Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 12 - Témoignages du 26 novembre 2009
OTTAWA, le jeudi 26 novembre 2009
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 8 h 6 pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, je constate que nous avons le quorum et je déclare donc la séance ouverte.
[Français]
Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
[Traduction]
À titre de président du comité, je souhaite la bienvenue aux témoins du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je m'appelle Percy Mockler, je suis sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité. Je vais d'abord demander à mes collègues de se présenter, en commençant à ma gauche.
Le sénateur Mercer : Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Fairbairn : Je suis le sénateur Joyce Fairbairn, de Lethbridge, en Alberta.
[Français]
Le sénateur Poulin : Bonjour à vous. Je m'appelle Marie Poulin et je représente le nord de l'Ontario au Sénat.
[Traduction]
Le sénateur Finley : Je suis Doug Finley, de l'Ontario.
Le sénateur Plett : Je suis Don Plett, du Manitoba.
Le sénateur Eaton : Bonjour, et merci d'être venus. Nicky Eaton, de Toronto.
[Français]
Le sénateur Rivard : Bonjour, je suis le sénateur Michel Rivard représentant le district Laurentides, au Québec.
Le président : Le comité continue son étude sur l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.
[Traduction]
Aujourd'hui, nous nous intéressons à l'utilisation du bois dans l'industrie de la construction non résidentielle. Je sais que le comité s'est rendu dans diverses régions du Canada. Avec les témoins que nous accueillons aujourd'hui, nous échangerons évidemment de l'information et nous poserons des questions afin d'étudier le secteur forestier du Canada et de trouver des moyens d'aider tous les intervenants à accroître leur utilisation du bois.
Nous accueillons Gerrie Doyle, présidente de l'Ordre des architectes de l'Ontario, et Thomas Mueller, président et PDG du Conseil du bâtiment durable du Canada.
Merci d'avoir accepté notre invitation à comparaître ce matin devant le comité. Je vais vous demander maintenant de nous présenter vos déclarations préliminaires. On me dit que Mme Doyle va commencer. L'exposé sera suivi de questions et d'échanges de vues avec les membres du comité.
Gerrie Doyle, présidente, Ordre des architectes de l'Ontario : Merci, monsieur le président. Je vais d'abord vous présenter l'Ordre des architectes de l'Ontario. C'est une association autoréglementée qui représente environ 2 800 architectes autorisés en Ontario. Nous comptons aussi 1 500 cabinets parmi nos membres.
L'Ordre réglemente ses membres et défend leurs intérêts. Je suis actuellement présidente de l'association, et tous les membres de notre conseil remplissent bénévolement des mandats d'au moins trois ans.
Je vais commencer par une anecdote concernant un projet auquel j'ai participé ici, à Ottawa, à l'Aéroport international d'Ottawa. Lorsque nous avons commencé le projet, par la démolition du premier hangar jamais construit à l'aéroport d'Ottawa, nous avons découvert qu'il contenait de grosses poutres de bois. Elles mesuraient 14 ou 18 pouces de largeur et 24 ou 28 pouces de profondeur — du bois plein, provenant des forêts anciennes de sapin de Douglas en Colombie- Britannique. Avec l'architecte, Michael Green — je crois qu'il a aussi présenté un exposé dans le cadre de vos audiences — nous avons pensé qu'il serait merveilleux d'utiliser ce bois à cet endroit particulier. Pour ceux d'entre vous qui sont déjà passés par l'aéroport, c'est du côté est, du côté des rampes qui mènent aux portes d'embarquement impaires.
Cette idée est à l'origine d'un long projet qui a duré presque un an. Nous voulions utiliser le bois du côté est du terminal pour les contreventements. Notre premier problème a été de trouver un inspecteur du bois pour approuver et classer ces poutres. C'est une question subjective qui ne devrait pas l'être; il devrait exister des normes au pays pour classer ce bois.
Lorsque nous avons finalement réussi à franchir cet obstacle, il nous a fallu trouver une scierie qui pouvait travailler des poutres de cette taille et leur donner un fini pour que nous puissions les utiliser. Nous ne voulions pas les décaper au jet de sable, seulement les poncer.
Nous avons cherché partout en Ontario et au Québec. Aucune scierie ne pouvait traiter de bois ayant ces dimensions.
Nous avons finalement trouvé une scierie aux États-Unis. Tout était prêt. Quelqu'un a suggéré d'appeler le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, le MAECI, car si rien n'empêchait d'envoyer ce bois à l'étranger, son retour risquait de présenter des difficultés.
L'accord s'appelle Accord sur le bois d'œuvre résineux et il fait partie de l'Accord de libre-échange nord-américain. Je me suis adressée au plus haut responsable au MAECI, et le ministère ne pouvait rien faire. Nous ne pouvions pas utiliser ce bois; nous ne pouvions pas l'envoyer aux États-Unis pour ensuite le ramener.
Nous avons fini par l'utiliser pour les comptoirs des boutiques, à l'aéroport. Il a été réduit à moins du quart de sa taille. La plupart des pièces ont été vendues. Certaines ont été achetées par un architecte local qui les a utilisées dans son chalet, pour la charpente. Cette anecdote me semble toutefois bien triste. Ce bois provenait d'une ancienne forêt de sapins de Douglas. On n'en trouve plus ici, au Canada.
Le MAECI ne pouvait pas autoriser son retour en raison d'une règle voulant que s'il est impossible de produire un certificat d'authenticité délivré par la scierie d'où provient le bois, nous ne pouvons pas le ramener. Évidemment, cette scierie aurait eu bien plus de 60 ans et elle n'existait plus.
Voilà ma triste histoire au sujet de l'Aéroport international d'Ottawa.
Je reviens au début. Pendant que je parle, je vais laisser les images défiler en fond de scène. Ce sont des photos de projets primés par l'Ordre des architectes ces dernières années, des projets qui ont été réalisés en bois et qui ont été utilisés. Ils ont été honorés après l'histoire de l'aéroport.
Un certain nombre de leçons ont été tirées de l'aéroport d'Ottawa. Le Canada possède certaines des plus belles forêts du monde, mais il n'a pas de scieries en mesure de travailler certaines dimensions de bois d'œuvre, certainement pas partout au pays. La majorité de notre bois d'œuvre est débité et utilisé pour les ossatures en bois dans le domaine de la construction domiciliaire. Des arbres entiers sont souvent expédiés à l'extérieur du pays, aux États-Unis, pour produire du bois d'œuvre de grandes dimensions. Le Canada devrait étudier ce que font les autres pays et voir comment ces pays utilisent leurs propres ressources.
Je vais maintenant traiter de la situation actuelle au Canada. La construction résidentielle de hauteur moyenne et de grande hauteur a généralement été limitée à des ossatures d'acier ou de béton. L'ossature des bâtiments d'habitation est généralement constituée d'une combinaison de charpente en bois ou de gros bois d'œuvre. Les combinaisons de ces systèmes de charpente englobent la maçonnerie porteuse, et presque toute la construction résidentielle fait appel à l'ossature à plateforme. Au Canada, nous nous servons rarement du bois pour l'extérieur des maisons. Nous n'avons pas de logements polyvalents comme la Scandinavie.
Avec l'adoption de nouveaux codes nationaux du bâtiment fondés sur le rendement ou les objectifs ainsi que l'apparition, dans le monde entier, de produits et systèmes structuraux innovateurs utilisant le bois, plusieurs immeubles en hauteur ont été conçus et construits en bois à l'étranger. Il existe de beaux exemples où l'innovation a permis de repousser les limites.
Un ensemble de cinq immeubles d'habitation à huit étages, en bois d'œuvre, a été construit récemment en Suède. Un immeuble d'habitation de neuf étages utilisant des panneaux de bois stratifié croisé a aussi été construit à Londres, en Angleterre.
Le nouveau Code national du bâtiment du Canada, en 2005, reconnaissait des solutions acceptables et des solutions de rechange qui facilitent et encouragent l'utilisation d'innovations technologiques, pourvu que le niveau de rendement attendu — ce que nous appelons les objectifs — est avéré et atteint.
Quels sont les obstacles institutionnels et techniques qui entravent la construction de bâtiments commerciaux en bois? Nos codes du bâtiment nous limitent encore pour ce qui est des dimensions des bâtiments à charpente en bois. À l'heure actuelle, nous ne pouvons pas construire de bâtiments combustibles de plus de cinq étages au Canada. Le Code national du bâtiment exige que des sprinkleurs soient installés dans les constructions de plus de trois étages, mais on n'a pas vraiment relâché les exigences relatives à la construction en hauteur lorsqu'une structure de bois est utilisée.
Lorsque les sprinkleurs ont été exigés dans les bâtiments, par exemple dans les tours d'habitations, on a insisté sur la grande fiabilité des sprinkleurs. Si les sprinkleurs sont si fiables et si efficaces, il semblerait raisonnable d'autoriser la construction de bâtiments à charpente en bois de plus grande hauteur.
Je vais maintenant traiter de certains des problèmes et des écueils que présente l'utilisation du bois dans la construction commerciale, et des changements qui, selon nous, devraient être apportés au code. Nous devrions autoriser la construction de bâtiments en bois plus hauts, disons de six étages, ou de neuf étages comme en Europe. Un projet de bâtiment de six étages avec sprinkleurs utilisant le bois a été proposé récemment en Colombie-Britannique
La charpente en bois peut bien sûr réduire l'empreinte carbonique, mais les études ont en outre montré que l'utilisation du bois entraîne aussi des économies d'énergie pendant toute la vie utile du bâtiment, car ce matériau offre une excellente isolation thermique. De fait, le bois est 15 fois plus efficace que le béton, 400 fois supérieur à l'acier et 1 700 fois supérieur à l'aluminium.
En Suède, les tours d'habitations à charpente de bois s'avèrent plus économiques et plus rapides à construire que des immeubles équivalents en béton ou en acier. Elles sont aussi beaucoup mieux cotées par les locataires qui ont déjà vécu dans des appartements en béton.
