entre la coupe de bois et les autres usages de la forêt. Notre approche du domaine forestier est fondamentalement différente, ce qui exige un axe de recherche différent.

Le sénateur Eaton : Je comprends. À la dernière réunion du comité, nous nous sommes entretenus avec un monsieur qui était responsable de boisés privés, qui ne sont actuellement pas de grandes propriétés. Je ne comprends pas pourquoi les universités ne reprennent pas à leur compte l'idée d'un programme forestier autochtone. Il me semble si évident que ce serait une bonne idée, qui profiterait à bien plus de gens que les seuls membres des Premières nations.

M. Bombay : Oui. Nous cherchons des façons de persuader les universités de faire davantage de recherches dans ces champs d'action-là. Quand une université demande de faire financer des recherches, c'est en rapport avec un programme qui comporte des objectifs précis. Ces objectifs-là tiennent rarement compte des besoins des communautés autochtones. Lorsqu'elles demandent une subvention en recherche, elles sont limitées par les paramètres de la subvention. Nous aimerions qu'il y ait un programme où elles peuvent demander de pouvoir faire des recherches sur les questions intéressant les Autochtones. À ce moment-là, nous en arriverions à des résultats plus probants. Grâce au travail du Réseau sur la gestion durable des forêts, il y a toute une série d'usages qui se mettent en place autour de la notion de foresterie autochtone, mais, tristement, ce sera un cul-de-sac si le réseau cesse d'exister. Nous demandons que les universités travaillent davantage de concert avec les Autochtones eux-mêmes.

Le sénateur Eaton : Je suis d'accord avec vous. L'idée consiste non pas à créer un système parallèle, mais plutôt à jeter des ponts et à échanger pour que chacun profite de l'autre.

M. Bombay : Mieux encore, il nous faut un programme qui s'articule autour de nos questions à nous. Les gens ne peuvent que s'en remettre aux lignes directrices qui leur sont imposées et, si cela ne tient pas compte des questions forestières touchant les Autochtones, ils n'en tiendront pas compte. C'et le problème des grands établissements de recherche au Canada, par exemple FPInnovations, qui sont au service de la grande industrie. Souvent, les établissements provinciaux privilégient l'industrie à grande échelle. Ils ne sont pas centrés sur les besoins des communautés.

Le sénateur Eaton : Les professionnels autochtones de la forêt sont-ils nombreux?

M. Bombay : Je suis heureux de vous entendre poser la question. Je viens tout juste de les dénombrer l'autre jour. Il y a dix ans environ, il y avait une dizaine d'experts forestiers autochtones au Canada. Aujourd'hui, il y en a 73.

Le sénateur Eaton : C'est merveilleux.

M. Bombay : Je les connais suffisamment pour les appeler par leur prénom, dans la plupart des cas. Ils travaillent tous dans le secteur forestier autochtone. Vous en trouverez très peu qui travaillent dans la grande industrie. La plupart travaillent soit pour leur communauté, soit pour une petite entreprise qui est au service de leur communauté. Bon nombre sont des experts-conseils en foresterie autochtone qui dispensent leurs services aux communautés qui ne comptent pas encore leurs propres professionnels.

Il y a un groupe d'experts forestiers autochtones qui prend forme au Canada, mais il faudra être patient. Selon nos estimations, dans nos communautés et entreprises autochtones, il faudrait 600 experts forestiers professionnels autochtones pour prendre en charge le travail qui est actuellement le nôtre.

M. Pineau : Nous avons besoin de professionnels de la forêt partout. Malgré le ralentissement dans le secteur, cela demeure un très bon choix de carrière pour les jeunes qui sont prêts à faire des études postsecondaires. Je suis fier de dire qu'il y a de plus en plus de professionnels de la forêt autochtones dans nos rangs à nous.

Le sénateur Poulin : Monsieur Bombay, pouvez-vous décrire la foresterie autochtone en termes concrets, pour que nous puissions mieux comprendre de quoi il retourne? J'essaie de comprendre le domaine d'action d'un professionnel de la forêt et d'un praticien de la forêt.

M. Pineau : C'est la même chose. Pour moi, ce sont des termes interchangeables. Au sens général, le professionnel de la forêt est un expert forestier, un technicien de la forêt, un technologue, un biologiste de la faune, un écologiste et un chercheur en foresterie. C'est une profession définie assez largement. Les experts forestiers traditionnels comptent pour une bonne part de nos membres. Ils connaissent la sylviculture et peuvent planifier une forêt, y faire des coupes et s'occuper en même temps de sa régénération. Le technicien, qui travaille le plus souvent sur le terrain, réunit les données et se déplace dans la forêt pour vérifier que les machines récoltent le bois aux bons endroits et protègent les endroits choisis contre la violation du droit de propriété. Le technicien est aussi un praticien. Pour moi, les termes sont interchangeables. Je m'excuse de n'avoir pas été clair.

Le sénateur Poulin : Monsieur Bombay, pourriez-vous nous renvoyer à un praticien et professionnel autochtone?

M. Bombay : Si vous le permettez, il y a d'autres façons pour nous d'envisager le métier d'expert forestier professionnel. Certains sont tournés vers la conservation et d'autres vers la science du bois, d'autres encore vers la gestion des boisés urbains. L'expert forestier autochtone occupe un nouveau champ d'activité qui repose sur une éthique autochtone de la terre, une éthique différente. Depuis 20 ans environ, nous sommes passés de la gestion axée sur un rendement équilibré à la gestion durable des forêts, qui comporte de nombreuses connotations différentes quant à l'action de l'expert forestier professionnel. La gestion des coupes occupe une place de choix dans le rendement équilibré. Aujourd'hui, l'expert forestier se soucie davantage de gérer la ressource forestière dans son ensemble. Nous, Autochtones, attachons des valeurs différentes à l'utilisation faite des terres, à la façon de protéger les ressources, à ce que nous décidons de ne pas protéger et ainsi de suite.

La foresterie autochtone renvoie immanquablement à l'idée de cette éthique de la terre qui est celle des Autochtones, de la relation que nous avons avec la Mère Terre et le lien spirituel et culturel que nous avons avec la terre.

Le sénateur Poulin : Vous dites tous les deux que les jeunes prêts à exercer le métier de professionnel et de praticien de la forêt ont devant eux des débouchés incroyables. Nous entendons dire aussi que l'industrie de la forêt est en difficulté. Pouvez-vous me dire pourquoi ce n'est pas là une contradiction?

M. Bombay : L'industrie de la forêt se compose pour une grande part de gens de la vieille école qui appliquent la notion de rendement équilibré. Le nombre d'emplois axés là-dessus dans l'industrie est à la baisse, mais il y a aussi dans le secteur forestier des zones de croissance. Le problème actuel des zones de croissance, c'est qu'il n'y a pas forcément un emploi au bout du compte pour qui s'y engage. C'est davantage une façon de concevoir le développement pour nous. Voilà un aspect.

L'autre aspect, c'est que la main-d'œuvre vieillit dans le secteur forestier. Je ne me rappelle plus les statistiques exactes, mais, dans certains coins du pays, c'est la moitié de l'effectif qui va prendre sa retraite d'ici une dizaine d'années. Je crois que cette statistique-là provient de la Colombie-Britannique. Il faut donc remplacer ces gens-là.

M. Pineau : M. Bombay dit vraiment juste. Le modèle d'usage traditionnel de la forêt — avec le mode de tenure, une scierie, une ville et un effectif — bat de l'aile depuis quelque temps, et se trouve être en déclin — temporairement, du moins, sinon de façon permanente. Nous verrons ce qu'il en adviendra.

