Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 12 - Témoignages du 3 décembre 2009
OTTAWA, le jeudi 3 décembre 2009
Le Comité sénatorial permanent de l'Agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 8 h 10 afin d'étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je souhaite la bienvenue ce matin aux honorables sénateurs et aux témoins. Je déclare la séance ouverte.
[Français]
Je veux vous souhaiter la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
[Traduction]
Je suis le sénateur Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick, et j'occupe la présidence du comité. Je demande tout d'abord aux sénateurs, à commencer par ceux à ma gauche, de se présenter.
Le sénateur Mercer : Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Fairbairn : Je suis le sénateur Joyce Fairbairn de Lethbridge, en Alberta.
[Français]
Le sénateur Poulin : Bonjour madame McCabe; bonjour, monsieur Bessai. Bienvenue à notre comité. Je suis le sénateur Marie Poulin et je représente le Nord de l'Ontario au Sénat.
[Traduction]
Le sénateur Mahovlich : Je suis le sénateur Frank Mahovlich, de l'Ontario.
Le sénateur Finley : Je suis le sénateur Doug Finley, de l'Ontario.
Le sénateur Eaton : Merci de votre présence ici aujourd'hui. Je suis le sénateur Nicole Eaton, de Toronto.
[Français]
Le sénateur Rivard : Bonjour. Je suis le sénateur Michel Rivard et je représente la région de Québec.
Le président : Merci beaucoup. Le Comité poursuit son étude sur l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.
[Traduction]
Nous accueillons aujourd'hui des témoins de l'Université de Toronto : M. Tom Bessai, directeur, Programme d'études architecturales, Faculté d'architecture, de paysagement et de design John H. Daniels, et aussi Mme Brenda McCabe, Faculté de génie et sciences appliquées, présidente du comité exécutif du département, professeure agrégée.
Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation à comparaître, afin de nous permettre de porter à l'attention des gouvernements et de l'industrie un rapport qui permettra certainement à l'industrie d'étudier des solutions profitables à tous les intervenants.
Monsieur Bessai, je vous invite à donner votre exposé.
Tom Bessai, directeur, Programme d'études architecturales, Faculté d'architecture, de paysagement et de design John H. Daniels, Université de Toronto : Ma collègue et moi-même de l'Université de Toronto vous remercions de cette invitation à comparaître afin de discuter de cette étude de grande importance.
Je vais essayer de limiter ma déclaration initiale à moins de 10 minutes. Je passerai d'une présentation de mon travail à une description de mon rôle à la Faculté d'architecture de l'Université de Toronto. Dans ce cadre, je discuterai ensuite de notre programme d'études de premier et de deuxième cycles, puis je ferai valoir certains aspects des problèmes d'éducation et de recherche dans ce domaine. J'attirerai l'attention sur deux ou trois édifices publics en cours de construction et qui seront en bois.
Je suis membre de la faculté et directeur du programme de premier cycle de la Faculté d'architecture de l'Université de Toronto, et aussi instructeur aux ateliers du programme de maîtrise. Je détiens un grade de premier cycle en art et design de l'Université de l'Alberta, outre un baccalauréat en architecture de l'Université de la Colombie-Britannique. Vers la fin des années 1990, j'ai suivi des cours à l'Université de la Californie à Los Angeles, aux États-Unis, où j'ai obtenu un diplôme d'études supérieures professionnelles.
Je suis tout à la fois praticien et professeur. Je dirige actuellement un petit cabinet à Toronto, où j'exécute surtout de petits projets. Je collabore aussi avec de gros cabinets, entre autres Kearns Mancini. J'ai été architecte concepteur au cabinet de Frank Gehry en Californie; j'ai eu aussi la chance de collaborer à plusieurs projets de construction de salles publiques et de salles de concert aux États-Unis, par exemple le pavillon Jay Pritzker au Millennium Park de Chicago et la salle de concert Walt Disney à Los Angeles, qui font un large recours au bois à titre de stratégie de finition intérieure. J'ai enfin acquis un peu d'expérience professionnelle à Barcelone, en Espagne, où j'ai fait usage du bois dans le contexte européen.
Le programme d'études architecturales de premier cycle à l'Université de Toronto relève des arts libéraux. Il n'est pas relié à la formation professionnelle des architectes, mais constitue une espèce de diplôme préparatoire qui met l'accent sur les filiations entre les études en architecture et celles dans les autres arts libéraux, les lettres et sciences humaines, et les sciences. Dans cette optique, il se situe entre la faculté d'architecture et la faculté des arts et des sciences, cette dernière étant la plus grande à l'Université de Toronto. Comme de nombreuses facultés, la nôtre voudrait modifier son programme d'études, sous l'impulsion des arts et des sciences. Je discuterai plus loin du programme pertinent.
Le programme de premier cycle offre des cours d'histoire, de théorie et d'architecture. La construction en bois est placée dans son contexte historique et théorique. Ces sujets sont discutés sous les angles de leur précédence relative, des édifices historiques importants et des projets canadiens notables. Malgré l'accent porté sur les arts libéraux, le programme comporte un volet « science du bâtiment », parce qu'il a un mandat subsidiaire d'exécution technique. Nous offrons une introduction aux ouvrages, aux charpentes en bois et aux constructions en bois, dans le contexte toutefois d'une discussion générale des principes de la construction.
Le programme offre aussi un cycle de design en atelier : c'est sur cet aspect que j'ai participé le plus directement en ma qualité d'instructeur. Dans l'atelier introductif, des étudiants manient toutes sortes de matériaux, et se servent en particulier du bois pour créer des charpentes conceptuelles.
Nous avons un atelier tectonique qui réalise des études théoriques faisant appel à des matériaux employés dans des constructions véritables, où le bois occupe une position privilégiée. Un autre atelier, plus avancé, se penche sur l'édifice au complet. Les étudiants sont dirigés par un instructeur en design, le plus souvent un architecte local. On leur demande aussi de consulter un ingénieur de structures, qui vient sur place à l'atelier. L'un des projets consiste à construire un modèle d'ossature, puis d'examiner les différents systèmes de ferme. Pour ces études, les étudiants ont tendance à utiliser le bois, bien qu'ils ne soient pas obligés de s'en servir exclusivement.
Je vais maintenant parler du programme de maîtrise en architecture de l'Université de Toronto. J'ai enseigné des ateliers dans les volets aussi bien de base que des options. J'ai aussi donné des cours de base et d'option en calcul et en technologie avancés, qui comptent parmi mes spécialisations issues de mon expérience professionnelle au bureau de Frank Gehry. Dans ce cadre, j'enseigne aux étudiants l'application de techniques de fabrication avancées et la concrétisation de ces techniques dans la construction au moyen de matériaux véritables. Je participe aussi au volet « thèse », dans lequel les étudiants lancent des projets indépendants, et qui se rapproche davantage en fait d'un programme de thèse en design que d'une thèse de recherche. C'est plus ou moins la norme dans toutes les facultés au Canada. En cette capacité, je fais fonction de conseiller de thèse. Les étudiants sont libres de choisir leur propre orientation. Comme il s'agit d'une thèse de design, nous essayons si possible de les encourager à exécuter un projet de construction complexe, comme l'ont fait nombre de mes étudiants. Nous offrons aussi un volet du programme professionnel qui exige un projet d'étude indépendant : j'ai guidé deux ou trois étudiants à travers de tels projets, qui concernaient les techniques de fabrication avancées. Je me souviens en particulier d'une thèse portant sur l'utilisation d'une fraiseuse à trois axes contrôlée par ordinateur, sujet qui se rapporte aux technologies de menuiserie enseignées à l'heure actuelle et à leur importance dans l'industrie. L'étudiant s'intéressait à la menuiserie du bois; il étudiait l'emploi de cet appareil pour essayer de tirer parti de l'informatique et du milieu de fabrication pour réaliser une menuiserie complexe. Les essais avec des matériaux véritables permettent de cerner les limitations de ces technologies et les possibilités qu'elles recèlent.
Le programme d'études professionnel en maîtrise est globalement conforme aux programmes des autres facultés au Canada. Les diplômes professionnels sont des programmes de premier cycle, et parfois de deuxième cycle. L'Université de la Colombie-Britannique et l'Université de Toronto, par exemple, offrent des programmes professionnels de deuxième cycle.
Notre programme d'études de base enseigne l'histoire et la théorie. Il ne traite pas directement du bois et n'insiste pas sur ce matériau en particulier. Par contre, les études des précédents portent largement sur les différents matériaux de construction, y compris le bois.
Le programme de maîtrise propose des cours techniques plus sérieux, dont les plus pertinents concernent les structures. Deux cours structurels sont donnés par des ingénieurs professionnels et des éducateurs. Nous proposons également des cours de science du bâtiment. Cette science a une orientation double, dont la première concerne la sécurité des personnes. Il incombe à l'architecte de veiller à ce qu'il soit possible d'évacuer l'édifice sans danger. Sur le plan technique, l'accent est également porté sur les systèmes de bâtiments, comme les systèmes de façade, l'enveloppe de bâtiment, le chauffage, la ventilation, et cetera. On se soucie enfin, dans ces cours de base, des questions de durabilité, de ressources renouvelables et d'économie de l'énergie.
