Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 7 - Témoignages du 18 juin 2009
OTTAWA, le jeudi 18 juin 2009
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 8 h 5 pour faire l'étude de l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.
Le sénateur Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je suis Percy Mockler du Nouveau-Brunswick, le président du comité. Pour commencer, j'invite les membres du comité qui sont ici aujourd'hui à se présenter.
Le sénateur Fairbairn : Je suis le sénateur Joyce Fairbairn de Lethbridge, en Alberta. Je suis heureuse de voir ces messieurs ici; ils font pratiquement partie de ce comité, puisqu'ils ont été avec nous pendant la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB, alors ils sont heureux de revenir.
Le sénateur Mahovlich : Je suis le sénateur Frank Mahovlich, de l'Ontario.
Le sénateur Cordy : Je suis le sénateur Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Mercer : Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Eaton : Je suis le sénateur Nicole Eaton, de l'Ontario.
Le sénateur Brazeau : Je suis le sénateur Patrick Brazeau, du Québec.
Le sénateur Rivard : Je suis le sénateur Michel Rivard, du Québec.
Le président : Je vous remercie. Le comité poursuit son étude sur l'état actuel et la perspective d'avenir du secteur forestier au Canada.
Depuis le début de notre étude, nous avons entendu des témoins parler de la difficulté d'accéder au crédit pour les industries forestières. À la dernière réunion, il a été décidé d'entendre des témoins sur ce sujet. Nous accueillons aujourd'hui les représentants suivants de l'Association des banquiers canadiens : Terry Campbell, vice-président, Politiques; et Marion G. Wrobel, directrice, Évolutions des marchés et de la réglementation.
Au nom du comité, nous vous remercions encore une fois. Je vous invite maintenant à faire votre présentation, après quoi nous poserons des questions aux témoins. Monsieur Campbell, je vous laisse la parole.
Terry Campbell, vice-président, Politiques, Association des banquiers canadiens : Je vous remercie beaucoup, monsieur le président et membres du comité. Bonjour. Nous avons distribué une trousse d'information aux membres du comité, en français et en anglais. C'est un plaisir pour nous que d'être ici aujourd'hui pour participer aux discussions du comité concernant l'industrie forestière du Canada. J'aimerais faire d'abord un survol de l'évolution générale du marché financier et du crédit au Canada, puis vous entretenir de certaines des récentes initiatives fédérales visant à faciliter l'accès au crédit, et enfin nous pencher sur la collaboration des banques avec le gouvernement, la Banque de développement du Canada, la BDC, et Exportation et Développement Canada, EDC.
Nous savons que le comité aura certaines questions à poser sur le marché du crédit au Canada et l'industrie forestière, et nous serons heureux d'y répondre au cours de la discussion.
L'Association des banquiers canadiens, l'ABC, représente 50 banques membres, et un quart de million d'employés dans tout le pays. Nos membres contribuent de façon importante aux économies locales et provinciales, ainsi qu'à l'économie nationale. Comme les membres de ce comité et les Canadiens des quatre coins du pays le savent, le Canada et le reste des économies de la planète font face à de grands défis financiers et économiques. Il est vrai que le système bancaire canadien s'en tire mieux que les autres systèmes bancaires du globe, et que l'économie canadienne est entrée dans cette récession en meilleure position que les autres grandes économies mondiales. Toutefois, il est indéniable que les répercussions de la crise se font aussi sentir au Canada. Ces répercussions influent sur le contexte dans lequel les marchés financiers évoluent et les banques exercent leurs activités, et c'est sur cette toile de fond que reposent certaines observations que nous voulons vous communiquer aujourd'hui.
Tournons-nous maintenant vers la principale question, celle de l'accès au crédit. Il ne fait aucun doute que la récession frappe durement certaines entreprises, par exemple l'industrie forestière qui nous préoccupe aujourd'hui. Partout au pays, on observe un important resserrement du crédit aux entreprises offert par certaines sources non bancaires, et nous savons que des entreprises disent éprouver de la difficulté à trouver du crédit. Voyons donc le rôle des banques dans ce contexte.
Le premier point à retenir est que, à environ 325 millions de dollars, les banques avancent juste un peu plus du quart du financement total des entreprises, et environ la moitié du crédit aux entreprises. Le reste provient d'une série d'autres sources, notamment les marchés obligataires et boursiers, d'autres types d'institutions financières et d'institutions non réglementées telles que les sociétés de financement et de crédit-bail. On a observé quelques graves perturbations chez certains de ces acteurs non bancaires du marché. Les banques tentent de combler les vides qu'ils ont laissés, bien entendu, elles ne peuvent tous les combler. Je reviendrai là-dessus dans un instant.
La deuxième chose, c'est que les banques prennent les décisions de crédit au cas par cas. La solvabilité de chaque emprunteur détermine l'accès au crédit. L'une des principales raisons pour lesquelles l'industrie bancaire au Canada était plus solide que tout autre secteur bancaire du globe, lorsqu'elle est entrée dans cette crise, et l'un des facteurs qui feront que nous en sortirons plus rapidement que les autres, c'est que les banques au pays ont prêté avec prudence et vigilance. Et comme le faisait remarquer récemment le chef de la direction de l'une d'elles, notre activité consiste à prêter à des gens qui remboursent leurs dettes. Très franchement, une partie du problème que nous constatons dans d'autres pays, c'est justement que les institutions financières n'ont pas appliqué une approche aussi prudente ou vigilante.
Mon troisième point, qui découle des deux précédents, est que l'activité bancaire est une affaire de relations et que les banques ont une longue tradition d'aide à leurs clients en période de difficultés économiques. Le sénateur Fairbairn a parlé, dans sa présentation, du travail qu'a fait ce comité lors de la crise de l'ESB, il y a quelques années. C'est un bon exemple du type de choses dont nous avons parlé. Cela a été une période très intense, pendant laquelle ont pesé des menaces absolument fondamentales sur un secteur particulier. Dans la majorité des cas, nous nous sommes efforcés de travailler avec nos clients pour les aider à traverser la crise; et c'est ce que nous avons fait.
Aujourd'hui, nous en faisons autant avec notre clientèle d'entreprises et de particuliers. Nous comprenons que certains clients traversent des temps difficiles et nous les poussons à rencontrer leur banquier pour discuter d'éventuelles solutions. Cela pourra vous sembler banal, mais nous souhaitons le succès de nos clients et, en fait, notre succès dépend du leur.
Les perturbations du marché financier, pendant l'été 2007, ont commencé avec le problème du marché hypothécaire à risque des États-Unis. J'insiste sur le fait que les problèmes n'ont pas commencé au Canada, mais ailleurs. Nous avons pu observer de grands développements. Tout d'abord, comme je l'ai dit, d'importants dérèglements dans le secteur non bancaire du marché du financement. En fait, de grands pans de l'industrie ont cessé de fonctionner correctement. Deuxièmement, le coût du financement des banques, le financement dont ont besoin les banques pour pouvoir prêter, a augmenté sensiblement en regard des normes historiques.
Nous examinons donc ces deux aspects. Comme certains acteurs non bancaires du système financier ont mis fin à leurs activités ou ont sensiblement resserré le crédit au cours des deux dernières années, l'offre de financement des banques a continué de croître plus vite que l'ensemble du marché. Les banques qui exerçaient leurs activités au Canada prenaient une part croissante de la place délaissée par d'autres acteurs du marché, si bien qu'en l'absence d'autres options, les clients se tournaient vers les banques. Compte tenu de la taille du système bancaire, ainsi que les cadres législatifs et réglementaires dans lesquels s'exercent leurs activités, les banques n'ont pas été en mesure de combler tous les besoins, mais nous avons pu intervenir en comblant les vides. Au cours des derniers mois de 2008, le crédit bancaire a enregistré une croissance rapide, de l'ordre de 10 à 15 p. 100 sur une base annuelle, soit plus que tout le reste du secteur financier durant cette période.
Il est vrai qu'à mesure que la récession se confirmait, la demande de crédit fléchissait en conséquence de la réduction des projets d'investissement et d'expansion, et ce repli se traduisait par un ralentissement de l'octroi de crédit bancaire. L'augmentation du financement bancaire demeure néanmoins plus élevée que le financement total des entreprises. En fait, en août 2009, le crédit bancaire aux entreprises a augmenté de 6,3 p. 100 comparativement à ce qu'il était pendant la même période en 2008. C'est plus que le financement total des entreprises.
