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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 2 - Témoignages du 12 mars 2009


OTTAWA, le jeudi 12 mars 2009

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour examiner la situation actuelle du régime financier canadien et international. Sujet : accès au crédit pour les entreprises.

Le sénateur Michael A. Meighen (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, nous accueillons un certain nombre de témoins intéressants ce matin et nous voulons utiliser tout notre temps.

[Français]

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se penche ce matin sur la situation actuelle du régime financier et économique canadien, et plus particulièrement sur l'étendue du problème d'accès au crédit des entreprises.

[Traduction]

Je crois que le problème de l'accès au crédit est une question importante qui doit être examinée dans le contexte du ralentissement économique mondial. Bien que des mesures d'action aient été prises par le gouvernement fédéral et par la Banque du Canada, l'accès au crédit pour les entreprises continue de susciter des préoccupations.

Pour nous en dire davantage sur la façon dont le gouvernement fédéral aborde ces préoccupations, nous sommes heureux d'accueillir, au cours de la première heure, Jean-René Halde, président et chef de la direction de la Banque de développement du Canada, ainsi qu'Eric Siegel, président et chef de la direction d'Exportation et développement Canada. Je crois savoir que M. Siegel prendra la parole en premier. Avant de lui donner la parole, je veux vous présenter les sénateurs qui sont présents.

Le sénateur Paul Massicotte vient du Québec et le sénateur Harb vient de l'Ontario. Je m'appelle Michael Meighen; je viens de l'Ontario et je suis le président du comité. Immédiatement à ma droite, vous avez le sénateur Goldstein du Québec; à l'extrême droite, le sénateur Don Oliver de la Nouvelle-Écosse; le sénateur Stephen Greene de la Nouvelle- Écosse; le sénateur Gerstein de l'Ontario et le sénateur Fox du Québec.

Avez-vous une déclaration à faire avant la période des questions? Si oui, veuillez commencer.

[Français]

Eric Siegel, président et chef de la direction, Exportation et développement Canada : Monsieur le président, je vous remercie de l'occasion que vous me donnez de prendre la parole aujourd'hui. Votre examen est important compte tenu de la difficile conjoncture.

[Traduction]

L'accès au crédit est vital pour les entreprises de toutes tailles. À titre de société d'État, Exportation et développement Canada joue un rôle clé pour aider les entreprises canadiennes à obtenir du crédit et à se protéger contre divers risques. C'est notre mandat. C'est pour cela que le gouvernement du Canada nous a créés il y a près de 65 ans.

Que fait Exportation et développement Canada? En deux mots, nous fournissons du financement commercial et des solutions d'assurance aux entreprises canadiennes pour qu'elles exportent et investissent à l'étranger. Nos services comprennent : des prêts aux entreprises étrangères qui veulent acheter des biens et services du Canada; des prêts de fonds de roulement aux entreprises canadiennes pour les aider à réaliser leur contrat d'exportation; des prêts et de l'assurance pour aider les entreprises canadiennes à investir à l'étranger; des garanties aux banques, pour les aider à accorder des prêts; de l'assurance pour protéger les entreprises canadiennes contre divers risques, en particulier le non- paiement; des services de cautionnement pour aider les entreprises canadiennes à offrir des cautions de bonne fin; et enfin, des capitaux propres.

Nous offrons tous ces services directement et en partenariat avec des institutions financières canadiennes et internationales. Et nous le faisons également sur une base commerciale, sans crédits annuels du Parlement.

Comme vous le savez probablement, au cours de l'année qui vient de se terminer, Exportation et développement Canada a affiché un rendement record. Notre rapport annuel ne sera déposé devant le Parlement qu'au printemps, mais permettez-moi tout de même de vous communiquer en avant-première quelques-uns de ses faits saillants.

En 2008, EDC a engagé plus d'activités avec un plus grand nombre de clients que jamais auparavant, au moment même où les entreprises canadiennes en avaient le plus besoin. EDC a desservi 8 300 entreprises canadiennes, une augmentation de 11 p. 100 par rapport à 2007. Nous avons facilité des exportations et des investissements d'une valeur globale de 85,8 milliards de dollars, une augmentation de 23 p. 100 par rapport à 2007. Ces chiffres comprennent des exportations et des investissements de 22 milliards de dollars sur les marchés émergents, soit plus du quart de notre chiffre d'affaires total. Ils englobent aussi des investissements et des prêts de plus de 14 milliards de dollars consentis en partenariat avec des banques canadiennes et étrangères et avec des sociétés de cautionnement. Au total, en 2008, EDC a offert aux entreprises canadiennes près de 16 milliards de dollars d'aide commerciale additionnelle.

Dans l'exercice de ces activités, nous demeurons concentrés sur notre mandat d'intérêt public et sur les retombées économiques de nos activités au Canada. En 2008, EDC a ainsi contribué à générer 4,4 p. 100 du PIB canadien et appuyé 572 000 emplois au pays.

Voilà pour le bilan de 2008, une année au cours de laquelle des conditions de plus en plus difficiles et les risques de plus en plus importants ont accru les besoins pour nos produits et services.

Grâce à une collaboration étroite avec nos clients et partenaires financiers, nous avons su répondre à la demande en acceptant de prendre des risques, en augmentant notre capacité et en comblant les lacunes dans tous les secteurs de l'économie pour les entreprises de toutes tailles.

Ces résultats ont été obtenus dans le cadre du mandat traditionnel d'EDC axé sur les exportations, à l'intérieur des limites établies et dans le respect de la capacité financière actuelle de la société. Je tiens maintenant à prendre quelques instants pour décrire en quoi les mesures introduites dans le budget 2009 nous permettront d'accroître notre aide.

Il a été demandé à EDC, et à sa société soeur, la Banque de développement du Canada, de jouer un rôle accru dans la mise en oeuvre du plan d'action économique du gouvernement. Comme vous le savez, le gouvernement propose que le mandat d'EDC soit élargi pendant une période de deux ans. Grâce à cette marge de manoeuvre additionnelle, EDC pourra faciliter des transactions intérieures mettant en cause des partenaires solvables et appuyées par un modèle d'affaires viable malgré la raréfaction du crédit. Il reste à établir dans quels domaines EDC concentrera son action.

Nous prévoyons accroître notre capacité sur le marché intérieur dans trois grands secteurs : nous offrirons de la réassurance afin d'accroître la capacité des sociétés canadiennes d'assurance-crédit et de les aider à continuer de servir leur clientèle; nous offrirons de la réassurance et des garanties aux sociétés de cautionnement afin d'accroître leur capacité; et nous accorderons des prêts et des garanties de prêts sur le marché intérieur afin d'aider les entreprises qui éprouvent des difficultés à trouver le crédit dont elles ont besoin.

Il importe de souligner que tous ces services sont offerts à titre de complément aux services déjà offerts par le secteur privé et par la Banque de développement du Canada, BDC.

En effet, grâce au programme de crédit aux entreprises, ou PCE, les banques, EDC et la BDC seront en mesure de consulter, de collaborer et d'accroître la capacité de financement globale sur le marché. Simultanément, EDC collabore avec des assureurs privés afin de s'assurer que ses activités dans ce secteur appuient et complètent celles offertes sur le marché par le secteur privé.

Pour nous aider à mettre en place cette capacité accrue, le gouvernement propose de majorer la limite des responsabilités éventuelles d'EDC et du capital-actions et, le cas échéant, d'augmenter le plafond de ses emprunts. Il propose aussi d'accroître le montant maximal des activités possibles sur le Compte du Canada.

Ces mesures viennent s'ajouter à l'injection de capitaux frais de 350 millions de dollars annoncée dans la mise à jour économique et financière de novembre dernier. Les travaux récents d'EDC dans le secteur de l'automobile constituent un bon exemple de la manière dont ces capitaux additionnels peuvent l'aider à élargir son offre de services.

Par exemple, EDC a utilisé ces capitaux pour injecter 60 millions de dollars de plus dans de nouvelles garanties d'assurance en 2009 dans le secteur de l'automobile, et elle est disposée à offrir une tranche additionnelle de 250 millions de dollars de couverture dans ce secteur, malgré les défis actuels. EDC a également créé un bassin de capitaux de 200 millions de dollars pour les prêts plus risqués consentis aux fournisseurs de pièces automobiles et équipementiers ayant des modèles d'affaires à long terme viables, mais dont les activités sont actuellement limitées par le resserrement actuel du crédit.

Toutes ces mesures s'ajoutent aux 4,2 milliards de dollars de financement et d'assurance que nous avons offerts dans cet important secteur afin d'appuyer 595 entreprises canadiennes.

Tout au long de 2009, nous continuerons de chercher les possibilités de déployer ces capitaux et d'offrir aux entreprises le crédit et la protection d'assurance dont elles ont besoin pour survivre, livrer concurrence et prospérer. Nous le faisons d'ailleurs déjà. Même si EDC ne dispose pas encore officiellement des nouveaux pouvoirs proposés dans le budget, nous ne nous contentons pas d'attendre la suite des choses. La société et ses employés abordent en effet tous les dossiers avec un véritable sens de l'urgence afin de mieux répondre aux besoins de la clientèle.

Permettez-moi de conclure par un aperçu des résultats de nos activités au cours des deux premiers mois de cette année. EDC a déjà conclu jusqu'à maintenant en 2009 de nouveaux engagements de 9,4 milliards de dollars. EDC s'engage quotidiennement dans de nouvelles affaires à hauteur de 230 millions de dollars. EDC a déjà accepté 419 nouveaux clients jusqu'ici cette année, en plus de sa clientèle existante. Elle a facilité plus de 500 transactions en partenariat avec des banques et des sociétés de cautionnement.

Comme je l'ai indiqué en préambule, notre travail consiste à offrir du crédit et à aider les entreprises à atténuer les risques qu'elles courent. Voilà le mandat qui nous a été confié par le Parlement et chaque jour qui passe, nous nous efforçons de nous en acquitter.

[Français]

Je vous remercie. Je vais maintenant répondre à vos questions.

[Traduction]

Le président : Si les sénateurs sont d'accord, peut-être que nous pourrions entendre M. Halde et ensuite, poser des questions aux deux témoins. Il pourrait y avoir du chevauchement.

Avant de céder la parole à M. Halde, je vais présenter les deux sénateurs qui se sont joints à nous : Le sénateur Eyton de l'Ontario et le sénateur Moore de la Nouvelle-Écosse. Nous avons trois Néo-Écossais.

Le sénateur Goldstein : C'est à un coup de force.

Le président : Sans plus tarder, monsieur Halde, nous sommes prêts à entendre votre exposé. Nous vous remercions de vous être joint à nous ce matin.

[Français]

Jean-René Halde, président et chef de la direction, Banque de développement du Canada : Je vous remercie de m'avoir invité à participer à vos travaux sur l'état du système financier national et international, et plus particulièrement sur l'enjeu de l'accès au crédit pour les entreprises.

Avant de commencer, j'aimerais faire une courte description de BDC. Le financement des entreprises est assuré par 1 800 employés qui travaillent à partir d'un réseau de 100 succursales à l'échelle du pays. Nos trois grands secteurs d'activité sont le financement, la consultation et le capital de risque.

Bien que le ralentissement de l'industrie du capital de risque au Canada soit dommageable pour les jeunes entreprises de technologie en restreignant leur accès au financement, je limiterai mes commentaires au financement à terme traditionnel. Comme vous le savez sans doute, en vertu de notre rôle de prêteur complémentaire, BDC est disposé à prendre plus de risques que les institutions financières traditionnelles. Présentement, notre portefeuille de prêts se chiffre à plus de 11 milliards de dollars et nous servons 28 000 entrepreneurs. À leur tour, ces clients génèrent des ventes d'à peu près 160 milliards de dollars, incluant des ventes à l'exportation d'environ 22 milliards de dollars.

[Traduction]

Avec environ 3 p. 100 du marché du financement à terme, BDC est petite comparativement aux autres institutions financières. Notre réseau de succursales est modeste par rapport aux quelque 6 600 succursales des six grandes banques canadiennes, mais nos 600 directeurs et directrices de compte sont en contact direct avec des milliers d'entrepreneurs tous les mois. Nous pouvons ainsi prendre le pouls du marché.

À l'heure actuelle, nous pouvons observer deux forces à l'oeuvre. La première est la récession; beaucoup d'entrepreneurs hésitent à entreprendre de nouveaux projets, attendant de voir plus clairement ce que le marché leur réserve. Par conséquent, le nombre d'entrepreneurs qui souhaitent financer un projet est plus faible qu'il ne l'est normalement.

La deuxième force est le resserrement des conditions du crédit, qui résulte du retrait du marché de certaines institutions n'acceptant pas de dépôts; de la diminution importante du nombre d'intervenants sur le marché de la titrisation; d'un marché obligataire difficile et de la difficulté, pour les institutions financières, d'accorder des prêts dans un climat d'incertitude économique.

Qu'est-ce que ces forces signifient pour les entrepreneurs? Si l'entrepreneur jouit d'une relation d'affaires de longue date avec une banque canadienne ou une caisse populaire, il court moins de risque. Mais le risque augmente pour l'entrepreneur qui exploite une entreprise dans un des secteurs les plus touchés par la récession, comme le secteur manufacturier et le tourisme. De toute évidence, le risque est encore plus grave pour un entrepreneur qui a perdu son partenaire financier et qui tente d'établir une relation avec une nouvelle institution financière.

