Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 7 - Témoignages du 16 juin 2009
OTTAWA, le mardi 16 juin 2009
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 17 h 10 pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.
Le sénateur Joyce Fairbairn (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La vice-présidente : Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
Je vais commencer par demander aux membres du comité de se présenter en précisant l'endroit dont ils sont originaires. Voulez-vous commencer, sénateur Mercer?
Le sénateur Mercer : Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Cordy : Je suis le sénateur Jane Cordy. Je suis également de la Nouvelle-Écosse. Bienvenue au comité.
Le sénateur Duffy : Je suis le sénateur Mike Duffy, de l'Île-du-Prince-Édouard. Je suis très heureux de vous rencontrer.
Le sénateur Eaton : Je suis Nicole Eaton, de l'Ontario. Bienvenue.
Le sénateur Rivard : Je suis le sénateur Michel Rivard, de Québec. Je vous souhaite la bienvenue.
La vice-présidente : Je suis le sénateur Joyce Fairbairn, de Lethbridge, en Alberta.
Le comité poursuit son étude de l'état actuel et des perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada. Nous entendrons aujourd'hui des représentants de la Colombie-Britannique, qui parleront des difficultés du secteur forestier de cette province et des solutions possibles.
Russ Cameron, président, Independent Lumber Remanufacturers Association : Bonjour. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser au comité. Je suis Russ Cameron, président de l'Independent Lumber Remanufacturers Association, que je désignerai par le sigle ILRA.
L'ILRA représente la majorité des grandes entreprises de seconde transformation n'ayant pas de concessions forestières ainsi que quelques-unes des petites entreprises primaires également sans concessions. Notre mission est de créer des conditions d'affaires favorisant une transformation plus poussée des produits du bois au Canada, de façon à maximiser les avantages socioéconomiques tirés de chaque mètre cube de bois récolté. Nos membres produisent du bois d'œuvre, des produits de seconde transformation, des maisons préfabriquées et n'importe quel autre produit susceptible de leur apporter un bénéfice. Ils font du sciage spécial pour eux-mêmes et des travaux particuliers de transformation pour d'autres. Il y en a qui font de la vente en gros et d'autres qui ont certaines activités d'exploitation forestière.
Nous avons des marchés partout dans le monde, mais c'est aux États-Unis que se trouve — et se trouvera probablement toujours — notre principal marché. La caractéristique que tous nos membres ont en commun, c'est qu'ils ont des entreprises familiales sans concessions. L'expression « sans concession » signifie que nous ne récoltons pas du bois sur des terres publiques à un prix fixé par les administrations provinciales. Nous payons le prix du marché, et sommes donc en concurrence avec les Américains et le reste du monde pour l'achat de la fibre ligneuse qui nous sert de matière première, contrairement aux entreprises ayant des concessions forestières, qui jouissent d'un approvisionnement garanti à long terme à un prix fixé par décision administrative.
Il y a six ans, l'ILRA avait environ 120 membres employant plus de 4 000 travailleurs, avec un chiffre d'affaires collectif proche de 2,5 milliards de dollars par an pour un volume de 3,9 milliards de pieds-planche. Dans les six dernières années, 32 de nos entreprises membres ont déposé leur bilan et celles qui restent ne fonctionnent qu'à 50 p. 100 de leur capacité. Nous avons l'habitude d'être confrontés à des obstacles et avons toujours réussi à les surmonter d'une manière ou d'une autre. En ce moment, nous devons affronter cinq grands obstacles, et certains d'entre nous sont incapables aussi bien de les surmonter que de les contourner. Par ordre décroissant de gravité, ces obstacles sont l'Accord sur le bois d'œuvre résineux, l'approvisionnement en bois, le marché américain, la concurrence étrangère et les fluctuations du taux de change.
Je vais passer en revue ces obstacles en les prenant dans l'ordre inverse.
En ce qui concerne le taux de change, plus le dollar canadien monte, plus le taux de change prend de l'importance dans la liste de nos obstacles. Comme nous ne pouvons rien y faire, nous ne faisons que l'inscrire dans la liste.
Le quatrième obstacle est la concurrence étrangère. C'est un problème qui s'aggrave, mais nous avons l'avantage, par rapport à nos concurrents étrangers, d'être plus proches des États-Unis et d'avoir une culture commune. Nous pouvons soutenir la concurrence parce que nous pouvons livrer rapidement des produits et des services spécialisés. La plus grande difficulté que nous ayons dans ce domaine, c'est que nos concurrents ne se voient pas imposer par leur propre gouvernement un droit sur les exportations de produits à valeur ajoutée à destination des États-Unis, alors que notre gouvernement le fait. Quoi qu'il en soit, les États-Unis demeurent, et de loin, notre plus grand marché. Malgré la nouvelle concurrence étrangère et les droits que nos gouvernements perçoivent sur nos produits, il semble bien que nous compterons de plus en plus sur le marché des États-Unis à l'avenir.
Le troisième obstacle est constitué par la situation actuelle du marché américain. Vous serez surpris d'apprendre qu'il se classe non plus premier, mais troisième. En voici la raison. Dans un rapport daté du 4 mars 2004, Ray Schultz, directeur au ministère des Forêts et des Prairies de la Colombie-Britannique, a dit ce qui suit :
Le Canada approvisionne ordinairement environ 30 p. 100 du marché américain du bois d'œuvre. Depuis des décennies, il s'expose à des réactions protectionnistes chaque fois que sa part du marché commence à croître. De son côté, la Colombie-Britannique n'a qu'une part de 1 p. 100 du marché américain des produits à valeur ajoutée, ce qui permet de croire qu'un secteur compétitif de produits à valeur ajoutée aurait de bonnes chances de croître dans la province.
Il serait donc impensable d'envisager de doubler notre part de 30 à 35 p. 100 du marché américain du bois d'œuvre, mais il est tout à fait envisageable de doubler la part de 1 p. 100 du marché des produits à valeur ajoutée. La situation du marché américain est aussi mauvaise qu'elle ne l'a jamais été, ce qui nuit à notre chiffre d'affaires. Toutefois, comme nous ne répondons qu'à 1 p. 100 de la demande du marché des produits spécialisés, nos chances d'augmenter nos ventes sont beaucoup plus grandes que dans le secteur du bois d'œuvre.
La meilleure analyse de notre secteur a été réalisée par la société International Wood Markets Group Incorporated pour le compte du BC Wood Specialties Group. D'après son titre, The Status and Potential of the Coastal Secondary Wood Products Industry, cette analyse n'est censée s'appliquer qu'aux entreprises de la région côtière, mais une bonne partie de ses conclusions sont également applicables aux entreprises de l'intérieur. À mon avis, ces conclusions sont très justes.
Je voudrais en citer un bref passage qui résume parfaitement la situation :
L'industrie de seconde transformation des produits du bois devra se spécialiser davantage, viser la haute gamme et la grande qualité ou se résigner à sombrer.
C'est exactement ce que font les entreprises qui réussissent actuellement à se maintenir, en y ajoutant un niveau de service extrêmement élevé.
L'approvisionnement en bois constitue notre deuxième obstacle. Comme nous l'avions prévu, le regroupement régional des grands titulaires de permis a été désastreux pour les entreprises sans concessions. À l'heure actuelle, le marché du bois de la Colombie-Britannique est dominé par quatre sociétés : Canfor, West Fraser, Tolko et Western Forest Products. Dans la plupart des régions de la province, les indépendants n'ont qu'un seul fournisseur de bois d'œuvre, un seul client pour les rondins et, dans le cas de certains produits, un seul grand concurrent qui contrôle tout.
La désignation « indépendant » est trompeuse parce que nous dépendons en fait des entreprises ayant des concessions pour notre approvisionnement en fibre ligneuse. Malheureusement, ces entreprises sont de moins en moins fiables quand il s'agit d'accorder aux sociétés sans concessions l'accès au bois qu'elles contrôlent.
Le premier grand obstacle est l'Accord sur le bois d'œuvre résineux de 2006. Notre différend avec les États-Unis a toujours porté sur les concessions renouvelables et les prix du bois sur pied fixés par décision administrative. Le système américain se fonde sur du bois détenu en propriété privée, tandis que le système canadien est basé sur du bois produit sur des terres publiques. Il n'y a pas un bon et un mauvais système. Les deux systèmes sont tout simplement différents, mais ces différences occasionnent des difficultés en cas de ralentissement du marché.
Dans le modèle américain, le prix du bois sur pied baisse quand le marché est faible. Les scieries ferment leurs portes parce que les propriétaires refusent de vendre leur bois à un prix trop bas. Ordinairement, la baisse de l'offre qui en résulte fait remonter le prix, ce qui rétablit l'équilibre.
Les Américains estiment que le système canadien entrave le fonctionnement de ces phénomènes économiques fondamentaux. Lorsque le marché faiblit et que le prix du bois chute, les gouvernements provinciaux du Canada réduisent le prix du bois sur pied en recourant à diverses formules administratives, de sorte qu'il est moins fréquent que les scieries canadiennes ferment leurs portes. Cette réaction, au lieu de faire remonter les prix, ne fait qu'accroître la part canadienne du marché américain. Tant que nous utiliserons ce système, la coalition américaine s'efforcera de faire monter le prix ou de réduire l'offre du bois d'œuvre canadien en recourant à des droits ou à des ententes ayant les mêmes effets.
En signant l'Accord sur le bois d'œuvre résineux de 2006, le gouvernement du Canada s'est substitué au département américain du Commerce pour veiller à anéantir la compétitivité des produits à valeur ajoutée des entreprises sans concessions sur le marché américain. Ce problème pourrait être réglé instantanément si toutes les concessions canadiennes étaient annulées pour que tout le monde achète son bois sur le marché libre, comme nous le faisons.
Dans sa dernière proposition, la coalition américaine disait ce qui suit :
L'entente de règlement devrait prévoir la levée automatique des mesures provisoires touchant une province qui adopte un marché complètement ouvert et compétitif pour le bois sur pied et les rondins. Toutefois, à défaut d'un tel marché complètement ouvert et compétitif, la nature des critères à appliquer pour atténuer ou lever les mesures provisoires demeure incertaine.
Nous sommes réalistes. Nous savons que cela n'arrivera pas. Les sociétés ayant des concessions n'y renonceront pas pour aller acheter leur fibre sur le marché libre. Nous n'y voyons pas d'inconvénients si elles déterminent que l'avantage financier du maintien de leurs concessions renouvelables et des prix fixés par décision administrative est supérieur aux pénalités qu'elles auront à payer en contrepartie. Il est logique, dans ce cas, qu'elles choisissent de payer ces pénalités. C'est clairement ce qu'elles ont décidé de faire et, comme je l'ai dit, nous n'y voyons pas d'inconvénients.
