Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 9 - Témoignages du 8 octobre 2009
OTTAWA, le jeudi 8 octobre 2009
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts s'est réuni à 8 h 1 afin d'étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.
Le sénateur Joyce Fairbairn (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La vice-présidente : Chers collègues, je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je suis le sénateur Joyce Fairbairn. Je viens de Lethbridge, en Alberta, et je suis la vice- présidente du comité. Le sénateur Mockler, président du comité, se joindra à nous sous peu.
Notre comité étudie l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier du Canada. Nous allons entendre aujourd'hui le témoignage de Robert Beauregard, président de la Coalition BOIS-Québec et doyen de la Faculté de foresterie, géographie et géomatique de l'Université Laval . Nous sommes ravis de vous accueillir ce matin. Merci d'avoir accepté notre invitation. Je vous demanderais maintenant de faire votre exposé. Il sera suivi d'une période de questions et de réponses.
[Français]
Robert Beauregard, président de la Coalition et doyen de la Faculté de foresterie, géomatique et géographie de l'Université Laval : La Coalition BOIS-Québec a été lancée officiellement il y a environ un mois à Montréal. Elle a pour mission de faire la promotion de l'utilisation du bois pour lutter contre les changements climatiques. Nous voulons faire connaître les attributs écologiques du bois, ses applications structurales, sa beauté et favoriser une réglementation favorable à son utilisation pour de bonnes raisons.
La coalition est constituée de groupes environnementalistes dont le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec, Nature Québec, Équiterre. Elle est également constituée de syndicats de travailleurs dont la FTQ et la CSN. En font partie de petites entreprises comme À Hauteur d'homme, une très belle entreprise d'ébénisterie qui fait des produits haut de gamme avec du bois provenant de forêts certifiées. Elle compte aussi de grandes entreprises telles que Pomerleau inc., un des plus grands constructeurs au Canada. Nous avons aussi des donneurs d'ordres comme la SSQ, Société immobilière inc., l'Association Québécoise des Fabricants de Structures de Bois, l'Association québécoise de la quincaillerie et des matériaux de construction (AQMAT), le Conseil de l'industrie forestière et le Quebec Wood Export Bureau. Nous retrouvons également des organismes d'enseignement, de recherche et de la société civile comme FPInnovations — Forintek, l'Institut canadien de recherche en génie forestier (FERIC), l'Université Laval, l'Ordre des architectes du Québec et l'Ordre des ingénieurs forestiers. Il y a des municipalités, des représentants des organismes de la construction du gouvernement du Québec, comme la Société immobilière du Québec et des gens qui produisent le bois, l'utilisent et s'y intéressent pour des raisons environnementales.
Notre argument central est à l'effet que si l'on utilise un mètre cube de bois et que ce faisant on substitue la quantité équivalente de béton ou d'acier, on réduit d'une tonne nos émissions de gaz à effet de serre. Cela a été démontré par le JEK, IPCC, l'Agence scientifique des Nations Unies qui suit la question des changements climatiques.
Notre argument repose sur des bases scientifiques solides. En présentant l'impact écologique de l'utilisation du bois, nous voulons abattre des préjugés dans la population. Plusieurs personnes sont convaincues qu'il n'y a plus de bois en forêt parce qu'on coupe mal et trop le bois et qu'on ne reboise pas assez. Ils ne savent pas que le bois peut et doit contribuer à la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre et fait partie de la lutte aux changements climatiques. La population en général ne sait pas que le bois en grande section est très résistant aux incendies et que le bois est aussi solide que l'acier ou le béton si la conception est bien faite. Les gens sont convaincus que cela coûte cher de construire en bois. Nous voulons démontrer que nous avons le savoir-faire pour utiliser le bois et le mettre en œuvre dans de grandes constructions et que cette façon de construire en bois est un secteur d'avenir.
Par une plus grande utilisation du bois dans la construction non résidentielle, nous voulons réduire notre dépendance au marché américain du bois d'œuvre. Au Canada et au Québec, moins de 15 p. 100 des constructions non résidentielles, commerciales, industrielles, institutionnelles, les écoles, les hôpitaux, les édifices gouvernementaux, sont en bois. L'utilisation du bois représente donc un potentiel énorme et réduira notre dépendance aux exportations américaines du bois d'œuvre. Ce contentieux est centenaire et je ne crois pas que nous sommes sur le point de le régler. Grâce à un usage plus fréquent et judicieux de notre bois, nous réduisons notre exposition à ce risque.
Nous voulons démontrer la diversité de l'utilisation du bois, par exemple, dans des gymnases et des écoles avec des systèmes à ossature légère. Ce système est typiquement utilisé dans nos maisons et nous permet également de réaliser de grandes constructions.
Nous voulons aussi mettre en évidence l'apparence magnifique du bois dans de grands bâtiments prestigieux, modernes et contemporains, comme le pavillon de la baie de Beauport. Pour la construction du Centre sportif du Cégep Marie-Victorin, on a utilisé le gros bois d'œuvre. D'ailleurs, c'est sur ce chantier de construction que nous avons fait le lancement de la coalition.
Nous encourageons aussi les citoyens à développer le réflexe d'utiliser le bois. Ne pas utiliser le bois devrait être considéré par les Québécois et les Canadiens comme un péché au même titre que l'utilisation des sacs de plastique pour faire l'épicerie.
Nous aimerions que le bois devienne le matériau de choix au profit de l'environnement.
Nous demandons aux citoyens d'utiliser le bois dans leurs projets de rénovations, d'exiger le bois certifié auprès des quincaillers, d'acheter des produits québécois et des produits canadiens, de planter des arbres. Nous demandons également aux décideurs aux niveaux gouvernementaux de donner l'exemple. Le gouvernement construit beaucoup, il a un devoir d'exemplarité. Nous demandons au gouvernement d'exercer ce devoir et de toujours considérer le bois d'abord dans ses projets de construction.
Nous demandons aux décideurs gouvernementaux de s'assurer que le cadre réglementaire permet l'utilisation du bois.
Nous demandons également l'instauration de mesures fiscales visant à encourager l'utilisation du bois.
Nous demandons aux municipalités d'adopter des résolutions types pour s'engager à considérer le bois comme matériau de construction. Ce faisant, nous leur demandons de devenir membre de la coalition. Le seul critère pour devenir membre, qu'il s'agisse d'un individu, d'une corporation ou d'un organisme public, est de s'engager à considérer le bois comme matériau de construction.
Nous interpellons les entreprises privées à construire en bois, à exiger du bois certifié et à planter des arbres.
Nous avons demandé à des citoyens québécois éminents de se joindre à notre campagne. Vous avez des exemples de la campagne promotionnelle parue dans les journaux. On y retrouve plusieurs personnalités. Claudette Carbonneau est présidente de la Confédération des syndicats nationaux du Québec. Stephen Guilbeault, président de Équiterre, fut longtemps président de Greenpeace Québec. Il est très impliqué dans la question des changements climatiques et apporte une grande crédibilité à l'argument que l'utilisation du bois est bonne pour l'environnement et contribue à lutter contre les changements climatiques. Bernard Labadie est le chef d'orchestre des Violons du Roy, en résidence au Palais Montcalm. Cette salle de spectacle, rénovée complètement en bois, offre une sonorité fantastique. Alain Lemaire est le président-directeur général de l'entreprise Cascades. Sylvie Fréchette est championne olympique canadienne. Les Capitales de Québec, équipe professionnelle de baseball de la Ville de Québec, utilisent des bâtons de baseball B45 fabriqués à Québec et faits de bouleau jaune du Québec.