Dans les laboratoires de Cardington, au Royaume-Uni, et à l'Université de Lund, en Suède, on a réalisé des études poussées au sujet de la combustibilité, de l'acoustique, du mouvement différentiel, des coûts de construction et des effondrements disproportionnés. La principale préoccupation des responsables du bâtiment a été la résistance au feu, mais cette préoccupation semble maintenant calmée. La formulation de règlements applicables aux bâtiments en termes de rendement plutôt que de prescription a eu des effets très positifs pour le bois dans cette application. La recherche et développement et la mise au point de produits forestiers perfectionnés, en particulier en Scandinavie et en Finlande sont beaucoup plus avancés, malgré la taille relativement modeste de ces économies.
Il est important d'élaborer et de promouvoir de nouveaux produits et technologies dans le domaine forestier et de promouvoir la conception de grande qualité auprès des architectes canadiens et étrangers. Il nous faut promouvoir les concepts utilisant le bois à l'extérieur de l'industrie, les faire connaître au grand public. Parmi les exemples récents nous pouvons mentionner le Musée des beaux-arts de l'Ontario, le Centre régional des sciences de la santé de Thunder Bay et les hôpitaux Trillium, les premiers hôpitaux de cette taille à faire autant appel au bois.
Vous constaterez qu'il y a dans nos diapositives des images du Centre régional des sciences de la santé de Thunder Bay.
Il est nécessaire de modifier les codes du bâtiment pour que nous puissions utiliser le bois dans la construction d'un plus large éventail de bâtiments. Le Code du bâtiment de la Colombie-Britannique a récemment été modifié pour autoriser la construction de certains types de bâtiments combustibles jusqu'à une hauteur de six étages. Ce changement est récent et nous n'avons donc pas encore de données sur ses effets. Les codes actuels du bâtiment exigent que les bâtiments de plus de quatre étages soient non combustibles.
Quant à savoir si nos architectes ont la formation et les compétences voulues pour concevoir des charpentes qui utilisent le bois, je pense que, comme vous le voyez sur nos diapositives, les architectes sont parfaitement en mesure de concevoir et de construire des bâtiments en bois.
Thomas Mueller, président et chef de la direction, Conseil du bâtiment durable du Canada : Je représente le Conseil du bâtiment durable du Canada, une organisation nationale sans but lucratif qui encourage les pratiques écologiques dans le secteur du bâtiment au Canada. Nous comptons actuellement 2 300 organisations membres qui reflètent l'ensemble de l'industrie du bâtiment au Canada. Nous avons des projets et des sections dans toutes les régions du pays, et au cours des cinq dernières années nous avons mis en chantier environ 250 millions de pieds carrés de projets écologiques qui font appel à nos processus.
Je veux vous parler ce matin de la durabilité et des qualités environnementales du bois dans la construction.
La donne a changé pour l'industrie forestière au Canada. Les rapports récents montrent qu'environ 50 p. 100 des émissions de carbone sont liées à la construction et à l'exploitation des bâtiments. L'exploitation correspond à environ 30 ou 35 p. 100 des émissions, et l'énergie grise et les matériaux de construction sont responsables pour environ 15 à 18 p. 100. L'industrie forestière et les produits du bois s'inscrivent dans ce nouveau contexte et dans ce nouveau marché.
Les bâtiments et les habitations durables sont de plus en plus considérés comme normaux au Canada et dans le monde. Sur le marché, la demande dépasse l'offre de produits de bois durables. De nombreux concepteurs et constructeurs veulent utiliser ces produits, mais leur disponibilité est limitée sur le marché canadien. J'y reviendrai. Il y a la concurrence de l'acier et des produits en béton, qui sont bien positionnés dans l'industrie du bâtiment durable. Ces industries font valoir les qualités écologiques de leurs produits. Dans le cas de l'acier, les produits écologiques ont un contenu recyclé. Pour le béton, on utilise la cendre volante de préférence au béton pour réduire l'empreinte carbonique.
L'industrie forestière a connu de nombreux changements en termes de pratiques de gestion durables des forêts, au pays et à l'étranger, mais à l'heure actuelle l'industrie forestière canadienne n'est pas reconnue comme un chef de file dans ce domaine. Ce n'est pas qu'elle ne fait pas de progrès, mais ses progrès ne sont tout simplement pas reconnus dans un contexte de commercialisation.
D'après l'American Institute of Architects, l'AIA, les bâtiments sont responsables de 48 p. 100 des émissions de carbone en Amérique du Nord. Ce pourcentage est important. Il nous offre aussi une belle occasion d'utiliser les bâtiments, et les produits et solutions appliqués à la construction des bâtiments, pour réduire nos émissions de carbone.
J'ai assisté à la conférence Ecobuild 2008, à Londres, en 2008. Il s'agissait de la plus importante conférence consacrée au bâtiment durable en Europe, et de 30 000 à 35 000 personnes y assistaient. Le thème en était la réduction des émissions de carbone. La UK Timber Frame Association commercialisait les produits qu'elle a mis au point pour réduire le carbone. Le Canada était aussi présent à ce salon, mais il n'a pas fait valoir les avantages environnementaux de ses produits. Plutôt que de souligner les avantages environnementaux, le Canada a préféré insister sur l'immensité de ses forêts, sur la quantité de bois que nous récoltons et sur la proportion qui est de propriété publique.
Quelle est la voie de l'avenir? Quels sont les avantages des produits du bois sur le marché? Les produits du bois qui proviennent de forêts gérées de façon durable sont une ressource renouvelable. Ce sont des puits de carbone. Le bois emprisonne le carbone, ce qui est une fonction importante à l'heure actuelle; le bois peut être recyclé et entrer dans d'autres produits; il peut être réutilisé, comme ma collègue l'a signalé; le bois peut remplacer des matières à plus forte teneur en carbone; et le bois peut aussi être une énergie renouvelable dans les installations fonctionnant à la biomasse.
La demande mondiale de produits forestiers qui proviennent de forêts gérées de façon durable est de plus en plus importante. Actuellement, le Canada utilise trois systèmes de certification forestière : le Forest Stewardship Council — Canada, le FSC; l'Association canadienne de normalisation; la Sustainable Forest Initiative, une initiative américaine.
Si je comprends bien mes collègues du Conseil canadien du bois, le Canada possède la plus vaste superficie certifiée au monde. Pour entrer dans ce nouveau marché de la viabilité, il importe que le Canada utilise un système de gestion des forêts reconnu sur la scène internationale, afin de bien positionner le bois canadien dans le contexte international.
Le bois est le seul matériau structurel naturel qui est produit grâce à l'énergie du soleil. Cet avantage est extraordinaire, si on pense à l'acier et au béton. L'acier et le béton dégagent d'importantes émissions de carbone. Le bois emprisonne le carbone, et c'est le seul matériau naturel utilisé en construction. Cet aspect n'a pas été suffisamment souligné par l'industrie.
Les produits du bois sont formés à 50 p. 100 de carbone, en termes de masse. La maison type à charpente en bois représente des émissions cumulatives de 30 tonnes de carbone. Cette quantité de carbone correspond à ce qu'émet une voiture modérément utilisée pendant cinq ans. Le bois que nous utilisons stocke une grande quantité de carbone, il stocke ou peut stocker ce carbone dans les bâtiments pour de longues périodes. Cela est fonction de la longévité du bâtiment et de ce que nous faisons du bâtiment quand celui-ci arrive à la fin de sa vie utile.
Cela m'amène aux déchets de construction et de démolition. Au Canada, environ 1 p. 100 du parc immobilier est démoli chaque année. Les rebuts de démolition représentent de 30 à 40 p. 100 des déchets municipaux au Canada. Le bois constitue environ 80 p. 100 des déchets de construction et environ 50 p. 100 des déchets de démolition. Moins de 10 p. 100 de ces rebuts de bois sont récupérés ou recyclés. Le reste finit généralement dans les décharges.
Nous pouvons stocker du carbone dans le bois pendant un certain nombre d'années, mais quand nous enfouissons le bois dans les décharges où il se décompose, le carbone est libéré. La construction en bois retarde l'émission de carbone, mais elle n'élimine pas le problème. Les constructeurs et l'industrie forestière pourraient donc améliorer la gérance des produits du bois parvenus à la fin de leur vie utile.
Une partie du bois est recyclée, mais principalement à des fins marginales — comme couche finale de recouvrement des décharges, pour construire des routes ou comme combustible. Nous aurions la possibilité d'intensifier la récupération et la réutilisation du bois. Dans tout le pays, il existe de nombreuses applications qui peuvent faire usage des matériaux récupérés. Des fermes en bois et des poutres en lamellé ont été utilisées dans des applications structurelles, mais le code du bâtiment ne favorise pas ce genre de recyclage. Il exige une reprise et un réaménagement de la charpente. En règle générale, il n'y a pas de norme nationale pour le reclassement du bois et du bois d'œuvre que les ingénieurs structuraux pourraient utiliser pour refaire des fermes, et cetera. Tout est fonction de l'interprétation personnelle et du risque que les ingénieurs en structure sont prêts à courir pour intégrer ces matériaux dans les bâtiments.
De plus en plus, on retransforme les matériaux, par exemple les poutres en lamellé-collé qui sont débitées pour être utilisées dans les recouvrements de sol et d'autres applications. Les entrepreneurs utilisent les technologies existantes pour recycler ces matériaux, mais s'il y avait de meilleures technologies, des investissements dans des études de technologie ou de marché, je crois que cette transformation secondaire serait beaucoup plus fréquente que maintenant.
À Vancouver, un bâtiment primé a été construit avec 80 p. 100 de matériaux récupérés, principalement du bois. Toute la structure est constituée de matériaux récupérés et de conception élaborée.
Le bois a également un effet de substitution. Si nous utilisons des produits du bois plutôt que des produits qui ont plus d'impact, comme l'acier et le béton, les émissions de carbone dans l'atmosphère diminuent. Un mètre cube correspond en moyenne 1,1 tonne de carbone.
Un certain nombre de projets figurant dans les prochaines diapositives sont considérés comme des bâtiments écologiques. Le Conseil du bâtiment durable du Canada administre le système de cotation des bâtiments écologiques LEED, Leadership in Energy and Environmental Design, au Canada. À Merritt, en Colombie-Britannique, il y a un bâtiment certifié LEED platine. Le bâtiment de Parcs Canada que l'on voit sur cette diapositive a été notre premier bâtiment platine. Et sur cette diapo, cette structure en bois a obtenu la plus haute cote. Elle est faite en bois de la Colombie-Britannique.