Voyons maintenant la question du coût du crédit. Pour pouvoir prêter, les banques doivent réunir des fonds, elles doivent emprunter. Or, depuis quelques mois, deux grandes forces s'exercent. En premier lieu, le coût de financement relatif des banques est plus élevé qu'en temps normal en raison de la crise sur les marchés financiers internationaux. En effet, comme certaines sources de financement, par exemple, le papier commercial, sont disparues, d'autres sources de financement sont devenues relativement plus coûteuses. Et deuxièmement, le niveau de risque est plus élevé sur les marchés et cette réalité doit se refléter dans la tarification du crédit.
Dans ce contexte, je voudrais aborder une question qui préoccupe de nombreux parlementaires, à savoir le taux de la Banque du Canada et les coûts de l'emprunt. Tout d'abord, les banques ne s'approvisionnent pas en fonds au taux du financement à un jour de la Banque du Canada. Ce taux est celui auquel la Banque du Canada prête aux banques au jour le jour pour régler leurs transactions quotidiennes. Il s'agit d'un taux à très court terme, qui s'applique à moins de 1 p. 100 du financement bancaire. Il ne s'applique pas aux coûts qu'assument les banques pour réunir des fonds sur le marché. Pour réunir des fonds, les banques doivent aller sur les marchés financiers, et cetera. Elles doivent réunir des capitaux si elles veulent pouvoir consentir plus de prêts. Dans tous ces cas, le coût des fonds des banques est demeuré assez « stable », c'est-à-dire qu'alors que les autres coûts changeaient ou diminuaient, les coûts que devaient assumer les banques ne diminuaient pas. Ils sont relativement élevés comparativement aux normes historiques. Nous l'expliquerons avec plaisir plus en détail pendant la discussion. Le principal élément d'information, c'est que le coût des fonds reste relativement élevé.
Comme je l'ai dit, la deuxième grande force qui s'exerce est l'augmentation du niveau de risque dans l'économie. Cette dernière étant entrée en récession et le risque de pertes sur prêt ayant augmenté, le risque sur les marchés financiers a fait l'objet d'une nouvelle tarification générale. Le total des provisions pour pertes des six banques au second trimestre de 2009 a augmenté de 166 p. 100 comparativement au second trimestre de 2008. Les radiations — les pertes subies par les banques — au second trimestre de cette année, ont affiché une hausse de 103 p. 100 par rapport au deuxième trimestre de l'année dernière. La prudence et la vigilance dictent aux banques d'escompter ces risques accrus dans les taux d'intérêt. Si le coût du crédit n'était pas bien évalué en fonction du risque, sa disponibilité en serait réduite. En fait, la tarification du crédit en fonction du risque permet aux banques de continuer à prêter. C'est la dynamique actuelle.
Dans tout cela, il y a un facteur clé à ne pas oublier. Bien que les coûts relatifs des banques soient plus élevés, elles exercent leurs activités dans un contexte de taux d'intérêt inférieurs à ceux d'il y a deux ans. La semaine dernière, le ministère fédéral des Finances a diffusé un communiqué dans lequel il annonçait que le taux d'intérêt moyen en vigueur avait diminué progressivement pour les entreprises et les ménages. Le taux d'intérêt moyen pour les entreprises s'établissait à 4,16 p. 100 en mai, comparativement à 5,75 p. 100 en décembre 2008. Du point de vue des consommateurs, le marché hypothécaire n'aura jamais été aussi favorable, particulièrement si on a un taux lié au taux préférentiel. Il s'agit ici des coûts relatifs. Dans l'ensemble, les taux d'intérêt réel sont inférieurs à ce qu'ils ont été depuis de nombreuses années.
Enfin, j'aimerais parler du travail que nous faisons avec le gouvernement relativement aux questions d'accès au crédit. Sur le front économique en général, comme vous le savez, le gouvernement a consenti des ressources supplémentaires à la BDC et à EDC, deux organismes qui offrent des options de financement qui complètent le crédit bancaire. Nos banques travaillent en étroite collaboration avec ces sociétés d'État à vocation financière pour offrir du crédit aux entreprises solvables, et nous nous réjouissons de ces perspectives de coopération. Plus particulièrement, nous travaillons avec le gouvernement, par l'entremise de son Programme de crédit aux entreprises, dont nous appuyons les principes, à savoir l'octroi de financement complémentaire à des entreprises dotées de modèles opérationnels viables, aux conditions du marché et en collaboration avec le secteur privé.
Pour terminer, je dirai plusieurs choses. Tout d'abord, les banques du Canada sont solides et sécuritaires. C'est bon pour le pays, particulièrement quand on voit ce qui se passe dans le secteur financier du reste du monde. Les Canadiens gardent confiance dans leur système bancaire, et c'est un avantage que détient le Canada sur d'autres pays. Il est crucial de conserver cet avantage pour assurer la reprise de l'économie du Canada et la prospérité à long terme des Canadiens.
Nous savons que le pays traverse des temps difficiles. Nos banques feront leur part. Elles continueront à faire preuve de prudence dans l'octroi du crédit et à protéger l'argent des déposants. Elles seront également là pour avancer des fonds aux particuliers et aux entreprises solvables. Nous le ferons parce que nous savons que les consommateurs et les entreprises sont des moteurs de l'économie canadienne.
Monsieur le président et sénateurs, nous vous remercions de l'occasion que vous nous avez donnée de vous présenter notre point de vue et je suis impatient de participer au débat sur la question avec vous.
Le président : Je vous remercie. Nous allons commencer avec le sénateur Mercer.
Le sénateur Mercer : Merci messieurs, d'être ici. Nous comprenons que vous avez un rôle unique à jouer dans cette situation, mais vous, les banquiers, n'êtes pas un groupe très populaire. Ceux d'entre nous qui sommes politiciens vous souhaitons la bienvenue dans notre monde. Je suppose que ce pourrait être pire; je pourrais être avocat.
Si c'est vraiment un monde d'offre et de demande — et vous avez dit que la demande de crédit était en baisse — ne devrait-il pas en découler logiquement que l'offre et le coût du produit diminuent? Pourquoi un simple principe de gestion 101 ne s'applique-t-il pas dans ce cas-ci?
M. Campbell : Vous dites en fait qu'il s'applique. Vous avez tout à fait raison. Regardons la demande. Comme je l'ai brièvement dit dans mes observations, quand on entre en récession — et c'est ce qui arrive cette fois-ci comme lors d'autres récessions — généralement, on constate une baisse de la demande de crédit. La raison à cela, c'est que les entreprises décideront de reporter leurs plans d'investissements et d'expansion. Elles se retranchent et ferment les écoutilles dans l'espoir de traverser la tempête, alors il y a moins de demandes de crédit. C'est ce que nous constatons maintenant.
Avant de venir ici, je lisais un rapport de PricewaterhouseCoopers portant justement sur le secteur forestier. Il datait de mars de cette année. PricewaterhouseCoopers disait que, à ce moment-là, le secteur forestier traversait une période difficile et avait perdu des centaines de millions de dollars. Quelle a été la réaction de l'industrie? Elle a dit qu'elle avait réduit la production, reporté les dépenses d'investissement et réduit les fonds de roulement, tout cela étant des signes qu'elles sont en mode de retranchement et de réduction de la demande. Voilà pour l'aspect de la demande.
Pour ce qui est de l'approvisionnement — et ce n'est pas réservé au secteur forestier, c'est dans l'ensemble de l'économie — de vastes sections de l'approvisionnement ont tout simplement cessé de fonctionner, par exemple, le marché de la titrisation et celui du papier commercial. Il n'y a pas eu le moindre premier appel public à l'épargne, ou PAPE, au deuxième semestre de 2008. Le marché des obligations a été perturbé. Toute compagnie qui se fiait sur la titrisation pour poursuivre ses activités et consentir des prêts a été perturbée. De vastes pans de l'approvisionnement ont disparu. Ces clients demandaient ce qu'ils devaient faire. Ils se tournaient, bien souvent, vers les banques, et nous les servions au mieux de nos capacités. Nous avons un certain profil du type de prêt que nous consentons. Nous sommes des prêteurs prudents, à faible risque. Nous offrons le meilleur service possible, mais il y avait un problème sur le marché dans son ensemble. Le gouvernement a essayé d'intervenir avec divers programmes extraordinaires.
Le principal facteur, en ce qui concerne les taux et les échéances c'est que, dans l'ensemble, les taux d'intérêt ont nettement diminué. À l'échelon personnel, en ce qui concerne les hypothèques, quand on a une hypothèque qui est liée au taux préférentiel, on paie 2, 3 p. 100 de moins, parfois encore moins. Je pense que mon collègue a contracté ce genre d'hypothèque, et il s'en vante à moi chaque jour. C'est extraordinairement bas, selon les normes historiques, et il en est de même pour le financement des entreprises. L'autre chose qu'il ne faut pas oublier, c'est qu'il faut assigner un prix au risque. Nous devons vraiment tenir compte de l'orientation du marché dans son ensemble, et de l'orientation de chacun de nos consommateurs. C'est quelque chose qui se fait au cas par cas, une banque ou tout autre prêteur accordera du crédit, et en fixera les modalités. Je pense que c'est relativement efficace.
