Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 9 - Témoignages du 20 octobre 2009
OTTAWA, le mardi 20 octobre 2009
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 18 h 34 pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, j'aimerais profiter de l'occasion pour vous souhaiter la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
Je m'appelle Percy Mockler. Je viens du Nouveau-Brunswick et je préside ce comité. Avant que les autres sénateurs se présentent, je tiens à dire aux témoins que nous étions au Sénat et que nous avons eu à débattre une question et à la mettre aux voix. Une autre question a ensuite été soulevée, et c'est pour cette raison que nous sommes en retard. J'en assume l'entière responsabilité. Lorsque le Sénat siège, nous ne pouvons réunir les comités au même moment. Il nous faut obtenir la permission de le faire. Malheureusement, nous n'avons pas reçu cette permission aujourd'hui.
Je demanderais maintenant à la vice-présidente de se présenter, puis aux autres sénateurs de faire de même. Je présenterai ensuite les personnes venues témoigner ce soir.
Le sénateur Fairbairn : Merci de votre présence. Je suis le sénateur Joyce Fairbairn, de Lethbridge, en Alberta, une région située tout près des montagnes, où poussent d'innombrables arbres de toutes sortes. Je fais partie de ce comité depuis longtemps, et c'est un bon comité. Nous travaillons aussi fort que possible, particulièrement lorsqu'il s'agit de questions aussi importantes que celle-ci.
[Français]
Le sénateur Rivard : Je suis de la ville de Québec et je vous souhaite la bienvenue.
[Traduction]
Le sénateur Eaton : Je suis le sénateur Nicky Eaton, de l'Ontario.
Le sénateur Finley : Je suis le sénateur Doug Finley, aussi de l'Ontario.
Le sénateur Plett : Je m'appelle Don Plett, de Landmark, au Manitoba, au cœur de notre grand pays.
[Français]
Le président : Le comité continue son étude sur l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier.
Ce soir, nous accueillons Peter Moonen, leader de la Coalition de la construction durable du Conseil canadien du bois et Marianne Berube, directrice exécutive en Ontario du Conseil canadien du bois.
[Traduction]
Merci d'avoir accepté notre invitation à témoigner aujourd'hui. Je vous invite à faire votre exposé, puis nous passerons aux questions.
Marianne Berube, directrice exécutive, Ontario, Conseil canadien du bois / Branché sur le bois : Je suis désolée pour le document, nous avons eu un problème. Je l'ai envoyé, mais il ne s'est pas rendu, et cette copie n'est pas très lisible. Nous avons dû faire des photocopies à la dernière minute. Je ne vais pas le suivre à la lettre, mais je promets de vous faire parvenir une copie imprimée convenablement. On peut y voir de splendides projets et photos que je voulais vous montrer.
J'exposerai rapidement l'essentiel du programme Branché sur le bois et du travail du Conseil canadien du bois, et je vous dirai pourquoi l'utilisation du bois dans la construction non résidentielle est importante. Je montrerai comment nous faisons évoluer les mentalités au Canada. Je donnerai ensuite quelques exemples et parlerai de quelques études de cas.
Tout d'abord, le Conseil canadien du bois représente des associations de fabricants de produits du bois de l'ensemble du pays. Nous représentons des entreprises d'un bout à l'autre du Canada. Le Conseil, fondé il y a plus de 50 ans, facilite l'accès au marché et élabore des codes et des normes. Il y a environ 10 ans, l'industrie et le Conseil canadien du bois ont réalisé que le secteur forestier n'avait pas réussi à se promouvoir efficacement. Il faisait face à toutes sortes de menaces, dont les menaces environnementales. Les industries de l'acier et du béton avaient de leur côté mieux réussi à se faire valoir, particulièrement par rapport aux menaces environnementales. Mais pendant ce temps, on craignait de promouvoir l'utilisation du bois.
Aujourd'hui, beaucoup de choses ont changé. On le constate de plus en plus, notamment en raison de l'avènement des bâtiments écologiques et des modifications apportées aux codes du bâtiment. Au Canada, nous pouvons utiliser le bois pour construire des bâtiments d'au plus quatre étages. La Colombie-Britannique, elle, vient de modifier son code pour permettre la construction de bâtiments pouvant atteindre six étages. L'organisme chargé d'approuver les modifications au Code national du bâtiment se penche actuellement sur la question, et cela devrait se faire sous peu.
Le marché intérieur canadien offre de nombreuses occasions de faire la promotion du bois. Au Canada, le bois est utilisé dans seulement 10 à 15 p. 100 des projets, selon ce que prescrivent les codes. En d'autres termes, il y a là un débouché de 1,2 milliard de dollars pour l'industrie canadienne. Quant au marché des États-Unis, il pourrait atteindre 10 milliards de dollars si nous arrivions à en gagner une plus grande part.
Le modèle Branché sur le bois relève davantage d'un mouvement communautaire; ce n'est pas une campagne publique coûteuse s'appuyant sur des moyens de communication de masse. Nous cherchons surtout à informer les concepteurs professionnels d'aujourd'hui et de demain. Aucun programme d'enseignement collégial ou universitaire destiné aux architectes et aux ingénieurs n'offre de formation sur les produits du bois et les modifications apportées aux codes. Il est très important que nous les aidions et que nous les informions sur notre produit. Nous pourrons de cette façon avoir une influence sur eux.
Nous offrons aussi de l'assistance technique gratuite à la réalisation de projets par l'entremise de partenaires ayant une vaste expertise. Nous essayons d'informer le plus de gens possible des défis auxquels ils font face, parce que les gens pensent qu'ils ne peuvent pas utiliser le bois dans les bâtiments non résidentiels. M. Moonen parlera plus longuement des bâtiments écologiques. C'est probablement notre plus important débouché, car le bois est la seule ressource qui est renouvelable, et qui peut, en plus, participer à la capture du dioxyde de carbone et à l'atténuation des changements climatiques.
Bien que plus modéré que la Colombie-Britannique, l'Ontario a récemment acquis une renommée mondiale en ce qui concerne l'utilisation du bois dans les hôpitaux. Tout a commencé il y a plusieurs années par la construction de l'hôpital de Thunder Bay, un projet phare. C'était le plus grand projet institutionnel réalisé au Canada avec du bois. Ils ont travaillé avec les responsables locaux chargés de l'application du Code du bâtiment en Ontario, et cherché des équivalences dans le code. D'autres projets se sont ensuite inspirés de cette expérience. Depuis, le même architecte a travaillé au Credit Valley Hospital de Mississauga. Ces projets montrent que les grands établissements non résidentiels ne doivent pas nécessairement être entièrement faits de bois, mais que ce matériau peut être utilisé dans leurs espaces publics, comme les cafétérias. Dans le cas du Credit Valley Hospital, une nouvelle technique, la brumisation, a été utilisée pour remplacer les extincteurs automatiques traditionnels. Elle a été mise à l'essai par le Conseil national de recherches du Canada. Un autre hôpital est en chantier à North Bay.
Un des messages qui favorisent de plus en plus l'utilisation du bois est l'encouragement à l'« achat local ». Nous entendons des messages d'appui à l'agriculture tels que « à bonne terre, bons produits ». C'est important pour nos collectivités, aussi bien socialement qu'économiquement. La campagne Branché sur le bois vise à faire évoluer la culture. En Europe, ils utilisent beaucoup de bois et ils sont fiers de leurs produits du bois. Pourquoi ne faisons-nous pas la même chose au Canada? Là-bas, le bois est utilisé dans 20 à 25 p. 100 des bâtiments non résidentiels, alors qu'il ne l'est que dans 10 à 15 p. 100 au Canada. Nous avons pourtant beaucoup de forêts, et nous sommes des chefs de file en matière de gestion de la forêt.
Nous cherchons à obtenir l'appui du gouvernement et des politiques efficaces. Ailleurs dans le monde, comme en Californie et en France, toute construction financée par des fonds publics doit être faite de bois à 20 p. 100. Ils le font d'abord pour gagner des points pour le stockage du dioxyde de carbone, puisque leur économie ne dépend pas de l'exploitation du bois. La Colombie-Britannique envisage d'adopter une politique privilégiant l'utilisation du bois, ce qui pourrait être fait partout au pays.