Un collectif d'habitations construit à Calgary a également obtenu la cote LEED platine. Il s'agit d'un édifice à charpente en bois qui utilise également le bois dans ses applications architecturales. Stratus Winery, à Niagara-on-the- Lake est un bâtiment LEED argent. Le bois a été largement utilisé à l'extérieur.
Pour terminer mon exposé, je vous ferai remarquer que la prochaine génération de bâtiments écologiques est déjà ici. Ces bâtiments sont construits de bois de sorte qu'ils ont un effet neutre ou négatif en termes de carbone.
Le Centre for Interactive Research on Sustainability, à l'Université de la Colombie-Britannique, est sans doute le plus bel exemple de bâtiment écologique au Canada à l'heure actuelle. Il est encore en construction. L'objectif est d'en faire un bâtiment négatif en termes de carbone. Il est doté d'une charpente de bois préfabriquée et il présente toutes sortes de caractéristiques, mais je m'intéresse surtout à ce qui touche le bois. Les concepteurs ont calculé que cette construction en bois stockerait 600 tonnes de carbone.
Au total, 525 tonnes de ce carbone viendront du transport des matériaux et, d'après le bilan de carbone complet, les concepteurs prédisent un gain net de 75 tonnes de carbone sur le chantier. Cette réduction est une bonne nouvelle pour le bois, et il faut la diffuser à grande échelle. Un autre projet innovateur est le Dockside Green, un important lotissement à Victoria, en Colombie-Britannique, qui a obtenu la plus haute cote LEED dans le monde, la certification platine, pour la phase un de sa réalisation. La particularité du projet est qu'il utilise des déchets de bois dans ses installations de chauffage à biomasse pour chauffer le projet. Ce projet abritera entre 5 000 et 6 000 personnes lorsqu'il sera terminé. Les déchets de bois sont convertis en chaleur par un processus de gazéification qui ne dégage aucune émission de carbone. Le processus de gazéification paralyse les bactéries et génère de la chaleur sans dégager de carbone. Ce processus constitue une excellente utilisation des rebuts du bois. Il y a peu de projets de ce genre au pays.
Pour un bâtiment type qui répond à la norme ASHRAE 90.1 (2004), cette démarche permet aux concepteurs de réduire les émissions de carbone et l'utilisation d'énergie de 58 p. 100 à l'étape de la conception du bâtiment. Les normes ASHRAE sont élaborées par l'American Society of Heating, Refrigerating and Air-Conditioning Engineers. Et en faisant appel à une technologie de production de chaleur renouvelable basée sur une centrale de gazéification de biomasse, les concepteurs réduisent d'encore 21 p. 100 les émissions de carbone. En outre, 21 p. 100 du carbone qui reste est acheté sous la forme de certificats d'énergie verte de B.C. Hydro. Le projet parvient donc à la neutralité sur le plan carbonique. La centrale à biomasse qui utilise les rebuts de bois apporte une importante contribution, indépendamment du concept, car le bois entre dans la construction de nombreux bâtiments.
Pour terminer, je dirais que pour promouvoir l'utilisation du bois dans les bâtiments écologiques, il faudrait modifier le code du bâtiment, en particulier pour la réutilisation des matériaux, mieux gérer les matériaux à la fin de leur vie utile, et investir dans des technologies qui recyclent le bois pour l'intégrer à d'autres produits. Il y a très peu de produits à faibles émissions contenant du bois recyclé sur le marché à l'heure actuelle. Ces produits n'utilisent aucun produit chimique dans les liants et les finitions, ils sont donc très en demande dans le nouveau contexte des bâtiments écologiques, mais il n'y en a pas suffisamment.
Il est important d'utiliser les rebuts de bois dans les installations de gazéification, car le bois est une source d'énergie renouvelable. Par ailleurs, cela crée un marché intéressant pour le secteur forestier, à condition de bien se positionner sur le marché international, compte tenu des qualités écologiques du bois.
Le sénateur Mercer : Madame Doyle, vous nous avez terriblement déprimés. Voilà que nous ne sommes même plus capables de scier notre bois! Votre description des efforts déployés pour tenter de réutiliser le bois provenant de l'ancien terminal de l'aéroport d'Ottawa, qu'il fallait démolir, montre bien à quel point les gouvernements peuvent se nuire les uns les autres et empêcher les gens de faire du bon travail.
Vous avez dit qu'il n'y avait pas de scieries au Canada pour vous aider, et que pour pouvoir utiliser les poutres vous auriez dû aller aux États-Unis. Évidemment, là aussi, nous inventons les obstacles.
La solution serait d'avoir ici même au Canada des scieries qui peuvent accomplir ce genre de travail. Comment le gouvernement peut-il s'engager dans ce dossier? Je suis un libéral, je ne m'oppose pas à l'intervention du gouvernement, mais j'ai de la difficulté à comprendre quel genre d'encouragements le gouvernement pourrait offrir à l'entreprise privée pour qu'elle ouvre de telles scieries. Nous convenons tous qu'il serait nettement préférable d'effectuer le travail au Canada, mais comment pouvons-nous encourager l'industrie?
Mme Doyle : Nous avons trouvé des scieries, il y en a même une tout près, à Manotick. Toutefois, ces scieries n'avaient pas les machines nécessaires pour travailler le bois d'œuvre de grandes dimensions. Elles traitent uniquement le petit bois d'œuvre. Au Canada, on semble vouloir principalement prendre de grosses pièces de bois pour les réduire en bois convenant aux ossatures à plateforme, et selon moi c'est une honte. Le Canada a les plus belles forêts au monde et produit de grandes pièces de bois d'œuvre. Pourtant, nous n'avons pas de scieries capables de travailler le bois de cette taille, alors on le coupe en morceaux plus petits. Par le passé, la scierie locale de Manotick avait accepté du bois des anciens hangars de l'aéroport d'Ottawa et l'avait utilisé pour reconstruire sa structure. Toutefois, le bois avait été poncé au jet de sable, ce qui donne un fini tout à fait différent.
Lorsque nous avons parlé aux responsables là-bas, ils nous ont dit qu'ils étaient sur le point d'acheter, d'ici un an ou deux, une nouvelle machine qui pourrait travailler ce bois d'œuvre de grandes dimensions. L'aéroport a offert de payer la moitié du coût de l'équipement pour qu'on l'achète immédiatement, parce que cela aurait fait une excellente publicité et aurait été bon pour l'économie locale. Les responsables de la scierie ont refusé, et nous ne sommes pas parvenus à les faire changer d'avis. Le gouvernement pourrait promouvoir l'utilisation écologique du bois d'œuvre de grandes dimensions au Canada plutôt que d'expédier ce bois aux États-Unis pour le transformer.
Le sénateur Mercer : Madame Doyle, vous avez dit que les écoles d'architecture du pays étaient en mesure d'utiliser des produits du bois pour les bâtiments non commerciaux. Est-ce qu'il existe dans les écoles d'architecture des programmes précis qui traitent des utilisations non conventionnelles du bois? Nous essayons de nous rééquiper pour repenser notre utilisation du nouveau bois et du bois recyclé afin de tirer le maximum de cette ressource. Y a-t-il des programmes précis qui sont offerts dans les écoles d'architecture?
Lorsque nous avons posé cette question à d'autres témoins, la réponse n'a pas été positive.
Mme Doyle : Oui, les architectes apprennent depuis toujours à utiliser tous les matériaux de la meilleure façon possible. Nous continuons à suivre des cours tout au long de notre carrière. Nous suivons des cours sur le système LEED et nous encourageons la participation au programme américain 2030 Challenge ainsi que l'application de concepts durables. Nous sommes beaucoup plus avancés que nombre d'autres professions pour ce qui est de savoir ce qui se passe dans le reste du monde et d'y être exposés. Nous n'avons pas d'inquiétudes quant à la capacité des architectes d'utiliser ces produits. La solution est plutôt liée au code et aux efforts de promotion déployés par le gouvernement.
Le sénateur Mercer : Monsieur Mueller, vous avez abordé de nombreuses questions, et votre exposé était fort intéressant. Si nous devions formuler une recommandation pour faire avancer les choses, maintenant, en tant que pays, qu'est-ce que cette recommandation devrait être, selon vous?
M. Mueller : Il faudrait vraiment recommander de se lancer dans la fabrication de produits du bois à valeur ajoutée au Canada, pour le marché canadien, en intégrant des éléments environnementaux. Les architectes et les concepteurs sont prêts à utiliser ces matériaux, mais l'offre n'est pas suffisante.
Par produits à valeur ajoutée, j'entends des produits qui contiennent des matières recyclées, des produits que nous appelons « à faibles émissions » et qui n'incorporent pas de produits chimiques lorsqu'on les applique à l'intérieur, qui ne polluent pas l'air intérieur; des matériaux qui sont récupérés; des matériaux qui peuvent être utilisés dans les applications structurales. Cela nous ramène au volet carbone, qui peut être utilisé dans les applications structurales plutôt que l'acier et le béton.
Je crois que s'il y avait plus de produits sur le marché, les architectes les utiliseraient, et les ingénieurs aussi. Toutefois, il n'y a pas suffisamment de ces produits sur le marché. Cela vaut aussi pour l'aménagement intérieur — les parties latérales, les bureaux, ce genre de choses. Il existe un vaste marché — non pas un marché national, mais un marché international et en croissance — pour ce genre de produits, et nous n'en produisons pas suffisamment.
Le sénateur Plett : Merci d'être venu et de nous avoir présenté un exposé fascinant. Mon collègue a dit que parce qu'il était libéral il n'était pas opposé aux interventions gouvernementales. Je suis conservateur et je suis moins enclin que lui à laisser le gouvernement s'engager. Toutefois, j'ai eu l'occasion de voyager avec lui et d'admirer de nombreuses forêts, et nous collaborons pour trouver des solutions à certains de nos problèmes.