Le sénateur Mercer : Je ne voudrais pas vous donner l'impression que nous sommes tout à fait contre vous. Nous avons tous convenu du fait que l'un des grands avantages dont ont joui les Canadiens tout au long de ce ralentissement économique mondial, c'est que nous avons un solide système bancaire et il est réglementé de manière à protéger non seulement les investisseurs et les banques, mais aussi les Canadiens.
En même temps, vous avez parlé des pertes sur créances. Vous avez fait allusion à une augmentation de 166 p. 100 des créances irrécouvrables comparativement au deuxième trimestre de 2008. Le total des radiations de six grandes banques s'est chiffré à 1,9 milliard de dollars au deuxième trimestre de 2009, une augmentation de 103 p. 100. Ces chiffres font peur.
Il y a un autre chiffre auquel les Canadiens s'intéressent tous les trimestres, c'est celui des profits. Ils voient ce qui leur arrive. Dans le secteur qui nous intéresse, environ 55 000 Canadiens ont perdu leur emploi. Ils se tournent vers les disponibilités du crédit. Ils reconnaissent les risques que les banques ont pris et les pertes qu'elles ont subies, mais l'élément du profit n'a pas, bien souvent, subi les mêmes contrecoups.
M. Campbell : Tout d'abord, il y a eu baisse des profits. Je n'ai pas les chiffres précis devant moi, mais si vous regardez cette année comparativement à l'année dernière, le secteur bancaire a affiché une nette baisse des profits. Il faut faire attention, ici. Je comprends tout à fait ce que vous dites sur l'importance d'avoir un solide système bancaire dans ce pays parce que nous voyons les problèmes qu'il y a ailleurs dans le monde, où ils n'ont pas de systèmes financiers qui soient aussi bien réglementés et bien gérés. Cela joue des tours pendables à l'économie.
Il est important d'avoir de solides institutions financières, et la rentabilité en est un élément. Elle a diminué, non seulement pour les entreprises mais pour les régimes de pension et les particuliers qui possèdent des fonds mutuels ou qui ont des titres bancaires dans leurs régimes de pension.
Il est primordial de maintenir la vigueur du secteur. C'est en restant rentables et solides de façon continue que nous pourrons continuer à consentir des prêts. Je l'ai résumé dans mes observations aujourd'hui; peut-être ma collègue voudra-t-elle ajouter d'autres commentaires. Le prêt bancaire — nous avons suivi la question de près depuis le début de la crise financière, en septembre et octobre — a augmenté chaque mois pour la même période une année sur l'autre. Nous pouvons le faire parce que nous restons relativement forts.
Marion G. Wrobel, directeur, Évolution des marchés et de la réglementation, Association des banquiers canadiens : Les profits s'ajoutent au capital de base des banques. Ce sont les pays où les banques n'étaient pas rentables qui éprouvent maintenant des difficultés à consentir des prêts à leurs clients. Ces prêts sont puisés à même le capital de base si nous perdons de l'argent. Plus le capital de base est faible, moins nous sommes en mesure de consentir de nouveaux prêts. La rentabilité est en fait ce qui permet aux banques de continuer de consentir des prêts à leurs clients, tant les entreprises que les ménages.
Le sénateur Mercer : Je suis heureux que cela puisse être au compte rendu. C'est un concept difficile à saisir et comprendre pour ces 55 000 chômeurs.
La Banque de développement des entreprises du Canada a finalement mis en œuvre un programme, qui a été annoncé à diverses reprises, appelé Garantie Marge de crédit d'exploitation. Je crois comprendre que la Banque de Montréal, RBC, la Banque Scotia et Desjardins y participent toutes.
M. Campbell : Ajoutez-y aussi CIBC.
Le sénateur Mercer : La BDC ne m'a pas parlé de CIBC quand nous nous sommes entretenus, mais c'est bon.
Il me semble que c'est un produit dont nous avons besoin non seulement de la BDC, mais aussi que les banques elles-mêmes devraient ajouter à leur combinaison de produits pour servir leur clientèle. C'est un bon programme par lequel le gouvernement fédéral offre des garanties pour le consentement de marges de crédit aux petites entreprises afin qu'elles puissent continuer de fonctionner dans les régions ou les collectivités rurales de tout le pays. Est-ce que ses effets ont commencé à être ressentis dans l'industrie?
Le programme existe, mais la BDC n'a pas de services dans toutes les collectivités où se trouvent vos banques.
M. Campbell : C'est un programme nouveau et novateur. La BDC n'a jamais rien fait de tel. Elle a déjà eu un différent secteur d'activité qui offrait des prêts à terme et des prêts spéciaux, et parfois du capital de risque. C'est nouveau pour elle.
Nous avons entretenu des rapports étroits avec la BDC ces derniers mois. Nous savons qu'elle a travaillé d'arrache- pied sur ce programme. C'est exactement ce que vous avez décrit. Si une institution financière, comme une banque, accorde déjà une marge de crédit à une entreprise et on veut pouvoir fournir un financement supplémentaire sur plusieurs exercices, le client — l'entreprise — et la banque peuvent dire à la BDC que si elle peut garantir ce prêt, la banque en augmentera le chiffre. Le crédit n'est pas augmenté au bonheur la chance. Il doit être garanti par des sommes à recevoir ou un inventaire, et le plan doit être viable. Si la BDC est d'accord, elle garantira jusqu'à 80 p. 100 du prêt.
Vous avez parlé de participation des banques. Nous avons dressé la liste des banques qui se sont engagées. C'est un nouveau programme, et à ce que je sache, il n'y a que quelques semaines qu'il a été annoncé. Il en est encore à ses balbutiements. Voyons comment il fonctionnera. Le concept est toutefois excellent.
Le sénateur Eyton : Vous avez parlé d'hypothèques. J'ai entendu l'histoire d'un Américain, cet hiver, un membre de la famille Ford. Il disait que Ford avait hypothéqué tous ses biens il y a deux ou trois ans et pensait pouvoir traverser la récession jusqu'à 2011 ou 2012.
Avez-vous vu bien des compagnies forestières hypothéquer tous leurs biens et prendre l'argent des hypothèques pour se réinventer et se réorganiser?
M. Campbell : Nous n'avons pas ce genre de détails. Ce serait des transactions financières particulières entre une compagnie spécifique et un prêteur spécifique. Nos membres ne nous donnent pas ce genre de détails, pour des raisons de confidentialité et de protection des renseignements personnels. Généralement, il se peut que Ford ait été en meilleure posture pour pouvoir faire ceci plus rapidement, compte tenu de son envergure et de sa portée.
Je crois que M. Marcotte, d'Exportation et développement Canada, qui a comparu devant votre comité la semaine dernière, a parlé du concept de niveau de dette adéquat. Ce qu'on craint, c'est d'augmenter encore la dette d'une entreprise déjà lourdement endettée. Nous devons faire preuve de prudence, parce qu'il nous faut penser à la capacité de gérer la situation jusqu'au bout de la crise.
Il pourrait être logique de faire exactement ce que vous avez dit si la compagnie a, de façon générale, un solide bilan, un plan d'affaires pour les 18 à 24 prochains mois et une bonne trajectoire pour se sortir de difficulté. Cependant, nous avons d'autres cas où le fait de simplement augmenter encore la dette d'une entreprise pourrait ne pas être la meilleure solution.
M. Wrobel : À ce propos, sénateur, la Banque du Canada a publié il y a deux ou trois jours les conclusions de l'examen de son système financier. Il s'y trouve un graphique représentant l'industrie des pâtes et papiers. Le ratio d'endettement, sur les deux dernières années, a légèrement augmenté, mais est encore dans les limites de la fourchette où il se trouve depuis plusieurs années. Le problème avec l'industrie, c'est que le rendement des capitaux propres est lourdement négatif. C'est le véritable problème avec cette industrie.
Le sénateur Eyton : La récession a-t-elle donné aux banques l'occasion de chercher des moyens plus novateurs d'aider les secteurs, comme l'industrie forestière, à se réoutiller ou à tenir le coup jusqu'à des temps meilleurs?
M. Campbell : Je pense que la réponse est oui, de façon générale. Nous parlons surtout du secteur forestier, mais j'aimerais parler de l'économie dans son ensemble.
