Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 6 - Témoignages du 9 juin 2009


OTTAWA, le mardi 9 juin 2009

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 18 h 25 pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, je vois que nous avons le quorum. Je déclare donc la séance ouverte.

J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Carl Marcotte à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

[Traduction]

Je m'appelle Percy Mockler. Je suis du Nouveau-Brunswick et je suis président du comité.

Je voudrais que les membres du comité qui sont ici se présentent eux-mêmes. Je voudrais que la vice-présidente, le sénateur Fairbairn, commence.

Le sénateur Fairbairn : Je vous souhaite la bienvenue. Je suis le sénateur Joyce Fairbairn de Lethbridge, en Alberta.

Le sénateur Mahovlich : Je suis Frank Mahovlich, de Toronto, en Ontario.

Le sénateur Cordy : Je suis le sénateur Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse. Soyez le bienvenu.

Le sénateur Eaton : Je suis le sénateur Nicole Eaton, de l'Ontario.

Le sénateur Johnson : Je suis Janis Johnson, un sénateur du Manitoba, et je remplace le sénateur Housakos, de Montréal. Je suis heureuse d'être ici.

[Français]

Le sénateur Rivard : Mon nom est Michel Rivard, sénateur de la région de Québec.

[Traduction]

Le sénateur Duffy : Je suis le sénateur Mike Duffy, de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le président : Le comité poursuit son étude sur l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada. Depuis le début de notre étude, nous avons entendu de nombreux témoins faire des commentaires sur les difficultés d'accès au crédit pour les entreprises forestières. À la dernière séance, nous avons décidé d'entendre des témoignages à ce sujet.

[Français]

Au début de notre étude, nous avons entendu plusieurs témoins nous parler des difficultés d'accès au crédit pour les entreprises forestières.

[Traduction]

Nous vous souhaitons la bienvenue, monsieur Marcotte. Vous représentez Exportation et développement Canada et vous êtes vice-président du Groupe des ressources. Je vous invite maintenant à faire votre exposé. Il sera suivi d'une période de questions.

[Français]

Je vous invite maintenant à prendre la parole.

Carl Marcotte, vice-président, Groupe des ressources, Exportation et développement Canada : Merci, monsieur le président et membres du comité, de me donner l'occasion de m'exprimer devant vous aujourd'hui.

Votre étude est importante et arrive à un bon moment étant donné les défis que présente l'environnement économique actuel.

[Traduction]

L'accès au crédit est, comme vous le savez, essentiel pour toutes les compagnies, quelle que soit leur envergure. À titre de société d'État, Exportation et développement Canada joue un rôle important pour aider les compagnies canadiennes à obtenir du crédit supplémentaire et pour les protéger contre les divers risques auxquels elles sont exposées dans le contexte des affaires internationales. C'est là notre mandat. C'est la raison pour laquelle le gouvernement du Canada l'a créée il y a près de 65 ans.

Que fait EDC? En gros, nous fournissons des solutions commerciales de financement et une vaste gamme de produits d'assurance pour aider les entreprises à investir et à exporter à l'échelle internationale.

Nous faisons notamment des prêts aux entreprises étrangères pour les aider et les encourager à se procurer des biens et des services au Canada. Nous fournissons aux exportateurs des prêts de fonds de roulement pour les aider à respecter les conditions de leurs contrats. Nous faisons également des prêts visant à aider les compagnies canadiennes à investir à l'étranger. Nous donnons des garanties aux banques pour les inciter à faire davantage pour les exportateurs et pour les entreprises canadiennes qui investissement également à l'étranger. Nous offrons des assurances qui couvrent les compagnies canadiennes contre divers risques commerciaux, notamment le non-paiement de comptes recevables et divers risques politiques. Nous fournissons des services de cautionnement qui aident les compagnies canadiennes à garantir l'exécution de leurs obligations contractuelles. Enfin, nous avons un petit nombre de programmes de participation au capital, surtout dans le secteur de la technologie de pointe.

EDC offre tous ces services directement ou en partenariat avec ses nombreux partenaires dans les institutions financières et banques canadiennes. Elle applique toujours des principes commerciaux — c'est très important pour elle — et ne reçoit pas de crédits parlementaires annuels.

Permettez-moi de parler brièvement du secteur agricole et du secteur forestier, afin de faire ressortir la différence entre les deux.

Comme nous le savons tous, la foresterie est essentielle à l'économie canadienne. Elle représente plus de 2 p. 100 du PIB et quelque 300 communautés, d'un bout à l'autre du pays, comptent sur cette industrie. Elle est fortement tributaire du commerce international; la plupart de ses produits sont exportés quelque part dans le monde.

Le recul économique actuel a engendré de sérieux défis pour l'industrie et a forcé des entreprises de toutes tailles, des très petites aux très grosses, à repenser leur modèle de fonctionnement et à se restructurer. Nous sommes témoins d'une forte restructuration financière, principalement en raison de la concurrence accrue de producteurs étrangers, de la faiblesse extrême de la demande de bois d'œuvre et de papier journal aux États-Unis et, plus généralement, de la faiblesse de la demande mondiale pour tous les aspects des exportations de l'industrie.

L'industrie canadienne du bois d'œuvre subit actuellement une transformation radicale et connaît de très grandes difficultés économiques à la suite de l'effondrement du marché immobilier résidentiel aux États-Unis.

À EDC, la foresterie compte parmi les secteurs les plus importants. En 2008, nous avons aidé 534 entreprises forestières différentes à exporter ou à investir à l'étranger, ce qui a représenté une hausse de 12 p. 100 par rapport à l'année précédente. La valeur totale des exportations ou des investissements que nous avons financés a été supérieure à 14 milliards de dollars canadiens, pour nos différents produits.

Cette année, nous avons déjà servi près de 500 forestières. Nous dépasserons le nombre d'entreprises que nous avons servies l'année dernière; nous aiderons davantage d'entreprises et nos volumes d'activités sont déjà sur le point de dépasser ceux de l'année dernière.

Par contre, notre point de vue sur l'agriculture est que le secteur semble connaître un peu moins de difficultés. Les cours de nombreux produits ont fortement baissé par rapport aux records de l'an dernier mais, dans bien des cas, ils sont encore supérieurs aux moyennes historiques à long terme. EDC est très active dans le secteur horticole, dans toutes les cultures spéciales, et surtout dans l'exportation du matériel et de la machinerie agricoles, qui est un secteur important pour nous. Plus de 400 entreprises du secteur agricole canadien ont été soutenues l'année dernière et nous avons fourni de l'aide pour un montant total d'environ 1,6 milliard de dollars.

Les services d'EDC sont nécessaires lorsque l'économie marche bien, mais ils le sont particulièrement lorsque les temps sont durs. Nous estimons que nous devons nous appliquer à faire toujours plus, à aider davantage de clients de façons plus créatives, surtout lorsque les temps sont durs. C'est notre objectif pour nos clients.

Dans le contexte du Plan d'action économique du Canada, on a accordé encore plus de flexibilité financière à EDC pour lui permettre de faire davantage dans son espace traditionnel pour sa clientèle. En outre, son mandat a été prolongé de deux ans pour lui permettre d'offrir les mêmes prêts et les mêmes polices d'assurance aux entreprises actives sur le marché intérieur et ce, pour essayer de les aider à faire plus.

Il est important de noter qu'EDC évolue dans la sphère commerciale, comme toute autre banque et que, comme une banque, elle exige que ses clients soient solvables; elle doit avoir confiance dans leur plan d'affaires et comprendre comment ils rembourseront les prêts dans les délais.

EDC doit, bien entendu, se conformer aussi aux règlements des différents accords commerciaux internationaux du Canada, comme l'Accord sur le bois d'œuvre résineux. Par conséquent, elle ne peut pas accorder de subventions, à quelque industrie que ce soit, et elle ne le fait pas.

Nous estimons qu'elle fait le maximum de ce qu'elle peut faire pour les secteurs forestier et agricole du Canada et elle s'efforce toujours de faire davantage. Elle aide surtout les forestières en aidant leurs banques, en offrant des garanties et des prêts, outre ceux que leur font déjà ces banques, et en offrant à celles-ci des garanties pour les inciter à faire davantage pour les clients communs. En outre, nous aidons à combler les vides créés par le départ du marché de certaines banques étrangères. C'est un phénomène important depuis le début de la crise, qui a créé un certain nombre de vides. Les banques américaines en particulier ont dû se retirer du marché.