Plus tôt, cette semaine, nous avons fait une excursion très intéressante à Québec. Nous avons visité trois édifices; l'Université Laval a un bâtiment qui fait environ 90 000 pieds carrés. Le code du bâtiment ne permettait pas de construire plus de 40 000 pieds carrés, alors les concepteurs ont placé un mur de béton au milieu et érigé deux bâtiments qui couvrent un total de 90 000 pieds carrés, entièrement faits de bois. C'est une structure extraordinaire, un édifice de deux étages où tout est littéralement fait de bois.
Nous nous sommes ensuite dirigés vers le centre-ville et nous avons vu un ensemble de bureaux de six étages qui est encore en construction. Là aussi, les constructeurs avaient un peu repoussé les limites du code et obtenu une autorisation spéciale du gouvernement du Québec et de la ville de Québec pour construire un bâtiment de six étages presque entièrement en bois. Nous avons également vu un stade de soccer fait de bois. Il existe de nombreux bâtiments construits en bois, comme vous nous l'avez montré ici.
Je vous le dis parce que, sans vouloir vous manquer de respect, je crois que nous avons entendu bien des points de vue distincts sur ce qu'est la nature véritable du problème. Pour certains, c'est que nous n'avons pas les scieries pour faire le travail voulu et que la demande est supérieure à l'offre, comme l'a soutenu M. Mueller. Les codes du bâtiment créent aussi des problèmes; et certains architectes sont venus nous dire qu'ils ne recevaient pas une formation suffisante. Vous nous affirmez aujourd'hui que la formation est bonne.
Un argument que je n'avais jamais entendu auparavant m'a été présenté par l'architecture du stade de soccer. En passant, je vous signale qu'il a aussi conçu une patinoire de hockey à Québec qui sera faite entièrement de bois. L'idée n'est pas nouvelle; nombre de petits stades ont été construits en bois, mais celui-ci est beaucoup plus vaste.
Un peu comme le sénateur Mercer, je lui ai demandé pourquoi nous n'utilisions pas plus le bois dans la construction. Il m'a dit qu'il utilisait du bois que l'on n'utilise généralement pas. Il prend le haut des arbres pour faire des poutres; il utilise des poutres en lamellé-collé — des planches de un sur deux lamellées ensemble, et le faîte des arbres. Il y a quelques années, cette partie de l'arbre aurait été laissée dans la forêt et aurait fini par accroître les risques d'incendie, par exemple.
Lorsque je lui ai demandé quelle était la principale raison pour laquelle nous n'avions pas plus de bâtiments en bois, il m'a répondu que c'était la main-d'œuvre. Il a dit qu'au Québec, seulement deux entrepreneurs pouvaient mener à bien la construction de ce stade et du stade de soccer. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cela.
L'autre problème, c'est encore l'éducation; je crois, et j'aimerais connaître votre opinion là-dessus. La semaine dernière, j'assistais à une réception de collecte de fonds à Winnipeg et j'étais assis avec une personne que je considère comme le plus important entrepreneur général de la ville et avec une autre connaissance, un entrepreneur général dont l'organisation est plus modeste. Ces deux entrepreneurs m'ont présenté un argument que j'aurais soutenu il y a deux mois encore : les risques d'incendie.
Je suis convaincu que nous avons déjà beaucoup fait et qu'il reste encore beaucoup à faire. Les poutres dont vous parliez sont probablement sûres pour ce qui est des incendies. Toutefois, ces deux entrepreneurs généraux ne le savent pas. Ils pensent encore que l'acier est plus sûr que le bois.
Personne ne pourra me convaincre que l'acier ou le bois sont plus sûrs que le béton. Je crois toujours, en matière d'incendie, que ce qui est construit en béton ne risque pas de brûler, de fondre ni de s'écrouler. Toutefois, j'ai maintenant la conviction que le bois est plus sûr que l'acier.
Je vous demande de traiter de ces deux aspects. Premièrement, que pensez-vous de la disponibilité de la main-d'œuvre, parce que vous parliez d'offre et de demande? Cet architecte a dit qu'il ne pouvait pas trouver suffisamment d'ouvriers pour construire ce qu'il voulait dessiner. Deuxièmement, comment pouvons-nous informer les entrepreneurs, les promoteurs, et cetera, et les convaincre qu'ils doivent construire en bois? Honnêtement, je ne crois pas que la solution puisse venir d'une simple intervention gouvernementale.
Mme Doyle : Je vais répondre d'abord à votre première question. Pour ce qui est de la main-d'œuvre, c'est un point intéressant. Je n'y avais pas pensé. Vous avez sans doute raison, mais le problème n'est pas seulement le manque de main-d'œuvre. À l'heure actuelle, nous avons des pénuries de main-d'œuvre dans bien des métiers spécialisés, y compris la maçonnerie. Je pense que la main-d'œuvre et la formation de la main-d'œuvre pour construire avec du bois... tous ces problèmes disparaîtront quand nous construirons plus de bâtiments en bois.
À mon avis, les bâtiments en bois sont rares. Vous en avez vu quelques exemples à Québec, mais il faut déployer bien des efforts pour réussir à obtenir les permis nécessaires pour construire avec du bois. Les bâtiments de bois ne sont pas la norme. Ils devraient être mieux acceptés, recevoir un meilleur traitement dans le code du bâtiment.
Je suis tout à fait d'accord avec vous, le béton est beaucoup plus sûr que l'acier et le bois, mais un solide montant de bois est sans doute aussi sûr que l'acier. Quant aux entrepreneurs qui parlaient de combustibilité, la combustibilité du bois, c'est un mythe que nous entretenons depuis de nombreuses années.
Le sénateur Plett : Comment pouvons-nous nous en débarrasser?
Mme Doyle : Il faut commencer à construire des bâtiments qui dureront pendant des années et des années. Je crois que nous pourrions extirper ce mythe si le Code national du bâtiment acceptait que l'on construise de grands bâtiments à charpente en bois. Cette acceptation ferait beaucoup pour éliminer les préjugés, parce que, au Canada, le code est perçu comme une sorte de bible en matière de sécurité. Si le Code national du bâtiment acceptait que des bâtiments plus élevés soient faits de bois, cela aurait beaucoup d'impact, selon moi.
Le sénateur Plett : Monsieur Mueller, avant d'écouter votre réponse, je dois vous dire que cet entrepreneur général est originaire d'Europe, où l'on utilise beaucoup plus le bois qu'ici dans les bâtiments. Donc, sa réponse me paraît un peu étrange.
Je voulais aussi préciser qu'on nous a en outre dit qu'à l'heure actuelle, avec les matériaux disponibles, nous construisons seulement environ 15 p. 100 de ce qui pourrait être construit, même sans modifier les codes du bâtiment en vigueur. Nous pourrions faire beaucoup plus avec les codes du bâtiment que nous avons. Nous pourrions utiliser le bois pour construire quatre fois plus d'immeubles non résidentiels que ce que nous construisons, si nous le voulions.
Est-ce qu'il n'y a pas une contradiction dans cela?
Mme Doyle : Il y a une légère contradiction. Oui, nous pouvons construire des bâtiments uniques, et nombre de ces bâtiments sont uniques. Ce sont de grands espaces d'un seul étage. Le code nous limite en ce qui a trait au nombre d'étages que nous pouvons construire en bois. Nous ne pouvons pas construire en bois des bâtiments de plus de quatre étages au Canada.
Le sénateur Plett : Non, à moins d'avoir une autorisation spéciale, comme à Québec.
Mme Doyle : Oui, et cela est également proposé en Colombie-Britannique. Toutefois, les changements concernant les sprinkleurs dans les bâtiments ont modifié bien des choses ces dernières années. S'il y avait des sprinkleurs dans toutes les constructions domiciliaires, quel que soit le nombre d'étages, les sprinkleurs rendraient ces bâtiments beaucoup plus sûrs. Lorsqu'il y a un système d'extinction automatique, cela éteint les incendies, que le bâtiment soit fait d'acier ou de bois.
Il nous faut modifier dans le code du bâtiment le nombre d'étages que nous pouvons construire dans les types de bâtiment standard. Si l'on construit seulement 15 p. 100 des bâtiments en bois, c'est sans doute que seulement 15 p. 100 des bâtiments qui sont construits sont des bâtiments uniques. Le bâtiment moyen est le motel ou l'hôtel de cinq ou dix étages ou encore des habitations. C'est ce genre de bâtiments que l'on commence à modifier, c'est ce que l'on essaie de faire en Colombie-Britannique. L'Europe évolue aussi. Je crois que l'on a récemment construit des bâtiments de neuf étages en Irlande.
M. Mueller : Je ne suis pas architecte et je ne peux pas parler des risques d'incendie que représente le bois. Toutefois, j'ai grandi en Allemagne. Je sais que l'Allemagne n'a pas autant de forêts que le Canada, mais l'Allemagne utilise beaucoup le bois dans les bâtiments publics.
De fait, l'industrie du bois, et en particulier les entreprises qui fabriquent des produits du bois, est extrêmement avancée sur le plan technologique et produit des poutres en lamellé-collé destinées à servir d'éléments structurels. L'industrie est très avancée. Elle peut fabriquer des produits de bois structurel à partir de tout petits morceaux de bois. Au Canada, je crois que nous n'envisageons même pas d'utiliser de si petits morceaux pour ce genre d'applications.
J'imagine donc qu'ils ont investi dans l'industrie, parce que l'Europe, en règle générale, a peu de ressources, que l'on parle d'énergie ou de forêts. Il n'y a plus de forêts nationales en Allemagne; ce sont des plantations, essentiellement. L'Allemagne a établi une industrie perfectionnée pour créer des bâtiments structurels très complexes.
Au Canada, comme ma collègue l'a dit, il ne faut pas aller bien loin pour trouver des poutres en lamellé-collé ou des éléments structurels. J'ai participé aux discussions sur l'anneau de patinage de vitesse que l'on construisait à Richmond en vue des Jeux olympiques. Cet anneau est fait de bois attaqué par le dendroctone du pin et de poutres de grande portée. Je crois qu'il a fallu aux constructeurs quelque temps pour trouver une entreprise capable de fabriquer ces poutres en lamellé-collé. Ils ont fini par trouver une entreprise en Alberta. C'est très joli, mais il aurait été préférable d'en trouver une à Vancouver, n'est-ce pas?
