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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 10 - Témoignages du 27 octobre 2009


OTTAWA, le mardi 27 octobre 2009

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 17 h 6, afin d'étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Puisque nous avons le quorum, je déclare la séance ouverte. Le comité poursuit son étude sur l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada. Aujourd'hui, nous nous intéressons à l'utilisation du bois dans la construction non résidentielle.

J'aimerais vous présenter le témoin de la Société canadienne de génie civil, Mohamed Al-Hussein, professeur agrégé, Département de génie civil et environnemental, Université de l'Alberta. Nous avons également Jon Hobbs, directeur exécutif de l'Institut royal d'architecture du Canada.

Bienvenue à tous les deux et merci d'avoir accepté notre invitation à venir témoigner. Je vous invite à présenter votre exposé avant de répondre aux questions qui vous seront posées par les sénateurs.

Jon Hobbs, directeur exécutif, Institut royal d'architecture du Canada : Monsieur le président et honorables sénateurs, je suis architecte et j'occupe le poste de directeur exécutif de l'Institut royal d'architecture du Canada depuis 2001. L'Institut royal d'architecture du Canada est une association qui regroupe les architectes du Canada. Nous avons plus de 4 000 membres et notre association a plus de 100 ans, puisqu'elle a été créée en 1907. Vous avez sans doute bien fait de nous inviter, puisque nous sommes, entre autres choses, la voix des architectes et de l'architecture au Canada.

Parmi nos initiatives de promotion, nous offrons des possibilités de perfectionnement professionnel aux architectes, un soutien technique et toute une gamme de prix et distinctions, y compris les médailles du gouverneur général en architecture. J'ai laissé à votre greffière quelques brochures au sujet des médailles du gouverneur général en architecture.

Il serait intéressant de noter qu'en 2004, quatre ou cinq prix ont été remis, surtout dans le domaine du bois. En 2006, il y en a eu deux et en 2008, un seul. Je ne sais pas quelle conclusion on peut en tirer, mais c'est une évolution intéressante à noter.

Il y a à peu près trois sujets qui touchent la profession d'architecte et l'industrie forestière. Le premier est celui du bois d'œuvre et de la conception durable. Quand je parle de « bois d'œuvre », j'inclus également le gros bois d'œuvre. Les autres sujets sont la R-D, la publication d'informations sur les produits les plus récents issus de la foresterie et le bois de haute technologie, et enfin, les changements apportés aux codes de la construction précisant quels sont les bâtiments qui peuvent être construits en bois.

Il est important pour vous de comprendre le rôle que jouent actuellement les architectes dans la conception des immeubles. La plupart des immeubles destinés à l'occupation humaine nécessitent l'intervention d'un architecte; c'est le cas des bâtiments plus grands que les immeubles visés par la partie IX, section du code qui se rapporte aux petits bâtiments. Les bâtiments relevant de la partie III ou les bâtiments plus grands nécessitent les services d'un architecte s'ils sont destinés à l'occupation humaine. Les bâtiments industriels sont généralement conçus uniquement par des ingénieurs. Les architectes fournissent généralement les dessins techniques et les plans détaillés au cours des différentes phases du projet de construction et choisissent généralement les matériaux et le type d'ossature qui est ensuite mis en place par les ingénieurs.

Il y a trois types principaux de structure : les ossatures en acier, en béton et en gros bois d'œuvre. Par ailleurs, on peut rencontrer des combinaisons des trois matériaux, ou une maçonnerie porteuse constituée à partir d'une combinaison des matériaux que je viens de citer. Le bois est un matériau important que choisissent les architectes, mais il entre en concurrence avec le béton et l'acier.

Je viens d'apprendre que l'on met l'accent sur les bâtiments commerciaux ou non résidentiels. Au Canada, la plupart des bâtiments résidentiels sont des ouvrages à charpente légère qui ont une ossature composée de madriers de 2x4, 2x6 et 2x8. Contrairement à ce qui se passe en Scandinavie, le revêtement extérieur des bâtiments est rarement en bois. L'extérieur est généralement en stuc, en vinyle ou en brique. Généralement, les Scandinaves ne révèlent pas la nature des matériaux structuraux. Voilà une pratique dont nous pourrions nous inspirer.

Je vais commencer par le bois d'œuvre et la conception durable. Il y a plusieurs années, l'Institut royal d'architecture du Canada fut un des fondateurs du Conseil du bâtiment durable du Canada. Le CBDC évalue ou confirme le caractère durable d'un bâtiment. Il attribue des points ou des crédits pour le choix de produits verts tels que le bois d'œuvre recyclé ou provenant de l'exploitation forestière durable. Il y a beaucoup de confusion sur le marché au sujet de ces divers systèmes d'évaluation ou d'homologation du bois d'œuvre durable. On ne constate rien de tel dans le cas de l'acier ou du béton. Les normes de l'Association canadienne de normalisation, ou l'ASTM, sont claires pour les architectes ou les concepteurs, alors qu'elles ne le sont pas dans l'industrie du bois d'œuvre. Bien qu'il existe déjà des organismes comme le Forestry Stewardship Council et la Forestry Sustainable Initiative Trade Association, le gouvernement pourrait prendre l'initiative d'éclaircir les choses dans ce secteur. Sans vouloir privilégier un système, les architectes souhaiteraient l'imposition d'une norme commune, stricte et clairement définie en matière de gestion forestière durable.

Je vais maintenant vous parler de R-D et des innovations en matière de produits forestiers. Je suppose que vous avez entendu parler du Conseil canadien du bois qui publie chaque année des prix de design et présente des utilisations novatrices du bois et des concepts nouveaux. Il publie régulièrement une revue intitulée Wood Design qui est diffusée essentiellement dans l'industrie, auprès des architectes et ingénieurs. Je ne pense pas que cette revue soit bien distribuée dans le public.

On est au courant de nombreuses nouvelles technologies, applications et innovations à partir du bois. En dépit de son économie beaucoup plus petite, la Finlande fait preuve d'innovations absolument fascinantes dans l'utilisation du bois d'œuvre. D'une certaine façon, nous devrions appuyer beaucoup plus ce type d'initiative au Canada. Cela ne veut pas dire que le Canada n'a pas d'excellentes réalisations à son actif. Par exemple, l'anneau olympique de Richmond a reçu un prix d'excellence. La structure du toit est faite de poutres recyclées à partir d'arbres tués par le dendroctone du pin. Les constructeurs ont utilisé une ressource disponible.

En Ontario, l'hôpital de Thunder Bay et de l'hôpital Trillium était le premier bâtiment à faire un usage aussi important du bois dans une structure de cette taille. Dans la documentation que j'ai remise à la greffière du comité, je fais état de tous les obstacles que les architectes ont dû surmonter pour pouvoir utiliser le bois. On ne leur a pas rendu la tâche facile.

Enfin, je vais vous parler des codes du bâtiment. Vous savez peut-être que la Colombie-Britannique a modifié son code du bâtiment il y a quelques mois afin d'autoriser la construction en bois d'immeubles de plus de quatre étages. Je ne connais pas les changements qu'ils ont apportés au code du bâtiment et il n'y a pas beaucoup d'informations à ce sujet, mais voilà une initiative qu'il faudrait examiner et envisager d'imiter d'un océan à l'autre. De manière générale, lorsque le bois est utilisé dans la construction d'immeubles plus grands, on exige l'installation d'autres systèmes tels que des extincteurs, et cetera. Je ne possède aucune information à ce sujet et la Colombie-Britannique n'en a pas beaucoup parlé.

Mohamed Al-Hussein, professeur agrégé, Département de génie civil et environnemental, Université de l'Alberta, Société canadienne de génie civil : Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de me donner l'occasion de venir témoigner aujourd'hui au nom de la Société canadienne de génie civil. C'est la plus grande société au pays, mais elle constate malheureusement un usage limité du bois. J'en parlerai tout à l'heure.

Je vais évoquer mon modèle en répondant aux cinq questions que j'ai reçues par courriel. Je vais vous donner un exemple du réseau d'excellence en recherche que j'ai dirigé et qui compte 36 autres scientifiques. Nous avons été invités à faire une demande de subvention pour réseaux stratégiques en fabrication. Dans ma recherche, je fais la promotion de la fabrication de bâtiments. Pourquoi le Canada ne deviendrait-il pas un producteur de bâtiments manufacturés? Les défis que nous devons relever dans la situation actuelle ont une incidence dans une certaine mesure, mais la pertinence avec le sujet étudié n'est peut-être pas très grande. L'empreinte de CO2 que laissent nos activités de construction se calcule en tenant compte des allées et venues des monteurs de charpente et des gens de métier qui travaillent sur le chantier. La construction d'une résidence unifamiliale peut produire de 50 à 100 tonnes de CO2.