Voilà la campagne que nous avons lancée. Depuis plus de 30 ans, j'œuvre dans le domaine forestier et c'est la première fois qu'une campagne se fait sans fausse note. Elle a suscité un appui général de la population. La reprise dans les médias a été très positive. Les gens entendent notre message. Pour la première fois, on fait une campagne qui parle de la forêt et du bois de façon positive. Notre message est le suivant. L'utilisation du bois est bénéfique. Elle améliore l'environnement, contribue à créer de l'emploi et aide à maintenir les emplois existants en régions. Le message a été accueilli de façon très positive. Nous sommes heureux des résultats de cette campagne. Nous espérons que l'effet sera durable et créera dans l'esprit des Québécois et Canadiens ce sentiment que, pour une foule de bonnes raisons, on doit utiliser le bois.
[Traduction]
La vice-présidente : Merci beaucoup. Votre travail est à la fois vital et vigoureux. D'excellentes personnes travaillent avec vous.
Le sénateur Stewart Olsen : Monsieur Beauregard, veuillez excuser mon français, qui n'est pas assez bon pour que je vous pose des questions dans cette langue.
Notre gouvernement était intéressé à promouvoir des projets de construction qui utiliseraient le bois. Nous avions notamment discuté avec le gouvernement de la Colombie-Britannique, qui avait construit un pavillon olympique entièrement en bois. C'est un de ses édifices vedettes. Nous avons pensé que certains règlements, qu'ils soient fédéraux, provinciaux ou municipaux, pourraient présenter un inconvénient dans l'utilisation du bois. Si j'ai bien compris, le bois est désormais traité et il y a des moyens de réduire les risques d'incendie. Comment pouvons-nous aider les organisations avec ces règlements? Pouvez-vous nous en parler?
[Français]
M. Beauregard : Pendant longtemps, le Code du bâtiment restreignait l'utilisation du bois, particulièrement dans les secteurs public et scolaire. Depuis 2005, un nouveau Code du bâtiment fut adopté. Celui-ci maintient les anciennes règles alors que d'autres ont un peu évolué. Toutefois, on a ajouté au nouveau Code une partie qui se base sur la performance. On demande aux concepteurs de bâtiments d'utiliser le système de construction et le matériau comme il leur convient, à condition de démontrer que le tout respecte les objectifs du Code, les normes de préventions des incendies, les normes relatives aux charges de neige, de tremblements de terres et de vents violents.
Si le concepteur démontre, par des modèles mathématiques et des essais en laboratoire, que son système atteint les objectifs du Code, il peut réaliser le type de construction qu'il désire.
La recherche démontre qu'il est possible d'utiliser le bois de façon sécuritaire aux points de vue prévention des incendies, résistance sismique et autres. L'ancien Code interdisait la construction en bois de bâtiments de plus de quatre étages. En vertu du nouveau Code, on construit à Québec actuellement un bâtiment de six étages qui, une fois complété, sera le plus haut bâtiment en bois en Amérique du Nord.
L'an dernier, à Londres, on a inauguré un édifice de neuf étages construit entièrement en bois. En Norvège, un projet est en cours pour la construction d'une tour de 16 étages faite de bois.
Toutes sortes de projets sont réalisables avec le bois. Il faut toutefois démontrer que l'on respecte les exigences du Code. Cet objectif est tout à fait réalisable. Il suffit de bien concevoir et de bien utiliser le matériau. Dans certains cas, il peut s'agir de traitements avec des produits ignifuges. Il est démontré que l'on peut utiliser le bois de façon tout à fait sécuritaire.
On se demande souvent si le bois sera aussi durable que le béton ou l'acier. On a vu récemment des viaducs en béton s'écrouler. Les coûts de maintenance sont très élevés pour certains bâtiments en béton et en acier construits dans les années 60 et qui n'ont pas bien résisté aux effets du temps.
Je vous signale qu'au Japon on retrouve des temples bouddhistes de plus de 1 200 ans construits en bois. La durabilité est reliée à la qualité de la conception, à la maintenance du bâtiment et non au matériau.
On peut faire des bâtiments en bois extrêmement durables qui se conforment parfaitement toutes les exigences de sécurité pour les occupants dans tous les contextes. C'est une question d'innovation et de conception. On doit faire la démonstration de la qualité des systèmes qu'on veut construire. On sait le faire de plus en plus. Nous devons éduquer et former nos ingénieurs et nos architectes aux nouveautés du Code du bâtiment. Plusieurs ignorent ce nouvel aspect du code qui a été révisé récemment et qui permet de faire plus qu'autrefois, mais qui demande bien sûr des analyses pouvant entraîner des coûts supplémentaires de démonstration du respect des exigences du Code.
Dans la mesure où on fait cette démonstration, dans un certain nombre de contextes, plus on en fait, plus cela devient facile. C'est une question de répétitions de démonstration dans un système. À partir du moment où on a réalisé un système, on peut répéter dans des contextes différents.
[Traduction]
Le sénateur Stewart Olsen : Cela semble être les règlements provinciaux. Est-ce la province qui règlemente principalement l'utilisation du bois?
[Français]
M. Beauregard : C'est un peu complexe, mais c'est le Code du bâtiment du Canada qui a des déclinaisons dans chaque province, mais c'est à travers tout le Canada. En Colombie-Britannique, on peut opérer sous le même régime du nouveau Code du bâtiment. Souvent, les ingénieurs l'ignorent. Il faut leur rappeler et il faut aussi qu'ils aient la volonté d'innover. Parfois, si cette démonstration entraîne un effort supplémentaire, il est plus facile de dire : « bien, moi j'ai le code ici et ça dit que c'est interdit, donc je ne le fais pas ». On préfère ignorer la partie qui fonctionne sur la base de la performance, parce que c'est plus compliqué. Il faut faire des démonstrations. Il y a une réelle ignorance et parfois, il y a ignorance feinte parce que cela peut être plus compliqué. Les gens qui souhaitent vraiment innover sont allés dans cette direction.
En Colombie-Britannique, on a des projets qui dépassent les limites de l'ancien Code du bâtiment. Ce nouveau code a des déclinaisons dans toutes les juridictions au Canada.
[Traduction]
Le sénateur Stewart Olsen : Dans quelle mesure le traitement du bois pour prévenir les incendies est-il écologique?
[Français]
M. Beauregard : Il y a plusieurs méthodes de traitement du bois contre l'incendie. Ces moyens ne sont pas que chimiques. Je ne suis pas un spécialiste du traitement chimique des bois, mais je sais que le traitement chimique contre le feu n'est pas le moyen le plus utilisé en lutte contre les incendies. Les deux moyens les plus utilisés sont l'utilisation du panneau de gypse parce que le gypse est un matériau ignifuge et constitue une barrière à la propagation du feu. C'est le principal moyen utilisé en construction pour limiter la propagation du feu.
Le deuxième moyen le plus important est la dimension des pièces de bois. Lorsqu'on a des pièces de bois de fortes dimensions, oui, elles peuvent être ignifugées et prendre en feu, mais le feu se limite à quelques millimètres en surface et ceci constitue une barrière de charbon et le reste de la poutre demeure intacte. On voit des bâtiments entièrement brûlés pour lesquels la structure en bois de charpente lourde reste debout; par sa dimension, elle résiste à l'incendie. Si on avait eu une structure d'acier dans un tel incendie, la structure se serait effondrée. Tous les ingénieurs le savent. Dès que la température monte un peu, l'acier ramollit et la structure s'effondre alors que le bois de grande dimension reste en place. Ce n'est pas le cas du bois de petite dimension, les deux par quatre, et cetera. Dans le cas d'une charpente légère, on utilisera plutôt le panneau de gypse comme méthode de prévention d'incendie. Ces méthodes, autant le panneau de gypse que la dimension du bois, n'ont pas des conséquences environnementales.