Nous n'investissons peut-être pas suffisamment dans l'industrie forestière pour atteindre le niveau de technologie et de perfectionnement nécessaire pour produire de tels éléments. Les architectes, en particulier ceux qui conçoivent des bâtiments publics, aiment dessiner des immeubles impressionnants, avec un fini particulier, et cetera. Peut-être qu'aucune région du pays n'offre de produits du bois qui répondent à ces attentes des architectes.
Par contre, les autres industries du bâtiment, celles du béton et de l'acier, par exemple, ont efficacement commercialisé leurs produits, et elles sont appuyées par le code du bâtiment. En Colombie-Britannique, on ne construit pas d'habitation en bois qui ait plus de trois étages. Il faut alors utiliser le béton.
Quant au processus de construction, et cetera, il est facile de comprendre pourquoi on se tourne vers un produit facile à utiliser, très disponible, et cetera. Avec le béton, on peut faire à peu près n'importe quelle forme, sans se soucier de la taille.
Je crois qu'un investissement s'impose dans l'industrie forestière, en particulier pour la transformation, pour créer des produits de grande qualité et qui présentent un fini qui encouragera les architectes à les utiliser.
[Français]
Le sénateur Rivard : Merci pour votre excellente présentation. Mon ami, le sénateur Plett, qui nous a accompagnés à Québec lundi, a posé la plupart des questions que je voulais poser.
Cependant, j'aimerais aborder un point qui m'a ébranlé. Le pavillon Kruger de l'Université Laval à Québec est un édifice de 90 000 pieds en bois. Après quelques années d'opération, on a établi que le coût de l'énergie-chauffage est de 30 p. 100 inférieur à celui de la construction conventionnelle. Voilà un exemple qui démontre pourquoi le bois d'œuvre devrait être de plus en plus utilisé.
Lorsque nous avons visité le stade de soccer Chauveau, j'ai été estomaqué, tout comme le sénateur Plett, de constater qu'au Québec, il n'y a qu'un seul moulin — les chantiers Chibougamau, propriété de la famille Filion — en mesure de fabriquer et de livrer dans des délais raisonnables des poutres de toit aussi immenses que celles que nous avons vues. C'est l'offre et la demande. Ils ont commencé avec 400 employés, il y a à peine deux ans, et malgré la crise économique, ils ont maintenant 700 employés. Si l'utilisation du bois d'œuvre dans des constructions non résidentielles est de plus en plus à la mode, il y aura d'autres compagnies, la compétition viendra et il y aura plus de possibilités.
L'architecte nous disait que le premier problème était de n'avoir qu'un seul fournisseur et, également, que les employés n'étaient pas formés pour travailler sur plus de deux chantiers à la fois. On a donc des efforts à faire pour convaincre les écoles de métier à former nos jeunes à prendre la relève et à être prêts pour cette tendance qui, je l'espère, fera en sorte que le bois d'œuvre canadien sera de plus en plus utilisé dans les constructions.
On a aussi demandé aux architectes ce qu'ils attendaient des gouvernements pour inciter les consommateurs, les promoteurs, les architectes et les ingénieurs à utiliser du bois en priorité dans des constructions où c'est possible. On sait que nous sommes limités par les pieds carrés. Nous avons une suggestion, c'est-à-dire inciter les gouvernements, que ce soit le gouvernement fédéral, provincial, municipal ou les autorités scolaires, à privilégier la construction d'immeubles dont la matière première serait le bois. Partagez-vous cette suggestion?
[Traduction]
Mme Doyle : Je suis parfaitement d'accord, il faut encourager l'utilisation du bois, et il serait très utile que les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux encouragent l'utilisation du bois. Vous voyez sur nos diapositives que les architectes reconnaissent la grande beauté du bois. Le bois donne au bâtiment une chaleur que le béton et l'acier sont incapables d'offrir.
Pour ce qui est de la formation de la main-d'œuvre, l'utilisation du bois devrait être plus acceptable, nous ne devrions pas avoir à nous battre pour cela. À l'heure actuelle, les architectes se heurtent à la notion qu'il est anormal et inacceptable d'utiliser le bois. C'est un véritable combat. Nous devons nous battre, quelle que soit la ville, pour faire approuver le bois en fonction du code du bâtiment. Il ne devrait pas en être ainsi, selon moi.
M. Mueller : Je suis tout à fait d'accord. Toutefois, je veux aussi parler de l'environnement. Nous sommes en pleine période de changement climatique. Comme je l'ai dit dans mon exposé, il nous faut réduire les incidences environnementales qu'ont les bâtiments en terme de carbone, d'eau, et cetera.
Prenons les trois principaux matériaux utilisés dans le bâtiment — l'acier, le béton et le bois —. Le bois est très utile pour stocker le carbone. Les autres matériaux offrent eux aussi des avantages environnementaux. Le béton est efficace pour moduler l'efficacité énergétique des bâtiments. Ces bâtiments en béton peuvent emmagasiner ce que nous appelons l'énergie solaire passive. Les architectes soucieux de l'environnement utilisent le béton de cette façon. Le bois stocke le carbone, mais ni le bois ni l'acier n'ont cette capacité de modulation d'énergie. Cela est l'apanage du béton.
Le Conseil du bâtiment durable du Canada a pour mandat d'examiner des façons d'obtenir le meilleur rendement environnemental d'un bâtiment. Nous devons tenir compte de tous les matériaux de construction. Chaque bâtiment a une conception particulière. Nous devons déterminer comment obtenir le meilleur rendement environnemental de ce bâtiment. Le bois est très important pour le stockage du carbone. En termes d'utilisation du bâtiment, le béton a un important rôle à jouer également pour le chauffage solaire et parce qu'il conserve la chaleur dans le bâtiment, ce que le bois ne fait pas. Nous devons examiner le bois et d'autres matériaux de construction. Les bâtiments sont un assemblage de divers matériaux.
Quant à la finition intérieure, je suis d'accord avec ma collègue. Il existe certainement une multitude d'utilisations pour le bois dans la construction, nous ne les avons pas toutes découvertes, et elles contribueront à améliorer le rendement environnemental des bâtiments.
[Français]
Le sénateur Rivard : J'aimerais faire une suggestion. Nous entendons le témoignage, depuis environ deux mois, de gens très intéressants qui viennent nous rencontrer, tels des architectes et des promoteurs du bois. Je serais curieux d'entendre des architectes traditionnels qui pourraient nous expliquer pourquoi ils n'embarquent pas dans le bateau qu'on met à l'eau présentement.
Cela existe sûrement. Le promoteur a un budget à respecter et lorsqu'il demande à un architecte ou à un ingénieur de construire un édifice à tel coût, il est très rare qu'un promoteur insiste pour avoir davantage de verre, de bois, de ceci ou cela. L'architecte ou l'ingénieur est celui qui prend la décision. J'aimerais donc que nous invitions des gens qui ont, peut-être, un préjugé défavorable au bois pour entendre leur point de vue.
Le président : Merci. C'est une bonne suggestion; je vais demander à la greffière de tenir compte de votre suggestion.
[Traduction]
Le sénateur Plett : Madame Doyle, vous êtes présidente de l'Ordre des architectes de l'Ontario, qui représente 2 800 architectes.
Mme Doyle : En effet.
Le sénateur Plett : Vous êtes évidemment favorable à une utilisation accrue du bois. Je suis convaincu que la population de la Colombie-Britannique appuie cette utilisation et je sais que celle du Nouveau-Brunswick l'appuiera aussi.
On nous dit que le code du bâtiment constitue un problème. Il me semble que si 75 p. 100 des architectes du pays se regroupaient et commençaient à exercer des pressions sur les rédacteurs des codes du bâtiment, ils pourraient avoir beaucoup d'influence. Je crois sincèrement que l'union fait la force. Vous êtes assez nombreux. Est-ce que vous ne pourriez pas influencer les responsables des codes du bâtiment?
Mme Doyle : Je le voudrais bien. Il y a en tout quelque 8 000 architectes au Canada. Nous ne pesons pas très lourd parmi les professions. Il y a 2 800 architectes en Ontario. Notre équivalent, l'Ordre des ingénieurs de l'Ontario, compte 70 000 membres. C'est tout un écart. Lorsque nous voulons faire valoir quelque chose, nous avons peu de poids.
Vous avez vu l'hôpital de Thunder Bay, qui a une charpente en bois. Cet hôpital a été l'un des premiers hôpitaux construits avec un vaste atrium. Il a été construit par Infrastructure Ontario. J'ai entendu dire que, parce que le projet n'avait pas respecté son budget, Infrastructure Ontario avait décidé de ne plus construire de ces grands atriums en bois, qui sont si beaux.
J'aimerais pouvoir dire que les architectes, collectivement, peuvent influer sur la teneur du code, mais cela serait faux. Nous pouvons essayer. Nous avons essayé de défendre nombre de dossiers, mais nous n'avons jamais eu beaucoup de succès. Cette initiative aurait plus de chances de succès si elle était menée en collaboration avec le gouvernement.
Le sénateur Plett : C'est quelque chose que j'appuierai.
Je ne crois pas qu'il y ait un grand nombre d'hôpitaux dans notre pays — qu'ils soient en bois, en béton ou en acier — qui ont été construits sans dépassement de budget. Ce n'est pas parce que celui-là a dépassé son budget que vous ne pouvez pas faire de pressions.
Le sénateur Eaton : J'aimerais poursuivre dans la même veine que le sénateur Rivard et le sénateur Plett. Pouvons-nous aborder le problème sous un autre angle? Les responsables du code sont venus témoigner devant le comité et ils ont dit qu'ils ne prenaient aucune initiative. Les gens s'adressent à eux, on établit un consensus, et cetera. Nous avons eu l'impression que rien ne pouvait avancer.
Du point de vue environnemental, le gouvernement fédéral pourrait décider, dans la foulée de Copenhague et en raison des pressions qui s'exercent pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, que tous les bâtiments fédéraux à partir de 2015 ou 2016 compteront trois pour cent de bois, que tous les programmes de construction à compter de 2018 compteront cinq pour cent de bois, et cetera.