Le besoin de bien gérer les forêts existera toujours. Nous sommes trop nombreux à habiter la planète pour que nous laissions simplement aller la nature. Ce n'est tout simplement pas possible. Notre empreinte est trop grande, l'impact de notre mode de vie est trop grand. Le type qui habite à Toronto a un très grand impact sur la forêt boréale. Il nous faut des forêts bien planifiées et bien gérées à l'intérieur comme autour de collectivités de petite, de moyenne et de grande taille. Ce sont nos espaces verts. Il nous faut des plus grands terrains de forêts bien gérés pour l'usage que nous choisirons d'en faire à l'avenir.

Quant à moi, je crois que les pâtes et papiers de même que le bois de sciage continueront à avoir une certaine importance, mais pas autant qu'auparavant. La bioénergie et les loisirs — le tangible et l'intangible — que nous procurent les forêts sont tels qu'il faudra encore des professionnels de la forêt. Les débouchés existent donc de ce côté- là.

[Français]

Le sénateur Poulin : Vous savez que notre étude a comme premier objectif d'examiner les causes et les origines de la présente crise forestière. Comme vos deux associations comptent le plus grand nombre de membres, j'aimerais entendre votre analyse des causes de la crise forestière d'aujourd'hui, qui est quand même une crise qui a évolué depuis plusieurs années. Peut-être que M. Pineau pourrait commencer, suivi de M. Bombay.

[Traduction]

M. Pineau : Voilà une question qui est assez compliquée. J'ai la chance de voyager partout au pays et d'entendre de nombreux avis sur la question, et les avis sur l'origine de la crise sont très variables.

Les gens s'entendent vraiment pour dire que c'est le pire ralentissement, le plus long ralentissement que nous ayons vu dans le secteur forestier. Cela ne fait aucun doute. Je vous révèle probablement une chose dont vous êtes déjà au courant.

Au début, les gens attribuaient diverses raisons au problème. Le fait que le conflit du bois d'œuvre n'avait jamais été réglé; le coût élevé de l'énergie à certains endroits; essentiellement, nous n'étions pas assez compétitifs et devions rétablir notre avantage concurrentiel; nous avions un trop grand nombre de vieilles scieries; il y a des facteurs qui militent contre l'innovation et le réinvestissement; et peut-être aussi que la volonté d'innover et de réinvestir fait défaut.

L'économie du secteur forestier a commencé à ralentir il y a un an ou deux, probablement, avant la récession qui sévit en ce moment. Au moment où la récession est arrivée, nous étions déjà dans les cordes; aujourd'hui, la situation est plutôt difficile. La demande a fléchi, et la concurrence demeure un problème.

M. Bombay a mentionné FPInnovations et le Centre canadien sur la fibre de bois. Ces établissements s'organisent pour pouvoir examiner l'avantage concurrentiel du secteur et voir si nous tirons le plus grand parti possible de l'offre de fibre du Canada, de la qualité de la fibre et ainsi de suite. Ces établissements de recherche font un très bon travail de ce point de vue-là. S'ils peuvent susciter l'innovation et faire en sorte que la fibre du Canada est utilisée au mieux et débouche sur des idées, des techniques et des produits nouveaux, les établissements de recherche en question vont jouer un rôle capital pour ce qui est de nous sortir de ce mauvais pas.

Ils font certainement partie de l'équation, aux côtés du Réseau sur la gestion durable des forêts et des organismes provinciaux chargés de la recherche scientifique. L'essentiel de l'effort est là — absorber l'information, diffuser les résultats, traduire le tout en actes concrets, mettre la solution entre les mains des experts forestiers et créer quelque chose de nouveau, de différent, de meilleur, de compétitif, et qui ajoute de la valeur.

Je vois la lumière au bout du tunnel. Certains ne la voient pas, mais les gens sont nombreux à la voir. Nous traversons une période difficile. Nous avons perdu de nombreux emplois dans le secteur forestier avant même le début de la récession. Certains ont chiffré les pertes d'emploi à 50 000. Les conséquences pour la population se confirment dans toutes les régions du pays. Ce n'est pas une seule région qui a subi un gros coup. C'est ici, à Terre-Neuve, c'est partout. C'est difficile à visualiser. Les gens ne le voient pas ou ne le réalisent pas si bien : nous souffrons.

M. Bombay : Il y a quelques années, l'industrie forestière au Canada était trop centrée sur la production de matières premières. Les gens auraient dû être attentifs aux signaux pour voir vers quoi l'industrie se dirigeait. Nous aurions dû nous concentrer davantage sur les produits à valeur ajoutée il y a 20 ans. Notre mode de tenure forestière aurait dû orienter l'industrie vers ces options-là. Nous aurions dû diversifier davantage nos activités il y a des années de cela. Les modes de tenure y sont probablement pour quelque chose dans le fait que nous ayons privilégié d'abord et avant tout la production de matières premières. C'est un des facteurs auxquels nous pouvons probablement accorder de l'attention aujourd'hui, par un examen et une modification importante de la façon dont les ressources forestières sont réparties par le truchement des modes de tenure.

Le fait d'inclure d'autres personnes et d'autres industries — les petits dans le jeu des modes de tenure forestière — sera très utile pour diversifier l'économie de demain.

Le sénateur Duffy : Je songe toujours au fait que l'industrie du bois est la plus grande qui soit au Canada, que nulle autre n'est aussi présente jusque dans les recoins de notre merveilleux pays. Ce qui arrive à votre industrie revêt donc une importance capitale pour nous tous en tant que Canadiens.

Monsieur Bombay, j'ai lu vos observations avec intérêt. Je suis heureux de constater que vous avez traité du budget de 2009, qui comportait 170 millions de dollars en argent supplémentaire pour la recherche sur les forêts. En dernière analyse, notre comité va probablement encourager le gouvernement à élargir le champ d'action, pour prendre en considération les préoccupations que vous formulez. Dans la mesure où nous élargissons le champ d'action de la recherche et que nous finissons par sortir de la récession qui sévit en ce moment, il y a des lois économiques fondamentales qui entrent en jeu.

À la page 4 de votre mémoire, vous faites remarquer que l'acquisition des forêts dont les propriétaires et les gestionnaires sont autochtones se fait dans la partie nord du pays — au nord de la forêt commerciale — et que les approches de l'industrie forestière traditionnelle y sont moins viables en raison de la distance des marchés.

Jusqu'à maintenant, durant nos audiences, et nous n'en sommes qu'au début, nous avons entendu dire qu'il y a déjà des producteurs de bois de sciage — je crois que le sénateur Mercer en connaît peut-être en Nouvelle-Écosse — qui se considèrent comme étant à l'extrême limite pour ce qui est de la distance viable que l'on peut envisager pour le transport du produit forestier vers le marché. Comment envisagez-vous que le gouvernement fédéral ou l'industrie s'y prenne en rapport avec ces forêts-là, dont nos premières nations se portent acquéreurs, qu'il utilise les ressources d'une manière qui serait économiquement avantageuse, étant donné les grandes distances que vous évoquez?

M. Bombay : Il y a une chose que l'on peut dire avec certitude à propos des forêts du Nord; elles ne devraient pas servir à fabriquer les pâtes et papiers, et probablement pas non plus au bois de sciage. Ce sont les industries forestières traditionnelles dont je parlais, les types d'approches axées sur la production de matières premières.