Le retrait de banques étrangères, d'institutions financières n'acceptant pas de dépôts ou d'entités non réglementées impose aux banquiers qui restent des contraintes liées à une nouvelle et importante demande. C'est sans contredit le cas de BDC qui a vu son portefeuille croître à un niveau plus important que ce qui était anticipé. Nous constatons également que les entreprises moyennes nous approchent en beaucoup plus grand nombre qu'avant. Les transactions supérieures à 5 millions de dollars ont augmenté de 50 p. 100 par rapport à l'année dernière.

Les échanges entre nos employés et ceux des autres institutions financières n'ont jamais été aussi nombreux. Au cours des dix premiers mois de l'exercice, on a dénombré plus de 15 000 contacts, comparativement à près de 9 000 au total pour l'exercice précédent. Ces échanges ont généré au-delà de 1 200 référencements à BDC.

Vous vous souvenez sans doute que le gouvernement nous a accordé, en novembre 2008, 350 millions de dollars de capitaux supplémentaires. Nous avons reçu jusqu'ici 250 millions de dollars, qui ont déjà été utilisés à bon escient sur le marché du financement. Nous devrions recevoir les 100 millions de dollars qui restent en avril. Ceux-ci serviront à offrir un nouveau mécanisme de garanties sur les marges de crédit que nous sommes à développer en consultation avec des institutions financières.

Le projet de loi sur le budget présenté au Parlement renferme deux propositions qui visent à alléger les difficultés engendrées par le retrait de banques étrangères et l'effondrement du marché de la titrisation, dont mon collègue a parlé plus tôt. La première est le Programme de crédit aux entreprises, PCE. Comme il l'a indiqué, ce programme est un effort de collaboration entre les grandes banques canadiennes, EDC et BDC dans le but de fournir pour au moins 5 milliards de dollars de prêts et de mesures de soutien du financement à des entreprises solvables dont l'accès au crédit serait par ailleurs limité. Les représentants de toutes les organisations concernées ont commencé à se réunir, en comité de direction et de travail, afin de déterminer les meilleures façons de procéder.

En vertu du PCE, nous avons cinq initiatives. En premier lieu, dans le cas de financement de montants élevés, BDC commencera à participer à des syndicats financiers en remplacement des prêteurs qui se retirent en second lieu, pour ce qui est dit prêt à la moyenne entreprise, les institutions financières feront un nombre croissant de transactions sur une base « pari passu ». En troisième lieu, en ce qui concerne les petits prêts à l'égard desquels le financement « pari passu » pourrait s'avérer inefficace ou coûteux, BDC acquerra une participation dans des hypothèques commerciales. En quatrième lieu, comme je l'ai mentionné précédemment, nous sommes en train d'élaborer un programme de garanties sur les marges de crédit. Finalement, nous examinons aussi avec certaines institutions financières des moyens de traiter plus rapidement les petits prêts qui seraient rejetés sur la base de leurs systèmes d'évaluation du crédit par points.

Nous avons une bonne collaboration avec EDC et les banques, et les partenariats constructifs sont en train de se former.

Le budget prévoit également la création de la Facilité canadienne de crédit garanti visant à aider les entreprises et les consommateurs à obtenir du financement pour l'achat de véhicules et de matériel. Il s'agit d'une initiative sur laquelle nous travaillons avec Finances Canada. Nous sommes sur le point de terminer les consultations publiques et entreprenons la rédaction d'un plan d'action en ce moment même.

Comme pour le PCE, nous mettrons tout en oeuvre pour lancer cette facilité de crédit garanti, qui pourrait être dotée d'un maximum de 12 milliards de dollars, dans les plus brefs délais. Il faut cependant comprendre que cela ne peut se faire en un jour, et que nous prenons très au sérieux notre responsabilité en tant que gardien de l'argent des contribuables.

En terminant, il ne faut surtout pas oublier que nous sommes une société d'État commerciale tenue par la loi de soutenir des entreprises solvables et des projets qui ont une chance raisonnable de réussite. Nous ne pouvons, pour cette raison, répondre favorablement à toutes les demandes. Nous voulons aider les entrepreneurs. Et nous comprenons qu'il est nécessaire d'agir rapidement. Mais notre engagement et notre désir d'aider sont assujettis à certains paramètres et s'accompagnent de certaines responsabilités. Nous devons chercher des clients solvables et des projets viables sur le plan commercial.

Personne à BDC ne sous-estime la gravité de la présente récession ou les contraintes qu'elle fait peser sur les propriétaires d'entreprises. Nous voulons apporter à ces derniers notre soutien de manière rapide, professionnelle et efficace. Soyez assurés que nous faisons tout en notre pouvoir, dans la mesure de nos moyens, pour y arriver.

[Français]

Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le président : Nous vous remercions de vos exposés. Nous passons maintenant à la période de questions.

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie d'être présents aujourd'hui. Le but de notre rencontre est d'assurer des liquidités; si la réponse est oui, quelles sont les solutions? J'essaie de comprendre le problème. On voit beaucoup de sondages issus de nombreuses organisations, dont la Banque du Canada qui démontrent que le sentiment des gens d'affaires est qu'il existe un problème de liquidité et de crédit.

Je crois que le 4 mars, la même remarque a été faite à la Chambre des communes à un de leurs comités. Lorsqu'on regarde le rapport de la Banque du Canada du 20 février sur ce qui s'est passé jusqu'à la fin décembre 2008, on peut remarquer que dans le crédit accordé aux gens d'affaires ainsi qu'aux consommateurs, on peut voir une augmentation de crédit en totalité de 8 à 9 p. 100 comparativement à 2008, ce qui équivaut, grosso modo, à la même augmentation qu'en 2007. Il y a des secteurs où il y a une diminution du montant de crédit en suspens, mais il y a une augmentation assez importante chez les banques, ce qui compense adéquatement pour le manque dans un certain secteur.

J'essaie de comprendre. Avons-nous un problème de liquidité? Tous les journaux en parlent, j'en parle et vous aussi. Lorsque je regarde la réalité basée sur les rapports de la Banque du Canada, est-ce un problème de perception de la réalité? Si oui, pourquoi vos chiffres sont-ils contraires à ceux de la Banque du Canada.

M. Halde : Je pense que nos chiffres ne sont pas différents. Il faut comprendre que le système bancaire ne représente que — je ne connais pas le chiffre exact — quelque 40 p. 100 de l'activité. Il y a d'autres activités connexes, des compagnies d'assurances, des gens qui ne sont pas réglementés, des GI capital, ainsi de suite, des entreprises qui se sont carrément retirées du marché.

On peut penser, par exemple, à un client qui allait être financé par une banque qui s'est retirée. Il y a donc des départs d'institutions financières qu'on doit tenter de remplacer. Je pense que les deux chiffres ne sont pas incompatibles.

Le sénateur Massicotte : Je remarque que jusqu'à la fin décembre, à un « short term business credit »; oui, il y a des secteurs, y compris les secteurs que vous avez nommés dont l'assurance-vie, « special purpose corporation », il y a une diminution assez importante, de 34 milliards à 30 milliards de dollars. En d'autres mots, il manque 4 milliards de dollars dans un an.

Lorsque je regarde le secteur banquier, je remarque une augmentation de presque 20 milliards de dollars au cours de la même année. Je comprends qu'il y a des secteurs qui font défaut, mais on parle en totalité d'un crédit en extension de 1,2 milliard. C'est une augmentation de 8 p. 100.

C'est la même chose pour les consommateurs. Je comprends qu'il y a des lacunes dans certains secteurs. Mais si je parle de la totalité de tous les prêts, j'ai l'impression qu'il y a une augmentation de 8 p. 100, ce qui est assez important. Le taux nominal de la croissance économique est de 5 ou 6 p. 100. On parle d'un problème, mais existe-t-il réellement? Si oui, comment le corrige-t-on? Quelles sont les solutions dans le cas où il y a un problème?

[Traduction]

M. Siegel : Il est important de noter que nous ne faisons que commencer à connaître le resserrement du crédit. Un bonne partie de ce que nous voyons est la prévision d'une défaillance de crédit dans un environnement de crédit beaucoup plus sérieux que celui que nous avons connu à la fin de 2008 et au début de 2009. L'expérience passée nous indique que dans les récessions, les taux de défaillance sont beaucoup plus élevés que ceux que nous connaissons à l'heure actuelle. Nous prévoyons avoir de tels taux de défaillance et nous pourrions même les dépasser.

La prévision se reflète sur les pratiques de prêt des banques. Les banques doivent ajuster leurs pratiques de prêt en prévision des défaillances de crédit. Cet ajustement a pour effet que les banques ou bien n'ont pas de limites additionnelles à offrir ou bien doivent modifier les conditions rattachées aux prêts. Là aussi, nous voyons que la crise financière a augmenté le coût des fonds, en particulier, la prime de liquidité qui pourrait ne pas avoir existé avant, mais qui existe maintenant dans un grand nombre de ces prêts. Une partie de la crise, c'est que l'argent est là, mais le coût et les conditions entourant la disponibilité du crédit sont devenus plus rigoureux et plus coûteux. Cette situation fait mal aux entreprises.

Un autre facteur, c'est que les entreprises se sont capitalisées auparavant d'une manière très importante à partir de la liquidité dans le marché et, à de nombreux égards, ont des obligations à court terme qui sont maintenant arrivées à échéance. Ainsi, une masse croissante de refinancement doit se faire sans l'avantage de pouvoir compter sur les marchés financiers qui sont très resserrés à l'heure actuelle, ce qui met une pression additionnelle sur les banques. C'est cette situation qui explique pourquoi la demande de prêts auprès des banques est à la hausse, ce qui n'a rien d'étonnant. Toutefois, la demande éclipse totalement ce que les banques sont en mesure de prêter. Mme Hughes, qui est ici aujourd'hui au nom de l'Association des banquiers canadiens, sera en mesure d'expliquer cette situation au comité avec plus de détails. C'est pourquoi il est important que BDC et EDC comblent le vide laissé par les institutions étrangères qui ont dû se retirer, et les établissements non bancaires qui ne sont pas à l'aise d'occuper cet espace, pour stabiliser les prêts consentis par les banques.

Le sénateur Massicotte : Cet argument est conforme aux résultats. Bien que nous constations une croissance, les récessions antérieures nous ont montré qu'il doit y avoir une croissance plus importante pour compenser les problèmes de liquidité imminents.

Au cours des dernières périodes de récession importante, 1980 et 1991, nous avons vu une croissance de 8 p. 100, et nous voyons une bonne croissance dans la masse monétaire. Dans quelle mesure la masse monétaire doit-elle croître pour compenser ces pénuries imminentes en ce qui a trait aux liquidités?

M. Siegel : Au cours de la récession de 1991, le taux de défauts de remboursement des emprunts de qualité inférieure a grimpé à 11 p. 100. À l'heure actuelle, il est de 4 p. 100. Les estimations actuelles veulent que nous éclipsions la marque de 11 p. 100. Nous pourrions voir des taux de 15 ou 16 p. 100, mais il ne s'agit évidemment que d'une supposition. L'expérience passée a montré que nous avons connu ce degré de taux de défauts de remboursement, et la perte en cas de défaut est un sous-ensemble de ce défaut.

Elle indique également que tout le long du spectre du crédit, à un tel taux de défauts de remboursement, des crédits de bien meilleure qualité sont évalués à la baisse et l'accès aux capitaux diminue alors en conséquence. Au cours de l'année 2009, nous nous attendons à ce que les défauts de remboursement et les perturbations qui accompagnent cette situation se multiplient par trois et plus.

Le sénateur Massicotte : En résumant les commentaires des gens qui se plaignent du manque de crédit sur le marché, vous dites qu'il s'agit surtout de paroles. Cependant, en 2009, vous prévoyez que la situation s'aggravera considérablement. C'est pourquoi le gouverneur de la Banque du Canada et le ministre des Finances exercent des pressions importantes sur la BDC, EDC et les banques pour que ces dernières compensent la demande de crédit, en raison de ce qu'ils voient dans l'avenir.

M. Siegel : Oui; certaines plaintes sont réelles et la pénurie de crédit ne fait que commencer à se faire sentir maintenant. Les banques et les marchés financiers regardent vers l'avenir et prévoient ce qui va arriver. Les discussions concernant du crédit additionnel ou du renouvellement des crédits où les conditions seront modifiées s'en viennent, et nous commençons à voir cet effet se manifester.

Le sénateur Oliver : Mes questions concernent les petites et moyennes entreprises, PME, et l'accès au crédit. Je sais que les activités d'EDC comprennent les prêts, l'assurance, les garanties et le cautionnement, « et cetera ». D'après ce que j'ai lu dans les journaux, j'ai l'impression que le ministre des Finances veut que la BDC et EDC ressemblent davantage aux services bancaires de détail, en ce sens qu'elles vont offrir un meilleur accès au crédit aux PME plutôt qu'aux seules plus grandes entreprises avec qui elles font affaire actuellement.

Allez-vous examiner les secteurs de la foresterie et de la pêche, les biens réels et d'autres domaines en ce qui a trait à l'étude des prêts? Monsieur Siegel, vous avez dit que vous prévoyez une capacité additionnelle dans le marché intérieur dans trois domaines. Les deux premiers sont la réassurance et le troisième, la fourniture de prêts et de garanties de prêt sur le marché intérieur pour aider les entreprises qui ont de la difficulté à obtenir suffisamment de crédit. Est-ce que cette capacité accruetouche les petites PME? Si oui, de quelle manière?