Notre assurance comptes clients donne également une couverture importante à ces exportateurs en les aidant à couvrir les pertes dans le cadre de leurs contrats d'exportation; nous couvrons jusqu'à 90 p. 100 du coût. Cette assurance, qui les aide à dormir la nuit et leur permet peut-être d'offrir de façon plus agressive des conditions favorables pour décrocher davantage de contrats et accroître leur chiffre d'affaires, leur permet également de financer leurs activités. Comme un grand nombre d'entre vous le savent certainement, les entreprises canadiennes empruntent généralement en mettant leurs actifs les plus liquides en garantie : leurs comptes à recevoir. C'est le meilleur moyen qu'ont les banques de financer les entreprises. Si les comptes à recevoir sont sur des marchés très éloignés, ils ne sont peut-être pas très intéressants pour un banquier.

S'ils sont assurés par EDC, la valeur et la vigueur de ces actifs en sont considérablement accrues, même s'ils sont assurés par le secteur privé. Par conséquent, les banquiers peuvent accroître leur marge et faire des prêts plus importants avec ces comptes clients en garantie, s'ils sont assurés, et cela peut accroître considérablement les fonds de roulement de ces exportateurs.

Nous travaillons en étroite collaboration avec nos partenaires du secteur bancaire pour stimuler cette façon de procéder et veiller à ce qu'ils tirent le maximum de notre assurance.

Le recul économique nous l'a appris, les compagnies canadiennes — surtout celles de ce secteur — doivent se diversifier en dehors de nos marchés traditionnels. Pour que le secteur reste concurrentiel, aujourd'hui et à l'avenir, il doit pénétrer les chaînes d'approvisionnement mondiales d'un plus grand nombre de pays et de nouveaux pays. Beaucoup de nos clients le font déjà et voient leur entreprise prospérer en conséquence. Nous travaillons en très étroite collaboration avec le secteur forestier pour stimuler son intérêt dans les coentreprises et les investissements à l'étranger et modifier son approche pour ce qui est de travailler avec des chaînes d'approvisionnement différentes.

À titre d'exemple, en collaboration avec les délégués commerciaux du MAECI, nous organisons plusieurs missions commerciales en Russie et au Chili, qui sont des marchés de destination très importants pour une forte proportion du matériel et de l'expertise canadiens en foresterie. L'objectif est de présenter des acheteurs étrangers à des fournisseurs canadiens qui ont les capacités et l'expertise, dans l'espoir d'encourager quelques ententes contractuelles.

[Français]

Une de nos équipes sectorielles, l'équipe de ressources, se consacre à la foresterie, à l'agriculture et la pêche, et nos représentants à l'étranger travaillent sur place, dans ces pays émergents clés. Nous sommes donc bien équipés pour maximiser ces relations.

Je vous remercie de votre attention, et je répondrai à vos questions avec plaisir.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Merci d'avoir accepté notre invitation. Nous espérons que vous pouvez nous aider à trouver certaines réponses alors que nous avons déjà identifié certains problèmes.

La question de la diversification, ce qu'on est en train de faire dans l'industrie forestière, a occupé une place très importante dans nos discussions. Les gens ont bon espoir qu'après cette crise, la situation s'améliorera. Cependant, personne ne m'a encore convaincu de ce que, en pleine crise, nous prenons le temps de nous réoutiller, et pas seulement au niveau des usines, mais aussi à celui des ventes. C'est au niveau des ventes que se situe notre problème. Nous pouvons produire tout aussi bien que n'importe quel autre pays mais, si nous n'avons pas sur place des personnes pour vendre nos produits, nous aurons des difficultés.

Dans votre mémoire, vous dites que le MAECI et EDC planifient des missions commerciales en Chine et en Russie pour l'automne 2009. C'est important. Je vous souhaite bonne chance à tous. Je suis toutefois davantage préoccupé au sujet de la présence actuelle sur place, de façon régulière, dans nos ambassades.

Les employés de nos ambassades suivent-ils une formation spéciale pour donner de l'information sur l'avenir du secteur forestier canadien — pas sur ce qu'il était en 2008 ou au début de 2009, mais sur l'aspect qu'il aura en 2010 ou au début de 2011, quand nous nous serons sortis de ce marasme?

M. Marcotte : C'est une des principales questions que nous abordons constamment avec nos clients. J'ai de la chance de connaître la plupart des PDG et des directeurs financiers des grandes forestières et d'un grand nombre d'entreprises de taille moyenne. Ce sont tous des clients, comme vous pouvez l'imaginer aisément, sans vouloir révéler de secrets. Nous avons consacré beaucoup de temps à être à l'écoute de leurs besoins et à essayer de comprendre les occasions qu'ils perçoivent. Nous travaillons préventivement avec eux sur les marchés concernés afin de découvrir d'autres possibilités de leur fournir un soutien financier pour les aider à saisir ces occasions.

De nombreuses entreprises du secteur cherchent activement à l'étranger des débouchés du type de ceux auxquels vous pensez. En ma qualité de petit représentant commercial du Service des délégués commerciaux, j'ai constaté que, sur tous les marchés que j'ai visités où il y a des activités forestières, on est bien informé sur les capacités canadiennes, que ce soit dans le secteur de l'équipement pour les scieries, à une petite échelle, ou qu'il s'agisse des grandes compagnies qui sont à la recherche de coentreprises ou de partenariats.

Je pense que les capacités existent. J'estime que la plupart des entreprises canadiennes ont compté beaucoup sur le marché américain. Elles le reconnaissent elles-mêmes. C'est un excellent marché pour vendre ses produits lorsque la conjoncture est favorable et elles ont eu tendance à se concentrer sur ce marché.

Un fort pourcentage des intervenants de la côte Ouest ont déployé des efforts considérables pour se diversifier et trouver des débouchés en Corée, en Chine et dans d'autres régions du monde. En période de crise, ils ont constaté qu'ils devaient amorcer un certain repli. Un grand nombre d'entreprises tirent en fait pleinement parti de tous les différents programmes de développement de marchés que le MAECI a mis en place. Elles ont investi elles-mêmes des fonds dans des efforts de diversification et de développement de ces marchés. Un grand nombre de ces marchés ne connaissent pas très bien la construction à ossature en bois et, par conséquent, les missions ont du travail à faire sur ces marchés pour aider les personnes qui pourraient être intéressées à comprendre comment se construit une maison avec du bois.

La plupart des entreprises très dynamiques le font, mais leur bilan financier a été très réduit au cours des dernières années. Nous nous rendons compte du fait que, pour elles, cette crise n'a pas débuté en décembre dernier, mais en 2006, comme vous le savez très bien. Elles ont essayé de survivre au cours des trois dernières années et ont de plus en plus de difficulté à y arriver.

Le sénateur Mercer : Vous dites que les intervenants de la côte Ouest ont examiné cette option. Je voudrais qu'on passe à la côte Est, d'où nous venons, le sénateur Cordy et moi. Si on passe par le canal de Suez, le port de Halifax est plus proche du Sud de la Chine, de l'Inde et de l'Indonésie que les ports de la côte Ouest. Lorsque les travaux d'élargissement du canal de Panama seront terminés, les ports de la côte Ouest seront plus proches. Nous sommes en tout cas plus proches que d'autres ports de la côte Est et aussi que les ports de la côte Ouest.

Je ne veux pas dire qu'EDC aura la réponse à toutes les questions, mais elle interviendra probablement, et c'est pourquoi je vous pose la question. Coordonne-t-on les efforts pour adopter une tactique pancanadienne et commercialiser les produits de l'est du Canada en même temps que le bois d'œuvre de la Colombie-Britannique et de l'Alberta? Nous produisons surtout de la pâte à papier, mais nous pouvons offrir de nombreux autres produits par le biais de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, du Québec et du Nord de l'Ontario. Grâce à nos ressources, nous avons de nombreux produits et aussi de nombreux produits potentiels. Ça ne m'intéresse pas beaucoup d'expédier de la matière première vers l'Inde, vers la Chine et vers l'Indonésie pour que ces pays la transforment et expédient des produits finis pour nous les vendre. Je préférerais que nous formions des coentreprises pour pouvoir ajouter de la valeur au processus. Nous ne pouvons plus rester les bûcherons et les porteurs d'eau que nous étions pour les autres pays. Nous devons chercher un moyen de nous sortir de ce marasme. Y a-t-il un plan directeur? Est-ce que le MAECI ou un autre organisme aide à rassembler tous les intervenants?