Dans les secteurs du Nord où les Premières nations commencent à accéder à un approvisionnement en bois, il nous faut des approches plus novatrices pour déterminer comment ce bois-là va servir. C'est pourquoi je préconise la mise sur pied de ce centre autochtone de recherche et de développement. Le bois dans les communautés du Nord comporte des caractéristiques particulières, notamment une résistance particulière. Il faut savoir comment il pourrait être transformé en vue d'une valeur ajoutée.

Le sénateur Duffy : Plus il fait froid, plus le bois est solide et droit.

M. Bombay : Oui. C'est donc la manière de se servir de ce bois-là qui peut comporter certains avantages. À condition d'avoir droit au bon soutien, les Autochtones sont bien placés pour concevoir des produits uniques en utilisant ce type de bois.

Le sénateur Duffy : Vous proposez vraiment que nous transformions radicalement notre façon de penser à la forêt et à l'usage qu'elle comporte pour nous, c'est bien cela? Vous ne parlez pas de petits changements progressifs; vous parlez de changements très importants.

M. Bombay : Oui. En ce moment, le gouvernement donne beaucoup d'argent à l'industrie; les 170 millions de dollars que nous avons mentionnés, par exemple, seront versés aux industries forestières traditionnelles. Il y en a très peu qui sont destinés aux industries forestières atypiques, si tant est qu'elles existent, mais c'est cela que nous préconisons.

L'innovation survient habituellement lorsque quelqu'un adopte un point de vue différent sur les choses. Les Autochtones ont un point de vue très différent sur le secteur forestier. Nous n'avons jamais eu l'occasion de mener notre propre recherche-développement et d'innover dans ce secteur-là. Nous souhaitons cela : un soutien pour innover nous-mêmes grâce à un centre de recherche et de développement, où nous appliquerions nos connaissances traditionnelles et profiterions des caractéristiques du bois qui est à notre disposition.

Le sénateur Duffy : Nous avons un ministre d'État chargé des sciences et de la technologie, nous avons Ressources naturelles Canada et nous avons le MAINC. Les gens de ces organisations-là échangent-ils sur ces questions?

M. Bombay : Je ne crois pas. Tout le monde a une vision préconçue de la façon dont les choses devraient se dérouler dans le secteur forestier. Bien des gens considèrent les Autochtones comme étant des travailleurs ou des entrepreneurs chargés d'aller chercher le bois. Pour une grande part des terres que nous avons reçues à la suite d'un règlement, c'est cette vision-là qui prévaut, celle où nous coupons le bois pour les industries établies.

Nous n'avons pas le soutien institutionnel nécessaire pour en faire plus. C'est ce qui doit arriver. Il faut un changement institutionnel qui nous permettra d'innover, qui permettra d'évaluer nos intérêts dans les forêts de certaines façons. À ce moment-là, nous pourrons envisager les nouveaux types de produits et services. Le moment est bien choisi pour faire cela.

Le sénateur Duffy : Qui est le premier responsable d'affaires?

M. Bombay : Ils doivent commencer à travailler ensemble. J'ai écrit à des ministres à ce sujet. J'ai même ici une lettre que j'ai adressée au ministre des Ressources naturelles du Canada et à d'autres.

Le sénateur Eaton : Nous sommes les premiers responsables, les sénateurs et le comité ici réunis.

M. Bombay : Ils doivent commencer à travailler ensemble et réfléchir à la façon dont les Autochtones peuvent se voir accorder un rôle de premier plan dans ce type de développement. Il faut le soutien de Ressources naturelles Canada et des Affaires indiennes et du Nord. Nous demandons que ce dernier ministère mette sur pied une stratégie pour le secteur forestier et les Autochtones, en prenant pour point de départ ses responsabilités constitutionnelles.

Le sénateur Eaton : Monsieur Bombay, ne serait-ce pas une chose qui reviendrait naturellement à la ministre Raitt?

M. Bombay : J'ai essayé en vain de fixer un rendez-vous avec elle. C'est la lettre qui est tombée entre deux chaises ici. Je crois qu'elle est tombée entre deux chaises dans son bureau aussi.

M. Pineau : Je dois vous interrompre. Un des ennuis, essentiellement, c'est que le contrôle et la gestion des ressources naturelles relèvent des provinces. Il doit être frustrant de devoir traiter avec un si grand nombre d'administrations différentes. Ce sont les administrations et les territoires particuliers en question qui fixent les politiques et les règlements qui s'appliquent à eux partout au pays.

M. Bombay : Le gouvernement fédéral peut jouer un rôle dans l'affaire en orientant le travail des gouvernements provinciaux d'une certaine façon, du fait de la responsabilité que lui confèrent la constitution pour les Indiens et les terres réservées pour les Indiens. Le gouvernement fédéral n'a pas agi en vue de s'acquitter de cette responsabilité-là en ce qui concerne le secteur forestier.

Le sénateur Eaton : De même que les universités et ainsi de suite.

M. Bombay : Oui.

Le sénateur Cordy : Ce qui m'amène de belle façon à poser ma question, qui porte sur la coopération et la coordination des activités. La semaine dernière, nous avons entendu dire que la réglementation provinciale est tout à fait périmée; ce serait donc là une épreuve.

Quelles difficultés devez-vous surmonter en travaillant avec les provinces et le gouvernement fédéral? Vous avez parlé du manque de coordination entre les ministères fédéraux. Qu'en est-il par contre de la coordination des activités du gouvernement fédéral et des administrations provinciales et territoriales, comme du gouvernement fédéral et des Autochtones dans le secteur forestier?

Nous avons déjà dit que le gouvernement fédéral devrait mener le bal, mais il faut faire cela de concert avec les provinces. Y a-t-il coopération en ce sens? Y a-t-il des réunions entre le gouvernement fédéral et les administrations provinciales et territoriales?

Monsieur Bombay, vous avez parlé d'un volet autochtone qui aurait son propre budget. Cela se fait-il? Dans le plus récent budget, par exemple — où il y a de l'argent pour le secteur forestier, pour la promotion de produits canadiens à l'étranger et pour les marchés atypiques au Canada même —, y a-t-il des sommes d'argent auxquelles les intervenants du secteur forestier autochtone peuvent avoir accès?

M. Bombay : Ils peuvent probablement accéder à de l'argent au fur et à mesure que celui-ci est canalisé dans le système, mais ils doivent rivaliser avec d'autres sur ce plan. Il faut que le programme comporte un volet autochtone à proprement parler, au moment de sa conception. À propos des 170 millions de dollars qui ont été réservés dans le dernier budget, nous croyons qu'il y a un pourcentage de cela qui devrait être destiné au secteur forestier autochtone.

L'argent peut emprunter les mêmes canaux de distribution, mais il doit être destiné aux communautés autochtones, compte tenu de nos besoins différents, dont nous avons parlé ici aujourd'hui. Or, cela ne se fait pas du tout. Quand le financement a été annoncé dans le cadre du budget fédéral, il n'a pas du tout été question des Autochtones.

La lettre qui se retrouve par terre ici porte justement là-dessus. Nous avons écrit à la ministre des Ressources naturelles du Canada pour signaler que nous avons un besoin. C'est assez proche du besoin qu'il y a dans le secteur forestier général, mais à quelques différences uniques près. Par conséquent, nous sommes d'avis qu'une part de cet argent devrait aller aux communautés autochtones. Notre objectif consiste à débloquer un peu les fonds en ce sens, en tant que mesure de stimulation de l'économie pour les communautés autochtones.

Le sénateur Cordy : Qu'en est-il de la question des sphères de compétence? Il y a la réglementation provinciale, mais il y a le rôle du gouvernement fédéral aussi là-dedans.