Le sénateur Eaton : Serait-il utile d'avoir une campagne fédérale, comme on a fait pour le tabac, afin d'instruire les gens et les convaincre d'utiliser le bois et leur donner une nouvelle appréciation du bois?
M. Beauregard : Oui, certainement. Le succès de telles campagnes, comme dans le cas du tabac, est dû aux informations de spécialistes de la santé qui démontraient hors de tout doute les effets néfastes du tabac, et cetera. Dans ce domaine-ci, il y a beaucoup plus d'émotion, beaucoup plus de détenteurs d'intérêts diversifiés. L'approche que nous avons prise est celle de réunir une diversité extrême de détenteurs d'intérêts, c'est-à-dire les environnementalistes et les gens de l'industrie forestière qui, souvent, ont des relations tendues autour de l'idée qu'utiliser le bois et de substituer le béton et l'acier était positif. La force du message réside dans les messagers. Le fait d'avoir Stephen Guilbault avec son fils dans une quincaillerie en train d'acheter des deux par quatre est l'image contrastante entre ce combat incessant des groupes environnementalistes contre l'industrie forestière qu'on a voulu démontrer. On n'est pas enfermé dans cela, on peut dépasser cela. Le messager est le message dans ce cas. Les personnes qui portent le message disent davantage à propos du message que les paroles. L'engagement des gens est porteur du message davantage que les informations techniques.
Bien sûr, les informations doivent être bien fondées. Dans ce cas-ci, il y a tellement de controverse autour de cette question. Savoir comment utiliser la forêt et le choix des porte-parole est très important.
Le sénateur Eaton : Nous étudions la forêt depuis quelques mois et lorsque j'en parle aux gens à l'extérieur, ils sont toujours surpris lorsque je leur dis que même quand le bois est coupé il garde son carbone. Il y a une ignorance autour du sujet. Souvent, au Canada, on a des modèles de programmes comme vous avez au Québec, mais cela ne s'étend pas à travers le pays, cela devient un programme local. Ce serait bien si on pouvait étendre votre message à travers le pays.
M. Beauregard : Certainement. Nous avons des discussions dans ce sens. Nous souhaitons que cela se réalise, mais au Québec, les intervenants, les acteurs du monde forestier se sont concertés et sont arrivés à cette forme de communication. Ailleurs au Canada, il y a d'autres discussions sur la bonne façon de faire et ils sont arrivés à d'autres conclusions.
Notamment, le Conseil canadien du bois a des campagnes comme « Branché sur le bois » et « Wood is good », et cetera, qui sont d'excellentes campagnes, mais qui n'ont pas réussi à faire cette percée pour parler aux gens et atteindre les objectifs poursuivis.
On reste enfermé toujours dans ces solitudes; l'industrie d'un côté, les environnementalistes de l'autre et ce combat qui dit qu'il y a les bons et les méchants. Alors que dans cette campagne, nous avons repris les choses d'un autre point de vue. C'est le bon angle d'attaque et si les gens ailleurs au Canada peuvent le constater et adopter cette manière, ça aura du succès.
Il faut que les gens adoptent une démarche de conviction, de discussion, de partenariat pour arriver à cette compréhension commune. Le Conseil canadien du bois appartient à l'industrie et au gouvernement. Ce n'est qu'un des détenteurs d'intérêts, ce n'est pas l'ensemble des détenteurs d'intérêts. On a réussi à amener autour de la table une très grande diversité de détenteurs d'intérêts — pas nécessairement tous — et c'est ce qui fait la force de cette campagne. Je ne crois pas qu'on ait réussi à accomplir cela ailleurs au Canada à ce jour, mais c'est certainement un objectif qu'on devrait poursuivre. Il faut aller chercher l'adhésion de très larges secteurs et les opinions de la population, ouvrir le dialogue et élargir le consensus, selon lequel l'utilisation du bois, c'est effectivement bon pour l'environnement.
Ce n'est pas une solution aux problèmes de l'industrie, même si l'industrie vit de très grands problèmes et a grandement besoin de solutions. Il faut que la population arrive à comprendre que le bois est ce qu'on doit utiliser pour des raisons environnementales plutôt que le béton et l'acier qui sont fortement émetteurs de gaz à effet de serre. Pour la fabrication de ces matériaux, on utilise une énorme quantité d'énergie qui émet aussi une grande quantité de gaz à effet de serre alors que le bois, au contraire, est un matériau à carbone neutre. Notre tâche consiste à faire connaître ce bénéfice qui changera la perception que les gens ont de ce secteur industriel et du rôle de la forêt dans la société.
Le sénateur Eaton : Avez-vous fait des représentations auprès des ministres Prentice ou Raitt?
M. Beauregard : Tout à fait. Nous avons reçu une excellente écoute de la part des autorités du ministère des Ressources naturelles du Canada. D'ailleurs, nous recevons une participation financière du gouvernement fédéral dans cette campagne. Nous avons obtenu de l'aide financière des gouvernements du Québec et du Canada. Nous ne sommes en guerre contre personne. Nous essayons simplement de nous concentrer sur ce que nous pensions aurait le plus grand impact en allant chercher des appuis pour notre campagne. Ce que nous avons réussi à faire.
C'est le résultat d'une concertation qui, à ce jour, a été établie au Québec, mais il y a besoin d'étendre cette concertation au Canada, aux États-Unis, au monde entier. Nous avons fait des campagnes similaires en Europe qui ont eu beaucoup de succès. Ce que nous avons fait au Québec ressemble beaucoup à certaines campagnes faites récemment en Allemagne, en Autriche, en Suède, en Finlande, en France et en Angleterre.
En Europe occidentale, cette compréhension du rôle de la forêt et du bois dans le système écologique est très avancée. Nous nous sommes inspirés beaucoup de l'approche qu'ils en ont eue. Nous travaillons à ce que cela s'étende au Canada, aux États-Unis, au Japon — dans le monde entier.
La semaine prochaine, je serai à Genève pour une rencontre des Nations Unies où il y aura des représentants du monde entier pour discuter de cette question.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : Monsieur Beauregard, je vous remercie d'être venu. Votre exposé était fort intéressant. Je suis impressionné de voir le nombre d'organisations du Québec que vous représentiez.
Vous avez indiqué que l'Europe comprend bien la valeur de l'utilisation du bois. Est-ce que cela pourrait être une occasion de marketing pour nous? Nous sommes d'excellents producteurs de produits du bois. Nous avons tendance à dépendre fortement de nos voisins américains. Nous avons bien vu où cela nous a menés au cours des 18 derniers mois avec les problèmes liés au marché du logement aux États-Unis.
Est-ce que le marché européen serait notre prochaine occasion à saisir?
M. Beauregard : Venez-vous de la Colombie-Britannique?
Le sénateur Mercer : Non. Je viens de la Nouvelle-Écosse.
M. Beauregard : Alors, du point de vue de la Nouvelle-Écosse, oui. En revanche, notre meilleure occasion à court terme est notre marché interne non résidentiel. La valeur d'un édifice construit dans un secteur non résidentiel est presque aussi importante qu'un édifice construit dans le secteur résidentiel. Seulement 15 p. 100 du secteur est fabriqué à partir de bois. Le potentiel y est énorme. Cela nous permettrait de doubler notre marché interne. Même si cela représente peu par rapport au marché américain, le fait de doubler un marché national n'est pas négligeable. C'est quelque chose que nous pouvons accomplir seuls, indépendamment de tout litige commercial international. Nous pouvons tout simplement le faire.
