Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 3 - Témoignages du 25 mars 2009
OTTAWA, le mercredi 25 mars 2009
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 16 h 5 pour étudier les systèmes de carte de crédit et de débit au Canada et leurs taux et frais relatifs, particulièrement pour les entreprises et les consommateurs.
Le sénateur Yoine Goldstein (vice-président) occupe le fauteuil.
[Français]
Levice-président : Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se penche aujourd'hui sur des questions relatives au système de carte de crédit et de débit au Canada et les taux et frais relatifs, particulièrement pour les entrepreneurs et les effets sur les consommateurs.
[Traduction]
Le comité a été chargé par le Sénat d'entreprendre cette étude par suite d'une motion déposée par une de nos collègues, le sénateur Ringuette, voulant que le comité examine cette importante question.
Nous avons prévu une série de réunions avec diverses parties intéressées, ce afin de mieux comprendre le contexte entourant cette question.
Avant d'entendre notre premier témoin, j'aimerais présenter les personnes assises autour de la table. Le sénateur Ringuette se trouve dans le coin là-bas, avec deux boîtes, chacune contenant une seule question.
Le sénateur Ringuette : Si vous m'y autorisez, j'aimerais faire un peu plus tard un rappel au Règlement.
Le vice-président : Laissez-moi terminer les présentations, après quoi je me ferai un plaisir de vous donner la parole.
Le sénateur Ringuette : Oui.
Le vice-président : Le sénateur Ringuette vient du Nouveau-Brunswick. Le sénateur Moore, de la Nouvelle-Écosse, est un pilier du comité. Line Gravel est le greffier du comité, et le sénateur Harb, qui vient tout juste d'arriver, est assis dans le coin là-bas.
Je suis le sénateur Goldstein, et je suis vice-président du comité. Marc-André Pigeon travaille au Service de recherche et d'information parlementaires, tout comme c'est le cas de John Bulmer, analyste.
Le sénateur Fox vient du Québec, comme c'est également le cas du sénateur Massicotte, et le sénateur Greene vient de la Nouvelle-Écosse.
Si je comprends bien, sénateur Ringuette, vous avez une brève déclaration à faire.
Le sénateur Ringuette : Ce n'est en vérité pas une déclaration. C'est un rappel au Règlement, ou une question de privilège ou autre, selon la préférence des membres du comité.
J'ai deux boîtes de lettres de membres de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Il y a ici 12 000 lettres à l'appui de ce que je vise avec ma motion.
Les originaux ont été livrés lundi matin au ministre Flaherty. Ma question est la suivante : les membres du comité souhaiteraient-ils avoir des copies de ces lettres ou bien êtes-vous prêts à me croire sur parole que j'ai ici 12 000 lettres à l'appui de ma motion?
Le vice-président : Mes propos n'engageront que moi, mais je serais prêt à me hasarder à dire que l'avis unanime du comité est que nous serons tout à fait heureux de vous croire sur parole.
Le sénateur Ringuette : Merci.
Le vice-président : Sans parler des problèmes qu'occasionnerait la nécessité de faire traduire 12 000 lettres.
Le sénateur Harb : Nous nous attendons à recevoir chacune des lettres dans les deux langues officielles.
Le sénateur Ringuette : Cela encouragerait certainement le secteur forestier dans ma région.
Le vice-président : J'aimerais, sans plus tarder, souhaiter la bienvenue à M. Jeremy Rudin, sous-ministre adjoint, Direction de la politique du secteur financier au ministère des Finances du Canada.
Nous allons diviser notre première heure en deux, et nous aurons ensuite une deuxième heure. Je sais que vous avez une brève déclaration, et je vais vous inviter à la faire. Je demanderai à mes collègues de formuler leurs questions de leur mieux, en étant aussi concis que possible, et je vous demanderai à vous, monsieur, d'y répondre aussi brièvement que possible.
Vous avez la parole.
Jeremy Rudin, sous-ministre adjoint, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Merci, monsieur le président.
Je suis heureux d'être ici pour discuter des systèmes de cartes de crédit et de débit en place au Canada, ainsi que du cadre de politique publique en vigueur. Il s'agit d'un sujet important et nous envisageons avec plaisir la contribution que vous ferez grâce à votre rapport.
Comme je l'ai mentionné, je suis sous-ministre adjoint de la Direction de la politique du secteur financier au ministère des Finances. C'est à notre direction qu'il incombe de mener des analyses stratégiques et de formuler des conseils au sujet du secteur financier canadien, notamment en ce qui concerne la réglementation des institutions financières relevant de la compétence fédérale.
J'aimerais commencer par souligner que les Canadiennes et les Canadiens font un grand usage des cartes de crédit et de débit, et que l'utilisation de ces cartes continue de croître. En 1989, les Canadiens détenaient environ 20 millions de cartes de crédit, qui étaient acceptées dans 710 000 endroits. À l'heure actuelle, les Canadiens possèdent plus de 68 millions de cartes de crédit, qui sont acceptées dans plus de 1,2 million d'endroits.
Durant la même période, le nombre d'émetteurs de cartes de crédit a augmenté de 64 p. 100, passant de 14 à 23, ce qui tient entre autres aux réformes effectuées par le gouvernement fédéral dans le but de promouvoir une concurrence plus forte à l'intérieur du secteur des services financiers.
Toujours pendant cette même période, un système de paiement parallèle a été instauré au Canada, celui des cartes de débit. Le service de paiement direct Interac a été lancé ici dans la région d'Ottawa-Gatineau il y a de cela moins de 20 ans, et il est maintenant utilisé plus fréquemment dans le pays que les cartes de crédit. Selon la Banque des règlements internationaux, les Canadiens se classent parmi ceux qui font l'usage le plus intensif des cartes de débit.
Le contexte stratégique et réglementaire entourant les cartes de débit et de crédit est relativement complexe. Pour saisir cette complexité, nous devons nous pencher brièvement sur la manière dont se font les opérations de crédit et de débit.
Prenons d'abord les cartes de crédit. Au Canada, il y a généralement de nombreuses parties à une opération par carte de crédit, à commencer, bien sûr, par le consommateur et le commerçant. Supposons que le consommateur et le commerçant conviennent de conclure une opération d'une valeur de 100 $. Le consommateur devra une somme de 100 $ à l'institution qui a émis sa carte de crédit. Le commerçant recevra un montant inférieur. Dans notre exemple, il reçoit 98 $. La différence de 2 $, que l'on appelle parfois le taux d'escompte versé par le commerçant, est partagée par deux autres parties à l'opération : l'entreprise de traitement des paiements, parfois appelée l'acquéreur, du commerçant, qui offre des services à ce dernier et qui retient 50 cents à ce titre; et l'institution financière émettrice de la carte de crédit, qui conserve 1,50 $ à titre de commission d'interchange, toujours dans notre exemple.
Les frais de 50 cents conservés par l'entreprise de traitement des paiements sont fixés à la suite de négociations entre le commerçant et l'entreprise, tandis que la commission d'interchange de 1,50 $ est établie par le réseau de cartes de crédit — Visa, MasterCard, American Express, et cetera —, mais est conservée par l'institution financière qui a émis la carte au consommateur.
Le réseau de cartes de crédit, dont le logo apparaît sur la carte, exploite le réseau lui appartenant et qui gère les systèmes d'information par l'intermédiaire duquel l'opération a lieu. Ces réseaux perçoivent des redevances de franchise et des frais de service auprès des émetteurs de cartes de crédit et des acquéreurs en contrepartie des droits d'accès au réseau. Ces frais sont fondés sur le volume des transactions et sur les autres services fournis à ces organisations.
Le contexte réglementaire est rendu quelque peu plus complexe en raison du fait que les parties présentent entre elles des différences importantes d'un point de vue réglementaire. Le gouvernement fédéral réglemente beaucoup d'institutions financières, mais pas toutes. Dans le cas d'une opération sur carte de crédit, l'émetteur sera toujours une institution financière. S'il s'agit d'une banque, elle est assujettie à la réglementation fédérale. Par contre, si l'émetteur est une coopérative de crédit ou une caisse populaire, alors il est assujetti à la réglementation provinciale.
L'entreprise de traitement des paiements n'est pas forcément une institution financière. Certaines institutions financières offrent des services de traitement de paiements, mais la plupart des entreprises de traitement des paiements ne sont pas des institutions financières. Le réseau de carte de crédit n'est pas non plus une institution financière. Nous pouvons considérer de manière informelle les sociétés de cartes de crédit comme des prêteurs, car nous pensons que nous devons de l'argent au titre de nos cartes de crédit MasterCard ou Visa, mais l'argent est dû à l'institution financière émettrice et non pas au réseau de cartes de crédit. Le consommateur a une relation contractuelle avec l'institution financière qui a émis la carte, et non pas avec le réseau de cartes de crédit.
[Français]
Pour revenir à notre exemple, le gouvernement du Canada règlemente la relation unissant les consommateurs et bon nombre des institutions financières qui émettent des cartes de crédit.
À cet égard, le cadre de protection du consommateur mis en place par le gouvernement met l'accent sur l'établissement d'un environnement concurrentiel et exige la communication de renseignements afin de permettre aux consommateurs de faire des choix éclairés.
À l'heure actuelle, il existe un grand nombre d'émetteurs de cartes de crédit sous réglementation fédérale ainsi que des centaines de produits de crédit, assortis de caractéristiques et de taux variés qui sont offerts aux consommateurs. Afin d'aider les consommateurs à faire un choix parmi tous ces produits, l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, qui est un organisme fédéral, tient à jour une vaste base de données sur les caractéristiques des cartes de crédit et elle propose sur son site internet un outil interactif que les consommateurs peuvent utiliser pour déterminer quelle carte offre les caractéristiques qu'ils désirent.
Ainsi, aux termes des lois fédérales régissant les institutions financières, les émetteurs de cartes de crédit doivent communiquer aux consommateurs un large éventail de renseignements, notamment le taux d'intérêt et tous les frais applicables; ces renseignements doivent être fournis avant la conclusion de la convention de crédit.
Bien que le marché des cartes de crédit soit concurrentiel, le gouvernement est de plus en plus inquiet de la complexité des produits offerts ainsi que de certaines pratiques commerciales des émetteurs. Par exemple, en raison des taux de lancement alléchants qui sont accordés, il devient plus difficile pour le consommateur de bien comprendre et de comparer les produits de crédit. La façon dont les institutions recouvrent les créances ne fait pas l'objet d'une exigence de communication, mais il s'agit aussi d'un élément important.
C'est pourquoi dans le budget de cette année, le gouvernement a pris l'engagement de formuler plusieurs mesures ayant trait aux cartes de crédit, notamment une amélioration des renseignements fournis aux consommateurs et l'application des restrictions aux pratiques commerciales qui ne servent pas les intérêts des consommateurs.
Les nouvelles exigences de divulgation seront établies en vertu des pouvoirs législatifs que détient depuis longtemps le gouvernement dans ce domaine. Le pouvoir de réglementation des pratiques commerciales dans le domaine en question a été conféré par le Parlement dans la Loi d'exécution du budget qui a été promulguée récemment.