Je voulais insister un peu, dans cette discussion, sur l'un des cours du cycle des ateliers de maîtrise, soit l'atelier de conception architecturale de base offert la deuxième année sous le titre Comprehensive Building Project, ou projet de bâtiment global. Il est donné le plus souvent par un architecte de renom à Toronto, Barry Sampson du cabinet Baird Sampson Neuert. Vous connaissez peut-être ses créations. L'atelier met l'accent sur une synthèse de ces différents systèmes de bâtiment, en prenant exemple ordinairement sur un édifice public qui n'est pas massif mais nécessite de longues travées. Un tel édifice offre un environnement expérimental et technique à la fois utile et intéressant pour l'étude du bois de charpente. Certains étudiants du cours et de quelques projets en atelier ont reçu le mandat d'examiner le bois.
Je tiens à mentionner deux ou trois autres membres du corps enseignant qui sont pertinents à notre discussion. Si des questions sont posées au sujet de la structure du programme d'études professionnelles de base, nous pourrons y revenir.
Notre faculté a un nouveau doyen, Richard Sommer. Dans la conjoncture actuelle marquée par les compressions et la chasse au financement, M. Sommer s'intéresse beaucoup à un recentrage sur la recherche au sein de notre faculté. Le programme de doctorat sera appelé à jouer un grand rôle à cet égard. Il met au premier plan de son programme la technologie et les questions régionales. Comme le doyen Sommer vient d'entamer son mandat de cinq ans environ, le moment est bien choisi pour engager une réflexion sur sa capacité d'apporter des changements.
David Lieberman, un professeur agrégé, donne un atelier en option extrêmement intéressant, dont Mme McCabe a connaissance. Des étudiants en génie de notre faculté d'ingénierie sont jumelés avec des architectes en maîtrise pour réaliser un projet technique. L'accent dans cet atelier, donné tous les ans, a été porté sur la construction en bois, et sur les fermes et les ouvrages de structure qui font appel au bois. M. Lieberman a également participé à North House, qui relève davantage du programme d'architecture de l'Université de Waterloo. Cet intéressant édifice modulaire et neutre en carbone a été présenté cette année au Solar Decathlon, à Washington. Bien que son échelle soit petite, il représente un examen sérieux des ressources renouvelables, et bon nombre de ses composants sont en bois.
J'ai déjà fait mention de Barry Sampson et de son atelier sur le bâtiment global. Shane Williamson est un professeur agrégé qui dirige à la faculté l'enseignement sur les technologies de fabrication.
Je veux aussi mentionner quelques-unes des autres facultés, pour mettre leur nom sur le tapis, parce que nos programmes d'études sont très étroitement liés et que je sais quelque chose de ces écoles. La faculté d'architecture de l'Université de la Colombie-Britannique est du niveau de la maîtrise. Calgary possède une faculté d'architecture. L'Université du Manitoba, à Winnipeg, donne son cours au niveau du premier cycle, qui se fond ensuite dans le deuxième cycle : en conséquence, le grade professionnel décerné est une maîtrise. L'Université Ryerson, à Toronto, introduit un programme professionnel agréé tout nouveau, au niveau de la maîtrise. Comme Ryerson a ses origines dans la formation technique, vous imaginez sans peine que ce programme aura sans doute une importance grandissante, au fil du temps, dans notre discussion sur la technologie et le recours aux matériaux régionaux, mais il n'en est encore qu'à ses débuts.
Certains d'entre vous savent peut-être que l'Université de Waterloo a déménagé sa faculté d'architecture à Cambridge, et que c'est une vraie réussite. Grâce à cette implantation dans la ceinture technologique en Ontario, la faculté est bien placée pour étudier les technologies et techniques de pointe relatives à la construction et aux matériaux.
L'Université Carleton donne un programme professionnel qui est, je crois, de premier cycle. Au Québec, on trouve McGill et l'Université de Montréal. Le programme de McGill a une orientation technique et mène à une maîtrise postprofessionnelle, mais le grade principal est de premier cycle. Enfin, l'Université technique de la Nouvelle-Écosse a changé le nom de sa faculté à faculté East Coast.
J'ai maintenant fait le tour de l'ensemble des écoles d'où proviennent tous les architectes canadiens.
Certaines facultés — notamment celle de l'Université de Toronto — ont établi des relations étroites avec des universités de l'Ivy League. C'est une situation à laquelle nous, les Canadiens, devons nous adapter du mieux qu'il est possible. C'est un grand avantage sous certains aspects, mais sous d'autres, la situation a tendance à brouiller les questions de pratique canadienne et de thèmes canadiens.
Pour conclure, je mentionne des points que nous pourrons aborder si le temps nous en laisse le loisir.
Du point de vue de l'enseignement de l'architecture, les questions qui nous paraissent importantes comprennent le cadre législatif pour le bâtiment et le programme LEED, qui signifie Leadership in Energy and Environmental Design. Le LEED, un ensemble de normes régissant le rendement des bâtiments, est un programme international relativement nouveau, c'est-à-dire qu'il est en place depuis cinq ans environ. Il existe une certification Or LEED, et ainsi de suite. La certification Platine LEED, qui est une mesure de la durabilité, est le plus grand honneur auquel un bâtiment puisse aspirer. Deux catégories ont de l'importance pour LEED : le rendement énergétique du bâtiment et l'emploi de ressources renouvelables dans ses différents composants.
La technologie et la recherche sont un autre point important. La construction en bois a besoin d'innovation. Plus précisément, nous faisons usage de différents composites de bois pour les longues travées, entre autres le Parallam et le Microlam, ou encore le Glulam, un bois laminé issu de la technologie du XXe siècle. Il s'agit d'une hybridation et d'un perfectionnement de produits ligneux en vue de leur rendement dans les régions froides aussi bien que de leur capacité structurelle. De même, l'emploi du bois dans les composites — par exemple le mariage du bois et de l'acier — est d'importance capitale. Une recherche supplémentaire est exigée dans ces domaines : plus les établissements mènent des recherches sur ces sujets, plus l'industrie se montrera disposée à proposer ces produits au public.
Je veux enfin évoquer deux ou trois édifices réalisés par des architectes canadiens et autres. Nous avons eu une bonne discussion au sujet d'Arthur Erickson, personnage qui semble se situer à la fin de la période moderne au Canada au vu de son utilisation très efficace du bois dans des projets de petite envergure, comme la Smith House à Vancouver, et aussi dans de grands projets, dont l'exemple-type est l'ossature spatiale à l'Université Simon Fraser, remontant peut- être aux années 1970. C'est là un exemple de charpente composite qui fait usage de bois dans un édifice public.
Le Musée des beaux-arts de l'Ontario, à Toronto, est une construction récente de très grande importance. Beaucoup parmi vous auront vu cette réalisation de Frank Gehry ou en auront entendu parler. Elle fait un appel sans compromis au bois aussi bien pour la finition que pour la structure, et l'enveloppe de l'édifice comporte aussi beaucoup de menuiserie complexe.
Les architectes torontois Hariri Pontarini ont réalisé plusieurs projets; je connais surtout ceux à l'Université de Toronto. La nouvelle faculté de l'économie et le centre Munk, au collège Wordsworth, fournissent des exemples d'édifices institutionnels, d'envergure supérieure aux structures résidentielles, qui font appel au bois à la fois pour la structure et le revêtement, et comme élément des aires publiques.
L'œuvre de Tye Farrow est importante. Il a opté, dans plusieurs centres de soins actifs et centres régionaux de santé dans la région de Toronto, de recourir au bois pour la structure et le revêtement des aires de débordement et de repos. Ces espaces ont exercé un effet médicinal et calmant sur les patients de ces établissements, et M. Farrow a obtenu un grand succès.
La prévention des incendies est une question qui surgira sans doute dans la discussion. Des mesures doivent être prises pour que les structures en bois laissent assez de temps pour les évacuations éventuelles des aires publiques. Une solution a été trouvée, sous forme de sprinkleurs à pulvérisation qui distribuent les pulvérisateurs autour des structures en colonnes.
Un autre exemple, celui-là à Vancouver, est l'Anneau olympique de Richmond. Le mois prochain, nous verrons tous cette œuvre du cabinet Hotson Bakker Boniface Haden, qui est un bâtiment principal construit en partie en bois. Cet édifice public est destiné à accueillir des assemblées.
Je mets maintenant fin à ma déclaration. Désolé d'avoir dépassé les dix minutes imparties. C'est tout le problème des architectes universitaires : ils parlent trop.
Le président : Merci beaucoup. La parole est maintenant à Mme McCabe.
Brenda Y. McCabe, faculté de génie et sciences appliquées, présidente du département de génie civil, professeure agrégée, Université de Toronto : Je vous remercie de m'avoir permis de prendre part à cette étude.
Le programme de génie civil, programme professionnel de premier cycle, a une durée de quatre ans. La première année est le tronc d'études commun : les étudiants suivent des cours de physique et de chimie, et quelques cours de géologie, de mathématique et de programmation. Quand ces bases sont posées, nous entrons dans le domaine du génie civil à proprement parler. Nous abordons alors l'économie, la probabilité et la statistique. Plusieurs volets ont de l'importance dans le contexte du génie civil, soit le génie de l'environnement — qui concerne l'eau salubre, l'épuration des eaux et les cycles hydrologiques — et la géotechnique, qui traite des fondations des édifices et des travaux de terrassement qui précèdent presque toute construction. Notre département aborde aussi les transports, sous l'angle de l'aménagement du transport, de la conception des routes et de la circulation. Tout le monde connaît ces domaines. Le bois intervient dans la partie du génie civil qui traite des matériaux, lesquels comprennent l'acier, le béton, le bois et le bois d'œuvre, le verre et la maçonnerie.