Si nous parvenons à élaborer des solutions de construction innovatrices, alors nous aurons de nouvelles occasions d'exporter. Au lieu d'exporter des 2 par 4, exportons donc des systèmes de construction verts et innovateurs. Cela aura une énorme valeur ajoutée. Elle sera bien plus grande que celle qu'apporterait une autre approche. Si nous travaillons à élaborer ce marché non résidentiel à l'interne, cela représentera des occasions à court terme et également à long terme, des occasions d'exportation à valeur ajoutée.
Le sénateur Mercer : Vous soulevez un excellent point. Notre comité a visité la Colombie-Britannique et nous y avons vu l'anneau olympique à Richmond. Lorsque nous aurons les Jeux olympiques l'année prochaine, nous pourrons y montrer l'utilisation que nous avons faite du bois. Nous espérons que cela aidera l'industrie partout au Canada.
Vous avez également parlé d'un édifice à six étages en Beauce, au Québec.
M. Beauregard : Il se trouve dans le centre-ville de la ville de Québec.
Le sénateur Mercer : Il y a eu des discussions à propos d'un programme de marketing. Un tel programme pourrait mettre en valeur ces magnifiques édifices de bois, ce qui pourrait être utile à la cause.
Dans votre exposé, vous avez parlé des fausses conceptions. Je trouve curieux que les gens disent qu'il ne reste plus de bois dans les forêts du Québec ou du Canada, alors que, lorsqu'on voyage beaucoup, on ne voit que du bois partout.
J'aimerais parler plus particulièrement de la main-d'œuvre. On pourrait faire valoir à quel point la récolte, la coupe et l'utilisation du bois dans la construction nécessitent beaucoup de main-d'œuvre. Il en va de même pour le reboisement des forêts par la suite.
Vous n'avez pas parlé, à moins que cela m'ait échappé, d'un programme de reforestation et de sylviculture au Québec. Quelle est l'ampleur de ce programme? Nous allons visiter plusieurs endroits au Nouveau-Brunswick qui sont reconnus pour leur programme de reforestation et de sylviculture.
Pouvez-vous nous dire ce qui se passe au Québec?
M. Beauregard : Au Québec, un projet de loi est en train d'être examiné à l'Assemblée nationale du Québec. Les audiences publiques viennent de se terminer et les discussions finales et l'adoption du projet de loi devraient avoir lieu avant Noël. Nous attendons encore de voir ce qui se passera pour le régime forestier dans son ensemble.
Dans l'ancien système, l'approvisionnement en bois et la gestion de la forêt se trouvaient dans un seul contrat, soit un contrat de gestion et d'offre. Dans le nouveau système, ces deux étapes se retrouveront dans deux contrats différents. L'industrie gérera l'offre, et la gestion sera effectuée de manière indépendante. La plupart des gens s'attendent à ce que cette façon de faire améliore la qualité de la gestion forestière au Québec.
On a décidé de donner suite à une gestion forestière écosystémique. Cette approche est bien différente de celle prônée par le Nouveau-Brunswick, qui dépend fortement du reboisement.
Le Québec estime que la gestion forestière devrait dépendre, dans la mesure du possible, des processus naturels qui permettent à la forêt de se régénérer. La province estime qu'il faut respecter les schémas naturels de régénération des forêts. Chaque fois que plusieurs possibilités s'offraient à nous, nous choisissions toujours celle qui se rapprochait le plus des schémas naturels de régénération et du comportement de la forêt. Cette technique exige une profonde connaissance écologique de la nature. Il faut en comprendre les rouages, savoir comment la gérer et la représenter dans les diverses pratiques de gestion et de sylviculture.
Le Québec a toujours d'abord choisi d'avoir recours à la régénération naturelle plutôt qu'au reboisement. Il s'agit toujours de la meilleure option pour des raisons écologiques et pour toutes autres sortes de motifs.
De plus, au Québec, au cours des cinq dernières années, les zones de conservation sont passées de 3 à 8 p. 100 de la superficie totale de la province. Le gouvernement s'est engagé à augmenter ce chiffre à environ 12 p. 100 des terres. Cela a fait diminuer de manière considérable les coupes admissibles. Pour contrecarrer cette baisse, un programme d'intensification a été proposé afin de faire pousser plus d'arbres dans les zones réduites. À l'avenir, on trouvera sans doute plus de zones de conservation, une gestion écosystémique d'envergure pour la plupart du territoire et, dans les zones limitées, on mettra l'accent davantage sur des pratiques de sylviculture plus intenses.
En revanche, l'équilibre global entre la santé de la forêt, son comportement et sa productivité est relativement bon au Québec. L'idée selon laquelle le fait d'abattre des arbres dans une forêt équivaut à la déforester est une idée qui est fausse, mais qui est profondément enracinée dans l'esprit des gens.
[Français]
La coupe forestière devient de la déforestation lorsqu'après la coupe, on change la vocation du territoire. Si on coupe la forêt pour faire de l'agriculture, du développement urbain ou un désert, c'est de la déforestation. Si, suite à la coupe, la forêt est remise en production, nous avons une bonne pratique d'aménagement forestier. L'important est de préserver la forêt. Au Québec, on choisit de la remettre en production autant que possible par des moyens naturels. Pourvu qu'on la remette en production, la forêt est toujours là. Ce n'est pas de la déforestation.
C'est le préjugé le plus profondément ancré dans l'esprit des gens. Couper une forêt, si on la remet en production, ce n'est pas de la déforestation. Il faut clarifier cela parce que c'est une confusion généralisée.
Dans plusieurs pays, on coupe beaucoup de forêts, mais les forêts sont en croissance. En Allemagne, la forêt est en croissance et l'industrie forestière est également en croissance. C'est possible de couper la forêt, mais il faut le faire de façon durable dans un régime d'aménagement durable des forêts. Toutes les juridictions au Canada possèdent de tels régimes. Oui, on coupe beaucoup de forêts, mais on les remet en production. Il n'y a pas de problème de déforestation au Canada et la FAO le reconnaît. Il existe des cartes nationales de déforestation où l'on peut voir que les zones de déforestation sont concentrées dans le bassin l'Amazonie, le bassin du Congo et dans le Sud-Est asiatique. Au Canada, il n'y a pas de déforestation ni en Europe d'ailleurs. Il y en a eu par le passé, mais depuis les années 1970 il n'y en a plus. Il y a même plutôt une croissance des forêts. S'il y a un préjugé qu'il faut combattre, c'est celui-là.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : Est-ce que réduire la coupe augmente les coûts parce que vous protégez plus de territoires? Je trouve cette approche très positive. Est-ce que cela augmente le coût des matières premières?
Vous n'êtes pas le premier à soulever le fait qu'il faille former plus d'architectes et d'ingénieurs. Il faut qu'ils soient formés pour qu'ils comprennent non seulement l'utilisation écologique du bois, mais également son utilisation sécuritaire, notamment dans le domaine de la construction. Est-ce qu'il faudrait prôner cette formation au niveau national? Les provinces peuvent le faire, car l'éducation est de compétence provinciale. Mais comment est-ce que le gouvernement du Canada peut expliquer aux architectes et aux ingénieurs qu'ils devraient utiliser davantage le bois car ce matériau est écologique et présente un avantage économique pour le pays?