Il est question de préconiser la préfabrication des bâtiments. Examinons les conséquences des pratiques actuelles de construction sur la santé publique. Des matériaux comme les plaques de plâtre ont un impact sur la santé publique en raison de la poussière que les ouvriers respirent lorsqu'ils poncent le plâtre. Par ailleurs, il y a beaucoup de déchets. Le bois est si peu coûteux que les monteurs de charpente de l'industrie de la construction ne s'en préoccupent pas beaucoup lorsqu'ils travaillent. Les déchets varient d'un monteur à l'autre. Pour la construction d'une maison identique, un monteur de charpente peut produire une camionnette complète de déchets alors qu'un autre peut en avoir très peu. Il y a beaucoup d'éléments à prendre en compte.

Nous proposons au réseau l'approche que nous envisageons de prendre en vue de porter à 50 p. 100 la production industrialisée au Canada d'ici 2010 et nous expliquons les étapes à suivre. Je vous ai laissé aujourd'hui des tableaux que je vais utiliser dans une certaine mesure pour illustrer les cinq points qui m'ont été soumis. Cela entraînerait des conséquences sociales et économiques pour le pays.

La colonne de gauche du tableau que vous avez sous les yeux indique les secteurs de recherche. Il ne suffit pas de se pencher sur les aspects techniques ou sur le code du bâtiment. Il faut plutôt examiner les conséquences sociales et sanitaires de nos activités pour le public. Les spécialistes en sciences sociales doivent s'intéresser au problème. J'ai un modèle à proposer en réponse à certaines questions évoquant les mesures que le gouvernement peut prendre.

Je n'ai pas l'intention de passer la demande en revue, étant donné qu'elle fait 60 pages, mais j'espère recevoir une réponse d'ici le mois de décembre 2009 et nous vous donnerons notre point de vue.

La première question porte sur l'élaboration actuelle de normes et de codes du bâtiment écologiques.

Comme l'a dit M. Hobbs, le système d'évaluation prête à confusion et met l'accent sur les produits renouvelables, recyclables et locaux; le bois est en concurrence avec d'autres matériaux qui font l'objet de normes bien établies. On a parlé du béton et de l'acier. Les ingénieurs et les architectes peuvent facilement quantifier et évaluer les bâtiments utilisant ces matériaux.

À l'avenir, nous chercherons à trouver des moyens de réduire les déchets. Le bois a donné lieu à beaucoup de gaspillage et je tiens à dire ici que nous devrions réfléchir à cela. Le bois est un matériau bon marché, mais il faudrait arrêter le gaspillage. On peut discuter des méthodes de construction et de l'empreinte environnementale. Le bois est une ressource renouvelable, mais il est en concurrence avec d'autres matériaux qui rivalisent avec ce concept.

Parlons maintenant du code du bâtiment. Malheureusement, en Amérique du Nord et beaucoup au Canada, la construction en bois est une activité commerciale. Ce n'est pas une activité qui fait appel aux ingénieurs, que je représente aujourd'hui, ni aux architectes. Il suffit de faire un dessin sur une serviette en papier pour obtenir un permis pour la construction d'un petit bâtiment, dans n'importe quelle municipalité du pays. Cela doit changer. Il faudrait que les architectes et les ingénieurs soient consultés.

Le code du bâtiment est normatif. Ce n'est pas un document de conception technique. Voilà un autre défi que nous devons relever. L'Europe a changé radicalement sa façon de faire en exigeant la conformité aux règles établies en matière de conception technique. On pourrait utiliser un système analogue et d'une qualité identique, mis au point par un architecte. Les points de vue sont divisés au sujet des risques d'incendie et il y a deux écoles de pensée. Scientifiquement parlant, nous savons que le bois est un bon produit qui résiste au feu. Il s'avère que le bois d'œuvre est un meilleur produit que l'acier, lorsqu'il est de taille suffisante. À 300 degrés, une structure d'acier s'effondre, alors qu'une structure de bois peut rester intacte si l'incendie est maîtrisé assez rapidement.

Je vais passer à la deuxième question qui se rapporte au rôle précis du gouvernement fédéral. Comme on l'a dit un peu plus tôt, il y aurait beaucoup à apprendre d'un petit pays comme la Finlande dont les deux tiers de la superficie sont couverts de forêt. Les Finlandais ont fait du bois et de l'industrie du bois un des fleurons de leur pays. Il est intégré à la société. Si vous interrogez les gens de la rue, ils vous diront que la forêt est un de nos fleurons, mais que notre véritable fleuron, c'est l'industrie. Les Finlandais mènent des campagnes d'éducation et de promotion consacrées à l'usage du bois et on peut voir ce matériau à l'intérieur comme à l'extérieur des bâtiments.

Investissons dans la recherche et dans certaines nanotechnologies, telles que les nanofibres. Aujourd'hui, nous vendons du bois à bon marché, mais l'application de certaines technologies ferait de nous des chefs de file mondiaux et nous pourrions vendre nos produits à base de bois beaucoup plus cher, ce qui contribuerait sans doute à la prospérité de l'industrie.

Sur le plan de l'investissement, un centre d'excellence est le meilleur moyen de manifester notre soutien. L'industrie du bois et le Sénat ne pourront, à eux seuls, y parvenir. Toutes les parties doivent conjuguer leurs efforts. Les universités représentent probablement la clé du succès pour la plupart de ces initiatives. Il faut soutenir les réseaux de recherche, comme je viens de le dire. Lorsque le CRSNG a sollicité des demandes de subvention de réseaux stratégiques en fabrication, il a reçu 22 demandes de personnes intéressées à proposer pour le Canada des options différentes de celles que nous avons choisies par le passé. La création de chaires en recherche industrielle entraînera forcément la promotion de l'industrie. Il faut encourager la participation du secteur des sciences sociales. Le programme Le bois d'abord est une initiative intéressante mise en œuvre en Colombie-Britannique qui pourrait peut-être s'appliquer à l'échelle nationale, avec l'aide du Sénat.

On m'avait demandé de donner un aperçu général des avantages sur le plan environnemental que représentait l'utilisation du bois dans la construction. Il est clair, mais pas pour tout le monde, que le bois est un puits de CO2. Malheureusement, sans doute très peu de gens le savent. Si nous pouvions en parler et diffuser ces informations dans tout le pays, nous disposerions d'un outil de promotion du produit. J'ai parlé de la stabilité au feu. Sur le plan de la santé, le bois est meilleur que tout autre matériau. C'est vrai qu'il est limité sur le plan de la hauteur et que ce sera probablement toujours le cas tant que l'on ne disposera pas d'un produit permettant la construction d'immeubles de cinq ou six étages, ou peut-être même plus.

Quant aux réalisations passées et futures, je pense qu'il faudrait retenir l'exemple de la maison unifamiliale courante au Canada ou en Amérique du Nord. Pratiquement 100 p. 100 des maisons de ce type ont une ossature en bois. Pourquoi le bois est-il si courant dans ce secteur et pas ailleurs? Votre comité s'intéresse aux bâtiments commerciaux, et si la question est posée, la réponse viendra.

Réduction des déchets : je suis abasourdi par le gaspillage du bois dans l'industrie de la construction. C'est une autre raison en faveur du remplacement de l'intervention artisanale par un processus plus automatisé.

Quant au rôle de la formation en génie civil, je peux vous dire que la formation est limitée ou non existante. J'ai examiné cette option avec le président de notre département et avec d'autres départements. Chaque année, environ 1 000 ou 2 000 diplômés en génie civil sortent des universités canadiennes, mais aucun d'entre eux n'a reçu une formation, ni même suivi un seul cours sur la conception architecturale privilégiant le bois. J'ai demandé quelle était la raison de cette lacune. On m'a répondu que le besoin n'existait pas, que si les étudiants passaient une année ou une demi-année sur quatre à étudier le bois, ils perdraient un peu leur temps, car ils n'auraient pas besoin de cette compétence dans le monde du travail. Un simple dessin sur une serviette en papier suffit pour obtenir un permis de construire. Les universités se préoccupent de l'avenir de leurs étudiants et c'est la raison pour laquelle elles ne dispensent pas ce type de formation. Lorsqu'on resserre les budgets, la première chose que l'on coupe, dans n'importe quel département, c'est tout ce qui se rapporte au bois.