Après les matériaux, les étudiants apprennent à mieux connaître les structures dans leur ensemble. L'enseignement des structures est conceptuel : il porte par exemple sur les fermes et sur les forces exercées par les charges de neige. Nous approfondissons ensuite la question de l'application des matériaux dans la conception pratique, qui peut faire appel à n'importe quel matériau. Il s'agit parfois d'une vue d'ensemble assez poussée de l'analyse structurale. Nous passons alors à l'application des différents matériaux dans la conception, ainsi qu'à l'analyse des édifices construits et aux travaux de restauration qu'ils nécessitent. Il existe donc un aspect analytique.
Les cours qui se penchent spécifiquement sur le bois, dans ce programme d'études de quatre ans, comprennent un cours de première année sur les matériaux. Les instructeurs ont de gros et beaux blocs de bois qu'ils montrent aux étudiants et qu'ils brisent, parce que c'est une belle expérience visuelle et auditive — et que les étudiants adorent qu'on brise des choses devant eux. On leur inculque ainsi une connaissance véritable du matériau et de ses capacités. La deuxième année, deux ou trois semaines sont consacrées à différents matériaux. Une période d'environ deux semaines et demie est passée à analyser le bois d'œuvre, ses attributs et points forts, et différentes propriétés semblables.
Nous offrons aussi un cours en design avec le bois d'œuvre et l'acier. Deux et demie environ des 13 semaines sont consacrées au bois d'œuvre. Le restant porte en partie sur l'acier, mais ces deux matériaux ont beaucoup de points en commun, notamment des tailles fixes — ainsi, le bois est offert en dimensions normalisées, par exemple deux par quatre, et l'acier est dans le même cas. Ces deux matériaux font l'objet d'une même analyse et ont bien des points en commun, aspect qui est également abordé dans le cours.
Nous donnons aussi un cours de science du bâtiment qui examine le rendement de l'enveloppe des édifices, laquelle sépare l'intérieur de l'extérieur. Ce sujet est traité pour une part dans le cadre des ouvrages en bois, et pour une part des ouvrages de maçonnerie et du béton.
Un cours de construction donne de l'information sur les structures provisoires utilisées dans la construction, par exemple le coffrage pour les édifices en béton, qui est souvent en bois, et les travaux d'étaiement en vue du déblai, c'est- à-dire l'emploi du bois pour étayer le déblai à des fins de sécurité.
Comme l'a dit mon collègue, nous offrons aussi l'atelier en collaboration Yolles. Une bonne partie de ce cours d'architecture fait appel au bois, parce que les étudiants peuvent facilement le visualiser et le comprendre. Comme ils utilisent toutes sortes de matériaux, les projets dans ce cours font usage du bois.
Vous avez demandé, entre autres, si la formation est adéquate, et si nous enseignons suffisamment de données fondamentales. Nous ne distinguons pas vraiment entre les applications particulières — édifices résidentiels, commerciaux, institutionnels ou autres — parce que notre objet est plutôt de veiller à ce que les étudiants puissent appliquer leurs connaissances en toutes circonstances. J'estime donc que la formation est adéquate. Souvent, notre enseignement est à l'image des pratiques dans l'industrie; nous veillons donc à ce que les étudiants disposent des compétences qui correspondent aux pratiques actuelles de l'industrie.
Nous traitons des matériaux mêmes, des applications structurelles et des structures provisoires en bois. Je n'ai pas connaissance, à l'heure actuelle, de projets de deuxième cycle qui portent sur le bois en particulier. Ce fait est attribuable en partie au peu d'expertise de notre département dans la recherche sur les matériaux de bois. Nous offrons beaucoup de cours connexes, comme la science du bâtiment et les structures d'immeubles, mais sans référence précise au bois. Avant de venir ici, je discutais avec l'un de nos instructeurs, qui disait que nous pourrions élargir notre étude du bois.
Il n'y a pas grand-chose à ajouter. Vous pouvez nous demander des précisions sur des points précis, si vous souhaitez connaître notre avis.
Le président : Merci beaucoup. Le sénateur Mercer posera la première question.
Le sénateur Mercer : Merci de votre présence ici ce matin. Pour compléter votre information sur l'enseignement, l'Université technique de la Nouvelle-Écosse fait désormais partie de la deuxième en importance des universités à Halifax, c'est-à-dire de l'Université Dalhousie. Je tenais à le préciser. Nous venons de parachever vos connaissances sur cette question.
Monsieur Bessai, vous avez dit que le bois est placé dans son contexte historique. C'est pour nous un grand sujet d'inquiétude, parce que nous souhaitons parler du bois à l'heure actuelle et à l'avenir. Cela nous mène à un point que Mme McCabe a elle aussi mentionné, soit l'absence d'expertise dans l'emploi du bois pour le design et la construction.
Nous en arrivons ainsi à la question que nous agitons depuis quelque temps. Serait-il souhaitable d'avoir une chaire universitaire en génie civil et en architecture sur l'utilisation du bois dans le secteur de la construction non résidentielle? Notre réflexion doit commencer ici. Nous avons observé cette carence non seulement à l'Université de Toronto, mais dans d'autres établissements d'enseignement. Personne n'en parle.
Devons-nous y répondre par la création d'une chaire? Où établir ces chaires? Chacun donnera une réponse différente. Le président vous dira que le meilleur endroit est l'Université de Nouveau-Brunswick, alors que pour ma part je mentionnerai Dalhousie. Mais c'est là une tout autre question. Chacun de nous a ses favoris.
Faut-il se pencher sur la question? Vaut-il vraiment la peine de combler cette lacune que nous observons dans le système d'enseignement?
M. Bessai : Permettez-nous pour commencer de brosser l'historique de l'utilisation du bois. Pour s'informer à ce sujet et le mettre dans le contexte moderne, il importe de se pencher sur les grands projets passés qui ont fait un usage exemplaire d'un matériau donné. Ainsi, un architecte finlandais nommé Alvar Aalto a fait grand usage du bois. Au vu des ressemblances entre le climat dans la région d'Alvar Aalto et le nôtre, un étudiant au Canada devrait sans doute commencer par étudier de près son emploi des matériaux.
Nous avons beaucoup à apprendre d'une utilisation du bois parfois assez modeste mais pertinente. Nous passons un temps énorme à étudier le contexte historique de Frank Lloyd Wright, qui se spécialisait dans l'utilisation de matériaux divers. À son époque, il était très porté sur l'expérimentation. Durant sa période résidentielle en Californie, il a créé des ouvrages en maçonnerie absolument déments. Il a fortement repoussé les frontières de l'emploi de matériaux et fait un usage considérable du bois.
Il importe de prendre acte des innovations passées. Je crois que notre programme d'études en discute suffisamment. Je pourrais sans doute en dire autant de certaines autres facultés.
Votre question principale concerne la mise sur pied d'un groupe de recherche plus concentré sur la question, si l'on peut dire, dans un établissement donné.
Il nous appartient de donner à nos étudiants en architecture une espèce de formation professionnelle agréée. Je crois que Mme McCabe en dirait autant pour l'ingénierie. C'est le but que nous visons en fait, et c'est aussi l'un de nos mandats. Cela ne revient pas à préférer un matériau de construction à un autre, mais à former des étudiants qui acquièrent un sens de responsabilité, qui peuvent avoir un comportement éthique et qui ont reçu l'éducation nécessaire. Les industries du bâtiment sont à un point incroyable complexes et reliées entre elles. Nous inculquons aux étudiants une compréhension fondamentale de ces notions, afin qu'ils puissent, à l'issue d'un programme de stages rigoureux, obtenir leur agrément, fonctionner de façon autonome et apporter une contribution. Dans un certain sens, c'est le but principal que nous visons.
Je dirais que les écoles qui ont choisi de se diriger vers l'éducation de deuxième cycle ont un grand souci de la recherche, comme c'est le cas dans notre faculté, et sont mieux placées pour entamer la recherche et solliciter des subventions, ce qui nous permettra alors d'étudier des techniques, technologies et applications plus spécifiques.
La création d'une telle chaire me semble tout indiquée. J'estime qu'elle pourrait faire souche dans plusieurs lieux. Les conditions recherchées seraient en premier lieu l'accès aux matériaux, condition qui serait sans doute remplie dans bien des grands centres au Canada. Mais le progrès dans ce domaine suppose que l'on commence à examiner les relations entre les disciplines appliquées. Cela est un préalable obligé pour que l'utilisation du bois progresse, et afin que ce matériau devienne plus attirant et pratique pour les constructeurs et pour les architectes et ingénieurs en exercice.