À titre d'exemple, le gouvernement apportera des améliorations relativement à différents aspects, comme la communication de renseignements clairs et simples sur les formulaires de demande de cartes de crédit et les conventions connexes et l'envoi d'avis clairs en temps opportun au sujet des modifications touchant les taux et les frais. De plus, le gouvernement exigera qu'un délai de grâce soit accordé à l'égard des nouveaux achats effectués avec une carte de crédit et il prendra des mesures afin d'améliorer les pratiques de recouvrement des créances des institutions financières sous réglementation fédérale. Par suite de l'adoption de la Loi d'exécution du budget, le gouvernement agit rapidement afin de préparer un avant-projet de règlement aux fins de consultation publique.
Certains éléments de la nouvelle réglementation doivent être peaufinés, mais le gouvernement prévoit mettre de l'avant des dispositions réglementaires qui concordent avec son approche générale en matière de protection des services financiers. Cette approche étant centrée sur de la promotion de la concurrence et la communication obligatoire de renseignements ainsi que je l'ai indiquée précédemment.
Le gouvernement est certes conscient de la controverse entourant l'établissement des commissions d'inter-change. Je me contenterai pour l'instant de faire remarquer que ces frais sont fixés par les sociétés de cartes de crédit et que ces dernières ne sont pas des institutions financières sous réglementation fédérale, de sorte que l'initiative dont je viens de parler n'aura pas d'incidences directes sur cette question. Cela étant dit, d'autres volets des lois fédérales peuvent être pertinents, notamment dans le cas de la politique de concurrence.
Dans le but de fournir une information complète, je vais maintenant faire quelques brèves remarques sur les paiements de cartes de débit. Les paiements par cartes de débit sont structurés de façon similaire aux paiements par cartes de crédit, à quelques importantes différences près. D'abord, pour de nombreuses opérations, la commission d'inter-change est fixée à zéro. Ensuite, les commerçants acquittent généralement un taux uniforme par opération plutôt que des frais correspondants à un pourcentage du prix d'achat. Ces caractéristiques peuvent toutefois changer au fil du temps, car le nombre d'entreprises offrant des services de paiement par cartes de débit augmente et le principal fournisseur, Interac, prévoit procéder à une restructuration.
Nous tenons à vous remercier de m'avoir permis de prendre la parole devant votre comité. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
[Traduction]
Le vice-président : Merci de cet exposé clair et instructif, monsieur Rudin.
[Français]
Le sénateur Ringuette : Monsieur Rudin, c'est un plaisir que vous soyez ici pour nous aider à faire la lumière sur ce dossier.
[Traduction]
J'ai rencontré des représentants tant du milieu bancaire que d'entreprises de cartes de crédit. Visa et MasterCard disent que ce sont les banques émettrices des cartes de crédit qui fixent les frais d'interchange, tandis que les banques disent que ce sont Visa et MasterCard qui les établissent. J'avais espéré que vous puissiez tirer cette question au clair pour nous.
Cependant, vous dites, à la page 16 de la version française de votre déclaration, et je cite : « Je me contenterai pour l'instant de faire remarquer que ces frais sont fixés par les sociétés de cartes de crédit... » Vous nous dites que ce sont les sociétés de cartes de crédit qui fixent les frais, c'est-à-dire MasterCard et Visa, qui détiennent 80 p. 100 du marché au Canada. Est-ce bien cela?
M. Rudin : Oui, d'après ce que je comprends, les frais d'interchange sont fixés par le réseau de cartes de crédit, mais sont versés à l'institution financière qui a émis la carte de crédit au client. Ce sont les deux groupes qui interviennent.
Le sénateur Ringuette : Dans le tableau que vous nous avez fourni, sous « institution financière » du détenteur de la carte (émetteur) figurent les frais d'interchange. Sous « réseau de cartes de crédit », il n'y a pas de frais d'interchange.
M. Rudin : C'est exact.
Le sénateur Ringuette : Vous n'avez pas tiré cet aspect au clair dans votre exposé. Qui fixe les frais d'interchange?
M. Rudin : Les frais sont fixés par le réseau de cartes de crédit — Visa, MasterCard, American Express. Les frais sont versés à l'institution financière qui a émis la carte au consommateur. Par exemple, je pourrais fixer le prix de quelque chose sans pour autant être le vendeur de l'article, c'est-à-dire sans être la personne qui touche le revenu. C'est là l'idée.
Le sénateur Ringuette : Très bien.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : Je ne comprends pas. Qui garde l'argent? Cela va dans les revenus de la banque ou de Visa? Je veux que ce soit précisé.
Même si on établit un prix, cela ne veut pas dire qu'ils le gardent. Cela va donc paraître dans les états financiers de la banque comme étant 1,50 $ de revenu comme quand je vais au guichet. Et vous dites que c'est Visa ou MasterCard qui établit le montant, mais qui le garde? c'est ce qui nous intéresse.
M. Rudin : C'est l'institution financière du détenteur de la carte qui retient les frais.
[Traduction]
Le sénateur Ringuette : Visa et MasterCard — l'on cite toujours ces deux sociétés vu qu'elles détiennent 80 p. 100 du marché — versent les frais qui ont été fixés par les banques?
M. Rudin : Non. Elles fixent les frais, mais je ne dirais pas qu'elles les versent.
Le sénateur Ringuette : Vous venez à l'instant de nous dire que les institutions financières établissent les frais.
M. Rudin : J'espère que ce n'est pas ce que j'ai dit.
Le sénateur Ringuette : C'est ce que j'avais compris.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : J'ai demandé qui gardait ces frais. Je n'ai pas dit qui l'établissait. J'ai compris que c'était Visa et MasterCard qui établissaient la somme de 1,50 $, mais que c'était la banque émettrice qui gardait l'argent.
Le vice-président : Nous sommes tous d'accord à ce sujet.
[Traduction]
Le sénateur Moore : J'aimerais un éclaircissement, monsieur le président. Le sénateur Ringuette a mentionné que Visa et MasterCard détiennent 80 p. 100 du marché. Je pensais que c'était 94 p. 100. Les recherchistes pourraient-ils nous confirmer si tel est bien le cas?
Un intervenant : Oui.
Le sénateur Ringuette : Dans l'exemple que vous avez donné, des frais d'interchange de 1,50 $ sont versés à l'institution financière.
M. Rudin : L'institution financière du consommateur.
Le sénateur Ringuette : Oui. BMO ou quelque autre institution à laquelle fait appel le consommateur.
M. Rudin : Ce peut être une banque ou...
Le sénateur Ringuette : Quelle part de ces frais d'interchange est versée au réseau de cartes de crédit?
M. Rudin : Les réseaux de cartes de crédit perçoivent des frais auprès et des institutions financières émettrices de cartes et de la société de traitement.
Le sénateur Ringuette : Ils touchent de l'argent des deux côtés.
M. Rudin : Ils négocient des arrangements avec elles pour l'accès à leur réseau et pour les autres services qu'elles offrent.
Le sénateur Ringuette : Très bien. C'est un fort joli modèle d'organisation.
J'ai ici une copie du Règlement sur le coût d'emprunt (banques) qui m'a été envoyé. Vous avez dit dans votre déclaration que le gouvernement allait tirer un certain nombre de choses au clair. Il a déjà tiré au clair la situation en ce qui concerne cet aspect-là.
M. Rudin : Il existe divers règlements en matière de communication de renseignements dans le monde des cartes de crédit, et l'intention du gouvernement est de renforcer ces règlements.
Le sénateur Harb : Merci de votre déclaration. Vous avez mentionné que l'usage des cartes de débit est de beaucoup supérieur à l'usage des cartes de crédit au Canada. Conviendriez-vous que le Canada est dans le monde le pays développé qui affiche la plus forte utilisation de cartes de débit?
M. Rudin : Je pense que la BRI, d'après les données les plus récentes que j'aie pu voir, classe le Canada au deuxième rang pour ce qui est de l'utilisation de cartes de débit.
Le sénateur Harb : Qui occupe le premier rang?
M. Rudin : Je ne le sais pas, mais je pourrai me renseigner pour vous.
Le sénateur Harb : Comment le Canada se compare-t-il aux autres pays développés pour ce qui et de l'utilisation de cartes de crédit?
M. Rudin : Je pense que nous occupons le deuxième ou le troisième rang.
Le sénateur Harb : Nous sommes là aussi assez haut sur la liste.
M. Rudin : Oui.
Le sénateur Harb : Il semble qu'il se déroule une discussion avec le Bureau de la concurrence, pour ce qui est de l'association Interac. Il y a un autre débat en cours entre MasterCard, Visa, les commerçants, « et cetera ». Dans quelle mesure le ministère des Finances du Canada est-il engagé dans tous ces débats qui sont en cours? Quel rôle jouez-vous? Êtes-vous engagés dans une discussion avec les bureaux de la concurrence? Avez-vous un comité de travail? Êtes-vous engagés dans une discussion avec eux?
Vous avez mentionné qu'il y a des questions qui sont de compétence fédérale et d'autres qui relèvent des provinces. Vous pourriez très bien être libres d'agir comme vous l'entendez dans un cas, mais avoir les mains liées dans un autre.
M. Rudin : Nous avons été contactés par nombre de parties prenantes. Nous en avons eu tout à l'heure une illustration éloquente. Nous rencontrons régulièrement toute une variété de parties prenantes et continuerons de le faire. Nous sommes en train d'envisager quelles pourraient être nos prochaines interventions.
Le Bureau de la concurrence va, je pense, comparaître plus tard cet après-midi devant le comité. Il discutera des aspects dont il traite, et ce, indépendamment du ministère des Finances.
Le sénateur Harb : Il y a, dans la communauté, des préoccupations dans les deux camps. Il s'agit d'un dossier plutôt chargé, et nous allons entendre les deux camps. Êtes-vous d'avis que la question est suffisamment importante pour que le ministère des Finances Canada y joue un rôle proactif, ou bien vous voyez-vous comme un facilitateur, laissant le marché décider et les différents intervenants s'entendre entre eux? Comment voyez-vous les choses se dérouler?
M. Rudin : Comme je l'ai dit, le ministère rencontre régulièrement des parties prenantes et nous nous penchons sur la question. Nous n'y sommes pas intervenus à ce jour et sommes en train d'envisager quelles mesures, s'il y en a, nous devrions prendre.
Le vice-président : Merci. Il reste 24 secondes et six sénateurs désireux de poser des questions.
Les questions sont importantes et le témoin est bien informé. Je vais nous laisser déborder un peu par rapport à l'horaire prévu, mais j'exhorte mes collègues et M. Rudin à être tous et chacun aussi brefs que possible.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Il y a deux parties actives dans le processus. Est-ce qu'il y a assez de concurrence pour s'assurer que la compétition ne souffre pas d'une surcharge des services offerts? Deuxièmement, les consommateurs sont-ils au courant des différences parce que bien souvent, les commerçants se font imposer le 2 p. 100 auquel vous faites référence dans votre discours. Quel est votre commentaire? Est-ce qu'il y a suffisamment de concurrence pour laisser le marché dicter l'offre et la demande? Le gouvernement doit-il s'impliquer, oui ou non, pour s'assurer que les services rendus sont justes et seulement à cet effet?