Dans votre préparation pour ce budget qui sera adopté, peut-être le 26 mars, allez-vous embaucher du personnel additionnel dans vos entreprises pour faire face à cette nouvelle demande que je prévois de la part des PME à la recherche de plus de crédit parce qu'elles ne pourront pas en obtenir des banques. Comment vous êtes-vous organisés pour faire face à cette nouvelle demande? Comment pouvez-vous vous assurer que cela se fera en temps opportun?

M. Siegel : Sénateur, je vais commencer par répondre à la dernière question. Oui, nous recrutons du personnel additionnel étant donné que nous avons vu nos activités croître de manière vertigineuse au cours du troisième et du quatrième trimestres de 2008, malgré le fait que les exportations étaient à la baisse. Le marché privé était absent de sorte que nous nous sommes retrouvés avec une demande plus forte. Nous avons également prévu un taux de défaut de remboursement plus élevé et de la restructuration. Nous ajoutons de 30 à 40 personnes de plus dans notre personnel pour nous occuper à la fois de nos activités de base et des nouveaux pouvoirs touchant le marché intérieur.

Les petites et moyennes entreprises constituent une grande part de nos activités. Les PME représentent 82 p. 100 de notre clientèle, soit près de 7 000 de nos 8 300 clients. L'an dernier, le soutien total dans ce domaine s'élevait à 17,8 milliards de dollars, ce qui constitue une augmentation considérable par rapport à 2007.

Une grande partie de ce soutien se trouve dans le domaine de l'assurance-crédit. Je ne veux pas écarter ce soutien parce que le premier endroit où nous pouvons créer du crédit pour les PME, c'est auprès de leur banque. Dans de nombreux cas, elles ont une banque.

La banque prête en fonction des comptes débiteurs. Elle doit avoir l'assurance que ces comptes débiteurs sont bons. L'assurance-crédit d'EDC est donnée en gage à la banque à titre de garantie. Environ 40 p. 100 de toute l'assurance liée aux comptes débiteurs que nous offrons est donné en gage à la banque. Si vous supposez que 70 p. 100 de cette assurance permet d'obtenir un prêt, vous avez l'équivalent d'environ 28 milliards de dollars de crédit qui est fourni par les banques, en partie à cause de l'assurance offerte par EDC. C'est important.

Nous offrons également du cautionnement. Essentiellement, nous garantissons à la banque de prendre la responsabilité du retrait effectué sur la ligne de crédit de l'entreprise de manière que la banque puisse émettre un cautionnement de soumission ou un cautionnement de bonne fin dans le cas d'un contrat particulier.

Enfin, nous fournissons du financement. L'an dernier, nous avons fourni pour environ 1,5 milliards de dollars de financement aux PME.

Le sénateur Oliver : Pouvez-vous me dire quel type de financement?

M. Siegel : Une grande partie de ce financement était assurée par l'intermédiaire des banques au moyen d'une garantie d'EDC. Nous garantissons jusqu'à 90 p. 100 du prêt. La banque est le prêteur officiel. Le prêt peut aller jusqu'à 2 millions de dollars pour une durée de deux ans. L'an dernier, cette forme de prêt s'est élevée à 323 millions de dollars et a profité à 314 PME différentes. Nous prévoyons que ce type de financement continuera de croître cette année.

Le sénateur Oliver : Allez-vous devenir un prêteur de premier recours lorsque le budget sera adopté?

M. Siegel : Notre préférence est de fournir des prêts par l'intermédiaire des banques si nous pouvons le faire, mais nous sommes prêts à prêter directement. Nous voulons respecter le fait que la BDC est l'acteur principal dans ce domaine. D'abord et avant tout, nous collaborons avec la BDC pour nous assurer que nous ne fournissons pas des services qu'elle offre déjà. Cela se fait par le biais de notre relation bilatérale particulière, au niveau de travail et de la direction, mais également par le biais du PCE, en collaboration avec les banques.

Nous prévoyons que nous allons fournir une capacité de garantie, et dans certains cas, une capacité de participation de financement aux banques lorsqu'elles prêtent à ces acteurs. Cependant, si nous devons prêter directement, nous le ferons.

Le sénateur Oliver : Si les banques disent non à une PME, cette dernière peut-elle s'adresser à vous?

M. Siegel : Oui, elle peut faire.

Le sénateur Oliver : Comment vos tarifs se comparent-ils à ceux des banques commerciales?

M. Siegel : Je dirais que nous n'essayons pas d'introduire une distorsion sur le marché. Nous n'essayons pas d'offrir une sorte de subvention. Nous voulons que nos tarifs reflètent le coût des fonds et les risques liés au prêt.

Le sénateur Oliver : Pensez-vous au taux préférentiel majoré de 3 p. 100 et plus?

M. Siegel : Le taux varie en fonction de la qualité de l'emprunteur. Nous utilisons un système de cotes. Étant donné que nous travaillons avec les banques, nous chercherions à savoir comment nos cotes se comparent aux leurs.

Nous sommes conscients qu'à l'heure actuelle la tarification est un peu volatile. C'est une partie des raisons pour lesquelles nous avons le PCE. Nous espérons, par le biais de cette facilité, pouvoir déterminer où il y a une tarification démesurée pour essayer de nous assurer que nous avons une tarification plus cohérente, qui reflète l'ensemble des coûts liés à ce prêt.

M. Halde : Peut-être puis-je ajouter quelque chose à cette réponse. La BDC concentre principalement son attention sur les PME — 76 p. 100 des entreprises avec lesquelles nous faisons affaire comptent moins de 20 employés. Il s'agit davantage de petites entreprises que de moyennes entreprises. Le nombre d'entreprises de taille moyenne et grande qui s'adressent à nous augmente rapidement, mais nous nous concentrons sur les PME.

Idéalement, nous nous concentrons là où l'appétit pour le risque des institutions financières traditionnelles s'arrête. Nous établissons le prix en fonction du risque, exactement comme l'a dit M. Siegel; nous avons un système de cotes, mais nous essayons d'aller là où les autres banques ne sont pas intéressées à aller.

J'ai certaines données statistiques. Par exemple, dans le secteur automobile — pièces automobiles, et cetera — il y a eu une augmentation de 11,5 p. 100 cette année par rapport à l'année précédente; dans le secteur un forestier, une augmentation de 20 p. 100 par rapport à l'année précédente et dans le secteur du tourisme, une augmentation de 6 p. 100.

Nous essayons d'aller là où les banques veulent se retirer. Nous devons établir un tarif pour le risque, parce qu'évidemment, ces prêts sont plus risqués.

Le sénateur Oliver : Pouvez-vous me donnez un exemple de certains de vos tarifs pour le risque — taux préférentiel majoré? À quoi cela ressemble-t-il en moyenne?

M. Halde : L'ensemble du portefeuille se situe en moyenne au taux préférentiel majoré de 2,3 p. 100.

Le sénateur Oliver : Quel est le taux le plus élevé — taux préférentiel majoré de 6 p. 100?

M. Halde : C'est le taux préférentiel majoré de 4 p. 100, pour les prêts à terme garanti — pas entièrement garanti, mais partiellement garanti. Un autre type de prêt est le prêt subordonné, c'est-à-dire le prêt sur capacité d'autofinancement, sans aucune garantie, des prêts de quasi-capitaux propres — nous offrons, de toute évidence, des prêts dans ce domaine également. Toutefois, toute la structure de la transaction est différente, avec bon de souscription d'actions et ainsi de suite.

Le président : Étant donné le changement très important de votre mandat, vous avez dit, monsieur Siegel, que vous alliez travailler en collaboration avec la BDC, sous l'égide du PCE ou directement. Quel scénario y aurait-il pour vous permettre de dire : « Après vous, Alphonse. Celui-là est à vous »? Quels types d'activités relèveraient de vous en vertu des nouvelles règles du jeu et lesquelles relèveraient de M. Halde?

M. Siegel : Il n'y a pas de règle absolue. Ce n'est jamais assez parfait pour éviter toute possibilité de chevauchement; mais jusqu'ici, il n'y a pas eu beaucoup de chevauchement.

Par exemple, prenez une entreprise qui a des ventes de 50 ou 60 millions de dollars. Probablement que le premier endroit où cette entreprise devrait s'adresser serait la BDC. Les ventes pourraient être plus élevées que cela; mais nous sommes à l'aise de dire à nos gestionnaires de comptes sur le terrain d'appeler la BDC avant de commencer à traiter le prêt.

Un autre exemple de collaboration, c'est que nous fournissons de l'assurance crédit. Nous assurons les comptes débiteurs. Cette assurance peut être une garantie précieuse pour les banques et pour la BDC. Elles sont le prêt, mais nous offrons l'assurance crédit. C'est notre compétence; le prêt, c'est leur compétence.

Un autre exemple, nos garanties de cautionnement. Elles ne fournissent pas ce service, alors que, nous, nous le faisons. Nous pouvons participer tous les deux. Ils constituent un prêteur et nous fournissons des garanties de cautionnement, ce qui permet d'offrir du crédit additionnel.

Nous collaborerons également en ce qui concerne les capitaux propres. Nos deux organismes ont des pouvoirs en matière de capitaux propres. Historiquement, la BDC est sur le marché depuis plus longtemps et possède une participation plus importante. Nous constatons que le marché boursier, le marché du capital-risque, est tari au pays. Nous risquons de perdre des technologies qui sont précieuses, mais nous n'avons pas la capacité, le crédit pour continuer d'aller de l'avant.

Par conséquent, nous collaborons; il nous arrive souvent d'investir conjointement dans une même entité. Il est possible que la BDC soit intervenue à un stade antérieur et que nous arrivions à un stade ultérieur, mais nous essayons de fournir le financement nécessaire.

Nous examinons conjointement un fonds créé par la BDC qui est conçu pour catalyser un bassin important de fonds d'actions de stade avancé pour les entreprises de haute technologie. C'est le genre de collaboration dont nous parlons, et cela fait intervenir beaucoup de discussion.

M. Halde : Je n'ai pas vraiment grand-chose à ajouter. Nous allons prêter jusqu'à concurrence de 50 ou 75 millions de dollars. Tout ce qui se trouve au-dessus de cette somme est davantage du ressort de M. Siegel et d'EDC, parce que nous sommes un prêteur pour les PME. La taille même du prêt est une façon de délimiter; et la taille de l'entreprise en est une autre. Il y a probablement une petite zone de chevauchements où nous devons nous parler, mais le chevauchement est relativement faible.

Le sénateur Goldstein : Messieurs, merci beaucoup de votre exposé très instructif. Nous sommes conscients que vous n'avez pas eu beaucoup de temps pour vous préparer à venir ici, mais cela ne paraît pas parce que, de toute évidence, vous êtes bien préparés.

J'ai un petit nombre de questions courtes et peut-être indirectes. Dans quelle mesure faites-vous du financement des biens réels?

Je pose la question parce que les données statistiques que j'ai vues semblent indiquer une probabilité réelle que beaucoup d'hypothèques commerciales arrivent à échéance et que certains créditeurs hypothécaires ne semblent pas prêts à vouloir refinancer, ce qui pourrait entraîner, outre le problème des hypothèques résidentielles, un problème touchant les hypothèques commerciales. Est-ce que l'une ou l'autre de vos sociétés est active, ou se propose de devenir active, dans le domaine des biens mobiliers à usage commercial?

La deuxième question s'adresse plus particulièrement à M. Siegel. À mon point de vue, EDC a été traditionnellement un organisme qui garantissait le crédit étranger, dans une grande mesure. Dans une autre vie, il y a de nombreuses années, je représentais EDC et j'étais occupé à trouver des avocats en Algérie et au Nigeria pour poursuivre les gens qui ne payaient pas leurs fournisseurs, et c'est là le domaine traditionnel. Aujourd'hui, je vous entends dire, monsieur Siegel, qu'indépendamment de ce que le budget propose, vous participez déjà de manière importante à l'attribution de prêts sur le marché intérieur ou, peut-être plus important encore, de garanties sur le marché intérieur de manière que les gens et les entreprises puissent utiliser leurs comptes débiteurs pour se financer, et que vous pouvez rassurer certains « prêteurs » plus traditionnels, en particulier les banques.

Il y a d'autres acteurs dans ce domaine — et je pense aux sociétés d'affacturage, certaines de grande taille, certaines de petite taille. Ce sont surtout des gens de la place, mais ils participent effectivement à cette activité. Elles garantissent les comptes débiteurs, et les banques traditionnelles se fient en grande mesure sur ces garanties pour accorder du crédit en ce qui concerne les comptes débiteurs. Parfois, elles accordent le crédit elles-mêmes.

Par conséquent, pouvez-vous nous parler de ces deux questions : premièrement, les biens mobiliers à usage commercial et, deuxièmement, la mesure dans laquelle d'autres entrepreneurs, y compris les sociétés d'affacturage, et d'autres, peuvent intervenir pour combler l'écart et être en mesure de garantir la liquidité sur une base continue?

M. Halde : Je peux essayer de répondre à votre première question sur les hypothèques commerciales.

Dans notre cas, une grande partie de nos prêts à terme portent sur des hypothèques commerciales parce que nous parlons d'un entrepreneur qui désire construire une usine et ainsi de suite. De toute évidence, ce type de prêt constitue une part importante de notre activité.

Il y a certainement un problème de capacité dans le système. C'est pourquoi en vertu du PCE, comme je l'ai indiqué dans mon exposé, nous participerons avec les institutions financières qui désireront le faire, tout au moins, dans des hypothèques commerciales importantes sur une base « pari passu » et au regroupement des plus petites hypothèques commerciales. Il s'agit d'un effort pour fournir aux entreprises du capital de sorte qu'ensemble, nous puissions en faire beaucoup plus.