Nous avons commencé à appliquer le modèle Branché sur le bois pour informer les gens en travaillant avec les associations ontariennes et de nombreuses municipalités au pays, comme celles de la Colombie-Britannique, ainsi qu'avec la Fédération canadienne des municipalités. Nous avons reçu un appui très fort et très vaste, parce que les collectivités savent que c'est important. Même le Sud de l'Ontario, que j'aurais cru très difficile à convaincre, l'a adopté. J'expose dans mon document quelques projets exceptionnels en cours dans le Sud de l'Ontario.
Nous collaborons avec des associations professionnelles, comme l'Association des officiers en bâtiments de l'Ontario et l'Ordre des architectes de l'Ontario, et donnons de nombreux ateliers pour que les spécialistes remplissent les exigences d'agrément. Grâce à un salon, Solution en bois, que nous avons tenu il y a un mois, un millier de spécialistes ont pu obtenir des outils, des ressources et de l'information. Nous travaillons aussi avec les collèges et les universités en vue de modifier les curriculums pour y intégrer davantage de contenu sur le bois à l'intention des futurs spécialistes.
Nous avons réalisé de nombreuses études de cas sur plusieurs projets, comme la bibliothèque publique de Timmins et les établissements de soins de longue durée fabriqués avec du bois. Il devient de plus en plus populaire, particulièrement auprès de la population vieillissante, car le bois fait moins « institution » et est plus chaleureux. Le bois s'avère aussi plus rentable. Selon notre analyse du cas de la bibliothèque de Timmins, le bois serait 15 p. 100 moins cher. Pour que ces économies se réalisent, cependant, il est important que le projet soit bien conçu et que de l'assistance technique soit fournie dès le départ. La Colombie-Britannique a de nombreux projets en cours, comme l'Anneau olympique de Richmond, qui montreront au monde, à l'occasion des Jeux olympiques de 2010, ce que nous sommes capables de faire avec nos produits du bois.
Il est regrettable que je ne puisse pas montrer au comité les autres projets illustrés dans ce document. Beaucoup de choses se passent au Canada, nous faisons évoluer les mentalités et nous aidons les gens à utiliser le bois dans un nombre grandissant d'applications non résidentielles. Je veillerai à ce que vous obteniez des copies convenablement imprimées.
Peter Moonen, leader, Coalition de la construction durable, Conseil canadien du bois : Mme Berube a parlé de certains bâtiments en bois. Je vais remonter dans le temps de quelques millions d'années et considérer le bois lui-même. Si j'inventais un produit qui fonctionne à l'énergie solaire, qui aspire le dioxyde de carbone et qui emmagasine de l'énergie dans un merveilleux matériau de construction, je m'enrichirais rapidement. Nous en avons pourtant des millions au Canada, que nous appelons des « arbres ». Le bois est un des meilleurs matériaux de construction du monde : c'est un puits de carbone, il est renouvelable, réutilisable, recyclable, biodégradable et biologique. Il purifie l'air et le sol et produit de l'oxygène. Il est léger, résistant, performant, omniprésent et bon marché. Une occasion unique s'offre donc à nous, mais lorsque la majorité des gens, au Canada et ailleurs, pensent aux arbres, ils imaginent plutôt un homme armé d'une scie à chaîne s'apprêtant à les abattre. L'importance accordée actuellement au dioxyde de carbone et aux changements climatiques est pour nous l'occasion de changer cette perception et de revenir à nos racines. Nous pouvons faire valoir que nos forêts non seulement profitent aux Canadiens, mais peuvent avoir une incidence sur la planète entière en atténuant les changements climatiques, puisqu'elles sont des puits de carbone. Les forêts canadiennes peuvent nous fournir un matériau qui stocke le dioxyde de carbone et qui atténue les effets de l'utilisation d'autres matériaux.
Lorsqu'ils font le choix des matériaux à utiliser, de nombreux architectes et ingénieurs ont de la difficulté, entre autres, à déterminer quels matériaux permettront de respecter le budget et lesquels devront être utilisés pour la charpente. La conception de bâtiments écologiques ajoute un nouveau degré de complexité à ce processus de décision. Toutefois, cette complexité se dissipe souvent d'elle-même lorsque les gens connaissent certains avantages du bois et des autres matériaux pour l'environnement. Il est donc essentiel d'avoir un processus objectif, fondé sur des données scientifiques, qui puisse aider les concepteurs à créer des bâtiments réellement écologiques, pas seulement en apparence.
Mon grand-père habitait une hutte de terre près de Drumheller, en Alberta. Elle était faite de matériaux locaux biodégradables, biologiques et réutilisables — toutes des choses qui réchauffent le cœur —, mais son rendement était faible, et les bâtiments écologiques doivent avoir un bon rendement. De nos jours, les décisions sont beaucoup plus compliquées à prendre. Il ne s'agit plus seulement de connaître le budget et ce qui devrait fonctionner; il y a d'autres dimensions à prendre en considération. L'analyse du cycle de vie ou ACV est de plus en plus acceptée et accessible aux concepteurs, et elle est précise.
Pour ceux qui ne connaissent pas l'ACV, précisons qu'elle sert à mieux comprendre l'ensemble des effets environnementaux d'une décision, du moment où nous la prenons jusqu'à celui où le matériau choisi aura perdu toute utilité. Dans le cas du bois, ça englobe la camionnette pour aller voir les arbres, le matériel d'exploitation forestière pour la récolte, l'équipement de fabrication, le transport jusqu'au chantier et le rendement du bâtiment construit avec ce matériau. L'Athena Institute, dont le siège est situé au Canada, est reconnu dans le monde entier pour l'efficacité de son outil d'analyse du cycle de vie.
Quelques-unes de mes diapositives comparent l'analyse du cycle de vie de bâtiments faits de bois, d'acier et de béton. La première diapositive expose quatre éléments : l'indice des gaz à effet de serre, l'utilisation de l'énergie, l'indice de pollution atmosphérique et les déchets solides. La barre supérieure représente l'indice du bois et montre l'énergie nécessaire pour créer le bois, le gaz à effet de serre généré par la production et l'utilisation du bois, l'indice de pollution atmosphérique et les déchets solides, qui sont tous moins élevés que pour l'acier ou le béton dans un même bâtiment. Ce bâtiment a été conçu avec les trois matériaux et a ensuite été analysé.
À la page suivante, intitulée Analyse du cycle de vie, on voit que le bois est un bon choix. Cette barre montre plusieurs méthodes de construction différentes — bois, acier, panneaux isolants, coffrages pour béton —, et, encore une fois, la référence est le bois, dont la valeur est 100. Tous les autres matériaux, lorsqu'on utilise la méthode d'analyse du cycle de vie, ont des effets plus prononcés, que ce soit en matière d'énergie, de changements climatiques ou de pollution.
La page suivante explique cela en des termes que mon enfant de neuf ans comprend. La quantité de bois qu'il y a dans notre maison équivaut à la quantité de CO2 rejetée par notre voiture pendant cinq ans. Il a donc fallu environ 29 tonnes de CO2 pour créer ce bois, par photosynthèse.
Les débouchés ne se limitent pas aux seuls produits en bois massif. Ceci est un produit appelé bois lamellé croisé. Je ne sais pas si un témoin d'un autre secteur de l'industrie vous a montré ce produit. Ce matériau a une résistance exceptionnelle.
Si vous passez à la diapositive suivante, vous pourrez voir un bâtiment de hauteur moyenne conçu par Waugh Thistleton. Ce bâtiment a été construit avec ce matériau; il n'y a pas d'acier ni de béton, sauf dans les fondations, dans cet immeuble résidentiel de neuf étages érigé dans l'Est de Londres. Il est incroyablement résistant et léger. Il serait admirablement stable en cas de tremblement de terre, parce que sa densité est beaucoup moindre que celle de l'acier ou du béton et parce que son rapport résistance-poids est supérieur au leur.
Il s'agit du plus haut bâtiment en bois du monde. Sa construction s'est achevée en octobre dernier, il y a environ un an. On appelle ce produit bois lamellé croisé. Au fond, c'est comme du contreplaqué, mais dans lequel le bois est orienté à 90 degrés. On est en train de le développer au Canada.