M. Rudin : Je vais plus ou moins répéter ce que je viens de dire au sénateur Harb. On continue à interagir avec les intervenants, on continue à considérer la question. Pour le moment, au moins, on ne fait aucune intervention directe, mais on se penche sur les prochaines étapes.
Le sénateur Massicotte : J'ai été surpris quand j'ai lu tous les rapports. L'argument des émetteurs de cartes de crédit, c'est de dire que pour les cartes de crédit, il n'y a pas d'intérêt facturé pour 21 jours. Ce sont des frais de promotion. Mais si on manque le paiement seulement une journée, l'intérêt est porté à notre compte pour les 21 jours. Leur argument est de dire que c'est une promotion et il est très clair que l'on peut facturer ces intérêts. Tout cet argument est vrai, je l'accepte. Mais les consommateurs sont-ils au courant de ces faits et ainsi ils peuvent faire le choix très transparent. Pensez-vous que le marché est au courant de ces conditions de crédit imposées ou si c'est seulement un truc pour aller chercher du revenu additionnel sans que le marché soit au courant de ces conditions de crédit imposées?
M. Rudin : Il existe déjà un régime de divulgation obligatoire auprès des consommateurs sur les institutions financières émettrices de cartes de crédit aux consommateurs. Il s'agit dans ce cadre de responsabilité de divulguer les frais payés sous forme de frais fixes par les consommateurs uniquement. Le cadre existe, c'est un bon cadre, mais le gouvernement s'engage à améliorer le cadre de divulgation obligatoire, précisément pour mieux informer les consommateurs afin qu'ils soient en mesure de prendre de bonnes décisions et de comprendre le contrat qui est offert par les émetteurs de cartes de crédit.
[Traduction]
Le vice-président : Un petit éclaircissement : n'y a-t-il pas également des règlements provinciaux traitant de ce qui doit être communiqué au consommateur, et qui s'appliqueraient aux cartes de crédit?
M. Rudin : Il existe en la matière deux types de règlements. Il y a des règlements des provinces pour les institutions financières à réglementation provinciale, ce qui est le cas des coopératives de crédit et des caisses populaires. Pour ce qui est du coût d'emprunt, il existe des règlements qui ont été élaborés dans le cadre d'une entente fédérale-provinciale.
Le sénateur Tkachuk : Je voulais faire une séparation entre les deux groupes de consommateurs. Un groupe de consommateurs est celui des détaillants. Le détaillant achète les services d'une société de cartes de crédit. Il verse des frais à cette compagnie — 2 ou 3 p. 100 — peu importe; j'ignore ce qu'exige American Express à titre de frais.
Pensez-vous qu'il existe suffisamment de concurrence pour les détaillants sur le plan de l'accès aux cartes de crédit? Il semble que le marché soit en réalité dominé par deux noms de marque, soit Visa et MasterCard. Personne d'autre ne se lance sur le marché, et je n'ai pas la moindre idée quant au pourquoi de la chose. Ce me semble plutôt lucratif; or, il n'y a que ces deux-là. AMEX, Diner's Club et ainsi de suite ne se sont pas vraiment taillés une grosse place à l'intérieur de ce marché.
Y aurait-il moyen de favoriser une plus vive concurrence sur ce marché? Ce serait, me semble-t-il, la seule façon de faire baisser ces prix.
M. Rudin : Il y a deux choses. Vous avez tout à fait raison de dire qu'il existe deux catégories de clients. Il y a le commerçant et il y a le client final, la personne qui achète le produit. Lorsque je parle du régime pour les consommateurs, je veux parler des particuliers, et non pas du régime applicable aux commerçants.
La question de savoir s'il existe suffisamment de concurrence entre les réseaux de cartes, et de ce qui pourrait être fait si tel n'est pas le cas, est une question importante. Je ne suis pas en mesure de dire quoi que ce soit de définitif là- dessus. Ce n'est pas, a priori, un problème s'il n'y a que deux fournisseurs. Cependant, de nombreux intéressés ont soulevé cette question comme étant un problème potentiel.
Je ne connais aucun obstacle, découlant de lois ou de règlements fédéraux, qui entraverait la création d'un nouveau réseau de cartes. S'il en était, nous serions heureux qu'on porte la chose à notre attention.
Le sénateur Tkachuk : De l'autre côté, du côté du public consommateur, il semble qu'il y ait beaucoup de concurrence — différents taux d'intérêt, allant du plutôt bon marché aux très élevés, selon les petits plus qu'on y ajoute, comme par exemple l'accumulation de points et toutes sortes d'autres choses. C'est vraiment cela qui enfonce le consommateur, qui essaie d'accumuler des points et autres sur sa carte, en plus des achats qu'il fait. Les compagnies de cartes de crédit imposent en échange de cela un taux d'intérêt supérieur. Vous pouvez payer entre 18 et 28 p. 100 si vous n'effectuez pas votre paiement à la fin du mois.
Cependant, si vous avez une carte de crédit qui n'offre pas tous ces autres plus, vous pouvez obtenir un taux d'intérêt aussi bas que 5 ou 6 p. 100. Est-ce bien cela?
M. Rudin : Oui, il existe toute une fourchette de taux.
Le sénateur Tkachuk : Il existe donc beaucoup de concurrence à ce niveau-là. Le problème se situe, je pense, à l'autre bout. Le détaillant est-il en train de se faire presser quant au pourcentage qu'il doit payer et qui est, bien sûr, répercuté sur le consommateur?
M. Rudin : Je suis en train de regarder le président. Il me demande d'être bref.
Le sénateur Tkachuk : Mon affirmation est juste, manifestement.
Le vice-président : J'étais simplement en train de me dire, sénateur Tkachuk, que vous feriez un excellent témoin.
Le sénateur Tkachuk : J'essayais simplement d'être clair.
Le vice-président : Merci, sénateur. C'était une bonne observation.
Le prochain sénateur sur ma liste est le sénateur Moore.
Le sénateur Moore : Merci, monsieur le président, et merci à vous, monsieur Rudin, d'être des nôtres ici.
Pour revenir à la question du sénateur Tkachuk, il a mentionné Visa et MasterCard. Il est un fait notoire que ces deux cartes contrôlent à l'heure actuelle 94 p. 100 du marché au Canada.
Qui possède Visa et qui possède MasterCard? Le savez-vous? Ces cartes sont-elles cotées à la bourse?
M. Rudin : Je pense qu'il s'agit de sociétés ouvertes, mais cela varie d'un pays à un autre. Il me faudrait vérifier cela.
Le sénateur Moore : Il a également été fait mention de la confusion quant aux différentes caractéristiques qui sont proposées. Je lis à la page 12 de la version française de votre mémoire que le gouvernement est de plus en plus inquiet de la complexité des produits offerts, ainsi que de certaines pratiques commerciales des émetteurs. Vous mentionnez le fait qu'en raison de taux de lancement alléchants, il est plus difficile pour le consommateur de bien comprendre et de comparer les produits de crédit.
Nous avons reçu une correspondance de l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires disant que ses membres se voient imposer des frais croissants pour les transactions sur cartes de crédit. Ils se plaignent de pratiques anticoncurrentielles de la part des banques émettrices. Êtes-vous en train de vous pencher là-dessus? Qu'êtes-vous en train d'examiner ici?
M. Rudin : Les initiatives annoncées dans le budget et dont j'ai fait état dans mes remarques liminaires imposeront de nouvelles exigences dans la relation entre les institutions financières à réglementation fédérale émettrices de cartes de crédit et les consommateurs qui les détiennent — nous tous qui avons des cartes dans nos poches.
Certaines des questions soulevées par des intéressés, dont l'Association des restaurateurs, concernent la relation entre les commerçants, les restaurateurs, et les réseaux de cartes de crédit.
Le sénateur Moore : Interac?
M. Rudin : Visa et MasterCard, en particulier. Là n'est pas l'objet des initiatives mises de l'avant ou annoncées dans le récent budget.
Cela étant dit, comme je l'ai déjà indiqué, nous avons rencontré plusieurs groupes de parties intéressées relativement aux autres questions qui surviennent dans ce contexte, et continuerons de le faire.
Le vice-président : Est-ce votre dernière question, sénateur Moore?
Le sénateur Moore : Interac est un important joueur. Vous avez mentionné qu'Interac souhaite se restructurer. Que pourriez-vous nous dire d'officiel là-dessus? Quelle est sa structure actuelle et qu'est-ce qui est envisagé?
M. Rudin : Vous obtiendrez de meilleures informations en vous adressant aux responsables d'Interac. D'après ce que j'en sais, il s'agit plus ou moins d'une association coopérative d'institutions financières et elles envisagent de se restructurer en tant que société à but lucratif.
Le sénateur Moore : Elle est présentement sans but lucratif.
M. Rudin : Oui.
Le sénateur Fox : Je me mets à la place du consommateur canadien moyen. La question qu'il se pose est la suivante : pourquoi les taux d'intérêt sur les cartes de crédit sont-ils si élevés et pourquoi n'existe-t-il, que je sache, aucune concurrence au niveau du prix?
La deuxième question est la suivante : pourquoi le coût des intérêts n'a-t-il pas diminué alors que le loyer de l'argent a reculé? La plupart des Canadiens nous posent ces deux questions. Je n'ai à ce jour entendu aucune réponse satisfaisante.
M. Rudin : Comme nous le disions, il y a tout un éventail de taux d'intérêt facturés par les différentes cartes de crédit.
Le sénateur Fox : Tenons-nous en à Visa et MasterCard, qui sont à 19 p. 100 ou plus, sans concurrence sur le prix.
M. Rudin : Le taux d'intérêt qu'un consommateur se voit imposer sur sa carte de crédit, qu'il s'agisse de MasterCard ou de Visa, n'est ni déterminé ni perçu, en l'espèce, par MasterCard ou par Visa. Il s'agit d'un arrangement avec l'institution financière émettrice, qui pourrait être une banque, une coopérative de crédit ou une autre institution. Même chez une seule et même institution financière émettrice de cartes il peut exister tout un éventail de taux d'intérêt. Certains de ces taux d'intérêt, mais ce n'est certainement pas le cas de tous, sont liés au taux préférentiel. Ceux-là ont diminué ces derniers mois au fur et à mesure de la baisse du taux préférentiel. Il y a peut-être d'autres taux d'intérêt qui ne sont pas liés au taux préférentiel et qui ont connu une baisse moindre, voire nulle.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : Je poursuis dans la même veine que la question de mon collègue. On a vu quel était le débat dans le papier commercial. Dans le papier commercial, il y avait les cartes de crédit. On avait le problème que n'importe qui, étudiants à l'université ou autres, — je ne dis pas que les étudiants ne sont pas solvables — mais il reste que quand les gens ont de très petits revenus, il faut que quelqu'un prenne les pertes. Et là, il y a une course effrénée. Il s'agit de savoir qui va émettre le plus de cartes au sein de la concurrence. On ne se pose pas la question de savoir qui va payer. De toute façon, cela va être les autres personnes qui paient leur carte de crédit qui vont payer.