Je vous présente les faits. Nous devons modifier nos pratiques de construction et nous adapter. Si nous formons des ingénieurs, ils trouveront des emplois et exécuteront le travail pour lequel ils ont été formés. Il suffit de penser à l'exemple des industries des matériaux préfabriqués et du béton. Je donne un cours en quatrième année et, chaque année, les représentants de l'industrie visitent la classe et offrent aux étudiants les manuels et les ouvrages, d'une valeur de 200 $. Ce faisant, mes étudiants apprennent l'existence des matériaux que l'on appelle préfabriqués et cherchent à comprendre comment on peut les utiliser. Une fois leurs études terminées, ils mettront ces compétences et techniques en application.

Voilà qui conclut mon exposé, monsieur le président.

Le président : Merci aux témoins. Nous allons maintenant passer aux questions et nous allons commencer par le sénateur Plett.

Le sénateur Plett : Depuis un mois environ, plusieurs témoins nous ont dit que c'est à cause des architectes et des ingénieurs que nous n'utilisons pas plus de bois dans nos constructions, et vous avez parlé vous-même d'une sorte d'éducation en ce sens dans les universités. Voilà une question que j'ai posée. Est-ce qu'il existe des cours universitaires et pourquoi ne pas consacrer un certain pourcentage des cours d'architecture aux constructions en bois?

On nous a dit aussi que le Code national du bâtiment modifié en 2005 ne constitue pas un obstacle à l'utilisation du bois dans les bâtiments non résidentiels. Or, selon certains témoins que nous avons entendus, seulement 15 p. 100 des bâtiments non résidentiels sont dotés d'une ossature en bois, alors que 80 p. 100 pourraient l'être.

D'un point de vue technique ou logistique, comment expliquez-vous cette sous-utilisation du bois d'œuvre?

M. Al-Hussein : J'espérais que M. Hobbs répondrait à cette question. Au Canada, les architectes ne sont pas intéressés à travailler avec le bois. Ils vous diront que le bois est leur dernier choix. Les architectes sont extrêmement peu nombreux à s'y intéresser, même pour les bâtiments de quatre étages construits au pays. Ces architectes sont isolés, dans une certaine mesure — j'espère que je n'en dis pas trop — parce qu'ils acceptent ces emplois pour survivre.

À mon avis, c'est une question d'image. Si un représentant de l'industrie forestière demande à un propriétaire pourquoi il n'a pas envisagé de construire en bois, il répondra que ce n'était pas une option pour l'architecte. L'architecte dira que l'ingénieur de structure n'a pas retenu cette possibilité parce qu'il essayait de trouver d'autres réponses. Je ne connais pas vraiment la réponse à cette question. Voilà mon opinion personnelle.

M. Hobbs : Le coût est une partie du problème. Un bâtiment de la taille dont vous parlez sera probablement construit en bois, c'est-à-dire en gros bois d'œuvre dont les pièces atteignent au moins six pouces de côté. Par ailleurs, il faudra que la construction soit munie d'extincteurs automatiques. Par conséquent, une fois que l'on a pris en compte tous ces coûts, ce type de construction est sans doute plus coûteux que les autres.

Vous pouvez aussi consulter ces documents et nos ouvrages. Beaucoup d'architectes utilisent le bois et savent comment l'utiliser. C'est un beau matériau. C'est magnifique. Cependant, il y a certaines restrictions. Le plus souvent, c'est le coût qui décide.

Le sénateur Plett : Au cours du mois dernier, j'ai posé des questions à quelques reprises sur les risques d'incendie que présentait le bois par rapport aux autres matériaux. Vous y avez vous-même fait allusion en disant que l'acier pose aussi problème, car à une certaine température, les structures d'acier s'effondrent.

Les structures non résidentielles construites avec du bois d'œuvre ou d'autres types de bois sont-elles aussi sûres en cas d'incendie, résistent-elles aux tremblements de terre et aux forces exercées sur l'immeuble en raison du tassement et de la contraction? Par ailleurs, quel est l'impact de l'utilisation du bois sur la production de gaz à effet de serre, par rapport au béton ou au métal?

M. Hobbs : De manière générale, je pense que les constructions en gros bois d'œuvre sont plus sûres; elles sont certainement plus sécuritaires que l'acier. Quant aux conséquences pour la production de gaz à effet de serre, on peut certainement comparer ces trois matériaux à la lumière de l'évaluation du coût global de cycle de vie. Je crois que le bois d'œuvre est le plus économique. Le béton produit d'incroyables émissions de gaz à effet de serre lors de la fabrication du ciment. L'acier utilise énormément d'énergie, mais il est éminemment recyclable. J'espère que cela répond à votre question.

M. Al-Hussein : Je ne suis pas un spécialiste des incendies. Toutefois, malgré mes connaissances limitées du sujet, je peux affirmer que le bois massif, s'il est de la bonne taille, et si l'incendie est maîtrisé à temps, demeure fonctionnel, une fois que l'on a enlevé la couche brûlée jusqu'aux couches intérieures intactes. Autrement dit, on peut utiliser la même pièce de bois, alors que ce n'est pas le cas avec l'acier.

Le plus grand problème, dans le cas de bâtiments en bois, c'est la méthode de construction. Il faudrait trouver de meilleures façons de procéder. Je vais vous donner un exemple. Une fois que l'on a fini l'ossature, on laisse la structure ouverte, sans fenêtres. Le risque d'incendie est énorme. Si l'on changeait la façon de faire, par exemple en installant tout de suite des cloisons sèches qui résistent à la transmission du feu, le bois résisterait et serait bien supérieur à tout autre produit.

Le problème, ici, c'est la taille. Le type de bois est également un facteur. Il faudrait éviter les bois résineux. Il faudrait utiliser du bois plus dur; le bois des arbres à croissance lente résiste mieux au feu. L'autre chose, c'est la méthode de construction, afin d'éviter des risques d'incendie pendant la construction, car c'est à ce moment-là que les incendies sont les plus nombreux.

Si l'on disposait d'un meilleur système pour éteindre les incendies, le bois serait probablement supérieur à tous les autres matériaux.

Pour répondre à votre deuxième question, il y a ceux qui font la promotion du béton, même s'ils ne l'avouent pas. Ils vous diront par exemple que l'acier est recyclable à 100 p. 100 pendant 400 ans; qu'il ne sera pas nécessaire d'extraire d'autres minerais du sol pour produire un autre gramme d'acier. C'est un argument. Le bois nécessite d'autres formes d'énergie pour être transporté sur place, aussi, je ne pense pas que ce soit l'objectif.

J'aurais de la difficulté à recommander l'utilisation du bois parce que c'est un produit qui nécessite moins d'énergie que les autres. Je ne pense pas que nous ayons suffisamment de preuves à l'appui. Mais il est peut-être celui qui nécessite le moins d'énergie. Cependant, il faut de l'énergie pour produire le bois, le récolter, l'apprêter et le transporter sur les lieux de construction. À mon avis, ce n'est pas l'argument le plus fort du raisonnement.

Le sénateur Plett : Il me semble que le lobbyisme joue un grand rôle ici. Les promoteurs du béton augmentent leurs pressions. Ils ont peut-être plus les moyens de faire du lobbyisme ou ont fait plus de recherches, je n'en sais rien.

Vous avez dit que les universités n'abordent pas beaucoup ce sujet. Cette situation m'attriste. Nous nous sommes demandé s'il fallait faire intervenir la loi pour exiger l'utilisation d'un certain pourcentage de bois dans les constructions. J'aimerais que la loi exige que les étudiants consacrent un certain nombre d'heures à l'étude du bois, puisque cette matière ne semble pas enseignée.

Que diriez-vous d'une loi pour faire la promotion du bois dans l'éducation? Je ne sais pas combien d'heures un étudiant doit passer à l'école pour devenir architecte ou ingénieur. S'il faut 1 000 heures, que diriez-vous d'en consacrer 100 à l'étude du bois; ou 500 s'il faut 5 000 heures? Est-ce que cela encouragerait une plus grande utilisation du bois?

M. Hobbs : Je ne pense pas que ce soit la solution. Nous venons de modifier la formation à la profession d'architecte, un programme universitaire de sept ans, la plupart du temps, en révisant les normes d'éducation canadienne pour la profession. Les étudiants suivent des cours d'ingénierie et des cours techniques. Certains cours portent sur le bois, mais il y a déjà trop de notions à assimiler. Il n'y a pas suffisamment de temps pour tout faire. Par conséquent, la profession ne verrait pas d'un bon œil que le gouvernement légifère pour ajouter ou imposer des cours.