C'est une façon de corriger au moins certains des problèmes. Nous restons à l'écart des hypothèques résidentielles parce que ce n'est pas notre mandat et nous restons à l'écart des situations où c'est la Société canadienne d'hypothèques et de logement, SCHL, qui a les compétences nécessaires. Pour les autres hypothèques de type commercial, nous jouerons, nous l'espérons, un rôle important.

M. Siegel : Rapidement, sur la question des biens réels, nous ne sommes pas actifs dans ce domaine. Nous avons une quantité limitée de prêts relatifs à des immeubles commerciaux, mais il s'agit de préfinancement concernant des projets étrangers. Nous ne sommes pas un prêteur à terme dans le marché des biens réels.

Concernant votre question sur les autres acteurs et le domaine des comptes débiteurs et de l'affacturage, et cetera, notre société était à l'origine une société d'assurance des comptes débiteurs avant même d'acquérir des pouvoirs de prêteur. L'assurance des comptes débiteurs continue de représenter une part dominante de nos activités. Des 85 milliards de dollars d'activité, l'assurance des comptes recevables représente 61 milliards de dollars et cette assurance profite non seulement aux banques, mais également aux sociétés d'affacturage. Ces sociétés achètent souvent les comptes débiteurs parce qu'ils sont assurés par EDC. Nous avons une entente d'affacturage avec elles.

Ce scénario s'applique également à la titrisation, parce que de nombreuses entreprises feront la titrisation de leurs comptes débiteurs pour ensuite utiliser le marché secondaire pour les vendre. Nous allons fournir un parapluie, une police d'assurance des comptes débiteurs, sur tous ces comptes débiteurs. De toute évidence, le marché secondaire est devenu plus faible, voire inexistant, alors c'est plus difficile à faire aujourd'hui.

Je pense que la façon de voir EDC et le marché intérieur est de voir les exportations comme une longue chaîne d'approvisionnement. En effet, dans le monde d'aujourd'hui, la chaîne d'approvisionnement mondialisée est devenue très longue et revient ici même au Canada. Souvent, la meilleure façon, et peut-être même la seule façon, d'aider une entreprise canadienne qui veut exporter est d'aider cette entreprise ici dans le marché intérieur. Il peut s'agir d'une entreprise qui exporte du fait qu'elle fait partie d'une grande chaîne d'approvisionnement pour les exportations.

Le secteur automobile en est un exemple. Nous avons assuré du financement aux entreprises de deuxième niveau — les équipementiers et les fabricants de pièces, et cetera. Ces entreprises ne quittent pas le Canada, mais tout ce qu'elles produisent entre dans la fabrication d'une voiture qui, elle, quitte le pays. Nous sommes devenus actifs dans cet espace, travaillant en collaboration avec les banques et avec la BDC.

Le sénateur Harb : Cette question s'adresse à vous deux. En ce qui concerne le capital global que vous prêtez, êtes- vous à pleine capacité? Avez-vous suffisamment de fonds à prêter?

Deuxièmement, est-ce que la crise financière a eu des effets chez vous? Nous pouvons voir le bilan des banques; nous pouvons visiter leurs sites Web et savoir comment elles ont été touchées. Comment la crise financière a-t-elle touché vos deux sociétés?

M. Halde : Nous commencions à être restreints en matière de capital, mais heureusement, le plafond concernant le capital d'apport a été augmenté de même que notre pouvoir d'emprunt. En supposant que nous recevions le capital qui pourrait maintenant être versé à la banque, tout ira bien.

Cela dépend de la taille de la Facilité canadienne de crédit garanti, qui est un programme de 12 milliards de dollars. Il sera intéressant de voir s'il s'agit d'un programme de 12 milliards de dollars ou, comme d'autres programmes, s'il va grossir avec le temps. Si c'est le cas, de toute évidence, la capitale deviendra un problème à un moment donné.

Concernant les effets de la crise financière, nos provisions pour pertes sur prêts augmentent rapidement. Le niveau de ce que nous appelons le déclassement d'un prêt à douteux, où un prêt est considéré comme douteux, a augmenté de façon spectaculaire. Nous sommes rentables depuis 1995, année où la BDC a été créée, mais l'exercice financier débutant le 1er avril prochain sera un défi.

Le sénateur Harb : Avez-vous des chiffres?

M. Halde : Non, pas encore.

Le sénateur Harb : Lorsque vous en aurez, allez-vous pouvoir nous les faire connaître?

M. Halde : Absolument.

M. Siegel : En ce qui concerne EDC, le capital n'est pas limité à l'heure actuelle. Nous avons terminé l'année avec 9,4 milliards de dollars en capital et ensuite, le gouvernement, au début de janvier, a ajouté une tranche additionnelle de 350 millions de dollars. Nous avons juste un peu moins de 10 milliards de dollars en capital. Tout ce capital était constitué de bénéfices non répartis et de profits réinvestis.

Ce capital permet de soutenir environ 30 milliards de dollars de prêts en cours bruts et environ 28 milliards de dollars de passif éventuel. La question revient à nos prévisions pour l'avenir. Nous avons fait une modélisation de ce que nous croyons que seront les taux de défaut et la détérioration du crédit et ensuite, la perte en cas de défaut, qui serait une réduction de capital.

Nous avons un modèle de suffisance de capital pour la société. Il rassemble beaucoup à celui des banques. Il répartit le capital en fonction du risque du crédit, du risque du marché ou des risques opérationnels. Nous cherchons à fonctionner à l'intérieur d'une marge de solvabilité qui se situe entre AA et BBB. Nous ne voulons pas descendre en bas de la cote d'évaluation d'investissements, mais nous sommes prêts à fonctionner à une capacité d'absorption du capital qui pourrait nous amener à ce niveau.

À l'heure actuelle nous nous retrouvons dans l'étendue de A+ à AA, mais nous avons fait une modélisation axée sur l'avenir et, d'après nos prévisions, nous pensons que nous pourrions frôler la limite de la cote d'évaluation d'investissements, la limite BBB. Évidemment, le gouvernement a indiqué qu'il était prêt à investir une somme additionnelle de 1,5 milliard de dollars dans EDC et dans la BDC. C'est de cette façon que nous allons suivre la situation et déterminer si nous devons faire appel au gouvernement pour lui demander de fournir plus de capital.

Nous pouvons également compter sur le Compte du Canada dont le solde a été haussé par le gouvernement. Il pourrait représenter une autre source de capitaux.

En ce qui concerne votre commentaire sur les répercussions de la crise financière sur notre organisation, je vous répondrais qu'à la fin de l'année, nos profits se chiffraient à 206 millions de dollars. Ils correspondaient à environ 40 p. 100 des profits que nous avions prévus au début de l'année. Ils étaient inférieurs parce que nous avons augmenté nos provisions pour perte sur prêts et en prévision de l'augmentation des demandes de remboursement.

L'année dernière, le nombre de demandes de remboursement reçues a augmenté de 13 p. 100, s'élevant à près de 2 400. Au cours du dernier trimestre seulement, ce nombre a grimpé de 45 p. 100. Les remboursements versés ont doublé l'année dernière et le nombre de demandes en attente est quatre fois plus élevé cette année qu'à la même époque l'an dernier.

Notre modèle tient compte de tout cela. Nous sommes certains que nous utiliserons beaucoup de nos capitaux, ce qui ne veut pas dire que nous les perdrons, mais plutôt qu'ils seront absorbés par nos activités générales.

Le sénateur Harb : Vous avez parlé du capital de risque et du fait qu'il y.en avait peu. Les témoins que nous avons entendus hier ont indiqué que le marché du capital de risque s'était tari, ce qui ne sous-entend pas qu'il coulait à flot avant. Il est franchement navrant que, dans un pays comme le Canada qui dépend tellement de son innovation, de ses échanges et de ses transactions commerciales, le capital de risque fasse sérieusement défaut. Nous n'avons pas, à proprement parler, de marché du capital de risque et peu de gens s'y consacrent. Est-ce un secteur qui pourrait vous intéresser?

M. Halde : Nous possédons un important portefeuille de capital de risque. Nous y avons consacré plus de 700 millions de dollars. Nous avons investi dans 140 entreprises canadiennes de technologie et nous connaissons bien le secteur. Nous sommes probablement l'une des plus grandes sociétés, sinon la plus grande, d'investissement en capital de risque du Canada.

L'automne dernier, nous avons tenu une série de tables rondes partout au Canada et nous avons découvert que, pour diverses raisons, le rendement du capital de risque a été décevant. Habituellement, l'argent provenait de deux sources. Tout d'abord, il y avait les investisseurs institutionnels — les fonds de pension et d'autres. Il va de soi que les fonds de pension ont aujourd'hui l'embarras du choix pour placer leur argent et la classe d'actif — le capital de risque — n'est pas très attrayante compte tenu de son récent rendement. Ensuite, l'argent provenait du marché de détail et de ses fonds de travailleurs. Nous savons que certaines provinces, comme l'Ontario, découragent énormément les fonds de travailleurs.

Donc, les deux sources de capitaux qui alimentaient les fonds se sont essentiellement évaporées. Nous investissons dans 16 différents fonds. EDC investit également dans des fonds. Nous recevons fréquemment des demandes d'investissement, mais malheureusement, comme je l'ai mentionné plus tôt, nos capitaux sont limités. Nombre de ces fonds sont presque épuisés et les gestionnaires ne réussiront pas à lever un nouveau fonds.

Il y a pire encore, si vous tenez à connaître toute l'histoire. Selon le modèle traditionnel, les investisseurs plaçaient leur argent et, après trois ou quatre années, ils revendaient leurs actions à un autre investisseur en capital de risque spécialisé dans une autre étape du développement des entreprises. Et plus tard, cet investisseur organisait peut-être un premier appel public à l'épargne, un PAPE, pour le compte de l'entreprise ou la vendait à un acheteur stratégique dans le cadre de fusions et d'acquisitions, des FA.

Malheureusement, on n'organise plus de PAPE dans le secteur technologique et les acheteurs stratégiques ne courent pas les rues. Alors, au lieu d'investir pendant trois à cinq années, nos investissements s'étendent maintenant sur dix ans. Les investisseurs sont forcés de soutenir financièrement l'entreprise jusqu'à ce qu'elle soit rentable et en mesure de voler de ses propres ailes. Cet état de fait envenime la situation parce que, non seulement il y a moins de fonds, mais ces fonds doivent continuer de financer les entreprises plus longtemps.

En ce moment, nous constatons que l'industrie éprouve de grandes difficultés et qu'un grand nombre d'entreprises de technologie font face à des situations épineuses.

[Français]

Le sénateur Fox : Monsieur le président, j'ai une question pour M. Halde. Les récessions ou les crises économiques se succèdent, mais ne se ressemblent pas toujours. Je me souviens qu'en 1981-1982, dans la région des Basses- Laurentides, il y avait beaucoup de demandes pour les services de votre société. À ce moment-là, les prêts étaient disponibles, mais à des taux d'intérêt élevés, de 18 et à 21 p. 100. Aujourd'hui, l'argent n'est pas disponible, et les taux d'intérêt sont beaucoup plus bas. C'est l'ironie du sort de voir que quand il y avait de l'argent, c'était très cher et quand il n'y en pas, c'est peu cher.

Je suis inquiet en ce qui concerne le capital de risque. En ce qui a trait aux problèmes de liquidité que vous rencontrez actuellement, et que rencontrent les petites et moyennes entreprises, sont-ils les mêmes au Canada? Est-ce qu'il y a des régions plus frappées que d'autres? Êtes-vous en mesure de remédier aux difficultés plus grandes dans des régions ou est-ce un rôle qui vous échappe?

[Traduction]

Ma deuxième question est destinée à M. Siegel. Je regrette d'avoir à parler aussi rapidement, mais le président a mentionné que nous étions pressés par le temps. Vous avez dit que la situation empirerait avant de s'améliorer. L'écart qui semble exister en ce moment s'accentuera et nous ignorons toujours si les mesures que nous avons adoptées aujourd'hui permettront de le combler. Si ce n'est pas le cas, à quoi devons-nous nous attendre?

Pour l'instant, nous sommes surtout préoccupés par le ralentissement, la récession et, peut-être aussi, la déflation. Plus tard, lorsqu'on s'attaquera au dollar américain, c'est l'inflation qui nous inquiètera. Peut-être, suis-je en train de m'emballer, mais il se pourrait que nos taux d'intérêt grimpent de nouveau à 21 p. 100, comme en 1981 et 1982.

M. Halde : Je vais essayer de répondre rapidement à votre première question. La BDC est présente à peu près partout où se déroulent les activités économiques au Canada. Nous sommes bien répartis là où elles se trouvent. Sur le plan des liquidités, le problème est relativement le même partout. Sur le plan du crédit, certaines provinces éprouvent plus de difficultés que d'autres. Manifestement, le Sud de l'Ontario avec son secteur des pièces d'automobiles est un endroit où il est difficile d'obtenir du crédit. L'Alberta, où traditionnellement le crédit était facile d'accès, commence à vivre un resserrement. J'espère que cela répond à votre question.

Le sénateur Fox : Oui, merci.