M. Marcotte : J'ai vu de gros producteurs travailler en étroite collaboration au développement de ports, par exemple à celui de Churchill, au Manitoba, pour ouvrir une voie maritime plus directe vers la Russie. Le MAECI a examiné plusieurs investissements et les grandes compagnies aussi. Ils coordonnent leurs efforts. Nos amis d'une grande entreprise familiale de la côte Est font preuve de beaucoup de dynamisme et vendent activement à l'échelle mondiale. L'activité est intense. Où cela fonctionne pour eux, c'est au niveau des gens d'affaires. Je ne connais pas de lobby cohérent regroupant tous les différents secteurs de l'industrie, qui est quelque peu fragmentée et partagée entre différentes parties du pays.

Le sénateur Mercer : Je comprends la fragmentation, car il s'agit uniquement d'entreprises privées. Je sais que la famille à laquelle vous avez fait allusion, ce sont les Irving, du Nouveau-Brunswick. Ils sont concurrentiels à l'échelle mondiale. Une des choses que nous, c'est-à-dire le gouvernement, apportons à la discussion, c'est une perspective pancanadienne, afin de vendre du bois d'œuvre qui pourrait avoir été récolté au Cap-Breton, ou à Grand Falls, au Nouveau-Brunswick, ou encore à Maniwaki, au Québec.

Le fait qu'il ne semble y avoir aucune coordination des efforts me préoccupe. J'apprécie le travail que fait EDC et je ne critique pas. Je voudrais toutefois avoir une réponse.

M. Marcotte : C'est probablement en dehors de notre ressort.

Dernièrement, nous avons rencontré les PDG de toutes les entreprises membres de l'Association des produits forestiers du Canada. Nous avons assisté au petit déjeuner des PDG Dix-sept des PDG des 18 ou 19 compagnies membres de l'association assistaient à la rencontre. Alors que je les écoutais discuter de leurs problèmes, je me suis rendu compte qu'ils étaient très synchronisés, dans l'ensemble du pays. Ce sont des concurrents à tous les égards, mais ils éprouvent un grand respect mutuel. Ils travaillent ensemble dans certains domaines, là où ils ont des intérêts communs. J'ai été étonné de constater tout ce qu'ils avaient en commun et à quel point ils collaboraient efficacement. J'ai été ravi de voir l'esprit de camaraderie qui régnait entre eux et de constater que, lorsqu'ils intervenaient, c'était à l'unisson.

Le sénateur Eaton : Monsieur Marcotte, dans votre exposé vous avez expliqué que vous jouiez en très grande partie le rôle d'une banque. En ces temps plutôt difficiles pour le secteur forestier, avez-vous constaté que votre liberté d'action était sujette à certaines restrictions?

M. Marcotte : Comme vous le savez, nous avons un mandat commercial et avons par conséquent des conditions de type commercial. Le domaine dans lequel nous pouvons ajouter beaucoup de capacité est en prenant davantage de risques et en le faisant pour de plus longues périodes. Nous ne sommes pas obligés de maximiser les profits comme le ferait peut-être une institution financière privée. Nous cherchons à maximiser les résultats et à soutenir les compagnies en faisant davantage pour elles. Nous avons un bilan financier et une dilution des risques tels que nous pouvons prendre davantage de risques et pour plus longtemps. C'est la valeur que nous apportons aux banquiers.

Nos partenaires du secteur banquier nous mettent au courant des vides et nous essayons d'intervenir et de faire notre possible pour maintenir le flux du crédit. Compte tenu de la profondeur de la crise qui se préparait depuis deux ans et demi, lorsque tout le reste a flanché, au mois de septembre, de nombreuses banques ont éprouvé de la difficulté à cause de la façon dont les analystes les traitent et de la perception qu'on de nombreuses personnes à leur égard. Le secteur a été considéré comme présentant un tel risque que de nombreuses banques ont ressenti le besoin de réduire et de restreindre les prêts. C'est un aspect nécessaire de leur façon de gérer leurs affaires. De nombreuses banques étrangères ont décidé de disparaître sans plus tarder. C'était devenu difficile pour elles de rester sur le marché.

D'une façon générale, notre objectif pour cette année est de collaborer avec elles pour combler ces vides. Bien que c'est ce que nous sommes en train de faire, il y a certaines restrictions auxquelles nous n'arrivons pas à échapper. Les marchés ont été décimés pour certains produits et ils ont complètement disparu pour d'autres. C'est la raison pour laquelle plusieurs fabriques et scieries ont dû amorcer un repli dans certaines régions. Elles n'ont pas de clients et, par conséquent, pas de recettes; elles ne peuvent donc pas assumer une telle dette. En collaboration avec les banques et avec la Banque de développement du Canada (BDC), nous nous efforçons d'équilibrer les besoins des compagnies pour leur permettre de survivre à ce que nous percevons comme une crise importante, jusqu'à l'année prochaine, date à laquelle nous espérons que les ventes augmenteront.

Nous tentons de les aider à se positionner de façon à devenir des productrices à faible coût à la reprise des marchés, l'année prochaine. Notre objectif avec nos partenaires du secteur bancaire et la BDC est d'essayer de permettre à toutes les compagnies du secteur de traverser cette période de crise avec un plan d'affaires approprié.

Le sénateur Eaton : Je crois comprendre que vous n'êtes pas là pour les restructurations. Si je suis dans le secteur de la pâte et que le marché a disparu, n'avez-vous pas pour mission de m'aider à restructurer mon entreprise?

M. Marcotte : C'est exact. Dans ce cas, nous nous réunissons fréquemment avec les représentants de ces entreprises pour discuter avec eux, afin de trouver le conseiller financier qui peut les aider à se restructurer. Si elles ont besoin de restructurer leur dette tout de suite, nous pouvons les aider avec la BDC. Nous nous réunissons et discutons des possibilités, mais elles doivent remanier elles-mêmes leur plan d'affaires.

Le sénateur Eaton : Pensez-vous qu'il y ait pour un organisme comme le vôtre un besoin d'aider en matière d'innovation, notamment dans le domaine de la recherche universitaire, et d'aider une entreprise à la transposer en produits commerciaux?

M. Marcotte : Je travaillais dans le secteur de la haute technologie il y a de cela des années. On ressent un besoin réel d'innovation dans ce secteur, dans des domaines comme la biomasse et les usines de cogénération qui réduisent les coûts et les empreintes éco-environnementales. Il y a apparemment une activité intense dans ce domaine. Cependant, certains projets intéressants ont dû être abandonnés provisoirement en raison de la présente crise économique.

Le sénateur Eaton : Ce n'est pas un organisme.

M. Marcotte : Il n'y aurait peut-être pas suffisamment de capital ou le moment serait peut-être mal choisi pour investir à un moment où les ventes se sont effondrées.

Le sénateur Eaton : Y a-t-il un organisme comme le vôtre dans la fonction publique fédérale dont le rôle est de faciliter l'accès au crédit, les exportations et les importations si l'entreprise a un bon plan d'affaires.

M. Marcotte : La BDC a un important programme capital-risque. Pour un petit exportateur, la BDC est un très bon organisme auquel s'adresser, à part les pourvoyeurs traditionnels de capital-risque du secteur privé. Je suis toutefois certain que n'importe quel entrepreneur canadien pense qu'il n'y en a pas assez au Canada.

Ce n'est probablement pas différent dans ce secteur, mais les entreprises qui s'en tirent bien continuent d'investir, ce que je trouve étonnant.

Le sénateur Fairbairn : Nous sommes très heureux que vous ayez accepté notre invitation. Vous êtes en grande forme. Un énorme défi se pose, mais vous semblez y réagir avec beaucoup d'enthousiasme.