[Français]
M. Beauregard : De plus grandes exigences environnementales font monter le coût du bois. À l'échelle internationale, on peut voir qu'il y a des régions où le bois n'est pas cher. Il est abondant. Les industries dans ces pays peuvent produire de façon avantageuse des produits de commodité. On peut nommer la Russie comme un bon exemple de cela. Il y a d'autres pays où les exigences environnementales sont très élevées, comme l'Allemagne par exemple. En Allemagne, le coût du bois est très élevé, mais depuis dix ans, c'est un des pays où l'industrie forestière a connu la plus grande croissance. Je constate que quand une société devient avancée sur ce plan et qu'elle devient riche, elle a des exigences environnementales plus grandes, ce qui fait monter le coût des biens, mais il est possible de fonctionner en tant que société riche qui accepte le coût plus élevé de la protection de l'environnement et qui s'adapte dans ce contexte.
Selon moi, à long terme, le coût plus élevé, c'est le coût réel de l'utilisation des ressources naturelles. Quand le coût est très bas, c'est que le coût réel n'est pas payé, il est assumé par la collectivité. En Russie actuellement, on pille la ressource et on ne paie pas le vrai coût environnemental de la ressource. Quand un pays devient plus riche, plus sophistiqué, il reconnaît le véritable coût. En Allemagne, on paie aussi pour les émissions de gaz à effet de serre. Il y a un système de « cap-and-trade ». C'est un coût qui est assumé par toute la société, mais qui pendant longtemps a échappé au système économique. Il est maintenant intégré au système économique, c'est ce qui fait que les biens sont plus chers, mais ce n'est que le coût réel de notre relation à l'environnement. Si on ne paie pas ces coûts quand on achète des produits, on va les payer plus tard en impôt pour réparer les problèmes environnementaux que l'on a créés. Si on crée un problème environnemental, un jour cela nous rattrapera et il faudra payer pour le réparer.
Un pays comme l'Allemagne intègre dans le système économique le coût réel de la ponction des ressources environnementales. À mon avis, comme société, je préfère que nous adoptions la situation de l'Allemagne plutôt que celle de la Russie. Je ne sais pas quelle est votre opinion là-dessus.
Quant à votre deuxième question concernant la formation des ingénieurs, je crois que c'est effectivement un enjeu important. Bien sûr, l'éducation est de juridiction provinciale, mais je crois qu'il est possible pour le gouvernement du Canada d'envoyer des signaux, notamment dans le cadre d'ententes fédérales-provinciales sur l'éducation. On le fait dans le domaine de la santé, on peut le faire dans le domaine de la formation pour le bâtiment. Cela demeure la responsabilité des provinces et on doit faire un travail dans chaque juridiction au Canada pour améliorer la formation des ingénieurs et des architectes, d'une part pour le bénéfice environnemental de l'utilisation du bois et, d'autre part, pour en faire une bonne utilisation avec les bonnes technologies, la bonne mise en œuvre et la bonne conception. On a dit que la durabilité dépendait de la qualité de la conception. Donc cela dépend du travail des ingénieurs et des architectes. C'est un enjeu très important.
À l'Université Laval, nous sommes très engagés dans ce domaine. Nous avons un programme de génie du bois dédié seulement à la formation d'ingénieurs qui savent travailler le bois. Bien sûr, toutes les universités doivent relever ce défi de contribuer à la formation d'ingénieurs compétents pour développer des solutions technologiques utiles à la société. La construction en bois en fait partie. C'est un enjeu sur lequel on doit travailler dans les universités, sur le plan provincial, mais pour lequel le gouvernement fédéral peut également jouer un rôle.
Le sénateur Mercer : Je vous remercie.
Le sénateur Rivard : Je voudrais vous féliciter pour votre présentation. Votre document est extraordinaire et je suis très heureux de constater que l'Université Laval est l'initiatrice de la Coalition du bois. Je pense que ce sont les gestes qu'il faut faire pour convaincre les consommateurs qu'on doit aller de plus en plus vers le bois. Ce qui m'a impressionné dès les premières pages, c'est le mètre cube de béton versus le mètre cube de bois qui égale une tonne de CO2. J'ai bien pensé que c'était une tonne de moins, même s'il n'y a pas de petits moins.
M. Beauregard : Oui.
Le sénateur Rivard : Alors, c'est un impact assez important. Quant aux préjugés, c'est vrai qu'ils sont tenaces. Le bois ne résiste pas au feu, mais pendant que vous expliquiez que les grosses pièces de bois brûlent plus difficilement, j'avais ceci à l'esprit. Lorsque nous chauffons un foyer dans une maison, si on met une bûche d'à peu près un pied de hauteur, elle ne brûlera pas au complet. Je ne dirais pas que les tours jumelles ne seraient pas tombées si elles avaient été en bois. Cela aurait été impossible à construire.
Mais il reste quand même que cela résiste au feu par rapport à d'autres matériaux, c'est très intéressant. Maintenant, quand on regarde tous les membres qui font partie de la coalition, je pense qu'on a tout ce qu'il faut maintenant pour que cela aille de l'avant. Cela m'amène à vous poser une question sur le programme fédéral que l'on appelle le bois nord-américain. Vous connaissez ce programme. Est-ce que vous êtes satisfait du programme? Est-ce qu'il devrait y avoir des modifications, des bonifications que vous aimeriez voir apporter au programme?
M. Beauregard : Je pense qu'on a beaucoup mis l'accent sur les exportations dans ces programmes. C'est excellent, les exportations, le Canada a besoin d'exportation, c'est certain, on ne peut pas vivre seulement à partir de notre marché intérieur et c'est sage de mettre l'accent sur les exportations.
Mais étant donné que dans ce domaine particulier, on a besoin de beaucoup d'innovations en développement de produits, il faut que dans notre esprit, le produit cesse d'être le bois d'œuvre et que le produit devienne le bâtiment, que notre focus en conception de produit devienne le bâtiment. Pour moi, il est intéressant à court terme d'investir dans notre marché domestique, ne serait-ce que pour des raisons de développement de produits et d'innovations. C'est plus facile d'innover chez soi que dans des marchés étrangers. Dans les marchés étrangers, si on fait des erreurs, c'est coûteux à réparer. Notre réputation est affectée alors que si on fait des erreurs à la maison, le client est plus compréhensif, on a une proximité plus grande avec le client, c'est plus facile de réparer et d'impliquer client dans la conception. Dans tout le défi de développer la construction en bois non résidentiel, je pense qu'il y a lieu d'avoir des programmes pour vraiment favoriser la construction non résidentielle canadienne.
Ce n'est pas tellement une question d'avoir un très grand marché, c'est question d'avoir une phase initiale d'innovation, de développement de produits, pour ensuite exporter ces solutions de construction dans des marchés étrangers. Là on les adapte dans d'autres marchés. Il y a toujours eu de bonnes raisons de mettre l'accent sur l'exportation, et à court terme on ne devrait pas le faire exclusivement, mais mettre plus d'efforts et plus de ressources dans le développement de produits locaux de construction non résidentielle. Donc, aussi de créer de nouveaux réseaux de création de valeur dans lesquels des entreprises de construction travaillent à optimiser le fonctionnement, le réseau de création de valeur, la synchronisation et la planification avec les fournisseurs de solution de bâtiment et les fournisseurs de bois. On le voit dans le domaine de l'automobile, les constructeurs et fabricants ont les fournisseurs de pièces qui travaillent de manière intégrée et très étroite.
On peut aussi imaginer l'industrie de la construction en bois de cette manière, dans laquelle les fournisseurs vont développer des éléments de construction préfabriqués, des éléments de toits, de murs, de planchers, de nouveaux produits qui vont en tant que réseau pouvoir mettre en marché plus rapidement. Si on travaille en réseau d'affaires, on peut aussi dépasser les exigences, par exemple, de démonstration dans le nouveau code du bâtiment.