Mais nous ne sommes pas d'accord si ceux d'autres nous qui n'ont pas de concessions et qui doivent acheter leur bois sur le marché libre sont obligés de partager le coût de la décision prise par ces entreprises de maintenir le statu quo. Si elles en tirent un avantage, elles doivent accepter d'en payer tout le prix.
Je ne sais pas ce que vous pouvez faire dans cette situation. L'Accord sur le bois d'œuvre résineux empêche les gouvernements canadiens de tous les niveaux de faire quoi que ce soit. Je pourrais vous suggérer quelques idées, mais vous ne pourrez probablement pas donner suite à la plupart d'entre elles. Vous devrez attendre que le présent accord arrive à expiration pour voir si d'autres négociations seront engagées, à moins que le dendroctone du pin ne règle le problème en ne nous laissant plus rien à exporter.
La concurrence étrangère et la situation du marché américain nécessitent toutes deux la suppression du droit d'exportation et des quotas sur les produits des entreprises sans concessions. Nous devons également trouver des moyens d'empêcher tout autre regroupement dans le secteur de l'exploitation forestière parce que cela nous nuit.
Vous devez en outre permettre à nouveau aux entreprises sans concessions de participer aux enchères concurrentielles de bois sur pied. Nous ne pouvons pas y participer à moins d'accepter de payer de l'impôt sur le chauffage, l'éclairage, l'assurance et tout le reste.
Vous pourriez exiger des sociétés ayant des concessions de commencer par récolter le bois qu'elles contrôlent avant de pouvoir participer aux enchères concurrentielles de bois sur pied. Ceux d'entre nous qui font de l'exploitation forestière — c'est probablement la minorité — trouvent difficile de soutenir la concurrence des grands titulaires de permis au cours de ces enchères. Il en est ainsi parce qu'ils n'ont pas à récolter d'abord le bois qu'ils contrôlent.
Vous pouvez également aider les Premières nations à expédier leur bois aux marchés. Je suis sûr que M. Atkinson aura beaucoup à vous dire à ce sujet. Nous vous demandons de continuer à gérer les exportations de grumes. Ces exportations sont nécessaires dans le cas de certaines essences et catégories, mais la gestion devrait être maintenue.
Pour ce qui est de l'Accord sur le bois d'œuvre résineux, il faudrait peut-être essayer d'obtenir l'accès au marché américain des produits à valeur ajoutée en offrant aux Américains d'obtenir de la fibre canadienne sans avoir à acquitter le droit de 75 $.
Vous pourriez accorder un quota illimité de produits à valeur ajoutée aux entreprises sans concessions des provinces ayant un système de contingentement. Cela aurait un certain nombre d'avantages dont je pourrais vous parler en détail si vous le souhaitez. Le plus important est d'exempter les entreprises sans concessions des pénalités que nous accepterons au prochain cycle de négociation afin de maintenir les concessions et les prix fixés par décision administrative.
Keith Atkinson, directeur général, BC First Nations Forestry Council : Bonjour. Je vous remercie de m'avoir invité aujourd'hui. J'appartiens à la Première nation Snuneymuxw de la région côtière de la Colombie-Britannique. Je suis ici à titre de directeur général du BC First Nations Forestry Council.
Nous tenons notre mandat de défense des intérêts forestiers des Premières nations de la Colombie-Britannique directement du First Nations Leadership Council dont les membres représentent les intérêts politiques de toutes les Premières nations de la province. Nos membres comprennent aussi bien les Premières nations qui participent au processus des traités que celles qui n'y participent pas.
Je voudrais commencer par un résumé de la situation juridique et politique actuelle de nos Premières nations. Comme certains d'entre vous le savent, la Cour suprême a rendu, au cours des 12 dernières années, de nombreuses décisions — à commencer par l'arrêt Delgamuukw de 1997 — qui confirment clairement les titres autochtones et les droits ancestraux. Ces titres comportent un aspect économique. Les peuples autochtones ont le droit de récolter du bois à leur usage personnel.
Je voudrais mentionner en passant que nous vivons aujourd'hui une journée historique à cause de l'adoption du projet de loi C-41 qui met en œuvre l'accord final des Premières nations maanulth. C'est un progrès extraordinaire des négociations menées dans la province.
Par suite de ces décisions judiciaires et des négociations portant sur les traités et compte tenu de l'esprit de coopération qui régnait au lendemain de l'accord de Kelowna, la province de la Colombie-Britannique et le First Nations Leadership Council ont élaboré et signé leur propre entente, la Nouvelle Relation. Ils ont depuis conçu de nouvelles approches de consultation et d'accommodement et ont cherché à apaiser les préoccupations des Autochtones et à réduire l'incertitude, les litiges et les conflits en Colombie-Britannique.
Grâce à ce processus, la Colombie-Britannique s'est engagée à établir de nouvelles relations de gouvernement à gouvernement fondées sur le respect, la reconnaissance et l'accommodement des droits ancestraux et des titres autochtones et sur la conciliation des titres et des compétences des Autochtones et de la Couronne. Les Premières nations de la province ont également convenu d'établir des processus et des institutions pour prendre en commun des décisions au sujet des terres et des ressources et pour partager les recettes et les avantages.
La création et le financement en 2006 du BC First Nations Forestry Council a été l'un des résultats les plus tangibles de cette nouvelle relation. Dans ses trois années d'existence, le conseil est devenu le principal défenseur des droits forestiers des Premières nations dans la province. Il donne des conseils et met en œuvre des programmes de soutien afin d'aider nos collectivités à traiter avec les gouvernements. Il établit des programmes économiques tels que le projet Wealth from Forests. Il collabore avec les gouvernements partenaires pour combattre les effets du dendroctone du pin ponderosa. Il cherche aussi à ouvrir de nouveaux marchés grâce, par exemple, à des missions commerciales en Chine, et à favoriser le développement économique, la diversification, la création de capacités, l'acquisition de compétences, le marketing et l'établissement d'une image de marque.
Lorsqu'on examine les causes de la crise forestière actuelle, deux grands facteurs ressortent en Colombie- Britannique : la crise mondiale due à des motifs économiques et les mauvaises pratiques de gestion forestière, y compris le manque d'efforts pour développer des produits de bois diversifiés.
La Colombie-Britannique compte 204 collectivités des Premières nations, dont la grande majorité dépend de la forêt et dont 160 ont des concessions forestières. Nous détenons actuellement des coupes annuelles d'environ six millions de mètres cubes et contrôlons au total plus de 40 millions de mètres cubes. Nous avons souffert de l'effondrement de l'industrie forestière, mais ces ressources peuvent jouer un rôle de premier plan dans le rétablissement de l'industrie.
L'une des plus grandes difficultés que connaissent nos collectivités réside dans l'accès au financement et aux programmes provinciaux et fédéraux. Beaucoup de nos collectivités n'ont pas les moyens de gérer les processus de planification des demandes, qui tendent de toute façon à défavoriser les Premières nations parce qu'ils ne tiennent pas compte de la pauvreté actuelle de la majorité de nos collectivités.
Le BC First Nations Forestry Council a l'avantage, pour nos collectivités et le gouvernement, d'être en mesure de servir de guichet unique pour l'échange d'information entre les deux parties et de faciliter l'accès aux programmes, au financement et à d'autres ressources. Toutefois, cela est plus facile à dire qu'à faire.
Dans le cas des fonds fédéraux, ils sont souvent dispersés entre différents ministères, comme les Affaires indiennes, les Ressources naturelles, la Diversification de l'économie de l'Ouest, et cetera. De ce fait, nous sommes souvent renvoyés d'un ministre à l'autre et d'une administration à l'autre.
Par exemple, nous avons dû faire le tour de différents ministères dans les efforts que nous avons déployés ces dernières années afin d'obtenir des fonds suffisants pour combattre les effets du dendroctone du pin ponderosa. Il y a environ trois mois, nous avons cru avoir réalisé une grande percée lorsque nous avons obtenu l'appui personnel de Lisa Raitt, la ministre fédérale des Ressources naturelles. Nous avions présenté une proposition prévoyant 60 millions de dollars sur trois ans pour créer des emplois dans nos collectivités et des collectivités voisines non autochtones grâce à des projets de gestion de combustibles forestiers, comme l'aménagement de coupe-feu.
La ministre Raitt nous a renvoyés à sa collègue de la Diversification de l'économie de l'Ouest, l'honorable Lynne Yelich. Nous avons immédiatement présenté notre proposition en mentionnant que le projet bénéficiait de l'appui de la ministre des Ressources naturelles. Jusqu'ici, nous n'avons pas reçu de réponse de Mme Yelich. En fait, nous avons été obligés de tout recommencer fin mai. Il a fallu produire une nouvelle demande fondée sur les nouveaux critères et les nouvelles normes de présentation de DEO pour le financement du programme d'adaptation des collectivités.
Nous avons également ramené notre demande de fonds à 24 millions de dollars sur deux ans, mais on nous a dit que c'était encore trop, même si ce montant doit financer de nombreux projets, fournir des emplois et relancer l'économie de quelque 70 collectivités des Premières nations et de nombreuses autres municipalités non autochtones. Nous travaillons encore en ce moment sur la proposition avec les responsables de DEO.
Entre-temps, nous continuons à passer d'un ministère à l'autre pour essayer de réaliser un projet de développement économique destiné, entre autres, à créer des capacités, des compétences administratives et des occasions d'affaires dans les collectivités des Premières nations. Nous voulons, dans le cadre de ces initiatives, aider nos collectivités à profiter de la demande de bois d'œuvre créée par la construction de logements pour les Premières nations, réaliser des projets de fabrication de produits de bois à valeur ajoutée, mettre en valeur des ressources et des produits forestiers non ligneux et créer de nouveaux marchés.
Il y a eu quelques succès. Le groupe de travail sur la gestion des combustibles forestiers se compose de représentants de notre BC First Nations Forestry Council, de la Société des services d'urgence des Premières nations, du ministère des Forêts et des Prairies de la Colombie-Britannique et des ministères fédéraux des Affaires indiennes et des Ressources naturelles. Ce groupe a fait beaucoup de bon travail ces dernières années dans la lutte contre les effets du dendroctone du pin ponderosa. Il a réussi à obtenir 12,2 millions de dollars pour permettre aux collectivités de faire de la gestion sur le terrain et des travaux de prévention des incendies de forêt. D'après nos premières estimations, cela représente environ 10 p. 100 du travail nécessaire pour réduire les risques occasionnés par l'accumulation de matières combustibles.
Nous devons encore affronter d'énormes obstacles. Nous avons des ressources qui attendent pour être mises en valeur. Nous avons dressé des plans et mis en place des programmes réussis qui prouvent la faisabilité de nos propositions. Nous ne disposons cependant pas d'un système qui nous permette de travailler efficacement avec les gouvernements pour accéder à du financement et à des partenariats.