M. Siegel : Pour ce qui est de savoir si la situation se détériorera avant de s'améliorer, je vous dirais qu'il est difficile de prédire ce qui va se passer. Nous nous préparons à observer un nombre encore plus important d'écarts en matière de crédit au cours des trois à six mois prochains, au fur et à mesure que les entreprises chercheront à s'adapter à la réduction de leurs recettes. Elles ont diminué de 20 à 25 p. 100 ou plus, et il est peu probable qu'elles retourneront à leur niveau antérieur. On doit alors trouver un moyen de stabiliser ces entreprises dans l'état où elles se trouvent.

Si je pouvais désigner une autre chose qui pourrait aggraver le problème et à laquelle on devrait prêter une plus grande attention, c'est le manque de financement du débiteur-exploitant. Certaines entreprises chercheront à se mettre sous la protection de la Loi sur la faillite et à se réorganiser. Dans le passé, les banques se lançaient presque dans le financement du débiteur-exploitant. C'était une activité plutôt lucrative où les prêteurs bénéficiaient d'une grande protection et étaient remboursés en priorité.

De nos jours, en raison du coût du financement pour les banques et des contraintes relatives aux sommes qu'elles peuvent prêter, le financement du débiteur-exploitant est plus difficile à obtenir. Par conséquent, il se peut que des propriétaires soient forcés de liquider leur entreprise plutôt que de la réorganiser. Nos deux organisations étudient cette question et nous en discuterons avec les banques ainsi que d'autres institutions financières afin de déterminer s'il existe des moyens qui nous permettraient d'essayer au moins d'accroître la capacité.

Le sénateur Moore : J'ai quelques questions à poser. Monsieur Halde, vous avez mentionné dans votre exposé le départ de banques étrangères, d'institutions financières n'acceptant pas de dépôt et d'entités non réglementées, en particulier la banque Glitnir. Quelles sont les autres institutions financières dont il est question? Y en a-t-il beaucoup?

M. Halde : Nombre d'entre elles ont considérablement réduit leurs activités, mais je ne pourrais vous donner un chiffre exact étant donné qu'il s'agirait seulement d'une hypothèse. Les activités d'un certain nombre d'institutions financières se sont considérablement ralenties. Lorsque je dis qu'elles sont parties, je veux dire qu'elles ont quitté le marché.

Le sénateur Moore : Quelle part du marché occupaient-elles?

M. Halde : Je ne peux que spéculer à ce sujet. Mais, si je devais avancer un chiffre, je dirais 10, 12 ou 15 p. 100. M. Siegel pourrait peut-être m'aider à répondre à cette question. Un important segment du marché n'est plus aussi actif qu'il l'était auparavant.

M. Siegel : Même avant la crise, les prêts bancaires avaient régressé.

Le sénateur Moore : Les prêts accordés par des banques traditionnelles?

M. Siegel : Oui, les banques traditionnelles avaient restreint leurs prêts. La majeure partie du marché du crédit reposait sur la titrisation que fournissaient des institutions non bancaires. Cette situation a deux conséquences : comme l'a indiqué M. Halde, le marché de la titrisation a maintenant disparu. Certains pensent qu'il représentait jusqu'à 40 p. 100 du crédit disponible, alors que les banques en fournissaient 50 p. 100. Dans ce marché, les banques étrangères apportaient des liquidités. Je suis d'accord avec M. Halde. Nous ne pouvons pas chiffrer exactement ce montant, mais nous pouvons vous donner un ordre de grandeur.

Le sénateur Moore : Monsieur Siegel, vous avez mentionné qu'EDC avait investi 4,2 milliards de dollars dans le secteur de l'automobile. Est-ce exact?

M. Siegel : Oui. Il s'agit d'une combinaison de services d'assurance comptes débiteurs. Nous assurons les ventes effectuées par les fournisseurs de pièces automobile et les équipementiers auprès des fabricants d'équipement d'origine, c'est-à-dire Chrysler, Ford, Toyota, Honda, ainsi de suite. Nous accordons également des prêts à ces joueurs.

Le sénateur Moore : Est-ce que les prêts s'étendent aux activités de location de voitures de ces entreprises?

M. Siegel : Non. Les prêts servent à financer la production, et non la location, de voitures. Toutefois, nous avons une obligation d'assurance à honorer pour ce qui est de la privatisation ou de la vente de Hertz, qui demeure un gros consommateur de voitures. Nous nous sommes occupés de la transaction il y a environ trois ans. En règle générale, les prêts visent surtout la production et non la vente de voitures.

Le sénateur Moore : L'industrie de l'automobile a demandé que l'on mette sur pied un nouveau programme dans le cadre duquel les gens recevraient 3 500 $ s'ils échangent leur véhicule usagé contre un véhicule neuf. Est-ce votre organisme qui administrerait ce programme? Si non, qui en serait responsable? Comment ferait-on pour éviter qu'une personne achète une vieille voiture pour 500 $ et réclame ensuite la subvention?

M. Halde : Je n'ai pas bien saisi la question.

Le sénateur Moore : L'industrie a proposé la mise sur pied d'un nouveau programme qui permettrait aux consommateurs qui échangent leur voiture usagée contre un véhicule neuf de recevoir un crédit de 3 500 $.

M. Halde : Je ne peux faire de commentaires là-dessus. Toutefois, je peux vous dire quelques mots au sujet de l'industrie de l'automobile, car nous jouons un rôle déterminant dans la FCCG, la Facilité canadienne de crédit garanti, qui est dotée d'un montant de 12 milliards de dollars.

Jusqu'en août 2007, les sociétés captives, les General Motors Acceptance Corporations, les GMAC de ce monde, pouvaient louer des voitures et, tous les deux ou trois mois, regrouper les contrats de location dans le cadre d'opérations de titrisation et être payées immédiatement.

Or, le marché de la titrisation s'est asséché, ce qui veut dire que, depuis un an et demi, le capital de ces entreprises est soumis à d'énormes pressions, l'argent provenant des contrats de location se faisant attendre. Nous essayons, par l'entremise de la FCCG, de donner un nouvel élan au marché de la titrisation de prêts automobile et de location d'autos en encourageant l'achat de titres adossés à des actifs garantis. Nous allons tenter, comme acheteur principal, de relancer la vente de voitures.

Les sociétés captives seront en mesure, dès que nous commencerons à acheter des titres, à faire plus côté prêts et location. À l'heure actuelle, il est difficile pour une personne de louer une voiture ou d'obtenir un prêt automobile, sauf si elle jouit d'une bonne cote de solvabilité.

Le président : Pouvez-vous répéter l'acronyme?

M. Halde : La FCCG, la Facilité canadienne de crédit garanti. Cela fait partie du budget, du cadre de financement exceptionnel.

Le sénateur Moore : D'après certains articles parus récemment dans la presse financière, les fabricants ont construit et loué beaucoup de voitures par le biais des opérations de titrisation que vous venez de mentionner. Or, la valeur des voitures qui sont maintenant retournées aux fabricants a chuté de 20 ou de 30 p. 100. Il s'agit d'un déficit énorme. En a-t-on tenu compte?

M. Halde : Oui. C'est ce que l'on appelle un « risque résiduel ». C'est un problème majeur.

Le sénateur Moore : Il y a probablement des centaines de milliers de véhicules qui sont loués.

M. Halde : Oui. Le contrat de location prévoit un paiement mensuel relativement bas en partant du principe que la voiture vaudra tant à la fin de la location. Si ce n'est pas le cas, ils doivent absorber la différence.

Le sénateur Moore : Qui va combler cet écart?

M. Halde : C'est là un des défis que pose la relance du marché des titres adossés à des actifs garantis. Je dois assister, dans une vingtaine de minutes, à une réunion qui porte justement sur cette question, soit les mesures que nous devons prendre pour, d'une part, réactiver le marché des titres adossés à des actifs garantis en se fondant sur des hypothèses plus solides et, d'autre part, réduire le risque résiduel.

Le président : Allez-vous revenir nous voir pour nous faire part des résultats de votre rencontre?

M. Halde : Avec plaisir.

Le sénateur Moore : J'ai une autre question à poser.

Le président : Certains de nos membres devront bientôt quitter la salle. Soyez bref.

Le sénateur Moore : Hier, les témoins que nous avons entendus ont laissé entendre que les banques — et je vais inclure ces deux organismes dans le groupe — n'ont pas modifié leurs exigences en vue de tenir compte du contexte économique actuel.

Avez-vous entendu ce commentaire, ou avez-vous pris ce facteur en considération? Avez-vous adopté des mesures à cet égard?

Le président : Vous parlez du risque.

Le sénateur Moore : Oui.

M. Halde : Nous avons maintenu les normes relatives au risque que nous appliquons. Nous sommes prêts à rehausser le seuil de risque, car nous savons ce que ce seuil va générer en termes de prévisions en matière de coefficient de perte et, en bout de ligne, de pertes. La solvabilité des entreprises s'est détériorée. Par conséquent, nous sommes malheureusement obligés de dire, dans certains cas, qu'elles doivent renflouer un peu leurs actifs si elles veulent notre aide.

Le sénateur Moore : Vous maintenez vos exigences initiales, tout en assouplissant un peu les règles. Toutefois, vous dites que vous ne pouvez pas tout simplement ouvrir les vannes. Vous devez agir de manière responsable.

M. Halde : En période de prospérité, nous essayons de réaliser des profits modestes. Nous prenons beaucoup de risques — beaucoup plus que ne le font les institutions financières traditionnelles — en vue de réaliser des profits modestes. Nous chiffrons les risques de manière appropriée.

Nous allons probablement, au cours de la prochaine année, être durement touchés par la situation. Nous n'avons pas resserré nos normes comme l'ont fait la plupart des autres institutions. Nous les avons maintenues.

Le président : Le sénateur Gerstein dit que le sénateur Moore a déjà posé la question qui l'intéressait. Il devra donc attendre avant de faire sa première intervention.

Le sénateur Eyton : Je voudrais aborder plusieurs points, mais je vais uniquement me concentrer sur certains d'entre eux. EDC a reçu 350 millions de dollars d'argent neuf. Sous quelle forme?

M. Halde : Le gouvernement achète des parts de la Banque de développement du Canada, la BDC.

Le sénateur Eyton : Il s'agit donc de capital permanent.

Vous avez fait allusion, à divers égards, à l'effet de levier. Comment ce 350 millions de dollars va-t-il vous permettre de faciliter l'accès au crédit?

M. Halde : D'après les lignes directrices du Conseil du Trésor, nous pouvons consentir un prêt de 10 $ pour chaque dollar de capital, s'il s'agit d'un prêt à terme; de 4 $ pour chaque dollar investi, s'il s'agit d'un prêt subordonné, ce qui équivaut à du quasi-capital; et un prêt de un dollar seulement pour chaque dollar de capital réuni.

M. Siegel : Dans notre cas, les règles varient en fonction du produit, car l'assurance n'est pas considérée comme une activité à forte intensité de capital, alors que le prêt, lui, l'est. À l'heure actuelle, le ratio-prêt est de trois pour un. Nous pouvons l'augmenter un peu, mais l'appui donné sous forme d'assurance est, bien sûr, nettement plus élevé. Si les 350 millions de dollars sont appliqués à l'assurance comptes débiteurs, nous pourrons offrir pour 6 ou 8 milliards de plus d'assurance additionnelle.

Côté prêts, cela représente un milliard ou 1,5 milliard de dollars, selon la cote de solvabilité des entités assurées.

Le sénateur Eyton : Vous avez parlé, si je ne m'abuse, de 10 milliards de dollars de liquidités, et d'un autre montant de 58 milliards.

M. Siegel : Oui, le 10 milliards sera affecté au programme de prêts de 30 milliards de dollars, et le montant de 28 milliards sera affecté au passif éventuel. Cela vous donne une idée de l'effet de levier que nous avons.

Le sénateur Eyton : Vous avez dit, en parlant des 350 millions de dollars que vous avez reçus, que 200 millions de dollars avaient déjà été dépensés. D'abord, je trouve que ces fonds sont partis très vite. Ensuite, comment expliquez- vous cela?

M. Halde : C'est nous qui en avons fait la demande. Nous avons émis des actions. Le conseil a approuvé l'émission d'actions, et la Banque du Canada les a achetées par l'entremise, je suppose, du ministère de l'Industrie.

M. Siegel : Il veut dire que vous avez déjà utilisé les fonds.

Le sénateur Eyton : Sur les 350 millions que vous avez reçus, vous en avez déjà dépensés 200 millions.

M. Halde : J'ai dit que nous avons utilisé l'argent à bon escient. Nous sommes en train d'accorder des prêts.

Le sénateur Eyton : Est-ce que ces prêts sont accordés dans les trois secteurs d'activité que vous avez mentionnés?

M. Oui.

Le sénateur Eyton : Même pour le ratio-prêt un pour un?

M. Oui.

Le sénateur Eyton : Je me pose toujours des questions au sujet du processus, de la marche à suivre. Qui sont vos clients? Qui fait les premiers pas quand il est question d'un prêt? Par exemple, est-ce que la PME rencontre les représentants de la banque avec qui elle fait affaire et leur dit, nous avons besoin de financement additionnel, et ensuite vous travaillez ensemble? Est-ce plus souvent l'emprunteur qui vient vous voir dans un premier temps? Les choses aujourd'hui ne se passent peut-être plus de la même façon. Pouvez-vous nous décrire ce processus, nous dire combien de temps il faut pour traiter une demande de prêt?

M. Halde : Nous consentons des prêts de trois façons. D'abord, nous avons 600 directeurs et directrices de comptes qui communiquent avec les entreprises et qui les informent des services qu'offre la BDC.

Ensuite, les gens communiquent avec nous parce qu'ils ont entendu parler de la Banque de développement du Canada.