Cependant, très peu de possibilités de formation sont offertes après le diplôme. Actuellement, notre association propose, d'un océan à l'autre, un cours intitulé Concrete Thinking. Ce cours est essentiellement financé par l'industrie du béton. Nous n'avons jamais rien fait de tel au sujet du bois, peut-être parce que nous n'avons pas reçu le financement nécessaire.

Je pense qu'il y a un besoin en matière d'éducation, mais je crois que ce serait au niveau postuniversitaire, lorsque les praticiens, les architectes et les ingénieurs exercent leur métier et s'intéressent aux détails techniques. L'enseignement est plus théorique que pratique et je pense que ce genre de formation serait plus utile après l'université. Je parle au sujet de la profession d'architecte.

M. Al-Hussein : C'est la même chose pour les ingénieurs. Nous n'avons que quatre ans pour former les étudiants. Les connaissances que l'on exige aujourd'hui d'un ingénieur sont totalement différentes de celles qui étaient nécessaires lorsque j'ai obtenu mon diplôme. Tout ce qu'on nous demandait de savoir c'était d'évaluer la solidité d'une poutre et de s'assurer que la construction était sécuritaire.

Aujourd'hui, les ingénieurs doivent être sensibles à l'environnement, aux conséquences sur le plan social et autre. De nos jours, les besoins sont nombreux et parfois contradictoires dans le domaine de la formation. Je crois que l'enseignement universitaire est du ressort provincial, mais il est, dans une certaine mesure, assujetti aux lois fédérales.

Les sociétés professionnelles pourraient également se charger d'encourager l'utilisation du bois. Il en existe dans toutes les provinces. Nous nous intéressons par exemple à la formation se rapportant à la construction ou à la conception de bâtiments pour les climats froids. Voilà peut-être une façon d'intégrer cette formation.

Que ce soit à la suite d'une loi ou d'une simple demande, je pense que les universités réagiraient et seraient probablement attentives. Cependant, elles se préoccuperaient de l'utilité des connaissances des diplômés une fois qu'ils auraient quitté l'école. En effet, si on donne aux étudiants une formation qu'ils ne mettront jamais en application, on peut penser qu'ils auraient dû consacrer ce temps à autre chose. Voilà ce que m'ont dit les gens à qui j'ai parlé.

Le sénateur Mercer : Je vais poursuivre dans la même direction que le sénateur Plett. Je suis surpris et déçu de constater que les ingénieurs et les architectes estiment que l'on devrait étudier le bois une fois que l'on est devenu ingénieur ou architecte. En réalité, une fois qu'un ingénieur ou un architecte a commencé à pratiquer son métier, il a pris l'habitude de concevoir des bâtiments en acier et en béton. Nous proposons de briser ces habitudes et d'inviter les gens à utiliser le bois. Le seul endroit où cela peut se produire, c'est à l'université, là où les architectes et les ingénieurs reçoivent leur formation.

Pendant des années, les écoles de médecine n'ont jamais enseigné les soins palliatifs, jusqu'à ce qu'un comité du Sénat décide de faire comprendre aux gens que cet enseignement était nécessaire. Aujourd'hui, les soins palliatifs font partie du programme de gérontologie des écoles de médecine. On ne peut pas attendre d'enseigner cela après les études. Je suis surpris que vous ayez proposé une telle chose.

Monsieur Al-Hussein, vous avez dit que le code du bâtiment, qui est essentiellement normatif, doit plutôt privilégier la conception technique afin d'accorder plus de souplesse et d'adopter une approche basée sur la conformité, comme en Europe. Est-ce que le fait d'ajouter des ingénieurs au processus de conception n'entraînerait pas une augmentation des coûts de construction?

M. Al-Hussein : L'architecte toucherait des honoraires. L'architecte est formé pour proposer une conception durable. Il est formé pour soigner la dimension esthétique. Je ne suis pas un architecte et, même si je gagnais à la loterie, je ne pourrais jamais devenir un architecte, parce que je n'ai pas le talent qu'il faut. C'est l'architecte qui apporte le côté esthétique et qui veille au caractère durable de la construction. Les honoraires de l'architecte sont considérés comme un investissement et non pas comme un coût. Dans le cas des grands édifices, ce sont les architectes qui imaginent le concept approprié. Malheureusement, ils deviennent trop amis et s'efforcent de s'adapter à notre budget. Ils ne devraient pas nous faire de cadeau et nous facturer le talent qu'ils mettent à profit pour nous permettre de construire un meilleur immeuble.

Je me pose la question suivante : faire appel aux services d'un ingénieur, ce n'est pas un coût. C'est un investissement dans l'immeuble et dans le produit que l'on obtient au bout du compte. Le produit, c'est le bâtiment que l'on obtient à la fin du chantier, un bâtiment conçu pour durer.

Le sénateur Mercer : La question est la suivante : est-ce la poule qui a précédé l'œuf ou le contraire? Devons-nous d'abord modifier les codes du bâtiment, puis changer ce que nous enseignons aux architectes et aux ingénieurs, ou devons-nous commencer par modifier les programmes d'enseignement et attendre que les codes du bâtiment s'adaptent? Nous savons que les codes du bâtiment de la Colombie-Britannique et de certaines régions du Québec sont en avance à ce sujet par rapport aux codes des autres provinces.

M. Al-Hussein : Je vais revenir à votre première remarque concernant l'enseignement offert aux étudiants. Je peux vous dire que les universités réagiraient. Dans mon département de génie civil, nous enseignons des disciplines qui n'existaient pas lorsque j'étais étudiant. Par exemple, le génie environnemental est une partie importante du programme, parce que c'est une discipline dont les étudiants auront besoin lorsqu'ils auront leur diplôme en poche. Autrefois, on disait que la construction était une discipline que l'on apprenait sur le terrain, une fois qu'on avait quitté l'école. Aujourd'hui, presque tous les départements de génie civil du pays proposent une discipline de génie qui enseigne la science de la construction. Les universités s'adaptent. Je pense que la même chose se produirait dans le cas du bois. À mon avis, les universités ne résistent pas. Elles essaient tout simplement de proposer le meilleur enseignement à leurs étudiants.

Nous n'avons pas à attendre. J'ai parlé du caractère normatif du code du bâtiment. Si vous demandez à un monteur de charpente pourquoi il laisse un espace entre deux panneaux de revêtement, il vous dira que c'est ce qu'il faut faire et que c'est ce qu'on lui a enseigné. Il ne sait pas pourquoi il doit laisser cet espace. C'est une technique qui a été imaginée par les concepteurs, afin d'autoriser l'expansion, la contraction et, comme vous l'avez mentionné, le tassement.

La règle, c'est qu'un monteur de charpente est autorisé à construire l'ossature de la maison. Il ne devrait pas pouvoir le faire avant d'avoir reçu les instructions des ingénieurs. Si les universités produisaient chaque année 1 000 diplômés en génie civil connaissant un peu le bois, la présente réunion n'aurait pas lieu d'être. La situation sera différente lorsqu'on aura apporté des changements au code du bâtiment et au programme d'enseignement. Cependant, je ne pense pas que nous devons exiger que cela soit obligatoire.

Le sénateur Mercer : Je suis surpris également par votre commentaire dans lequel vous proposez la création de chaires universitaires. Est-ce qu'il n'y a pas d'universités au Canada dotées de chaires qui s'intéressent plus particulièrement à l'avenir de la foresterie?

M. Al-Hussein : Je n'en connais pas une seule. Je pense qu'il n'y en a pas. À l'Université de l'Alberta, les entrepreneurs en maçonnerie sont venus nous dire que leur industrie connaît un ralentissement et qu'il était temps de faire quelque chose. Les membres de leur association ont choisi un entrepreneur en maçonnerie qui lance le slogan suivant : « Pensez d'abord à la maçonnerie. » C'est un grand promoteur du métier. Il enseigne la maçonnerie à une centaine d'étudiants. Jusqu'à l'an dernier, nous n'offrions pas un tel cours. Je ne sais pas si nous avons des chaires en recherche industrielle qui se consacrent à ce sujet.

Le sénateur Mercer : Vous avez mentionné des slogans tels que « la maçonnerie d'abord » et « concrete thinking » accompagnant des activités commanditées par leurs industries respectives. Nous avons besoin d'un slogan accrocheur pour le bois ainsi que de commanditaires de l'industrie du bois. Est-ce ce dont nous avons besoin pour faire passer le message aux éducateurs et aux autres intervenants? Avons-nous besoin d'un tel programme?