M. Bombay : Le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans le secteur forestier, tout comme les provinces ont un rôle à jouer. Ces derniers temps, j'observe que le rôle du gouvernement fédéral gagne en importance — non pas pour le nombre total de responsabilités assumées dans le secteur forestier, nombre qui n'augmente pas, mais plutôt pour la place relative occupée dans le secteur. Le gouvernement fédéral est chargé de questions comme la mondialisation et le commerce international. Ce sont des champs d'action qui ont davantage d'impacts maintenant sur le secteur forestier au Canada. De même, quant aux Autochtones, les questions qui nous intéressent gagnent en importance.

Là où le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans le secteur forestier, systématiquement, ce rôle s'élargit. Globalement, le gouvernement fédéral doit se lever et déclarer qu'il s'occupera davantage de la coordination des questions nationales d'importance pour le secteur forestier au Canada.

M. Pineau : L'instrument pour cela existe déjà : c'est le Conseil canadien des ministres de la forêt, le CCMF. Il est réellement possible d'élargir ce mandat et de recourir à cet organisme pour accomplir les tâches en question.

M. Bombay : Je m'excuse, mais je ne suis pas d'accord.

M. Pineau : Je crois qu'il y a là des possibilités.

M. Bombay : Le CCMF est contrôlé par les ministres des provinces. Le ministre fédéral ne joue pas au sein du CCMF un rôle aussi important qu'il devrait, qu'il pourrait jouer. C'est là qu'on devrait insister sur la question, mais je ne vois pas comment cela pourrait arriver pour l'heure.

Il y a un autre ministre qui a un rôle important à jouer dans le secteur forestier et qui n'est pas reconnu, le ministre des Affaires indiennes et du Nord du Canada, qui est responsable de la gestion des terres réservées pour les Indiens. Il a son mot à dire dans toute acquisition de terres par les Premières nations à la suite du règlement d'une revendication territoriale ou de l'application d'un traité; il est directement responsable du Nord et des questions intergouvernementales touchant les Autochtones dans le secteur forestier aussi.

Le ministre des Affaires indiennes et du Nord devrait faire partie du Conseil canadien des ministres de la forêt étant donné la responsabilité fédérale à l'égard des Autochtones et les autres affaires indiennes que devrait refléter la composition du CCMF. Je crois que cela devrait se faire.

Le sénateur Cordy : Les Autochtones siègent-ils même à cette organisation-là?

M. Bombay : Non, nous n'y siégeons pas. Nous n'y sommes nullement représentés. Si le ministre des Affaires indiennes et du Nord siégeait au CCMF, nous pourrions avoir une influence plus directe sur la chose, je suppose.

Selon nous, nous devrions être représentés d'une façon ou d'une autre au CCMF, que ce soit en tant que groupe consultatif ou en tant que membre ayant plein droit de vote.

Le sénateur Cordy : J'aimerais parler maintenant de la question des changements climatiques. La semaine dernière, un de nos témoins nous a dit que celui qui travaille dans l'industrie forestière remarque les choses avant les autres et que mieux vaut réagir rapidement, étant donné que cela touche l'industrie entière. J'aimerais savoir quel est l'effet des changements climatiques sur l'industrie forestière du Canada et ce que nous devrions faire à ce sujet.

Dans votre déclaration liminaire, monsieur Pineau, vous avez parlé de ce que nous devrions faire au moment du ralentissement économique que nous vivons, de la façon dont nous pourrions créer des emplois et, en même temps, nous donner des forêts plus durables et plus renouvelables.

M. Pineau : Nous sommes essentiellement d'accord avec l'idée de la régénération assistée grâce en partie aux fonds publics. Nous croyons qu'il serait possible de venir ici en aide à un grand nombre de collectivités, y compris des communautés autochtones. Essentiellement, c'est à la suite de phénomènes naturels ou de coupes que les terres se sont appauvries, là où il n'y a pas beaucoup d'argent pour la sylviculture, mais peut-être pouvons-nous injecter des fonds dans un programme qui serait bon pour les forêts tout en stimulant l'économie de certaines de ces localités du Nord, qui souffrent.

Voulez-vous que je parle des changements climatiques?

Le sénateur Cordy : Oui, s'il vous plaît.

M. Pineau : Certains parmi nous, qui évoluent sur le terrain dans le secteur forestier, commençons à voir des choses intéressantes. Par exemple, certaines saisons de récolte se sont étendues de façon considérable. Autour de Timmins, et le sénateur Mahovlich disait qu'il était originaire de ce coin-là, je n'ai jamais vu de flèches terminales aussi grosses que depuis quelques saisons. La croissance a été incroyablement rapide.

Le sénateur Mahovlich : En temps normal, il fait si froid que la partie du haut se referme et la croissance s'arrête.

M. Pineau : Oui. C'est ce qu'on voit couramment. Les professionnels de la forêt auxquels je parle affirment qu'il faut se préparer à ce genre de choses. Le printemps arrive plus tôt, l'automne s'étend un peu.

La présence du dendroctone du pin est directement liée aux changements climatiques. Les hivers rigoureux qui ont pour effet de tuer les larves ne sont pas au rendez-vous. De ce fait, il y a une infestation catastrophique de dendroctones du pin. J'ai fait le tour de la région il y a quelques mois. Il faut voir cela pour le croire.

Nous pouvons trimer dur et planifier, organiser, nous préparer en adaptant comme il faut les méthodes de gestion forestière et, en faisant de notre mieux, nous pouvons agir sur certains des changements. Par contre — et je ne voudrais pas être alarmiste, mais... —, il semble que la situation soit pire que même le pire scénario évoqué, d'après ce que nous disent les scientifiques. Nous devons être prêts. Le phénomène nous touche d'ores et déjà. Son influence se fait sentir avec les saisons qui ne sont plus les mêmes.

Cela repose en partie sur des observations empiriques, mais disons que huit ou dix de nos membres sont des spécialistes des changements climatiques, des experts de premier plan provenant de toutes les régions du pays. Or, ils nous disent d'adapter en partie notre sylviculture et certaines de nos pratiques de gestion de la forêt en conséquence.

Le sénateur Cordy : Sommes-nous prêts et réagissons-nous comme il faut du côté du gouvernement fédéral?

M. Pineau : Non, pas encore. Nous pouvons y arriver toutefois. Il appartient aux professionnels et praticiens de la forêt de se rendre utiles et de proposer en ce sens des idées solides et concrètes.

M. Bombay : À propos des changements climatiques, nous allons voir de nombreux changements apportés à la politique forestière en ce qui concerne le piégeage du carbone et le rôle des forêts en ce sens. Certaines des discussions internationales qui ont lieu sur la question traitent de systèmes « plafonnement et échange » et de programmes internationaux comme le REDD pour réduction des émissions causées par la déforestation et la dégradation des forêts dans les pays en développement. Par ailleurs, dans le cadre du programme REDD, la séquestration du carbone sert à la promotion de la gestion durable des forêts. Cela suppose l'échange de crédits de carbone. Nous voyons que la question arrive au premier plan aujourd'hui. C'est l'un des nombreux biens et services écologiques que la forêt fournira.

Parmi les questions qui favorisent les Autochtones, il y a le fait que nous jouons un rôle à l'égard du piégeage du carbone, mais il y a d'autres questions qui posent des difficultés, par exemple : à qui appartient la forêt et qui reçoit les crédits? Nous n'avons pas pour le moment de politiques forestières appropriées pour toute la série d'activités qui est sur le point de se mettre en place. Nous devons nous attacher à cela. Je suis sûr que des spécialistes des changements climatiques et des gens qui connaissent les projets de piégeage du carbone au Canada vous en parleront pendant vos audiences.