Il importera d'améliorer les propriétés structurales et le rendement de ces composites à base de bois. Je suppose que la chaire pourrait être plus ou moins mixte, comme une chaire en génie et en architecture, et pourrait réaliser les épreuves de tolérance mentionnées par Mme McCabe. Ces épreuves provoquent une défaillance des matériaux en laboratoire. Il s'agit d'expériences physiques — et, de plus en plus, numériques — qui testent les tolérances. En général, les facultés d'architecture ne disposent pas des capacités nécessaires, mais par contre elles possèdent des presses à découper et des machines à emboutir de pointe qui leur permettent de faire des essais, presque tous à petite échelle. Ces machines ne peuvent accommoder que des dimensions réduites, plus ou moins de la taille d'un panneau de contreplaqué de quatre par huit pieds.
Ensemble, nous pourrions faire des découvertes innovatrices du point de vue de l'ingénierie aussi bien que de l'architecture. Une telle méthode prend forme à l'Université de la Colombie-Britannique, qui a des liens avec l'industrie. Pour réaliser un peu de ce travail sur le bois, une exploitation de recherche en foresterie a parrainé des laboratoires d'ingénierie à l'Université de la Colombie-Britannique, où la faculté d'architecture essaie de participer. Il faudrait peut-être songer à examiner de plus près cet exemple.
Comme je l'ai déjà dit, je crois que nos facultés à l'Université de Toronto sont en excellente position pour entamer une collaboration dans ce domaine. Des ateliers font d'ores et déjà appel à nos ressources combinées.
Le sénateur Mercer : Vos propos m'ont beaucoup intéressé. Vous avez mentionné la fraiseuse à trois axes. Nos visites dans des installations à travers le pays nous ont révélé l'immense sophistication de l'industrie au Canada. Dans une scierie à Saint Leonard, au Nouveau-Brunswick — une scierie Irving, je crois bien —, j'ai dénombré au moins 12 scanneurs, semblables aux densitomètres qu'on voit dans les hôpitaux, analyser le bois de sciage en cours de traitement afin d'en tirer le résultat optimal. Aucune main ne touche le bois, quand il arrive dans la scierie, jusqu'à ce qu'il en sorte à l'autre extrémité de la façon la plus économique.
En premier lieu, est-ce que quelqu'un s'occupe au Canada de créer de telles machines afin d'aider l'industrie?
En deuxième lieu, nous avons observé dans des scieries au Québec et ailleurs l'emploi de fermes et de poutres en bois lamellé-collé, et on nous a aussi beaucoup entretenus de bois à lamination entrecroisée. Ce sont là quelques-unes des nouveautés, qui représentent l'avenir. L'heure est venue de réoutiller cette industrie, qui est en difficulté au Canada. C'est notre industrie la plus importante, plus encore que le secteur de l'automobile. Nous devons trouver moyen de la réoutiller.
Avez-vous remarqué si les architectes et ingénieurs commencent à se tourner, pour la construction non résidentielle, vers des produits comme les fermes en bois lamellé-collé et le bois à lamination entrecroisée?
Nous employons beaucoup de bois dans la construction résidentielle, et nous espérons que cette tendance se maintiendra, mais nous devons dépasser ces limites et offrir à notre industrie d'autres débouchés, tant internes qu'externes.
Mme McCabe : J'apprécie vos réflexions sur la recherche et sur l'idée d'une série de chaires susceptibles de collaborer en fonction de points de vue différents. L'Université de Toronto, par exemple, a un centre de pâtes et papiers, un grand centre qui conduit des recherches sur les pâtes et le papier.
J'envisage une collaboration entre le génie mécanique — qui examine différents types d'équipement et de technologies de menuiserie, et qui peut inclure un peu de génie électrique — du point de vue des matériaux, de la capacité structurale et des caractéristiques de certains des nouveaux composites que l'industrie du bois pourrait produire. Bien entendu, l'architecture contribuerait à la compréhension des applications et des matériaux.
Une chaire unique pourrait ne pas avoir tout l'effet que vous recherchez. Pour créer quelque chose de captivant qui démontre à l'industrie commerciale qu'il existe désormais un matériau nouveau à certains égards, qui a des applications réelles, il pourrait se révéler nécessaire d'avoir deux ou trois points de vue en collaboration étroite. C'est peut-être la solution recherchée. Je crois que ce serait une solution plus globale qu'une chaire unique.
Le sénateur Eaton : Monsieur Bessai, vous avez fait mention des édifices historiques. Les Canadiens sont-ils à ce point bloqués dans le passé qu'ils ne cessent de se tourner vers les édifices d'autrefois, comme les bâtiments européens en pierre ou en stuc? Beaucoup de bâtiments au Canada ressemblent encore à un pastiche — je parle de constructions générales, et pas de bâtiments spécialisés. Nous semblons être enlisés dans le passé; pourtant, nous disposons d'incroyables quantités de bois, même si elles ne sont pas encore disponibles ou si nous ne connaissons pas le meilleur moyen de les utiliser. Pourquoi ne faisons-nous pas un plus grand usage du bois? Pourquoi est-ce une nouveauté du XXIe siècle? Pourquoi sommes-nous forcés de discuter avec vous des raisons pour lesquelles il n'y a pas davantage de bois dans nos édifices?
M. Bessai : Un thème semble revenir sans cesse dans cette étude, l'idée que nous sommes peut-être quelque peu rétrogrades. Je précise donc que les écoles d'architecture dans tous les pays se penchent sur les bâtiments marquants. Les facultés modernes mettent l'accent sur le XXe siècle et la suite, ce qui n'a rien de rétrograde et n'engendre pas une prise de position ou une attitude rétrograde.
Le sénateur Eaton : Je ne veux pas dire ignorants, mais coincés dans le passé.
M. Bessai : J'essaierai de présenter les choses sous un certain angle. Dans les années 1960 et 1970, le Canada était à bien des égards un chef de file mondial en architecture ultra-moderne. Nous construisions d'importants édifices à vaste échelle, et nous faisions montre de notre force, si l'on peut dire. Des lieux comme Expo 67 en sont un témoignage. Nous n'avons pas renoncé à cette position, mais on a le sentiment que l'audacieuse période expérimentale a cédé le pas à une période d'affinement.
J'ai cité des œuvres d'Arthur Erickson, personnage caractéristique de cette période. Il était nécessaire même alors, pour produire une importante architecture civique dans un climat nordique, de faire appel pour les gros projets à des matériaux stéréotomiques comme la maçonnerie et le béton. Erickson employait le bois dans la mesure du possible, mais pour de petits projets.
Le sénateur Eaton : Le Roy Thomson Hall, à Toronto, est un merveilleux édifice en béton. Est-ce qu'on ne vient pas de le rénover avec du bois pour assurer sa viabilité acoustique?
Vos étudiants s'intéressent-ils au bois? Les jeunes d'aujourd'hui ont-ils conscience que le bois est un matériau très écologique pour la construction?
M. Bessai : Je dirais que oui. Nous avons connu une période héroïque qui exigeait un roi de l'architecture brutaliste, et durant laquelle le béton est devenu une espèce de pierre de touche de l'architecture canadienne. Actuellement, les praticiens et les universitaires en vue tiennent un langage différent au sujet du Nord. Brigitte Shim, qui est aussi membre de notre faculté, est un promoteur d'un nouveau régionalisme qui prône l'utilisation du bois.
Les différents praticiens universitaires, dans les institutions qui ont des contacts avec nous, font tous usage du bois. La plupart des exemples que j'ai cités sont d'importants édifices civiques à différentes échelles, qui mettent le bois en vedette. C'est ce que je constate. Avant d'arriver ici, je réfléchissais que les aires les plus respectées, les édifices les plus importants sur le plan culturel dans les villes canadiennes, sont actuellement habillés de bois. Les aires publiques de l'aéroport d'Ottawa ont le bois pour thème.
La difficulté est l'écart, qui existe peut-être depuis toujours, entre le monde théorique et le quotidien. On plaisante toujours, dans les facultés d'architecture, qu'à peine 1 p. 100 des édifices sont en fait dessinés par des architectes, pour ne rien dire des architectes de renom ou de talent, susceptibles de tenir compte de ces facteurs. Le Musée des beaux-arts de l'Ontario fait une large place au bois, mais personne ne s'en sert dans les centres commerciaux. Certains types de bâtiments ne se prêtent tout simplement pas au bois : il n'est pas viable dans la gamme intermédiaire des grands édifices parce qu'il n'est pas moins coûteux et que sa performance n'est pas supérieure à celle des autres matériaux.
C'est peut-être sur ce point que la discussion devrait tourner. Si nous pouvions créer une structure en bois à longues travées, résistante au feu et à prix comparable à la structure aux poutrelles à treillis en acier, les gens en feraient peut- être usage pour les centres commerciaux ou les grandes surfaces. La plupart de la construction au Canada est assujettie à des coûts. Pour en revenir à notre conversation, nous faisons usage du bois dans toute notre architecture la plus notable. L'Architecture, avec un A majuscule, s'implique fortement dans l'emploi du bois à des échelles différentes. L'architecture en tant que pratique de construction est assujettie aux prix. Nous n'employons pas le bois parce que les fermes et le platelage en acier sont moins coûteux. La question des coûts est également présente dans la construction résidentielle, que vous avez sans doute étudiée. Des montants en acier sont utilisés à l'heure actuelle pour la charpente intérieure des grands projets en habitation.