Nous avons un autre grand problème : malgré les progrès réalisés grâce à la Nouvelle Relation avec le gouvernement de la Colombie-Britannique, les Premières nations de la province continuent d'être exclues des processus de décision touchant directement la gestion et l'utilisation des terres et des ressources dans leurs territoires et d'être privées de l'accès à une part équitable des ressources et des recettes tirées de ces territoires.
Nous continuons à voir le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial prendre l'initiative de négocier et d'élaborer des stratégies en notre nom. Par exemple, en 2007, le gouvernement de la Colombie-Britannique a élaboré, sans consulter les Premières nations, une stratégie de bioénergie conçue pour revitaliser et réoutiller le secteur forestier afin de lui permettre de tirer parti de nouveaux marchés et de trouver de nouveaux débouchés pour le bois. En 2008, le gouvernement fédéral a élaboré une nouvelle vision des forêts du Canada sans vraiment nous consulter ni nous faire participer.
Les questions non réglées relatives aux droits ancestraux et aux titres autochtones compromettent la certitude et l'investissement en Colombie-Britannique. Ce facteur a sérieusement entravé le succès dans le passé et a contribué à la situation déplorable que connaît actuellement notre secteur forestier. Le règlement de ce problème est essentiel au succès futur du secteur forestier et d'autres secteurs de ressources. Il apporterait de la certitude et permettrait de définir des règles, ce qui renforcerait la confiance et favoriserait l'investissement dans les scieries et dans une industrie qui a besoin d'être réinventée pour profiter des nouvelles perspectives et des nouveaux marchés émergents.
Pour accroître la compétitivité de l'industrie forestière canadienne, il est également essentiel d'assurer le libre accès des produits du bois aux marchés. Le gouvernement fédéral doit faire participer davantage les Premières nations de la Colombie-Britannique à l'élaboration des politiques et des pratiques liées au commerce, à l'économie et à la gestion durable des forêts.
L'Accord sur le bois d'œuvre résineux nous touche directement puisqu'il met en cause des ressources extraites des territoires des Premières nations. Il a des répercussions sur notre accès aux marchés et ne tient pas compte de la signification culturelle des forêts et des ressources forestières pour les peuples autochtones.
Honorables sénateurs, je voudrais dire, pour paraphraser Henry Ford, que nous sommes ici non pour blâmer, mais pour trouver une solution. En gardant cela à l'esprit, je voudrais conclure en vous présentant quelques recommandations que nous aimerions voir dans votre rapport.
Premièrement, le gouvernement fédéral devrait reconnaître les principes de la Nouvelle Relation et les efforts d'harmonisation et permettre aux Premières nations de participer pleinement au secteur forestier grâce à une prise de décision et à des compétences communes sur les plans de l'accès, de l'utilisation et de la gestion en matière de ressources forestières, en particulier, et de ressources naturelles, en général.
Deuxièmement, le gouvernement fédéral devrait accroître, rationaliser et regrouper ses programmes de financement et ses mesures d'appui destinés aux peuples autochtones du Canada. Les Premières nations de la Colombie-Britannique qui dépendent des forêts ont besoin non seulement d'occasions, mais aussi de moyens pour les saisir. Le gouvernement fédéral doit supprimer les obstacles et ouvrir les portes pour les aider à obtenir l'aide dont elles ont besoin.
Troisièmement, le gouvernement fédéral devrait faire preuve de bonne foi et d'engagement en se joignant à la grande majorité des pays du monde qui ont signé et appuyé la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Il devrait également élaborer des politiques et adopter des mesures législatives nationales pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique, qui prévoit la participation des peuples autochtones et reconnaît l'importance de l'utilisation de leurs connaissances traditionnelles dans la conservation et l'utilisation durable des ressources forestières. Le BC First Nations Forestry Council est reconnaissant d'avoir été invité à comparaître devant le comité et espère participer à l'avenir à l'élaboration de politiques à ce niveau.
Je vous remercie de m'avoir invité au comité aujourd'hui. Je ferai de mon mieux pour répondre à toute question que vous voudrez me poser.
R.M. (Rick) Jeffery, président-directeur général, Coast Forest Products Association : Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le comité aujourd'hui.
Si vous le permettez, je vais me présenter très rapidement. Je suis président-directeur général de la Coast Forest Products Association. Je représente les grandes sociétés de pâtes et papiers, d'exploitation forestière et de production de bois d'œuvre de la région côtière de la Colombie-Britannique.
L'association compte 26 membres qui totalisent ensemble 60 p. 100 des activités d'exploitation forestière, 80 p. 100 de la production de pâtes et papiers et environ 80 p. 100 de la production de bois d'œuvre. Nous employons directement 12 000 travailleurs et indirectement, 24 000 autres. Nous constituons la base de l'économie des collectivités côtières rurales de la Colombie-Britannique.
J'ajouterai que ces nombres ne sont vrais que lorsque nous fonctionnons à plein rendement. À l'heure actuelle, nous n'utilisons notre capacité qu'à environ 25 p. 100 dans le domaine de l'exploitation forestière, à 43 p. 100 pour la production de bois d'œuvre et à environ 60 p. 100 pour la production de pâtes et papiers. Je reviendrai sur ces chiffres dans quelques instants.
Allons directement au cœur du problème. Dans la région côtière de la Colombie-Britannique, comme partout ailleurs dans le pays, l'industrie forestière est confrontée à de grands problèmes. Le premier est la crise que nous connaissons actuellement, qui est attribuable à l'effondrement du marché américain du logement et qui a entraîné une récession mondiale. Le second problème consiste à avoir les politiques qu'il faut pour saisir la première des occasions futures qui se présenteront à notre industrie, qui aura d'ailleurs de nombreuses occasions à saisir.
Ces problèmes sont interdépendants. La manière dont nous sortirons de la crise à court terme et les mesures que nous prendrons aujourd'hui nous permettront de bâtir la voie à suivre pour saisir les occasions de l'avenir.
Parlons de la crise actuelle.
En toute franchise, la crise est due au marché. Nous n'arrivons pas à vendre notre bois d'œuvre et M. Cameron n'arrive pas à vendre ses produits de seconde transformation. Il n'y a plus de marché pour les produits des pâtes et papiers. À moins que le gouvernement du Canada ne veuille se montrer assez généreux pour acheter toute notre production et l'entreposer quelque part, vous ne pourrez pas résoudre ce problème. Nous devons faire ce que nous pouvons pour rétablir les marchés et encourager la diversification. Tout secours à court terme n'est en réalité qu'illusion.
Le gouvernement fédéral ne peut pas faire grand-chose face à la crise actuelle du marché, mais vous pouvez prendre un certain nombre de mesures pour nous aider à saisir les occasions qui se présenteront à l'avenir. C'est de cela que je voudrais vous parler.
Tout d'abord, nous devons nous occuper de nos travailleurs et de nos collectivités, qui souffrent énormément partout dans le Canada rural. Un Fonds d'adaptation des collectivités d'un milliard de dollars a été annoncé dans le dernier budget. Comme M. Atkinson vous l'a dit avec beaucoup d'éloquence, notre industrie n'arrive pas aujourd'hui à accéder à cet argent par l'entremise de Diversification de l'économie de l'Ouest. Or, ce sont nos travailleurs que nous essayons de remettre au travail. Il s'agit des terres qui sont essentiellement sous notre contrôle, bien que certaines d'entre elles relèvent plutôt de M. Atkinson et certaines autres, beaucoup moins nombreuses, de M. Cameron, à cause de la conception du programme. Je voudrais revenir à la première tranche des fonds d'aide aux collectivités annoncée il y a environ deux ans. Sur ces fonds, 129 millions de dollars sont parvenus à la Colombie-Britannique. À ma connaissance, c'est la seule province qui ait établi une fiducie pour le développement communautaire et qui ait utilisé l'argent d'une façon transparente aux fins prévues. La province a créé une excellente infrastructure. Le programme avait été conçu en consultation avec l'industrie, les syndicats et le gouvernement. L'argent a été réparti comme prévu et a permis d'obtenir les résultats attendus.
Pour la seconde tranche des fonds annoncée dans le dernier budget, il est évident que le gouvernement fédéral n'avait pas été satisfait de la façon dont les provinces autres que la Colombie-Britannique avaient réparti la première tranche. Il a donc décidé de faire passer l'argent par les sociétés de développement économique régional. Nous avons donc un problème aujourd'hui. Malheureusement pour nos travailleurs et nos collectivités, l'argent ne semble pas circuler aussi facilement que la première fois. Nous avons actuellement l'impression d'être écartés. La façon dont l'argent est réparti a des répercussions sur les ventes de bois d'œuvre. La première fois, nous avions réglé les problèmes dans le cadre de la fiducie pour le développement communautaire, mais nous n'avons pas encore réussi à le faire cette fois-ci.
Il y a aussi le problème de l'assurance-emploi. C'est actuellement un enjeu politique brûlant qu'on se refile à droite et à gauche. Nous avons un système variable, ou plutôt un système qui est censé s'adapter aux besoins particuliers des chômeurs. Dans ce cas, les travailleurs forestiers sont touchés d'une telle façon, partout dans le pays, que leurs périodes de prestations arrivent à expiration ou qu'ils ne justifient pas d'un nombre suffisant d'heures de travail pour être admissibles. Le résultat, c'est que le système ne les aide pas.
Je ne tiens pas à naviguer dans les eaux troubles de la politique fédérale, mais si vous voulez rajuster le programme de façon à aider les travailleurs forestiers, vous devez examiner leurs besoins particuliers et éviter d'exploiter ce problème au profit de ceux qui vont voter pour vous ou à d'autres fins politiques.
La vice-présidente : C'est exactement ce que nous voulons entendre.
M. Jeffery : Ces gens ont besoin d'aide, mais ils n'en obtiennent pas. Une coalition a écrit à Diane Finley pour lui demander certaines choses. Nous continuerons à travailler avec son ministère à cet égard. Si vous pouviez nous aider dans ce domaine, ce serait vraiment très utile.
L'autre grande difficulté actuelle, c'est la liqueur noire. Ce problème nous vient des États-Unis qui subventionnent les producteurs de pâtes et papiers chimiques kraft dans le cadre d'un programme de promotion des énergies de remplacement. Notre gouvernement est sur le point d'annoncer un plan de réaction d'un milliard de dollars. C'est une bonne chose, sauf que lorsque le gouvernement se décide à intervenir sur le marché, il fait des gagnants et des perdants. C'est ce que nous aurons chez nous. Dans ma région, il y a la société Catalyst Paper qui produit à la fois de la pâte thermomécanique et de la pâte kraft. Cette entreprise a fermé son usine de pâte kraft à cause de la situation du marché. Cela signifie que, contrairement à ses concurrents, elle ne pourra pas profiter du programme fédéral. Nous devons donc veiller à ce que ce programme lié à la liqueur noire établisse des règles du jeu équitables et essayer d'en minimiser les effets pervers.