Notre président s'est beaucoup occupé de faillites. Effectivement, cela amène la faillite des consommateurs. Il semble qu'il y ait un trou dans notre régime faisant en sorte que n'importe qui peut se procurer n'importe quoi n'importe comment. Je vous le demande parce qu'il y a 20 ans, on me demandait quasiment le nom de mon arrière grand-mère et aujourd'hui on ne demande plus rien. C'était incroyable le nombre de questions qu'on nous posait. Aujourd'hui pratiquement plus d'enquête n'est faite sur le crédit de la personne. Ce sont les institutions financières qui se couvrent et les détenteurs de cartes qui paient la note. C'est un véritable « free for all ».
Je vous pose la question, existe-t-il un moyen pour que nos institutions financières émettent de façon modérée des cartes à des gens non solvables?
M. Rudin : Deux choses : premièrement, vous vous intéressez aux pratiques de décision des institutions financières en ce qui concerne leur crédit aux consommateurs, pour avoir les informations les plus directes, je vous invite à le demander directement aux banquiers ou à leur représentant. Ceci étant dit, je mentionnerai que les institutions financières sous règlementation fédérale sont supervisées par le surintendant des institutions financières dans le but de s'assurer que leurs pratiques sont prudentes en ce qui concerne la continuité de l'institution. Cet aspect est déjà là.
[Traduction]
Le sénateur Greene : Il y a une question dont a parlé le sénateur Tkachuk : le manque de concurrence entre les réseaux de cartes de crédit.
Il y a peut-être en la matière davantage la perception qu'il y a un problème que l'existence d'un problème réel. Le ministère des Finances a-t-il effectué quelque sondage d'opinion publique pour déterminer ce que pensent les consommateurs et les propriétaires de petites entreprises au sujet de toutes ces questions?
M. Rudin : Je ne suis au courant d'aucun travail de sondage public qui aurait été effectué en la matière par le ministère. J'imagine que pourraient être mis à notre disposition les résultats de sondages menés par d'autres, notamment des groupes concernés.
Le sénateur Greene : Mais de tels résultats de sondages pourraient à certains égards ne pas être tout à fait fiables.
Le sénateur Ringuette : Il est précisé dans le règlement tel qu'il s'applique aux banques, sous la rubrique interprétation, que la convention de crédit englobe une entente visant une ligne de crédit, une carte de crédit ou tout autre type de prêt. Je devine que le ministère des Finances considère qu'une marge de crédit et qu'une carte de crédit sont identiques aux fins du règlement tel qu'il s'applique aux banques.
M. Rudin : Les exigences en matière de communication de renseignements sont les mêmes, qu'il s'agisse d'une ligne de crédit ou d'une carte de crédit. C'est exact.
Le sénateur Ringuette : C'est la même chose.
Le président : Nous venons d'avoir une discussion fort instructive. J'espère que nous aurons l'occasion de vous consulter de nouveau, monsieur Rudin, s'il survient d'autres questions relevant de votre domaine d'expertise.
J'aimerais maintenant accueillir les témoins suivants. Il s'agit de M. Richard Taylor et de Mme Martine Dagenais, du Bureau de la concurrence Canada. Monsieur Taylor, allez-y, je vous prie.
Richard Taylor, sous-commissaire de la concurrence, Direction générale des affaires civiles, Bureau de la concurrence Canada : Merci d'avoir invité le Bureau de la concurrence Canada à participer aux audiences du comité portant sur les cartes de crédit et de débit. M'accompagne aujourd'hui Mme Martine Dagenais, sous-commissaire adjointe de la concurrence, Direction générale des affaires civiles, Bureau de la concurrence Canada.
Je vais commencer par vous dire quelques mots au sujet du Bureau de la concurrence et de son mandat. Le BCC est un organisme indépendant d'application de la loi qui est responsable de l'administration et de l'exécution de la Loi sur la concurrence. Le bureau contribue à la prospérité des Canadiens en protégeant et en favorisant des marchés concurrentiels au Canada et en permettant aux consommateurs de faire des choix éclairés.
[Français]
Nous considérons la concurrence comme étant une force valable et créatrice dans notre économie. Celle-ci favorise l'innovation, les bas prix, améliore l'efficacité et favorise un plus grand choix pour les consommateurs.
[Traduction]
Dans la Loi sur la concurrence, le Parlement a identifié et interdit un certain nombre d'activités qui sont néfastes pour un marché concurrentiel.
En tant que texte de loi d'application générale, la Loi sur la concurrence ne vise pas à réglementer les transactions individuelles entre acheteurs et vendeurs. La loi cherche plutôt à établir et à maintenir les conditions nécessaires à l'existence d'un marché concurrentiel en interdisant un certain nombre de pratiques anticoncurrentielles, notamment : fixation des prix, truquage des offres, abus de position dominante, pratiques commerciales dolosives et fusions susceptibles de mener à une réduction sensible de la concurrence. De telles pratiques sont susceptibles d'avoir une incidence néfaste sur la concurrence et sont explicitées dans la Loi sur la concurrence. Cette loi existe, sous une forme ou une autre, depuis plus de 120 ans. Il incombe au Bureau de la concurrence et à tous ses employés de veiller en tout temps au respect des dispositions de la loi.
Je vais maintenant passer à la question des cartes de crédit. Je tiens à souligner que le bureau prend au sérieux la possibilité de toute infraction à la Loi sur la concurrence. L'une des priorités actuelles du bureau est de terminer son enquête sur les frais d'interchange pour les cartes de paiement, afin de veiller à ce qu'il n'y ait eu aucune infraction à la loi. Il s'agit d'un marché d'une valeur de 370 milliards de dollars et nous ne prenons à la légère ni de tels marchés ni de telles questions.
Si nous relevons la preuve qu'il y a eu ou qu'il y a violation de la loi, nous n'hésitons pas à prendre des mesures. Il me faudrait également souligner que le Canada n'est pas le seul pays qui cherche à déterminer si la façon dont les frais d'interchange sont fixés ne pourrait pas constituer une violation des lois en matière de concurrence.
Permettez que je vous explique brièvement ce sur quoi le bureau peut faire enquête. Il est important de souligner qu'en vertu de la loi les entreprises sont, de manière générale, libres de fixer leurs propres prix, en fonction du niveau que tolérera le marché. En ce qui concerne le Bureau de la concurrence, des prix ou des frais élevés ne sont source d'inquiétude que lorsqu'ils résultent d'une infraction à la loi, comme c'est le cas de la fixation des prix ou de l'abus de position dominante. Je tiens à être très clair là-dessus : le Bureau de la concurrence, en tant qu'organisme indépendant d'application de la loi, n'est pas habilité à imposer, à réglementer ou à fixer des prix dans quelque industrie que ce soit, et cela englobe les frais d'interchange.
Je suis empêché par les dispositions de la loi en matière de confidentialité de discuter du détail de nos enquêtes. Je peux cependant vous confirmer qu'en ce qui concerne la façon dont les frais d'interchange sont fixés, nous cherchons à déterminer s'il a pu y avoir violation de l'article 79 ou d'autres articles de la loi. L'article 79, Ordonnance d'interdiction dans les cas d'abus de position dominante, interdit aux entreprises dominantes de se livrer à des pratiques qui ont, ont eu ou auraient vraisemblablement pour effet d'empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence dans un marché. Si, dans le cadre de notre enquête, nous relevons la preuve d'une violation des dispositions de la Loi sur la concurrence, alors nous agissons.
[Français]
Afin de s'informer au sujet des activités de mise en application, le bureau a suivi le développement dans l'industrie des cartes de crédit au Canada comme la restructuration de Visa et MasterCard. De plus, le bureau a suivi de près le litige privé aux États-Unis et la réglementation en Australie ainsi que les examens faits par les agents antitrusts étrangers.
[Traduction]
Permettez que je passe à la question du réseau Interac. Il a été largement rapporté dans les médias qu'Interac est intervenu auprès du bureau. Interac a décidé de chercher le consentement du bureau avant de déposer une demande auprès du Tribunal de la concurrence en vue d'être autorisé à se restructurer pour ne plus être une association sans but lucratif mais une entité à but lucratif. Étant donné que cette question est présentement sous examen et qu'elle sera vraisemblablement soumise au Bureau de la concurrence, ce que je peux vous en dire est limité par les dispositions de la loi en matière de confidentialité figurant à l'article 29 et auxquelles l'article 64 de la loi donne effet.
J'aimerais tirer au clair un aspect dont il est régulièrement fait état dans les médias concernant la crainte qu'Interac puisse commencer à imposer des frais d'interchange sur les transactions faites avec une carte de débit si elle est autorisée à se restructurer. Comme vous le savez, en 1996, le bureau et Interac se sont engagés dans le cadre d'une ordonnance sur consentement visant certaines préoccupations qu'avait le bureau relativement à l'activité des membres d'Interac — il s'agissait à l'époque principalement des grosses banques canadiennes — qui contrôlaient le réseau des cartes de débit. Cette ordonnance sur consentement prévoyait plusieurs mesures en vue d'augmenter la concurrence sur le marché des produits de débit, dont un accès plus facile à leur réseau.
Comme l'a dit mon collègue du ministère des Finances, le nombre de participants au réseau est passé des neuf originaux, en place à l'époque où nous sommes intervenus, à plus de 60 sociétés. Voilà qui illustre le genre de travail que fait le bureau dans l'intérêt du maintien d'une économie concurrentielle, en veillant à ce qu'il n'existe aucune barrière illégale ou artificielle à l'entrée. Cependant, l'important est que, quelle que soit la position du bureau relativement au désir d'Interac de se restructurer en tant qu'entité à but lucratif, la restructuration n'aura aucune incidence sur la capacité d'Interac d'imposer des frais d'interchange. Interac a déjà aujourd'hui ce droit. L'ordonnance sur consentement qu'Interac cherche à modifier ne traite pas du niveau des frais d'interchange.
Merci, monsieur le président. Ma collègue et moi nous ferons un plaisir de répondre aux questions des membres du comité.
[Français]
Le vice-président : Avez-vous quelque chose à ajouter, madame Dagenais ou allez-vous attendre les questions?
Martine Dagenais, sous-commissaire adjointe de la concurrence, Direction générale des affaires civiles, Bureau de la concurrence Canada : Je vais attendre les questions.
Le vice-président : Je vais demander à mes collègues de se limiter à une question, quitte à ce qu'il y ait une deuxième ronde au besoin.
[Traduction]
Le sénateur Harb : Le Bureau de la concurrence souhaite augmenter et améliorer la concurrence. Interac, en tant qu'organisation à but non lucratif, est à l'heure actuelle un monopole. La préférence du Bureau de la concurrence est de voir davantage de participants entrer dans le marché. Est-ce bien cela?
M. Taylor : Je pense avoir déclaré que la loi que nous appliquons nous vient du Parlement, et qu'elle a tout récemment été renforcée par le projet de loi C-10. La loi ne rend pas illégal pour un monopole de facturer un prix élevé.
Le vice-président : Merci. Ce n'est pas une réponse qui plaît, mais c'est la vérité.