Une validation de principe est nécessaire pour construire en bois la structure des grandes salles publiques. Mon exemple du bois dans les halls d'entrée des hôpitaux est non conventionnel, parce que ce matériau est combustible et nécessite donc des soins particuliers pour veiller à ce que la sortie soit résistante aux incendies. Le même problème s'est présenté au Musée des beaux-arts de l'Ontario, où le bois fait partie intégrante de la structure. L'utilisation du bois ajoute de la valeur, mais en réalité il est une espèce d'ornement pour les entrepôts et les centres commerciaux.
Le sénateur Eaton : Laissez-vous entendre que nous n'avons pas les produits en bois qu'il nous faut?
M. Bessai : Changeons de discussion. Nos produits en bois actuels sont employés dans des lieux comme l'Anneau olympique de Richmond. Nos robots de fraisage nous permettent de recourir à des techniques de production et de design très robustes, qui dépassent toutefois la capacité financière ou la compréhension de quiconque dessine un édifice ordinaire. Dans les édifices moyens à grands, nous devrions commencer à employer un bois d'un type plus pragmatique, pour nous permettre de développer un produit et de le rendre plus viable. Les fermes en bois préfabriquées sont fréquemment utilisées dans les systèmes de couverture. Elles sont cachées à la vue, mais c'est le bois qui coûte le moins pour cette application et qui est employé régulièrement. Mon intérêt, et le vôtre, consiste à ne pas laisser la discussion s'écarter de la qualité et de l'expérience, mais plutôt de les situer au cœur de cette discussion.
Des progrès sont peut-être possibles dans les facultés d'architecture et d'ingénierie sur la question de la préfabrication et de l'assemblage préliminaire en usine des composants d'un bâtiment, pour livraison sur place. Le bois d'ingénierie ouvre ainsi d'immenses possibilités, mais notre réflexion sur cette question en est au stade préliminaire. On me dit qu'il serait possible de réoutiller des usines en Ontario en vue d'une telle production en bois. Des usines de fabrication d'automobiles ménagent de la place pour la production d'éoliennes. Nous n'avons pas encore rattrapé les Japonais dans la fabrication de logements modulaires préfabriqués ou d'éléments de construction, bien que les théories abondent. Une publication sur les préfabrications sert de référence dans ce domaine.
C'est ici que nous pourrions commencer à innover. La difficulté réside dans les coûts finals et dans l'efficacité comparative de certains de ces autres matériaux de construction durables. Il nous faut progresser sur cette question.
Mme McCabe : Je parlais de la possibilité de créer des chaires. D'excellentes recherches sont en cours sur les nanomatériaux et sur beaucoup d'autres produits, par exemple un vernis à expansion qui agirait comme la peinture pour acier, laquelle prend de l'expansion en cas d'incendie et protège l'acier afin qu'il maintienne sa stabilité structurelle assez longtemps pour permettre une évacuation en cas de besoin. On peut imaginer un vernis transparent qui agirait de même pour le bois. Vous avez vu juste quand vous avez dit que les composites n'ont pas encore assez progressé, mais que l'industrie tirerait grand profit d'une recherche sur certaines de ces questions.
Le sénateur Mercer : Je suis maintenant complètement perdu. Vous employez les termes que je crois que notre comité aurait utilisés au début de cette étude. Vous dites que le bois n'est pas sûr dans les lieux publics parce qu'il est combustible. C'est précisément le contraire de ce que nous entendons depuis des mois, c'est-à-dire que l'emploi du bois est sans danger dans les aires publiques.
Vous dites aussi qu'il est impossible de construire de grands bâtiments en bois, mais nous en connaissons de nombreux exemples. Nous en revenons sans cesse à l'Anneau, qui dépasse en taille tout magasin-entrepôt au pays, que ce soit Costco, Canadian Tire ou Best Buy. Vous m'avez donc induit en confusion. Vous avez parlé de l'impossibilité d'employer le bois dans les grands bâtiments, du danger d'incendie qu'il présente. Vous avez sauté la discussion de l'amélioration que le bois apporte à l'empreinte écologique d'un édifice. C'est pourtant un aspect primordial : je croyais que des universitaires en discuteraient assez longuement.
M. Bessai : Tout d'abord, je n'ai pris aucune part aux délibérations de votre comité à ce jour et j'ignore ce que vous avez vu et entendu. Je n'avais aucune intention de ramener la discussion en arrière.
J'ai bien mentionné, sur la question du LEED, que des points sont décernés pour l'utilisation des ressources renouvelables. C'est donc là une économie.
Dans notre discussion globale sur l'énergie, je dirais que nous devons repenser le coût des choses et réfléchir au long terme plutôt qu'au coût immédiat, en préparation pour le Sommet de Copenhague. Les entrepreneurs, sociétés de construction, architectes et ingénieurs se soucient avant tout des coûts de construction au pied carré. L'industrie détient actuellement la capacité de faire une contribution extraordinaire et de se réoutiller de manière à mieux utiliser les matériaux. Chacun sait qu'une solution plus durable est de toute évidence meilleure à long terme. Mais dans la pratique, toutes ces choses n'entrent pas en jeu dans la production quotidienne.
L'Anneau de patinage est un édifice coûteux et important sur le plan culturel, mais du bois est présent dans tous nos édifices notables dont le coût par pied carré est élevé. Nous l'avons construit, comme nous savons si bien le faire. Les architectes principaux au pays s'en préoccupent, mais ils ne font pas eux-mêmes tout le travail, essayant plutôt de prêcher par l'exemple.
Ce sont ces autres préoccupations tenaces et persistantes concernant les coûts et les bénéfices nets qui reviennent constamment dans l'industrie de la construction canadienne. Chacun veut un produit plus durable et une faible empreinte de carbone si possible, mais on a recours à une autre méthode s'il se révèle trop coûteux de construire selon ces normes.
C'est un dilemme, qui ne doit pas être mis au compte du manque de capacité et de potentiel. Il suffirait d'apprendre à mieux produire ces matériaux dans un cadre qui permette de réaliser des économies et des avantages économiques évidents, de même que des progrès observables en termes de durabilité.
Le sénateur Plett : Je suis tout à fait d'accord avec vous. J'ai demandé à beaucoup d'entrepreneurs pourquoi nous ne faisons pas un plus grand recours au bois. Vous laissez entendre que c'est simplement parce que les gens n'en veulent pas, pour une raison ou une autre. Nous pourrions l'utiliser davantage si nous le voulions; selon vous, le manque d'intérêt est attribuable au coût, au risque d'incendie et à l'ignorance des caractéristiques de sûreté du bois.
Des témoins nous ont dit, il y a un mois environ, que le choix du bois pour la construction d'un stade à Abbotsford, en Colombie-Britannique, leur avait épargné près de 500 000 $. Un entrepreneur était venu à Abbotsford du Québec pour construire le stade, qui avait coûté un demi-million de moins que si on avait employé l'acier et le béton.
Il m'est donc impossible de souscrire entièrement à la notion que le bois est plus coûteux. Un stade est un grand édifice semblable aux magasins-entrepôts. Si un entrepreneur peut être appelé du Québec pour construire un stade à Abbotsford, et le faire pour 500 000 $ de moins, j'ai peine à croire qu'il ne serait pas tout aussi économique de construire en bois un Costco ou un Superstore à Winnipeg.
M. Bessai : Il est passionnant d'entendre parler d'un tel projet. C'est impressionnant — et un grand pas en avant.
Il se peut que les technologies et les matériaux existent déjà. C'est passionnant. Si c'est vrai et si la nouvelle s'en propage, on verra de plus en plus d'édifices faisant un tel usage du bois.
Des experts vous ont probablement parlé des codes du bâtiment. Les modes d'organisation du code national et des codes provinciaux sont différents. Les codes de rendement deviennent de plus en plus courants. Le Code national du bâtiment a un aspect axé sur le rendement et un aspect législatif, ce qui laisse à entendre que certains ensembles de construction doivent s'y conformer. Il faut prouver, sous l'angle du rendement, qu'un ensemble donné n'ayant pas fait l'objet d'une utilisation conventionnelle répond aux critères du code.
Des changements se produisent peut-être aussi à ce niveau, mais il faut que ces changements se diffusent jusqu'à l'industrie. Lorsque ces pratiques seront plus usuelles, les gens qui fonctionnent encore de façon conventionnelle observeront que les prix baissent et que le code penche vers ces solutions. C'est alors qu'un changement graduel se produira.
Je suis conscient que, pour plusieurs de ces questions, vous avez fait comparaître différentes parties qui se représentent elles-mêmes. Pour sa part, le monde universitaire est aux prises avec l'aspect le plus expérimental et passionnant sur le plan formel, et se concentre sur lui. Ce sont certains des critères en fonction desquels nous évaluons l'architecture. Là où nous échouons — à l'écoute de certaines des observations formulées aujourd'hui, je crois que c'est peut-être le cas —, c'est parce que nous sommes axés sur les stratégies utopiennes, théoriques et expérimentales, au lieu de faire le dur travail d'examen de l'application de ces stratégies dans le monde de tous les jours. Dans les universités, nos facultés sont petites et en général non conformistes. Nous cherchons du mieux que nous le pouvons à nous tenir au courant du débat international qui est en plein essor sur de nombreux fronts. Nous aurions probablement avantage à calmer le jeu, à examiner ces changements graduels et à nous pencher avec plus de rigueur sur certaines des questions pratiques qui concernent un matériau donné.