Le crédit constitue également un enjeu important dans notre monde. Lorsque la rentabilité et les bénéfices diminuent, le crédit se resserre et les investissements sont difficiles à faire, même dans les meilleures périodes. Aujourd'hui, c'est encore plus difficile. Il faut reconnaître que le gouvernement applique des politiques macroéconomiques dans des domaines largement inexplorés. De ce fait, il est encore trop tôt pour savoir si le plan de relance donnera les résultats escomptés.
Il y a lieu de noter que la Banque du Canada déploie de très grands efforts pour essayer de nous aider et fait preuve de beaucoup d'innovation à cet égard. Il ne faut pas perdre de vue qu'à défaut de crédit, la possibilité d'investir dans l'innovation et dans l'avenir — qu'il s'agisse de M. Cameron, de M. Atkinson ou de n'importe qui d'autre — est gravement compromise. Nous devons toujours garder cela à l'esprit.
Ce sont donc les problèmes immédiats que nous devons affronter. Je voudrais parler de certaines choses que le gouvernement fédéral pourrait faire à court terme pour nous aider à moyen et à long terme. Il s'agit essentiellement d'améliorer le climat des affaires dans lequel notre industrie évolue, afin qu'elle devienne plus compétitive. Plus nous serons compétitifs, plus nous avons de chances de créer des emplois durables et bien rémunérés. Si nous ne sommes pas compétitifs, la situation actuelle se perpétuera.
Premièrement, malgré le point de vue exprimé par mes collègues de la Colombie-Britannique, l'Accord sur le bois d'œuvre résineux constitue un traité international de première importance qu'il est nécessaire de maintenir. Sans cet accord, les Américains imposeront à notre industrie des droits antidumping et compensateurs qui nous ruineront. Vous croyez que nous sommes en crise aujourd'hui. En l'absence de cet accord, la situation actuelle serait pour nous l'équivalent du paradis. Nous devons toujours garder à l'esprit le bois d'œuvre et ce traité.
Deuxièmement, le gouvernement fédéral doit prolonger la période d'amortissement accéléré afin d'encourager et de faciliter l'investissement et de nous permettre d'être les premiers à démarrer lorsque les marchés retrouveront leur rythme normal. Le programme actuel s'applique par cycles de deux ans. Nous souhaitons que la période soit plus longue pour que les intéressés sachent à quel rythme ils pourront amortir leurs investissements.
Troisièmement, nous devons financer l'innovation. À l'heure actuelle, les entreprises ne peuvent bénéficier du crédit d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental que si elles ont réalisé des bénéfices. De toute évidence, nous n'avons pas de bénéfices en ce moment. Par conséquent, nous n'investissons pas dans la R-D aujourd'hui, et nous ne le ferons pas demain. Il faudrait que ce crédit d'impôt soit disponible pour qu'il nous soit possible de commencer ou de poursuivre le développement de produits et de marchés et de faire les choses nécessaires pour favoriser l'innovation dans l'industrie.
Quatrièmement, nous devons déterminer le rôle exact des produits forestiers dans l'équation des changements climatiques et des gaz à effet de serre. Nous examinons ce que font nos voisins du Sud. La Colombie-Britannique participe à la Western Climate Initiative. Nous élaborons des protocoles pour les échanges d'émissions et d'autres mesures. Nous ne devons pas perdre de vue, pendant que nous établissons ces systèmes, que les produits forestiers et les produits de papier stockent du carbone. Ils constituent une source d'énergie durable neutre en carbone. Pour que le Canada et notre industrie puissent profiter de nos forêts et du secteur des produits forestiers, nous devons mettre en place les bonnes politiques. Le système a des millions d'éléments mobiles dont nous ne contrôlons que quelques-uns. Nous devons être diligents et surveiller de près ce qui se passe. Nous devons y affecter nos meilleurs cerveaux pour nous assurer d'avoir les bonnes solutions.
Cinquièmement, le gouvernement fédéral peut jouer un rôle dans l'écologisation de notre industrie et du secteur environnemental en leur accordant les mêmes encouragements qu'aux autres producteurs d'énergies de remplacement, comme les parcs d'éoliennes, l'énergie solaire, et cetera. L'industrie de la biomasse a un énorme potentiel et peut devenir un chef de file dans le domaine de la production d'énergie verte.
Toutefois, nous sommes une fois de plus en présence de règles du jeu déséquilibrées, qui n'accordent pas un traitement égal à tout le monde. Nous devons remédier à cette situation. Cela aiderait considérablement l'industrie à se transformer elle-même, surtout dans le secteur des pâtes et papiers.
Sixièmement, vous devez déterminer l'ordre des priorités des différents programmes de marketing et les développer. Il s'agit de l'initiative Le bois nord-américain d'abord, du Programme canadien d'exportation des produits de bois et le programme Valeur au bois. Ces importants programmes fédéraux reçoivent des fonds de contrepartie du gouvernement provincial et de l'industrie, de sorte que les trois partenaires financent ces activités qui nous aident à ouvrir de nouveaux marchés en Chine.
Je suis moi-même président du Groupe des produits de bois canadien, qui rassemble des associations de toutes les régions du pays. Nous avons des bureaux à Tokyo, Shanghai, Beijing, Séoul, Bruxelles et Londres. Ces bureaux ont pour objet de s'assurer de l'absence de barrières non tarifaires et de vérifier que nos produits peuvent être utilisés dans ces pays. Nous développons également des marchés, ce qui est très important pour l'avenir. Comme nous l'avons vu, il n'est pas bon pour nous de trop dépendre du marché américain. Ces programmes sont essentiels pour nous permettre de saisir les occasions qui s'offrent à l'étranger.
Nous devons également financer l'innovation, c'est-à-dire trouver l'argent nécessaire pour être en mesure de faire passer certaines choses du laboratoire au marché. C'est une transition difficile. Le gouvernement fédéral peut nous aider en s'occupant de la R-D précommerciale et du développement du produit de concert avec l'industrie. Nous avons recours à cette fin à FPInnovations, à l'Université du nord de la Colombie-Britannique, à l'Université Laval et à d'autres établissements du pays. Nous avons accès à des gens compétents et à des scientifiques de haut calibre. Nous devons pouvoir compter sur eux pour diriger ces activités. Cela est particulièrement important dans les régions côtières de la Colombie-Britannique, tandis que nous passons de la forêt ancienne à des forêts de seconde venue. En effet, la nouvelle génération de produits de bois jouera un rôle clé dans le développement de ces forêts. Si nous croyons pouvoir les utiliser pour produire de simples planches, c'est un modèle de gestion qui ne convient pas pour soutenir la concurrence. Nous courrons à l'échec.
Huitièmement, la Colombie-Britannique a une politique favorisant l'utilisation du bois. Tous les bâtiments construits par ou pour le gouvernement provincial devront avoir des éléments en bois. Nous exhortons le gouvernement fédéral à adopter une politique du même genre. Encore une fois, c'est une bonne chose tant dans une optique de carbone et de gaz à effet de serre que dans une perspective de développement de produits.
Le marché non domiciliaire, dont notre part ne s'élève actuellement qu'à 6 p. 100, a un très grand potentiel. Pensez donc à un mail linéaire dans lequel on remplacerait les blocs de béton et les poutres d'acier par notre beau bois éconergétique. Nous pourrions ainsi développer notre part du marché et trouver de nouveaux débouchés pour nos produits. Cela est essentiel. Une politique fédérale favorisant l'utilisation du bois contribuerait beaucoup à des progrès dans ce domaine.
Enfin, M. Atkinson a parlé avec beaucoup d'éloquence des problèmes que doivent affronter les Premières nations. Dans notre monde et dans le secteur forestier de la Colombie-Britannique, tant que nous n'aurons pas trouvé une solution gagnante pour tout le monde, dans laquelle nos Premières nations ont leur part du développement économique de l'industrie, nous ne réussirons pas. Nous devons trouver des moyens d'arriver à ce résultat. M. Atkinson a mentionné quelques initiatives qui méritent d'être examinées. Nous travaillons avec notre gouvernement provincial et aimerions beaucoup collaborer aussi avec le gouvernement fédéral pour trouver ces solutions gagnantes pour tout le monde.
Notre industrie a un grand avenir au Canada. Nous connaissons actuellement de fortes variations de la demande à cause de choses telles que les changements climatiques, le dendroctone du pin ponderosa et la demande accrue de forêts durables et d'interdiction des opérations illicites d'exploitation forestière qui détournent du bois de nos marchés.
Nous disposons des plus grandes réserves de bois du monde. Nous avons les niveaux les plus élevés du monde en matière de gestion durable, de certification et de zones protégées. Nous avons les meilleures personnes du monde, les plus grandes compétences, les meilleures connaissances et une culture de fabrication de produits forestiers. Si nous pouvons concentrer nos efforts sur toutes ces choses, nous aurons sûrement un brillant avenir.
La vice-présidente : Merci beaucoup. Je vous remercie tous. Vous avez été très astucieux en nous exposant vos préoccupations précises. C'est exactement ce que nous voulons entendre. Nous sommes très heureux de votre présence ici.
Le sénateur Mercer : Je vous remercie, messieurs, d'avoir pris le temps de comparaître devant le comité. Je ne sais pas trop par où commencer parce que vous avez soulevé tant de questions importantes. Je vais essayer de poser une question à chacun d'entre vous, mais si les autres témoins veulent intervenir, ils peuvent certainement le faire car la plupart des questions s'appliquent aux trois.
J'ai trouvé parmi vous un partisan et deux adversaires de l'Accord sur le bois d'œuvre résineux. Je trouve cela intéressant.
Monsieur Cameron, quel est le niveau du droit que nous avons imposé sur vos exportations aux États-Unis? Vous dites que vos concurrents — je suppose qu'il s'agit des exportateurs chinois, indiens et indonésiens — n'ont pas de droits à payer sur leurs exportations.
M. Cameron : Aux termes de l'Accord sur le bois d'œuvre résineux, nos produits sont frappés d'un droit de 15 p. 100 lorsqu'ils sont exportés aux États-Unis. Comme il s'agit de produits à valeur ajoutée de haute gamme, la taxe s'élève à 75 $ par millier de pieds-planche parce qu'il y a un plafond de 500 $ que nous dépassons presque toujours. Le concept de la première scierie n'est pas très utile car très peu de fabricants américains de produits à valeur ajoutée se servent de bois canadien. Ils utilisent plutôt du bois américain sur lequel il n'y a aucun droit à acquitter. Les 75 $ que nous devons payer si le bois est traité au Canada peuvent être évités si les produits sont traités en Chine, par exemple.