Si on a une seule entreprise qui désire faire la démonstration de l'atteinte des objectifs du code, c'est difficile. Mais si on a un réseau d'entreprises qui développe des solutions intégrées de construction, elles peuvent comme réseau faire cette démonstration pour le système et ensuite l'appliquer dans des contrats. C'est ce genre de développement dont on a besoin à court terme, autant pour augmenter les parts de marché dans les constructions en général du bois, mais aussi pour l'exportation dans un deuxième temps. Mais à court terme, je pense que des aides qui permettraient de mieux attaquer ces enjeux de collaboration entre entreprises, de création de réseau d'affaires dans les marchés domestiques pour la construction non résidentielle, assez ciblé à la construction non résidentielle, seraient des éléments de programme intéressant.
Le sénateur Rivard : Je vous remercie. Vous avez attiré notre attention tantôt sur des projets importants en bois, qui sont sur le point de se terminer, je pense au centre de soccer Chauveau, le fameux édifice sur la cité universitaire qui n'est pas terminé. J'aurais quasiment envie de suggérer qu'il serait peut-être temps que le comité, avant que les travaux soient terminés, aille faire une visite afin de constater les bienfaits de tout cela. Au risque de passer pour un chauvin à la fin de mes questions, je suis très fier de constater que l'Université Laval n'est pas seulement connue comme ayant la meilleure équipe canadienne de football universitaire, mais que ce sont des pionniers dans notre domaine.
M. Beauregard : Merci M. Rivard, nous sommes très fiers du Rouge et Or de Laval, bien sûr.
[Traduction]
Le sénateur Plett : J'aimerais d'abord vous remercier de votre excellent exposé. C'est incroyable à quel point nous apprenons des choses au cours de ces réunions. J'ai énormément appris ce matin.
Le sénateur Stewart Olsen a posé la plupart des questions que je voulais soulever. Mais j'aimerais entrer davantage dans les détails. Notre objectif n'est pas de débattre de ces points avec vous, mais plutôt de vous poser des questions, de vous écouter et de respecter vos réponses. J'ai oeuvré toute ma vie dans le domaine de la construction et je connais bien les structures de béton, de métal et de bois.
Je pense que les architectes et les ingénieurs du pays comprennent bien les codes du bâtiment. Ils ne les approuvent peut-être pas nécessairement et ils vont peut-être parfois trop loin. Je ne le sais pas. Quoi qu'il en soit, ils comprennent très bien ces codes.
Bon nombre des édifices avec lesquels j'ai travaillé — et vous avez notamment parlé des écoles — sont d'excellents édifices si l'on veut les construire en utilisant du bois. En revanche, je ne suis pas convaincu que ce soit le cas pour les gratte-ciel. Je pense que c'est une des raisons pour lesquelles des restrictions existent depuis si longtemps à cet égard.
J'aimerais que vous me convainquiez que construire un gratte-ciel en bois est aussi sécuritaire qu'en construire un en béton. Soyons clairs : moi non plus, je n'aime pas particulièrement les édifices en métal. Ils sont dangereux et peuvent s'effondrer lorsque la chaleur est trop élevée. En revanche, je ne suis pas convaincu qu'un édifice en bois soit meilleur qu'un édifice en béton. J'aimerais que vous m'en parliez davantage. Pouvez-vous s'il vous plaît me parler des différences de coûts entre les édifices en béton et ceux en bois?
M. Beauregard : Je n'essaierai pas de vous convaincre que les gratte-ciel devraient être construits à partir du bois. Je voulais tout simplement expliquer qu'il est possible de créer un édifice de taille moyenne, composé de neuf étages. Mais je ne dirais jamais qu'il faudrait créer des édifices de 80 étages en bois. Cela ne serait pas logique. Je ne pense pas qu'on devrait se fixer cet objectif.
Si l'on regarde la construction non résidentielle au Canada, la plupart de ces édifices sont de moins de huit ou neuf étages. Plus de 85 p. 100 des édifices non résidentiels sont composés de moins de neuf étages. Si vous songez à tous ces édifices non résidentiels, comme Tim Hortons, la plupart d'entre eux ne sont pas des gratte-ciel. La plupart de la construction non résidentielle pourrait facilement se faire à partir du bois, tout en respectant l'ancien code et en utilisant la souplesse permise dans le nouveau code.
C'est ce que j'avais l'intention de faire. Comme je le disais, il est possible d'aller au-delà des limites antérieures du code, notamment la limite de quatre étages. Nous construisons actuellement un immeuble de six étages au Québec, et on peut construire un édifice allant jusqu'à neuf étages, comme on l'a fait d'ailleurs à London, où on a érigé une tour en bois d'œuvre. Je ne dis pas que nous devrions viser la construction d'édifices de grande hauteur en bois. Ce n'est pas notre objectif. Cependant, nous pouvons peut-être dépasser les réalisations précédentes et ce qui était prévu dans l'ancien code. C'est possible.
Je ne connais pas les limites exactes pour les constructions en bois. C'est au constructeur que revient la décision.
Le bois est concurrentiel comparativement au béton et à l'acier, et ce, à divers égards. Sur le plan de l'environnement, le bois est un matériau renouvelable qui permet le stockage du carbone et qui peut être produit sans émissions de carbone. Ce sont les principaux aspects qui nous concernent. Sur le plan technique, on peut utiliser le bois pour la plupart des bâtiments non résidentiels. Cependant, je n'inclus pas les immeubles de grande hauteur de 10 étages ou plus. Il s'agit d'une catégorie distincte. Il faut les construire dans les règles de l'art avec d'autres matériaux.
Pour ce qui est des coûts, c'est largement une question de conception et de pratique. Cela dépend de ce que nous avons l'habitude de faire et de ce que nous sommes en mesure de faire. À force de répéter une recette, on l'exécute de mieux en mieux. En optimalisant les solutions, on améliore grandement l'efficacité sur le plan des coûts.
En effet, c'est en forgeant qu'on devient forgeron. Plus nous construirons d'immeubles en bois, plus nous pourrons le faire à moindre coût. Nous en avons déjà des exemples. Les premiers immeubles de bois non conventionnels étaient très coûteux : ils coûtaient au moins 15 p. 100 plus cher. Ensuite, on est passé à 10 puis à 5 p. 100. Aujourd'hui, certains immeubles d'assez grande taille, comme des terrains de soccer fermés, coûtent moins cher à construire en bois qu'avec tout autre matériau. L'arc est un élément de structure efficace pour la construction. C'est grâce aux cintrages de bois que l'on peut le plus efficacement construire des immeubles à aires ouvertes de longue portée.
Je pense, par exemple, à un producteur d'avions de Dorval qui devait reconstruire l'un de ses hangars. Il a choisi de le faire en bois. C'est l'acier qui était prévu, mais ce matériau était très coûteux et n'était pas disponible. C'était au moment où la demande de la Chine avait fait augmenter fortement le prix de l'acier. L'entreprise a fini par construire un hangar en bois. Elle a jugé le résultat plaisant et très original. C'était la solution la moins coûteuse et la plus efficace à l'époque.
Il faut au moins envisager de construire avec du bois. C'est tout ce que nous demandons. Nous demandons que les constructeurs, les ingénieurs et les architectes tiennent compte du bois comme possibilité et des solutions novatrices qu'il offre. Ils devraient également tenir compte des avantages du bois sur le plan de l'environnement, et ce, surtout dans l'intérêt du propriétaire de l'immeuble. S'il s'agit de la construction d'un bien collectif, le constructeur voudra peut-être tenir compte de l'empreinte écologique. À cet égard, le bois est imbattable, selon moi.