Le président : Pour ce qui est du dendroctone du pin, je crois que la vice-présidente a une observation ou une question à formuler.

Le sénateur Fairbairn : J'étais toute stimulée par la question et prête à l'introduire dans la discussion, mais voilà que vous l'avez fait vous-même. Je suis originaire de Lethbridge, dans le sud de l'Alberta, et nous avons bien hâte d'accueillir ces insectes-là, qui viendront de la Colombie-Britannique et passeront par le Pas du Nid-de-Corbeau.

C'est une triste affaire où nous ne pouvons pas faire grand-chose. Dans le cas des Autochtones de la Colombie- Britannique et de certaines régions de l'Alberta, qui ont sans aucun doute un intérêt pour le domaine forestier... dans quelle mesure le phénomène a-t-il touché leurs régions et leurs secteurs, sinon habitent-ils suffisamment loin des lieux où le dendroctone du pin cause des ravages?

M. Bombay : Les Autochtones vivent en forêt et sont toujours les premiers à ressentir l'évolution de quelque condition que ce soit en forêt. Cela vaut particulièrement pour le dendroctone du pin en ce moment. Nos communautés sont probablement celles qui courent le plus de danger, devant la possibilité d'incendies catastrophiques causés par les pins morts que laisse le dendroctone du pin. Nos communautés sont à risque. Cet été, je crains qu'il y ait une catastrophe.

Le sénateur Fairbairn : Dans quel secteur?

M. Bombay : Partout dans l'intérieur de la province; du sud de la Colombie-Britannique jusqu'au nord, dans l'intérieur, et aussi certaines régions de l'Alberta.

Nous avons des communautés de petite taille qui se situent tout à fait en milieu forestier. Avec tous les arbres morts qu'il y a là, un incendie pourrait se propager rapidement et anéantir des communautés entières. Les Premières nations appliquent bien un plan d'action pour lutter contre le dendroctone du pin, plan d'action financé en partie par Ressources naturelles Canada et aussi par d'autres sources fédérales. Cependant, l'argent a été filtré par les autorités provinciales, de sorte que la somme prévue pour que les Autochtones puissent faire les recherches et prendre des mesures de précaution dans la forêt ne s'est pas vraiment rendue aux organisations des communautés autochtones qui pourraient agir pour contrer le risque d'incendie.

Nous devons nous attacher à cette question-là. Les dépenses faites par les autorités fédérales et provinciales pour lutter contre le dendroctone du pin — je parle des programmes d'application générale — nous renvoient un exemple de la façon dont on peut déterminer les besoins des Autochtones et confier à des organisations autochtones des fonds précis pour s'attaquer aux menaces du genre. C'est ce qu'il faut. Nous devons avoir nos propres mécanismes pour protéger nos communautés dans le cas possible d'un incendie résultant de l'infestation au dendroctone du pin.

Le sénateur Fairbairn : Certainement. Ça se passe près de chez moi. Par exemple, dans le coin du Pas du Nid-de- Corbeau, on a l'impression que ce n'est qu'une question de temps. Les gens arrivent dans cette région-là, du Nouveau- Brunswick, de nombreuses autres régions du Canada. C'est quand même encourageant. Ils ont été invités à appliquer les connaissances qu'ils possèdent à différentes questions, pour aider à régler le problème dans les coins montagneux en question, où, malheureusement, ils attendent, sans savoir — pas tant dans le Sud, mais, dans le Nord, oui.

Cela m'intéresse de savoir ce que vous avez dit à propos du besoin des communautés autochtones qui vivent à l'ombre de ce secteur-là. Il faut que la porte leur soit ouverte — et ça s'applique à tout le monde dans le secteur — pour qu'ils comprennent ce qui est possible et ce qui est attendu. J'espère qu'on fait tous les efforts possibles pour inclure nos Autochtones dans l'affaire, car ils ont souvent, eux aussi — et je connais très bien cela — des instincts que bien d'autres gens n'ont pas devant l'éventualité d'une crise sur le terrain et dans l'atmosphère. J'espère qu'on encourage vraiment les gens à venir présenter leur point de vue, qui sera différent de celui de personnes de l'extérieur.

M. Bombay : C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons formulé la recommandation que j'ai décrite plus tôt à propos des programmes d'application générale. Il importe de déterminer les sommes à prévoir dans un budget, mais le mécanisme d'exécution du programme revêt la plus haute importance. Les organismes autochtones doivent avoir leur mot à dire là-dedans. Nous croyons que ces programmes-là ne sont pas toujours utiles aux bonnes personnes. À notre avis, ce sont les organismes autochtones qui devraient exécuter les programmes qui visent à protéger nos communautés.

Le sénateur Fairbairn : Merci beaucoup. Vous avez dit là quelque chose d'important, et j'espère que c'est cette voie- là qui sera empruntée. Les gens n'abandonnent pas. Il existe des méthodes auxquelles on peut recourir, si les gens qui ont l'instinct voulu sont en mesure de les appliquer.

[Français]

Le sénateur Rivard : À la lumière de l'état actuel de l'industrie, comment entrevoyez-vous l'industrie dans 10 ans? Comment aimeriez-vous qu'elle soit dans 10 ans?

[Traduction]

M. Pineau : Certes, c'est un secteur plus diversifié, qui — comme M. Bombay l'a dit tout à l'heure — ne dépend pas tant des matières premières. Nous nous attachons plutôt à la qualité de la fibre de bois canadienne. Ce serait nettement plus fort du côté de la valeur ajoutée. Nous pourrions avoir des systèmes et une politique et un processus qui encouragent l'innovation. Si nous découvrons un usage nouveau ou meilleur du bois, nous pouvons être agiles et réagir rapidement, ce que nous faisons déjà depuis 10 ans.

La bioénergie aura gagné en importance — les pastilles de bois ou le bioéthanol ou le biodiesel. Vous verrez qu'il y aura peut-être une plus grande rivalité pour l'acquisition des ressources durables de la forêt. Les pâtes, le papier et le bois de sciage auront encore leur créneau. Nous allons encore en produire, mais je ne sais pas combien. Notre secteur sera plus diversifié, l'innovation sera davantage encouragée, et nous aurons déjà joui de quelques-uns des avantages de cela.

Je vois l'avenir avec optimisme. Les Canadiens ont déjà montré qu'ils peuvent passer au travers de choses du genre. Notre pays a vraiment un bel esprit d'innovation et une solide culture scientifique, et il s'y fait de bonnes recherches. J'espère qu'il y aura de nouveau des collectivités fortes dans le Nord. Il serait dommage que nos collectivités nordiques et autochtones continuent de souffrir sur le plan économique ou de ne pas profiter du nouvel âge de la foresterie et des forêts. C'est ce que nous aimerions voir.

M. Bombay : Je suis d'accord avec ce que M. Pineau a dit. C'est ma vision à moi aussi. La question est de savoir comment en arriver là. Il faut de l'innovation en ce qui concerne la façon de répartir les ressources au pays, les modes de tenure forestière. Tout juste la semaine dernière, M. Pineau et moi étions présents à une réunion tenue à Sudbury. La ministre des Ressources naturelles de l'Ontario, Donna Cansfield, a annoncé que l'Ontario allait examiner le mode de tenure forestière de la province, dans le cadre d'une analyse globale qui ferait appel à tous les grands intervenants du secteur forestier en Ontario.

Les modes de tenure forestière doivent changer. C'est un des mécanismes principaux en cause. Du point de vue des Autochtones, j'espère que les examens du genre prendront en considération les questions qui nous intéressent et déboucheront sur des systèmes nouveaux de gestion des forêts qui respectent nos buts, nos besoins et nos aspirations dans le secteur forestier.