On l'utilise en Europe depuis des années, mais plusieurs entreprises travaillent ensemble à l'élaboration de procédés de fabrication, aussi bien brevetés que libres. Nous pourrons ainsi ériger des bâtiments à haut rendement qui auront favorisé le stockage d'une grande quantité de dioxyde de carbone.
La prochaine diapositive est une de mes préférées. Londres est au nombre des villes qui, un peu partout dans le monde, ont légiféré en matière d'empreinte de carbone. Pour tout nouveau bâtiment érigé à Londres, en Angleterre, il faut être en mesure de démontrer que l'empreinte de carbone a été réduite de 10 p. 100. Ce bâtiment, parce qu'il est fait de cloisons en bois massif, a répondu à cette exigence pour 210 ans. Son empreinte de carbone est nulle pour 21 ans.
L'image que vous regardez illustre la quantité totale de déchets produite par l'érection de cet immeuble sur place. Tous les panneaux ont été fabriqués à l'avance et livrés au chantier. Les déchets produits pendant leur fabrication ont servi à chauffer le bâtiment où ils ont été fabriqués.
En plus, ce système est très efficace. Le bâtiment a été construit en 27 jours. L'érection d'un immeuble de neuf étages en 27 jours est pratiquement sans précédent; c'est là l'avantage d'utiliser un produit d'ingénierie à la fois léger et résistant comme le bois lamellé croisé.
La prochaine s'intitule Empreinte de carbone 2010. Nous avons entrepris d'évaluer l'empreinte de carbone des bâtiments olympiques en fonction des matériaux de construction utilisés, et de ceux qui auraient pu être utilisés. Les plans de plusieurs de ces bâtiments ayant été réalisés en fonction de l'utilisation d'acier, de béton ou de bois, nous savions très bien ce que ces matériaux auraient pu être.
S'il est intéressant de souligner que 8,5 millions de kilogrammes de CO2, soit 8 500 tonnes, ont été stockés, c'est-à- dire retirés de l'atmosphère par la photosynthèse des arbres, il faut aussi mentionner qu'on a prévenu le rejet de deux fois plus de CO2 en évitant d'utiliser des matériaux comme l'acier et le béton. C'est un revirement important. S'il est possible d'utiliser un matériau comme le bois au lieu d'un autre matériau, il est aussi possible d'avoir une influence non négligeable sur le climat.
J'ai des suggestions à faire. Au cours d'une réunion de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture tenue la semaine dernière, des questions concernant le dioxyde de carbone et la construction écologique avec le bois ont été soulevées. Les participants vont informer la 15e Conférence des Parties de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques qu'ils estiment que les analyses du carbone et du cycle de vie sont essentielles à la réduction des effets de nos plans et de nos bâtiments et à l'atténuation des changements climatiques.
Il est peut-être difficile pour un gouvernement de dire qu'il faut bâtir avec du bois, mais il ne devrait pas être difficile pour lui d'adopter une politique visant la réduction de l'empreinte de carbone.
La plupart du temps, dans le cas des petits immeubles, ça signifie qu'on devra utiliser du bois. Ce ne sera parfois pas le cas, mais dans l'ensemble, réduire l'empreinte de carbone de notre cadre bâti est une bonne chose. On ne parle pas nécessairement d'une politique privilégiant le bois, mais je crois que son adoption par un gouvernement serait aisée et qu'elle serait aussi défendable, un aspect essentiel.
Il faut aussi que les concepteurs et les responsables de l'approvisionnement, qu'ils travaillent pour un organisme gouvernemental, un arrondissement scolaire ou un conseil d'hôpital, comprennent mieux comment l'ACV peut servir à concevoir de meilleurs bâtiments.
Comme je le disais plus tôt, beaucoup de gens, quand ils pensent aux arbres, imaginent un homme armé d'une scie à chaîne s'apprêtant à les abattre. Nous devons faire évoluer les mentalités en leur faisant comprendre que la forêt continue à absorber le CO2 et à fabriquer un produit fonctionnant à l'énergie solaire qui peut servir à atténuer les changements climatiques, et aussi que la forêt est une ressource extraordinaire.
Pour ce qui est de la gestion forestière, enfin, il est très important que le Conseil canadien des ministres des forêts continue de souscrire à sa politique d'ouverture en utilisant des outils de gestion durable de la forêt dignes de confiance.
La dernière image que je veux vous montrer est celle d'un temple bâti au Japon en l'an 700 après Jésus-Christ. Il est entièrement fait de bois. Il fait environ 15 mètres de plus que la hauteur autorisée par le nouveau règlement de la Colombie-Britannique pour un bâtiment de six étages. Il a 1 300 ans, ne contient aucun métal et a été conçu par des gens qui savaient utiliser le bois. Il est couvert et protégé; ils n'ont pas monté ce bâtiment pour qu'il s'effondre, et il ne s'est pas effondré en 1 300 ans.
C'est avec plaisir que je tenterai de répondre à vos questions. Un architecte m'a dit un jour « si tu construis un bâtiment pour qu'il soit aimé, tu construis un bâtiment qui va durer ». Si nous sommes capables de faire ça, nous obtiendrons des bâtiments qui dureront longtemps.
Le sénateur Mercer : Je m'excuse du retard. Nos fonctions parlementaires nuisent parfois au travail du comité.
Votre exposé était très intéressant. Je suis impatient d'en entendre plus au sujet de ce bois lamellé croisé que vous avez montré et fait circuler. J'ai trois petites questions : Quel est son coût de fabrication? Quelles essences de bois peuvent être utilisées? Est-ce que quelqu'un produit actuellement ce type de bois d'œuvre au Canada?
M. Moonen : Un appel de déclarations d'intérêt a été publié pour enjoindre aux concepteurs d'intégrer ce produit à de nouvelles structures. Plusieurs entreprises de la Colombie-Britannique et, je crois, de l'Ontario et du Québec, tentent l'expérience à l'heure actuelle.
Il y a la question de l'achat de l'équipement. Le produit n'est pas trop compliqué, mais comme bien des choses, il n'est peut-être pas difficile de le fabriquer, mais il est plus difficile de bien le fabriquer. Lorsqu'il est question de sécurité des bâtiments, il faut que ce soit bien fait. Nous avons toutefois beaucoup d'expertise. Une petite presse devant servir de modèle a été utilisée pour construire un petit bâtiment sur l'île de Vancouver.
Le sénateur Mercer : Petit comment?
M. Moonen : À peu près grand comme un garage pour deux voitures. J'en ai une photo, que je pourrais vous envoyer pour vous le montrer.
Un architecte de Vancouver a par ailleurs conçu une petite habitation abordable.
Pour ce qui est des essences, presque tous les bois résineux qui poussent au Canada peuvent être employés. Les essais portent notamment sur du bois d'échantillon, le colombage classique produit par l'industrie de manière très efficace, et sur des panneaux de un pouce d'épaisseur. Celui que vous avez vu était fait de panneaux de un pouce d'épaisseur, c'est- à-dire de 19 millimètres, mais nous faisons des essais avec les deux.
Quant au coût, je ne peux pas vraiment le dire parce que personne ne le produit actuellement. Je sais qu'en Europe, il est concurrentiel avec les structures de béton et d'acier érigées par relevage. Les Européens sont enthousiasmés par le bois, mais, comme tout le monde, ils pensent aussi au coût.
Le sénateur Mercer : Si je décidais demain de construire quelque chose en bois lamellé croisé, il faudrait que je l'importe d'Europe, c'est bien ça? Est-ce qu'on utilise le bois lamellé croisé aux États-Unis?
M. Moonen : Je ne suis pas certain. Une entreprise du Montana commence à le faire, mais il s'agit de bois américain.
Le sénateur Mercer : Nous nous entendons tous pour dire que nous ne devrions pas recourir au bois américain, mais j'essaie de voir où est rendue la technologie.
Qui, dans le monde, utilise le mieux le bois et qui sait en tirer les meilleurs avantages du point de vue de l'écologie?
M. Moonen : Je reviens tout juste d'Europe, où j'ai assisté à une conférence. Quatre des principaux conférenciers venaient d'Amérique du Nord. L'un était de Vancouver, un autre, de Seattle. Quelques-unes des meilleures techniques sont mises au point actuellement par des Canadiens. L'outil d'analyse du cycle de vie, par exemple, est canadien.