M. Marcotte : Nous sommes très occupés. Merci.

Le sénateur Fairbairn : Vous signalez que vous faites des voyages, mais pourriez-vous nous donner une idée précise du type de personnes avec lesquelles vous voyagez? Cela inclut-il des personnes de différentes régions du pays et pas seulement des représentants du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux ou territoriaux, mais aussi des personnes du secteur? Ces types d'événements semblent être courants — il n'y en a pas tout le temps, mais très souvent — dans différents domaines du commerce et des affaires. Peu importent les difficultés, le fait d'être accompagné de personnes qui ont la bonne attitude et qui ont des plans appropriés relance très souvent les affaires.

Avez-vous quelques exemples pour montrer comment vous avez procédé et plus précisément où vous allez avec vos groupes? C'est une excellente façon de procéder quand le moment est propice. Vous semblez adopter l'attitude suivante : vous êtes déterminé à faire ce qu'il y a à faire, contre vents et marées.

M. Marcotte : Merci beaucoup, sénateur. C'est exactement ainsi que nous nous décririons : nous cherchons des possibilités de donner de la valeur ajoutée à nos clients. C'est formidable de leur vendre des produits et des services et nous enregistrons un haut degré de satisfaction de la part de notre clientèle. Nous cherchons à le faire dans toute la mesure du possible. Ce sont toutefois les petits extras qui permettent de sceller des partenariats à long terme et nous nous appliquons toujours à nous positionner auprès de notre clientèle comme des conseillers et comme des partenaires dignes de confiance. Nous jouons le plus souvent le rôle de « marieurs », en quelque sorte, sur la plupart des marchés en développement.

Il y a une douzaine d'années, nous nous sommes mis à établir une représentation à l'étranger en plaçant des employés d'EDC dans des missions à travers le monde, dans des consulats et des ambassades. Nous avons une vingtaine d'employés disséminés dans les principaux marchés émergents; ils forment un point focal ou un pivot, dont le but est d'aider les exportateurs à mieux connaître les marchés clés; c'est en outre pour nous une bonne façon de développer des possibilités appropriées de jouer le rôle de « marieurs ».

Voici rapidement quelques exemples. Dans le secteur du matériel agricole, nous collaborons probablement avec les 30 entreprises principales. Une ou deux fois par an, nous organisons de simples cocktails pour « faire des mariages », faute d'expression plus appropriée, avec le Kazakhstan, la Russie et l'Ukraine. Ce sont d'excellents marchés pour ces entreprises, car les conditions agricoles y sont semblables aux nôtres et ces pays tiennent beaucoup à avoir du matériel canadien. Nous collaborons avec des partenaires et des banques locaux que nous connaissons bien pour réunir des distributeurs ou des acheteurs clés ou des entreprises à l'avenir prometteur qui assemblent de vastes propriétés agricoles et pour qu'ils nous rencontrent. Ils le souhaitent, car ils comprennent le type d'avantages financiers qu'ils pourraient en tirer en nous rencontrant, en apprenant à nous connaître et en achetant des produits canadiens. Nous les rassemblons tout simplement dans le cadre d'une foire commerciale ou de tout autre événement ou occasion, et nous les présentons à des entreprises canadiennes.

Nous l'avons fait avec succès au mois d'octobre dernier, en Russie, en ce qui concerne le matériel agricole. Nous avions invité 75 personnes, environ moitié représentants d'entreprises russes et moitié représentants d'entreprises canadiennes. Nous avons eu une participation de 220 personnes et nous avons consommé tout le vin qui se trouvait dans le restaurant de l'établissement où nous étions, dans le courant de la soirée. Plusieurs exportateurs de bétail y ont participé également, pour faire un premier essai dans le cadre de cette foire commerciale.

Le sénateur Fairbairn : Je suis de l'Alberta et je voudrais par conséquent avoir des informations à ce sujet.

M. Marcotte : Ils ont fait plusieurs ventes sur place. Ils étaient absolument ravis.

Cela nous aide à élargir nos réseaux de contacts et apporte une certaine valeur ajoutée aux exportateurs qui peuvent ainsi faire savoir à d'éventuels clients que ceux-ci peuvent travailler avec eux et leur acheter des produits et des services, qui leur seront utiles. Nous collaborons également avec les entreprises pour les aider à prendre de l'expansion et à trouver des acheteurs sur les marchés clés. Cela n'a rien d'officiel et on ne leur facture pas nos services, mais cela fait partie des services d'EDC de trouver des possibilités de travailler avec ces entreprises sur leurs marchés clés.

La situation est la même dans le secteur forestier, avec les missions que nous avons organisées en Russie et au Chili. Nous connaissons les acheteurs clés dans ces domaines également. Nous leur avons déjà fait des prêts, car ils ont déjà acheté de l'équipement canadien. Au Chili, nous entretenons depuis une trentaine d'années des relations avec deux des principaux intervenants. Grâce à ces relations, nous pouvons organiser des missions et encourager les représentants des entreprises à participer aux événements avec nous. Dans le cas du Chili, nous avons enregistré une quarantaine d'entreprises canadiennes des différentes régions du pays qui font de l'équipement pour les scieries et offrent notamment des services professionnels pour ces secteurs. Ils viennent pour quatre jours et ont un auditoire captif composé des quatre principaux intervenants chiliens qui ont accepté de venir passer une journée et d'amener leurs responsables des achats, car ils nous connaissent bien. Nous fournissons les repas et organisons les chambres d'hôtel, puis nous invitons ces exportateurs à venir passer deux jours avec nous pour leur donner l'occasion de se faire connaître.

Nous procédons de la même façon dans le domaine des pêches également. Le Boston Seafood Show ou le Salon des fruits de mer de Bruxelles sont les plus importants au monde. Grâce à nos contacts, nous appuyons presque tous les exportateurs de homard canadiens. Nous connaissons la plupart des acheteurs de homard américains; par conséquent, nous les réunissons dans une pièce au Boston Seafood Show et donnons l'occasion aux petits exportateurs de rencontrer certains de ces acheteurs clés. Nous essayons de procéder ainsi à l'échelle mondiale. Toutes les industries et tous les secteurs d'EDC le font régulièrement, avec notamment le concours des délégués commerciaux.

Le sénateur Fairbairn : Est-ce que des représentants du gouvernement ou du Parlement y participent? Ensuite, que se passe-t-il en ce qui concerne la Chine et l'Asie de l'Est?

M. Marcotte : Ah oui. La Chine est un marché très important dans ce domaine. Nous avons certaines restrictions en ce qui concerne le montant du financement que nous pouvons faire à l'étranger, notamment en Chine continentale. Une forte proportion du financement que nous faisons passe par Hong Kong ou par Taïwan, mais nous faisons autant de mariages, voire plus. Le secteur de l'équipement et des instruments médicaux et toutes sortes de sous-secteurs différents de l'industrie sont des marchés importants pour nous là-bas.

Le député Ted Menzies nous a accompagnés en Ukraine l'année dernière. Nous avons donc déjà été accompagnés par des représentants du gouvernement, ce qui ajoute une tout autre saveur qui attire de nombreuses autres parties. Plus de personnes nous arrivons à faire participer et plus les exportateurs l'apprécient. Ça leur donne le sentiment qu'on veut les aider, surtout les petits exportateurs qui se sentent peut-être dépassés par les difficultés que l'on a à travailler à l'étranger dans une langue différente. Ils trouvent la présence d'autres Canadiens avec eux, surtout en assez grand nombre, très rassurante et très utile.

Le sénateur Fairbairn : Je suppose que c'est également très utile pour les représentants du gouvernement d'aller dans différentes régions à l'égard desquelles vous avez peut-être des attitudes différentes.

M. Marcotte : Absolument.

Le sénateur Fairbairn : Vous êtes un témoin très encourageant. Nous avons eu des discussions extrêmement intéressantes avec les personnes que notre leader convoque, et c'est très bien. Nous savons tous que c'est une situation très difficile; aussi, ça nous donne un peu d'espoir de voir que vous êtes déterminé à ne pas abandonner la partie. C'est formidable.

M. Marcotte : Merci beaucoup, sénateur.

Le sénateur Duffy : Monsieur Marcotte, j'aimerais faire des commentaires qui sont dans la même veine que ceux du sénateur Fairbairn. Depuis un certain temps, on entend de nombreuses nouvelles décourageantes. L'OCDE a annoncé hier que nous avions touché le fond et que la remontée était amorcée. Votre présence ici et l'approche adoptée à EDC sont extrêmement appréciées.