Nous avons découvert qu'il y avait une assez grande quantité de bois qui subissait une seconde transformation en Colombie-Britannique et qui va maintenant en Chine. C'est là que se fait la seconde transformation, après quoi le bois revient aux États-Unis. Les 75 $ par millier de pieds-planche constituent ce qu'on pourrait appeler une « subvention au transport ». Elle paie le transport du bois jusqu'en Chine, puis le retour à peu près jusqu'à Hawaï. Le reste est couvert par les frais de main-d'œuvre moins élevés de la Chine.
Même si je ne suis pas particulièrement en faveur de l'Accord sur le bois d'œuvre résineux, que j'aurais bien préféré qu'il ne soit jamais signé et que je ne le considère pas du tout comme une entente avantageuse, je sais bien que nous ne pouvons pas nous en débarrasser. M. Jeffery a raison, car la coalition nous le dit sans vergogne : « Annulez cet accord, et nous vous flanquerons un droit antidumping de 30 ou 40 p. 100, sans compter le droit compensateur. » Ces gens ne prennent même pas la peine de préciser le chiffre.
Le sénateur Mercer : Vous avez parlé de la gestion des exportations de grumes. Je trouve toujours étonnant que nous exportions des grumes à d'autres pays qui fabriquent les produits à valeur ajoutée et nous les réexpédient. Nous allons ensuite chez Wal-Mart, Costco ou La Baie acheter ces produits.
M. Cameron : Si j'avais été roi, si j'avais pu agir à mon gré, nous n'exporterions pas du tout de grumes aux États- Unis. Toutefois, je crois que nous avons beaucoup de peuplements qui ne sont pas exploités parce qu'ils ont un trop grand pourcentage de pruche ou de sapin baumier. Nous devons vendre une partie de la récolte.
Le sénateur Mercer : Est-ce qu'il s'agit de grumes de qualité? Sont-elles attaquées par le dendroctone? Viennent-elles d'un premier peuplement?
M. Cameron : Ce sont des grumes de bonne qualité.
Le sénateur Mercer : Nous ne trouvons personne qui veille acheter les grumes attaquées par le dendroctone.
M. Cameron : Quelques entreprises qui construisent des maisons en rondins les utilisent volontiers parce qu'elles sont solides et bien sèches. En Colombie-Britannique, la plupart des exportations de grumes se font dans les régions côtières. C'est un peu à contrecœur que nous reconnaissons qu'il faut quand même en exporter une certaine quantité. Nous aimerions bien que cela se limite à la pruche, au pin baumier et aux essences inférieures.
Le problème, si on ne permet pas l'exportation d'une certaine quantité de grumes, c'est que ça ne marcherait pas. Si on permet l'exportation, 15 à 20 p. 100 d'un peuplement seraient alors exportés, mais il reste alors 80 à 85 p. 100 pour la consommation locale en Colombie-Britannique.
M. Jeffery : Je représente les fabricants. Nous ne sommes pas très chauds pour l'exportation des grumes, mais il faut penser à diversifier notre panier de produits forestiers. Ce panier comprend tout, du salal aux champignons, des grumes au bois d'œuvre, des pâtes et papiers à l'énergie et aux crédits de carbone. Pour moi, il ne serait pas rationnel d'interdire un élément quelconque.
Comme vous représentez le gouvernement fédéral, vous ne devez pas perdre de vue que vous n'avez compétence, dans ce domaine, que sur les terres privées d'avant 1906. La Colombie-Britannique est la seule province du Canada qui soit assujettie aux restrictions fédérales sur les exportations de grumes. Ces restrictions ne s'appliquent nulle part ailleurs. C'est une mesure artificielle appelée l'avis 102.
Nous trouvons cela étrange qu'une région du pays soit soumise à des restrictions sur les exportations de grumes tandis que le Québec, l'Ontario et les Maritimes peuvent exporter toutes les grumes qu'ils veulent.
Le sénateur Mercer : Je vous souhaite la bienvenue au Canada. C'est bien vrai que nous trouvons toujours des moyens de compliquer les choses simples.
Monsieur Atkinson, vous avez brièvement mentionné l'accord de Kelowna. J'étais un grand partisan de cette entente. Si l'accord n'avait pas été dénoncé, votre situation serait-elle la même? Serait-elle meilleure aujourd'hui? J'expose peut-être un bon programme à des critiques. Est-ce que cet accord vous aurait aidé à éviter certaines des difficultés que vous connaissez maintenant?
M. Atkinson : Malheureusement, je ne joue un rôle politique au BC First Nations Forestry Council que depuis environ un an. Je n'ai pas participé au processus de l'accord de Kelowna. Je ne pense donc pas pouvoir répondre utilement à votre question.
Le sénateur Mercer : Vous avez pourtant dit que les Premières nations ont été exclues du processus décisionnel. Est- ce que les choses ont changé par rapport à ce qu'elles ont toujours été? Je regarde vos collègues assis avec vous. Est-ce que les Premières nations sont les seules à être exclues? Vos collègues ne sont-ils pas logés à la même enseigne? Je suppose — et ils pourront me le dire eux-mêmes — que chacun se sent exclu du processus décisionnel.
M. Atkinson : Oui, ce n'est pas très différent de ce que c'était dans le passé. En même temps, grâce à certaines ententes et à la façon dont les Premières nations se sont organisées sous la direction du conseil des chefs qui rassemble nos principaux organes politiques, les dirigeants des Premières nations ont réalisé des progrès remarquables. La province l'a reconnu dans la Nouvelle Relation, et cela contribue à nos progrès. Compte tenu de la force que ce genre de leadership assure, nous voulons que le gouvernement fédéral le reconnaisse et participe également à ce niveau.
Le sénateur Mercer : Vous avez dit que la ministre Yelich, de Diversification de l'économie de l'Ouest, ne vous a pas répondu. J'espère que mes collègues d'en face en ont pris note et, dès qu'ils en auront l'occasion...
Le sénateur Eaton : Nous ne sommes pas partisans.
Le sénateur Mercer : Je le comprends bien, mais vous devez voir la ministre demain, au cours d'une réunion à laquelle je n'assisterai pas. Vous pourriez peut-être lui en toucher un mot pour qu'elle réponde à ces gens.
Je n'ai jamais été un grand partisan de l'Accord sur le bois d'œuvre résineux, pas nécessairement à cause de l'argent qui est pris, mais plutôt à cause de l'argent que nous avons laissé. Nous sommes un peu responsables de ce qui nous arrive puisque nous finançons les gens de l'autre côté qui vont contester ce que nous faisons.
C'est un peu comme les différentes lois traitant de l'exportation des grumes. Je trouve incroyable que nous ayons agi ainsi. Monsieur Jeffery, que pensez-vous de l'argent que nous avons perdu dans cette affaire?
M. Jeffery : Tout cela, c'est du passé. C'est le prix qu'il a fallu payer pour avoir cet accord qui, après tout, contient beaucoup d'éléments positifs. Une partie de l'argent a été affectée au groupe binational qui s'en sert à bon escient dans le secteur forestier. Quoi qu'il en soit, c'est l'accord que nous avons. Personne ne l'aime, mais nous nous sommes résignés.
En réalité, pour répondre à votre question précédente, le taux réel du droit acquitté par un producteur côtier en vertu de l'accord, qui est en principe de 15 p. 100, se situe en fait entre 7 et 11 p. 100 selon le produit. C'est à cause du plafond établi pour les produits d'une grande valeur et d'autres facteurs.
Ce droit nous revient moins cher que les 40 p. 100 que nous aurions à payer autrement. Si nous avions gagné et avions continué à agir comme nous le faisions et si cette crise était alors survenue, nous amenant à un moment donné à vendre notre bois d'œuvre aux États-Unis à 128 $ le millier de pieds-planche, ce qui est bien inférieur aux coûts variables de production, nous aurions sûrement été frappés d'un droit antidumping. Les Américains auraient présenté une contestation et nous aurions aujourd'hui à payer d'énormes droits. En rétrospective, je crois que la signature de cet accord était une bonne chose et que le milliard de dollars que nous y avons laissé n'était pas une si mauvaise affaire.
Le sénateur Mercer : J'aimerais poser une question aux trois témoins. Êtes-vous au courant d'un nouveau programme gouvernemental — je viens de rencontrer les fonctionnaires aujourd'hui — qui s'appelle la garantie marge de crédit? C'est un nouveau programme de la Banque de développement du Canada dans le cadre duquel quatre prêteurs, la Banque de Montréal, la Banque Royale, la Banque de la Nouvelle-Écosse et Desjardins, accorderont des marges de crédit qui seront garanties par le gouvernement. Êtes-vous au courant de ce programme? Vous avez tous parlé de la difficulté d'accéder au crédit.
M. Cameron : J'ai vu une très brève description de ce programme l'autre jour.
Le sénateur Mercer : À votre place, j'en parlerai avec la Banque de développement du Canada. Vous avez plusieurs succursales de cet établissement en Colombie-Britannique.
Le sénateur Eaton : Monsieur Atkinson, nous avons récemment entendu un étudiant en doctorat des Premières nations qui nous a parlé de la fabrication de produits forestiers au niveau communautaire. Avez-vous envisagé des projets de ce genre? Il a parlé non seulement d'exploitation forestière, mais aussi de la fabrication d'autres produits.
M. Atkinson : Oui, l'un de nos principaux programmes qui ont eu du succès au cours des deux dernières années avait commencé par un projet de soutien technique pour les produits en bois. Il s'agissait surtout de financer la création de capacités dans nos collectivités. Le projet était parrainé par le ministère des Forêts de la Colombie-Britannique, le ministère fédéral des Affaires indiennes et du Nord canadien et Diversification de l'économie de l'Ouest. Nous avons formé un partenariat avec FPInnovations pour profiter de l'expertise et des services consultatifs en valeur ajoutée de ce groupe afin d'aider nos collectivités qui s'intéressaient à la seconde transformation et aux produits à valeur ajoutée.
Le sénateur Eaton : Avez-vous réalisé des projets pilotes dans le domaine des produits forestiers communautaires? Je pose la question parce que nous avons découvert qu'il y a des projets pilotes un peu partout dans le pays, mais que les gens ne se parlent pas entre eux.
M. Atkinson : Quelques-unes de nos Premières nations détiennent des permis forestiers communautaires portant sur de petites concessions de la Colombie-Britannique. Elles gèrent des superficies limitées de terres forestières. Nous les aidons à développer des applications de seconde transformation et des produits à valeur ajoutée à partir du bois récolté sur ces terres. Notre rôle consiste à créer des capacités partout dans nos collectivités. Nous essayons de les aider à adopter des pratiques exemplaires d'abord pour gérer et exploiter les terres forestières et ensuite pour utiliser le bois dans des produits à valeur ajoutée. Nous obtenons de bons résultats. Nous espérons pouvoir continuer à offrir cette aide.