M. Hobbs : Oui, absolument. Si vous me permettez de revenir un peu en arrière, j'aimerais préciser qu'il est faux de dire que les architectes ne reçoivent aucun enseignement ni aucune formation sur le bois à l'université. Ils reçoivent un enseignement et une formation, mais cela fait partie du programme d'études générales qui propose la même chose pour l'acier et le béton.

Le sénateur Mercer : La même chose ou plus?

M. Hobbs : Probablement autant, puisque ce sont des matériaux autant utilisés. Je ne suis pas certain que ce soit une bonne chose dans un pays comme le Canada. Cependant, votre suggestion est tout à fait appropriée. Il serait important de disposer d'une chaire qui encourage le choix du bois dans l'architecture et la construction.

Le sénateur Eaton : Si le gouvernement fédéral imposait des codes exigeant qu'un certain pourcentage précis de bois entre dans la construction de certains bâtiments, serions-nous tenus de modifier en conséquence les dessins techniques et architecturaux?

M. Hobbs : Tout dépendrait du chantier, mais ce serait réalisable. En revanche, cela ne serait généralement pas prescrit dans un code du bâtiment. L'objectif des codes du bâtiment est essentiellement d'assurer la santé, la sécurité et le bien-être du public.

Le sénateur Eaton : Depuis un an, on entend dire que le bois est un matériau extrêmement vert, en raison de sa capacité d'entreposage du carbone. De plus, grâce aux nouvelles techniques de construction, il résiste très bien au feu. D'après moi, le changement pourrait se faire dans un avenir pas très éloigné. Serions-nous dans le pétrin si le Canada décidait que nous devons faire quelque chose au sujet des émissions de carbone et que nous devons appuyer les initiatives de promotion de bâtiments verts, en particulier dans le provinces qui sont déjà en avance, comme le Québec et la Colombie-Britannique?

M. Al-Hussein : Je pense que c'est tout à fait réalisable. Tout le monde y gagnerait, sans doute. Je ne pense pas que les constructions seraient uniquement en bois. La combinaison du bois et de la maçonnerie serait excellente. La combinaison du bois avec le béton ou l'acier serait excellente. De grands architectes utilisent cette combinaison, avec des résultats épatants.

Ma réponse est oui et j'appuierais une telle initiative. Comme je l'ai dit, j'affirme que l'industrie forestière est le fleuron de notre société et nous en comprenons tous les conséquences. Cela devient un défi et non pas un problème et les scientifiques relèveront les défis, qu'ils se posent aux gens de métier ou aux ingénieurs. Quand il y a un défi, il y a une solution.

Le sénateur Eaton : Monsieur le professeur, vous avez parlé, dans votre exposé, du rôle précis que devrait jouer le gouvernement fédéral. Le comité a découvert qu'il existait des programmes intéressants en Acadie, par exemple, des programmes de foresterie, des programmes sur la culture de bon bois d'œuvre, sur l'éducation des jeunes. Il y a aussi des programmes très intéressants au Québec avec FP Innovations qui a réussi le tour de force de faire asseoir à la même table des architectes, des ingénieurs et des environnementalistes. Est-ce que vous communiquez avec vos homologues? Est-ce que vous parlez à vos collègues universitaires dans d'autres régions du pays afin de vous informer sur ce qu'ils font dans le domaine du génie civil?

M. Al-Hussein : Certainement que nous nous parlons. Nous nous intéressons aux travaux des autres chercheurs, mais toujours dans la perspective de nos propres recherches. Il nous arrive parfois de manquer les travaux et les recherches réalisées par notre voisin, mais mon domaine, c'est la construction. Pendant quatre ans, j'ai été le président de la division de la construction de la Société canadienne de génie civil et je ne connais personne qui s'est intéressé sérieusement au bois. Actuellement, l'éducation en matière d'utilisation du bois se concentre probablement sur un secteur, celui de la coupe et de la foresterie ainsi que sur les techniques de récolte du bois et de régénération forestière, et cetera, mais je ne suis pas sûr que l'éducation porte autant sur l'utilisation que l'on peut faire du produit lui-même. Si elle existe, cela m'a peut-être échappé.

Le sénateur Eaton : Partout au pays, il se passe des choses intéressantes dans divers secteurs universitaires, mais le problème, à mon sens, c'est le manque de communication entre vous tous.

M. Hobbs : Le Conseil canadien du bois organise chaque année un salon des métiers qu'il présente dans toutes les régions du pays afin de proposer aux architectes et aux ingénieurs les plus récents produits, ainsi que des conférences, et cetera. C'est probablement le seul aspect de cette industrie qui soit partagé de cette manière.

Le sénateur Eaton : Monsieur Hobbs, M. Al-Hussein a fait remarquer que c'est généralement l'architecte qui choisit ou qui suggère le matériau utilisé. Qu'est-ce qui nous a valu d'avoir la chance d'obtenir une telle patinoire en Colombie-Britannique? Est-ce que la province voulait vraiment mettre le bois en valeur? Était-ce délibéré? Était-ce la volonté du client ou de l'architecte? Comment le projet a-t-il été conçu?

M. Hobbs : Ce projet a été réalisé par une société canadienne de Vancouver. Nous lui avons accordé un prix d'excellence. Je crois que l'architecte a opté pour cette solution en partie en raison de la durabilité du bois. Ils voulaient mettre l'accent sur le caractère durable et ils sont parvenus à recycler ces vieux arbres morts, tués par le dendroctone du pin, et ensuite, ils en ont fait du bois de haute technologie.

Le sénateur Eaton : Quand on veut, on peut. Le sénateur Rivard connaît de nombreux et magnifiques bâtiments qui sont actuellement construits en bois, au Québec.

Avez-vous entendu parler, l'un et l'autre, d'un produit qui s'appelle bois stratifié à couches croisées?

M. Hobbs : Oui, j'en ai entendu parler.

Le sénateur Eaton : Je me demande comment on pourrait s'y prendre pour encourager son utilisation ou sa fabrication au pays. Monsieur le professeur, vous parliez de créer des modules.

M. Al-Hussein : Oui. C'est une des innovations qui verront bientôt le jour. Il faut innover dans le secteur du bois. Si j'en crois ce que j'entends de la part de mes collègues et autres scientifiques spécialistes de ce domaine, les nanofibres permettront de disposer de bois dix fois plus solides que l'acier. La surface de ces fibres deviendra extrêmement solide et pourra même résister au feu. Il faut innover et je sais que l'Université de l'Alberta a l'intention de créer prochainement une chaire de recherche industrielle consacrée aux nanofibres. Je crois que l'université est sur le point d'engager un spécialiste des États-Unis qui viendra très prochainement faire des recherches dans ce domaine en collaboration avec l'industrie forestière. Au lieu de vendre une énorme poutre de bois pour 20 $, cette nouvelle technologie permettrait, selon le président du département, de vendre un kilogramme de bois pour 10 $, dans le monde entier.

Je propose de moderniser et d'industrialiser le processus en passant de la construction à charpente légère à la construction préfabriquée en usine qui représente beaucoup d'avantages, y compris sur le plan de la santé et de la sécurité publiques, de la réduction des émissions de CO2 et du coût de la réduction, comme je l'ai déjà mentionné. L'utilisation du bois pour la construction d'immeubles en hauteur peut s'avérer coûteuse, mais à partir du moment où ce travail se fait en usine, il est possible de réduire les coûts. Par le passé, j'ai déjà réalisé avec succès beaucoup de projets de ce type.

Je vais revenir à votre commentaire concernant l'absence d'échanges sur nos travaux respectifs. Lorsque le CRSNG a lancé un appel au sujet des demandes de subvention de réseaux stratégiques en fabrication, il a reçu 22 propositions et ma propre proposition réunissait 37 scientifiques de toutes les régions du pays qui pouvaient tous apporter des connaissances en matière de fabrication des bâtiments. Cet appel a tout à coup permis de diffuser des connaissances dans ce domaine et c'est exactement ce que je propose. Le Sénat pourrait appuyer certaines de ces initiatives rassembleuses. C'est ce que je propose.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Les problèmes de moisissure sont très graves dans les collectivités des Premières nations où les maisons sont bâties selon la technique des ouvrages à charpente légère. Est-ce que c'est ce type de construction qui en est la cause? Si les bâtiments étaient construits en béton ou en acier, est-ce que le problème de moisissure existerait quand même? Est-ce qu'on rencontre ce problème de moisissure dans d'autres pays?