Plusieurs témoins ont fait des commentaires concernant l'innovation, et vous avez dit aujourd'hui qu'Exportation et développement Canada avait également un volet de financement de l'innovation. Nous avons entendu parler de ce qu'on appelle une maison en boîte : on prend ce qu'on appelle communément des deux par quatre et, au lieu de les expédier dans un conteneur vers une destination étrangère, on les monte ici en leur donnant de la valeur ajoutée et on exporte le tout à l'étranger. Dans votre contexte informel, étant donné que je sais que ce n'est pas votre champ d'action principal, estimez-vous que ce type d'innovation progresse ou le ralentissement économique a-t-il réduit les recettes dans ce domaine? Il me semble que c'est très utile quand nous pouvons offrir des produits différents de ceux que nous avons offerts dans le passé.

M. Marcotte : Vous avez parfaitement raison. Je vous remercie pour ce commentaire.

Au cours des années, nous avons vu de nombreux exportateurs envisager d'exporter des types de maisons préfabriquées ou préemballées ou de maisons en boîte, comme vous les appelez — j'ai déjà entendu cela avant — à travers le monde. Nous avons appuyé beaucoup de projets semblables et ça fonctionne. D'une façon générale cependant, il faut que les clients aient obtenu une hypothèque pour que les constructeurs ou les investisseurs puissent obtenir le financement. Nous pouvons intervenir dans ce type de solution de différentes façons.

Certains de ces projets ont été suspendus, surtout dans les circonstances actuelles. On peut construire une vingtaine ou une centaine de maisons, voire 2 000 dans une localité, mais les habitants n'arriveront peut-être pas à obtenir le financement hypothécaire local dont ils auraient besoin pour les acheter. En cas de ralentissement économique, c'est un problème majeur, surtout sur les marchés en développement. Ce type de projet a tendance à viser des pays où les revenus sont peu élevés, ce qui est logique, sauf qu'encore une fois, les habitants n'ont pas les moyens. Nous avons connu des réussites et des échecs dans le soutien de ce type d'activités, d'après ce que j'ai pu constater.

Le sénateur Duffy : Ce qu'un des témoins a suggéré, c'est qu'on prenne le bois d'œuvre canadien, parce qu'il est plus droit, plus solide et plus durable — fait connu des clients mais pas de la population en général aux États-Unis — et qu'on procède de façon à y apporter une valeur ajoutée, surtout pour le marché américain, où il est exporté, en fin de compte.

Ce type de projet s'est-il limité uniquement aux pays du tiers monde ou en avez-vous décelé des signes en ce qui concerne le marché nord-américain?

M. Marcotte : Je ne pense pas que l'on ait vu quoi que ce soit en Amérique du Nord. Au cours des discussions que nous avons eues dernièrement avec les PDG de grandes compagnies, nous avons appris que la reprise dans le secteur du bois d'œuvre américain sera probablement beaucoup plus lente que prévu. En général, au cours des trois dernières récessions, le secteur du bois d'œuvre avait tendance à être l'indicateur précurseur : c'est lui qui est touché le premier par la récession et qui en sort généralement le premier. Cette fois-ci, ces PDG pensaient que la reprise serait peut-être beaucoup plus lente, à cause de l'engorgement du marché américain.

Je ne pense pas avoir entendu aucun de nos clients mentionner ce type de projets pour les marchés développés. C'est une approche qui concerne en fait les marchés moins développés, où l'on semble essayer ce type de nouveauté. Sur des marchés comme le marché américain, il semblerait que ce soit considéré comme une pure marchandise, comme du bois d'œuvre, et que nous soyons en concurrence avec les producteurs américains en ce qui concerne les prix et la qualité.

Le sénateur Duffy : En votre qualité de banquier, pouvez-vous indiquer — si vous pouvez toutefois le faire sans violer le secret des affaires — quelles sont les prévisions de votre banque sur la taille de l'industrie après sa restructuration? Connaîtra-t-elle à nouveau des jours de gloire ou cette époque-là est-elle révolue dans les petites villes et les régions rurales du Canada?

M. Marcotte : L'industrie offre des possibilités et a des richesses considérables à travers le pays. De nombreuses entreprises que nous connaissons auront peut-être diminué de taille après leur restructuration. Elles seront immanquablement de plus petite taille. Un grand nombre d'entre elles s'étaient trop endettées et ont pris des initiatives qu'elles regrettent probablement avec le recul. Bon nombre d'entre elles n'ont toutefois pas fait cela. De nombreuses entreprises sont plus vigoureuses qu'elles ne l'ont jamais été.

Il y a certainement des possibilités de regroupement ou de changement et il est possible que les structures de capital social soient différentes, mais je ne pense pas nécessairement que la taille du secteur comme telle diminue au Canada. Il aura peut-être seulement un aspect légèrement différent. Je présume qu'il aura peut-être un peu moins de participants et que ceux qui seront là seront de plus grosses entreprises. Les grandes entreprises canadiennes et certains des participants de taille moyenne ont des possibilités d'investir davantage dans d'autres régions du monde et peut-être de fusionner ou de tenter de former des coentreprises avec d'autres compagnies.

Je pense que l'industrie se restructurera. Sa taille ne diminuera pas nécessairement. Au cours des prochaines années, l'industrie aura l'occasion de retrouver sa taille et sa vigueur. Pour le moment, les entreprises axent surtout leurs efforts sur leur survie à cette crise économique. Un grand nombre d'entre elles ont toutefois des idées et de la perspicacité pour l'avenir qui devraient être très intéressantes. Pour le moment, elles ne parlent pas de leurs projets; elles essaient seulement de survivre.

Le sénateur Duffy : C'est rassurant car, comme vous le savez, c'est une industrie qui est terriblement importante pour le pays. Elle emploie de nombreuses personnes dans bien des petites collectivités; c'est donc encourageant d'apprendre que, d'après votre évaluation à long terme, ces petites collectivités n'agoniseront pas les unes après les autres.

Le sénateur Johnson : Bonjour. Pourriez-vous faire des commentaires plus précis sur le secteur du bois d'œuvre et dire ce que vos partenaires du secteur bancaire en pensent dans le présent et pour l'avenir?

En ce qui concerne les États-Unis, comme vous le savez, nous avons eu de graves conflits avec eux dans ce domaine. Je pense qu'il n'y a pas plus de deux mois, les gouverneurs de tous les États ont publié une déclaration dans laquelle ils critiquent nos politiques. Pourriez-vous donner davantage d'informations à ce chapitre?

M. Marcotte : C'est sans aucun doute un grand sujet de conversation parmi nos clients. Presque chaque fois que nous les rencontrons, ils ramènent la question sur le tapis.

La situation est différente selon la province. Plusieurs provinces ont opté pour des approches différentes dans le contexte de l'accord sur le bois d'œuvre résineux et cela dépend par conséquent de la province où l'entreprise a son siège.

La plupart de nos clients comprennent la dynamique et la politique sous-jacentes à cette question-là, en ce qui concerne le point de vue américain et ils tentent de s'adapter à la situation. D'après ce qu'ils nous disent, nos clients et les associations industrielles avec lesquels nous travaillons en étroite collaboration sont heureux qu'il y ait un accord, ou du moins un cadre de base, bien qu'il ne soit pas parfait. Ils le répètent très souvent. Ils veulent oublier le conflit et ne pas trop s'y attarder.

Ce ralentissement économique est pénible pour tout le monde, des deux côtés de la frontière. D'après nos clients, cette question est une question du passé, dans une certaine mesure. Ce sera pour longtemps une histoire importante pour nous, d'un point de vue gouvernemental, mais nos clients en discutent de moins en moins. L'impression qu'ils nous donnent, c'est qu'ils passent à autre chose et qu'ils s'appliquent dans une certaine mesure à diversifier leurs activités sur d'autres marchés que le marché américain.

Dernièrement, j'ai rencontré tous nos principaux emprunteurs du Chili, qui sont semblables aux grandes compagnies canadiennes. Ils leur ressemblent beaucoup et ont la même diversité qui s'étale sur le papier, la pâte, le bois d'œuvre et tous les produits du bois. Par contre, les producteurs chiliens ne sont pas dépendants du marché américain. Ils avaient une clientèle mondiale plus diversifiée et n'ont pas souffert autant que les producteurs canadiens. La ressemblance avec les entreprises canadiennes est très forte, sauf à ce chapitre. Je sais que de nombreuses entreprises canadiennes cherchent des débouchés à l'échelle mondiale, qu'elles examinent ce qu'ont fait leurs concurrents et qu'elles reconnaissent que c'était un peu facile pour elles et qu'elles doivent se diversifier davantage.