Le président : Madame McCabe, avez-vous quelque chose à ajouter?
Mme McCabe : Je parle depuis quelques semaines à plusieurs de nos diplômés au service de cabinets d'ingénierie structurale. Par accident, je leur ai parlé du bois, parce que nous devons élargir un camp — il s'agira de structures en bois — et que je voulais leur aide. L'expertise existe bel et bien; l'industrie dispose de l'expertise voulue pour ce type de design. Je ne saurais vous dire pourquoi on ne s'en sert pas davantage. Il reste que si l'expertise existe, elle est employée dans différentes applications. Si personne ne s'en servait, elle aurait tôt fait de disparaître, disons en l'espace de vingt ans. De mon point de vue, ces cabinets possèdent encore l'expertise nécessaire.
Le sénateur Poulin : Monsieur Bessai, vous avez devancé ma question. J'ai toujours pensé que l'université est en avant de l'industrie, pour plusieurs raisons — la recherche, le temps consacré à la réflexion, l'écrit, le dialogue avec les nouveaux penseurs, c'est-à-dire les étudiants, qui sont l'avenir de l'industrie.
Les discussions que nous avons eues avec vous ont certainement dynamisé le comité. Quelles sont les universités mondiales, que ce soit en ingénierie ou en architecture, qui mènent les recherches voulues pour appuyer notre objectif : l'expansion de l'industrie forestière au Canada grâce à l'utilisation accrue du bois dans les bâtiments résidentiels et non commerciaux, et dans les édifices commerciaux?
M. Bessai : Les universités à l'extérieur du Canada?
Le sénateur Poulin : Oui.
M. Bessai : Notre discussion est très productive. Nous devrions continuer à faire ressortir toutes les faiblesses des universités canadiennes. D'après ce que j'en sais, la plus importante faculté qui aurait la capacité et la discipline voulues pour réaliser — et qui a peut-être réalisé — le genre d'étude concentrée que vous recherchez est sans doute ETH Zurich, l'École Polytechnique Fédérale de Zurich, en Suisse, qui a très bonne réputation. Je connais la réputation de la faculté, mais je n'en ai aucune expérience directe. Je crois savoir que le programme est de nature technique; il fonctionne sous forme d'atelier, c'est-à-dire qu'on se concentre sur des problèmes particuliers, que l'on essaie de diagnostiquer.
J'ai l'impression d'être sur la défensive, ce qui était peut-être l'effet voulu. Notre propre faculté est dirigée par un nouveau doyen, Richard Sommer, et elle se tourne vers un modèle d'éducation qui prend ces facteurs en compte. À titre d'exemple, nous avons exécuté ce que M. Sommer a qualifié d'atelier citadin : dans ce cadre, nous avons cessé toutes nos activités pour nous concentrer pendant une semaine entière sur un ensemble particulier de problèmes urbains à Toronto. Des spécialistes dans différentes disciplines sont intervenus pour donner leur opinion.
À mon retour à la faculté, je ferai valoir que nous devons mettre de l'ordre dans nos affaires et organiser une semaine consacrée à la recherche sur l'utilisation du bois dans la construction, parce que nous avons affaire à un Sénat très docte qui se demande ce que notre faculté peut donc bien manigancer.
Le président : Oui, et nous ne lâcherons pas.
Le sénateur Poulin : Je n'ai pas demandé votre avis sur les universités canadiennes, parce que je savais d'avance que vous donneriez la première place à Toronto.
M. Bessai : Non, non — vous avez le groupe d'experts qu'il vous faut, puisque nous sommes tous deux albertains.
Le sénateur Poulin : Pour l'ingénierie, madame McCabe, où pensez-vous que ce même type de recherche sera mené en vue d'augmenter l'utilisation du bois dans les structures résidentielles et commerciales?
Mme McCabe : ETH Zurich est un établissement très respecté. Je ne peux pas vraiment vous répondre, parce que je ne suis pas au courant de la recherche sur les matériaux menée dans les autres universités au monde. Il faut espérer que les universités canadiennes pourront s'occuper d'en faire la promotion.
Le sénateur Poulin : Pourriez-vous nous trouver la réponse?
Mme McCabe : Bien entendu.
Le sénateur Poulin : Monsieur le président, nous aimerions que Mme McCabe puisse nous revenir avec la réponse.
Le président : Oui. Merci.
Le sénateur Mahovlich : Il me semble que l'Université Laval n'a pas été mentionnée. Pourtant, je crois qu'elle devance toutes les universités. L'occasion nous a été offerte de visiter Laval, qui a instauré une collaboration avec l'Université de la Colombie-Britannique. Laval dispose de la technologie et du matériel voulus pour mettre à l'essai tous ces différents bois; elle travaille sur la lamination et toutes sortes d'autres choses. Est-ce que vous n'avez rien à dire sur l'Université Laval?
M. Bessai : C'était un oubli, vous m'en voyez désolé. J'essayais de citer toutes les facultés qui forment nos architectes au Canada, mais j'ai oublié Laval; je savais pourtant qu'elle a une faculté.
Je suis très heureux d'entendre qu'elle possède la capacité de s'engager dans toutes ces questions. Je m'informerai de ce qui s'y fait, pour ma propre gouverne.
Le sénateur Mahovlich : Je pense que c'est une excellente idée, et que vous devriez aussi y envoyer vos étudiants. Une visite à l'Université Laval et à ses différents bâtiments en vaut la peine. Elle a un terrain de soccer qui ressemble beaucoup à l'édifice de Richmond. Les constructeurs de l'Anneau olympique de Richmond ont fait usage d'un bois d'œuvre quasiment inutilisable en raison du dendroctone du pin. C'est un édifice attrayant.
Vous avez raison de dire que la question du coût du bois d'œuvre entre en jeu. L'architecte qui a œuvré sur l'aéroport ici même à Ottawa voulait installer un plafond en bois, mais il a perdu la bataille pour des raisons de coût. Il aurait été beau que les visiteurs puissent atterrir à l'aéroport d'Ottawa et admirer un plafond en bois.
Mme McCabe : Notre groupe des structures a établi une collaboration avec Laval. Nous sommes engagés dans différentes activités avec elle, surtout avec le groupe des structures. J'ignorais qu'elle élargissait les applications du bois, mais il est certain que nous possédons aussi les appareils qui peuvent compléter ce travail.
Le sénateur Mahovlich : Très bien. J'ai visité à plusieurs reprises l'atelier de Frank Gehry à Los Angeles, et ce qui m'a le plus frappé, c'est son ameublement, fabriqué entièrement en bois laminé. Tous ses meubles ressemblent à du contreplaqué. Il est très populaire. Il fait un grand usage du bois et je crois qu'il aime ce matériau. Bien entendu, il est canadien. Il a passé du temps à Timmins, ce qui a peut-être influé sur sa jeunesse professionnelle.
Quel pourcentage du Musée des beaux-arts de l'Ontario est en bois?
M. Bessai : À vrai dire, le Musée des beaux-arts de l'Ontario constitue en fait une rénovation. La grande masse de l'édifice est une structure qui existait déjà. La rénovation a consisté en une série d'aménagements de l'intérieur et en l'ajout d'un ou deux éléments, outre de la grosse boîte qui coffre le tout. Dans ce qui est nouveau, l'élément à l'avant est composé presque exclusivement de bois. Dans la structure même, environ 15 p. 100 ou peut-être 25 p. 100 de la nouvelle construction est du bois de structure.
Le sénateur Mahovlich : S'agit-il des escaliers?
M. Bessai : Les escaliers sont probablement munis d'une ossature en acier à l'intérieur, mais j'y reviendrai. Le bois est employé comme matériau de recouvrement, comme matériau de finition et comme matériau qui crée un effet intérieur aux murs, plafonds et planchers, outre qu'il fait fonction d'espèce de système intérieur secondaire pour le vitrage. Le bois est omniprésent. Je dirais qu'il compose 80 p. 100 du matériau de finition dans l'édifice.
Il existe quelques indices pour comprendre Frank Ghery. J'ai beaucoup réfléchi à son œuvre; en qualité d'architecte membre de son cabinet, j'ai pris part à ses processus. Il est véritablement un architecte marquant; à l'image de Frank Lloyd Wright, à qui on le compare souvent, il est actuellement dans le stade avancé de sa carrière. Je dirais que le Musée des beaux-arts de l'Ontario est une espèce de projet-vitrine pour son œuvre tardive. On note un incroyable retour au bois à titre de matériau expérimental.
C'est ainsi que nous voyons les choses. Même à l'université, le bois n'a pas toujours un usage aussi inventif qu'avec Frank Ghery. C'est bon signe. Je dirais aussi qu'il s'inscrit dans une minuscule poignée d'architectes, parce qu'il a une notoriété mondiale. Si nous étions tous musiciens, il serait l'équivalent d'une vedette du rock.