M. Hobbs : La moisissure dénote généralement un problème d'entretien et d'utilisation. Je pense que les moisissures se développeraient même dans un bâtiment en béton, s'il était très humide. Il n'y a pas de raison que les moisissures ne se développent pas dans de telles conditions. Le bois n'est pas nécessairement la cause, c'est uniquement un matériau. La moisissure peut se développer aussi bien sur les cloisons sèches que sur n'importe quel autre matériau. Bien entendu, les moisissures existent aussi dans d'autres pays.

Le sénateur Lovelace Nicholas : La cause serait donc la mauvaise qualité des matériaux utilisés dans les collectivités autochtones?

M. Hobbs : Généralement, c'est un problème de ventilation. Il faut que le bâtiment soit bien entretenu et utilisé, afin d'être correctement ventilé. Il se peut que le bâtiment ne soit pas bien conçu, mais je tends à penser, dans le cas d'un immeuble résidentiel, que c'est une question d'entretien.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Sur le plan de la durée de vie, quel est le meilleur matériau, si l'on compare le bois, le béton et l'acier?

M. Hobbs : Là encore, je pense que c'est une question d'utilisation et d'entretien. Si le bois est bien entretenu, il durera aussi longtemps.

M. Al-Hussein : Pour répondre aux deux questions, je dis moi aussi que c'est une question d'entretien et de qualité de la construction. Il faut que la construction soit bien faite et étanche. La moisissure apparaît lorsque l'eau pénètre dans la structure du bâtiment à travers les murs et qu'elle se mêle à l'oxygène ou d'autres éléments. Si la construction est suffisamment étanche, ce phénomène ne se produit pas.

Dans la recherche à laquelle j'ai participé, nous avons rencontré des problèmes dans les sous-sols. Les sous-sols ne sont pas des espaces de vie. Malheureusement, beaucoup de gens au Canada aménagent leur sous-sol pour les grands- parents ou les adolescents. Pourtant, ce ne sont pas des endroits qui font de bons espaces de vie. Il y a des gaz et toutes sortes d'émanations. À moins de sceller véritablement les sous-sols afin d'empêcher toute infiltration des murs, ce ne sont pas des endroits sains pour vivre.

La technique de construction et, dans une certaine mesure, un meilleur entretien, sont importants. Avec le type de matériau préfabriqué que je préconise, on peut garantir l'étanchéité du bâtiment.

Le sénateur Lovelace Nicholas : C'est tout simplement que nous avons de mauvais charpentiers.

M. Al-Hussein : En 2006, il suffisait de savoir manier un marteau en Alberta pour devenir monteur de charpente. La demande était telle que n'importe qui pouvait devenir monteur de charpente.

[Français]

Le sénateur Carignan : Au cours des dernières années, j'ai eu la chance de prendre une décision par rapport à la construction de bâtiments publics dans la ville où j'étais maire. Nous avons organisé la construction d'un complexe de soccer intérieur de 10,5 millions de dollars et également d'un complexe de piscine, un projet d'environ 15 millions de dollars. Les architectes et ingénieurs nous avaient soumis un projet avec bois laminé, mais le problème qu'on a subi était au niveau de l'estimation des coûts. Les coûts en bois étaient de 25 à 30 p. 100 plus élevés que la construction en acier. Nous avons subi également un problème au niveau du nombre des fournisseurs; nous n'avions qu'un fournisseur québécois. Le bois de l'autre fournisseur venait d'Europe. Nous nous sommes donc retrouvés avec un fournisseur unique et, en soumission publique, qui dit fournisseur unique, dit problème de prix et de concurrence. Nous avons donc dû nous rabattre sur l'acier pour des questions de hauteur, de flexibilité, c'était plus facile, mais surtout pour des questions de coût et de fournisseur unique. Le problème de coût n'était pas réellement relié aux gicleurs parce que même si le bâtiment est en acier, les gicleurs sont obligatoires.

Ce problème de fournisseur unique, vos membres, que ce soit les architectes ou les ingénieurs, vous le soulignent-ils?

Ce phénomène existe-t-il ailleurs qu'au Québec? Au Québec, c'est vraiment pour cette raison qu'on n'a pas choisi le bois. Les ingénieurs et les architectes étaient prêts à faire le bâtiment avec le bois. Si le client le demande, l'architecte et l'ingénieur vont s'adapter pour pouvoir fournir le service. Nous éprouvions vraiment un problème de fournisseur unique. Est-ce le cas dans d'autres provinces?

M. Hobbs : Je crois que oui. C'est le problème que je viens d'expliquer au sénateur Plett. J'ai fait beaucoup de constructions en bois laminé. Il y a 15 ans, nous avions plus de choix de fabricants, mais aujourd'hui, je crois que ce problème est ressenti partout au Canada.

[Traduction]

M. Al-Hussein : Oui, la concurrence pourrait faire baisser les coûts. Il y aurait sans doute plus de concurrence si ce type de service était plus demandé. Je suis même surpris que vous ayez pu trouver quelqu'un pour vous offrir ce service qui n'est pas très demandé.

C'est pourquoi je fais la promotion des matériaux manufacturés. Lorsque le produit est manufacturé, n'importe qui peut l'installer, il n'est pas nécessaire de faire appel à des spécialistes, mais le problème est de savoir si on peut l'obtenir auprès d'un fournisseur local ou d'un fournisseur de l'extérieur.

Je manque peut-être d'objectivité, mais je suis convaincu que les produits manufacturés permettent d'éliminer les problèmes liés aux compétences limitées, aux fournisseurs ou même aux gens de métiers. C'est mon point de vue personnel.

[Français]

Le sénateur Carignan : Mais avez-vous subi et êtes-vous conscient du problème de fournisseur unique ou du peu de fournisseurs de ce type de bois pour la charpente de bâtiment de haut niveau au niveau public?

[Traduction]

M. Al-Hussein : On est confronté à ce problème chaque fois que l'on a besoin d'un produit dont l'approvisionnement est limité. Je ne peux imaginer un fournisseur qui profiterait d'être le seul pour faire le maximum de profits. En agissant de la sorte, il perdrait sa crédibilité.

C'est une autre situation. Si j'ai bien compris votre question, lorsqu'il n'y a qu'un seul fournisseur, je conseillerais de ne pas utiliser ce produit. Je ne suis pas certain que ce soit la situation que vous avez vécue.

[Français]

Le sénateur Carignan : Ma question était plutôt celle-ci : comme décideur, j'ai constaté le fait qu'il y avait très peu de fournisseurs et que ceci faisait augmenter les prix et réduisait la concurrence entre soumissionnaires. Je voulais savoir si, dans votre milieu, vous avez fait le même constat ou si c'était unique au Québec.

[Traduction]

M. Al-Hussein : Je pense à un produit différent. Prenons le cas d'un fournisseur qui propose un produit innovateur breveté et qui pendant 10 ans est le seul à pouvoir fournir ce produit. Par exemple, Insituform a été pendant 10 ans le seul fournisseur de gaines pour les réseaux d'égout, peut-être le seul au monde. C'était un excellent fournisseur. Il pouvait décider du prix, mais le produit était utilisé, quel que soit le coût.

Je ne sais pas si ce genre de situation existe dans d'autres régions du pays, à savoir qu'un seul fournisseur est en mesure de livrer un produit particulier. Je ne connais pas la réponse à cette question.

[Français]

M. Hobbs : Le succès de l'anneau olympique de Richmond, c'est... Je vais l'expliquer en anglais.

[Traduction]

La construction a été un succès parce qu'on a pu faire appel à des charpentiers ordinaires dont les prix étaient très concurrentiels, et qu'il n'était pas nécessaire de traiter avec un fournisseur de bois laminé, ni de mettre en œuvre un système complexe et innovateur. C'était un nouveau système faisant appel à des compétences techniques simples. Il y avait une certaine concurrence entre les fournisseurs, mais je pense qu'il n'y a pas beaucoup de fournisseurs de poutres laminées collées au Canada. Autrefois, il y en avait beaucoup, mais, de nos jours, ils sont très peu nombreux.

[Français]

Le sénateur Carignan : En voyageant en Californie, j'ai constaté, entre autres, que beaucoup de constructions de 24 logements et plus étaient en bois. Les normes en Californie encouragent-elles la construction en bois ou serait-ce des conditions particulières pour les tremblements de terre, par exemple, qui pourraient avoir cette conséquence? Le savez- vous?