Le sénateur Tkachuk : Avez-vous envisagé ou entamé au cours des derniers mois ou des dernières années une enquête auprès de l'une ou l'autre des compagnies de cartes de crédit — Visa et MasterCard — pour déterminer s'il y a eu pratiques monopolistiques?
M. Taylor : Nous enquêtons présentement sur les compagnies de cartes de crédit en vertu de l'article 79 de la Loi sur la concurrence, Abus de position dominante.
Le sénateur Tkachuk : Et cela concerne-t-il les frais imposés aux détaillants? Cela résulte-t-il de plaintes déposées par des détaillants? Comment cela a-t-il commencé?
M. Taylor : Nous avions au départ lancé de nous-mêmes l'enquête ou l'examen sur la base de choses que nous observions de par le monde, notamment en Angleterre et en Australie. Nous avons par la suite reçu des plaintes d'un nombre important de parties prenantes, et c'est ce qui nous a amenés à intensifier nos efforts.
Le sénateur Oliver : Avez-vous reçu des plaintes de parties prenantes au Canada et, dans l'affirmative, de qui s'agit- il?
M. Taylor : Elles sont nombreuses. Bien sûr, nombre des commerçants qui doivent accepter ces cartes et payer les frais exigés sont, à un moment ou à un autre, venus se plaindre auprès de nous. Je crois que comptent parmi leur nombre la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, le Conseil canadien du commerce de détail, la Fédération canadienne des épiceries indépendantes, et beaucoup d'autres encore.
Le vice-président : Nous allons entendre le témoignage de porte-parole de tous ces groupes. Nous obtiendrons davantage de renseignements auprès d'eux.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Vous connaissez bien Interac qui veut devenir une compagnie pour faire un profit. Est-ce que cela vous inquiète?
[Traduction]
Craignez-vous que si Interac devient une société à but lucratif, compte tenu de sa position dominante, il y ait absence de concurrence?
M. Rudin : Cela nous inquiète. Le message le plus important que je puisse livrer au président aujourd'hui est que nous ne nous inquiétons pas des choses qui ne relèvent pas de notre loi habilitante. Notre loi est très précise quant aux types de pratiques d'affaires, de structures et de circonstances pouvant donner lieu à des actions en justice en vertu de la loi.
Cela nous inquiète lorsqu'une société dominante abuse de sa position dominante en tentant d'éliminer ou d'exclure des rivaux, amenant ainsi une hausse des prix. Nous nous inquiétons lorsque des concurrents ou des entreprises dans le même secteur conviennent entre eux d'augmenter les prix.
Nous nous inquiétons de ce genre de pratiques. L'actuelle Loi sur la concurrence, telle que modifiée par le projet de loi C-10, contient environ 130 dispositions, dont 30 sont sans doute des dispositions de fond visant des pratiques commerciales précises — truquage des offres, fixation de prix, fusions menant à une réduction sensible de la concurrence, refus de vendre, fixation du prix de revente, abus de position dominante et...
Le vice-président : Prix prédateurs.
M. Rudin : Oui, prix prédateurs.
Le sénateur Moore : D'après ce que je comprends, l'ordonnance sur consentement de 1996 accordait à Interac le droit de fixer des frais d'interchange applicables aux transactions par carte de débit, et les frais de transactions sur carte de débit ont toujours été fixés à zéro. Est-ce toujours le cas?
Mme Dagenais : Oui.
Le sénateur Moore : Les frais d'interchange pour les transactions GAB sont de 75 cents, n'est-ce pas?
Mme Dagenais : Je ne connais pas le montant exact, mais nous pourrons nous renseigner.
Le sénateur Moore : Je suis confus en ce qui concerne ce que l'on appelle les frais de transfert et les frais d'interchange. Les frais d'interchange englobent-ils les frais de transfert? Quelles sont ces deux commissions?
M. Taylor : Les frais de transfert sont les frais de réseau. C'est ce que touche le réseau de cartes. Les frais d'interchange sont inférieurs à cela et correspondent à ce que se payent l'émetteur et l'acquéreur. Je pense que les frais de réseau sont sensiblement différents.
Si vous regardez le graphique que vous a fourni le ministère des Finances — nous avons notre propre version —, il y a tout un tas d'intervenants et de frais. Je pense que, dans le jargon Interac, les frais de transfert — et ma collègue me corrigera si je me trompe — sont ce que nous appelons les frais de réseau.
Le sénateur Moore : Et ces frais sont versés à Interac?
M. Rudin : C'est exact.
Le vice-président : Pourriez-vous nous fournir une copie de votre diagramme? Nous avons déjà celui du ministère des Finances et nous aimerions bien avoir le vôtre. Je présume qu'il existe dans les deux langues officielles? Merci.
Le sénateur Greene : Quel est l'échéancier de votre enquête et quelle forme prendra-t-elle? Qu'allez-vous faire exactement?
M. Taylor : Nous sommes préoccupés par le volume et le sérieux des plaintes que nous avons reçues. Nous avons consenti au dossier des ressources proportionnelles au niveau d'inquiétude concernant les cartes de paiement et les frais d'interchange.
Je ne peux pas vous donner d'échéancier. Les enquêtes que nous effectuons sont compliquées. En cas de violation potentielle de la loi que nous sommes chargés d'appliquer, l'affaire doit être renvoyée devant les tribunaux — une cour pénale ou, s'il s'agit de fixation de prix ou de truquage des offres, le Tribunal de la concurrence, qui est un tribunal civil. Ces enquêtes sont très complexes et axées sur la preuve et elles peuvent demander du temps. La dernière chose que nous souhaiterions serait de nous lancer mal préparés.
Le sénateur Ringuette : J'apprécie le travail que vous faites et je comprends sa complexité.
En ce qui concerne le système de cartes de débit, le premier témoin a fait état de quelque chose. Il a dit que, pour le moment, il y a des frais forfaitaires par transaction, mais que cet aspect et d'autres pourraient changer au fil du temps. Il existe aujourd'hui davantage de sociétés qui offrent des services de paiement par carte de débit, « et cetera ».
Si l'on s'intéresse à la situation en matière de cartes de débit Interac au Canada, Statistique Canada nous dit qu'il en coûte à l'heure actuelle en moyenne 12 cents par transaction. La loi australienne a plafonné ces frais à 12 cents.
Nous savons que la situation en ce qui concerne les cartes de débit aux États-Unis a beaucoup changé depuis l'époque où Star Alliance — l'équivalent d'Interac aux États-Unis — a commencé à commercialiser sa carte de débit auprès des institutions financières. Le régime en était alors un de frais à la transaction, comme chez Interac. Lorsque le marché a été ouvert, MasterCard et Visa y sont entrés. Ceux-ci détiennent plus de 70 p. 100 du marché de cartes de débit aux États-Unis, et le barème de tarifs pour les cartes de débit est passé d'un régime de frais à la transaction à un régime de pourcentage des ventes, à la manière du régime en place pour les cartes de crédit.
Allez-vous examiner ce qui s'est passé sur le marché américain des cartes de débit avant de prendre une décision quant au système de carte de débit Interac au Canada?
M. Taylor : Il nous faut revoir l'ordonnance sur consentement de 1996, qui avait pour objet de régler un problème précis. Le problème était que les neuf membres fondateurs d'Interac, principalement des banques, des caisses populaires et la Centrale des caisses de crédit du Canada, n'autorisaient personne d'autre à se joindre à eux. Nous avons corrigé ce problème et les membres sont aujourd'hui au nombre de plus de 60. Voilà ce qu'a instauré l'ordonnance sur consentement, qui est toujours en place aujourd'hui.
Il faut obtenir l'approbation du Tribunal de la concurrence, qui relève de la Cour fédérale, pour pouvoir se soustraire à cette obligation. L'affaire est examinée dans le cadre d'une audience publique.
Il est très important de savoir que cela n'est pas forcément la même chose que ce sur quoi se penche le comité. C'était une situation qui existait en 1996. D'après ce que j'ai lu et compris, vous, vous vous intéressez à la question des frais — qu'il s'agisse de frais de transfert, de frais de réseau, de frais d'accès ou de frais d'interchange.
Il s'agit là d'une question différente. Tout ce que je peux dire est que nous examinons le tout.
Le sénateur Ringuette : Vous examinez l'expérience américaine.
M. Taylor : Nous connaissons l'expérience américaine et ce qui est arrivé à Star Alliance avec l'entrée sur le marché des cartes de débit de Visa et de MasterCard.
Le vice-président : Nous vous sommes reconnaissants d'être venus nous éclairer sur la question qui nous occupe.
[Français]
La deuxième partie de notre rencontre de ce soir touche surtout les cartes de crédit du point de vue des consommateurs, un aspect très important de la motion du sénateur Ringuette.
[Traduction]
Les Canadiens ont, plus que les citoyens de n'importe quel autre pays au monde, embrassé les cartes de crédit. D'après la Banque des règlements internationaux, il y avait en circulation au Canada en 2007 quelque 64,5 millions de cartes de crédit. Je pense que des membres de ma famille ont sensiblement augmenté ce nombre. Cependant, avec la crise financière, d'aucuns craignent que les ménages soient de plus en plus accablés par des taux d'intérêt toujours croissants sur leurs cartes de crédit et des périodes de grâce sans intérêt de plus en plus courtes.
À une époque comme celle que nous vivons, il est peut-être d'autant plus important que les consommateurs choisissent la carte de crédit qui convient le mieux à leurs besoins particuliers. Pour nous entretenir plus avant de l'agence fédérale dont le rôle comprend notamment l'information et l'éducation des consommateurs au sujet de certaines questions financières, dont les cartes de crédit, nous sommes heureux d'accueillir ici Mme Ursula Menke, commissaire, Agence de la consommation en matière financière du Canada. Le comité a déjà eu le plaisir de l'entendre témoigner devant lui et ses explications sont toujours très instructives et très claires, et je suis certain qu'il en sera encore de même aujourd'hui. Allez-y, je vous prie, madame Menke.
[Français]
Ursula Menke, commissaire, Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC) : je vous remercie d'avoir invité l'Agence de la consommation en matière financière du Canada à comparaître devant vous aujourd'hui.
[Traduction]
Je pense que le texte de ma déclaration a été distribué, alors je ne vous en entretiendrai que des points saillants.
Le rôle de l'ACFC est limité en ce qui concerne la nature précise de la présente étude. Notre travail se traduit cependant par des avantages réels et étendus pour les Canadiens et pour le secteur des services financiers du Canada en général.
L'agence remplit deux rôles principaux : premièrement, nous favorisons et assurons la conformité des institutions financières sous réglementation fédérale aux dispositions visant les consommateurs des lois qui leur sont applicables. Deuxièmement, l'ACFC a un rôle d'éducation des consommateurs. À ce titre, elle fournit des renseignements objectifs et pertinents aux Canadiens pour les aider à comprendre et à choisir les produits et les services financiers qui leur conviennent parmi ceux qui sont couramment offerts.
[Français]
Il convient de noter que les deux rôles de surveillance de la conformité et de l'éducation des consommateurs se soutiennent et se complémentent mutuellement. En fait, les dispositions législatives apportent aux consommateurs une information détaillée au sujet des produits ou des services qu'ils souhaitent se procurer. Notre rôle d'éducation vise à faire en sorte qu'ils possèdent les connaissances et la confiance nécessaires pour utiliser cette information en connaissance de cause.