Je ne crois pas que l'emploi du bois dans le haut de gamme pose problème, et nous en avons ici un exemple parfait. Le problème se situe au niveau intermédiaire, où ceux d'entre nous qui essaient de progresser sur cette question ont une connaissance moindre des types de produits qui offrent une rentabilité éprouvée et un rendement équivalent, et qui sont de surcroît durables.
Le sénateur Mahovlich : Est-ce que vous recommanderiez aux étudiants de visiter le Château Montebello, pour voir la valeur historique du bois et observer ce qui a été accompli avec le bois? Des membres de la famille royale y ont séjourné, en plus de moi-même.
M. Bessai : Quels membres?
Le sénateur Mercer : Vous êtes vous-même une famille royale.
M. Bessai : C'est vrai. Je demanderai votre autographe plus tard. Je demanderai celle de tout le monde.
Le sénateur Mahovlich : Le Château Montebello a une ossature en bois et existe depuis de très nombreuses années. Il est à la fois attrayant et une réussite. Il me plaît.
M. Bessai : Pour être clair, j'ai peut-être mal interprété ce que vous avez dit au sujet des édifices historiques.
Le sénateur Eaton : Pas du tout. Les Canadiens ont une idée de la raison pour laquelle nous n'allons pas de l'avant, au lieu de toujours nous tourner vers nos accomplissements passés. Le Musée des beaux-arts de l'Ontario est un merveilleux exemple de cette nouvelle œuvre, comme l'est aussi la nouvelle galerie romaine, qui est extraordinaire. Pourquoi ne voit-on pas plus de choses de ce genre?
M. Bessai : Dans les débuts de l'architecture canadienne, l'emploi du bois était obligé, parce qu'il était facile de le couper dans la forêt et de s'en servir comme de montants et de poutres. Il est vrai qu'à une certaine époque, le bois était l'un de nombreux matériaux utilisés. Pendant une bonne partie du XXe siècle, il y a eu un engouement pour le béton coulé sur place. Nous avons aussi tiré parti des grands progrès dans l'utilisation de l'acier dans les grands édifices. Le centre-ville de Toronto abrite l'un des plus beaux exemples de l'œuvre de Mies van der Rohe : le Centre Toronto- Dominion.
Quoi qu'il en soit, les nouveaux emplois du bois sont en cours de découverte, existent, et sont en fait nouveaux. Nous devons prêter plus d'attention à cette réalité. Par contre, il y a un problème de sentiment d'aise à l'égard de ces matériaux par l'industrie et le monde de la construction, avec lesquels nous n'avons pas toujours un contact direct. Nous lançons nos étudiants en architecture dans le monde, et ils essaient de dénicher un emploi dans des cabinets.
Les facultés d'architecture ont toujours eu un problème, celui d'un manque de contact direct avec l'industrie et avec les architectes en exercice. En outre, on n'observe pas vraiment la symbiose à laquelle on pourrait s'attendre, et qui se produit dans une certaine mesure parmi les facultés de l'Université, à ce que nous croyons. Ce problème n'est pas propre à l'Université de Toronto, mais aussi aux autres facultés, à l'exception possible de Laval.
Nous devons y travailler et faire passer le message. Nous devons nous éduquer nous-mêmes, mais aussi diffuser le message et reprendre contact avec les architectes en exercice qui sont occupés à dessiner ces édifices.
Le sénateur Eaton : Vous avez dit « sentiment d'aise ». Si le gouvernement fédéral mettait plus en vedette le caractère écologique du bois et décrétait qu'à compter de 2015, tout édifice fédéral doit être en bois à 10, 15 ou 20 p. 100, est-ce que cela serait utile? Vous employez bien sûr le béton et l'acier, mais des lambris, des revêtements ou des escaliers en bois sont tout aussi nécessaires. Une telle mesure pousserait-elle les facultés dans tout le pays à dire : « Ce qui s'en vient est inévitable. Nous devons nous mettre du bon côté, nous concentrer davantage sur cet aspect »?
Mme McCabe : Cela aurait une influence énorme, à n'en pas douter. Nous sommes constamment tiraillés dans toutes les directions. Différentes industries viennent nous demander : « Pourquoi votre programme n'offre-t-il pas plus de ceci ou cela? » J'ai essayé de donner un aperçu du programme. Il regorge de matières. Nous faisons notre possible pour réaliser le meilleur équilibre.
Toutefois, un tel mandat réveillerait tout le monde. Il ne s'agit pas seulement du système d'éducation, mais de la pratique tout entière. S'il existe une demande pratique, nous modifierons certainement notre façon d'enseigner le programme d'études, parce que nous cherchons à inculquer à nos ingénieurs les compétences voulues pour répondre à la demande d'aujourd'hui et de l'avenir.
De plus, l'impression générale depuis une vingtaine d'années est que l'industrie forestière n'est peut-être pas des plus écologiques, et que ses pratiques sont mal perçues par le grand public. C'est peut-être l'une des causes du fléchissement de l'utilisation du bois. La stratégie que vous mentionnez serait excellente : faire valoir au grand public et aux professions que le bois est un produit très écologique, fabriqué selon des normes de responsabilité et de durabilité, surtout pour le Canada. Notre industrie du bois est probablement l'une des plus vastes au monde.
Je conviens avec vous qu'une telle initiative du gouvernement fédéral contribuerait fortement à porter à l'attention de tous que le bois fait un retour en force. Il est de retour et aura toutes sortes d'usages. L'idée est très bonne.
[Français]
Le sénateur Rivard : Merci, monsieur le président. Naturellement, étant un des derniers à m'exprimer, la plupart de mes questions ont été posées et des réponses ont été données.
Je remercie le sénateur Mahovlich de rappeler qu'on a vu le pavillon Kruger à Québec, qui possède un équipement en bois. C'est l'addition de la Faculté de foresterie faite en bois à 90 p. 100, sauf pour ce qui est des planchers et un mur mitoyen pour respecter la loi.
Vous avez parlé du projet de New Richmond en disant que c'était un projet qui avait coûté plus cher que l'équipement conventionnel. J'espère qu'un jour les gens de Richmond rendront publics les coûts d'entretien ou de chauffage versus les coûts si on avait employé des matériaux conventionnels.
À l'Université Laval, le pavillon Kruger opère depuis quelques années et ils ont pu établir que les coûts de chauffage étaient de 30 p. 100 inférieur à du conventionnel. Chaque fois qu'un projet comme celui-là se fait, un ingénieur sera confronté à une situation où les coûts seront comparables. On devrait aller vers cela parce que les frais d'exploitation sont aussi importants.
Notre comité a reçu, au cours des derniers mois, plusieurs témoins qui ont dit qu'il était dommage que les codes provinciaux de bâtiment permettaient des édifices commerciaux à, au plus, six étages, alors qu'ils ont la conviction qu'il serait possible de les permettre jusqu'à neuf étages sans aucun problème.
Qu'est-ce qui pourrait être fait pour cela? D'où la pression devrait-elle provenir? Des gouvernements, des architectes, des ingénieurs, des universitaires?
À Québec, on a visité deux édifices construits en bois et dont un dont la construction avance et les architectes nous ont dit bien aimer le bois, mais que la main-d'œuvre qualifiée n'était pas disponible actuellement pour pouvoir mener de front plusieurs chantiers de bois dans le non résidentiel.
[Traduction]
Mme McCabe : L'une des grandes difficultés, quel que soit le type d'édifice, est que le budget pour la conception et la construction est souvent distinct de celui pour le fonctionnement et l'entretien, parce que ces deux budgets relèvent de services différents. À titre d'exemple, les coûts de chauffage durant le cycle de vie de l'édifice ne sont pas de notre ressort. Quand on construit une route, les matériaux employés sont choisis en fonction du coût de cette route durant son cycle de vie. On ne tient pas compte uniquement du coût de construction de la route. Un projet fédéral pourrait donc consister à examiner le financement des coûts totaux d'un édifice, y compris les coûts énergétiques durant son cycle de vie.
Sur la question de la hauteur d'un édifice et des codes du bâtiment, je crois que personne ne limite par pure méchanceté la hauteur en fonction des matériaux employés. S'il peut être prouvé qu'un édifice en bois peut avoir plus de six étages, ce fait pourrait être intégré au code du bâtiment si on le portait à l'attention des comités de code du bâtiment. Ce n'est pas impossible.
L'industrie de la construction au Canada est tout à fait extraordinaire, et peut s'enorgueillir de l'immense ensemble de compétences de ses travailleurs de la construction. J'ai déjà dit que si on cesse pendant longtemps de faire appel à un matériau donné pour le design, cette expertise particulière finit par se perdre. On peut en dire autant des métiers du bâtiment. Sur la question des métiers, il est nécessaire de fournir non seulement l'éducation, mais aussi la possibilité d'utiliser le matériau. On observe un effet de cascade. Un design est créé en vue d'un matériau en particulier, et parce qu'on sait que les compétences nécessaires à la construction existent en fait. C'est l'union de toutes sortes de dimensions, depuis la conception jusqu'aux métiers d'installation, qui permet de réaliser cet ensemble.
Le président : Monsieur Bessai, vous avez des commentaires sur la question?