Chaque région a ses forces, mais l'Allemagne a énormément progressé grâce à un système nommé Passivhaus, qui requiert énormément de bois. Les maisons construites avec cette technologie peuvent, au final, produire de l'énergie et l'envoyer au réseau. Je dirais que l'Allemagne a une longueur d'avance.
Un concours de conception écologique s'est tenu au National Mall de Washington D.C., et les maisons inscrites devaient être alimentées à l'énergie solaire. L'équipe gagnante était allemande, et une équipe rassemblant des étudiants d'universités de l'Ontario et de la Colombie-Britannique a obtenu la quatrième place. Leur maison, nommée North House, était faite de bois d'œuvre canadien. Nous ne sommes pas loin derrière l'Allemagne et nous disposons, dans le domaine du bois, de concepteurs de calibre mondial.
Mme Berube : J'ai jeté un coup d'œil à quelques maquettes et à quelques projets d'immeubles-tours. Il y en a en France et en Suède. Certains de ces architectes et ingénieurs travaillent à des projets canadiens. Quelques sites olympiques ont été conçus en collaboration avec certains de ces architectes.
Beaucoup de grandes entreprises se penchent sur la mise au point d'un bois d'œuvre lamellé croisé. Mais il faut en même temps modifier les dispositions des codes sur les bâtiments de taille moyenne. On peut soit modifier les codes, comme l'a fait la Colombie-Britannique, soit accorder les autorisations au cas par cas, comme cela se fait au Québec.
Ce produit est utilisé dans plusieurs projets en chantier aussi bien au Québec qu'en Colombie-Britannique. Les codes évoluent avec les produits.
Le sénateur Eaton : J'ai apprécié votre exposé; il y en a eu d'autres très intéressants au cours des six derniers mois. Cependant, je commence à m'impatienter, car j'aimerais savoir ce que vous attendez du gouvernement. Pourquoi n'avons-nous pas de politique privilégiant le bois? Il y a tellement de bois dans ce pays. Pourquoi n'attirez-vous pas l'attention des médias sur cette question? Regardez ce que font en ce moment les réseaux de télévision et de câblodistribution. Pourquoi ne pas lancer une campagne publicitaire pour dire à tout le monde de construire en bois, de concevoir en bois, et que le bois est écologique? À Toronto, nous en sommes rendus à essayer de rendre les garages écologiques alors que nous pourrions construire en bois, ce qui serait bien plus efficace.
Mme Berube : C'est en partie parce que Branché sur le bois est une campagne communautaire, parce que nous n'avons pas les fonds nécessaires. C'est probablement ce qu'il y a de plus important pour prendre de l'ampleur. Il faut beaucoup d'argent pour réaliser une campagne publique d'information.
Le sénateur Eaton : Avez-vous demandé des fonds à une administration quelconque?
Mme Berube : Environ 80 p. 100 des fonds destinés à nos programmes proviennent de l'administration. Le moment est propice. Je sais que les administrations fédérale et provinciales voient qu'un besoin existe. Je le répète, les occasions dans le domaine du bâtiment écologique se sont réellement multipliées depuis un an, un an et demi. Je suis d'accord avec vous. Rien ne nous ferait plus plaisir.
Le sénateur Eaton : Serait-il utile de légiférer pour que, disons, tous les immeubles du gouvernement comportent 15 p. 100 ou 20 p. 100 de bois; est-ce que ce serait utile?
M. Moonen : La Colombie-Britannique faisait face à plusieurs problèmes, dont le dendroctone du pin. Je crois que ce sont les avantages pour le bilan du carbone qui ont fait pencher la balance. Le premier ministre Campbell participe à la Western Climate Initiative et travaille à l'élaboration d'une taxe sur le carbone. C'est ce qui a fait pencher la balance.
Branché sur le bois existe depuis plus de 10 ans. Toutefois, parce qu'il s'agit d'un mouvement communautaire, il nous faut renforcer nos capacités. Si une politique privilégiant le bois était imposée avant que les architectes, les ingénieurs, les concepteurs et les clients comprennent que le bois est un matériau exceptionnel, la mesure législative pourrait être un coup d'épée dans l'eau, non parce qu'elle ne serait pas bonne, mais parce qu'elle serait arrivée trop tôt.
Je crois qu'exiger une analyse de l'empreinte de carbone, au lieu de désigner un produit en particulier, aurait une incidence sur un plus grand nombre de bâtiments. Ça ferait aussi réfléchir les gens : « Comment puis-je réduire mon empreinte de carbone? » On ne donnerait pas ainsi l'impression d'accorder un traitement préférentiel au bois.
Vous n'entendrez pas d'objection de ma part lorsqu'une politique privilégiant le bois verra le jour, parce que j'en connais les avantages.
Le sénateur Eaton : Quand on vit à Toronto, on est conscient de la catastrophe causée par la gestion des déchets. Nous avons recours à des éoliennes et nous tentons de réduire notre empreinte de carbone. Nous faisons tout cela alors que nous devrions envisager d'autres façons de réduire notre consommation d'énergie. Ce pays dispose d'une énorme quantité de bois, et, pourtant, il semble que nous évitions de nous en servir. Nos politiciens semblent tourner autour de la question sans jamais s'y attaquer réellement.
Ce comité a entendu parler de réalisations exceptionnelles — de projets en chantier à Québec, des installations olympiques, d'un temple — et les a même vues en photo. Nous avons vu et entendu beaucoup de choses, mais personne parmi nos représentants élus ne semble dire : « Privilégions le bois, nous en avons beaucoup. »
M. Moonen : Nous consacrons beaucoup de temps aux municipalités de l'Ontario et de la Colombie-Britannique. La vie, le travail et les loisirs de leurs habitants se passent dans des collectivités forestières et celles-ci forment la base communautaire que nous ciblons. Des douzaines de municipalités de la Colombie-Britannique et de l'Ontario ont annoncé qu'elles utiliseraient le bois pour la construction de leurs bâtiments. Il y a un mouvement de fond, particulièrement au sein des collectivités forestières, qui en connaissent l'importance pour leur collectivité et pour l'environnement. S'il prend de l'ampleur, nous serons prêts à intervenir.
Le sénateur Eaton : Sans aucun doute, mais je n'entends pas ce son de cloche au centre-ville de Toronto.
Mme Berube : Je voudrais parler du centre-ville de Toronto, parce que je m'occupe de l'Ontario. L'impulsion est donnée en Colombie-Britannique, où le premier ministre tente de faire adopter une politique privilégiant le bois. Nous avons beaucoup plus de pain sur la planche en Ontario.
Cela dit, nous faisons des exposés et nous informons le gouvernement provincial. Nous tentons aussi de faire avancer les choses au fédéral. Voici un exemple parfait, concernant un grand immeuble gouvernemental fédéral à Ottawa. Nous nous efforçons d'y faire entrer du bois, mais vous ne pouvez vous imaginer les détours qu'il faut faire, passer par Travaux publics, puis les services immobiliers, et cetera. Il faudrait modifier toute la politique d'approvisionnement avant que nous puissions nous pencher sur le cas d'un seul bâtiment.
Le sénateur Eaton : Je crois que c'est ce que le sénateur Mockler essaie de faire avec le rapport; il tente de dégager des mesures tangibles qui permettraient de mieux comprendre l'utilité du bois au pays.
Mme Berube : C'est la même chose en Ontario. En ce moment, on fait surtout de la sensibilisation et de l'information parce que tout ne changera pas en un jour. La modification des codes de l'Ontario ne se fera pas aussi rapidement que celle des codes de la Colombie-Britannique. Les gens doivent d'abord le comprendre et l'adopter. Il faut faire évoluer les mentalités. Ils doivent reconnaître les avantages d'utiliser le bois.
En Ontario, les industries de l'acier et du béton présentent aussi un défi. Si vous regardez les grands bâtiments, vous verrez que ceux faits d'acier sont nombreux. À Hamilton et à Sault Ste. Marie, on fabrique de petits goujons d'acier pour le marché de l'automobile. Les grosses tiges proviennent des États-Unis et de l'Asie.