Est-ce qu'il serait bon que le gouvernement fédéral prenne l'initiative sur le plan environnemental? Pensez-vous que cela encouragerait les responsables du code, les corps de métier et les écoles à offrir de la formation ou à encourager les jeunes à devenir menuisiers, jointoyeurs et ajusteurs? C'est l'histoire de l'œuf et de la poule. Est-ce que cette initiative recevra un peu de publicité et lancera le débat?
Mme Doyle : Je suis tout à fait en faveur de cette initiative. J'ai une opinion un peu différente en ce qui concerne le code qui ne prend pas d'initiative et qui établit un consensus.
Le sénateur Eaton : Ils ont dit qu'ils ne prenaient jamais l'initiative.
Mme Doyle : En Ontario, par exemple, à l'heure actuelle, Dalton McGuinty vient de proposer une loi sur l'énergie verte. C'est une vision à 20 000 pieds. Pour concrétiser ce projet, il faudra modifier le Code du bâtiment de l'Ontario. M. McGuinty a créé un comité dans son ministère. Nous avons fait pression pour avoir quatre membres au sein du comité, parce que nous avons un comité qui s'intéresse aux environnements bâtis durables. Tous ces grands dossiers intéressent le conseil de l'OAO. Apparemment, nous aurons un siège au sein de ce comité, mais nous ne dirigeons pas les travaux.
Les architectes sont des chefs de file en matière d'innovation et de concepts durables. Notre profession est la seule qui tienne tous les fils. Nous créons l'enveloppe du bâtiment — mécanique, électrique, architecturale et structurale. Si Dalton McGuinty veut adopter une loi sur l'énergie verte et modifier le code, c'est nous qui sommes le mieux en mesure de l'aider à y parvenir. Toutefois, le comité sera composé d'architectes, d'ingénieurs, de gens de métiers et de spécialistes de l'énergie verte qui décideront des changements à apporter. Les responsables du code seront informés des changements à faire, mais le comité prendra les décisions pour le ministère.
Quant à ce que vous avez dit, je suis parfaitement d'accord avec vous. Si le fédéral, les provinces, et, au bout du compte, les municipalités prenaient une décision collective concernant le pourcentage de bâtiments faits de bois, cela aurait un énorme impact.
Le sénateur Eaton : Le premier ministre Charest a annoncé la semaine dernière que le Québec adoptait une norme d'émissions X. La Colombie-Britannique fixe elle aussi une norme d'émissions.
Le sénateur Mockler a mentionné à plusieurs reprises que nous semblons travailler en vase clos parce que le Canada est si vaste. Selon ce qui sortira de Copenhague, est-ce qu'il sera utile d'organiser une table ronde nationale sur la construction durable?
M. Mueller : Pour ce qui est de Copenhague et de ce que le Canada peut faire, le gouvernement fédéral peut exiger qu'un certain pourcentage de bois soit utilisé dans les bâtiments. Notre conseil fait valoir depuis deux ans que les bâtiments au Canada offrent la plus belle possibilité de réduire immédiatement les émissions de carbone. Cette occasion vient tant de l'efficacité d'exploitation que des matériaux utilisés.
Le sénateur Eaton : On ne nous parle pas de cette possibilité. On nous parle plutôt de recycler les ordures, de réduire la quantité d'ordures et de réduire les émissions des véhicules.
M. Mueller : Les véhicules sont de grands pollueurs, mais les bâtiments offrent une solution immédiate aux émissions de carbone au Canada. Les bâtiments constituent une excellente occasion. Si nous voulons réduire les émissions de carbone liées aux bâtiments, c'est le bois qu'il faut choisir. L'autre volet, c'est celui de l'énergie renouvelable, avec l'utilisation du bois pour chauffer les bâtiments.
Le sénateur Eaton : Vous avez parlé de bâtiments qui combinaient le béton et le bois.
M. Mueller : Oui; nous pouvons profiter non seulement des avantages du béton, mais aussi des possibilités de stockage du carbone que présente le bois. Une table ronde nationale sur les bâtiments durables serait très utile pour faire valoir les avantages de la construction durable dans le cadre du débat sur le carbone. Nous pourrions aussi insister sur l'utilisation du bois. Votre suggestion, utiliser plus de bois dans les bâtiments, est excellente. Honnêtement, ce ne sont pas les codes du bâtiment actuels qui proposeront ces changements, parce que les codes se contentent de suivre le mouvement.
Le sénateur Eaton : Si une loi ou un ensemble de normes étaient élaborés pour donner à tous un préavis de cinq ans, nous pourrions lancer le processus, et les codes pertinents suivraient.
M. Mueller : Oui; cela créerait un marché pour l'industrie, pour investir dans les produits. Notre conseil est asservi à l'industrie et au marché. L'industrie investira dans les produits lorsqu'il y aura un marché pour ces produits. De nombreuses administrations municipales et le gouvernement fédéral appliquent le système de cotes LEED ou d'autres normes dans le cas des bâtiments durables. Cette initiative crée de plus grands marchés pour les architectes et les fournisseurs. Les progrès du dossier sont déterminés par le marché, car s'il y a un marché, l'industrie investira. Pour l'instant, la question n'est pas liée au code.
Le sénateur Eaton : Le sénateur Plett et moi-même avons eu une conversation fort intéressante hier, au sujet des promoteurs qui œuvrent dans notre pays. Nous construisons un grand nombre de maisons en série. Est-ce que l'on pourrait offrir des allégements fiscaux pour encourager ces promoteurs à utiliser le bois? En Ontario, par exemple, M. McGuinty peut offrir des allégements fiscaux aux constructeurs de maison en série à l'extérieur de Toronto si un certain pourcentage de bois est utilisé dans ces bâtiments. Est-ce que cela serait utile?
M. Mueller : Les maisons en série utilisent le bois, elles ont des ossatures à plateforme. Ce sont ces maisons qui utilisent le plus le bois au pays, elles peuvent avoir jusqu'à trois étages.
Le sénateur Eaton : Alors, un tel allégement fiscal ne donnerait rien.
M. Mueller : Il ne changerait rien. Pour les encouragements, on peut penser à une efficacité énergétique accrue, mais pour ce qui est des matériaux, on utilise le bois dans le secteur de l'habitation.
Le sénateur Eaton : Est-ce que ce n'est pas le pire type de logement, parce qu'on utilise une charpente en 2 x 4, très combustible?
M. Mueller : Il vaut mieux construire avec des 2 x 6. À Vancouver, par exemple, on autorise uniquement la construction en 2 x 6, ce qui signifie qu'il y a plus d'espace pour l'isolation dans les maisons et qu'elles sont plus éconergétiques. On peut innover en matière d'efficacité énergétique et d'utilisation du bois.
Mme Doyle : Il serait peut-être plus intéressant que les promoteurs et les constructeurs obtiennent un crédit pour l'utilisation de produits locaux. S'ils utilisent des 2 x 4 ou des 2 x 6 produits localement, il y a aussi un facteur carbonique. La construction de maisons comme la construction en général consomme 40 p. 100 de l'énergie seulement pour le bâtiment. Nous devons aussi tenir compte de l'énergie utilisée pour transporter les matériaux jusqu'au chantier. Par exemple, les colonnes utilisées à l'aéroport d'Ottawa sont des poutres en lamellé-collé qui viennent de la Colombie- Britannique. Nous expédions constamment des produits entre la Colombie-Britannique et l'Ontario et inversement.
Le sénateur Eaton : J'aimerais savoir. Selon vous, qu'est-ce qui constitue un produit du bois à valeur ajoutée? Est-ce que certains produits entrent dans cette catégorie?
Mme Doyle : Le bois d'œuvre pour les ossatures à plateforme, qui est disponible partout au Canada, n'est pas un produit à valeur ajoutée.
Le sénateur Eaton : Donnez-nous un exemple de produit du bois à valeur ajoutée.
Mme Doyle : Le bois de plus grandes dimensions qui reste exposé à la vue, par exemple les colonnes portantes.
Le sénateur Eaton : Est-ce que ce produit a un nom précis? On nous a parlé de bois en lamellé-croisé, par exemple.
Mme Doyle : Les poutres et colonnes en lamellé-croisé sont des éléments de ce genre. Elles ont été utilisées à l'aéroport d'Ottawa. Elles sont faites en usine au moyen de petits morceaux de bois collés les uns aux autres jusqu'à ce que l'on obtienne les dimensions désirées. Il n'y a pas beaucoup d'usines au Canada qui le font; il nous en faudrait plus.
Par ailleurs, nous devrions mieux utiliser le bois de dimensions courantes. J'encouragerais les deux, pas l'un ou l'autre. Pour faire des produits à valeur ajoutée, il ne suffit pas de prendre tout notre bois d'œuvre et de le couper en petits 2 x 4 qui seront placés entre deux cloisons sèches.
Le sénateur Eaton : Les allégements fiscaux pour ceux qui utilisent des produits de bois à valeur ajoutée, est-ce que c'est une bonne idée?
Mme Doyle : Oui; et il faudrait aussi tenir compte du lieu d'origine du produit par rapport au chantier où il est utilisé. Les deux facteurs devraient entrer en compte pour promouvoir le développement de scieries locales.
Le sénateur Eaton : Et la durabilité.
Mme Doyle : Oui.
Le sénateur Eaton : Pour ce rapport, si vous pouviez visiter un ou deux pays d'Europe pour voir et apprendre, lesquels choisiriez-vous?
Mme Doyle : La Finlande et l'Allemagne.
M. Mueller : L'Allemagne.
Le sénateur Eaton : Pouvez-vous nous expliquer vos choix?
Mme Doyle : La Finlande est à la fine pointe dans le domaine des produits du bois, de la conception, de la valeur, du bois de grandes dimensions, des poutres et colonnes en lamellé-collé et du bois exposé à l'extérieur des maisons et des bâtiments.
Le sénateur Eaton : On a expliqué au comité qu'en l'Allemagne et en Autriche, on carbonise le bois avant de l'utiliser à l'extérieur des bâtiments, pour qu'il puisse résister aux intempéries. Est-ce que le bois est carbonisé en Finlande?