Concentrons-nous sur deux aspects. Tout d'abord, sur la créativité et le sens de l'innovation des banques pour aider leurs clients — j'en ai brièvement parlé dans mes observations. Depuis la crise financière, et le début de la crise économique en tant que telle, les banques ont été proactives à l'égard des clients, tant les particuliers que les entreprises. Vous avez peut-être vu des pleines pages de publicité dans les journaux et les publicités télévisées.
Les banques communiquent également avec certains clients lorsqu'elles ont l'impression qu'ils pourraient éprouver des difficultés à gérer leurs finances et leurs prêts. Elles les invitent à les rencontrer afin de restructurer leur financement. Autrement dit, les banques peuvent faire preuve de créativité et proposer de restructurer le financement, de revoir les conditions, de reformuler les modalités ou de ne payer que les intérêts. Il existe toute une gamme de possibilités. Les institutions s'intéressent beaucoup plus à cet aspect actuellement et elles s'en occupent très activement.
De plus, lorsqu'elles aident les clients à établir un plan d'affaires différent, les banques dépassent leur rôle de simples prêteurs pour offrir des conseils aux entreprises.
M. Wrobel : Je donnerai un autre exemple qui ne concerne pas le secteur de la foresterie. M. Campbell a parlé du secteur de l'automobile. D'autres segments du marché ne s'en sortaient pas très bien l'an dernier. De nombreuses sociétés de location et de financement par capital-risque étaient tout simplement incapables de fonctionner. Les prêts bancaires accordés aux consommateurs pour l'achat d'automobile ont augmenté de 30 p. 100 en un an. Une partie du marché éprouvait des difficultés, et les consommateurs se sont tournés vers les banques, qui ont enregistré une hausse substantielle du nombre de prêts. Le financement automobile est important pour les concessionnaires, car il a permis à ce segment de l'industrie de continuer de vendre des véhicules grâce au soutien des banques.
M. Campbell : C'est une affaire de relations, dont une partie repose sur les services de conseils. Pour continuer d'assurer le financement, nous voudrions voir s'établir un plan d'activité de 18 à 24 mois. Cette démarche n'est pas à sens unique, car un dialogue s'établit. Je crois que ce que vous avez en tête est en train de se produire.
Le sénateur Mahovlich : Compte tenu de la crise du secteur immobilier qui sévit aux États-Unis, où les mises en chantier ont ralenti, envisage-t-on d'exporter notre bois d'œuvre en Chine et dans l'Union européenne? En faisons- nous assez? Les banques canadiennes empruntent-elles des fonds de la Chine?
M. Campbell : En ce qui a trait à la première question, vous avez abordé un aspect auquel il faudrait accorder davantage d'efforts et d'attention. On a beaucoup compté sur le marché américain pour exporter le bois d'œuvre canadien et l'on n'a probablement pas suffisamment diversifié nos exportations ailleurs dans le monde. C'est, d'une certaine manière, facile et naturel, parce que nos voisins du Sud construisent leurs habitations de la même manière que nous. À l'avenir, nous aurons l'occasion de faire connaître, de mettre en valeur et de commercialiser les méthodes canadiennes de construction de maisons à ossature de bois. Nous pourrions en faire beaucoup plus à cet égard.
Au cours des audiences que le comité a tenues sur cette question, il est probablement apparu clairement qu'il ne suffit pas de mettre en marché nos pratiques commerciales traditionnelles, comme la vente de bois d'œuvre. Nous voyons des occasions rares d'adopter des approches ayant plus de valeur ajoutée, comme la vente de ce qu'on appelle des « maisons en boîte ». Il serait également possible de rehausser la valeur dans les domaines des pâtes, de la nanotechnologie et de la biomasse. Nous avons certainement mis l'accent sur les États-Unis, et la dégringolade de ce marché a provoqué une onde de choc au Canada.
Pour ce qui est de savoir si les banques empruntent en Chine, je ne crois pas que ce soit là une de nos habitudes de financement. Cependant, les marchés des capitaux sont internationaux, et il est difficile de dissocier les fonds de leurs origines. Je fais peut-être erreur, mais je ne crois pas que nous empruntions beaucoup de la Chine.
Le sénateur Mahovlich : J'ai entendu dire que les États-Unis empruntent souvent à ce pays.
M. Campbell : Cela s'applique davantage au gouvernement américain. La Chine doit énormément au Trésor américain. Nombreux sont ceux qui ont affirmé qu'il y avait là un certain déséquilibre, qui ne fait que commencer à se corriger.
Le sénateur Mahovlich : Notre industrie forestière est en difficulté et emprunte des fonds à 3 p. 100 d'intérêt. Pendant combien d'années béficiera-t-elle de ce taux? Augmentera-t-il si le marché se rétablit et que les taux d'intérêt sont poussés à la hausse?
M. Wrobel : Tout dépend des conditions du prêt. À l'instar des consommateurs, les sociétés peuvent emprunter à des taux fixes ou variables. De nombreux taux sont liés au taux préférentiel, dont ils suivront les fluctuations. On peut également opter pour des taux fixes, qui sont généralement plus élevés que les taux variables. Tout dépend de celui qui prend le risque. Le taux préférentiel de la Banque du Canada a atteint un plancher historique et demeurera à son niveau actuel pour l'année prochaine, à moins que les choses ne changent dramatiquement. Les emprunteurs prendront leurs décisions en fonction de ce facteur.
Le sénateur Mahovlich : En 1980, ma mère obtenait 18 p. 100 d'intérêt sur son investissement à la banque.
M. Wrobel : L'inflation était forte à l'époque. Aujourd'hui, la Banque du Canada a comme objectif un taux d'inflation de 2 p. 100, avec une fluctuation d'un point de pourcentage, et élabore ses politiques en conséquence.
[Français]
Le sénateur Rivard : Nous avons entendu, au cours de notre étude, les témoignages de représentants d'associations de compagnies forestières. Certains nous ont fait part que, parmi leurs membres, certains avaient été obligés de refinancer leurs emprunts à la banque à des taux aussi haut que 20 p. 100. Pouvez-vous nous expliquer dans quelles circonstances cela arrive et surtout quelles sont les chances de survie de ces entreprises?
[Traduction]
M. Campbell : Nous avons examiné les témoignages que le comité a recueillis et avons constaté que le chiffre de 20 p. 100 revenait à l'occasion. Je dois dire que nous avons été étonnés, car ce n'est pas le genre de prêts que les banques octroient. C'est un taux de loin supérieur à leur zone de confort et qui ne cadre pas avec leurs pratiques d'octroi de prêts. Nous nous sommes informés auprès de nos membres, et ils ont unanimement affirmé que ce n'était pas le genre de prêt qu'ils accordent. Je ne dis pas que ce taux n'existe pas, mais comme je l'ai déjà mentionné, les banques ne sont pas les seules sur le marché du financement. Il y a d'autres bailleurs de fonds, qu'il s'agisse de compagnies de crédit, de sociétés d'affacturage ou de prêteurs spécialisés, qui peuvent fort bien imposer des taux pouvant aller jusqu'à 20 p. 100. Si elles existent, ces pratiques de prêt sont beaucoup plus caractéristiques des prêteurs non bancaires. Cela ne ressemble pas à des prêts bancaires.
Pour ce qui est de votre question sur la viabilité de ces entreprises, lorsqu'une banque reçoit un client qui a toujours fait affaire avec des prêteurs non bancaires ou des institutions étrangères, par exemple, qui ont fait faux bond en raison des conditions du marché, elle examinera très soigneusement le dossier. Elle pourrait être capable d'assumer une partie du prêt seulement parce que les conditions pourraient ne pas être telles que l'institution, en prêteur prudent qui souhaite protéger les fonds de ses dépositaires, ne peut le couvrir en entier. En pareil cas, elle évaluera la situation et pourrait s'associer à EDC ou la BDC pour assumer le reste du prêt. La viabilité est évaluée au cas par cas.
Pour en revenir à vos propos initiaux, nous avons entendu parler du taux de 20 p. 100, mais ce n'est pas typique des prêts bancaires.
M. Wrobel : Nous nous sommes renseignés auprès de certains de nos membres, et ils nous ont dit qu'ils accordaient des prêts à des taux allant de 3 à 7 p. 100. Le taux de 20 p. 100 est de loin supérieur aux prêts qu'accordent habituellement les banques.
[Français]
Le sénateur Rivard : Je vous remercie. Vous savez que le gouvernement fédéral demande à EDC et BDC de s'impliquer dans le financement agricole. Croyez-vous qu'on devrait demander à ces deux organismes de vous concurrencer dans le domaine du bois?