Nous avons aidé quelque 37 collectivités au cours des deux dernières années. Notre plus grand projet a consisté à mettre en train une scierie. La collectivité en cause souhaitait avoir une petite scierie mobile parce qu'elle avait accès à de la fibre. Elle voulait utiliser le bois pour en faire davantage, créer des emplois et réaliser des projets. Il y avait un problème de capacité. Nous avons établi des contacts avec FPInnovations, qui nous a aidés à surmonter ces obstacles et à trouver des moyens de progresser. À l'étape suivante, il a fallu réfléchir à ce qu'il convenait de faire de ces produits. À qui pourrons-nous les vendre? C'est le problème en Colombie-Britannique, comme M. Jeffery l'a noté. Nous n'avons pas des moyens de marketing et de promotion de notre image de marque. Nous essayons de mettre en place un programme pour déterminer le genre d'image de marque à associer aux produits des Premières nations. Nous essayons aussi de faire profiter nos collectivités des initiatives de marketing de la province.
Le sénateur Eaton : Et qu'en est-il de l'éducation? D'autres témoins nous ont dit que les Premières nations n'ont pas les moyens d'enseignement et de soutien nécessaires pour acquérir une éducation plus poussée en foresterie, qui comprendrait des connaissances à la fois naturelles et théoriques.
M. Atkinson : Si j'ai bien compris, il s'agit des moyens d'intégrer les connaissances traditionnelles ainsi que les valeurs et les principes de nos collectivités dans le modèle scientifique occidental de gestion des forêts.
Le sénateur Eaton : Il ne s'agit pas de créer un système parallèle. Il faudrait plutôt établir des ponts.
M. Atkinson : C'est exact. Au BC First Nations Forestry Council, nous essayons de former des partenariats avec des groupes tels que la faculté de foresterie de l'Université de la Colombie-Britannique. Nous collaborons avec ces groupes ainsi qu'avec le programme provincial de sciences forestières. Nous insistons sur les stratégies d'harmonisation, c'est-à- dire sur l'intégration des connaissances traditionnelles des Premières nations dans les modèles scientifiques occidentaux. Nous cherchons des moyens de faire coexister les deux systèmes et de trouver les meilleurs modèles pour avancer.
Le sénateur Eaton : Vous avez beaucoup parlé du gouvernement. Je comprends la frustration que vous pouvez ressentir quand on vient vous imposer quelque chose sans que vous ayez été consultés. Croyez-vous que c'est une question d'évolution, que les choses ont été faites d'une certaine façon pendant tellement longtemps qu'il faudra une génération pour changer la situation?
M. Atkinson : J'espère vraiment qu'il en est ainsi. Je fais partie d'un tout petit groupe de professionnels forestiers des Premières nations travaillant en Colombie-Britannique. J'aimerais beaucoup voir plus de jeunes autochtones s'occuper de foresterie traditionnelle et essayer d'acquérir les connaissances traditionnelles de nos aînés. Nous essayons de trouver des moyens de financer ce genre de recherche à un moment où nous courons le risque de perdre notre langue et nos connaissances traditionnelles.
À titre de spécialiste forestier des Premières nations, je me sens un peu submergé par mes connaissances scientifiques occidentales. J'ai fait des études primaires et secondaires, puis j'ai obtenu un diplôme à l'Université de la Colombie- Britannique. Toute cette partie de mon éducation était centrée sur des théories et des modèles scientifiques occidentaux. L'éducation partielle que j'ai reçue des aînés de ma collectivité m'a inculqué quelques valeurs des Premières nations.
Nous essayons de réaliser cet équilibre dans tout le système d'éducation. Ainsi, la faculté de foresterie de l'Université de la Colombie-Britannique commencera cet automne à offrir un programme d'études autochtones et communautaires. Le BC First Nations Forestry Council travaille fort, de concert avec de nombreux spécialistes forestiers des Premières nations de la province, pour essayer d'influencer le programme et de réaliser l'équilibre que nous recherchons. Nous ne doutons pas que l'avenir se caractérisera par la cogestion, la reconnaissance, le partage et la recherche des pratiques exemplaires adaptées aux conditions locales.
Le sénateur Eaton : J'espère que vous arriverez à échanger les pratiques exemplaires partout dans le pays.
Monsieur Jeffery, vous avez parlé de favoriser l'utilisation du bois. C'est une chose qui semble évidente dans notre pays. Je crois que vous représentez une association assez puissante. Que fait votre association pour s'aider elle-même?
M. Jeffery : Je ne suis pas sûr de comprendre votre question.
Le sénateur Eaton : La Colombie-Britannique a un mouvement qui fait la promotion de l'utilisation du bois, ce qui est vraiment très louable. Collaborez-vous avec d'autres associations du Canada en vue d'étendre vos initiatives à d'autres provinces?
M. Jeffery : Oui, absolument. Le Q-WEB ou Bureau de promotion des produits forestiers du Québec est membre du Groupe des produits de bois canadien, dont je suis le président. Le Q-WEB a réussi à persuader le gouvernement du Québec d'adopter une politique favorisant l'utilisation du bois. En fait, le gouvernement du Québec a beaucoup investi dans cette initiative.
Nous avons également eu des discussions avec l'Ontario. L'Association ontarienne des exportateurs des produits du bois vient de se joindre au groupe. Elle encourage le gouvernement provincial à prendre des mesures à cet égard. Le premier ministre de notre province est probablement l'un des plus grands défenseurs de l'utilisation du bois. Il en parle souvent à ses collègues provinciaux et fédéraux. Nous avons un lobby très actif dans ce domaine.
Nous avons également financé au niveau interne un organisme appelé le Conseil canadien du bois. Je crois que M. Love a comparu devant vous. Le Conseil canadien se charge de la promotion de l'utilisation du bois dans des applications industrielles non domiciliaires partout dans le pays. Des efforts sont déployés dans ce domaine dans toutes les régions du Canada. Nous travaillons aussi dans le même but avec nos amis américains dans le cadre du Wood Products Council. Le groupe national sur le bois d'œuvre résineux finance des travaux visant le même objectif. C'est un effort concerté.
Nous avons beaucoup appris des Finlandais, qui avaient lancé un programme équivalent il y a six ou sept ans. Ils avaient pour objectif de doubler la quantité de bois utilisée par habitant du pays. Nous essayons de faire la même chose, en adoptant des pratiques exemplaires et en tirant des leçons de leur expérience. Il y a donc un très grand effort de promotion de l'utilisation du bois.
Le sénateur Eaton : Je voudrais finalement vous poser une question concernant le gouvernement. Vous avez tous affaire à des gouvernements. Je ne crois pas que ce soit particulier chez nous. C'est une chose qui est assez généralisée dans toutes les administrations. Il s'agit du cloisonnement et du manque de coordination entre Diversification de l'économie de l'Ouest, les Affaires indiennes, les Ressources naturelles, et cetera. Ne vous arrive-t-il jamais de dire à des ministres : « Pouvez-vous en parler à votre homologue, ou bien dois-je lui présenter la même demande? » Le mentionnez-vous quand vous avez un entretien avec un ministre?
M. Jeffery : Je ne sais pas ce qu'il en est dans le cas de mes collègues, mais j'ai passé 27 ans de ma vie à faire du lobbying. C'est l'abc du métier. On ne parle jamais un ministre, aux sous-ministres adjoints ou aux directeurs généraux sans se renseigner sur les autres intervenants, leurs intérêts et leurs motifs. Si vous ne pouvez pas dire à ces gens « Voici une solution, qui s'applique aussi aux ministères X, Y et Z ainsi qu'aux intervenants A, B et C », vous n'arriverez absolument à rien.
Nous passons beaucoup de temps à établir des contacts et à travailler avec différents ministères. Ainsi, la question de la liqueur noire, que j'ai mentionnée tout à l'heure, est dirigée par Ressources naturelles Canada. Toutefois, le MAECI est aussi en cause parce que l'affaire touche au bois d'œuvre résineux, de même que le cabinet du premier ministre. Il faut veiller à parler à tous les intéressés quand on veut obtenir des résultats. S'il y avait eu plus de coordination entre tous ces gens, je serais peut-être au chômage.
[Français]
Le sénateur Rivard : Merci, madame la vice-présidente. Ma première question sera à monsieur Jeffery. Monsieur Jeffery, tantôt, dans vos suggestions, et je ne sais pas si c'est une boutade que vous faisiez, vous avez suggéré que le gouvernement canadien achète la production, l'entrepose jusqu'à la reprise. Si vous dites que c'est sérieux. Il faut établir la longueur prévue de la crise; est-ce que nous en avons encore pour un an, un an et demi, deux ans? Et quel serait le volume de bois et surtout, le montant d'argent impliqué? J'ai été surpris, je me posais la question à savoir si c'était une boutade ou si c'était sérieux. Si c'est le cas, je suppose que vous avez déjà établi ce que cela pourrait représenter pour le gouvernement.
[Traduction]
M. Jeffery : Il est vraiment difficile de prévoir la durée du ralentissement économique actuel. L'un de mes directeurs généraux me disait justement qu'il trouvait impossible de présenter à son conseil d'administration un plan d'activité et des prévisions parce qu'il savait d'avance que ses chiffres se révéleraient faux. Nous sommes dans des domaines inexplorés. Nous ne savons pas si le plan d'aide aux propriétaires de maisons du président Obama arrivera à endiguer la vague de saisies. Nous ne savons pas comment évoluera la crise du crédit aux États-Unis. Nous ne savons pas à quel point les plans de relance rétabliront la confiance des consommateurs.
Toutes ces choses doivent rentrer dans l'ordre pour que les stocks de maisons commencent à baisser. Tous les analystes, tous les économistes disent que la récession mondiale ne se résorbera pas avant que la crise américaine du logement ne soit réglée. C'est l'élément critique du problème.
Je vais vous donner le résultat de mes réflexions. Nous faisons des plans fondés sur l'hypothèse que ce n'est qu'au troisième ou au quatrième trimestre de 2010 que nous commencerons à remonter la pente. J'ai dit à tout le monde que 2008 a été la pire année que nous n'ayons jamais connue. Eh bien, 2009 sera encore pire. Toutefois, nous croyons que 2010 sera meilleure que 2009 et que les choses recommenceront à tendre vers la normale en 2011.
Quant à ce que j'ai dit au sujet de l'achat de notre bois par le gouvernement du Canada, j'essayais simplement de prouver au moyen d'un exemple absurde que le gouvernement fédéral ne peut pas faire grand-chose pour aider l'industrie forestière. Le gouvernement fédéral n'a tout simplement pas assez d'argent, sans compter que j'imagine mal les arguments politiques que vous pourriez avancer pour justifier l'achat de bois que vous ne pourriez pas utiliser.
J'essayais simplement de montrer que nous avons besoin d'un retour du marché à la normale. Une fois le marché rétabli, les clients recommenceront à acheter nos produits, et cela réglera le problème.