C'est ce que j'aimerais voir, un secteur forestier plus inclusif, qui respecte les différences entre les gens et nos besoins différents en développement. J'aimerais voir une économie forestière autochtone intégrée se constituer au cours des 10 prochaines années.

[Français]

Le sénateur Rivard : En ce qui a trait au secteur du bois franc, êtes-vous inquiet pour l'avenir compte tenu de la concurrence de pays émergents et des produits plus exotiques comme le bambou par exemple?

[Traduction]

M. Pineau : Non. Je crois que nous pouvons être à la hauteur et rivaliser avec quiconque. Certes, le bois récolté plus au sud sera plus productif d'un point de vue économique, étant donné que les rotations se font plus rapidement, car les arbres poussent plus vite. Nous devons déterminer les caractéristiques de la fibre de bois canadienne. Nous avons évoqué, par exemple, le fait que les arbres au nord sont plus solides. Nous devons venir à connaître la valeur de notre fibre de bois et concevoir nos produits et nos marchés en conséquence.

La concurrence nous rend plus forts. Elle nous oblige à innover et à repenser ce que nous faisons, même les matières premières et le mode de production. Certes, nous pouvons relever le défi de la concurrence. Parfois, nous serons battus, d'autres fois encore, nous l'emporterons. Nous ne devrions pas craindre cela.

Nous sommes un peu faibles et nous pourrions nous améliorer en ce qui concerne le processus d'aménagement forestier. La plupart du temps, il est question davantage de processus et de tout ce qui se situe entre les buts et les objectifs. Nous pourrions être plus compétitifs en ce qui concerne le processus d'aménagement forestier, sans avoir un système qui repose essentiellement sur le papier. En dernière analyse, les buts et objectifs dépendent de la forêt que nous voulons voir et de la façon dont nous voulons qu'elle existe. Nous pouvons être très compétitifs dans ce sens-là et promouvoir l'innovation en aménagement forestier, sans paralyser pour autant le processus du côté des lignes directrices, de la réglementation et des politiques de notre administration territoriale.

C'est un peu lourd pour nous; de ce fait, nous en sommes moins compétitifs. Je ne dis pas qu'il faudrait jeter le règlement aux ordures, mais nous pouvons l'améliorer, le rendre plus efficient en permettant à l'art et la science de converger. Cela nous rendra plus innovateurs et plus compétitifs.

M. Bombay : L'industrie des matières premières au Canada, dans les sous-secteurs des pâtes, du papier et du bois de sciage de l'industrie forestière, est appelée à diminuer par rapport aux autres éléments du secteur forestier. La concurrence parviendra à proposer un meilleur prix que le nôtre pendant longtemps. Je ne suis pas sûr à quel moment il y aura un nivellement des prix, mais nous faisons face à des inconvénients très nets sur les marchés mondiaux quand il s'agit de matières premières. Cela milite en faveur d'une approche fondée davantage sur la valeur ajoutée et sur d'autres types de produits dans le secteur forestier. C'est la seule chose que j'ai à dire sur ce point-là.

Le Canada peut améliorer sensiblement son image internationale en sollicitant davantage le secteur et en restant centré sur la gestion durable des forêts. Cela favorisera les efforts globaux que nous déployons pour commercialiser les produits forestiers au Canada. Nous devrions nous concentrer là-dessus. Il faut s'assurer d'être inclusif dans notre approche de gestion durable des forêts. Notre façon d'aborder les questions intéressant les Autochtones peut faire partie intégrante de l'image de l'industrie forestière au Canada.

Le sénateur Mahovlich : Quand je pense aux forêts, je pense immanquablement aux oiseaux, qui en font partie intégrante. Quel effet la catastrophe du dendroctone du pin dans le nord de la Colombie-Britannique aura-t-elle sur la population d'oiseaux dans ce coin-là?

M. Pineau : J'ai un exemplaire du dernier numéro du Forestry Chronicle, publication à laquelle j'ai déjà fait allusion, qui porte tout particulièrement sur les oiseaux. Je participe bénévolement au dénombrement des oiseaux à Noël. Cela intéresse au plus haut point un grand nombre de nos membres.

Le sénateur Mahovlich : Y a-t-il un organisme semblable à Canards illimités, par exemple, pour lequel vous travaillez?

M. Pineau : Oui. Nous travaillons de concert avec un grand nombre d'organismes. L'organisme Bird Studies Canada est assez grand, alors que Canards illimités est bien connu. Nous avons recueilli des données; de très bons rapports de recherche ont été écrits et examinés par des pairs. Certains des meilleurs chercheurs du Canada ont contribué à ce numéro. Nous avons constaté que bon nombre d'oiseaux forestiers se portent très bien, parfois au point d'augmenter en nombre, alors qu'un grand nombre des oiseaux des zones herbeuses, plus ouvertes, et des oiseaux côtiers ont tendance à diminuer. C'est basé sur les données de surveillance et de recensement d'une recherche d'une vingtaine d'années. Les populations en question fluctuent sans cesse. Nous voulons savoir ce qui se produit lorsque nous constatons que le nombre d'oiseaux diminue dans les forêts.

Pour être franc, je ne sais pas très bien quel effet direct le dendroctone du pin aura sur les oiseaux dans ces secteurs- là. Les arbres se meurent très certainement et se font couper; il y a donc la possibilité d'une augmentation du nombre d'oiseaux des prairies; c'est là une prévision éclairée, mais ce n'est qu'une hypothèse.

Le sénateur Mahovlich : Je suis étonné de savoir que les larves du dendroctone du pin n'attirent pas le pic. Dans le nord de l'Ontario, j'ai vu des pics retirer toute l'écorce d'un arbre pour atteindre les larves.

M. Pineau : Ce serait le grand pic, et il y a aussi le pic tridactyle qui mange les larves lui aussi. Tout est lié dans la forêt. Tout le monde dit que la foresterie, ce n'est pas de l'astrophysique; c'est bien plus compliqué. C'est un système naturel, et rien que nous pouvons imaginer en tant qu'être humain ne serait aussi compliqué qu'un système naturel, car tout est lié.

Le sénateur Mahovlich : Est-ce la première fois que nous avons affaire au dendroctone du pin?

M. Pineau : À une telle échelle, c'est la première fois.

Le sénateur Mahovlich : Les Autochtones le connaissent bien.

M. Bombay : Le dendroctone du pin est une espèce indigène dans cette forêt-là. Le problème, c'est que le réchauffement de la planète est tel que les températures hivernales ne sont plus suffisamment froides pour lui donner le coup de grâce.

Le sénateur Mahovlich : Le dendroctone est venu d'Europe.

M. Pineau : C'est une espèce indigène des pinèdes de la Colombie-Britannique. Il faut des températures inférieures à 20 degrés Celsius pendant deux ou trois semaines pour que les larves meurent.

Le sénateur Fairbairn : C'est cela, et nous n'avons pas ces températures-là.

M. Bombay : Cela doit avoir un effet sur les oiseaux.

M. Pineau : Oui, ça a certainement un effet.

M. Bombay : Une chercheure de l'Université de l'Alberta, Fiona Schmiegelow, a signé récemment une étude sur les oiseaux. Je ne serais pas étonné que le dendroctone du pin figure parmi les facteurs qu'elle étudie.

M. Pineau : Il faudrait que j'y jette un coup d'œil moi-même.

Le président : Monsieur Pineau, pourriez-vous fournir au comité l'étude dont vous disposez sur les oiseaux et l'impact de ce phénomène?