Le sénateur Plett : En Finlande, nous a-t-on dit, on a recours au bois que dans environ 25 p. 100 des constructions résidentielles. Or, ce pays est riche en forêts. Pourriez-vous nous expliquer cela, ou nous dire si c'est exact?
M. Beauregard : Je ne crois pas que ce soit exact. À ma connaissance, pratiquement 98 p. 100 des constructions résidentielles de la Finlande sont faites de bois. C'est en Finlande que la consommation de bois par habitant est la plus forte. Les Finlandais utilisent deux fois plus de bois par habitant que les Canadiens.
[Français]
Le sénateur Mockler : Monsieur Beauregard, je vous remercie de votre présentation, de partager votre expérience et votre professionnalisme. La forêt joue un rôle écologique, social et économique. Étant donné que je suis sénateur du Nouveau-Brunswick, j'aimerais vous poser une question. Vous avez touché à la régénération naturelle versus la plantation et la sylviculture intense. Pouvez-vous élaborer? Lorsque l'on regarde l'industrie forestière et la crise actuelle, quel système est le plus avantageux?
M. Beauregard : C'est une question très controversée et qu'on peut débattre infiniment. Mon opinion personnelle est qu'il est préférable d'imiter la nature, par devoir de précaution, autant que possible. Il faut comprendre le fonctionnement de la nature et dans notre intervention dans l'environnement naturel, essayer de reproduire les mécanismes naturels aussi fidèlement que possible.
Et je pense que les systèmes de régénération, à partir de la régénération préétablie dans les mélanges d'essence préétablie dans l'environnement naturel sont préférables à la plantation parce que la plantation, en général, est monospécifique. On utilise qu'une seule essence et on a tendance à « artificialiser » l'environnement. La plupart des écologistes pensent aujourd'hui de cette façon.
Par devoir de précaution, la manière dont on utilise la nature devrait d'abord tenter de comprendre comment fonctionne la nature et ensuite essayer d'imiter le fonctionnement de la nature. Ceci n'empêche pas d'augmenter les rendements et de produire plus que la nature. Il est possible qu'on ait besoin d'augmenter les rendements, même pour des raisons environnementales.
Dans la société sur la planète actuelle, on a la compréhension, suite au dernier rapport du IPCC, et la certitude évidente que l'on a un problème d'émission de gaz à effet de serre dû aux activités humaines et que l'on doit résoudre ce problème. Pour résoudre ce problème, on doit comprendre d'où viennent les sources humaines d'émission de gaz à effet de serre. Il faut remplacer ces processus industriels par des processus qui sont dans des cycles en équilibre avec la relation entre la terre et l'atmosphère.
Quand la forêt pousse, c'est un cycle en équilibre avec l'atmosphère; elle fixe le gaz carbonique dans le bois et si nous utilisons du bois pour le brûler ou pour l'utiliser, nous sommes dans un cycle en circuit fermé et en équilibre. C'est un mécanisme industriel carbone neutre.
Il est possible que l'on décide que l'on ait besoin d'en utiliser beaucoup plus que l'on en utilisait dans le passé, question de remplacer d'autres processus, notamment la fabrication de béton et d'acier qui eux ne sont pas carbone neutre. Dans l'évolution future de la société, on peut penser que la demande pour le bois va augmenter parce que c'est un processus carbone neutre et si les gouvernements de la planète prennent la décision dans l'avenir d'implanter et de chercher à atteindre une totalité de processus de carbone neutre, la pression sur la forêt va augmenter beaucoup. Dans ce contexte, cela va être difficile de maintenir une forêt écosystémique très respectueuse des processus naturels. On va chercher à augmenter la productivité de la forêt pour pouvoir prendre avantage de ce processus carbone neutre.
Mais on a toujours un devoir de précaution, surtout quand on travaille sur des milieux naturels qui occupent des superficies énormes. On a un impact sur l'équilibre écologique de la planète. Quand on travaille avec la forêt, on ne s'en rend pas compte, mais la forêt occupe des superficies — la forêt canadienne spécialement — énormes. Et on a un devoir de gardiens de l'intégrité de la qualité de cet environnement naturel. Il faut que dans nos modes d'aménagement on respecte autant que possible l'intégrité de ces écosystèmes parce qu'ils ont une contribution qui n'est pas seulement économique, ils ont une contribution à la régulation de l'eau, du climat et de la vie en général.
Enfin, tous les mécanismes d'évolution de la vie prennent leur origine dans la forêt, dans les milieux naturels. Il faut donc essayer d'en maintenir l'intégrité autant que possible. C'est un débat qui fait rage dans la société et parmi les scientifiques, mais l'opinion la plus répandue est que, par devoir de précaution, chaque fois qu'on a le choix, on doit choisir l'option de ce qui est le plus proche des mécanismes naturels de reproduction de la forêt.
Dans ce sens, la foresterie au Nouveau-Brunswick est beaucoup plus interventionniste, beaucoup plus agressive, plus artificielle et donc éloignée des processus naturels. Par ailleurs, elle est beaucoup plus productive, elle produit plus de bois de façon plus efficace.
Il y donc a un choix de société à faire. Et à mesure qu'on va avancer dans notre compréhension de tous les équilibres environnementaux, on aura des choix très importants à faire pour savoir ce que l'on attend de la forêt, quelle est la contribution de l'aspect naturel de la forêt versus dans d'autres contributions comme source de matériau carbone neutre et source d'énergie carbone neutre. Il y aura des arbitrages importants à faire dans le futur.
Pour moi il est important d'avoir plusieurs modes d'aménagement et de tenure parce que cela permet d'évaluer les avantages et inconvénients de chacun et de faire un débat éclairé. Je serais hésitant à trancher aujourd'hui et dire que ceci est mauvais et ceci est bon. Mais le principe de précaution demande que chaque fois que c'est possible, on doive se rapprocher le plus possible des mécanismes naturels.
Le sénateur Mockler : Le comité va se rendre sur place. On va certainement comparer la plantation, la sylviculture versus la régénération naturelle. Quels endroits devrait-on aller visiter au Québec? On pourrait prendre une photo du naturel versus une intervention de plantation et de sylviculture.
M. Beauregard : Au Nouveau-Brunswick, vous avez d'excellents exemples de plantations bien tenues, bien organisées et bien faites. Pour moi il s'agit d'un bon point de référence sur les systèmes de plantation bien conçus. Pour l'aménagement écosystémique au Québec, il y a des régions intéressantes à visiter, dont la forêt Montmorency que l'Université Laval aménage depuis 40 ans est un exemple intéressant que nous avons élargi à la réserve faunique des Laurentides depuis quelques années. Nous avons un programme expérimental d'aménagement écosystémique à l'échelle de la réserve des Laurentides qui est un grand territoire. Il y a aussi la forêt de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue qui est géré par Yves Bergeron, un professeur de l'UQAT. C'est un autre exemple intéressant et contrasté d'aménagement écosystémique. Ce serait deux endroits intéressants pour voir de quoi on parle lorsqu'on parle de minimiser les écarts avec la nature en produisant du bois.
Le sénateur Mockler : Je partage l'opinion de l'industrie et du côté universitaire, premièrement, avec la crise forestière actuelle, on n'aurait jamais réussi il y a 30 ans à réunir les partenaires à la même table soit : les gouvernements, l'industrie et les écologistes. Le grand débat qui se fait présentement, lorsqu'on regarde les interventions gouvernementales tant fédérales que provinciales et même les territoires, vraisemblablement, il faut qu'on demande à nos intervenants et à nos partenaires de prévoir le produit de demain. Quelle est la vision? Si vous êtes le premier ministre ou la personne qui va prendre la première décision, d'après vous, qu'est-ce que l'industrie devrait faire en tenant compte du fait que la forêt a un rôle social, économique et écologique à jouer? Je sais qu'on pourrait discuter pendant des heures, mais selon vous, avec votre expérience du côté académique, écologique et économique. Qu'est-ce que vous aimeriez voir pour la forêt de demain?