[Traduction]
M. Campbell : C'est une question dont nous nous sommes passablement occupés ces dernières années. Pensons notamment à la BDC et à EDC. L'élément clé ici, c'est l'aspect complémentaire de leurs activités — que le gouvernement lui-même a souligné dans le récent budget, dans la loi qui régit ces organismes et dans tous les échanges portant sur les programmes qui ont été mis en œuvre. Ces institutions ne font pas concurrence au secteur privé, mais le complètent. Je crois que c'est la bonne façon de faire.
M. Wrobel et moi-même nous intéressons à cette question depuis deux ans. Il fut un temps où le dialogue et la coopération entre le secteur bancaire et, disons, EDC d'un côté et la BDC de l'autre, n'étaient pas aussi étroits qu'ils auraient dû l'être, ce qui créait une certaine tension. Depuis quelques années, les deux parties — c'est-à-dire les sociétés d'État et le secteur bancaire — se sont efforcées de collaborer et de travailler plus étroitement afin de régler les problèmes. Ces deux sociétés d'État, la BDC et EDC, comprennent mieux qu'il faut non seulement coordonner nos activités et coopérer avec nous, mais également travailler de manière à se compléter. En outre, nous comprenons mieux comment ces deux organismes peuvent nous permettre de servir les clients.
Nous nous sommes donc améliorés ces deux dernières années; et au cours des six derniers mois, particulièrement dans le cadre du Programme de crédit aux entreprises, le degré de coopération s'est accru de façon exponentielle. Nous entretenons maintenant des relations de travail harmonieuses et efficaces.
M. Wrobel : Il est clair que l'objectif du gouvernement consiste à augmenter le crédit sur le marché, ce qui ne se produira pas si ces sociétés d'État se contentent d'imiter nos activités.
M. Campbell : Vous seriez plus des concurrents que des compléments.
[Français]
Le sénateur Rivard : Je voudrais simplement répondre au sénateur Mahovlich lorsqu'il parle de l'âge de sa mère. En 1981, j'ai eu le plaisir d'être maire d'une municipalité importante de la région de Québec. Je me souviens que j'ai eu à contracter un emprunt de 5 millions de dollars, à 20 p. 100 d'intérêt, sur 5 ans. À cette époque, l'inflation était à 18 p. 100 et les augmentations de salaires des municipalités étaient à 18 p. 100. C'est une période folle où on espère ne jamais retourner.
[Traduction]
M. Campbell : Je suis d'accord.
Le sénateur Cordy : Je me rappelle mon enthousiasme lorsque nous avons obtenu un taux hypothécaire d'à peine 12 p. 100. Je suppose que nous tous ici présents avons un certain âge. Je me rappelle de m'en être vantée auprès de mes amis.
Je comprends une bonne partie de vos explications, même si je n'ai pas de formation en services bancaires ou en finances. Je dis toujours que j'ai épousé un comptable pour s'occuper de ces affaires-là.
Environ 55 000 travailleurs forestiers ont perdu leur emploi. Certains témoins qui ont comparu plus tôt cette semaine ont affirmé que les pertes d'emploi seront plus importantes en 2009 qu'en 2008. Vous pouvez comprendre la frustration qu'éprouvent les témoins qui son venus représenter les travailleurs qui ont perdu leur emploi.
Vous nous avez expliqué que le taux de la Banque du Canada est journalier. On voit toutefois aux nouvelles que ce taux est inférieur à 1 p. 100. Nos jeunes obtiennent une hypothèque fermée de cinq ans à un taux de 3,6 p. 100. S'ils étudient à l'université, ils peuvent obtenir des cartes de crédit bancaires alors l'argent que leurs parents leur donnent ou leurs prêts étudiants constituent leurs seules sources de revenus. Leur frustration transparaissait clairement quand ils ont comparu devant nous. Ils ont tous parlé du coût des prêts bancaires. Comme vous nous l'avez expliqué, il n'y a pas que les grandes banques sur le marché des services bancaires.
Le sénateur Rivard vous a posé des questions au sujet des taux d'intérêt, et vous avez répondu qu'ils se situent entre 3 et 7 p. 100. Ce n'est toutefois pas ce que le comité a entendu dire et cela n'explique pas la frustration que nous avons observée chez les témoins qui sont venus représenter leur industrie. On nous a également indiqué que l'industrie est en crise actuellement. Je ne sais pas s'il faudrait espérer que le dollar canadien perde de la valeur, mais son appréciation a certainement des répercussions sur le secteur manufacturier — c'est une sorte de lame à double tranchant. Espérons toutefois que le marché immobilier se redressera aux États-Unis, car c'est là que nous exportons notre bois d'œuvre.
Dans le dernier budget, le gouvernement fédéral a affecté des fonds pour élargir nos marchés étrangers. Nous devons être prêts. Il ne faut pas que le secteur forestier soit en faillite lorsque l'économie se redressera. Mais que dire à tous ces gens?
M. Campbell : Vous nous avez dépeint un tableau tel qu'on ne peut qu'être désolé pour le secteur de la foresterie. Pour reprendre une expression surutilisée que je me suis toujours juré de ne jamais employer, ce secteur n'est pas sorti du bois. Il est aux prises avec la fluctuation des coûts de l'énergie et des devises, l'infestation du dendroctone du pin ponderosa et la chute des prix des marchandises. Il doit composer avec l'effondrement de ses principaux marchés et le protectionnisme de nos voisins du Sud. Il doit également faire face aux nouveaux concurrents à faible coût d'Amérique du Sud et d'Asie du Sud. Le secteur est également assujetti à la règlementation et à diverses dispositions, comme nous l'a fait remarquer M. Lazar, de l'Association des produits forestiers du Canada. Cette industrie n'est vraiment pas sortie du bois. Il y a 55 000 travailleurs qui se sont retrouvés au chômage, et je crois que 250 usines ont fermé leurs portes. Le secteur est confronté à un véritable défi. Je dois dire, sénateur, et j'en suis profondément désolé, que c'est une crise d'une ampleur qui dépasse la capacité d'intervention des prêteurs. Dans bien des cas, ce n'est pas en augmentant l'endettement que l'on règlera le problème.
Pour en revenir à l'essentiel de vos propos, toutefois, nous sommes au beau milieu d'une véritable crise, mais nous espérons nous en sortir d'ici quelques années. Nous le comprenons également. Voilà pourquoi j'ai dit que nous croyions réellement aux services bancaires sur mesure. Les banques continuent de prêter à ce secteur. La demande diminue; les clients sont de moins en moins nombreux en raison des problèmes qu'ils éprouvent. Cependant, si un client — qu'il s'agisse d'une usine ou d'une entreprise forestière — vient nous exposer ses problèmes et proposer une façon de s'en sortir et de se restructurer, nous l'appuierons s'il est solvable.
Il faut également tenir compte du fait que dans bien des cas — pas seulement dans ce secteur, mais dans d'autres industries —, certains prêteurs non bancaires, comme des institutions étrangères, ont tout simplement fait faux bond, que ce soit pour de bonnes ou de mauvaises raisons. Les compagnies concernées se retrouvent le bec à l'eau et doivent trouver d'autres bailleurs de fonds. Elles ont parfois de la difficulté à obtenir des conditions équivalentes à celles de leur ancien prêt. Le manquement du prêteur non bancaire prouve que le prêt n'était pas viable. Nous essayons de travailler de notre mieux avec ces gens.
Nous continuons d'accorder des prêts; je ne veux pas donner l'impression que nous fermons les vannes. En fait, nous sommes un important intervenant dans ce secteur et nous voulons régler la situation. Nous pensons toutefois que la solution ne doit pas reposer uniquement sur les banques en leur qualité de prêteur et d'intervenant de premier plan sur le marché financier; nous ne pouvons résoudre tous les problèmes.
Le sénateur Cordy : Lorsqu'il est question des services bancaires sur mesure et que l'on observe ce qui se passe dans les régions rurales et les petites villes, on constate que de nombreuses banques y ont fermé leurs portes. C'est un défi de plus à relever, car c'est là que se trouvent les industries forestière et agricole.
M. Wrobel : Nos banques comptent environ 2 100 succursales dans les régions rurales et les petites villes du Canada. Dans le passé, les banques ont regroupé leurs activités, mais la situation s'est maintenant stabilisée.
Statistique Canada mène régulièrement des enquêtes auprès des petites entreprises clientes, et ce, en région tant urbaine que rurale. Les résultats de ces enquêtes sont restés relativement stables au fil des ans et montrent que les clients des régions rurales ont accès aux mêmes produits que ceux des régions urbaines, pour essentiellement le même prix. En fait, les taux d'approbation de prêts accordés aux petites entreprises sont substantiellement plus élevés dans les régions rurales que dans les régions urbaines du Canada.