M. Bessai : Comme elle était à volets multiples, j'ai pris quelques notes. Mme McCabe a donné une réponse très juste à certains de ces volets. Pour changer les codes du bâtiment provinciaux, je ne suis pas sûr où il conviendrait d'appliquer de la pression. L'influence des codes sur les bénéfices nets, d'après ce que j'en ai compris, est tout simplement que les gens essaient autant que possible de s'en tenir aux exigences minimales du code. Si on modifiait ces codes pour qu'ils accordent la préférence aux techniques de construction qui donnent de plus en plus la preuve de leur efficacité, ce serait un incroyable pas en avant, qui donnerait lieu à un changement. Si, comme il a été proposé, le gouvernement fédéral décidait de sa propre initiative que les contrats de construction conclus avec lui obligeraient à faire usage du bois pour 20 p. 100 des structures de finition, ce serait une mesure exemplaire, aux répercussions immenses. Le gouvernement pourrait ainsi faire fonction de chef de file, ce qui serait avantageux sous tous les rapports.
Les Jeux olympiques approchent à grands pas : nous continuerons donc à beaucoup entendre parler de l'Anneau olympique de Richmond, parce qu'il est comme un emblème. Il figure sur la couverture du Canadian Architect de ce mois. C'est le seul projet, dans les préparatifs pour ces Jeux, qui a du mérite sous tous ces aspects, surtout ceux qui sont à l'étude par votre comité. Pour notre spécialiste technique à l'Université de Toronto, Ted Kesik, qui est aussi notre spécialiste de la science du bâtiment au niveau du Ph.D avancé, tout est question du rendement de l'édifice. Mais il intègre de plus en plus à sa pensée certaines préoccupations sur les matériaux et sur le cycle de vie d'un projet. Si vous entendez parler de l'Anneau olympique de Richmond, c'est qu'il s'agit d'un édifice exemplaire, qui exercera une énorme influence parce qu'il sera à la vue de tous. C'est une force dans le bon sens.
Le sénateur Finley : À entendre l'enthousiasme avec lequel M. Bessai décrit certains de ces édifices, j'en viens à penser qu'ils sont comme une folle réunion de l'art, de la science et de l'économie. J'imagine qu'il n'existe qu'un seul Pablo Picasso parmi cinq milliards de Doug Finley.
Je veux en revenir aux universités et à la recherche. Quelle est l'importance du rôle de l'industrie dans le financement des universités, sous l'angle des applications pratiques ou des applications de la recherche? Plus particulièrement, quelle est l'importance du financement des universités par l'industrie du bois — qui, nous le savons, rapporte des milliards de dollars par année? Vous pouvez donner une estimation propre à l'Université de Toronto ou pour l'ensemble des universités canadiennes.
Mme McCabe : Je ne peux pas vous donner un chiffre précis, mais c'est une portion infime. Certaines industries accordent un soutien un peu plus important que d'autres. Je connais davantage celles qui appuient notre recherche, laquelle est axée ordinairement sur la conception structurale, et pas nécessairement sur les matériaux. L'industrie du ciment et du béton nous apporte un soutien très solide. L'Université de Toronto dispose d'un centre de pâtes et papiers, un groupe robuste généreusement appuyé par l'industrie du bois. J'ignore le pourcentage exact, mais cette industrie apporte un soutien presque entier à l'unique centre de recherches, qui finance plusieurs chercheurs.
Ce soutien influe sur le mode d'exécution de la recherche. Le financement par l'industrie a pour effet d'orienter la recherche vers un domaine qui revêt de l'importance pour cette industrie. L'industrie canadienne n'appuie pas au même degré la recherche globale sur les matériaux et le génie civil. Cela est probablement tout aussi vrai dans d'autres secteurs de l'ingénierie. Nous arrivons à obtenir l'aide de secteurs précis de l'industrie parce que nous mettons l'accent sur les applications. Tout dépend en fait de l'industrie.
Le sénateur Finley : Serait-il utile par exemple d'envisager des modalités financières ou fiscales en faveur de l'industrie, pour l'inciter à investir dans l'Université en vue de développer le bois à titre d'élément de construction?
Mme McCabe : Sans le moindre doute.
Le sénateur Finley : Vaudrait-il mieux que le financement fédéral soit versé directement à l'Université?
Mme McCabe : Je doute qu'une stratégie unique suffise pour régler un problème aussi vaste. Votre comité examine la question sous tellement d'angles que toute stratégie visant à mettre les produits de cette industrie au premier rang de nos matériaux de construction, et à réorienter la construction au Canada et ailleurs, nécessitera une solution multiple. Financer des programmes de recherche universitaires, veiller à ce que le bois fasse partie du milieu urbain et ne soit pas vu comme un problème rural, offrir des bourses aux étudiants pour les encourager et les passionner sur les possibilités d'apprendre à manipuler différents matériaux — tout cela serait utile. Les bourses et la recherche sont utiles aussi sous l'angle de la perception publique. Si elles font l'objet d'une recherche, elles passent sur le devant de la scène. Nous devons faire concurrence à des choses comme les biomatériaux, qui attirent beaucoup d'attention. Les fonds de recherche et les bourses d'études aideraient à mettre les produits et applications relatifs au bois au premier plan dans l'esprit du public.
Le sénateur Finley : Vous nous avez entretenus de cinq matériaux : bois, ciment, béton, acier, maçonnerie et verre. Est-ce que d'autres matériaux sont à l'étude pour la construction et l'architecture? Je songe en particulier aux composites — ces nouveaux matériaux très légers et solides. Pourraient-ils finir par entrer en compétition directe avec le bois?
Mme McCabe : Un compétiteur futur, mais peut-être aussi une possibilité, parce que ces composites peuvent contenir du bois, ou des produits du bois, susceptibles d'améliorer la capacité thermique ou de faire appel à d'autres déchets ligneux. Les possibilités sont multiples. Je n'emploierais pas nécessairement le mot compétition, bien que cela puisse se produire. Il existe tellement de possibilités! Je crois que le composite offre en fait des possibilités à l'industrie.
Le sénateur Mahovlich : On nous a dit que le bois est beaucoup plus sain, à l'intérieur des édifices, que le béton et les autres matériaux. Le saviez-vous?
Mme McCabe : Non. Mais on pourrait facilement faire valoir que le plancher en bois est plus sain que la moquette. Je n'en sais rien d'autre sous l'angle de la structure. Le bois n'est pas exempt de problèmes : s'il devient humide, il risque de créer de la moisissure. D'autres aspects du bois sont peut-être très bons.
Le sénateur Fairbairn : La conversation a été extrêmement intéressante. Ce que vous faites est passionnant.
Quand vous avez su que je proviens de Lethbridge, en Alberta, vous avez demandé si je connais Arthur Erickson, le créateur d'un édifice exceptionnel, situé au bord de notre rivière et devant les montagnes, pour l'Université de Lethbridge. Il est tellement exceptionnel qu'il a fini par paraître dans les pages de Time, ce qui était à l'époque l'événement le plus excitant à survenir à Lethbridge depuis très longtemps.
Au fil des ans, je me suis souvent demandé si j'aurais dû devenir architecte plutôt que journaliste.
Vous enseignez tous deux aux jeunes cette carrière passionnante et de grande importance que vous avez choisie pour vous-mêmes. Combien de femmes font aujourd'hui ce choix de carrière?
Mme McCabe : Une moyenne de 25 p. 100 des personnes inscrites en génie civil sont de jeunes femmes. Elles obtiennent des résultats exceptionnels, sont souvent les premières de classe et tendent à rechercher des rôles de leadership. Elles s'intéressent à beaucoup plus que la simple structure, et souhaitent comprendre les incidences de leurs structures sur l'environnement. Quelques-uns de nos étudiants ont élaboré ce qu'ils désignent du nom de « promesse ». Les étudiants en génie la signent, à la fin de l'année, pour signifier qu'ils promettent, dans tout ce qu'ils font aujourd'hui, de veiller aux générations à venir. Les projets de génie civil et d'architecture restent souvent debout pendant des centaines d'années. Les étudiants souhaitent faire des constructions dont leurs petits-enfants seront fiers. Les femmes se tirent très bien d'affaire.
M. Bessai : Beaucoup de femmes s'inscrivent aux écoles d'architecture, probablement plus de 50 p. 100 du corps étudiant, mais elles ne deviennent pas toutes architectes membres de l'Ordre. Nous ne savons pas au juste pourquoi. Il est certain que les femmes se montrent très intéressées et apportent une grande contribution aux facultés. Nous devons prendre des mesures pour les inciter à aller jusqu'au bout et à devenir membres de l'Ordre.
Le président : Je signale à nos témoins qu'en 2009, le gouvernement fédéral a injecté plus de 40 millions de dollars sur deux ans, par le truchement de Ressources naturelles Canada, dans le Programme d'exportation de produits de bois canadien, le programme Valeur au bois et le programme Le bois nord-américain d'abord. Je tenais à vous le dire. Toutes ces initiatives portent sur l'emploi du bois dans la construction non résidentielle.
Je souhaite remercier nos témoins de nous avoir communiqué toute leur information. Nous la communiquerons à notre tour au Conseil canadien du bois.
Madame McCabe, vous avez mentionné un manque d'expertise au deuxième cycle; vous avez ajouté que seuls des intervenants doivent être assis à la table lorsque nous examinons les questions que vous a posées le sénateur Finley.
Merci d'avoir comparu ce matin.
(La séance est levée.)