Mme Doyle : Je n'en suis pas certaine. En Finlande, on traite le bois exposé avec un produit pour qu'il dure plus longtemps. Nous avons utilisé des colonnes de bois à l'extérieur de l'hôpital de Thunder Bay. Ce n'est pas parce que nous vivons dans un climat septentrional que nous ne pouvons pas mettre de bois à l'extérieur.
La Finlande utilise du bois de grandes dimensions et des panneaux de bois en lamellé, en général, dans les immeubles commerciaux. À ma connaissance, elle est un chef de file dans ce domaine.
M. Mueller : La Finlande, la Suède, l'Allemagne et l'Autriche savent très bien comment fabriquer des éléments de bois structurel et des produits finis. Ils intègrent tous ces produits dans leurs stratégies environnementales respectives. En Europe, il existe un concept de maison passive, construite avec des structures murales faites de bois d'ingénierie massif. On utilise ce concept dans des milliers de maisons.
Pour vous donner un exemple de l'efficacité énergétique de ces maisons, au Canada la pratique exemplaire pour le logement est l'EnerGuide 80, soit quelque 200 kilowattheures par mètre carré par année. La maison passive utilise 15 kilowattheures ou moins. C'est un bâtiment en bois. Ce type d'innovation est à la base de toute une industrie en Europe; les mêmes facteurs ne jouent pas ici.
Le sénateur Plett : Le sénateur Eaton a suggéré des allégements fiscaux, et cetera, et vous nous dites que les maisons dans les lotissements sont toujours construites avec des ossatures à plateforme, mais il y a des mesures que les promoteurs peuvent prendre. Par exemple, chaque maison qui a un garage a probablement des piliers, et nous pouvons utiliser du bois pour cela. La majorité des sous-sols sont encore en béton, mais on peut faire des sous-sols acceptables en bois. Et nous pouvons utiliser plus de bois à l'intérieur des maisons si nous le voulons, pour les planchers, et cetera.
Nous accordons des crédits d'impôt pour améliorer l'isolation. Il devrait aussi y avoir des programmes pour les maisons, si l'on peut augmenter la teneur en bois des maisons grâce à ce type de produits. Chaque lotissement comprend au moins un centre commercial. Nous pouvons commencer à encourager les promoteurs à veiller à ce que les mails linéaires soient faits de bois. Ils le sont peut-être déjà — je ne sais pas —, mais ils pourraient certainement l'être sans enfreindre le code.
Je crois qu'il y a des solutions que nous pouvons promouvoir même dans les lotissements, comme le sénateur Eaton l'a suggéré. C'est un commentaire plutôt qu'une question, mais si vous voulez répondre, je vous en pris, allez-y!
Mme Doyle : Je suis tout à fait d'accord. Nous devons tenir compte de l'énergie utilisée pour produire l'acier et pour produire le bois. Le bois est un produit naturel. Il nous aidera à réaliser les économies d'énergie prévues dans le programme 2030 Challenge, cela est certain. C'est aussi plus beau, selon moi.
Le sénateur Plett : Et il y a aussi les parements en bois.
Mme Doyle : Oui.
Le sénateur Plett : Nous pouvons faire bien des choses si nous le voulons.
M. Mueller : Je pense aussi, pour reprendre ce que disait ma collègue, qu'il nous faut mieux comprendre le cycle de vie du bois dans la construction, et celui de l'acier et du béton. Des travaux ont été réalisés à ce sujet, mais pas suffisamment.
Je le propose, parce que cela donnerait une bonne idée de la situation. C'est une question de recherche, et des organismes comme le Conseil national de recherches du Canada pourrait investir — étudier le cycle de vie des produits du bois pour mieux comprendre, sur le plan environnemental, quelles seraient leurs utilisations optimales dans les bâtiments et les habitations.
Je crois que de telles études aideraient beaucoup les architectes et les ingénieurs à prendre les bonnes décisions en ce qui concerne les produits du bois. Actuellement, la recherche qui se fait au Canada est parcellaire et incomplète. Pour encourager l'utilisation du bois, et pour aider les concepteurs à faire des choix adéquats en matière d'utilisation, des études nous aideraient beaucoup à prendre de meilleures décisions.
Le sénateur Mercer : J'aimerais revenir sur ce que M. Mueller a dit dans son exposé, que moins de 10 p. 100 du bois provenant de la démolition de bâtiments est recyclé, réutilisé. M. Mueller a ajouté qu'une grande partie de ces rebuts servaient à couvrir des décharges, dans la construction, aux routes et comme combustible. Que fait-on des autres 90 p. 100? Cela finit dans les décharges?
M. Mueller : Oui, dans les décharges. Le problème, c'est que le bois qui a été utilisé, surtout le bois des vieilles maisons que l'on démolit, n'a aucune valeur. Si on tient compte de ce qu'il en coûte pour le retirer, le 2 x 4 récupéré vaut si peu que personne ne peut le recycler économiquement. Lorsque les maisons sont démolies, le béton est généralement mis de côté, parce qu'il y a un marché pour le recyclage, et le bois est envoyé directement à la décharge.
Le bois d'un chantier de démolition peut parfois, mais rarement, servir de combustible. La meilleure utilisation est peut-être la couverture de décharge. Souvent, nous parlons de bâtiments qui ont été construits en fils serrés, en bois ancien, et jusqu'à tout récemment, il y a peut-être 10 ans, même les poutres pleine longueur étaient débitées et envoyées à la décharge.
Elles sont parfaitement réutilisables. Je crois que l'industrie — et c'est pourquoi j'ai parlé de gérance — est mal structurée. Au Canada, on retire ainsi des millions de tonnes de bois chaque année; comment pouvons-nous mieux utiliser ce matériau?
C'est peut-être de la biomasse, mais c'est toujours une question de recherche et de technologie. Nous n'avons pas cherché à déterminer comment ce bois pouvait être réutilisé économiquement dans une autre application, dans un produit, pour la biomasse, pour le chauffage ou dans d'autres applications, mais avec une valeur ajoutée plutôt qu'amoindrie.
Là encore, nous pourrions faire des merveilles. Les municipalités accueilleraient bien cette initiative parce que si 30 ou 40 p. 100 des rebuts dans leurs décharges viennent de la démolition, les décharges se rempliront rapidement.
Le sénateur Mercer : Nous avons parlé précédemment, comme le disait le sénateur Eaton, d'offrir des encouragements fiscaux aux entrepreneurs pour qu'ils utilisent plus de bois. Il nous faut peut-être encourager aussi ceux qui démolissent les maisons, les inciter à réutiliser le bois. Cet encouragement pourrait prendre la forme opposée au crédit d'impôt, il pourrait s'agir d'un coût supplémentaire pour aller porter tout ce bois à la décharge.
Je me chauffe en partie au bois. Il y a quelques semaines à peine, j'ai acheté du petit bois au bord de la route et j'ai demandé au vendeur où il l'avait trouvé. C'était du bois propre et sec, et c'était d'anciennes palettes qu'il avait récupérées pour recycler le bois. Il les a probablement eues pour un rien, alors il a un pur profit. Certains pourront trouver que c'est un véritable gaspillage que de brûler ce bois, mais au moins il est utilisé. Nous utilisons ce bois pour quelque chose.
Quel genre d'encouragement peut-on offrir? Les encouragements ne viennent pas nécessairement du gouvernement fédéral, ils peuvent venir des administrations municipales ou provinciales qui doivent exercer des pressions sur l'industrie de la construction et de la démolition pour recycler le bois.
M. Mueller : Dans une vie antérieure, j'ai travaillé pendant 10 ans en gestion et en recyclage des déchets, à Vancouver. J'ai vu beaucoup de rebuts de démolition et j'ai bien cherché des moyens de les empêcher de finir dans les décharges.
Les rebuts de construction ne posent pas de difficultés; il s'agit simplement d'éduquer les constructeurs, qui économisent en recyclant. Le bois est propre et ils peuvent l'utiliser dans nombre d'applications, mais même en construction une grande quantité de bois n'est pas recyclé. Les constructeurs disent qu'ils ont toujours agi ainsi; pourquoi devraient-ils changer leurs méthodes pour économiser les quelque 1 000 $ qu'il faut payer pour l'accès à la décharge?
Dans le cas de la démolition, la situation est différente, parce qu'il est difficile de séparer le bois des autres matériaux pendant les travaux de démolition. S'il s'agit d'un hangar d'aéroport, il peut être déconstruit. On peut enlever les grands éléments structuraux et le bois encore en bon état, parce que ces produits ont encore une valeur marchande.
Tout est fonction du temps qu'il faut pour déconstruire le bâtiment et pour obtenir les permis ainsi que de l'empressement du propriétaire ou du promoteur qui veulent construire le nouveau bâtiment. C'est une question de temps plutôt que de difficultés à trouver des utilisations pour le matériau.
Pour les maisons, c'est également différent. La plupart des rebuts de démolition viennent de maisons. Le bois d'œuvre est petit; on trouve généralement des 2 x 4, mais des 2 x 4 pleines longueurs, parce que les maisons sont vieilles. Il y aura peut-être deux ou trois poutres dans la maison, et tout le reste sera du bois de petites dimensions, sans grande valeur marchande.
Si l'on démolit une maison et qu'on sépare le béton, les métaux et le mur à sec, il reste principalement du bois, c'est donc une question de technologie pour nettoyer ce bois afin de le réutiliser ailleurs. C'est ce que l'industrie du recyclage appelle le triage, l'élimination des contaminants pour que le bois puisse être réutilisé.
Pour le bois de démolition, la meilleure utilisation est probablement la biomasse ou la cogénération d'énergie. Il y a une sorte d'énergie renouvelable dans le bois.
Mme Doyle : Je veux ajouter que j'appuie votre idée de pénalité, peut-être, pour les entrepreneurs en démolition, précisément sur le marché de l'habitation. Cette solution rappelle ce qui se passe dans l'industrie du tapis, depuis 10 ou 15 ans. Autrefois, on pouvait jeter les tapis, puis une pénalité a été imposée et il a été interdit de jeter les tapis dans les décharges. Il a fallu payer, et cela est devenu coûteux, et la pénalité a donné naissance à un marché pour le recyclage et la réutilisation des tapis.