Vous avez raison de dire que les banques ont regroupé leurs activités par le passé. Cependant, comme nous sommes des institutions nationales, nous fixons nos prix en fonction des pressions de la concurrence dans les grands centres urbains. Même si en région rurale, les petites collectivités ne comptent parfois qu'une seule banque, elles bénéficient des mêmes prix concurrentiels qu'à Toronto, par exemple. Nous considérons donc que le système bancaire canadien sert fort bien le Canada rural. Évidemment, il y a d'autres intervenants sur le marché.
Le sénateur Cordy : Je n'essaie pas de critiquer l'industrie bancaire. Nous comprenons que les temps sont durs pour vous aussi.
Quand je regardais la CPAC à la télévision ce matin, j'ai entendu des dirigeants syndicaux du secteur forestier. Ils étaient extrêmement mécontents au sujet de l'investissement de 1 milliard de dollars annoncé par le gouvernement. Selon eux, ces fonds aideront les forts, mais pas ceux qui ont perdu leurs emplois; ils renforceront les forts et affaibliront les faibles. À leur avis, il faudrait accorder des garanties de prêts aux taux courants pour le refinancement.
Voilà qui nous ramène à la question que le sénateur Rivard a posée plus tôt. Est-ce que le gouvernement devrait intervenir, comme il l'a fait avec les prêts agricoles, pour veiller à ce que ceux qui peuvent être viables dans deux ou trois ans — s'ils peuvent se sortir du bois — puissent obtenir de l'aide pour que l'industrie forestière soit prête à l'action quand l'économie se rétablira? Est-ce que cela aiderait l'industrie bancaire?
M. Campbell : Plusieurs programmes ont déjà été mis en œuvre. On ne repart pas à zéro. Nous disposons de programmes de garantie d'emprunt et d'aide au financement comme le Programme de financement des petites entreprises du Canada que le gouvernement a institué. Encore tout nouveau, ce programme n'a peut-être pas obtenu la croissance visée, mais il est bien engagé. Un autre outil de financement extraordinaire a été annoncé dans le budget présenté plus tôt cette année. Il s'agit du Programme de crédit aux entreprises, dont il a été question préalablement. Pour d'autres secteurs, le gouvernement a également créé la facilité de crédit garantie.
Il existe divers outils. Un peu plus tôt, il a été question de la Garantie de marge de crédit d'exploitation. Tous ces programmes sont mis en œuvre ou sur le point de l'être. L'exigence que vous évoquez est, je pense, quelque chose de nouveau ou d'exhaustif.
J'émets des réserves sur le point que vous avez fait valoir. Vous avez dit qu'une entreprise pourrait éprouver des difficultés aujourd'hui pour finir par les surmonter ultérieurement. C'est le genre d'entreprise qu'un banquier ou quiconque d'autre jugera solvable et financera. Par contre, aucune garantie d'emprunt, quel qu'en soit le montant, ne renflouera une entreprise non viable. Une garantie d'emprunt ne sauvera pas une entreprise en faillite. Ce n'est pas une panacée.
M. Wrobel : Lorsque nos banques participent à ces programmes de garantie d'emprunt, elles sont tenues de faire preuve de la même diligence raisonnable que pour les prêts ordinaires. La seule différence, c'est que le gouvernement assume une partie du risque, ce qui permet aux banques et aux autres organismes prêteurs, dont font partie les comptes actifs de crédit, de consentir des prêts un peu plus risqués.
M. Campbell a évoqué la Loi sur le financement des petites entreprises du Canada. Dans le Budget fédéral précédent, les limites ont été légèrement augmentées et le gouvernement assumait une part un peu plus grande des risques. Le gouvernement a agi de même à l'égard du secteur agricole. Par contre, ce sont les entreprises relativement petites qui étaient visées dans les deux cas. M. Campbell a parlé de ce nouveau produit qu'est la Garantie de marge de crédit d'exploitation. Pour les deux autres, les prêts sont garantis par des actifs.
On pourrait également se demander s'il faut un nouveau programme doté de limites supérieures. Il appartient au Parlement de trancher cette question. Nous collaborons étroitement avec les différents ministères pour nous assurer qu'ils administrent ces programmes efficacement. L'industrie travaillera la main dans la main avec le gouvernement, quelle que soit la décision prise par le Parlement à l'égard de ces programmes.
Le sénateur Cordy : Je voudrais réitérer ce que d'autres ont dit : nous sommes très chanceux de pouvoir compter sur un secteur bancaire solide au Canada.
M. Campbell : Merci, sénateur. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Le sénateur Brazeau : Habituellement, je ne siège pas à ce comité, mais je suis heureux d'être ici aujourd'hui. À moins de consulter mon père, je n'aborderai pas la question des taux d'intérêt hypothécaires des années 1980.
Je voudrais examiner un point que vous avez traité, la relation de travail que vous avez avec la BDC et EDC. De toute évidence, leur rôle est complémentaire en matière de crédit. Corrigez-moi si j'ai tort, mais je présume que le ralentissement de l'économie mondiale est à l'origine de la collaboration accrue entre les banques commerciales et ces deux sociétés d'État.
Si cette relation est viable et efficace, l'accès au crédit en est-il facilité, et sinon, quelles en sont les raisons?
M. Campbell : C'est tout à fait la question qui est sur toutes les lèvres, n'est-ce pas? Le crédit est-il plus accessible? Votre question comporte plusieurs volets.
M. Wrobel et moi abordons fréquemment cette question avec nos banquiers. Pour chapeauter le Programme de crédit aux entreprises, le gouvernement a créé un comité de direction auquel siègent des représentants des banques, d'EDC, de la BDC et du ministère des Finances, lesquels se réunissent à intervalles réguliers pour favoriser la collaboration dans le cadre de ce programme.
Ces organismes existent depuis longtemps. La crise financière et le ralentissement économique ont certes fait augmenter le degré de collaboration. On ne parle pas uniquement de collaboration car le gouvernement reconnaît qu'EDC et la BDC possèdent certains moyens dont les banques sont dépourvues et il leur a accordé davantage de pouvoir et d'argent, tout en leur précisant cependant qu'elles doivent offrir aux banques une collaboration complémentaire.
Dans la pratique, qu'est-ce que cela signifie? Par exemple, nous savons que la BDC et les banques vérifient ensemble qu'il n'y a pas de double emploi dans leurs processus d'autorisation de crédit respectifs. Elles travaillent presque main dans la main devant un client commercial. Il fut un temps où il n'y avait aucune collaboration entre elles. Aujourd'hui, elles disposent d'un système commun leur permettant d'établir la solvabilité d'une entreprise et de répartir ce que chacune pourra faire. On en est rendu à ce degré de collaboration.
Le crédit en est-il plus accessible? Selon le gouvernement, le nouveau Programme de crédit aux entreprises ainsi que les nouveaux pouvoirs conférés à la BDC et à EDC sont censés avoir dégagé un montant supplémentaire de 5 milliards de dollars. Le programme n'a été mis en œuvre qu'au printemps dernier. Le gouvernement a présenté son premier rapport au Parlement la semaine dernière, je crois. Sénateur, je vous dirais qu'il s'agit objectivement d'un programme qui évoluera au fil du temps. On assiste effectivement à une augmentation des prêts consentis, même si je n'ai pas les chiffres en main. On pourrait considérer que les banques et EDC font preuve de souplesse en ne refusant pas un prêt même si l'on évalue qu'il est limite. À mon avis, le tout se révèle efficace.
Le sénateur Brazeau : Vous avez employé l'expression « ne sont pas sortis du bois » lorsque vous avez parlé du secteur forestier. De toute évidence, vous avez décrit les nombreux problèmes et obstacles qui se dressent devant ce secteur. D'après vous, ces problèmes sont-ils insurmontables dans la conjoncture actuelle?
M. Campbell : Selon Avrim Lazar, président et PDG de l'Association des produits forestiers du Canada, le secteur traverse une période difficile. Certaines entreprises survivront et d'autres fermeront leurs portes. Dans l'ensemble, ce secteur s'en tirera sans aucun doute, parce que les nombreux intervenants — les gouvernements, les entreprises et les organismes prêteurs notamment — ont bien géré les choses.
Voici comment les organismes prêteurs voient le tout : nous n'évaluons pas l'ensemble du secteur mais les entreprises individuelles. En matière de crédit, nous prenons les décisions au cas par cas. Nous examinons les perspectives d'avenir de l'entreprise, la qualité de sa gestion, la solidité de son bilan et sa capacité de planifier. Nous nous demandons ensuite si son plan d'affaires porte sur plusieurs mois et si l'entreprise comprend les problèmes auxquels elle fait place et dispose d'une stratégie pour les résoudre. Nous évaluons la situation de ses clients et de ses fournisseurs. Il s'agit peut- être d'une entreprise solide, mais si ses clients connaissent de graves difficultés, nous savons qu'elle éprouvera immanquablement des problèmes. Nous aiderons une entreprise qui maîtrise la situation. Nous y allons cependant au cas par cas. J'estime que l'industrie forestière a de l'avenir, même si son secteur du bois d'œuvre constitue probablement sa force. Le secteur du papier journal est aux prises avec un déclin qui risque de durer longtemps, ce qui ne signifie cependant pas qu'il n'y a pas d'éléments viables.