Enfin, nous espérons accroître notre clientèle dans le cadre du Programme de crédit aux entreprises, grâce à l'aide des institutions financières. En effet, nous leur demandons de diriger vers nos bureaux les entreprises à qui elles refusent d'accorder un prêt parce qu'elles présentent un risque trop élevé, mais qui pourraient constituer une bonne affaire, car nous allons essayer de nous occuper d'elles.

Le sénateur Eyton : Avez-vous des chiffres qui le démontrent?

M. Halde : J'ai dit dans ma déclaration que nous avons, cette année, établi 15 000 contacts avec les institutions financières. Un de nos vice-présidents, à Calgary, a discuté avec un de leurs vice-présidents, basé dans la même ville, ce qui a donné lieu à 1 200 référencements. J'espère que ce chiffre va augmenter de façon considérable au cours de la prochaine année.

Le sénateur Eyton : Et ces référencements se sont traduits par combien de prêts?

M. Halde : Entre 30 et 40 p. 100 des référencements ont donné lieu à des prêts.

Le sénateur Eyton : Combien de temps vous faut-il pour traiter une demande en cette période difficile? Je vous dirai candidement que, dans le passé, on a dénoncé la lenteur dont faisait preuve la BDC au chapitre du traitement des prêts et de l'octroi de crédits.

M. Halde : C'était peut-être vrai dans le passé. Nous avons mis en place des normes de traitement qui tiennent compte de complexité du prêt. Dans le cas d'un prêt modeste, la demande va être examinée en quelques jours. Dans le cas d'un prêt important, la demande va être examinée en trois semaines. Il n'est plus question ici de mois, comme dans le passé.

Le sénateur Eyton : Excellent. Et qu'en est-il d'Exportation et développement Canada?

M. Siegel : Concernant le processus, EDC s'appuie sur un modèle de gestion des comptes, ce qui veut dire que la demande peut être présentée aux directeurs des comptes, aussi bien à l'échelle nationale qu'internationale, parce que nous accordons également des prêts internationaux et que nous avons des bureaux à l'étranger. Les clients nous sont envoyés par les institutions financières ou une autre entité comme la BDC.

Pour ce qui est du délai de traitement des demandes, cela dépend du type de transaction. Lorsque nous consentons aux petites entreprises des prêts également garantis par les banques, nous nous appuyons sur un modèle décisionnel. Nous utilisons aussi un modèle de calcul du risque établi par Moody. La banque peut évaluer le risque en obtenant la cote de solvabilité du client. Nous ne faisons qu'appliquer le modèle. Il suffit d'un jour pour effectuer le calcul. Les documents sont déjà prêts.

Par ailleurs, nous avons, l'an dernier, mis sur pied une structure de prêt portant privilège. Nous avons également mis en place des normes. Pour les syndications de prêts importants, les règles sont simples : nous accordons le prêt dans un délai de 14 jours ouvrables. Nous nous occupons de tout, depuis le montage jusqu'à l'octroi du prêt. Le délai est plus long si le dossier est plus complexe. Nous avons observé une augmentation de la productivité de 82 p. 100 au chapitre de la préparation des feuilles de modalités de prêt, et de 66 p. 100 au chapitre de la préparation des offres. Le traitement au sein de l'industrie se fait plus rapidement.

Le président : Je suis désolé de vous interrompre, mais nous avons pris 15 minutes de plus et certains sénateurs doivent nous quitter.

Je tiens à vous remercier, monsieur Halde et monsieur Siegel. Vos exposés étaient clairs, intéressants et utiles. Je suis certain que nous aurons l'occasion de nous rencontrer de nouveau. Nous espérons que vous serez en mesure d'atteindre les objectifs que vous vous êtes fixés.

Permettez-moi d'ajouter ceci, en guise d'introduction.

[Français]

La deuxième partie de notre rencontre ce matin touche l'accès des entreprises au crédit, cette fois-ci, du point de vue des fournisseurs du crédit.

[Traduction]

Les enquêtes et les données empiriques révèlent que certaines entreprises, à tout le moins, éprouvent de plus en plus de difficultés à obtenir du crédit. Les statistiques indiquent que le système bancaire canadien et les autorités gouvernementales compétentes ont augmenté le crédit total offert sur le marché canadien.

Cela dit, nous sommes heureux d'accueillir les représentants de l'Association des banquiers canadiens : Nancy Hughes Anthony, présidente et chef de la direction; Terry Campbell, vice-président, Politiques; et Darren Hannah, directeur, Opérations bancaires.

Bienvenue à tous et merci d'être venus. Ne vous sentez pas personnellement visés si vous constatez que la moitié des membres du comité ont soudainement quitté la salle. Le Parti libéral, semble-t-il, doit se réunir pour régler certaines questions importantes. Toutefois, nous sommes heureux que le sénateur Goldstein ait choisi de rester, car autrement, nous n'aurions pas été en mesure de poursuivre la réunion. Le sénateur Fox est également ici.

Le sénateur Fox : Oui, mais malheureusement, je dois quitter bientôt.

Le sénateur Goldstein : Le sénateur Massicotte va lui aussi rester.

Le président : Le sénateur Massicotte va rester. Merci, messieurs.

Je vais maintenant vous céder la parole, madame Anthony. Vous avez peut-être une déclaration à faire. Nous avons beaucoup de questions à vous poser.

Nancy Hughes Anthony, présidente et chef de la direction, Association des banquiers canadiens : Nous avons fourni de la documentation au greffier.

[Français]

Une pochette d'information, que j'espère, vous avez obtenu.

[Traduction]

Elle comprend notre déclaration préliminaire. Comme il ne reste pas beaucoup de temps, je vais m'en tenir aux points saillants.

[Français]

D'entrée de jeu, j'aimerais souligner quelques statistiques sur la contribution des banques à l'économie canadienne. En terme d'emplois, les banques et leurs filiales comptent 250 000 employés canadiens, soit 16 p.cent de plus qu'il y a dix ans.

De plus, la plupart des Canadiens sont des actionnaires des banques canadiennes, soit directement ou par intermédiaire du Régime de pension du Canada ou dans un fonds commun de placement. Lorsqu'on parle d'impôt, les banques ont versé près de neuf milliards de dollars aux gouvernements du Canada l'an dernier.

[Traduction]

Les banques contribuent pour beaucoup à l'économie canadienne, et je suis certaine que les membres du comité en sont conscients. Toutefois, le véritable message que l'on veut faire entendre aujourd'hui, c'est que les Canadiens doivent continuer de faire confiance au secteur bancaire. Lorsque nous réfléchissons à la tourmente qui agite le système financier mondial, il importe de ne pas oublier que cette crise n'a pas pris naissance au Canada. Les banques au Canada ont largement évité les difficultés auxquelles d'autres banques du monde font actuellement face. Toutefois, les banques canadiennes ne sont pas à l'abri de ces difficultés. Elles n'ont pas besoin d'une aide directe du gouvernement, aide qui a manifestement été nécessaire dans de nombreux autres pays.

Pourquoi en est-il ainsi? La plupart des observateurs font état de quatre raisons. Je vais les résumer brièvement. Premièrement, le Canada possède un système bancaire bien diversifié. Deuxièmement, les banques du Canada figurent parmi les mieux capitalisées du monde. Elles ont accru leurs niveaux de fonds propres grâce aux nouveaux fonds mobilisés auprès d'investisseurs dans le marché. Le Canada est le seul pays qui a été en mesure de faire une telle chose.

Troisièmement, les banques du Canada sont prudentes et bien gérées. Notre système de réglementation est solide. Nous sommes réglementés par le Bureau du surintendant des institutions financières et par l'Agence de la consommation en matière financière du Canada.

Quatrièmement, le marché hypothécaire du Canada est différent de celui des États-Unis. La majorité des prêts hypothécaires sont de qualité. Nous n'éprouvons pas les mêmes difficultés découlant des prêts hypothécaires à risque élevé qui sont au cœur du problème aux États-Unis. Enfin, les prêts hypothécaires en souffrance demeurent très faibles au Canada.

Chacun de ces attributs nous a bien servi en ces temps difficiles. Nous devons compter sur un système bancaire solide et stable si nous voulons aider le Canada à traverser la crise économique à laquelle nous faisons face.

[Français]

Qu'est-ce que tout cela signifie pour le Canada et les Canadiens? Cela signifie que contrairement à un si grand nombre d'autres pays, les contribuables canadiens n'ont pas eu à renflouer leurs institutions financières, n'ont pas eu à injecter de capital et n'ont pas eu à mettre sur pied des entités publiques pour acheter des éléments d'actifs toxiques.

[Traduction]

Parmi les mesures dont bénéficient les banques, et bien des institutions financières à vrai dire, je note le Programme d'achat de prêts hypothécaires assurés. Dans le cadre de ce programme, les banques offrent, par le truchement d'un encan, des hypothèques garanties par la SCHL que le gouvernement achète pour percevoir des intérêts aux taux du marché et réaliser ainsi des revenus au profit des contribuables canadiens. Ce programme s'est révélé très utile du point de vue des liquidités. Il permet en effet aux banques de s'assurer de compter sur les liquidités suffisantes pour prêter sur le marché hypothécaire.

Je vais maintenant vous parler de crédit, car je sais que c'est une question qui préoccupe votre comité. Permettez- moi de vous assurer que les banques continuent de prêter aux clients solvables. Dans le cas des consommateurs, les chiffres les plus récents de la Banque du Canada, soit ceux du mois de janvier, montrent que le crédit à la consommation continue de croître. Son taux d'augmentation annuel est de 14 p. 100. Le financement bancaire aux entreprises a pour sa part augmenté de près de 11 p. 100 en l'espace d'une année. Il s'agit d'un taux de croissance nettement supérieur au faible 4,2 p. 100 enregistré pour le financement provenant de l'ensemble des fournisseurs.

Je crois que vous avez abordé la question avec vos témoins précédents. Les banques ne détiennent qu'environ la moitié du marché du crédit aux entreprises. Elles occupent seulement le quart de l'ensemble du marché du financement. Vous trouverez dans votre trousse d'information une fiche de renseignement intitulée Disponibilité du crédit aux entreprises. Le petit diagramme à secteurs sur le crédit aux entreprises vous montre que les banques occupent environ 56 p. 100 de ce marché.

On note un sérieux ralentissement au chapitre du crédit aux entreprises offert par des fournisseurs non bancaires. Les banques s'efforcent de combler le vide ainsi créé. Ce vide fait parfois suite aux décisions de banques internationales qui choisissent de quitter le marché; en d'autres occasions, il est attribuable à des situations comme celles des sociétés de crédit bail-automobile qui, de toute évidence, n'arrivent pas à maintenir leur niveau d'activité. Cependant, les banques n'y arriveront pas à elles seules.

Nous nous sommes donc réjouis des mesures annoncées dans le budget de 2009 prévoyant du financement additionnel pour la BDC et EDC. Dans ce dernier cas, le mandat d'EDC a été temporairement élargi pour permettre une intervention sur le marché intérieur. Ces deux organismes fournissent des options de financement complémentaires au crédit bancaire et je suis fort encouragée par les discussions qui ont cours en vue de gérer toutes ces ressources de manière à rendre le crédit disponible aux entreprises solvables.

Il existe une nouvelle réalité dans le marché du crédit international. Certains types de crédit, comme le papier commercial et le marché de la titrisation, ne fonctionnent plus adéquatement à l'échelle planétaire. D'autres sont disponibles à un coût relativement plus élevé que par le passé. Cette situation influe sur le coût global d'emprunt des banques et a, par conséquent, un impact sur les consommateurs.

Le risque est un autre facteur qui affecte les taux que les banques fixent à l'égard de leurs prêts. Nous sommes en période de récession et cette situation a un impact sur la solvabilité des clients. En tant que prêteurs prudents, les banques doivent bien sûr ajuster leur tarification afin de tenir compte de cette nouvelle réalité en matière de risque. Toutefois, il est important de ne pas oublier que les banques sont ouvertes aux affaires, et que le crédit demeure disponible pour les clients solvables.

En conclusion, j'aimerais revenir sur ce que j'ai dit au départ. Les banques du Canada sont solides et sécuritaires. Les Canadiens demeurent confiants envers leur système bancaire. Il s'agit pour le Canada d'un important avantage dont bon nombre de pays ne disposent pas. Il sera crucial de conserver cet avantage pour assurer la reprise de l'économie du Canada et la prospérité à long terme des Canadiens.

Je vous remercie monsieur le président. Je répondrai maintenant volontiers à vos questions, avec l'aide de mes collègues.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie d'être avec nous aujourd'hui. La question fondamentale au départ est de savoir s'il y a un manque de crédit dans le marché pour les entreprises et les consommateurs. On entend beaucoup de commentaires de nos connaissances et on en parle beaucoup dans les journaux. On a vu les sondages hier de différentes organisations. Même la Banque du Canada dénote un manque de crédit.

Vous dites dans votre énoncé qu'il y a une augmentation de 11 p. 100 de votre côté. Vous faites référence au rapport de la Banque du Canada. J'ai le rapport de la Banque du Canada, le Weekly Financial Statistics du 20 février 2009 et je constate qu'il y a eu une augmentation 4 p. 100 de prêts bancaires aux entreprises de janvier 2007 à janvier 2008. Pour « Season ajusted », c'est une augmentation de 3 p. 100.

Cependant, je remarque qu'il y a une catégorie qui s'appelle « prêts en monnaies étrangères des banques à charte aux résidants » qui a augmenté de 80 p. 100. Grosso modo, 21 milliards de dollars, je crois. Quelle est cette catégorie? On parle de quoi?