M. Pineau : Oui. Je peux vous laisser cela.

Le président : Vous avez soulevé quelques questions. Je vais commencer par M. Bombay.

À la page 7 de votre mémoire, vous dites vouloir réitérer le fait qu'il y a plus d'une industrie et de nombreux autres intervenants ayant un intérêt économique dans l'affaire.

Pourriez-vous commenter cette affirmation-là et nous donner plus de précisions, monsieur Bombay?

M. Bombay : Comme je l'ai dit, il y a au Canada la grande industrie forestière qui est surtout synonyme de matières premières. Il y a aussi l'industrie à valeur ajoutée, la seconde transformation, les produits forestiers autres que le bois et les nouveaux produits bioforestiers de diverses catégories. Nous nous attendons à voir aussi une activité économique importante du côté des biens et services écologiques, de même la création de marchés pour les services en question au fil du temps.

Voilà, de manière générale, certaines des autres industries dont il est question. Il n'y a pas que la grande industrie forestière. Là où je veux en venir, c'est que l'ensemble de la recherche-développement et des mesures de soutien gouvernemental est destiné aux grandes industries, mais que les autres n'ont pas droit à un soutien semblable. Les meilleures possibilités de développement pour les Autochtones se situent justement dans certaines des autres industries en question.

Il n'y a pas que des Autochtones dans ces autres secteurs; il y a de nombreux autres intervenants. Au Canada, il y a beaucoup de gens organisés autour des forêts communautaires. Les communautés autres qu'autochtones y sont pour beaucoup dans les décisions touchant la ressource et la façon dont les ressources forestières sont mises en valeur. Le soutien accordé à ces autres champs d'intervention est insuffisant. Le gouvernement fédéral devrait soutenir les communautés autochtones en particulier, étant donné sa responsabilité constitutionnelle envers les peuples autochtones.

Le président : Je vois aussi, à la page 2 de votre document, monsieur Bombay, que les Premières nations détiennent une participation dans une cinquantaine de petits établissements de transformation du bois. C'est une infime fraction des 3 550 établissements du genre au pays. Il y est dit que les chiffres ne sont pas à jour.

M. Bombay : Je crois que ces statistiques proviennent de l'édition 2005-2006 du rapport sur l'état de la forêt, de Ressources naturelles Canada. Les établissements de transformation du bois, ce sont des usines et scieries de diverses catégories. Nous détenons une participation dans une cinquantaine d'entre elles environ. Par exemple, là d'où je viens, dans le Nord-ouest de l'Ontario, et dans notre communauté, la Manitou Forest Products fabrique des produits à valeur ajoutée. Son petit établissement produit du bardage de pin pour l'intérieur et l'extérieur, de même que divers types de moulures. L'entreprise est un franc succès. Contrairement à la grande société AbitibiBowater, nous avons fait des profits l'an dernier.

Nous avons de petits établissements, de même que des établissements qui fabriquent des produits de base. Nous avons une scierie en Saskatchewan et une entreprise de produits forestiers au Québec — entreprises qui appartiennent à des intérêts autochtones, mais qui ont dû fermer leurs portes en raison du ralentissement de l'industrie. Ce ne sont que quelques-uns des exemples que l'on pourrait donner; il y en a beaucoup plus.

Souvent, les communautés autochtones détiennent une participation dans des établissements de transformation du bois conjointement avec d'autres entités, ce qui s'est révélé être une bonne affaire. Une des difficultés que nous éprouvons dans le secteur, c'est la mobilisation des capitaux nécessaires pour investir dans ce genre d'établissements. Souvent, nous optons pour la coentreprise.

Le président : Monsieur Pineau, j'aimerais savoir ce que vous pensez de cela. Votre communiqué de presse donne le pourcentage des forêts traitées et bénéficiant d'une régénération assistée au Canada, territoires exclus. Pourriez-vous nous expliquer cela?

Sous la rubrique du Québec, par exemple, on voit que c'est 20 p. 100 en 1982-1983 et 67 p. 100 en 2005-2006. Toutes les provinces et même les territoires plantent des arbres et appliquent les principes de la sylviculture et de la gestion forestière.

M. Pineau : Oui.

Le président : Pourriez-vous expliquer cela aux sénateurs. Nous souhaitons disposer de renseignements appropriés sur les statistiques données.

M. Pineau : Pour mettre les statistiques en contexte, je dirai ceci : lorsque vous exploitez la forêt, il faut savoir que les arbres vont repousser d'une façon ou d'une autre. Si vous laissez la nature le faire elle-même, parfois c'est suffisant; ça se régénère. Dans certains cas, c'est le remède à prescrire — essentiellement, on n'y touche pas, les arbres repousseront. Ce n'est pas comme si on avait tout asphalté, puis que plus rien ne peut pousser. C'est donc une approche raisonnable dans certains cas. Dans d'autres encore, nous voulons rétablir la forêt d'une certaine façon et dans un délai donné, pour qu'elle demeure viable à long terme du point de vue de l'entreprise ou de l'organisme qui s'en sert.

Nous pouvons employer différents types de sylvicultures. En Ontario, on parle de la méthode naturelle, de la méthode extensive, de la méthode de base, de la méthode intensive et de la méthode élite. Ce sont les méthodes de sylviculture qui s'emploient de manière générale. Commençons par la méthode naturelle. Nous coupons les arbres, mais nous n'avons pas à régénérer la forêt de quelque façon directe, car elle se régénère elle-même comme nous la voulons. À l'autre extrémité de l'échelle, il s'agit essentiellement d'un élevage de fibre, pour ainsi dire. Nous voulons préparer les lieux soigneusement avant de planter, puis il y a les soins et l'éclaircissement, puis il faut s'assurer que la forêt repousse telle que nous la voulons. Il y a tous les degrés entre les deux extrêmes.

Essentiellement, les statistiques que vous avez devant les yeux nous disent qu'une assistance humaine est appliquée dans un certain pourcentage des zones en question. Le pourcentage où ce n'est pas le cas, c'est celui où la forêt est appelée à se régénérer d'elle-même.

En tant que professionnels de la forêt, nous disons que nous pourrions en faire plus pour que certaines de ces zones- là se rétablissent comme nous le voudrions. Il pourrait y avoir une régénération plus rapide et meilleure en vue des différents usages envisagés, qu'ils soient écologiques ou économiques.

Le président : Devrions-nous encourager une plus grande plantation ou encore la régénération naturelle?

M. Pineau : Nous devrions opter pour la régénération. Comme bon nombre de nos membres, je suis d'avis que nous pouvons en faire plus pour favoriser la régénération, ce qui serait avantageux pour tous.

Nous souhaitons qu'il y ait divers types de forêts. Nous ne voulons pas d'une seule et unique forêt partout. En agissant de manière proactive, nous pouvons aménager divers types de forêts pour encourager la biodiversité et aboutir à des structures d'âge, des catégories et des schèmes variables. Nous pouvons en faire plus de ce côté-là, sur certains territoires.

Le président : Par exemple, le Nouveau-Brunswick a commencé à planter ses arbres. Le chef de file en Amérique du Nord, c'est la famille Irving. J'aimerais disposer de plus de renseignements sur la régénération par rapport à la plantation et sur les peuplements de feuillus et de résineux, en tenant toujours compte de l'impact possible sur les Autochtones du Canada.

Nous sommes tous soucieux de la notion de gestion durable des forêts; nous savons que l'industrie de demain ne sera pas la même, étant donné les pressions liées au marché; et nous devons songer aux conséquences de nos actes pour l'environnement. Avez-vous quelque chose à dire à propos de la certification forestière qui sert à des fins environnementales?