[Français]
Le sénateur Rivard : Je vous remercie. En ce qui a trait à la question de l'assurance-emploi, vous dites que beaucoup de vos travailleurs n'ont pas fait assez d'heures ou certains les ont épuisées. Pouvez-vous suggérer un nombre d'heures minimum pour les chômeurs, qui serait acceptable par le gouvernement en regard de la crise qui sévit?
[Traduction]
M. Jeffery : Nous avons écrit à la ministre Finley au nom des travailleurs de la région côtière. Je ne peux parler qu'au nom de cette région.
Je crois que pour être admissibles, ces travailleurs doivent avoir accumulé quelque 360 heures de travail. Il faudrait que je fasse des recherches pour vous confirmer ce chiffre.
Dans les régions côtières, l'exploitation forestière est devenue plus ou moins sporadique. Le travail commence, s'arrête, reprend et ainsi de suite. Nous pouvons travailler une semaine, puis arrêter pendant deux semaines. Les employés ne peuvent donc pas accumuler suffisamment d'heures.
Le régime d'assurance-emploi est adaptable. Il est censé refléter les variations régionales de l'emploi. Il faudrait donc établir des arrangements particuliers pour le secteur forestier, un peu comme dans le cas des pêches de la côte est et de la côte ouest, il y a quelque temps. Le problème touche particulièrement une industrie. Nous devons définir des critères pour nous assurer que ceux qui ont cotisé puissent obtenir l'aide nécessaire aussi longtemps qu'ils en ont besoin. Je viens de vous dire qu'à notre avis, les choses ne recommenceront probablement pas à s'améliorer avant le milieu de 2010. Nous devrions donc veiller à ce que les travailleurs disposent d'un filet de sécurité adéquat pendant cette période.
Si vous voulez, je pourrais vous transmettre une copie de la lettre avec les détails de ce que nous avons demandé à la ministre. Vous verrez quelles difficultés particulières nous devons affronter dans les régions côtières de la province.
Notre recommandation est d'examiner le secteur forestier partout dans le pays et d'essayer de concevoir un plan d'assurance-emploi pouvant aider les travailleurs forestiers.
[Français]
Le sénateur Rivard : À ma grande surprise, parce qu'on entend beaucoup de représentants de l'industrie de la forêt de partout au pays, je croyais que la maladie de la tordeuse du bourgeon d'épinette était une maladie spécifique à la forêt québécoise et d'une partie du Nouveau-Brunswick. Est-ce que je dois comprendre qu'en plus du dendroctone du pin ponderosa, vous avez une épidémie de la tordeuse du bourgeon d'épinette dans votre province?
[Traduction]
M. Atkinson : Oui, nous avons des attaques de la tondeuse des bourgeons d'épinette. Ce n'est pas limité aux régions que vous avez mentionnées.
[Français]
Le sénateur Rivard : Il n'y a pas beaucoup de maladies qui vont manquer alors! Est-ce qu'il reste une partie de la forêt qui est saine? On sait que la Suède, entre autres, fait beaucoup de recherches et met beaucoup de l'avant la production de granules de bois pour le chauffage domestique. Est-ce que cela a été exploré chez vous? Est-ce que vous pensez qu'il y a un marché intéressant ou est-ce très mineur?
[Traduction]
M. Jeffery : Nous avons quelques producteurs de granules de bois en Colombie-Britannique. Ils exportent leur production à l'Union européenne. L'opération est rentable parce que l'UE subventionne les produits énergétiques dérivés du traitement de la biomasse afin de réduire ses émissions de gaz à effet de serre conformément au Protocole de Kyoto. Les subventions en cause sont assez importantes.
Nous n'avons pas de subventions de ce genre au Canada, mais nous devrions bientôt avoir un système de plafonds et d'échanges, sans compter que la Colombie-Britannique impose déjà une taxe sur le carbone. À mesure que le marché se rendra compte de la valeur réelle du carbone, il s'orientera non seulement vers les granules de bois, mais aussi vers les biocarburants dérivés de la biomasse et du processus de production de la pâte de papier. Nous adopterons en outre différentes pratiques forestières reflétant la valeur du carbone dans nos stratégies de gestion. Pour ce qui est du bois d'œuvre, si nous obtenons que le carbone stocké dans les produits forestiers soit reconnu comme contrepartie d'émissions et se reflète peut-être dans le prix des produits eux-mêmes, nous aurons toute une nouvelle génération d'investissements dans l'exploitation forestière.
Le rapport entre le carbone et les forêts revêt de multiples dimensions, qui sont toutes positives. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous devons vraiment nous efforcer de bien faire les choses.
Il y a beaucoup d'éléments mouvants. Nous aurons la conférence de Copenhague cet automne. Nous avons le gouvernement Obama et le projet de loi Waxman-Markey. Nous avons la Western Climate Initiative, à laquelle ont adhéré la Colombie-Britannique, l'Ontario et le Québec. L'affaire se joue sur de nombreuses scènes différentes. Nous avons besoin d'un message uniforme et d'une approche cohérente qui reconnaisse la valeur du carbone de nos forêts.
M. Atkinson : Du côté des Premières nations, j'ai mentionné le projet de bioénergie que nous mettons en œuvre en Colombie-Britannique. Pour nos collectivités, le secteur forestier en est à son plus bas point, mais il est en train de se réinventer. Cet investissement, même s'il n'est pas suffisant, crée l'occasion de se réinventer au moyen de la bioénergie.
Nous avons examiné quelques aspects économiques. Nos collectivités considèrent notre organisation et se demandent comment elles peuvent participer. Il est très difficile pour les collectivités des Premières nations de participer à des projets de pointe comprenant de nouveaux développements et de nouveaux modèles.
Cela fait partie du secteur de l'avenir. Je suis sûr qu'il y aura un rôle à jouer. De notre côté, nous essayons de déterminer comment faire notre part d'une façon utile.
[Français]
Le sénateur Rivard : Plus tôt, on a parlé du Québec, entre autres, qui veut mettre de l'avant l'industrie du bois au détriment, peut-être, de l'acier et du béton. La semaine dernière, le gouvernement du Québec a annoncé sa participation dans la construction d'un centre multifonctionnel, qu'on appelle à Québec le PEPS. Cela fait cinq ou six ans qu'on en parle. Le principal matériau utilisé sera le bois. Nous avons également un projet de construire un nouvel aréna et, encore une fois, on met de l'avant le bois comme matériau principal. La seule chose qui reste à espérer, c'est que le lobby de l'acier ou le lobby du béton ne vienne pas nous dire qu'on est dans l'erreur. Cependant, je pense que l'industrie du bois est en plus mauvaise posture que celle de l'acier ou du béton.
[Traduction]
La vice-présidente : Je vous remercie. Je crois que nous en convenons.
M. Jeffery : Permettez-moi de dire quand même qu'il ne sera jamais possible de construire des bâtiments non domiciliaires exclusivement en bois. Il y aura du béton et de l'acier, ainsi que du bois. Si nous les construisons adéquatement, nous en ferons des bâtiments verts qui seront éconergétiques et maximiseront utilisation de matériaux naturels.
Le sénateur Cordy : Vous avez tous fait preuve d'une grande ouverture et de beaucoup de franchise. Nous l'apprécions parce que nous obtenons ainsi une bonne information.
D'après ce que vous nous avez dit aujourd'hui et ce que d'autres nous ont appris, il y a deux choses que nous devons envisager : d'une part, des mesures à court terme pour aider les travailleurs qui perdent leur emploi dans le secteur forestier et, de l'autre, des mesures à long terme pour nous assurer que lorsque les marchés se rétabliront, le secteur forestier sera prêt à se remettre au travail.
J'aimerais d'abord examiner les mesures à court terme parce que 20 000 emplois ont été perdus en 2008. Je crois que M. Jeffery s'attend à des chiffres encore plus élevés pour 2009. Nous devrions avoir une reprise en 2010, mais j'ai bien peur qu'avant d'en arriver là, nous aurons perdu à jamais un grand nombre d'entreprises.
J'aimerais parler de l'assurance-emploi et des difficultés que connaissent les travailleurs forestiers qui sont actuellement au chômage. Vous avez mentionné les critères d'admissibilité qui varient selon la région. Il y a même des variations à l'intérieur des régions. En Nouvelle-Écosse, d'où je viens, si vous vivez à Halifax, vous devrez attendre plus longtemps pour recevoir des prestations d'assurance-emploi que si vous habitez juste à l'extérieur des limites de la ville. Par conséquent, dans le cas de deux personnes du même secteur qui perdent leur emploi, une personne sera admissible avec un nombre d'heures moindre et touchera des prestations pendant plus longtemps que l'autre. Je suis sûre que vous avez la même chose dans le secteur forestier. Que pensez-vous du point de vue selon lequel le nombre d'heures nécessaire pour être admissible devrait être le même partout dans le pays?
À votre avis, que devrions-nous faire d'autre? Je crois que M. Jeffery a parlé d'une lettre à la ministre Finley. Je me demande si la correspondance et les discussions ont été unilatérales ou si vous avez eu des nouvelles de Mme Finley. Est-elle au moins disposée à envisager certaines de vos propositions en faveur des gens qui se trouvent dans une situation indépendante de leur volonté? Personne ne tient à toucher des prestations d'assurance-emploi. Les gens préfèrent travailler.
Pouvez-vous me dire, en fonction de vos contacts avec les gens qui sont actuellement sans emploi, ce que nous pouvons faire pour améliorer la situation à court terme?
M. Jeffery : Tout d'abord, il y a la proposition que nous vous avons présentée aujourd'hui : il faudrait examiner le secteur forestier partout dans le pays et déterminer comment adapter l'assurance-emploi pour répondre aux besoins des travailleurs forestiers.
N'oublions pas que l'une des raisons pour lesquelles l'industrie forestière n'agit pas comme si elle construisait des véhicules, c'est que nous savons que notre capacité dépasse la demande du marché. Ce ralentissement aura pour effet de réduire la capacité de façon permanente, soit par élimination des installations désuètes soit par suppression de la surcapacité. Cela signifie qu'il faudra s'occuper des gens qui seront touchés par ce phénomène.
On peut à cette fin leur accorder des prestations d'assurance-emploi jusqu'à ce qu'ils puissent trouver un autre travail. C'est la proposition que nous avons faite à la ministre Finley. Eh oui — je ne tomberai pas dans le piège que vous m'avez tendu —, elle nous a répondu. Nous sommes en communication avec le ministère.
Le sénateur Cordy : C'est une bonne chose.