[Traduction]
Nous n'avons aucun rôle à jouer dans l'établissement des taux d'intérêt et des frais de service. Par conséquent, nous essayons d'aider les consommateurs en leur fournissant des renseignements financiers objectifs et en veillant à leur éducation en matière financière. Comme vous le savez, les produits financiers comme les cartes de crédit et les comptes bancaires sont des outils indispensables de la vie courante. Les sondages que nous avons menés nous ont révélé que de nombreux Canadiens n'utilisent pas les produits financiers à leur avantage. Prenons l'exemple des cartes de crédit. Nombreux sont les consommateurs qui ne les utilisent pas comme mode de paiement comme elles devraient être utilisées, mais plutôt comme un moyen d'emprunter de l'argent. Il faut savoir que les cartes de crédit sont un moyen fort coûteux d'emprunter de l'argent.
[Français]
Sur notre site Internet, nous offrons aux consommateurs des outils interactifs qui leur permettent de comparer aisément et rapidement les divers services et produits financiers. Par exemple, notre outil de sélection des cartes de crédit permet aux utilisateurs de comparer plus de 250 cartes de crédit pour trouver celle qui répond le mieux à leurs besoins.
[Traduction]
Outre la fourniture d'information sur les produits et services financiers, nous faisons la promotion d'une éducation financière générale. Nous avons ciblé nos efforts initiaux sur les Canadiens, en particulier les jeunes. Nous croyons que l'acquisition de connaissances financières à un jeune âge est un atout qui sert les gens tout au long de leur vie. Conjointement avec la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique, nous avons, l'automne dernier, lancé un nouveau cours intitulé La Zone : Une ressource éducative en matière financière, qui vise tout particulièrement les jeunes âgés de 15 à 18 ans. Le programme suscite notre enthousiasme, car il est conçu pour donner à tous les jeunes Canadiens de solides assises en matière de connaissances financières.
Il n'existe ni raccourci ni solution magique pour accroître la perspicacité en matière financière. C'est un long chemin à parcourir, mais je crois vraiment que nous pouvons faire des progrès, grâce à des initiatives comme La Zone. Toutes les parties intéressées, les gouvernements des différents paliers, le secteur privé et le secteur bénévole, doivent œuvrer ensemble pour améliorer de manière conséquente et durable les connaissances financières et l'avenir financier de tous les Canadiens.
J'aimerais, en conclusion, vous remercier de l'occasion qui m'a été donnée de comparaître devant le comité. J'envisage avec plaisir de répondre à vos questions.
Le vice-président : Merci, madame Menke.
Le sénateur Greene : Quels sont les trois principaux aspects des cartes de crédit que le consommateur moyen a du mal à comprendre?
Mme Menke : Nous recevons quantité de plaintes et d'interrogations au sujet de leurs différentes caractéristiques. Il arrive que des consommateurs ne comprennent pas les caractéristiques d'une carte de crédit donnée, par exemple les services facultatifs. Les plaintes sont une question d'un autre ordre.
Le sénateur Greene : Parlons-en des plaintes.
Mme Menke : Nous recevons des plaintes au sujet des taux d'intérêt, par exemple, et cela continue.
Le sénateur Greene : Ils comprennent cela.
Mme Menke : Oui, ils comprennent cela.
Le sénateur Greene : Ils comprennent, mais ils se plaignent.
Le vice-président : Merci de la concision de vos questions, sénateur Greene.
Le sénateur Harb : Il a été mentionné un peu plus tôt qu'il y avait au Canada plus de 65 millions de cartes. Le fait que nous ayons autant de cartes prouve que les citoyens du pays disposent de nombreux choix. Ma question est la suivante : compilez-vous des renseignements ou des données quant au pourcentage de personnes qui n'effectuent pas leurs paiements? Nous savons ce qu'il en est des institutions financières, comme les banques. L'ACFC dispose-t-elle de données du genre? Dans l'affirmative, pourriez-vous les fournir au comité?
Mme Menke : Je peux vous fournir ce que nous avons, mais nous ne recueillons pas de données portant directement là-dessus, bien que nous ayons nos sondages.
En 2006, nous avons mené un sondage auprès de la population générale. Il nous a livré quelques données intéressantes, notamment qu'environ 40 p. 100 des Canadiens, en moyenne, affichent régulièrement un solde sur leurs cartes de crédit.
L'an dernier, nous avons effectué un sondage auprès des plus jeunes. Il a révélé que ceux-ci ont tendance eux aussi à ne pas payer la totalité de leur solde. Environ 60 p. 100 d'entre eux étaient endettés. De ce nombre, près de 65 p. 100 devaient de l'argent sur leur carte de crédit.
Le sénateur Harb : Je pense que c'est la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante qui a comparu devant nous, ainsi que les Manufacturiers et Exportateurs du Canada. Les deux avaient effectué des sondages. Ils nous expliquaient ce qui se passe dans la communauté et le fait qu'il y ait du bon et du mauvais.
Avez-vous effectué vous-même des sondages qui pourraient nous éclairer, nous et le public, sur ce qui se passe sur le terrain? Les choses sont-elles aussi graves qu'on le pense? La situation va-t-elle s'aggraver sur la base des tendances que vous avez constatées par le passé? Que pourriez-vous nous dire afin que nous puissions être préparés?
Mme Menke : Malheureusement, je ne peux vous dire que très peu de choses, car nous n'avons pas effectué de sondage depuis celui de l'an dernier, axé sur les jeunes.
Les renseignements dont nous disposons ne proviennent pas de sondages, mais bien de communications en provenance de consommateurs. Je parle ici de plaintes — des personnes qui communiquent avec notre centre d'appels ou qui correspondent avec nous, par opposition aux personnes qui se rendent sur notre site web. Mon hypothèse générale est que les personnes qui visitent notre site web sont à la recherche de renseignements.
Sur la base des appels téléphoniques, nous n'avons aucune indication, d'après les tendances constatées dans le cadre des appels, que les inquiétudes des gens sont à la hausse. Nous avons récemment mis à jour l'outil interactif dont j'ai fait état. Plus de 250 cartes de crédit qui y sont inscrites. Il y a eu certaines augmentations du côté des frais pour les cartes de crédit, et un certain nombre de cartes de crédit à faible taux d'intérêt ont quant à elles disparu. C'est ainsi que nous savons, de manière très objective, qu'il se passe certaines choses. Nous ne voyons pas cette activité reflétée dans les commentaires que nous recevons à l'agence.
Le sénateur Oliver : Mes questions concernent la littératie en matière financière. Premièrement, la littératie en matière financière est-elle en train de s'améliorer? Deuxièmement, travaillez-vous aux côtés de l'Association des banquiers canadiens ou de succursales bancaires canadiennes en vue d'appuyer la promotion de la littératie dans ces dernières? Troisièmement, le comité souhaite élaborer une bonne politique publique pour les Canadiens. Que suggéreriez-vous que le comité recommande au gouvernement en vue d'améliorer la littératie en matière financière au Canada?
Mme Menke : Je vais tenter de répondre à vos questions les unes après les autres.
Nous menons à l'heure actuelle avec Statistique Canada une enquête d'envergure visant à mesurer la littératie financière dans le but de fixer une situation de référence. Il va s'agir de la première enquête concrète. Nous allons sonder 20 000 personnes environ. Nous devrions ainsi pouvoir obtenir de très solides renseignements de base.
Le sénateur Oliver : Il s'agit d'un sondage auprès des jeunes ou auprès des vieux?
Mme Menke : Auprès de toutes les catégories d'âge.
D'autres pays l'ont fait. Je devine que nos résultats ne seront pas très différents. Nous allons cependant attendre de voir ce que nous allons obtenir.
Certains indicateurs recueillis dans le cadre de nos sondages passés m'amènent à penser que notre littératie en matière financière n'est pas ce qu'elle devrait être. Pour reprendre l'exemple des cartes de crédit, le fait que les gens ne paient pas l'intégralité du solde dû sur leurs cartes de crédit est signe, à mon sens, d'une littératie financière insuffisante. J'aimerais bien voir cela disparaître.
Deuxièmement, oui, je travaille avec les banquiers canadiens et tout autre partenaire qu'il m'est possible de trouver pour améliorer la littératie en matière financière. Par exemple, nous avons élaboré un programme avec la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique.
Nous avons également, avec l'Association des banquiers canadiens, un partenariat spécial dans le cadre duquel nous envoyons des banquiers dans les écoles. Dire qu'ils font de l'enseignement serait une exagération. Ils passent une quarantaine de minutes environ à sensibiliser les étudiants à la nécessité d'acquérir une littératie en matière financière et à promouvoir notre produit, La Zone.
Nous avons une variété d'autres partenariats. Par exemple, dans chaque province, nous avons des enseignants champions qui nous aident à promouvoir la littératie en matière financière. Nous avons une approche à volets multiples pour promouvoir dans toute la mesure du possible la littératie en matière financière à l'échelle du pays.
Je m'excuse, mais j'ai oublié votre troisième question.
Le sénateur Oliver : Que recommanderiez-vous aux auteurs de politiques publiques?
Mme Menke : Il nous faut, en bout de ligne, voir la littératie en matière financière enseignée dans les écoles. Je sais que je ne vous aide pas beaucoup avec cette recommandation. Cependant, j'estime qu'il s'agit d'une habileté de vie qui devrait être enseignée dans les écoles, et ce depuis un jeune âge. C'est lorsqu'on apprend quelque chose tôt dans la vie que l'on s'en souvient. Vous apprenez, et cette connaissance vous accompagne tout au long de votre vie.
Voilà mon objectif ultime. J'aimerais qu'il se fasse davantage d'enseignement de dynamique de la vie dans les écoles. Je m'efforce d'y œuvrer de diverses manières.
Je sais bien que cela ne vous est guère utile en tant que recommandation aux fins de la politique publique.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Je pense qu'on est tous d'accord, la raison d'être de votre agence, c'est d'assurer que les consommateurs connaissent bien les conditions entourant leur choix. La mode n'est pas que le gouvernement impose des choix sur les joueurs du marché, mais de s'assurer qu'il y ait une saine compétition.
Vous pensez que les consommateurs ne sont pas assez conscients, l'exemple étant que 40 p. 100 des gens gardent un solde sur leur carte de crédit. Vous recevez plusieurs commentaires sur les intérêts chargés. On a l'impression que les consommateurs ne sont pas au courant de ces conditions un peu compliquées. Est-ce que c'est parce que le consommateur n'est pas au courant de ces conditions de prêt de cartes de crédit ou plutôt parce qu'il n'est pas intéressé ou qu'il ne trouve pas pertinent de faire ce choix?
Vous faites référence à votre site Internet qui fait une comparaison de plusieurs cartes de crédit. Il y a des visites, mais il reste que 40 p. 100 des détenteurs ont un solde. C'est peut-être parce que c'est plus efficace, c'est plus facile d'avoir un solde sur une carte de crédit que de chercher un prêt bancaire. Est-ce vraiment une question de transparence ou de connaissance ou de choix du consommateur?