M. Pineau : Il est bien qu'une tierce partie se penche sur la situation. Il n'y a pas que l'industrie ou l'entreprise qui est visée par l'évaluation; il y a aussi le processus et la réglementation du gouvernement. Dans certains cas, et à certains égards, la certification indépendante est encore plus rigoureuse que la réglementation gouvernementale.

Ça n'a pas forcément à être une confirmation que tout est beau, tout est parfait. Nous devons toujours remettre en question les procédés de certification et nous assurer qu'ils s'appuient sur des normes rigoureuses.

Tout de même, la certification est une mesure positive, de manière générale. Elle n'est pas parfaite, mais, de plus en plus, les forêts et les exploitations forestières font l'objet d'une certification, et les gens exigent des produits certifiés, de savoir que ce qu'ils achètent provient d'une forêt certifiée aux fins du développement durable, ou tout au moins ils se sentent bien de faire un tel achat : tout cela, c'est un progrès.

Il existe divers organismes de certification. Je connais plus ou moins leurs points forts et leurs points faibles. Toutefois, de manière générale, c'est une bonne chose.

Le président : Ai-je raison de dire que, dans certaines des régions de notre grand pays, la régénération naturelle est une option, alors que, dans d'autres, il faut regarder du côté de la sylviculture, de l'éclaircie commerciale et de la plantation?

M. Pineau : Je crois qu'il y a toute une gamme d'options. Ça dépend de l'état de la forêt, du type de sol auquel on a affaire. C'est très compliqué. C'est cela, essentiellement.

Cela nous ramène à la discussion sur la tenure que nous avons eue avec M. Bombay. Il faut certainement réformer la tenure dans le contexte. J'ai entendu le terme « zonage » appliqué à la planification de la sylviculture et de la gestion des forêts, en rapport avec des petites surfaces qui sont peut-être récoltées ou autrement exploitées. Essentiellement, le souci premier, c'est la production de fibres — c'est peut-être 10 p. 100 ou 20 p. 100 des terres forestières productives —, puis le zonage d'autres parties de la forêt prévoit des pratiques sylvicoles moins envahissantes. C'est toute une gamme d'approches qui s'appliquent.

M. Bombay : Je voudrais réagir à la question que vous avez posée à propos de la certification. S'il y a des systèmes de certification aux fins de la gestion durable des forêts au Canada et dans le monde, la raison principale en est que les gouvernements n'ont pas adopté les politiques nécessaires pour soutenir ce que les gens considèrent comme étant une gestion durable de la forêt.

Si les gouvernements avaient bien appliqué la notion de gestion durable des forêts — avec les aspects sociaux, écologiques et économiques de la foresterie que cela suppose —, la certification ne serait probablement pas nécessaire. La certification visait à pallier les lacunes de la politique des gouvernements. Ce sont d'abord et avant tout les groupes environnementalistes qui l'ont préconisée dans le monde.

Au Canada, nous avons trois systèmes de certification : l'Association canadienne de normalisation, l'ACNOR; le Sustainable Forestry Initiative, ou SFI, système américain; et le Forest Stewardship Council, ou FSC, organisme international qui a son siège en Allemagne, mais qui compte un bureau canadien.

Tous les systèmes de certification ne naissent pas égaux. Les trois qui ont été implantés au Canada comportent de très grandes différences. Ils sont différents dans le sens où les trois domaines évoqués sont différents — le social, l'écologique et l'économique —, si bien qu'ils ne traitent pas les problèmes de la même façon.

À la National Aboriginal Forestry Association, nous appuyons la certification FSC, car c'est la seule qui inscrit les droits des Autochtones dans ses principes et critères. Selon nous, les deux autres certifications, celle de l'ACNOR et du SFI, n'améliorent pas vraiment la situation du point de vue des Autochtones. De fait, elles reprennent simplement les normes provinciales concernant la participation des Autochtones au processus.

À nos yeux, du point de vue social, ces deux systèmes-là sont très loin de ce qui nous paraît nécessaire en gestion durable de la forêt. Nous appuyons donc la certification FSC. Nous aimerions collaborer avec les responsables des autres systèmes de certification forestière pour relever leurs normes à ce sujet. Nous espérons qu'ils seront disposés à le faire. Sinon, nous préférerions que ce soit les produits certifiés FSC qui prennent plus de place sur le marché international des produits forestiers.

Le président : Au nom du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, messieurs Pineau et Bombay, je vous remercie tous les deux de nous avoir présenté un exposé et d'avoir répondu à nos questions. Cela ne fait aucun doute dans nos esprits, l'échange a été enrichissant. Le comité vous remercie.

Je vais demander aux sénateurs que nous allions à huis clos pour mettre la dernière main à un autre point urgent à l'ordre du jour.

M. Bombay : Je n'ai pas présenté dans les formes deux documents que j'ai laissés au comité. Le premier, intitulé The Strategic Federal Support for the Aboriginal Forest Sector, avait été conçu pour le ministère des Affaires indiennes et du Nord du Canada, qui avait demandé un avis sur la mise sur pied d'un cadre stratégique pour le développement chez les Autochtones qu'il préparait. C'est notre contribution à cette démarche, qui reflète aussi les recommandations que nous avons présentées aujourd'hui; ce document particulier renferme des précisions.

L'autre document, intitulé Aboriginal Centre for Research and Development Focussed on Commercialization of Forest Products and Services, traite de la commercialisation des produits forestiers d'un point de vue autochtone. De même, c'est un des éléments qui figurent dans l'exposé sommaire que je vous ai présenté. Le document en question renferme des précisions sur la question et a un exposé justificatif.

Le président : Encore une fois, merci, messieurs Bombay et Pineau, d'être venus comparaître aujourd'hui.

(Le comité poursuit ses travaux à huis clos.)

—————

(Le comité poursuit ses travaux en séance publique.)

Le président : Nous sommes maintenant en séance publique.

L'un d'entre vous souhaite-t-il proposer l'adoption du budget législatif de 3 850 $?

Le sénateur Fairbairn : J'en fais la proposition.

Le président : C'est donc adopté. Quelqu'un veut-il proposer que nous adoptions le budget de 16 210 $ pour l'étude sur l'agriculture?

Le sénateur Poulin : J'en fais la proposition.

Le président : C'est adopté.

Le sénateur Cordy : Ne devrions-nous pas voter?

Le sénateur Housakos : Le président dit que c'est adopté.

Le président : La greffière m'a signalé que nous n'avons pas à demander le vote.

Josée Thérien, greffière du comité : Ce n'est pas ce que voulais dire.

Le président : Voulez-vous nous éclairer?

Mme Thérien : Il suffit que vous demandiez aux gens s'ils sont d'accord avec la motion.

Le président : Je vais m'acquitter de mes responsabilités, mais je vous prie de m'aider. Êtes-vous d'accord pour que nous adoptions le point 1 du budget?

Des voix : D'accord.

Le président : C'est adopté. Êtes-vous d'accord pour que nous adoption le point 2 du budget?

Des voix : D'accord.

Le président : Quelqu'un veut-il proposer que nous adoptions le budget de 17 460 $ pour l'étude sur le secteur forestier?

Le sénateur Mahovlich : J'en fais la proposition.

Le président : Êtes-vous d'accord?

Des voix : D'accord.

Le président : C'est adopté.

Le sénateur Cordy : La première façon de procéder était plus rapide.

Le président : C'est la démocratie.

Merci beaucoup, honorables sénateurs. Notre prochaine réunion aura lieu mardi, la semaine prochaine.

(La séance est levée.)


Haut de page