Le sénateur Plett : Merci pour cet exposé. Par pur hasard, lorsque je suis retourné à ma chambre hier soir et que j'ai allumé le téléviseur pour écouter les nouvelles, la CBC diffusait un reportage sur un événement qui a eu lieu dans la réserve de Sandy Bay, une réserve indienne du Manitoba. Un enfant est mort dans l'incendie d'une maison. J'ai déjà travaillé dans le Nord du Manitoba et de la Saskatchewan, et dans bien des réserves indiennes, où ce genre de tragédie se produit souvent.
Une entreprise nommée RJ Ecosafe construit des maisons en panneaux métalliques isolants imbriqués. Elle se vante de leurs propriétés écologiques.
Quelle étude avez-vous effectuée sur le bois et l'acier pour comparer leurs caractéristiques écologiques? Cette étude tenait-elle compte des procédés qui rendent le bois moins inflammable? Tenait-elle compte du traitement du bois contre les insectes, les ravageurs, les termites, et cetera, pour le rendre sûr, et tenait-elle compte des effets de ce traitement sur ses caractéristiques écologiques?
M. Moonen : Pour ce qui est du matériau, le bois, en construction résidentielle, est excellent du point de vue de l'environnement et du coût. Quant à la protection contre les incendies, les murs à ossature de bois bien faits et recouverts de panneaux de plâtre ont la même résistance au feu que les murs d'acier ou de béton.
La plupart du temps, dans un incendie, le danger provient des choses qui brûlent dans la maison et non de sa structure. Je ne connais pas Ecosafe et je ne sais pas s'ils soumettent leur produit à un traitement particulier, mais je sais que selon le Code national du bâtiment du Canada, il faut que la structure puisse tenir pendant un certain temps pour permettre l'évacuation des occupants. La plupart du temps, c'est le contenu qui cause des pertes de vie.
Pour ce qui est des insectes, des bactéries, de la pourriture, et cetera, le bois, comme tout matériau, va se dégrader s'il n'est pas conçu ni intégré correctement. On sait que c'est vrai pour l'acier et le béton sans barres d'armature adéquates lorsqu'ils sont exposés au sel. On sait aussi que c'est vrai pour le bois à découvert. Une des choses que Branché sur le bois fait est d'expliquer comment utiliser le bois adéquatement et comment concevoir des plans qui le mettront à l'abri de l'eau. Les insectes et les bactéries ne peuvent attaquer le bois qu'en présence d'oxygène, lorsque le bois est humide et qu'il est à une certaine température. Certaines conditions doivent être réunies. Si on offre ces conditions aux insectes, aux bactéries ou aux termites, évidemment, le bois va se dégrader.
Il existe des traitements pour le bois qui entre en contact avec le sol, notamment à l'ACQ et au borate. Mais, je le répète, l'utilisateur final doit d'abord savoir comment se servir correctement du bois.
Le savoir est la clé. Vous avez demandé ce que nous attendons du gouvernement. Avant de penser à adopter une politique privilégiant le bois, nous devrions peut-être instaurer une formation obligatoire pour les étudiants en architecture, en génie et en design qui fréquentent un établissement d'enseignement postsecondaire. Ainsi, ceux qui étudient dans ces domaines en viendraient à connaître toute la gamme des produits disponibles au pays.
Mme Berube : Il y a deux ou trois ans, le Conseil canadien du bois a mené une enquête auprès des universités et des collèges du pays. On y offrait une cinquantaine de cours sur l'acier et le béton, et 17 sur le bois. Ces chiffres montrent encore une fois que nous avons pris du retard. C'est la clé de voûte du progrès. Les ingénieurs et les architectes doivent avoir confiance en ces matériaux et être convaincus qu'ils sont résistants et sûrs, et qu'il s'agit des meilleurs matériaux pour cette utilisation. Voilà l'aide que nous essayons d'offrir, et, je le répète, l'information dans les collèges et les universités est un élément essentiel.
Pour revenir à la construction écologique, M. Moonen parlait tout à l'heure de l'analyse du cycle de vie. De l'exploitation forestière à l'utilisation du bâtiment, la fabrication et le recyclage à chaque étape du processus nécessiteraient moins d'énergie, du berceau à la tombe. Cette étude montre que c'est exactement ce que fait l'analyse de l'Athena Institute.
Le sénateur Plett : Comme je l'ai dit aux personnes présentes à la dernière réunion, notre rôle n'est pas de discuter avec les témoins, mais je souhaite vous faire part de certaines inquiétudes.
D'abord, lorsqu'une maison est rasée par un incendie, l'important n'est pas de savoir si la personne qui est morte l'est à cause du sofa ou à cause du mur. La maison a été rasée et une personne est morte.
Le bois brûle plus vite que le métal, mais j'entends souvent dire que le bois est aussi sécuritaire que le métal en cas d'incendie. Je ne peux pas le croire, sauf si le bois a été traité. Je sais qu'on installe des cloisons sèches et des plaques de plâtre, et qu'on obtient ainsi une résistance au feu de trois quarts d'heure ou d'une heure et demie. J'ai passé ma vie dans le domaine de la construction, alors je connais les cotes de résistance au feu visant les murs entre les pièces, qu'ils soient en métal ou en bois.
Au Canada, nous avons de la pluie et de la chaleur, et vous nous dites que vous prenez soin de ne pas construire de bâtiments dans ces conditions météo. Je ne suis pas certain que c'est ce que vous vouliez dire, mais si on traite le bois, devient-il moins écologique?
M. Moonen : Dans le cas du bois traité pour utilisation à l'extérieur, les conséquences sur l'environnement sont effectivement plus importantes. Dès qu'on fait subir un traitement à un matériau, il faut de l'énergie, mais s'il s'agit d'un matériau de base, l'incidence sera moins grande. C'est la même chose pour l'acier et l'aluminium.
Quant au feu, effectivement, le bois brûle. C'est une impression que nous avons. Nous faisons brûler du bois dans la cheminée. Nous le voyons pourrir dans la forêt. Beaucoup de recherches ont été menées dans ce domaine. Comment concevoir et construire des immeubles en bois qui résistent au feu?
On a tenté de mettre le feu à ce matériau, mais sans succès, parce que le feu ne pouvait s'attaquer qu'à une seule surface; il ne pouvait pas la contourner. Ce matériau brûlerait dans une cheminée, mais vous auriez beaucoup de difficulté à faire prendre en feu un mur de bois massif. J'ai parlé à un homme qui a soumis un morceau de ce matériau à la flamme d'un chalumeau. C'était un panneau de cinq sur cinq. Il a tenu le chalumeau pendant une heure, mais le feu n'arrivait pas à prendre.
On peut le faire. Un colombage peut brûler, mais l'acier aussi perd de la force sous l'effet de la chaleur. La mort d'une personne dans un incendie est une tragédie. Parfois, le matériau est à blâmer, parfois, c'est quelque chose dans la structure qui aurait pu être évité. Je ne connais pas les circonstances exactes.
Mme Berube : J'ai ici des photos de constructions dont la charpente est en bois massif que j'utilise pour mes présentations. Je serais heureuse de vous les montrer. Qu'arrive-t-il au bois lorsqu'il est soumis à un feu intense? Il carbonise, il durcit puis il brûle moins vite, mais il demeure intact et debout. Je peux vous montrer un immeuble en acier qui, après 10 minutes de chaleur intense, a fondu et s'est écroulé. Les codes sont efficaces en matière de sécurité incendie, et prévoient un délai pour protéger les occupants des immeubles.
Le sénateur Plett : Ma dernière question vise les architectes et les ingénieurs. D'autres témoins nous ont dit la même chose, soit qu'il faut informer les architectes et les ingénieurs. Le sénateur Eaton a demandé quelles pressions politiques avaient été exercées pour obtenir l'aide du gouvernement. J'espère que des ingénieurs et des architectes vont témoigner devant ce comité, mais pourquoi vos organisations n'informent-elles pas davantage les architectes et les ingénieurs? La plupart de ceux avec qui j'ai travaillé au fil des ans essaient d'en avoir le plus possible pour leur argent et de bâtir des immeubles sécuritaires et à haut rendement énergétique, que ce soient des hôpitaux, des maisons, des immeubles d'habitation ou d'autres constructions.