Le sénateur Johnson : Cela a-t-il également un rapport avec la politique protectionniste américaine qui a été formulée, quoique les États-Unis essaient maintenant de l'assouplir quelque peu? Cela a-t-il une influence sur l'attitude de nos producteurs de ce secteur, ainsi que sur la vôtre?

M. Marcotte : Je ne suis pas sûr qu'ils le perçoivent nécessairement dans une large mesure. Il y en a peut-être quelques-uns çà et là.

Le sénateur Johnson : Ils s'éloignent précisément des endroits où les marchés pourraient se trouver à l'avenir. Est-ce bien cela?

M. Marcotte : Ils attendent la reprise du secteur du bois d'œuvre. Ils savent qu'il n'y aura peut-être jamais de reprise dans celui du papier journal. La demande américaine de papier journal a chuté au cours des trois dernières années et c'est le problème clé pour les fabricants canadiens de papier journal. Je ne pense pas qu'ils s'attendent à une reprise aux États-Unis; ils essaient par conséquent de se diversifier en s'intéressant à d'autres régions du monde où la demande de papier journal continue d'augmenter ou est stable du moins.

Les producteurs de bois d'œuvre attendent, bien entendu, la reprise dans le secteur du bois d'œuvre, mais ils savent qu'elle sera beaucoup plus lente que d'habitude. Ils se diversifient et produisent différents types de bois d'œuvre, de différentes catégories et des bois spéciaux; ils cherchent des débouchés dans des pays plus éloignés afin d'accroître leurs ventes dans des secteurs de l'industrie qui sont moins dépendants du marché américain.

Le sénateur Johnson : Y a-t-il une augmentation de la demande du marché en ce qui concerne du papier plus écologique, c'est-à-dire moins chloré?

M. Marcotte : Absolument. C'est un des grands domaines d'innovation pour les entreprises canadiennes.

Le sénateur Johnson : Savez-vous ce que ça pourrait représenter en termes de production ainsi qu'en termes d'exportation à l'heure actuelle?

M. Marcotte : Pratiquement toutes les compagnies de l'industrie du bois avec lesquelles nous avons des contacts prennent des mesures pour améliorer considérablement leur bilan environnemental en construisant des usines de cogénération, par exemple, afin de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Presque tous nos clients peuvent démontrer qu'ils ont réduit leurs émissions à un niveau inférieur aux niveaux de 1990 et qu'ils ont considérablement accru leur efficience au niveau opérationnel. La plupart des produits que nous achetons au Loblaws local sont des produits canadiens et présentent cet aspect écologique. Ces produits sont très en demande aux États-Unis. C'est une caractéristique déterminante. Je présume que ce sera une caractéristique encore plus marquée de l'industrie après la reprise. Un plus grand nombre d'entreprises mettront l'accent sur cet aspect; l'aspect biomasse est également très important.

Le sénateur Johnson : Pensez-vous que nous pourrions être innovateurs et nous mettre à produire moins de papier blanc, de papier lustré et de papier glacé? Comment peut-on créer un besoin mondial pour un autre produit et le produire, puisqu'on parle d'innovation? Observez-vous une tendance semblable?

M. Marcotte : Il est juste de dire que les entreprises cherchent à faire les ventes qu'elles peuvent, là où c'est possible, mais la plupart d'entre elles sont conscientes du fait que l'avenir est dans des produits plus écologiques.

Le sénateur Johnson : Je suis impressionnée d'apprendre que vous avez apporté des « solutions financières » à 534 forestières différentes.

M. Marcotte : Oui.

Le sénateur Johnson : Pouvez-vous mentionner un exemple de solution?

M. Marcotte : On revient au chiffre de 14 milliards de dollars. Il s'agit surtout d'assurance comptes clients. Elle donne aux vendeurs la certitude qu'ils seront payés. Elle leur permet d'être un peu plus audacieux dans leurs conditions. Au lieu de demander une avance en espèces, qui pourrait limiter leurs ventes, ils peuvent proposer un délai de 7, 10, 30 ou 60 jours, ce qui leur permet d'augmenter leurs ventes plus rapidement et d'être des vendeurs plus intéressants. Les vendeurs ont, bien entendu, l'avantage supplémentaire de travailler avec leur banque et d'augmenter leur marge de crédit.

C'est en très grosse majorité ce que nous faisons, surtout parce qu'il s'agit de produits primaires ou quasi primaires, sur lesquels les marges sont relativement faibles. Ils ne peuvent pas se permettre des pertes. L'assurance est très importante pour ces entreprises qui sont par conséquent de grandes utilisatrices de nos services d'assurance.

Le sénateur Johnson : C'est très bien. Merci beaucoup.

Le sénateur Fairbairn : En vous écoutant, je pense à l'endroit d'où je viens. Vous êtes manifestement très actif en Colombie-Britannique. Je ne sais pas si vous l'êtes aussi en Alberta.

M. Marcotte : Oui.

Le sénateur Fairbairn : Comme vous le savez très bien, ces régions du Canada sont confrontées à un problème. Ce fut très troublant pour la Colombie-Britannique et ça le devient pour l'Alberta, et pas uniquement dans le Nord. Vous savez que je parle du dendroctone du pin. Il se propage vers le Sud. Je ne suis pas allée vérifier s'il avait franchi les montagnes et s'il avait déjà atteint le pas du Nid-de-Corbeau, mais c'est bien possible.

Ce qui se passe dans ces régions du Canada, où l'industrie forestière occupe une grande place dans la vie de la population est un bien grand malheur. Est-ce que la seule mention de ce phénomène, avec le nom Canada a eu un impact sur vos activités, et pas seulement dans le pays, mais à l'extérieur? Est-ce qu'on se pose toutes sortes de questions?

M. Marcotte : C'est une excellente question. Il y a deux ou trois ans, c'eût été à peu près tout ce dont les représentants de l'industrie pouvaient discuter. C'est une question qui me semblait alors bien plus urgente. Je ne sais pas si cela s'est stabilisé ou si cela cause davantage de souci, mais il semblerait que cela préoccupe moins nos clients maintenant. C'est sans aucun doute pénible de voir les très grosses masses brunes à perte de vue quand on se rend à Prince George en voiture.

Le sénateur Fairbairn : Notre comité est à la fois un comité de l'agriculture et des forêts. Nous avons fait une tournée nationale sur la question de la pauvreté rurale et la région de Prince George est une de celles où nous sommes allés. Les gens essayaient de réagir. Les habitants de petites localités essayaient de prendre le bois qui avait été coupé à cause de cette invasion et d'en faire quelque chose. Nous sommes allés dans un endroit où on vendait ce type de bois, en fait, et où on en faisait de très jolies choses. Ensuite, nous sommes retournés pour essayer de prendre contact avec ces personnes-là pour les remercier et voir comment elles s'en tiraient, mais ces entreprises étaient fermées. Je me demande combien de localités où ces petites créatures ont fait leur apparition ont été durement touchées par cette invasion, au cours des dernières années.

M. Marcotte : Cela cause certainement beaucoup de dommages à ces localités. Elles doivent trouver une méthode totalement différente de gestion de leurs forêts après cela. Dans une région, avant que la crise ne s'aggrave considérablement, au mois de septembre, on faisait des investissements considérables dans la production de biomasse. Le bois des arbres tués par les insectes se prête très bien à ce type de production, notamment à la production de granules, qui sont exportées dans le monde entier. L'industrie de la biomasse sous tous ses différents aspects offre d'énormes possibilités de croissance au Canada. Un grand nombre de pays scandinaves et certains autres pays ont pris de l'avance sur nous dans ce secteur, mais de nombreux entrepreneurs canadiens s'intéressent à la biomasse. Ils sont un peu ralentis par le fait que la crise se soit aggravée depuis l'automne dernier, car la conséquence de cela est que le nombre d'entreprises qui abattent des arbres ou qui exploitent les rémanents a diminué. On n'a pas la matière première pour la production de biomasse.