Mme Anthony : Je n'ai pas le rapport devant moi, sénateur Massicotte, je vais demander à mon collègue Campbell de répondre à votre question.

[Traduction]

Terry Campbell, vice-président, Politiques, Association des banquiers canadiens : Les données de la Banque du Canada — et j'ai consulté le même rapport que vous, sénateur — proviennent d'une compilation de chiffres sur tous les types de crédit disponibles. On y retrouve les prêts directs consentis par les banques; les acceptations bancaires; les droits sur l'actif et les formules semblables; les prêts en devises étrangères, qui sont consentis à des clients à l'étranger puis convertis en dollars canadiens. Nous assurons le suivi de ces données depuis plusieurs mois en compilant des chiffres sur toutes les formes de crédit et en mettant notamment de côté les titres et les droits sur l'actif. Au cours de cette période, si l'on tient compte des prêts directs, des prêts à l'étranger, des acceptations bancaires et des autres formes de dettes, on obtient un taux dans les deux chiffres pour les banques seulement.

Comme vous l'ont sans doute indiqué vos témoins précédents, nous constatons actuellement un recul considérable sur le marché du côté des institutions non bancaires. Le papier commercial accuse une baisse de pas moins de 11 p. 100 du point de vue de la valeur des échanges. Certains secteurs du marché de la titrisation sont complètement paralysés. Le volume général de transactions a chuté de 17 p. 100. Le ralentissement se fait ressentir tant pour les sociétés de crédit-bail ou de finance que pour les sociétés de capital de risque et les compagnies d'assurance-vie. Sur le marché des PAPE, un secteur où les fonds ne manquent pas, il n'y a eu aucune activité au cours des six derniers mois de 2008. Nous assistons à un recul pour un large éventail de fonds. Les consommateurs se tournent donc vers nous. Lorsque cela est possible, nous essayons d'intervenir et de combler les vides. Mais lorsque vous n'occupez en fait que le quart du marché pour l'ensemble des activités de financement, vos possibilités sont limitées. C'est pourquoi nous nous réjouissons de quelques-uns des programmes mis en place par le gouvernement dans le cadre du budget.

Le sénateur Massicotte : J'essaie de comprendre. Nous savons tous que la Banque du Canada et le ministre des Finances ont exercé de fortes pressions pour que vous adoptiez une approche davantage expansionniste. J'essaie de dégager les enjeux les plus déterminants. Si l'on exclut ce que vous appelez les prêts en monnaies étrangères des banques à charte aux résidents — soit essentiellement des prêts à des Canadiens en devises étrangères — et si l'on se concentre uniquement sur les prêts aux entreprises, on obtient une croissance d'environ 6 milliards de dollars, soit 3 p. 100. En soustrayant la réduction considérable au chapitre de la titrisation qui se chiffre à 5 milliards de dollars, et des papiers commerciaux, où la baisse se situe entre 2 et 3 milliards de dollars, je suppose que l'on doit conclure que vous arrivez à peu près kif-kif. Autrement dit, l'accroissement du crédit octroyé est à peu près égal aux pertes encourues dans les deux autres grandes catégories.

Ils en arrivent donc à la conclusion qu'il y a un manque de liquidités. Je présume que c'est ainsi que les choses se passent. On fait valoir aux banques à charte qu'elles sont des institutions d'intérêt public et qu'elles doivent faire le nécessaire pour mettre davantage de capitaux en circulation, alors même que nous sommes bien évidemment en pleine récession. On essaie de vous inciter à prêter. Vous ne voulez toutefois pas courir des risques indus, car les investisseurs vous confient leur argent en espérant pouvoir profiter de rendements améliorés.

Comment vous y prenez-vous pour concilier les intérêts du public et ceux des actionnaires?

Mme Hughes Anthony : Vous avez mis le doigt sur le problème. Il faut regarder ce qui se passe ailleurs dans le monde et constater que les banques canadiennes sont toujours en opération. Comme je l'ai déjà indiqué, elles ne sont toutefois pas à l'abri de la récession. Les rapports du premier trimestre révèlent des pertes importantes au niveau des prêts. Cependant, les banques tiennent le coup, leurs portes demeurent ouvertes et elles continuent de prêter.

Le mieux à faire pour les banques, c'est de continuer à appliquer les principes d'une saine gestion des capitaux. Ce sont ces principes qui leur permettent de poursuivre leurs activités pendant que d'autres institutions sont incapables de se maintenir à flot. Il est également important de prêter de façon prudente. Elles tiennent à leurs clients et veulent émerger avec eux de cette période difficile. Ce n'est pas la première récession que nous vivons. Celle-ci est toutefois particulièrement intense, soudaine et accentuée.

Les banques estiment qu'il est préférable pour elles de continuer à consentir des prêts sans toutefois renoncer à leurs normes de prudence. D'autres mesures seront bénéfiques, y compris les programmes de coopération avec la BDC et EDC. Les chiffres sont fort éloquents. Les banques essaient de combler un vide, mais celui-ci est tout simplement trop grand pour qu'elles y parviennent à elles seules.

Le sénateur Massicotte : La hausse est de 3 p. 100, est-ce suffisant?

Mme Hughes Anthony : Je ne suis pas d'accord avec votre 3 p. 100.

Le sénateur Massicotte : Je considère uniquement les prêts aux entreprises. Ne tenez pas compte de la catégorie des prêts en devises étrangères consentis par les banques à charte aux résidents, lesquels ont augmenté de 20 milliards de dollars. Considérez uniquement les prêts aux entreprises qui enregistrent une hausse d'environ 6 milliards de dollars. Cela donne une augmentation d'environ 3 p. 100, si on utilise le taux désaisonnalisé, et de 4 p. 100 avec le taux non désaisonnalisé.

Mme Hughes Anthony : Je ne suis pas certaine que l'on puisse jouer ainsi avec les statistiques et exclure les prêts en devises étrangères.

M. Campbell : Lorsqu'un client s'adresse à une banque pour obtenir du crédit, celui-ci peut prendre différentes formes. Il peut s'agir notamment d'une hypothèque commerciale; d'une garantie d'acceptation bancaire; d'un prêt direct; d'un prêt en devises étrangères pour une succursale aux États-Unis; ou de financement pour comptes débiteurs en formule bail.

Si vous examinez le rapport de la Banque du Canada — et je crois qu'elle fonctionne de la même manière — tous ces types de crédit ont été combinés pour montrer la gamme des services de crédit qui est offerte. Je crois que le taux que vous citez n'est valable que pour les prêts à terme. Mais pour l'ensemble des formes de crédit sur lesquelles nos clients comptent, le dernier rapport de la Banque du Canada rendu public en janvier indique une hausse d'environ 11,3 p. 100.

Le sénateur Massicotte : Je parle du rapport du 20 février. C'est la raison pour laquelle je voulais savoir en quoi consistait cette catégorie des prêts en monnaies étrangères consentis par les banques à charte. S'il convient d'exclure cette catégorie...

M. Campbell : Il s'agit d'une composante importante.

Le sénateur Massicotte : Ces prêts se chiffrent à 20 milliards de dollars. C'est en incluant cette catégorie qu'on arrive à un taux de 10 ou 11 p. 100. Sans cela, on est limité à une augmentation de 3 ou 4 p. 100. S'il ne s'agit pas de prêts canadiens, mais bien de prêts à des entreprises faisant affaire à l'extérieur du pays, c'est peut-être très bénéfique pour les pays et les entreprises en question, mais cela ne sert pas nécessairement l'intérêt de la population canadienne.

Mme Hughes Anthony : Si un entrepreneur s'adresse à une banque en indiquant qu'il souhaite faire des affaires en Chine, au Venezuela ou aux États-Unis dans la devise du pays en question, c'est le rôle de la banque de lui prêter de l'argent. Je ne vois pas vraiment comment on peut soutenir que cette catégorie devrait être exclue de l'équation.

Le sénateur Massicotte : Peut-être qu'elle s'y trouve justement pour cette raison.

Mme Hughes Anthony : J'en conclus également qu'il est possible que d'autres institutions ne se trouvant pas dans ces pays n'offrent pas ce genre de prêts dans la devise en question.

M. Campbell : Si l'on considère de manière générale le fonctionnement des banques et leur contribution à l'économie, il ne faut pas perdre de vue que les banques consentent des prêts pour en tirer un revenu. Elles réalisent des bénéfices grâce à l'ensemble de leurs activités. Une partie de nos revenus nets nous viennent de l'étranger. Je crois que cela se rapproche des 30 p. 100. Il ne faut pas oublier que les impôts à ce titre sont payés ici même au Canada. Plus de 85 p. 100 de nos impôts sont payés au Canada et la plus grande partie de nos emplois sont ici. Cet aspect contribue grandement à la réussite et à la solidité des banques, mais c'est au Canada que les avantages se font principalement ressentir.

Il est donc difficile d'établir ce genre de distinction en soutenant que ces activités ne profitent pas au Canada, contrairement à d'autres formes de recettes. Je pense que tous les revenus rapportent à notre pays dans une large mesure.

Le sénateur Goldstein : J'ai deux brèves questions.

Premièrement, lorsque vous établissez vos statistiques sur l'augmentation des prêts bancaires, tenez-vous compte des sommes effectivement prêtées ou de l'accroissement des marges de crédit, ou bien des deux à la fois?

M. Campbell : En général, nous citons les statistiques sur les sommes prêtées que l'on peut obtenir auprès de la Banque du Canada. Les montants des autorisations de crédit sont habituellement plus élevés. Comme vous le savez, une certaine marge de crédit peut être octroyée à une entreprise ou à un client. L'entreprise ou le client a recours à cette marge suivant ses besoins. Nous n'avons pas de statistiques à ce sujet, mais j'aurais tendance à croire que les autorisations de crédit seraient supérieures aux montants indiqués par la Banque du Canada.

Le sénateur Goldstein : Vous avez probablement raison, mais je vais vous dire ce qui me préoccupe plus particulièrement, même si je crois que vous avez déjà répondu à une question à ce sujet. Dans quelle mesure les autorisations de crédit sont-elles utilisées dans une proportion plus élevée que par le passé? Quel usage — pour utiliser votre terminologie — fait-on des sommes disponibles en vertu d'une marge de crédit?

Ce taux d'utilisation pourrait nous indiquer dans quelle mesure les entreprises doivent s'en remettre davantage, ou devront le faire éventuellement, à des fonds empruntés.

Mme Hughes Anthony : Je ne crois pas que nous ayons accès à ce type de données, sénateur. Je vois où vous voulez en venir, mais nous n'avons pas cette information.

M. Campbell : Les autorisations de crédit peuvent être des augmentations accordées à un client existant ou une nouvelle marge octroyée à une personne qui se présente à la banque. Il serait très difficile pour nous de faire cette distinction.

Voilà déjà plusieurs mois que nous suivons la situation, et les prêts augmentent à chaque mois. Une partie de ces prêts sont peut-être obtenus en vertu d'une marge de crédit déjà accordée, mais compte tenu de la nature du marché, il s'agit, pour une bonne part, de nouveau crédit également. Par ailleurs, nous parlons régulièrement à nos institutions prêteuses. Elles nous disent que de nouveaux clients s'adressent à elles. Nous examinons la situation de chacune d'elles. Elles sont prêtes à faire des affaires et je pense qu'une proportion des prêts est consentie à de nouveaux clients.

Le sénateur Goldstein : Je change totalement de sujet pour vous demander quelle a été l'évolution des coûts de financement de vos membres au cours de la même période?

C'est un point crucial. Ainsi, si EDC dispose de plus de ressources et peut désormais intervenir sur le marché intérieur dans certains secteurs, notamment l'assurance, ce sera extrêmement utile.

J'ai pu suivre environ dix minutes du témoignage du groupe qui vous a précédé. Je vous ai entendu les encourager à agir rapidement pour mettre en place des mesures semblables. La coopération a toujours été présente. Il nous sera ainsi possible de canaliser davantage de ressources pour accélérer les choses.

Je vous signale que le budget proposait aussi des changements à la Loi sur les prêts aux petites entreprises. Efforçons-nous d'aller rapidement de l'avant avec ce changement également. Les montants maximums prévus sont modifiés. J'ose espérer qu'on arrivera à réduire la paperasserie et le temps requis pour le traitement de ces dossiers.

J'espère donc que toutes ces mesures seront prises assez rapidement pour que nous puissions octroyer davantage de crédits aux entreprises solvables.

Le sénateur Goldstein : Votre dernier commentaire a piqué ma curiosité. Vous allez peut-être le regretter. Quelle a été votre expérience quant aux formalités administratives à remplir avec l'aide de nos fonctionnaires pour ce qui est des prêts aux petites entreprises?

Mme Hughes Anthony : Je vais demander à M. Campbell de répondre à votre question avec le plus grand calme possible, car c'est une grande source de frustration.

Le sénateur Goldstein : Il est important que nous le sachions.

M. Campbell : Il y a probablement trois ou quatre plaintes différentes. L'une d'elles concerne la fourchette de prêt qui est trop basse et qui ne permet d'aider assez de gens.

D'autres soutiennent que la proportion du portefeuille pouvant être réclamée en déduction est trop faible, ce qui a agi comme contre-incitatif, et le gouvernement a augmenté cette proportion. On ne cesse de nous dire que le processus est complexe, lent et exige trop de paperasserie. Les banques se prêtent au jeu parce que c'est la chose à faire et que c'est profitable pour leurs clients, mais cela ne va pas sans certains coûts et bien des tracasseries administratives.