Je crois qu'une pénalité pour jeter le bois d'œuvre extrait des maisons favorisera la naissance d'un marché pour du bois recyclé, comme dans le cas des tapis.
M. Mueller : La plupart des municipalités envisagent maintenant des politiques de zéro déchet, et une pénalité serait donc très bien accueillie par les municipalités parce que ces déchets forment une large part du flux des déchets.
J'ajouterais que l'industrie de la démolition au Canada n'est aucunement réglementée. Je n'ai qu'à trouver un camion et une pelle rétrocaveuse demain matin pour m'improviser entrepreneur en démolition, et à condition d'obtenir les permis de la municipalité je pourrai démolir n'importe quel bâtiment.
L'industrie n'est pas réglementée et elle a des répercussions importantes sur l'environnement. Il faudrait dispenser beaucoup de formation dans cette industrie pour que les matériaux soient séparés, recyclés et réutilisés.
Le président : Honorables sénateurs, j'ai quelques questions à poser aux témoins.
Monsieur Mueller, vous avez dit que l'industrie forestière n'était pas pour l'instant reconnue comme chef de file dans le domaine de l'environnement. Regardons l'industrie canadienne, les scieries et les autres intervenants, regardons leurs produits, ce sont d'importants grossistes ou détaillants nord-américains — il n'est pas nécessaire de les nommer — et il leur faut un système de certification.
Que pensez-vous de cela, comment pouvons-nous améliorer le profil de la certification des pratiques forestières écologiques?
M. Mueller : Quand j'ai fait ce commentaire, je voulais dire que mes collègues du Conseil canadien du bois affirmaient que le Canada possédait les plus vastes forêts certifiées au monde. Ils utilisent trois normes distinctes : le Forest Stewardship Council, le FSC; la Sustainable Forest Initiative, la SFI; les normes de l'Association canadienne de normalisation, la CSA. La CSA est uniquement canadienne, et la SFI est américaine.
Je crois que c'est la solution, en particulier pour les marchés internationaux il faut avoir une certification forestière canadienne qui soit reconnue à l'étranger. De ces trois normes, la seule qui soit internationalement reconnue actuellement est celle du Forest Stewardship Council. Cette certification est utilisée en Amérique du Sud, en Europe, et cetera.
Elle est généralement considérée comme la plus stricte. Elle est entérinée par de nombreuses organisations environnementales, par exemple la David Suzuki Foundation, le Sierra Club, et cetera. Toutes appuient la FSC, parce que cette norme est définie par la base et exige une étroite consultation avec les collectivités locales. Elle nécessite aussi la consultation des collectivités autochtones qui ont des revendications territoriales sur les forêts visées. C'est un système inclusif.
Pour ce qui est de la scène internationale, il nous faut renforcer la norme de la CSA pour qu'elle ait un rôle à jouer dans la certification des forêts du monde. La SFI est une norme américaine, et je ne pense donc pas que nous puissions influer sur son évolution. Par contre, la CSA peut être renforcée pour être plus ou moins sur le même pied que la FSC et d'autres systèmes de certification forestière émergents. Ce renforcement nous ouvrira les marchés internationaux.
Mme Doyle : Il devrait y avoir un seul système, je crois. Cela serait bénéfique pour le pays.
Le président : Nous avons visité des exploitations forestières. Monsieur Mueller, vous dites que l'on pourrait renforcer le système de la CSA. Pourriez-vous préciser votre pensée?
M. Mueller : La certification forestière est une tâche complexe et compliquée parce qu'il s'agit d'écosystèmes. Pour cette raison, je ne peux pas m'appuyer uniquement sur certains commentaires de personnes qui travaillent dans ce domaine.
Nous devons réfléchir à nos méthodes de certification et de gestion des forêts. Et cela a des répercussions sur la façon dont nous récoltons le bois et le moment où nous le faisons. Une partie de cette activité de récolte vise à établir ce que nous appelons continuité de possession. Le bois est suivi essentiellement depuis la forêt jusqu'à la scierie, puis jusqu'au fournisseur final qui peut être Home Depot, Rona ou un autre fournisseur. Lorsqu'un consommateur va au magasin, il peut constater que le bois porte la certification FSC ou CSA.
La FSC semble assurer la meilleure continuité de possession. Quand quelqu'un va au magasin et voit la marque FSC sur le bois, il sait que 80 p. 100 de ce bois vient de forêts certifiées FSC. La CSA ne semble pas avoir la même rigueur pour la continuité de possession, alors quand on achète ce bois, on n'est pas aussi certain de sa provenance.
J'ai aussi entendu dire au sujet de la CSA qu'elle ne consultait pas suffisamment les collectivités locales au sujet de la gestion de la forêt, en particulier les collectivités autochtones, alors que la FSC semble mieux s'en tirer.
Toutefois, la question est complexe. Je crois qu'il serait bon que le Canada ait un système de certification.
Le président : Comme je m'intéresse depuis des années aux normes de certification, je ne vais pas contredire M. Mueller au sujet de la norme CSA. Lorsque vous visitez les grossistes et les détaillants en Amérique du Nord, le sceau de la CSA ouvre de belles perspectives.
Monsieur Mueller, pourriez-vous en dire un peu plus aux membres du comité au sujet de la CSA? J'ai eu l'occasion de visiter des grossistes et des détaillants à Boston, et quand les produits canadiens portent les marques CSA, FSC et SFI, ils sont généralement mieux accueillis sur le marché.
M. Mueller : C'est exact, surtout pour le sceau FSC.
Le président : Merci de ces commentaires. N'hésitez pas à intervenir, car je crois que les normes sont un facteur qui devrait entrer en compte si nous voulons mettre en œuvre des stratégies nationales et internationales de commercialisation pour les marchés émergents de la Chine et de l'Asie.
M. Mueller : C'est exact. La FSC vient au premier rang pour ce qui est du marché environnemental. Le papier utilisé dans la publication, par exemple, est de plus en plus souvent fabriqué de pâte provenant de forêts certifiées FSC. Cela vaut aussi pour le bois de dimensions courantes. La FSC a actuellement la meilleure norme environnementale. Cette norme est appliquée dans le monde entier. Le conseil est bien organisé dans le monde et il cherche constamment à instaurer le meilleur système de certification forestière.
La CSA est un organisme de normalisation. L'association publie une norme, un point c'est tout. Les intervenants n'interviennent pas pour modifier la norme. Ils en font ce qu'ils veulent. Il n'y a rien de plus. La FSC préconise continuellement l'utilisation de sa norme. La CSA ne le fait pas. C'est une autre philosophie. La CSA pourrait proposer une norme canadienne à faire reconnaître sur la scène internationale, mais il faudrait la préciser et écouter les intervenants, selon moi.
Le président : Merci, monsieur Mueller. Le comité peut certainement envisager d'inviter les responsables de la certification à venir présenter des exposés pour renforcer ce que nos deux témoins ont dit aujourd'hui.
Vous avez parlé de Copenhague. J'aimerais bien que vous nous envoyez d'autres renseignements et même des recommandations pour compléter vos commentaires, si vous le pouvez. N'hésitez pas à le faire.
Nous avons parlé d'une tribune nationale d'ingénieurs, d'architectes, de promoteurs, de professeurs et de travailleurs pour discuter de la mise en œuvre de règlements et de stratégies concernant l'utilisation du bois dans la construction non résidentielle. Est-ce qu'il est souhaitable d'instaurer une tribune nationale? Quel programme recommandez-vous au comité si nous créons une telle tribune pour réunir les intervenants?
Mme Doyle : Cela a une certaine similarité avec ce que l'Ontario fait actuellement pour la loi sur l'énergie verte. Regardez comment l'Ontario réunit les intervenants de l'industrie et élargissez ce modèle à l'échelle nationale. Réunissez des intervenants de ce type et voyez comment vous parviendrez à faire ce que nous voulons faire. Ce modèle serait valable.
M. Mueller : La difficulté, dans l'industrie du bâtiment, tient toujours au grand nombre d'intervenants : les propriétaires, les architectes et les ingénieurs, tous les corps de métier, les entrepreneurs, et cetera. Chacun aura ses propres questions, ses préoccupations et des possibilités particulières pour utiliser plus de bois dans le bâtiment.
Il faut bien comprendre cette difficulté pour pouvoir la surmonter. Des consultations nationales auprès des intervenants au sujet de ce qu'il faut faire pour faire entrer plus de bois dans la conception et la construction feraient beaucoup progresser le dossier.
Mme Doyle : Vous pouvez communiquer avec les organisations nationales des divers groupes, métiers ou professions. En Ontario, c'est l'Ordre des architectes de l'Ontario, et au niveau national, l'Institut royal d'architecture du Canada. Vous avez entendu John Hobbs, qui fait partie de ce groupe, mais le groupe peut vous mettre en contact avec des architectes canadiens spécialisés dans ce domaine. La situation sera la même pour les ingénieurs et les entrepreneurs. Tous ont une organisation nationale et une organisation provinciale.
M. Mueller : Nous représentons un éventail de promoteurs, de propriétaires, d'architectes et d'ingénieurs qui s'intéressent à la question de la durabilité dans la conception, la construction et l'exploitation des bâtiments.
Le président : Monsieur Mueller, madame Doyle, merci de nous avoir éclairés grâce à vos exposés, ce matin. Nous allons continuer notre étude de la foresterie, et n'hésitez pas à ajouter des éléments, car vous êtes des partenaires qui pouvez nous aider à formuler des recommandations à l'intention des gouvernements. Je l'ai souvent dit, l'industrie peut maintenant se réunir autour de la table. Cela aurait été impensable il y a 10, 15 ou 20 ans, parce que le marché était optimiste, mais compte tenu de la période difficile que traverse actuellement le secteur forestier, la participation communautaire est importante. Nous constatons que les intervenants et les collectivités s'engagent de plus en plus.
Au nom du comité, je vous remercie sincèrement d'être venus ce matin.
(La séance est levée.)