Cependant, même après que le dendroctone ait fait son œuvre, les arbres comme tels restent utilisables pour faire du bois de catégorie de construction pendant un certain temps puis, après cela, ils peuvent être utilisés pour la biomasse, notamment pour la production de granules.

Les études que nous avons vues indiquent que la production de granules qui peuvent être exportées facilement à travers le monde, pourrait augmenter de quelques millions de tonnes par année. Les granules peuvent être utilisées comme un type de chauffage écologique, comme source de chaleur et d'énergie; c'est une technologie très propre et assez intéressante. J'ai un pot de granules sur mon pupitre et on a de la peine à imaginer qu'aucun liant n'a été utilisé dans leur fabrication, qu'elles sont produites par simple compression, par pression et par traitement à la vapeur, traitements qui compactent la masse ligneuse. C'est un processus extrêmement efficace et propre, d'après ce que nous avons pu comprendre.

Je pense que ce type de production reviendra assez rapidement, après la reprise des marchés et lorsque les forestières se remettront à la coupe et retourneront dans les forêts. Vous verrez que les investissements reprendront également dans le secteur de la biomasse et qu'il y a des possibilités dans ce secteur. C'est apparemment une excellente façon d'utiliser ce type de bois. Je suis certain qu'on ne sera jamais en mesure d'utiliser le bois de tous les arbres tués par le dendroctone. Je ne sais malheureusement pas quoi d'autre l'industrie pourrait faire. Je sais qu'en Colombie- Britannique notamment, on s'affaire à mettre au point de nombreuses usines de cogénération et d'autres types de production d'énergie à base de cette matière. La teneur en carbone est forte et ce bois peut être utilisé d'une façon ou d'une autre. On ne tient pas du tout à le laisser se décomposer sur le sol forestier alors qu'on peut encore en tirer quelque chose.

On s'active beaucoup. Je présume que ce qui s'est passé au cours des dix derniers mois a considérablement ralenti le processus par manque de capital et parce que les entreprises tentent de survivre pendant un certain temps, mais c'est un secteur dans lequel nous pensons qu'on observera une certaine croissance à long terme.

Le sénateur Fairbairn : Vos commentaires sont intéressants. Ce serait utile si vous pouviez donner le nom des personnes qui essaient de faire ce que vous avez mentionné. Cela nous serait utile, car à un certain moment, nous nous mettrons aussi à examiner ce qui se passe dans le secteur dans différentes régions du pays, dans des régions où on s'en tire très bien et dans d'autres où ça ne va pas. Ce serait extrêmement utile. Jusqu'à présent, nous n'avions pas encore entendu de commentaires qui aient donné la plus petite note encourageante en ce qui concerne le dendroctone du pin. Ce serait très intéressant.

M. Marcotte : Nous pourrions vous faire plus tard quelques suggestions par l'intermédiaire de la greffière. Les associations du secteur avec lesquelles nous avons communiqué, et une en particulier, se feraient un plaisir de vous recevoir et d'organiser quelque chose.

Le président : Sans vous demander de révéler des secrets d'affaires, j'aimerais toutefois vous poser quelques questions. La liste de produits que vous proposez est sans aucun doute très intéressante. En ce qui concerne la concurrence, quel rôle les banques privées devraient-elles jouer actuellement, compte tenu de la situation dans laquelle se trouve le secteur forestier?

M. Marcotte : Nous avons le sentiment de bien les connaître. Nous avons vraiment travaillé dur au cours des 12 ou 15 dernières années pour établir d'étroites relations et des partenariats avec les banques canadiennes.

Nous sommes un organisme de taille relativement petite. Nos chiffres peuvent paraître impressionnants quand on voit nos rapports annuels, avec 1 200 employés au total, mais nous avons un champ d'action relativement restreint à l'échelle nationale. Nos équipes de vente, nos équipes de développement commercial et de gestion des relations ne représentent que quelques personnes par ville, à l'échelle nationale. Nous travaillons en étroite collaboration avec les banques, avec les gestionnaires de comptes commerciaux, avec toutes les caisses populaires et coopératives de crédit et avec tous les autres types d'institutions financières que nous trouvons pour essayer de profiter de leur connaissance du marché. C'est une source essentielle de soutien pour nous, et nous voulons les aider à faire davantage pour leurs clients. Je pense que tous les gérants de banque commerciale avec lesquels vous pourriez avoir une discussion veulent faire davantage pour leurs clients; toutes les coopératives de crédit, les agents de prêt et tous les autres intervenants de ce secteur veulent trouver des possibilités de faire plus. Ils ne veulent pas faire moins.

Au cours d'une période comme celle-ci, je pense qu'il est prudent de leur part de ne pas trop se précipiter, de modifier quelques-unes de leurs pratiques d'octroi de prêts et de les ajuster. Compte tenu de certaines pertes, la plupart de leurs clients ont malheureusement vu leurs recettes se réduire considérablement, mais leurs dettes ne disparaissent pas en même temps que les recettes. Par conséquent, ces entreprises connaissent des difficultés.

En collaborant avec les banques, nous avons sans aucun doute perçu une attitude positive qui consiste à vouloir maintenir les entreprises dans la bonne direction. Nous leur avons demandé depuis Noël de nous remettre des listes détaillées des entreprises pour lesquelles elles veulent faire davantage. Elles estiment toutefois que leurs pratiques d'octroi de prêts les empêchent de soutenir pleinement un client à long terme.

Nous travaillons en étroite collaboration avec elles pour ajouter une petite capacité supplémentaire de risque ou pour collaborer dans certains cas pour pouvoir faire davantage. Je serai à Vancouver la semaine prochaine, pour y rencontrer les représentants de plusieurs compagnies avec lesquelles nous venons de conclure des transactions, pour les aider à fonctionner de façon plus efficace et à obtenir davantage de soutien de leurs banques.

Nous pensons que les banques adoptent actuellement la bonne position. Elles font tout leur possible. Je n'ai encore jamais vu un banquier qui ne faisait pas d'efforts. C'est une situation très difficile pour les banques. Je suis certain qu'on pourrait trouver des exemples, positifs ou négatifs, à tous les égards. Je pense qu'elles occupent actuellement une place importante pour ce qui est de faire davantage. Nous tentons de les aider à faire davantage et, surtout, de combler le vide que les banques étrangères ont laissé derrière elles, à leur départ. Celles-ci n'ont pas eu le choix et elles ont dû quitter le marché. C'est toutefois un secteur dans lequel les banques canadiennes, la BDC et nous-mêmes prenons dans une large mesure la relève.

Le sénateur Duffy : J'ai une autre question à poser. À propos des dettes de ces différentes compagnies, nous avons vu les chiffres extrêmement impressionnants concernant les constructeurs d'automobiles américains. Je suis, à l'instar d'autres membres du comité, très impressionné par votre approche activiste.

Compte tenu de la prudence traditionnelle du secteur bancaire canadien, il est toutefois juste de dire que, si l'on permet à ces entreprises d'élargir leur crédit, ce n'est pas dans des proportions telles que l'industrie canadienne du bois d'œuvre risque de se retrouver dans une situation aussi catastrophique que celle qu'on a pu observer aux États-Unis.

M. Marcotte : C'est exact. Nous abordons ouvertement la question avec nos partenaires du secteur bancaire et avec nos clients et nous nous demandons quel est le niveau d'endettement approprié et quel est le bon dosage de capital et de dettes pour gérer une entreprise. Nous posons les questions suivantes à nos clients : si vos marchés ont changé de façon aussi radicale, quels sont vos projets pour modifier ou mettre à jour vos activités? Comptez-vous vous lancer dans des activités différentes et chercher de nouvelles possibilités pour remplacer les ventes ou les marchés que vous pensez avoir définitivement perdus?

La forte majorité des entreprises avec lesquelles nous collaborons ont une très grande confiance dans leur secteur, dans leurs activités et dans leurs compétences. Quand on prend le temps d'en discuter avec leurs représentants, on constate qu'ils veulent trouver de nouvelles possibilités de remplacer les marchés, les ventes et les clients perdus. Ces entreprises innovent dans tous les domaines où c'est possible. Elles savent qu'elles doivent avoir davantage de capital tout en nous demandant de leur apporter du crédit supplémentaire; elles ont un équilibre à respecter.