M. Beauregard : J'ai mentionné tantôt que les deux modèles vers lesquels on pourrait évoluer dans les deux extrêmes sont la Russie et l'Allemagne. Je préfère qu'on évolue vers le modèle de l'Allemagne. En Allemagne, les industries ont évolué vers des modèles à haute valeur ajoutée. Ils ont travaillé très fort à aménager la forêt. L'aménagement forestier en Allemagne est un mélange de plantations, mais beaucoup d'aménagements écosystémiques également.
Le débat écologique fait rage en Allemagne. Pour moi ce qui est intéressant, c'est que c'est un pays riche, développé, avancé, qui, même dans la situation de crise actuelle, s'en sort assez bien parce qu'ils ont décidé d'être à l'avant-garde des tendances générales de la société dans le monde. Ils ont été parmi les premiers à se donner des cibles ambitieuses de réduction d'émissions de gaz à effet de serre et le résultat, plutôt que d'entraîner une baisse de leur activité économique, cela a fait d'eux des innovateurs des technologies de demain qui vont permettre la réduction des gaz à effet de serre. Ils ont inventé les solutions qui permettent de réduire nos gaz à effet de serre et maintenant ils les exportent dans le monde. Donc, se donner des cibles et de hautes exigences environnementales n'a pas fait deux des pauvres et de diminuer leur croissance économique. Cela a eu comme résultat de faire d'eux des innovateurs, des gens qui pensent aux solutions dont la planète aura besoin demain. Notre industrie doit se positionner ainsi et faire une alliance avec les écologistes parce qu'ils ont en partage l'utilisation et l'intérêt pour la forêt qui est un milieu naturel et ils doivent voir comment la forêt peut contribuer à résoudre certains des problèmes que nous allons rencontrer dans le futur. Et parmi les problèmes, nous allons devoir de plus en plus, dans le futur, utiliser des ressources renouvelables, nous allons devoir réduire notre empreinte écologique, et de plus en plus, c'est une évidence que certains processus industriels devront changer. Plutôt que faire la guerre aux écologistes, si l'industrie voyait clairement cette vision dans laquelle on devra aller dans le futur et décidait de devenir le leader de cela, c'est ce que je ferais.
Si j'étais le premier ministre, j'aimerais accompagner tous les gestes des industriels dans le but de se positionner comme les leaders de demain. Pour moi, c'est de promouvoir la construction verte, la construction zéro carbone et aussi les solutions de production d'énergie qui sont carbone neutre parce que ce sera l'enjeu de demain.
D'après les Nations Unies, d'ici 10 ans, ce sera l'enjeu que tous les pays vont devoir attaquer. Et donc, l'industrie forestière est très bien positionnée pour cela. La ressource qu'elle utilise est renouvelable et elle est carbone neutre. Examinez l'ensemble des processus industriels et de production d'énergie. Les options ne sont pas infinies. La forêt est une des principales sources d'énergie. La forêt est l'un des secteurs stratégiquement le mieux placé pour assurer l'avenir de la société humaine en équilibre avec l'environnement.
Si j'étais un industriel, j'essaierais de comprendre les tendances qui agitent la société pour développer les solutions qui feront en sorte que la société de demain sera carbone neutre. Je développerais les solutions de construction, les solutions énergétiques à base de cette ressource renouvelable dans un cycle en équilibre avec la planète. Ce faisant, je ferais alliance avec les groupes environnementalistes plutôt que de leur faire la guerre. Pour moi, c'est une alliance stratégique évidente parce que les deux peuvent contribuer à un meilleur avenir pour la société. Le Canada pourrait donc créer beaucoup plus de richesse plutôt que d'avoir ces conflits idéologiques.
Ayons donc une vision commune porteuse d'avenir, projetons-nous dans le futur et posons les gestes qui vont nous amener à être des leaders dans ce monde futur, ce que les Allemands font à mon sens. Et cela, c'est ce que je veux dire lorsque je dis qu'il faut évoluer vers la situation allemande et non pas vers la situation russe. J'ai des amis russes, j'ai beaucoup de respect pour eux. Mais la société russe est aux prises avec des difficultés importantes. Elle prend des décisions de gestion du territoire et des entreprises, ils font ce qu'ils peuvent, ils ne contrôlent pas grand-chose, les infrastructures sont sous-développées, il y a beaucoup de difficulté, des gens s'enrichissent beaucoup, mais la grande majorité de la population est en grande difficulté économique.
Je ne veux pas qu'on évolue vers ce modèle, je préfère qu'on évolue vers un modèle de société avancée. Oui, les biens coûtent cher, mais c'est parce qu'on reconnaît la trace environnementale des choses que l'on fait. On choisit de positionner notre industrie et notre secteur forestier comme étant un leader des solutions environnementales et de la société carbone neutre du futur.
Pour moi cela est tout à fait possible et c'est ce que l'on doit viser.
[Traduction]
Le sénateur Stewart Olsen : Oui, mais comment trouver les travailleurs compétents? Tout cela est fort bien, mais nous devrons vraisemblablement former à nouveau une main-d'œuvre qualifiée en charpenterie puisque le savoir-faire traditionnel a fini par disparaître. Proposez-vous donc que nous augmentions nos investissements dans des programmes d'apprentissage ou quelque chose du genre? Est-ce que cela risque d'arriver, d'après vous?
M. Beauregard : Un économiste de l'Alberta, Martin Luckert, a déclaré récemment que cela était fonction du marché. Si le secteur est bien lancé et qu'on obtient de bons résultats qui nous mènent vers un avenir brillant, alors la main-d'œuvre suivra de façon presque automatique. Le système d'éducation formera la main-d'œuvre nécessaire. La tâche la plus urgente consiste à élaborer des modèles d'affaires et une perspective d'avenir du secteur forestier qui nous permettront d'envisager l'avenir avec optimisme.
Les autres problèmes pourront être résolus à mesure que nous avançons. Un problème de main-d'œuvre est certainement à prévoir. Je suis bien placé pour le savoir. Dans nos programmes de foresterie, il y a 15 ans, nous comptions 200 nouvelles inscriptions en septembre. Cette année, nous en avons eu 30. C'est loin d'être drôle. Cependant, nous n'obtiendrons pas de grands résultats avant que le secteur ne devienne un chef de file qui se prépare à un avenir prometteur. Il est évident pour moi que cet avenir est brillant. Cependant, il nous faut, aussi bien dans le secteur que de la part des pouvoirs publics, un leadership capable d'énoncer une perspective d'avenir et de nous y conduire dans la mesure où il deviendra évident que nous sommes sur une bonne lancée, tout coulera de source.
Le sénateur Stewart Olsen : Merci beaucoup.
Le vice-président : Au nom du comité, je tiens à remercier M. Beauregard de sa comparution d'aujourd'hui. La séance a été fort intéressante et instructive. Nous vous souhaitons de réussir dans vos apports à ce secteur important. Je suis convaincu que vous allez entendre parler de nous d'une manière ou d'une autre. Merci beaucoup encore une fois.
[Français]
M. Beauregard : Merci beaucoup de m'avoir écouté, c'est un grand plaisir d'avoir eu l'occasion de vous parler ce matin.
[Traduction]
Le vice-président : Chers collègues, nous nous réunirons maintenant à huis clos pour étudier l'ébauche de rapport.
(Le comité poursuit ses travaux à huis clos.)