M. Hobbs : Je crois que les codes de la Californie sont presque les mêmes qu'ici. Vous avez dit 28 unités?

Le sénateur Carignan : Vingt-quatre logements et plus. Vraiment, des immeubles assez importants de quatre, cinq étages.

M. Hobbs : C'est probablement la même chose en Colombie-Britannique maintenant. Au Canada, le bois ne peut plus être utilisé dans les constructions de quatre étages et plus.

Le sénateur Carignan : À cause du code du bâtiment?

M. Hobbs : Oui.

Le sénateur Carignan : Mais pourquoi les gens n'utilisent pas le bois pour les bâtiments de quatre logements et moins?

M. Hobbs : Généralement, c'est en bois pour les résidences, « multi unit residential ». Généralement, c'est en bois. Il y a de la brique ou autre, mais l'ossature est en bois.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Ma question fait suite à celles du sénateur Carignan et du sénateur Eaton sur le bois stratifié à couches croisées et vous avez également parlé de poutres laminées. Quelle est la différence entre les poutres laminées et le bois stratifié à couches croisées? La semaine dernière, nous avons été très impressionnés par ce que nous avons vu sur le bois stratifié à couches croisées. C'est un produit solide et résistant au feu mais pouvez-vous nous dire ce que sont les poutres laminées et comment ce produit se compare au bois stratifié à couches croisées?

M. Al-Hussein : Une poutre laminée est un produit de haute technologie qui est traité pour résister à la charge et à la pression et pour augmenter sa capacité. Lorsque ces traverses sont installées dans différentes directions, elles fournissent le soutien nécessaire dont on a besoin pour la portée de la travée. Ces deux produits sont les mêmes. On peut utiliser les poutres laminées ou le bois stratifié comme poutres ou comme traverses de contreventement. C'est ce que je crois comprendre.

M. Hobbs : Depuis des années, on utilise les poutres stratifiées collées au Canada. Elles sont toujours en usage, mais, de manière générale, ce sont des poutres horizontales dont les composantes sont épaisses. Aujourd'hui, on fabrique du bois de haute technologie constitué de fines couches de bois stratifié à couches croisées qui peut remplacer toutes les grandes traverses de charpente. Voilà la différence.

M. Al-Hussein : Elles ont une capacité de portée plus grande que les poutres stratifiées collées d'autrefois.

Le sénateur Mercer : Je ne veux pas faire mon savant, mais il me semble que la poutre laminée est sans doute un produit plus faible que le bois stratifié à couches croisées. La prochaine fois que vous vous rendrez au salon du Conseil canadien du bois, renseignez-vous sur le bois stratifié à couches croisées, car je pense que c'est un produit qui pourrait nous être utile à tous.

Le sénateur Fairbairn : Je suis ravie d'accueillir ici un ami de l'Université de l'Alberta. Mes collègues ont très bien couvert le sujet, ce soir, mais j'aimerais vous poser quelques questions, puisque vous travaillez à l'Université de l'Alberta. Cet été, j'étais à Fort McMurray. Il n'y a pas beaucoup d'arbres là-haut. Au cours de mon voyage de retour, j'ai pu constater la destruction dans le nord de l'Alberta qui est essentiellement une région agricole. Beaucoup d'entre nous ont été fascinés par le nombre d'arbres qui subsistaient au milieu de tout l'équipement lié à l'exploitation des sables bitumineux. Il est clair que ces arbres sont protégés et encouragés. Pouvez-vous nous décrire la situation dans cette région? Je ne peux pas vous laisser partir sans vous poser une question sur ces sacrés dendroctones du pin. Ces insectes ont-ils été éradiqués ou sont-ils toujours là? Est-ce que la situation est désormais mieux contrôlée? Il reste encore beaucoup de zones boisées là-haut. Pourriez-vous nous décrire la situation?

M. Al-Hussein : Bien sûr, je peux vous en parler, mais la foresterie n'est pas ma spécialité. Mon expérience et ma formation sont dans un tout autre domaine. Au Canada, l'industrie forestière est assujettie à la loi et doit respecter des règles strictes concernant la quantité de bois qui peut être récoltée, la régénération des forêts, et cetera. Il y a aussi des coûts associés à tout cela. Si l'on fait une comparaison avec d'autres pays du monde, on constate que la Russie n'applique pas les mêmes règles. Nous suivons les règles prescrites et l'industrie forestière fait un excellent travail en limitant le pourcentage des coupes afin de ne pas dévaster une région. Je pense que cela est dû en partie à la gestion forestière qui permet de contrôler les coupes, de planter de nouveaux arbres et de contrôler le pourcentage d'arbres abattus. Je sais que l'industrie forestière albertaine est en bonne santé. Cependant, si vous avez vu beaucoup d'arbres en Alberta, c'est tout à l'honneur de l'industrie forestière et cela montre qu'elle gère bien cette ressource.

Je ne sais rien sur le dendroctone du pin. Je crois qu'il faut du temps froid pour éliminer cet insecte, mais, jusqu'à présent, il n'a pas fait très froid. Le mois de septembre a été le plus chaud de toute l'histoire de cette région. J'espère que le dendroctone a été éliminé, mais je n'en suis pas si sûr.

Le sénateur Fairbairn : Quand ces insectes sont arrivés dans ma région, ils n'ont pas aimé nos arbres et se sont dirigés vers le Montana. Nous ne savons vraiment pas quoi faire à ce sujet, mais nous n'y pouvons rien. Vos commentaires sont encourageants. Nous devons nous rendre dans cette région du nord de l'Alberta et c'est intéressant d'entendre vos commentaires avant d'aller sur place.

[Français]

Le sénateur Rivard : Merci, messieurs, pour vos présentations. Mes collègues ont posé de bonnes questions et ils ont eu de bonnes réponses, mais il m'en restait une en réserve que je gardais pour la fin. Le Code national du bâtiment a été modifié en 2005; est-ce que vous vous souvenez si cela a permis d'ouvrir la commercialisation du bois d'œuvre dans des constructions non commerciales? Est-ce que c'est l'effet que cela a eu en 2005 lorsque le code a été modifié?

[Traduction]

M. Al-Hussein : Je crois que les changements apportés en 2005 visaient à assouplir le code. Je ne pense pas qu'ils concernaient un produit en particulier. D'après moi, le code n'a pas été modifié en faveur des constructions commerciales. Les modifications visaient plutôt à rendre ce texte moins normatif et à ouvrir la porte aux autres méthodes. Il se rapprochait ainsi des codes européens, sans toutefois aller aussi loin.

M. Hobbs : Le code était normatif. Il l'est moins et permet l'application de normes axées sur le rendement. Il y a encore beaucoup de travail à faire et le code ne s'intéresse pas aux matériaux.

[Français]

Le sénateur Rivard : On sait qu'il y a le Code national du bâtiment mais plusieurs provinces ont leur code provincial. Je ne vous demanderai pas de passer province par province, je respecte toutes les provinces, peu importe la population, mais si on fait des comparaisons avec les provinces les plus populeuses, que ce soit l'Ontario ou le Québec, est-ce qu'il y a des différences majeures entre le Code national du bâtiment et le code provincial pour ce qui est de l'utilisation du bois d'œuvre?

M. Hobbs : Je ne suis pas au courant de tous les codes du bâtiment provinciaux. Le Code national du bâtiment est un modèle que les provinces peuvent utiliser selon leurs besoins spécifiques.

Le sénateur Rivard : Le Code national du bâtiment est là pour les inspirer.

M. Hobbs : Oui.

Le sénateur Rivard : Le code maître est le code national et les provinces prennent les éléments dont ils ont besoin?

M. Hobbs : Oui. Je ne suis pas un expert des codes. Toutefois, je crois qu'il n'existe pas beaucoup de différences en termes de bois d'œuvre.

Le sénateur Rivard : Plus tôt, le sénateur Carignan mentionnait que dans sa municipalité on a bâti, entre autres, un stade de soccer et dans sa construction on a opté pour des méthodes traditionnelles.

Dans quelques semaines, à Québec, s'ouvrira le centre de soccer Chauveau. Cet édifice sera à voir, de même que celui de Fonds d'action CSN, dont la construction est en phase finale. Il s'agit d'un édifice impressionnant de sept ou huit étages que l'on doit visiter avant que tout soit complété. Ce chantier nous rappelle certains secteurs résidentiels de la Californie. L'utilisation de la laine minérale dans cette région est plus rare étant donné le climat.