Nous avons encouragé le gouvernement à procéder à une rationalisation du processus. Nous sommes à l'ère de l'Internet. L'époque des formulaires papier est révolue. Il y a trop de paperasse à remplir.

Nous sommes heureux des changements apportés, mais on pourrait en faire davantage.

Le sénateur Goldstein : Avez-vous des statistiques ou des cas d'espèce que vous pourriez porter à notre connaissance au sujet de ce processus de manière à ce que nous puissions essayer de l'accélérer?

Mme Hughes Anthony : Nous pouvons prendre cette requête en note et voir s'il est possible de compiler l'information demandée au bénéfice du comité.

Le sénateur Goldstein : Nous vous en serions reconnaissants.

Le sénateur Gerstein : Pourriez-vous expliquer au comité le processus en vertu duquel le gouvernement fédéral achète des hypothèques auprès des banques et nous indiquer le taux de rendement attendu pour ces hypothèques?

M. Campbell : C'est un processus d'enchères.

Mme Hughes Anthony : C'est un processus d'enchères inversées.

M. Campbell : C'est effectivement le cas. Les prix baissent jusqu'à l'adjudication. Comme il s'agit d'enchères, les prix et les conditions varient d'une fois à l'autre. Je ne peux pas vous donner de chiffres précis.

Le gouvernement a bien précisé qu'il avait l'intention d'acheter aux conditions du marché, et c'est d'ailleurs ce qu'il a fait. Il ne veut pas perdre d'argent. Je pense qu'il a dit qu'il avait obtenu un rendement de deux à trois milliards de dollars dans le cadre de ce programme.

Le montant des hypothèques s'établit à 125 milliards de dollars. Environ 75 milliards ont été transférés. Les montants fluctuent en fonction des besoins de liquidité. C'est parfois élevé ou c'est parfois bas. D'après moi, c'est ainsi que les choses fonctionnent. Ce n'est pas mon domaine de spécialité, mais c'est ainsi que les choses fonctionnent si j'ai bien compris.

Le sénateur Gerstein : Vous confirmez donc que le gouvernement ne renfloue pas les banques.

M. Campbell : Tout à fait.

Mme Hughes Anthony : Absolument.

Le sénateur Gerstein : Il n'achète pas les hypothèques en difficulté. Il cherche plutôt à obtenir un rendement pour le contribuable.

M. Campbell : Effectivement.

Mme Hughes Anthony : Le programme donne des liquidités aux banques pour qu'elles puissent accorder du crédit aux consommateurs. Dans une certaine mesure, nous pourrions dire que le programme est destiné aux banques, alors qu'il vise surtout les consommateurs. C'est là son objectif.

Jusqu'à présent, tout fonctionne bien. Naturellement, nous examinons les interventions et les programmes des autres pays. Je dois signaler que nous sommes fiers de la situation actuelle au Canada.

Le sénateur Eyton : Je veux poursuivre dans la foulée des observations du sénateur Massicotte à propos des prêts en monnaie étrangère par rapport à la situation dont vous avez fait état en vous vantant que les banques prêtent à un bon taux. Au cours de l'année écoulée, celui-ci s'est établi à environ 10 ou 11 p. 100. Il a été démontré que, si nous soustrayons le montant de ces prêts en monnaie étrangère, nous obtenons un chiffre beaucoup plus modeste. Je pense que vous devriez tenir compte de cet aspect lorsque vous vous vantez ainsi.

En fait, un prêt en monnaie étrangère n'aura pas, en général, le même double effet qu'engendre un prêt en monnaie canadienne accordée ici. Le prêt en monnaie étrangère profitera au prêteur, aux actionnaires et aux employés de l'établissement en question. Un prêt analogue consenti à une entreprise canadienne entraînerait d'autres effets bénéfiques pour l'emprunteur.

Mme Hughes Anthony : Nous pouvons examiner la question sous un autre angle. Nous n'avons pas analysé l'utilisation précise de ces crédits ni les avantages qu'ils procurent aux consommateurs.

De toute évidence, les banques canadiennes doivent être prêtes à accorder des prêts dans la devise exigée. Il y a peut- être des questions auxquelles je n'ai pas de réponse. Ces prêts sont-ils essentiellement en dollars américains? Sont-ils essentiellement destinés au marché américain? Nous pourrions peut être nous pencher sur la question pour obtenir davantage de renseignements.

M. Campbell : J'ajouterais premièrement que les chiffres augmentent chaque mois, même si l'on exclut ces prêts des résultats, et je pense qu'il est encore logique de ne pas les exclure. C'est positif. Deuxièmement, je ne pense pas que nous connaîtrons la ventilation détaillée des chiffres, parce qu'ils sont généraux et que nos banques, à juste titre, souhaitent conserver leur stratégie commerciale en matière de crédit. Beaucoup d'entreprises sont des entreprises canadiennes qui exportent leurs produits ou font affaire à l'étranger, et doivent donc transiger dans la devise du pays en question. Il s'agit d'entreprises canadiennes dans bien des cas.

Nous essaierons d'examiner cette question pour vous donner des précisions, mais je pense toujours que les effets sont positifs et le demeureront.

Le sénateur Eyton : Je ne vous attaque pas. J'essaie simplement de comprendre.

Nous avons entendu des témoignages. Nous avons commencé à étudier la question il y a à peine une semaine environ. La courbe d'apprentissage est donc énorme. Nous commençons à mieux comprendre le crédit et les problèmes le concernant.

Il serait peut-être utile au comité si vous pouviez lui proposer les mesures que le gouvernement pourrait prendre en plus de ce qui a déjà été mis en vigueur. Que reste-t-il à faire?

Je vous donne trois scénarios. Premièrement, comment remplacer les fournisseurs de crédit qui ont disparu ou qui prêtent moins, compte tenu qu'il ne faudrait pas s'attendre, selon vous, à ce que les banques fassent tout? D'après votre documentation, il s'agit de 57 p. 100 des fournisseurs de crédit. Quelles mesures le gouvernement peut-il prendre pour remédier à la situation? Nous reconnaissons que EDC et la BDC prennent la relève, ne jouant qu'un rôle limité à cet égard. Quelles mesures le gouvernement peut-il prendre pour remplacer les fournisseurs de crédit qui ont disparu?

Deuxièmement, même si nous n'avons pas encore abordé cette question, comment le gouvernement peut-il encourager le crédit interbancaire, qui est une donnée de l'équation? Le crédit interbancaire est un aspect du régime de prêts par crédit renouvelable, qui donne les liquidités et les leviers permettant aux banques d'intervenir davantage. Si j'ai bien compris, le crédit interbancaire a presque disparu ou a beaucoup diminué, ce qui réduit les liquidités de sorte que les fournisseurs de crédit sont tenus de prêter avec plus de prudence.

Quelles mesures le gouvernement peut-il prendre pour combler cette lacune? Il me revient le triste souvenir de la situation au début des années 1990, plus particulièrement en 1991, alors que je m'occupais entre autres de questions relevant du domaine immobilier. C'était devenu un secteur dont personne ne voulait sur le plan financier. Quelles que soient les rentrées de fonds qu'entraînait le crédit-bail, personne n'avait le moyen de garder un tel produit dans ses bilans. Il n'y avait rien de répréhensible à cela, mais plus personne n'en voulait. Je soupçonne que les concessionnaires automobiles sont touchés de la même façon, en particulier en ce qui concerne le crédit-bail. Que peut-on faire lorsqu'une entreprise intègre ayant un bilan équilibré n'a pas accès au crédit parce qu'elle ne se retrouve dans un secteur particulier? Quelles mesures le gouvernement peut-il prendre face à ces trois scénarios?

Mme Hughes Anthony : Je répondrai en premier, puis je demanderai à mes collègues d'intervenir à leur tour.

Lorsqu'on parle de remplacer les fournisseurs de crédit qui ont disparu à cause de l'absence du crédit interbancaire, on fait valoir que le problème est mondial et qu'il doit être résolu rapidement. Je dirais que le système bancaire américain se trouve dans une telle situation, tout comme certaines banques européennes. Les consommateurs américains doivent avoir confiance dans leur système bancaire. Il faut donc restaurer cette confiance. C'est un problème grave et épineux. De toute évidence, la nouvelle administration à Washington s'y attaque, et de nombreux autres pays ont leur idée à cet égard.

En ce qui concerne le crédit interbancaire, certains établissements financiers étrangers n'ont tout simplement pas la confiance des investisseurs. Il est magnifique que ceux-ci aient confiance aux nôtres. Dans certains pays, des établissements sont aux prises avec un manque de confiance. J'ignore si le gouvernement canadien peut faire davantage que ce qui est fait. Le ministre Flaherty assistera aux sommets du G7, du G8 et du G20 où ses homologues et lui s'efforceront de s'attaquer rapidement à certains de ces problèmes.

Selon des observateurs internationaux, on ne peut pas imiter le Japon qui, pendant une décennie complète, a laissé agoniser son système bancaire sans intervenir; il faut réagir rapidement pour restructurer et réglementer le tout.

Outre les beaux efforts déployés par plus d'un, notamment Julie Dixon, surintendante du BSIF, et Mark Carney, gouverneur de la Banque du Canada, il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'un problème international.

Pour remplacer les fournisseurs de crédit qui ont disparu, nous avons fait allusion à EDC et à la BDC, qui ont pris des mesures pertinentes, et — je ne suis pas versée en acronymes aujourd'hui — à la facilité canadienne de crédit garanti, dont l'initiative s'élève à 12 milliards de dollars.

M. Campbell : Il s'agit de la Facilité canadienne d'assurance aux prêteurs.

Mme Hughes Anthony : Il s'agit de relancer le secteur moribond du crédit-bail, ce qui est tout à fait impérieux. C'est magnifique que le gouvernement ait créé cette facilité, mais nous devons prendre les mesures nécessaires.

Plus tôt aujourd'hui, nous avons témoigné devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes, de concert avec les représentants de l'industrie automobile. De toute évidence, cette industrie est aux prises avec un grave problème financier auquel tous cherchent des solutions. Cependant, c'est un problème nord-américain et international. Les banques sont peut-être une partie de la solution, mais ne sont certainement pas la seule. Nous constatons que nos membres cherchent des solutions avec leurs clients, notamment dans les domaines des forêts et des mines, pour les aider à traverser cette crise. Telle est notre contribution.

Je n'ai pas de panacée à vous proposer, sénateur, en ce qui a trait aux problèmes que vous avez soulevés.

M. Campbell : Le crédit interbancaire est une affaire de confiance : si j'accorde un prêt, me sera-t-il remboursé? Sur le marché international, les banques canadiennes sont jugées dignes de confiance. Le gouvernement a envisagé un certain programme d'assurance aux prêteurs, destiné à la fois aux banques et aux assureurs. D'autres gouvernements ont emprunté la même voie.

Essentiellement, il s'agit de s'assurer que les programmes en vigueur sont aussi efficaces que possible en raison de leur effet multiplicateur et de la capacité qu'ils offrent. Nous pouvons mettre à contribution les ressources supplémentaires de la BDC pour favoriser cette capacité, caressant l'espoir que l'effet de levier sera aussi puissant que possible et que les États-Unis sortiront de leur récession le plus rapidement possible.

Le sénateur Moore : D'après Mme Hughes Anthony, le système bancaire américain a besoin d'être assaini. S'agit-il des banques au sens où nous l'entendons ou s'agit-il de banques privées, des sociétés de placement non réglementées ou des fonds de couverture? Madame Hughes Anthony, voulez-vous parler de l'ensemble du secteur financier américain?

Mme Hughes Anthony : Sous peine de me répéter un peu, je dirai qu'il y a un manque de confiance à l'égard du système financier américain dans son ensemble et de la capacité d'en réglementer bien des secteurs.

Le sénateur Moore : Il ne s'agit pas uniquement des banques au sens où nous l'entendons.

Mme Hughes Anthony : C'est exact. J'ai passé environ une journée et demie à Washington, il y a une dizaine de jours. J'en suis revenue avec l'idée que le Canada est un paradis parce que nous savons ce que réglemente chaque organisme. Je pense qu'un mécanisme de réglementation prudent s'impose clairement. Mon association et moi préconisons l'idée d'un seul organisme de réglementation des valeurs mobilières, et nous souhaiterions sa création. C'est important selon nous. Aux États-Unis, il existe cependant divers organismes de réglementation, et certains secteurs sont réglementés alors que d'autres ne le sont pas.

Le sénateur Moore : Les États-Unis n'ont pas beaucoup de programmes nationaux, chaque État agissant à sa guise.

Mme Hughes Anthony : C'est exact. Les États-Unis comptent plus de 8 500 banques. Certaines sont réglementées par l'État et d'autres le sont partiellement par le gouvernement central. La réglementation pose un énorme problème aux Américains. On met tout en œuvre pour élaborer un mécanisme réglementaire qui restaurera non seulement la confiance des Américains, mais également celle des autres pays du monde dans ce système.

Le président : La séance a été fort instructive. Je remercie Mme Hughes Anthony et ses collègues d'avoir témoigné ce matin. Vous avez comparu tout l'avant-midi, et nous avons bien aimé vous entendre. Cela nous a été très utile. Étant donné votre expérience, nous vous convoquerons de nouveau lorsque nous examinerons d'autres aspects de cette étude.

Mme Hughes Anthony : Je suis heureuse d'avoir comparu.

(La séance est levée.)


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