Je dirais que nous travaillons en étroite collaboration avec tous les clients qui ont un nouveau type de plan d'affaires et qui font des efforts semblables. De nombreuses entreprises qui ne peuvent pas le faire ou ne savent pas comment évoluer ou s'adapter feront malheureusement la culbute; cela ne fait aucun doute. Je suis certain que bon nombre d'entreprises qui se restructurent ont de la difficulté à trouver de nouveaux marchés et de nouvelles façons de procéder.

J'ai connu de nombreuses entreprises dont les travailleurs se sont réunis, ont accepté des réductions de salaire, ont investi eux-mêmes et ont modifié les structures de capital social de l'usine et l'ont remise sur pied en trouvant des créneaux qui leur permettent de faire les choses d'une manière différente. Nous avons connu assez de cas semblables pour être assez convaincus que nous passerons à travers cette crise.

Le président : Quel pourcentage des 500 entreprises et plus qui sont vos clientes dans le secteur forestier font partie du secteur du bois d'œuvre plutôt que de celui du bois de feuillu?

M. Marcotte : Je ne sais que répondre à cette question-là. C'est un type de données que je n'ai pas préparées; il est d'ailleurs possible qu'on ne le sache pas.

Le président : Pourriez-vous nous fournir cette information?

M. Marcotte : Certainement.

Le président : J'aimerais également poser une autre question qui concerne le pourcentage de créances irrécouvrables que vous avez pour le secteur forestier, dans les deux principaux secteurs, celui du bois de feuillu et celui du bois d'œuvre.

Une troisième question que je voudrais rattacher aux précédentes est la suivante : prévoyez-vous une forte augmentation du nombre de créances irrécouvrables dans le contexte du rôle que vous jouez dans le secteur forestier, par rapport aux autres secteurs que vous servez? Vous ne pouvez pas y répondre tout de suite. Vous pourrez nous faire parvenir la réponse plus tard.

M. Marcotte : Cela ne m'ennuie pas d'essayer de répondre à la dernière question.

Le pire est peut-être passé. Ce n'est certainement pas fini. Nous travaillons sur des dizaines et des dizaines de restructurations avec nos clients.

Je pense que le nombre de nouveaux cas qui se présentent a diminué. Par conséquent, le pire de la crise est peut-être passé. C'est l'impression que nous avons. D'après les discussions que nous avons eues avec nos clients, je pense qu'ils ont trouvé un nouveau niveau de stabilité. Je ne pense pas que le nombre de nouveaux cas augmente considérablement.

Nous vous fournirons sans faute des informations précises à ce sujet. Je présume que notre pourcentage de créances irrécouvrables est en fait très faible. Vous seriez peut-être surpris de savoir à quel point il est faible.

En ce qui concerne les réclamations de nos clients concernant des défauts de paiement de la part d'acheteurs étrangers, pour lesquels nous avons indemnisé les exportateurs canadiens, le service qui s'en charge connaît une année faste. L'effectif de ce service a probablement triplé et la valeur des indemnités qu'il versera sera probablement quadruplée cette année. C'est une année très importante pour les versements d'indemnités et aussi pour l'industrie. Nous prenons au sérieux la nécessité de verser aussi rapidement que possible ces indemnités à ces entreprises.

Par conséquent, le pourcentage de demandes d'indemnités a probablement considérablement augmenté en ce qui concerne le secteur forestier, pour ce qui est des acheteurs étrangers qui n'ont pas payé. En ce qui concerne toutefois les prêts aux forestières canadiennes, le nombre de celles avec lesquelles nous avons eu des difficultés est très réduit. Nous sommes parvenus à leur permettre de survivre ou à les restructurer. À une ou deux exceptions importantes près, nous sommes parvenus à les restructurer. J'ai la perception que le pourcentage change, mais nous trouverons les renseignements exacts et précis pour vous.

Le président : Quel pourrait être le taux d'intérêt moyen que vous faites payer à vos clients?

M. Marcotte : C'est la question la plus difficile à laquelle la réponse est la plus facile : cela dépend.

Nous avons tous les taux d'intérêt possibles et imaginables, du plus bas au plus élevé, car nos taux sont ceux du marché.

Le président : Vous n'avez toutefois pas mentionné de chiffre.

M. Marcotte : Il n'y a probablement pas de moyenne. Chaque cas est différent.

Le sénateur Eaton : De nombreux témoins ont signalé que le taux d'intérêt était de 20 p. 100. Est-ce normal? Est-ce ce que vous pensez que ce n'est pas exceptionnel?

M. Marcotte : Depuis que la crise est entrée dans son avant-dernière phase, au mois de septembre, la plupart des transactions avec de bonnes cotes de solvabilité vont peut-être chercher des taux qui équivalent au taux préférentiel plus 1 ou 2 p. 100 ou un taux en dollars américains/taux interbancaire offert à Londres (LIBOR) plus quelques centaines de points de base — ce qui fait 2 ou 3 p. 100 de plus. Ces entreprises ont vu leurs taux passer d'un coup au LIBOR plus 1 000 p. 100, ce qui représentait une augmentation de 6 ou 7 p. 100. Le taux est passé de 6, 7, 8 ou 9 p. 100 à 15 ou 16 p. 100, et s'est rapproché d'un coup des taux applicables aux cartes de crédit. C'est très coûteux.

D'après ce que nous avons vu sur la plupart des marchés commerciaux à l'échelle mondiale, la situation s'est stabilisée quelque peu. En ce qui concerne le secteur forestier, je pense que pour la plupart de nos clients, les taux d'intérêt sont encore très majorés.

Le sénateur Eaton : Qu'entendez-vous par là? Est-ce 15 p. 100 ou plus?

M. Marcotte : Je ne le pense pas. Si j'examinais la question sous un angle professionnel pour déterminer quelle pourrait être la hausse moyenne globale des taux d'intérêt, on constaterait qu'il s'agit probablement d'une hausse de 400 à 600 points de pourcentage, soit de 4 à 6 p. 100. Certaines entreprises se voient imposer sans aucun doute des taux de 20 à 30 p. 100. C'est peut-être parce qu'elles ont cessé de rembourser leurs emprunts ou parce qu'on leur a imposé des pénalités et d'autres frais qui font maintenant partie intégrante de leur dossier.

Une autre cause probable, c'est que de nombreuses entreprises se sont adressées à des entreprises d'affacturage parce qu'elles ne pouvaient plus trouver les fonds nécessaires chez les banquiers ordinaires. Quand on s'adresse à une entreprise d'affacturage ou à d'autres services de ce type, sur une base annualisée, le taux d'intérêt peut vite augmenter de 10 ou 12 p. 100 à 20 ou 22 p. 100, et ce, sans qu'il y ait faute de la part de l'industrie; c'est la nature du risque qui veut cela.

Je pense que la plupart de nos entreprises clientes, surtout les PME, sont maintenant considérées comme présentant beaucoup plus de risques. De nombreuses personnes suggéreraient de hausser les taux à ce niveau-là. La concurrence est actuellement quasi nulle chez les bailleurs de fonds pour les entreprises du secteur forestier. Par conséquent, celles-ci paient probablement en moyenne des taux plus élevés que celles de nombreux autres secteurs.

Ce n'est toutefois pas démesuré par rapport au type de risques auxquels les prêteurs sont exposés. Les marchés sont tellement faibles que pratiquement personne ne peut prévoir quand il y aura reprise pour certains secteurs de l'industrie. Par conséquent, les risques ne sont pratiquement pas chiffrables pour certains bailleurs de fonds. Ils examinent la situation et estiment que, puisqu'ils ne peuvent avoir aucune certitude, ils doivent refuser le prêt ou exiger un taux de 25 p. 100. Ce ne serait pas du jamais vu, j'en suis sûr. C'est une situation très difficile pour les petites entreprises.

Le président : Merci beaucoup d'être venu témoigner, monsieur Marcotte.

[Français]

Merci pour votre témoignage et pour les informations que vous avez partagées avec nous.

[Traduction]

Au nom du comité, je vous remercie sincèrement d'être venu ce soir.

Sénateurs, nous nous réunirons à nouveau jeudi, à l'heure habituelle.

(La séance est levée.)


Haut de page