Je suis un partisan convaincu de la technologie. Il n'y a pas que les utilisations traditionnelles des produits du secteur forestier. On peut également compter sur la percée de la nanotechnologie et de la biomasse. Et nous en sommes à peine qu'au tout début. L'avenir promet d'être florissant pour la nanotechnologie et la biomasse, étant donné leur dimension écologique. Nous réussirons.
Le sénateur Mercer : Étant donné la présence parmi nous aujourd'hui des représentants de l'association des banquiers, je ne peux laisser passer l'occasion de changer de sujet, même si ma question porte directement sur le crédit et les petites institutions.
Quelques-unes des principales universités canadiennes ont signalé qu'elles envisageaient de ne plus permettre aux étudiants ou à leurs parents de payer les frais de scolarité à l'aide de leur carte de crédit en raison des frais de service élevés imposés par les prêteurs. De nombreuses universités perdent, selon elles, des millions de dollars en recettes parce que notamment il faut enlever de ces frais de scolarité de 4 000 $ les frais de service que les organismes prêteurs leur facturent. Parallèlement, ces organismes prêteurs sont présents dans les universités, les collèges communautaires et les écoles secondaires pour accorder du crédit aux étudiants. D'après moi, le crédit consenti aux étudiants dépasse fréquemment de beaucoup leur capacité de rembourser. Lorsqu'ils obtiennent leur diplôme, les étudiants se retrouvent non seulement avec une dette d'études élevée, mais également avec de grosses factures de cartes de crédit à payer. L'ABC est-elle au courant du problème? S'est-elle penchée sur le problème? Entrevoit-elle une solution? Je viens d'une province qui compte le plus d'établissements d'enseignement supérieur par habitant. C'est une partie importante de la Nouvelle-Écosse rurale et urbaine.
M. Campbell : Je dois avouer, sénateur, que je ne suis pas au courant du problème que vous soulevez au sujet des universités et du paiement des frais de scolarité à l'aide de la carte de crédit. Je vous remercie de me l'avoir signalé. Nous examinerons certes la situation sérieusement. Nous savons que le Comité permanent sénatorial des banques et du commerce a étudié les cartes de crédit, qu'un comité de la Chambre des communes se penche actuellement sur la question et que le gouvernement a élaboré un projet de règlement. Le problème retient beaucoup l'attention.
En ce qui concerne les autres observations sur les cartes de crédit, notre situation est, selon moi, préférable à celle de nombreux autres pays. Chez notre voisin du Sud, de nombreux problèmes se posent. On fait souvent valoir qu'il faudrait axer nos efforts sur les cartes de crédit imposant des frais d'intérêt élevés, mais il ne faut pas oublier qu'il existe une carte de crédit pour chaque profil de consommateurs. Il existe plus de 60 types de carte de crédit à faible taux d'intérêt. Le gouvernement a pris l'initiative magnifique de créer un site Web interactif qui énumère toutes les cartes de crédit disponibles. Vous pouvez inscrire vos préférences et vous saurez la carte qui vous convient le mieux, qu'elle comporte un faible taux d'intérêt, un taux d'intérêt normal ou un avantage quelconque. Certains préfèrent une carte de crédit qui offre des primes, notamment. La concurrence est très vive dans ce domaine.
C'est pourquoi le consommateur doit impérativement rehausser son niveau de litératie financière. Le gouvernement et nous l'avons souligné avec insistance : il faut se perfectionner dans la gestion de nos finances personnelles. Nous prenons cette question au sérieux et essayons d'apporter notre contribution. Nous appuyons le gouvernement dans ses efforts en ce sens. Nous pourrions consacrer la prochaine heure à la question des cartes de crédit, mais je conclurai brièvement en vous disant que les choix sont variés et que la concurrence est vive. Nous essayons toujours d'offrir à nos clients la solution optimale pour eux et nous nous assurons qu'ils comprennent leurs droits et obligations.
Le sénateur Fairbairn : En écoutant aujourd'hui vos propos sur ce sujet, on ne peut que songer à la question de l'ESB à laquelle vous avait fait allusion et qui a entraîné de nombreux problèmes. La situation était alors assez désespérée. Je m'interroge sur l'aide que vous avez pu offrir à ce moment-là. La situation malheureuse que nous vivons actuellement est différente. Comment l'aide que vous apportez actuellement au secteur forestier se compare-t-elle à celle que vous avez donnée lors de la crise à ce moment-là? Dans quelle mesure vient-on demander l'aide de l'ensemble du secteur bancaire pour trouver de nouvelles façons de s'en sortir? Pouvez-vous nous en donner une idée?
M. Campbell : Vous avez raison, la situation était alors désespérée. Je pense que nous en ressentons encore les effets, même si, dans une certaine mesure, la crise est derrière nous.
Je vous ferai part de mes observations générales, plus je laisserai mon collègue donner son opinion à cet égard.
L'autre jour, vous avez accueilli M. Marcotte, d'EDC. Je souscris à presque tout ce qu'il a dit. Je pense qu'il vous a livré un excellent témoignage. Il vous a parlé de la façon dont les banques traitaient les entreprises du secteur forestier. Selon lui, personne ne veut faire moins que le nécessaire. Chaque directeur des comptes qu'il rencontre à la banque veut toujours en faire un peu plus, c'est-à-dire qu'il est disposé à recourir à tous les outils qui sont à sa disposition : prêt restructuré, suspension provisoire des remboursements ou autres mesures. Il est disposé à faire tout ce qui est nécessaire.
Les deux secteurs, vous le savez, sont très différents. Dans celui de l'élevage bovin, on négocie avec des particuliers, alors que nous faisons affaire avec des entreprises dans le secteur forestier. Naturellement, les entreprises ont des employés. On peut très bien dire qu'il existe des différences structurelles, mais les employés qui perdront leur emploi ne vont pas moins en pâtir considérablement pendant la crise. Il existe des différences structurelles entre les deux secteurs, mais les banques prendront toutes les mesures nécessaires pour aider leurs clients. M. Wrobel pourra peut-être apporter des précisions supplémentaires.
M. Wrobel : Les secteurs sont différents, mais les banques ont pratiquement la même approche, qu'il s'agisse du secteur forestier ou du secteur agricole. Je m'explique : dès qu'un problème se pose, il faut en informer sa banque. S'il s'agit d'un problème temporaire, la banque cherchera les moyens de vous aider à le résoudre. Dans notre domaine, les principes de base sont tous importants : modèle de fonctionnement sain et capacité de remboursement. Comme nous en avons été témoins pour la crise de l'ESB ou pour d'autres problèmes, les banques doivent examiner sérieusement avec leurs clients la solution qui convient le mieux et préserver le capital de ces derniers. S'il s'agit d'une entreprise qui risque de perdre de l'argent année après année jusqu'à la faillite, la banque cherchera à maximiser les actifs du client. Dans l'industrie agricole, certains secteurs ont été touchés par plusieurs crises, qu'il s'agisse entre autres de l'ESB, des éleveurs de porc, des céréaliers, des petites entreprises, de la grippe aviaire, des tempêtes de verglas. Quel que soit le secteur et est quelle que soit la crise, notre approche est la même.
Le sénateur Fairbairn : Merci infiniment. J'espère que vous êtes aussi proactifs face à cette crise que vous lui avez été par le passé.
Le président : Avant de terminer, je voudrais poser quelques questions à nos témoins, avec la permission de mes collègues.
Je constate que le secteur du crédit bancaire demeure solide. Si on jette un coup d'œil aux parts de marché dans le domaine du crédit aux entreprises, on retrouve les proportions suivantes : banques, 55 p. 100; institutions n'acceptant pas de dépôts et autres organismes prêteurs, 28 p. 100. C'est 55 p. 100 contre 28 p. 100.
Dans votre exposé, vous avez fait allusion au fait aux sociétés de crédit spécialisées. Pourriez-vous nous donner des explications supplémentaires à ce sujet?