Mme Berube : Nous offrons beaucoup d'ateliers. Depuis 10 ans, nous avons donné 110 000 heures de formation continue au Canada. Nous n'avons que 15 à 20 personnes au Canada pour les donner; le temps et les ressources dont nous disposons sont limités. Cependant, les circonstances sont favorables et la demande croît en raison de l'architecture écologique. C'est une occasion incroyable pour nous. Les gens sont intéressés et connaissent l'importance d'utiliser des matériaux locaux et d'économiser l'énergie. Ils sont intéressés et ils en veulent. Tout ce que nous offrons affiche complet.
M. Moonen : Nous collaborons avec de nombreux établissements d'enseignement et programmes aux étudiants pour inciter les élèves à participer à certaines de nos activités. C'est un long parcours, pénible parfois, mais la patience peut faire des miracles. C'est pour ça que nous utilisons le bois pour montrer l'exemple dans les bâtiments olympiques, que nous avons une politique privilégiant le bois et que notre premier ministre est un fervent du bois. Il a besoin d'une raison, et l'industrie n'a peut-être pas donné la meilleure raison aux architectes et aux ingénieurs.
Le programme de formation continue que nous offrons est un des plus importants, toutes professions confondues. Il est bien accueilli. Les architectes veulent faire ce qu'il faut. Ils veulent travailler avec du bois. Cependant, s'ils ne savent pas comment l'utiliser sans compromettre la sécurité de leurs clients, alors je ne construirais pas avec du bois moi non plus. Nous devons faire valoir comment ces produits peuvent répondre aux besoins d'un architecte en fonction de la demande de son client, qu'il s'agisse d'un immeuble résistant au feu ou d'un immeuble peu coûteux.
Mme Berube : Notre modèle est bon, et il suscite de plus en plus d'intérêt. Nous savons qu'il fonctionne. Nous n'avons qu'à le faire connaître davantage. Il est important d'établir des liens entre l'enseignement, l'assistance technique et les études de cas qui montrent des immeubles construits au Canada. Nous avons de nombreux types d'immeubles non résidentiels à montrer aux gens. Cela dit, les gens veulent des preuves. Nous devons continuer à accélérer l'allure et redoubler d'efforts.
M. Moonen : Le programme Branché sur le bois visait d'abord à inspirer les architectes et les ingénieurs; il fallait ensuite les former. Nous devons les informer des nouveaux développements et leur donner l'occasion de se perfectionner de manière continue. Nous devons ensuite souligner le succès d'un architecte, d'un ingénieur ou d'une municipalité qui réussit à intégrer à un bâtiment un design ou une technologie de pointe, parce que ce sera une source d'inspiration. Nous sommes un petit groupe, mais ce que nous faisons, nous le faisons parce que nous sommes des passionnés du bois.
M. Moonen : Ces photos montrent des produits canadiens faits de bouleau de la Colombie-Britannique. C'est un produit entièrement fait de bois, à l'exception des agrafes. C'est du cellophane, qui n'est pas un plastique. C'est un produit du bois, fait de papier et de bouleau.
Le sénateur Mercer : Je pense qu'Air Canada et WestJet devraient utiliser ce produit dans leurs avions au lieu de leurs minables fourchettes en plastique fabriquées ailleurs. Nous pourrions utiliser le bon bouleau de la Colombie- Britannique ou de la Nouvelle-Écosse, ce qui serait encore mieux.
Mme Berube : M. Moonen parlait de souligner les accomplissements des champions du bois. Nous avons un programme et un gala annuel de remise de prix. C'est notre neuvième année en Ontario. Il remporte tant de succès qu'il a été adopté aux États-Unis. L'Ordre des architectes de l'Ontario travaille fort pour gagner les prix. L'intérêt s'accroît, et les bâtiments sont remarquables. On peut voir du bois en se promenant dans les rues de Toronto, dans des endroits comme le Four Seasons Centre, le Musée des beaux-arts de l'Ontario, les quais en forme de vagues et les hôpitaux. Ces constructions témoignent de l'utilisation que nous faisons du bois.
Le sénateur Finley : Merci beaucoup pour vos exposés. J'ai été intrigué, en discutant avec vos confrères d'autres secteurs de l'industrie, par l'utilisation de la cellulose nanocristalline provenant de la biomasse du bois, en particulier dans les industries aérospatiale et automobile et dans les revêtements.
Comme certains le savent déjà, j'ai travaillé dans l'industrie aéronautique. Je n'étais pas né quand les frères Wright ont fait voler les premiers avions. Peut-être que certains parmi vous l'étaient; je suis certain que le sénateur Mockler l'était. On a mis une soixantaine d'années pour aboutir au Concorde.
Par contre, j'étais là quand on a commencé à fabriquer des aubes mobiles et des aubes de turbine en titane, puis en matériaux composites à base de fibres de carbone. La technologie existait, mais il a fallu beaucoup de temps avant que le nombre d'applications justifie son utilisation.
Jusqu'où ira le bois lamellé croisé selon vous? Si la construction d'une usine de pressage — j'ai cru comprendre que c'est ainsi qu'on assemble ce bois — coûte cher en temps et en argent, avons-nous déjà perdu la course? Que reste-t-il à faire avant de pouvoir commercialiser ce produit à grande échelle au Canada?
M. Moonen : J'ai donné une présentation à un architecte de Vancouver, Peter Busby, aussi président du Conseil du bâtiment durable du Canada. Après avoir vu la photo de cet immeuble de neuf étages, il m'a demandé si j'allais parler du bâtiment de Waugh. J'ai lui ai répondu que oui. Je lui ai montré cette photo. Il m'a pris le bras et m'a dit : « Peter, vous direz à quiconque songe à fabriquer ce produit que je veux lui parler parce que c'est ce que nous voulons utiliser, et c'est la direction que nous allons prendre en matière de conception écologique. »
Dans la présentation qu'il a faite l'été dernier à la conférence du Conseil du bâtiment durable du Canada, il a montré 10 projets, dont 7 étaient des constructions en bois. Il a dit : « Nous sommes conscients des avantages pour le bilan du carbone, des avantages du stockage, des avantages de la faible consommation d'énergie et de l'effet de substitution. De plus, c'est le seul matériau de construction renouvelable fabriqué par le soleil. » Ce sont ses propres paroles.
Ce produit est en plein essor. Je dis ça pour deux raisons. Premièrement, il est rare que des entreprises concurrentes s'unissent pour développer un produit avec lequel elles se feront ensuite concurrence. Deuxièmement, il a capté l'intérêt des architectes et des ingénieurs à cause de leurs inquiétudes au sujet de la capacité structurale du bois, qu'ils estimaient limitée. Montrer cet immeuble de neuf étages ou une construction de sept étages faite de ce matériau soumise à un test de tremblement de terre change habituellement les perceptions. Je serais étonné qu'aucune entreprise ne fabrique ce produit d'ici un an.
Le sénateur Finley : Au Canada?
M. Moonen : Oui, au Canada. Une de mes connaissances a construit le premier immeuble sur l'île de Vancouver il y a trois semaines. Il a construit une presse de fortune et s'est dit : « Tant pis. Je vais le fabriquer. » Et il l'a fait. C'est un entrepreneur qui n'écoute pas les gens qui disent que le prix sera trop élevé ou trop ceci ou trop cela. Il a dit : « C'est la direction que allons prendre. »
Ça suscite de l'enthousiasme et de l'engouement parce qu'il a été éprouvé en Europe. Nous devons trouver comment utiliser ce que nous faisons ici. Je serais tenté de dire « si on les bâtit, ils viendront ».
Le sénateur Finley : J'ai une question d'ordre technique. Je suppose qu'une résine, une colle ou un adhésif quelconque est utilisé dans ce produit. Est-ce que la sécurité de ce matériau a été éprouvée? Dans quelle mesure est-il inflammable? Est-ce un accélérant, comme certaines colles? Cet aspect a-t-il été évalué pendant le processus d'élaboration?
M. Moonen : De nombreuses colles ont été cotées dans divers pays. Mentionnons les colles polyuréthannes. On a fait quelques essais avec différentes colles et différentes épaisseurs de bois, un pouce et deux pouces, et différentes essences de bois, surtout le bois attaqué par le dendroctone du pin, et d'autres produits d'EPS ainsi que la pruche de l'Ouest, un bois dur très présent en Colombie-Britannique. On essaie différentes choses pour déterminer lequel est le meilleur du point de vue de la structure et de la sécurité incendie. La résine phénolique, utilisée depuis une soixantaine d'années, a subi de nombreux tests. On utilise très peu de résine. Personne ne pourra dire « oh! non! nous avons oublié de faire ce test-là ».