M. Jeffery : Le programme de développement des collectivités que nous avions en Colombie-Britannique avait une caractéristique qui a très bien marché. Le programme avait trois volets. Le premier consistait à faciliter le départ des travailleurs âgés en les encourageant à envisager une retraite anticipée. Il est encore possible de mettre en œuvre des mesures du même genre. D'autre part, une importante part des fonds était réservée à la formation et au recyclage pour permettre aux travailleurs d'acquérir de nouvelles compétences. Ainsi, ils pouvaient faire autre chose quand il n'y avait pas de travail dans le secteur forestier. Ils pouvaient même envisager de quitter complètement le secteur pour trouver un emploi ailleurs. La formation doit constituer un important élément de notre aide aux travailleurs. Le troisième volet consistait en un certain nombre de projets destinés à créer des emplois dans les collectivités forestières, comme ce dont M. Atkinson a parlé.
Il y a dans les forêts des projets d'infrastructure prêts à réaliser d'une valeur de plusieurs milliards de dollars. Il y a des projets de sylviculture, de coupe d'éclaircie, d'espacement et de fertilisation qui peuvent donner du travail à des gens, assainir nos forêts et en accélérer la croissance. Nous devons chercher à faciliter la mise en œuvre de ces projets pour en tirer le meilleur parti possible.
Nous sommes frustrés aujourd'hui — et M. Atkinson en témoigne d'une façon éloquente — parce que nous n'avons pas l'impression que l'exécution de la deuxième phase marche très bien. Nous devrions prendre contact avec les responsables et leur demander ce qu'il faut faire afin d'obtenir l'argent nécessaire pour réaliser les projets. Voilà les trois domaines sur lesquels il faudrait concentrer les efforts.
M. Cameron : Nous ne fonctionnons pas d'une façon sporadique. Le travail diminue ou augmente progressivement.
Le partage du travail donne de bons résultats. Je n'ai pas d'observations à formuler sur les critères d'admissibilité à l'assurance-emploi et les nombres d'heures de travail nécessaires dans les différentes régions. Le régime de partage du travail fonctionne bien chez nous.
M. Jeffery a parlé des possibilités de retraite anticipée. Je ne sais pas trop pourquoi, lorsque ce programme a été mis en place, nos employés n'ont pas été considérés comme des travailleurs forestiers. Comme seuls ces travailleurs étaient admissibles, nos gens n'ont pas pu profiter du programme. Je ne sais pas comment cela s'est produit, mais j'espère qu'on aura remédié à ce problème la prochaine fois. Nous payons comme les autres le droit sur les exportations de bois d'œuvre.
Le sénateur Cordy : Vous n'êtes pas considérés comme des travailleurs forestiers?
M. Cameron : Non. Quelques personnes ont présenté des demandes, mais on leur a dit que pour être admissible, on devait soit faire de l'exploitation forestière soit travailler pour une scierie. Par conséquent, il y a eu des cas où des personnes travaillant pour une usine de seconde transformation qui appartenait à un important titulaire de permis ont pu accéder au programme de retraite anticipée. Par ailleurs, les gens qui fabriquaient un produit identique dans une petite entreprise familiale située un peu plus loin n'étaient pas jugés admissibles. Ils ne le sont toujours pas aujourd'hui.
Le sénateur Cordy : Je n'étais pas au courant.
M. Atkinson : Les Premières nations ont eu beaucoup de difficultés avec le programme de retraite anticipée, de transition, de formation et de recyclage. Nous avons pu profiter dans une certaine mesure des projets communautaires et nous avons réussi à obtenir quelques fonds pour créer des emplois. Nous avons pu en particulier obtenir de l'argent pour créer des zones de protection autour des régions touchées par le dendroctone du pin ponderosa et mettre en œuvre des projets de gestion des combustibles. C'est le principal programme de création d'emplois pour nos collectivités. Il est vraiment prêt à réaliser.
L'investissement de 12,2 millions de dollars dont j'ai parlé dans le contexte de la planification du projet de gestion des combustibles a permis d'organiser 103 de nos 204 collectivités touchées. Nous sommes prêts à faire le traitement sur place. Il s'agit de travail forestier consistant à créer des zones coupe-feu.
Nous ferons le plus de travail possible en recourant à des travailleurs des Premières nations, mais nous comptons aussi sur les collectivités voisines. Il y a d'excellentes possibilités de création d'emplois dans ce domaine, à raison de 20 millions de dollars par an. Nous sommes prêts à passer à la mise en œuvre. Voilà ce que nous essayons de faire avec ce genre de projet.
Le sénateur Duffy : Je vous remercie tous d'être venus au comité. Nous sommes très conscients des difficultés que vous connaissez et que connaissent vos travailleurs. J'apprécie beaucoup certaines de vos suggestions.
Le gouvernement fédéral a affecté des fonds à la sylviculture dans le Canada atlantique. Y a-t-il eu des arrangements fédéraux-provinciaux du même genre dans le cas de la Colombie-Britannique?
M. Jeffery : Pas récemment. La dernière fois, c'était dans le cadre de l'Entente sur la mise en valeur des ressources forestières.
Le sénateur Duffy : Y a-t-il une raison particulière pour laquelle le gouvernement fédéral s'occuperait de sylviculture dans l'Est, mais pas dans l'Ouest?
M. Jeffery : C'est une bonne question.
Le sénateur Duffy : J'ai l'impression que cela devrait faire l'objet de l'une de nos principales recommandations.
M. Jeffery : Il serait très utile de faire du travail de sylviculture dans nos forêts.
Le sénateur Duffy : On peut supposer que cela donnerait immédiatement du travail aux gens. De plus, ce serait un investissement pour l'avenir, quand viendra cette reprise tant attendue.
Le sénateur Mahovlich : Vous avez fait une analyse très approfondie de la situation. J'étais en Finlande, il y a quelques semaines. Nous étions dans un village situé bien au-delà du cercle arctique. Tout y était fait en bois : l'hôtel, le centre communautaire, absolument tout était en bois.
J'ai visité Vancouver le mois dernier. J'ai pu voir la nouvelle patinoire à toit en dôme, où se dérouleront les épreuves de patinage de vitesse. C'est le plus grand aréna que j'aie jamais vu de ma vie. On pourrait facilement y loger dix patinoires de hockey. Le toit de l'aréna est fait du bois des arbres ravagés par le dendroctone. Ce bois pourrait être utilisé si nous pouvions le transporter partout dans le pays. Il est très agréable d'avoir un plafond en bois dans les patinoires de hockey. J'en ai vu à Davos, en Suisse. Je crois qu'il y a une ou deux patinoires à plafond de bois dans le nord de l'Ontario. L'acoustique est bonne. Il serait très avantageux de pouvoir utiliser ce bois partout au Canada.
Je voudrais poser une question à M. Atkinson. De quelle façon le programme fédéral relatif au dendroctone du pin ponderosa a-t-il aidé les collectivités autochtones touchées à gérer les répercussions économiques de l'infestation?
M. Atkinson : Le meilleur exemple, au BC First Nations Forestry Council, c'est un travail que nous avons fait auprès de nos collectivités en leur demandant quelles étaient les répercussions les plus importantes des attaques du dendroctone du pin ponderosa. Nous en avons discuté avec les 103 collectivités les plus touchées. D'après les résultats obtenus, la menace d'incendie constitue la toute première priorité. Les collectivités souhaitaient que le risque soit réduit, mais ce n'était pas la seule priorité. La diversification économique est également jugée importante. Nos gens voulaient savoir ce qu'il adviendrait de notre territoire traditionnel après qu'il aura été radicalement changé par la disparition de ces arbres. Nos collectivités comptent énormément sur leur territoire pour se nourrir, cueillir des plantes médicinales ou simplement utiliser les terres. Tout cela risque de changer. Nous nous sommes servis d'une partie de l'argent que nous avons reçu pour essayer de mieux comprendre la gestion des combustibles. Les risques de perte de vie et de biens sont énormes dans ces terres. Il faudra donc s'occuper sérieusement de la transition sociale et économique que les collectivités devront faire.
L'un des programmes de notre conseil a évolué vers la gestion des combustibles créés par le dendroctone du pin ponderosa et l'application des traitements nécessaires. Le travail à faire ouvre d'extraordinaires perspectives de développement économique. L'autre programme vise la création de capacités, l'intendance et la planification durable, y compris la restauration, qui seront nécessaires dans les territoires. Comment faire cet investissement en sylviculture et rétablir nos territoires traditionnels? Tout cela peut être planifié, mais il sera probablement très difficile de trouver les ressources requises pour faire le travail.
Le sénateur Mahovlich : Avez-vous demandé à vos aînés s'ils n'ont jamais connu des phénomènes ayant causé des ravages semblables à ceux du dendroctone?
M. Atkinson : Non, ils n'ont connu rien de semblable.
Le sénateur Mahovlich : Cela est-il nouveau pour eux?
M. Atkinson : Je dirais que les aînés sont en train de reconnaître le problème et d'en discuter. Cela se poursuit encore. Nous sommes en présence d'un phénomène dont nous essayons de déterminer les répercussions. Les aînés en parlent dans les collectivités. Nous ferons de notre mieux pour mettre en œuvre les recommandations que nous recevrons. En même temps, nous nous rendons compte que nous ne pouvons pas faire grand-chose tout seuls. Nous devons travailler de concert avec la province.
Le sénateur Mahovlich : Quelles mesures fiscales gouvernement du Canada pourrait-il prendre pour encourager les investissements et mettre fin à ce cycle vicieux?
M. Jeffery : J'en ai déjà abordé quelques-unes. Vous pouvez contribuer sur le plan de l'énergie verte. Vous pouvez agir dans les domaines du développement du marché, du développement des produits et de l'innovation. Vous pouvez prêter votre concours au niveau de la recherche-développement. Toutes ces mesures figurent déjà dans le dernier budget et devraient être maintenues dans les budgets futurs.
Un montant de 40 millions de dollars est affecté au marketing et 70 autres millions iront au développement des produits. Ce ne sont pas des sommes très importantes, mais elles seront très précieuses parce qu'elles nous aideront à construire la voie de l'avenir.
Bien sûr, l'amortissement accéléré est très important, de même que le maintien de faibles taux d'imposition pour les particuliers et les sociétés. Ce sont de bonnes mesures fiscales. Nous considérons que la Banque du Canada applique actuellement une bonne politique monétaire. C'est certainement utile. Nous essayons d'obtenir une libéralisation du crédit. Nous veillerons à ce que nos membres essaient de tirer parti du programme mentionné par le sénateur Mercer. De plus, Exportation et Développement Canada offre aussi des fonds.
Beaucoup d'initiatives sont en cours et devront être maintenues à l'avenir. Si votre comité pouvait déclarer que ces initiatives sont avantageuses et que les gouvernements futurs devraient les poursuivre, ce serait vraiment très utile pour nous.
La vice-présidente : Merci beaucoup. Il y a un autobus qui nous attend pour nous emmener voter. Nous vous sommes tous très reconnaissants d'avoir comparu devant le comité. Vous nous avez présenté des renseignements très intéressants.
(La séance est levée.)