M. Campbell : Il existe diverses sociétés de crédit qui ne sont pas réglementées. Elles n'acceptent pas les dépôts et ne sont assujetties à aucun régime réglementaire. Il s'agit essentiellement d'établissements de prêt ou d'établissements de crédit-bail. Les sources de financement sont diverses. La taille de ces établissements varie. Parmi les centaines d'établissements plus petits, on retrouve notamment GE Capital Solutions. Ils obtiennent leur capital sur le marché du papier commercial ou de la titrisation, c'est-à-dire qu'ils accorderont un prêt qu'ils titriseront afin de pouvoir consentir d'autres prêts. C'est leur mode de fonctionnement.
Pour le secteur forestier, la seule société de ce genre que je connaisse — et c'est uniquement parce que j'ai lu la documentation pour préparer mon exposé d'aujourd'hui —, c'est Forest & Marine Financial Group sur la côte ouest. Cependant, il y en a dans de nombreuses autres. Leur capital provient du marché du papier commercial ou de la titrisation. Ces sociétés sont à l'origine des grandes perturbations que nous connaissons. Nombreuses sont celles dont les activités ont cessé ou considérablement ralenti au Canada. Je m'exprime davantage sur le plan personnel que professionnel en vous disant que GE Money Canada annonce sur son site Web qu'elle a cessé ses activités au Canada. Ce sont là les problèmes auxquels ces sociétés font face, et ce sont les banques qui ont dû assurer la relève.
Le président : Lorsque vous parlez de sociétés de crédit spécialisées, je suis perplexe. Quelle serait la part de marché qu'elles occuperaient notamment dans le Canada atlantique, le centre du Canada et l'Ouest canadien?
M. Campbell : Je l'ignore, à moins que mon collègue ait ces chiffres en main. Nous pouvons certes faire les recherches en ce sens.
Le président : Nous vous en serions reconnaissants.
M. Campbell : Nous le ferons et, si nous trouvons une réponse précise, nous vous en ferons part.
Le président : Merci.
Il n'y a pas que le marché nord-américain, il y a également le marché mondial. Quels sont vos rapports avec les banques nord-américaines d'une part et les banques européennes d'autre part en ce qui concerne non seulement le secteur forestier que nous examinons mais également le secteur agricole?
M. Campbell : Premièrement, beaucoup de banques canadiennes ont leur siège social au Canada, mais sont présentes aux États-Unis aussi. Leurs activités sont concentrées en Amérique du Nord, mais sur la scène internationale, beaucoup de nos banques sont très actives. Cela dit, leur véritable centre d'activité est l'Amérique du Nord.
Pour ce qui est de leur participation au secteur forestier et au secteur agricole aux États-Unis et en Europe, je vais demander à M. Wrobel de nous éclairer, s'il le peut.
M. Wrobel : Je ne sais pas. Prenons l'exemple inverse, celui des banques étrangères présentes au Canada. Depuis la dernière série de mesures découlant de la Loi sur les banques, le gouvernement fédéral rend la vie plus facile aux banques étrangères qui veulent pénétrer le marché canadien, et nous avons vu beaucoup de banques en profiter depuis cinq ans. Certaines ont fait leur apparition chez nous, d'autres sont disparues, mais c'est la nature même de la concurrence : les acteurs vont et viennent.
Pour les banques qui ont une spécialité X et qui voient un potentiel de marché au Canada, le gouvernement fédéral a assoupli les règles pour qu'elles puissent venir servir notre marché. Honnêtement, nous pensons que c'est une bonne chose.
Le président : Pouvez-vous dire au comité quel pourcentage de ces banques font des affaires ici grâce au partage du marché?
M. Campbell : Nous allons vérifier cela et si nous pouvons vous envoyer des chiffres, nous allons le faire à coup sûr.
Le président : Avez-vous dit que vous le feriez si vous pouviez trouver l'information ou avez-vous déjà l'information?
M. Campbell : Nous allons devoir fouiller dans nos documents.
Cela dit, nous comprenons ce que vous voulez et nous allons faire tout en notre pouvoir pour vous aider.
Le président : Parfois, dans nos discussions sur la foresterie, nous avons tendance à restreindre le secteur forestier à l'industrie du bois d'œuvre de résineux. Il y a pourtant une autre grande industrie qui crée des emplois viables dans ce secteur, celle du bois dur.
Dans vos rapports avec vos clients au Canada, les encouragez-vous à envisager les produits à valeur ajoutée, les biocarburants et le secteur émergeant des produits qui utilisent la nanotechnologie?
M. Campbell : Nous en avons déjà parlé. Vous avez tout à fait raison. Le mot que j'ai utilisé était « diversification ».
Je ne me considère pas comme un expert du secteur forestier. Nous consultons les intervenants, nous parlons à nos membres, nous lisons les recherches publiées, mais je dirais que notre priorité pour l'avenir est la diversification et la promotion des produits et services à valeur ajoutée. C'est une expression surutilisée, mais notre avenir se résume-t-il à celui de bûcherons et de porteurs d'eau ou voulons-nous tirer profit d'un mode de fabrication plus intense et des applications de la technologie? Je dirais oui à la deuxième proposition.
Comme pour tout le reste, les banques examinent les plans de chaque entreprise qui veut se tailler une place dans le domaine de la biomasse verte ou des nouvelles technologies. Elles travaillent avec les entreprises pour rendre leurs projets possibles.
Le président : Vous m'avez probablement venu venir pour la prochaine question, mais que pensez-vous du protectionnisme américain à l'égard de notre industrie en ce moment?
M. Campbell : De mon point de vue personnel, nous sommes une nation commerciale et bien honnêtement, nous vivons dans un monde commercial. Une des leçons à tirer des années 1930 et de la Grande Dépression, c'est que les barrières tarifaires et le protectionnisme peuvent envenimer beaucoup les choses. Ce n'est pas bon. Tout effort pour favoriser un commerce ouvert nous aidera à nous sortir de cette crise.
Nous sommes consternés par les décisions non seulement des États-Unis, mais de tous les pays où la tendance politique est à l'érection de barrières commerciales. Divers ordres de gouvernement en parlent au Canada, et nous les exhortons à en parler davantage. Nous avons lu au sujet du programme « Buy American » et des subventions à la liqueur résiduaire. L'annonce faite hier se veut une tentative pour éviter certains aspects du protectionnisme et aider notre industrie.
Nous devons tous — ce comité, les gouvernements et les dirigeants d'entreprises — rester vigilants quand nous nous exprimons publiquement. Nous devons réagir et nous rétracter dès que nous voyons poindre le protectionnisme.
Le président : Quelqu'un a mentionné ici que les banques prélevaient des taux d'intérêt de 20 p. 100. Je tiens à dire aux représentants de l'Association des banquiers canadiens qu'avec quelques collègues sénateurs, j'ai vérifié cette information auprès de divers joueurs de l'industrie dans diverses régions du Canada. J'ai également appelé des entrepreneurs et des industriels, de petites et grandes entreprises. Je n'ai trouvé aucun exemple clair de banque, de banquiers comme vous, qui imposaient un intérêt de 20 p. 100.
Si vous le faites, pourriez-vous nous en informer?
M. Campbell : Nous vous remercions de la diligence avec laquelle vous avez abordé la question. Vous avez entendu nos propos en début de réunion. Merci d'en parler. C'est très apprécié.
Le président : Au nom du comité, monsieur Campbell et monsieur Wrobel, je vous remercie infiniment. Vous nous avez beaucoup éclairés. Si nous avons besoin de votre présence dans nos travaux futurs, nous allons communiquer avec vous. Je vous remercie de votre coopération.
Le sénateur Rivard a demandé un autre temps de parole étant donné que vous êtes ici.
[Français]
Le sénateur Rivard : Nous avons rarement l'occasion, à ce comité, de rencontrer des banquiers. Il faut se souvenir que la crise financière a débuté par la débandade de banques américaines; c'est par la suite devenu une crise économique. Aujourd'hui, dans le monde, on reconnaît que le système bancaire canadien est l'un des meilleurs; la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et les pays du G8 le reconnaissent. Et c'est grâce aux gouvernements qui se sont succédé au cours des 40 dernières années, qui ont su encadrer le domaine bancaire.
En tant que politicien et fier Canadien, bravo! On vous souhaite la meilleure des chances. Je pense que vous allez nous sortir de la crise rapidement avec l'aide d'autres partenaires.
[Traduction]
M. Campbell : Merci beaucoup. C'est très apprécié.
Le président : Nous savons que nous avons les meilleures institutions financières au monde, et il ne fait aucun doute que vous allez continuer de faire en sorte qu'elles le restent. Merci de votre coopération.
M. Campbell : Merci, mesdames et messieurs les sénateurs. Je vous souhaite bonne chance dans vos délibérations.
Le président : Chers collègues, nous allons poursuivre nos discussions à huis clos au sujet des travaux du comité pour la semaine prochaine.
(Le comité poursuit ses travaux à huis clos.)