Le sénateur Finley : J'aimerais vraiment que ça fonctionne d'un océan à l'autre, mais le marketing sera la plus grosse tâche. Nous semblons être confrontés à un problème de marketing complexe. Comme l'a mentionné le sénateur Eaton, cette technologie ne semble pas encore avoir gagné la faveur des architectes et des ingénieurs. Que suggérez-vous que nous fassions pour accélérer les choses?
Une certaine culture au sein de l'industrie de la construction fait en sorte qu'on n'est pas nécessairement porté à privilégier le bois. Les inquiétudes sur la sécurité des bâtiments à étages entièrement faits de bois persistent. Des conflagrations se sont produites. Je crois qu'un immeuble en bois de neuf étages a été rasé en neuf minutes.
Je ne critique pas la technologie, mais je pense que les idées préconçues seront difficiles à vaincre. Les gens sont intimement convaincus que le bois est plus dangereux. Si je ne m'abuse, dans la plupart des conflagrations survenues, les immeubles étaient en construction, donc pas encore terminés. Je crois savoir qu'au Royaume-Uni, on a dû retenir les services d'un commissaire aux incendies à temps plein sur le chantier d'un immeuble. On s'inquiète surtout pour les immeubles avoisinants pendant la construction.
Comment le gouvernement peut-il aider à faire tomber ces idées préconçues? Y a-t-il des victoires, des tests, des lieux ou des villages modèles? Y a-t-il quelque chose que nous puissions faire pour prendre cette ressource très abondante au Canada et l'utiliser pour vous aider à surmonter ces problèmes de marketing et de culture au sein de l'industrie, s'ils existent effectivement?
Mme Berube : Notre industrie n'a pas bien fait sa propre promotion. En Finlande et en Suède, on m'a dit que nous tournions le dos à la forêt et que nous ne voyions pas les débouchés.
La division Forintek de FPInnovations est une installation de recherche de haut niveau et de réputation mondiale qui fait beaucoup d'essais de résistance au feu. Le Conseil national de recherches du Canada fait aussi des essais de ce genre. Nous devons diffuser cette information dans le marché. Nous sommes entièrement d'accord avec vous, et c'est le but de notre programme et de nos modèles. Nous devons accélérer le processus et faire connaître cette information.
Le sénateur Finley : Est-ce une question d'argent?
M. Moonen : C'est une question d'argent et de messager. Quelqu'un qui dit « achetez mon produit parce qu'il est bon pour vous » est perçu comme ayant un intérêt direct à le faire, puisqu'il en tirera des revenus. C'est une des choses que je trouve géniales à propos des caractéristiques environnementales du bois, parce que ça ne touche pas seulement l'industrie du bois. Des groupes de défense de l'environnement disent que nous devons utiliser plus de bois, et qu'il doit provenir de forêts bien gérées.
Les Canadiens ne soulignent pas leurs succès avec autant de ferveur que certains de leurs voisins. Nous devons le faire. Des petites et grandes entreprises de chez nous font un travail exceptionnel, soit d'information, soit d'élaboration de nouveaux produits. Pourquoi ne le faisons-nous pas savoir? Pourquoi sommes-nous timides? Nous avons tant de raisons d'être fiers. Si vous cherchez des architectes dynamiques qui croient au bois pour venir témoigner devant le comité, Mme Berube et moi pouvons vous fournir une liste de six personnes qui connaissent ce domaine et qui construisent de cette façon. Ils savent comment s'y prendre. Nous devons souligner ces succès.
De nombreux projets sont en cours, comme l'aéroport de Prince George et les bâtiments olympiques. Dans le monde entier, ces bâtiments sont cités en exemple pour leur conception exceptionnelle et l'utilisation de produits d'une efficacité exceptionnelle. Le bois est un matériau très efficace, mais nous ne prêchons pas pour notre paroisse.
Mme Berube : C'est la même chose en Ontario. Beaucoup de gens trouvent que Toronto a pris beaucoup de retard. Je ferai des présentations à Detroit et à Chicago la semaine prochaine dans le cadre d'une tournée sur les bâtiments écologiques pour parler des hôpitaux ontariens.
Le sénateur Eaton : Allez-vous leur montrer la magnifique salle en bois du Musée des beaux-arts de l'Ontario?
Mme Berube : Oui.
Le sénateur Finley : Y a-t-il d'autres problèmes de construction avec le bois à cette échelle? Par exemple, je me souviens avoir lu quelque chose sur la présence de moisissure à l'Anneau olympique de Richmond. Corrigez-moi si je me trompe. Peut-être la moisissure n'avait-elle rien à voir avec le bois? Je me souviens aussi d'avoir lu quelque chose sur l'infiltration de l'humidité dans le bois et le temps que prend ce processus. Pouvez-vous nous en dire plus là-dessus?
M. Moonen : Concernant votre dernier point, l'anneau de patinage de vitesse, l'humidité s'est infiltrée et de la moisissure a commencé à se former. Le problème touchait la membrane, qui a été remplacée, et non le matériau en soi. En fait, le bois « pardonne » très facilement. On peut le mouiller, mais pourvu qu'il sèche, il ne pourrit pas et ne change pas. Il possède de nombreuses propriétés exceptionnelles. Nous devons comprendre les conditions nécessaires à l'utilisation efficace du bois et de tout autre matériau. Cette situation a été corrigée et le problème est réglé.
Le sénateur Finley : Est-ce que ça se serait produit si ça n'avait pas été du bois?
M. Moonen : Si on avait utilisé de l'acier non traité au lieu du bois, de la rouille aurait pu se former. L'eau est l'ennemi du bois, de l'acier et du béton.
Mme Berube : Si un matériau de construction est mal utilisé ou si un bâtiment n'est pas bien construit, il y aura des problèmes. On entend toujours parler des histoires d'horreur, d'un toit qui s'effondre, par exemple.
Le sénateur Finley : Je n'ai jamais rien lu sur ce qui va bien, seulement sur ce qui va mal. J'essaie simplement de comprendre la technologie.
M. Moonen : Le bois n'est pas un matériau uniforme comme l'acier ou le béton. Un simple nœud dans le bois peut être une faiblesse structurale. Cependant, comme le bois d'ingénierie est lamellé, la faiblesse est répartie sur l'ensemble du morceau. Une des forces du bois d'ingénierie est qu'il est uniforme et plus prévisible. De plus, les bâtiments en bois ont souffert du manque d'expertise des ingénieurs et des architectes dans la mise au point de systèmes d'application. Avec les bâtiments en acier, par exemple, on peut prendre la portée, la hauteur, la charge et concevoir le tout. C'est comme un jeu de Meccano. Le bois ne se prête pas bien à ça, car ce n'est pas un matériau uniforme. C'est un des problèmes.
En Europe, ce problème est compensé par l'utilisation de machines de coupe numériques commandées par ordinateur. Vous avez peut-être déjà vu ce qu'on appelle des rivets or des chevilles dont le trou est foré précisément là où il y a une plaque de métal pour que ne voie pas la plaque. Ils sont maintenant offerts au Canada. Les fabricants de lamellé-collé ont mis un peu de temps à apprendre à s'en servir, mais ils en sont maintenant capables. La technologie est en cause, mais la capacité des architectes et des ingénieurs à concevoir de manière efficace et à déterminer au fur et à mesure les limites des matériaux l'est aussi.
Le sénateur Finley : On dirait la réponse du Canada à IKEA.
Mme Berube : En Finlande, en 2000, le gouvernement et l'industrie se sont réunis. Nous sommes plus éparpillés au Canada. J'ai parlé de la recherche, de la commercialisation, de l'assistance technique, du soutien du gouvernement, de la participation de l'industrie... La Finlande a réussi à rassembler tout ça dans un seul programme, et la consommation de bois a doublé en cinq ans.
Le sénateur Finley : C'est une question que j'ai posée à des collègues il y a quelques semaines. Qui est la personne à qui s'adresser en matière d'arbres? Existe-t-il un plan global qui chapeaute tout ça? Il ne semble y avoir personne, pas même au sein des ministères des Ressources naturelles, de l'Industrie, de l'Agriculture, et cetera.