Mme Menke : Vous me demandez de spéculer. Je ne peux pas répondre à votre question avec des faits. Actuellement, je n'ai pas de faits pour soutenir une réponse.
On aura peut-être une meilleure réponse une fois que le sondage aura été complété. Mais pour l'instant, c'est vraiment une question de spéculation.
J'estime que cela revient toujours à une éducation financière qui est importante. Il est important que les gens comprennent qu'un solde sur leur carte de crédit leur coûte très cher. Et s'ils ne sont pas en mesure de payer régulièrement leur solde, il serait préférable d'aller dans un autre domaine. Et j'essaie de privilégier d'abord et avant tout de faire comprendre aux gens que c'est important.
Je pense au sondage que nous avons fait auprès des jeunes. C'était vraiment très intéressant de voir des jeunes, assez bien instruits, mais qui paient seulement leur minimum sans plus. Ils ne semblent pas se rendre compte du coût du privilège de ne payer que le minimum. C'est vraiment une question d'ouvrir les yeux davantage.
Le sénateur Massicotte : Le consommateur typique, j'entends des commentaires frustrants, pas du point de vue des taux d'intérêt, on pense qu'ils ne le savent pas. On entend beaucoup de commentaires sur le fait que si vous ne payez pas à temps, vous payez l'intérêt à partir du départ.
Selon vos connaissances, les consommateurs sont-ils au courant de ces conditions un peu sévères pour le non- paiement du solde, si on est un ou deux jours en retard?
Mme Menke : Je ne peux pas vraiment répondre à votre question avec des faits, franchement je ne ferais que spéculer. C'est difficile de dire s'ils sont très au courant des règles de périodes de grâce ou non, je ne peux pas le dire clairement.
Le sénateur Massicotte : Pensez-vous qu'on devrait forcer les compagnies à être plus claires avec le consommateur sur ces conditions? Est-ce qu'on devrait faire plus d'efforts?
Mme Menke : À mon avis et c'est une des choses que je suis en train de promouvoir auprès de toutes les institutions financières avec lesquelles je travaille, c'est de rendre plus clair, plus transparent, plus facile à comprendre les conditions afférentes à tous leurs produits financiers. La clarté est toujours bonne. Est-ce que je peux faire un lien? Je ne peux pas vous dire que je peux faire un lien, mais je présume que dans la mesure où les renseignements sont encore plus clairs, ce serait encore plus facile et les gens seront plus en mesure de faire un choix plus éclairé.
[Traduction]
Le sénateur Moore : Pour ce qui est de vos commentaires et questions relativement à la littératie en matière financière, cela me fait toujours l'impression que nous sommes en train de pointer du doigt le consommateur, qui ne comprend pas. Vous mentionnez à la page 2 de la version française de votre déclaration que vous assurez la conformité des institutions sous réglementation fédérale aux dispositions visant les consommateurs des lois qui leur sont applicables.
Faites-vous du travail sur le plan de la littératie institutionnelle? Vous efforcez-vous de convaincre les institutions financières pouvant émettre des cartes de crédit ou autres, de l'importance de la façon dont elles conçoivent leurs campagnes de marketing et de la nécessité pour elles d'expliquer clairement aux consommateurs quelles sont les différentes caractéristiques de leurs programmes?
Mme Menke : Lorsque je m'adresse aux institutions financières, j'insiste toujours auprès d'elles sur l'importance d'une communication claire et directe de renseignements.
Nous vivons principalement en régime de communication. D'un côté, les institutions financières communiquent aux consommateurs; de l'autre, les consommateurs doivent être en mesure de comprendre les renseignements qu'ils reçoivent des institutions financières.
Je m'efforce de promouvoir une communication claire et plus directe en tout temps. J'estime que la chose est importante.
Le sénateur Moore : Avez-vous le pouvoir législatif de faire cela, de vous affirmer?
Mme Menke : Oui.
Le sénateur Moore : Il n'est nul besoin que le comité recommande quelque chose pour vous; vous avez tout ce qu'il vous faut pour agir.
Mme Menke : Il y a toujours moyen d'apporter des améliorations, et nous y travaillons. Nous sommes une agence relativement nouvelle, alors il nous faut votre indulgence. Au fur et à mesure que nous apprenons, nous poussons plus loin avec la loi, et c'est là l'une des choses que nous faisons.
En ce qui concerne la clarté, le règlement exige l'utilisation de langage clair et direct et nous insistons maintenant en la matière un petit peu plus fort auprès des institutions.
Il y a un certain nombre d'autres aspects du règlement que j'aimerais voir — vous vouliez des recommandations. Cela me plairait énormément de voir notre cadre de réglementation davantage axé sur des principes. Il est à l'heure actuelle très directif. S'il s'appuyait davantage sur des principes il serait plus souple et pourrait être mieux adapté à l'évolution de la situation. Comme nous avons pu le constater, les produits financiers vont et viennent à vive allure, et cela aiderait si le tout était davantage fondé sur des principes.
Le sénateur Moore : J'ai une question au sujet de votre rôle en matière de maintien de l'observance. Avec le fléchissement économique — accompagné de paiements tardifs, de défauts de paiement —, j'ai lu dans les journaux financiers américains que les banques américaines sont en train d'augmenter les frais et les taux d'intérêt. Êtes-vous en train de surveiller la situation au Canada pour veiller à ce que cela n'arrive pas ici, ce qui viendrait alourdir encore le fardeau des consommateurs en détresse, qui sont déjà aux prises avec ces difficultés?
Mme Menke : Nous surveillons les taux d'intérêt sur les cartes de crédit et les frais de cartes de crédit. Nous mettons régulièrement à jour notre outil interactif dont j'ai fait état. Nous faisons beaucoup de surveillance, et nous entreprenons tous les six mois un exercice de contrôle d'envergure.
Puis-je garantir que de telles choses ne se produiront pas? Non. Je n'ai aucun pouvoir en ce qui concerne les frais ou les taux. Tout ce que je peux faire, c'est informer les gens.
Le sénateur Moore : Prêtez-vous davantage attention à la situation qu'il y a de cela six mois? Effectuez-vous des contrôles plus régulièrement qu'aux six mois, compte tenu de la situation économique?
Mme Menke : Nous faisons régulièrement des mises à jour, dès que se produit quelque chose de significatif.
Nous contactons automatiquement le secteur tous les six mois, mais, dans l'intervalle, celui-ci nous contacte lui aussi. Il trouve très utile notre outil sur les cartes de crédit. Il s'occupe également de nous le faire savoir lorsqu'il apporte des changements. Nous apportons des changements dès que nous obtenons des renseignements, mais nous effectuons des mises à jour aux six mois et prenons les devants pour nous renseigner auprès du secteur pour savoir ce qui a changé.
[Français]
Le sénateur Fox : Une pratique commerciale m'a toujours laissé un peu sur mon appétit dans mon questionnement. Je vois que vous avez un outil qui permet aux utilisateurs de comparer plus de 250 cartes de crédit et normalement ces gens devraient tous aller vers la carte de crédit la moins chère. Je ne comprends pas qu'il puisse y avoir 250 cartes de crédit avec des taux beaucoup moins chers.
Est-ce que vous avez fait des comparaisons des pratiques commerciales où le magasin offre d'acheter des meubles ou des réfrigérateurs à zéro dollar comptant, zéro dollar d'intérêt, zéro dollar de frais et par ailleurs, si vous payez comptant, vous n'avez aucun avantage? Avez-vous un commentaire sur ce genre de situations? Cela me paraît particulièrement inique de penser que si vous payez le montant total, que vous soyez appelé à payer un peu pour les consommateurs qui prennent un plan de 36 mois, je ne pense pas vraiment qu'il y ait de cadeau.
Mme Menke : Il n'y a pas de cadeau.
Le sénateur Fox : Est-ce que vous avez déjà comparé ce genre de choses avec les cartes de crédit à savoir si c'est une bonne pratique ou non?
Mme Menke : Ce n'est pas une pratique que nous avons étudiée parce que là vous parlez des pratiques des marchands et non pas des pratiques des institutions financières. Je suis limitée à regarder ce que font les institutions financières, donc je n'ai jamais regardé cela.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk : Pour poursuivre plus loin la discussion au sujet de ce dont parlait le sénateur Fox, vous avez mentionné le fait que certaines personnes ne règlent pas la totalité de leur solde sur leur carte de crédit et ne se rendent pas compte de ce que cela leur coûte, à l'occasion ou tout le temps — je ne sais trop.
Nous dépensons dans ce pays beaucoup d'argent sur l'éducation. La plupart de nos enfants terminent l'université ou un programme de collège technique, et vous me dites qu'ils ne savent pas faire la différence entre 19 p. 100, 4 p. 100, 28 p. 100 et 6 p. 100? Est-ce parce qu'ils achètent un bouquet de services plutôt qu'une simple carte de crédit?
Ils achètent la carte de crédit, plus les assurances et le voyage à Hawaï qu'ils espèrent pouvoir faire grâce aux points. Ils achètent tous ces ajouts en ayant la ferme intention de toujours payer le solde sur la carte de crédit à la fin du mois et de ne jamais avoir à payer d'intérêts. Or, ce sont des humains comme tout le monde et il leur arrive de ne pas faire ce qui était prévu. Pouvons-nous empêcher les gens d'être humains?
Mme Menke : J'espère que non.
Le sénateur Tkachuk : Justement. Je ne peux pas croire que le consommateur ne sache pas faire la différence entre ces taux d'intérêt, surtout lorsqu'il est instruit. Lorsque vous allez à l'université, on vous propose des cartes de crédit tous les jours. Les gens savent ce qu'ils ont; ils ne sont pas lents. Ils savent exactement ce qu'ils obtiennent.
Mme Menke : Ce sont leurs parents qui payent.
Le sénateur Tkachuk : Leurs parents paient peut-être. Néanmoins, s'ils sont responsables, c'est une bonne façon d'établir leur crédit, afin de pouvoir louer une voiture une fois les études terminées ou de faire d'autres belles choses. Avez-vous des statistiques montrant qu'ils ne sont pas au courant? Ou bien le problème est-il qu'ils sont très au courant, mais ils achètent autre chose et laissent faire, se trompent, s'enfoncent et ne savent pas comment s'en sortir?
Le sénateur Massicotte : Quelle carte de crédit utilisez-vous, sénateur Tkachuk?
Le sénateur Tkachuk : J'utilise une carte de crédit pour laquelle le taux d'intérêt est de 28 p. 100.
Je ne paie jamais d'intérêt car je règle mon solde sur la carte chaque mois. J'utilise une carte American Express parce qu'elle me donne un point, et c'est ce qui motive les autres à utiliser ces cartes.
Mme Menke : Vous avez souligné ce qui arrive, ce qui nous ramène à ce dont parlait le sénateur Fox. Les gens font des choix. Différentes cartes présentent différentes caractéristiques et les gens font leur choix sur cette base. Les données de 2006 indiquent que 40 p. 100 des gens affichent régulièrement un solde impayé sur leurs cartes. Chez les jeunes gens, à peu près le même pourcentage affiche régulièrement un solde et a tendance à payer le montant minimal. Voilà ce que me disent les données dont je dispose.