Lorsqu'on veut promouvoir l'industrie du bois, on n'a qu'à observer ces constructions en Californie, qui s'apparentent à celles que l'on voit par ici, et on vient de régler le problème du bois d'œuvre.

Des projets sont menés à terme et ce, à des prix compétitifs. Ceux-ci deviendront une vitrine pour l'implantation de d'autres projets similaires.

[Traduction]

Le sénateur Eaton : Monsieur Hobbs, êtes-vous d'accord avec M. Al-Hussein pour dire que le bois n'a pas le même prestige que la pierre ou d'autres matériaux tels que le stuc dans l'habitat urbain?

M. Hobbs : Je ne suis pas certain que j'utiliserais le terme « prestige », mais le public ne semble pas apprécier à leur juste valeur les qualités du bois, en particulier pour le revêtement extérieur. Voilà pourquoi nos maisons ont des charpentes de bois, mais utilisent d'autres matériaux, par exemple le vinyle, comme revêtement extérieur.

M. Al-Hussein : Ce sont les architectes et les municipalités qui décident de l'aspect extérieur, pas le code du bâtiment. Les municipalités ont leur mot à dire au sujet de la façade. Elles exigent par exemple qu'elles soient composées à 25 p. 100 de brique et, si l'on utilise du vinyle, il faut 20 p. 100 de brique, ou encore du stuc.

Le sénateur Eaton : Si je devais construire une maison au centre-ville de Toronto ou de Vancouver, je ne pourrais pas dire à mon architecte que je veux construire une maison en bois.

M. Hobbs : Certainement que si. Certains le font et très peu de municipalités imposent des règles sur le revêtement extérieur. La plupart des maisons sont construites par des promoteurs qui, pour la plupart, ne font pas appel à des dessinateurs ou des architectes, si bien que, la plupart du temps, les constructions résidentielles ne font pas appel à des spécialistes. Certaines résidences haut de gamme construites sur mesure, font appel à ces spécialistes et utilisent souvent le bois comme matériau de construction.

Le sénateur Plett : La Colombie-Britannique et le Québec semblent être à l'avant-garde dans ce domaine. Quelles seraient les municipalités les plus avancées? Où trouve-t-on le plus de bâtiments non résidentiels construits en bois?

M. Hobbs : C'est une bonne question. Il faudra que j'y réfléchisse. Je ne suis pas certain de savoir quelles sont les municipalités en tête dans ce domaine. Il y a de belles réalisations un peu partout en Colombie-Britannique. Je pense peut-être à Banff. Je ne suis pas certain.

Le président : Nous vous avons demandé de participer, parce que nous pensons que le moment est venu de réunir tous les intervenants afin d'examiner les solutions ou d'établir une vision d'avenir privilégiant les produits à valeur ajoutée et le bois ou le « réflexe bois ». J'aime bien votre expression « concrete thinking ». Les sénateurs Mercer et Eaton ont posé des questions sur le bois stratifié à couches croisées et sur les autres bois laminés et des témoins antérieurs nous ont déjà parlé des grands avantages que présentait le bois stratifié à couches croisées et des importants travaux de R-D auxquels se livre l'Université du Nouveau-Brunswick .

Cela étant dit, j'ai deux questions. Si vous avez d'autres renseignements à nous présenter à mesure que notre étude progressera, n'hésitez pas à le faire. Devrions-nous organiser au Canada une tribune nationale réunissant des ingénieurs, des architectes, des promoteurs, des professeurs et des gens de métier pour envisager de promouvoir l'utilisation du bois dans les constructions non résidentielles et trouver des solutions aux obstacles institutionnels à de telles utilisations? Je pense également à l'industrie forestière, ainsi qu'aux collèges ou institutions professionnelles de l'industrie du bois et de l'industrie de la construction. Que pensez-vous d'une telle proposition?

M. Al-Hussein : Ce serait probablement la meilleure chose à faire. Je vais vous donner un exemple. Depuis de nombreuses années, je fais la promotion de la construction et de l'industrialisation des unités modulaires. Tout à coup, en février, les services de santé de l'Alberta ont émis une demande de renseignements concernant la construction d'installations modulaires pour les soins aux personnes âgées. Cela s'appelle des logements avec assistance. Comme par magie, tous les entrepreneurs de la ville sont devenus des spécialistes de la construction modulaire. Je leur ai demandé quel type de constructions modulaires ils avaient déjà réalisées. À mon avis, une telle tribune stimulerait l'intérêt et focaliserait sans doute tous les intervenants. Vous seriez probablement surpris de constater le nombre de personnes qui en font la promotion, mais discrètement, dans différentes régions, sans que cela se sache. Une telle tribune permettrait de mettre les connaissances à la disposition de toutes les parties concernées. À mon avis, ce serait probablement une initiative durable. Elle pourrait même avoir une portée internationale et de nombreux pays se livrent actuellement à ce genre d'exercice. Par exemple, la Chine vient de convoquer une conférence internationale sur les sièges de toilette. Tout à coup, cela pourrait nous permettre de découvrir toutes sortes d'éléments intéressants concernant leur durabilité. À mon avis, c'est une bonne suggestion.

M. Hobbs : Je partage l'avis de mon collègue. J'aimerais qu'une telle tribune se penche sur les réussites de certains pays comme la Finlande. Je ne sais pas comment les Finlandais ont procédé, mais je sais que le bois et les produits forestiers occupent une place énorme dans un si petit pays.

Le président : Le rapport que publiera notre comité viendra apporter sa pierre au processus visant à influencer le gouvernement. Le gouvernement fédéral n'est pas le seul concerné, étant donné que la foresterie relève des compétences des provinces et des territoires, mais nous ne voulons pas soulever un débat constitutionnel sur les compétences des gouvernements provinciaux et territoriaux. Cela étant dit, nous pouvons nous intéresser à l'anneau olympique de Richmond et il y a aussi toutes sortes d'autres réussites.

Les informations que nous avons obtenues de témoins antérieurs sont contradictoires. Certains nous ont dit que l'utilisation du bois permettait de réduire les coûts de 15 à 22 p. 100. Il y a quelques instants, j'ai entendu dire que l'utilisation du bois entraînait une augmentation des coûts de 20 à 30 p. 100.

En terminant, pouvez-vous indiquer au comité comment obtenir les bons pourcentages? Les réussites ne manquent pas et nos forêts sont une de nos principales ressources renouvelables.

M. Al-Hussein : Au cours de la séance, il y a eu également des commentaires intéressants d'intervenants se demandant si la concurrence était suffisante pour entraîner une baisse des prix. Le manque de connaissances est parfois un risque coûteux. Lorsqu'on entreprend quelque chose sans avoir une bonne idée de ce qu'il faut faire, le coût de l'opération est probablement très élevé et cela peut entraîner une augmentation du coût du risque qu'il y a à ne pas acquérir les connaissances nécessaires. Voilà mon point de vue, mais il est peut-être orienté.

On m'a demandé si j'avais déjà construit des immeubles modulaires. J'en ai construit cinq en 10 jours aux États- Unis. Ce sont des bâtiments de trois étages avec un revêtement extérieur de brique et tout l'équipement. On m'a demandé quel était le coût. Ces constructions sont en effet moins coûteuses et les coûts continueront à baisser. Il y a moyen de rendre le processus plus efficient. Autrefois, le préfabriqué était très coûteux. De nos jours, c'est un matériau très économique parce qu'on a appris à produire des matériaux de bonne qualité de façon efficiente. Les erreurs permettent de faire baisser les coûts. Il y a quelques années, les premières télévisions à écran au plasma coûtaient 15 000 $. Actuellement, on peut en acheter une pour 500 $ et cette différence de prix s'explique par les erreurs qui ont été faites aux premières étapes de développement. C'est une opinion personnelle.

Le président : Monsieur Hobbs, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Hobbs : Est-ce que votre question concernait le coût des bâtiments commerciaux construits en bois?

Le président : C'est exact.

M. Hobbs : Je suis sûr qu'il serait facile d'obtenir ces données dans le cas des bâtiments qui ont été construits, soit à partir du coût réel, des économistes en construction, du Journal of Commerce ou du Daily Commercial News. Cependant, dans le cas des édifices publics en particulier, les coûts de construction sont publiés et il suffirait par conséquent de se pencher sur ces données pour vérifier quels sont les coûts des éléments en bois par rapport à ceux des autres types de construction.

[Français]

Le président : Ce fut un plaisir de vous entendre au comité ce soir. Nous avons apprécié les commentaires que vous avez portés à notre attention.

[Traduction]

(La séance est levée.)


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