Mme Berube : Le Canada est si vaste, je crois que les choses progressent plutôt à l'échelle régionale, province par province. Pensez à la Colombie-Britannique et à l'évolution de la politique privilégiant le bois ou au Québec. Beaucoup de bonnes choses se passent et ils sont en train de concevoir le programme.
M. Moonen : Nous devrions compiler tous ces succès et les faire connaître; ils le font ici, peut-on le faire là-bas?
Mme Berube : Le gouvernement de l'Ontario pense qu'il faut réussir à harmoniser tout ça.
Le sénateur Fairbairn : Vous avez certainement une vision très positive des nombreux événements qui ont secoué l'industrie forestière et tout ce qui l'entoure.
Je vais vous raconter une courte histoire et j'aimerais ensuite vous poser une question. Il y a quelques années, notre groupe a fait une tournée du Canada dans le cadre d'une étude sur la pauvreté en milieu rural. À un certain moment, au début de notre voyage, nous avons parcouru le nord des provinces. Nous étions à Prince George, en Colombie- Britannique, et nous avons été frappés par la couleur du bois qui jonchait le sol, une belle teinte de rose. Le dendroctone du pin ponderosa était passé par là et avait tout ravagé. C'était troublant seulement que d'y penser.
Toujours à Prince George, nous avons reçu un message provenant des habitants d'une petite ville nous demandant de venir les visiter, car ils avaient quelque chose à nous montrer. Nous nous y sommes rendus et avons rencontré des jeunes qui fabriquaient des meubles en bois. Ils avaient décidé de courir le risque et d'utiliser le bois ravagé par le dendroctone du pin. Ils fabriquaient de magnifiques meubles et avaient de nombreux clients. La couleur du bois avait suscité un certain engouement. Ils recevaient du soutien de Vancouver et ça semblait positif. Nous n'étions pas de retour à Ottawa depuis bien longtemps quand nous avons appris qu'ils avaient dû fermer leurs portes, peut-être à cause de la controverse entourant le dendroctone du pin ponderosa.
Vous nous avez transportés partout au pays, en Colombie-Britannique et dans des régions de l'Alberta, du Québec et de l'Ontario. Quelle est la situation des petites communautés nordiques qui dépendent de l'industrie forestière?
Je ne parle pas du dendroctone du pin ponderosa, mais de l'industrie même et de l'occasion d'utiliser ce qui a toujours été reconnu comme de l'excellent bois. Est-ce que ça se passe bien en ce moment, ou est-ce que ça ralentit?
M. Moonen : Il y a environ 10 ans, je me suis installé dans la petite communauté où a été tournée Sur la côte du Pacifique. Certains se souviendront peut-être de cette série. De nombreux habitants vivent du bois. Il s'agit d'un petit village. Ma communauté ne compte que 2 500 habitants disséminés dans plusieurs secteurs. Les travailleurs du bois avaient de la difficulté à vendre leurs produits; nous avons donc formé une coopérative provinciale pour toute la Colombie-Britannique. Elle s'occupe des petits producteurs, que ce soit des petites scieries qui créent des produits de bois pour des créneaux ciblés ou des artisans. Un grand nombre fabriquent des stylos comme celui-ci, qui sont en quelque sorte un produit à valeur ajoutée.
L'absence d'un secteur primaire vigoureux est une difficulté à laquelle font face certaines communautés. Ces travailleurs n'ont pas l'équipement nécessaire pour abattre des arbres. Beaucoup de commerces — qu'ils fabriquent des revêtements de sol, des poutres, des meubles ou des ouvrages de menuiserie intérieure — connaissent des difficultés parce que personne ne peut gagner sa vie à couper des arbres pour faire du petit bois d'œuvre. Ils n'arrivent pas à obtenir le bois de qualité supérieure dont ils ont besoin, ni le bois répondant à des exigences précises.
Toujours en parlant des petites communautés, j'étais à Fort Nelson en janvier dernier, alors qu'il faisait 55 degrés sous zéro, et j'ai constaté qu'ils ont les mêmes problèmes. De grosses entreprises souffrent de la crise économique, et de petits producteurs dépendent d'une infrastructure qui existe principalement pour le secteur primaire. Ils en dépendent pour le transport, mais aussi pour les déchets de bois et pour le bois brut.
Tout est relié. J'utilise ceci comme un exemple, que je ferai également circuler. Le secteur de la valeur ajoutée est placé au sommet, mais il dépend d'une base formée de la production massive de biens de faible valeur et de la production réduite de biens de grande valeur. Je vais faire circuler ce document. Ceci illustre la consommation quotidienne moyenne de bois par personne dans le monde.
Tout est vraiment relié. Le secteur de la valeur ajoutée, le secteur secondaire et les constructeurs de maisons en bois rond dépendent tous d'une infrastructure qui est elle-même très dépendante du secteur primaire.
Mme Berube : Si on examine l'exemple de la Finlande et de la Suède, en Europe, on remarque que plusieurs entreprises du secteur primaire se lancent dans le secteur secondaire et dans la fabrication de produits à valeur ajoutée, ce qui crée de nouveaux partenariats, tournés vers les petites entreprises. Il doit y avoir une certaine harmonisation; tout est encore trop fragmenté. C'est le nœud du problème.
Le sénateur Fairbairn : Mais on en est toujours là, à attendre une reprise.
Mme Berube : Parlez-vous de l'industrie en général?
Le sénateur Fairbairn : Oui.
Mme Berube : Nous savons tous que 85 p. 100 de notre bois est exporté chez nos voisins du Sud. C'est ça le problème, au Canada. C'est en partie pourquoi nous avons lancé cette campagne d'information au Canada. Nous n'utilisons pas suffisamment le bois au pays. Nous devons essayer de diversifier notre marché. Nous sommes trop dépendants des États-Unis. Pourquoi n'utilisons-nous pas davantage le bois au Canada?
M. Moonen : Il faut être prudent, ne pas croire que tous les produits peuvent devenir des produits de grande valeur. Nous ne demandons pas à ceux qui cultivent le blé de devenir de grands boulangers-pâtissiers, même si certains utilisent une petite portion de leur farine.
La principale ressource du Canada est le bois et il nous incombe de faire tout ce que nous pouvons pour produire des articles que les marchés achèteront. De plus, en toute honnêteté, nous devons être les premiers et les meilleurs utilisateurs de cette ressource, car si nous ne pouvons montrer aux autres pays comment nous utilisons le bois, nous perdrons toute crédibilité. Ce serait comme dire : » Achetez notre produit. Nous ne l'utilisons pas, mais nous croyons que vous devriez le faire. » C'est pourquoi il est important que nous soyons les premiers et les meilleurs utilisateurs de ce matériau.
Le président : Certaines parties intéressées vous diront qu'il pourrait y avoir des pertes d'emploi, par exemple chez les producteurs d'acier et de béton par rapport à l'industrie du bois. Dans ce que vous nous avez soumis, y a-t-il une analyse qui indique si le nombre d'emplois resterait le même, ou augmenterait, si nous utilisions plus de bois, en raison de l'incidence sur les industries du béton et de l'acier?
Mme Berube : Des petits électroménagers, des voitures et des poutrelles d'acier sont fabriqués au Canada. Cependant, les grosses poutres d'acier proviennent des États-Unis et de l'Asie. Je vous le redemande, pourquoi n'utilisons-nous pas nos propres ressources?
Je ne parle pas de tout construire en bois. De nombreux bâtiments hybrides sont construits de divers matériaux. Même si ne faisions qu'augmenter la proportion de bois, cela représenterait une excellente occasion. Une augmentation de 5 p. 100 permettrait d'atteindre le taux des pays européens et offrirait une occasion incroyable. Je l'ai déjà dit. Ça représenterait environ 1,2 milliard de dollars au Canada.
Le président : Je vous remercie pour cette information. Au nom du comité, je vous remercie de votre présence. La réunion a été très instructive, informative et édifiante. À titre informatif, des membres d'associations réunissant des ingénieurs et des architectes viendront témoigner la semaine prochaine ou un peu plus tard. Si vous désirez nous faire part de questions à leur poser ou si vous souhaitez que nous leur transmettions de l'information en plus de ce que vous nous avez soumis, n'hésitez pas à communiquer avec nous, monsieur Moonen et madame Berube.
(La séance est levée.)