Pourquoi font-ils cela? Je ne peux pas répondre à cette question pour vous. Mon seul souci est que s'il leur faut emprunter de l'argent, il existe des moyens moins coûteux de le faire et dont ils ne sont peut-être pas au courant. C'est là qu'interviennent littératie et éducation en matière financière, afin de veiller à ce qu'ils comprennent les différences entre les différents produits disponibles et qui les offre. C'est pourquoi je veux faire la promotion de la littératie financière. Je ne sais pas pourquoi ils agissent comme ils le font. Peut-être qu'il s'agit d'une décision parfaitement consciente et qu'ils en sont satisfaits. Cependant, peut-être qu'ils n'y réfléchissent tout simplement pas.
Le sénateur Ringuette : J'ai ici quelques exemples de courrier publicitaire que j'ai reçu la semaine dernière. Allez- vous examiner le marketing de masse fait par MasterCard et Visa, qui offrent des cartes de crédit non sollicitées? Les publicités disent « Nous vous garantissons une nouvelle carte MasterCard Capital One avec une limite de crédit de jusqu'à 6 000 $, sans frais annuels, et vous n'aurez à payer que 3 p. 100 de votre solde ou 10 $ ».
Le sénateur Tkachuk : Avez-vous déjà fait cela?
Le sénateur Ringuette : Je n'ai jamais fait cela. Je viens du Nouveau-Brunswick, alors ma perspective est différente. Vous êtes ou un politicien de l'Est ou un politicien de l'Ouest.
Examinez-vous ces annonces en vue d'éduquer les consommateurs? Vous entretenez-vous avec vos amis banquiers que vous voulez aider à éduquer la population en matière financière? Examinez-vous ces choses?
Mme Menke : Absolument. Nous œuvrons avec MasterCard à l'élaboration d'un formulaire de demande type, car MasterCard souhaite s'assurer que les gens comprennent ce à quoi ils s'engagent lorsqu'ils font une demande de carte de crédit. Ni MasterCard ni moi-même sommes en mesure d'imposer quelque modèle de communication de renseignements que ce soit, mais nous favorisons une divulgation aussi claire et complète que possible.
Si vous voulez que j'examine ces publicités, faites-les moi parvenir. Je ne peux pas me prononcer sur celles-là, car je ne les ai pas vues. De manière générale, nous n'avons pas relevé de problèmes graves en matière de communication; quant à savoir si j'aime la communication qui est faite et le style utilisé, il s'agit là d'une tout autre histoire. En règle générale, il n'y a pas de problèmes de communication de renseignements. Je n'ai pas vu le genre d'outil de marketing de masse que vous avez apporté ici aujourd'hui, madame le sénateur.
Le sénateur Ringuette : Cela vient de MasterCard.
Mme Menke : Je suppose qu'il s'agit de publicité qui provient d'une banque.
Le sénateur Ringuette : Les compagnies de carte de crédit et les banques travaillent ensemble.
Ma question est la suivante : si le taux de défaillance pour les cartes de crédit ou les lignes de crédit était de 1 p. 100, ce niveau serait-il faible dans le contexte de ce que vous avec constaté dans le secteur bancaire?
Mme Menke : Je n'examine ces genres de chiffres de ce point de vue-là, alors je ne peux bien franchement pas me prononcer là-dessus.
Le sénateur Ringuette : Vous avez dit que 40 p. 100 des gens ne règlent pas la totalité de leur solde de carte de crédit. Je croyais que, vu que vous connaissez ce pourcentage-là, vous connaîtriez peut-être également le taux de défaillance.
Mme Menke : Je ne le connais malheureusement pas, car je n'ai jamais posé cette question.
Le sénateur Ringuette : Le taux de défaillance était de 1 p. 100 le 31 janvier. Vous trouverez ce renseignement sur le site web de l'Association des banquiers canadiens.
Il y a quelques années, j'ai eu la visite d'une institution bancaire au sujet de son programme de littératie en matière financière dans les écoles secondaires. Il s'agit vraiment d'un bon programme. Je trouve que cela manque un petit peu de réalisme que de dire que le fait qu'il y ait un solde sur une carte de crédit indique un manque de littératie financière. Je connais des gens dans ma région qui ont des revenus fixes de 10 000 $ ou 11 000 $ par an. Ce doit être des génies de la finance pour pouvoir vivre avec aussi peu d'argent chaque année. Nombre de ces personnes doivent se débrouiller avec un si maigre revenu parce que lorsqu'elles font appel à leurs institutions financières, elles ne peuvent pas obtenir une ligne de crédit du fait de ne pas avoir un revenu suffisant. Quel autre choix y a-t-il? La carte de crédit. Pendant les mois d'hiver, la période où le coût de la vie est le plus élevé du fait du coût de l'énergie, ces personnes n'ont d'autre choix que d'utiliser leur carte de crédit. Lorsqu'arrive le mois de mai, elles commencent à pouvoir payer les intérêts sur le principal et à remonter la pente.
Je suis quelque peu offensée, connaissant la réalité de la vie de plusieurs millions de Canadiens, lorsque l'interprétation qu'on donne dans le cas des personnes qui traînent un solde sur leur carte de crédit est qu'elles ont des connaissances insuffisantes en matière financière. De mon point de vue, nous ne nous acquittons pas de notre responsabilité d'aider nos pairs. Ces personnes ont certainement de meilleures connaissances financières que moi, car elles parviennent à survivre avec leur piètre revenu.
Peut-être que vous n'appréciez pas beaucoup mes commentaires, mais lorsque vous généralisez en parlant des utilisateurs canadiens de cartes de crédit, qui n'accusent qu'un taux de défaillance de 1 p. 100, et dites qu'il y a un manque de littératie financière, je suis offensée. Cela ne tient pas compte, par exemple, de la réalité de nombreux étudiants vivant dans le centre-ville de Halifax. Il leur est plutôt difficile, compte tenu des frais d'inscription qu'ils doivent payer, de joindre les deux bouts jusqu'à fin avril ou début mai, lorsqu'ils peuvent se trouver un emploi d'été.
Lorsque vous parlez de lignes de crédit ou de cartes de crédit, le moyen est différent, mais le produit est le même. Comme nous pouvons le constater, l'un des produits est également plus facile à obtenir que l'autre. Comment cela se fait-il?
Je suis heureuse que le Bureau de la concurrence soit en train de se pencher sur certaines des grosses irrégularités qui existent dans le régime actuel. Peut-être qu'il conviendrait d'examiner également certaines de celles que l'on retrouve dans le secteur bancaire.
Pour votre gouverne, le taux de défaillance sur les soldes de cartes de crédit au Canada n'est que de 1 p. 100, et il y aurait lieu de comparer cela à la situation chez notre voici du Sud.
Mme Menke : Si vous permettez...
Le sénateur Ringuette : Je pense qu'il y a là beaucoup de matière qui mérite des réponses.
Le vice-président : Je ne pense pas qu'il y ait eu là de question, mais je crois que Mme Menke devrait répondre, et j'ai moi aussi une réponse.
Mme Menke : Je n'ai certainement pas voulu offenser quiconque. Tout ce que j'ai essayé de dire lorsque j'ai parlé des personnes qui ont régulièrement un solde sur leur carte de crédit est qu'elles n'utilisent pas leur argent de manière très efficiente. Elles auraient un revenu disponible de beaucoup supérieur si elles géraient différemment leur argent. Voilà dans quel contexte je parlais de littératie en matière financière. C'est tout. Je ne voulais offenser personne. Bien au contraire, nos renseignements font ressortir le fait que les gens n'utilisent pas leurs cartes de crédit aussi bien ou aussi efficacement qu'ils le pourraient.
Traîner de temps à autre un solde sur sa carte, cela se comprend. Cependant, si les gens font cela de manière régulière, ils sont loin d'optimiser leur argent.
Le vice-président : Merci, madame Menke. J'aimerais ajouter quelque chose à ce que vous avez dit. Vous êtes limitée dans ce que vous pouvez faire par votre mandat. Il me faut supposer que si ce mandat changeait, vous agiriez en conséquence.
Si personne d'autre n'a de questions, j'en aurais trois ou quatre à poser, à moins que quelqu'un d'autre veuille intervenir au préalable.
Ma première question est la suivante. Dans quelle mesure les aptitudes que vous enseignez dans le cadre du programme La Zone seraient-elles transférables au web, afin que les jeunes gens de partout au pays puissent bénéficier de cet outil ou d'un autre outil interactif pour acquérir une littératie financière au moyen de jeux? Je songe, par exemple, à un jeu comme SimCity, auquel jouent de nombreux jeunes, et des personnes plus âgées également. Ce jeu requiert une acuité et des connaissances financières considérables.
Ce genre de programme pourrait-il être adapté en s'inspirant de La Zone et du programme de 40 minutes que la Banque Royale — et c'est le cas d'autres banques également — offre de sa propre initiative? Nombre de nos jeunes gens sont versés en informatique et seraient tout contents de jouer à ce genre de jeu.
Mme Menke : Le programme La Zone est un programme interactif offert sur le web, et l'adresse du site est w.w.w.laclikeconomik.gc.ca.
[Français]
Ou la clé économique.
Le vice-président : C'est dans les deux langues.
Mme Menke : Et cela varie un peu selon les provinces, mais c'est plutôt pour les professeurs que pour les étudiants. Effectivement, c'est fait pour être très intéressant pour un groupe de 15 à 18 ans et c'est très accessible sur l'Internet et nous souhaitons que les gens aillent voir cela et s'instruisent.
[Traduction]
Le vice-président : Que pouvez-vous faire pour promouvoir ce qui est disponible?
Mme Menke : Nous avons dans chacune des provinces une campagne d'envergure dans le cadre de laquelle des champions s'efforcent de rallier à la cause des enseignants de niveau secondaire spécialisés dans les affaires et le commerce. C'est là qu'il y a de la place à l'intérieur des programmes de cours pour enseigner cette matière et c'est là- dessus que nous mettons surtout l'accent.
Le vice-président : Au fil des ans, le secteur des assurances, à l'instigation de l'Association du Barreau canadien et du comité auquel je siégeais à l'époque, a élaboré un programme axé sur l'emploi de langage simple et clair dans les contrats d'assurance. Au lieu d'utiliser un contrat complexe exigeant, pour le comprendre, un doctorat en droit, le secteur des assurances utilise un langage que les non-juristes peuvent facilement comprendre.
Avez-vous fait quelque tentative pour encourager — je sais que vous ne pouvez pas faire plus que cela — l'utilisation de contrats en langage clair, et imprimés en utilisant des caractères d'une grosseur supérieure à quatre points?
Mme Menke : Oui. J'ai mentionné ce formulaire de demande de MasterCard. Il correspond tout à fait à ce que vous dites. Nous allons poursuivre cela plus avant avec l'ensemble des institutions pour essayer de les convaincre de faire de même.
Je ne peux pas intervenir en ce qui concerne leurs contrats, mais je peux intervenir en ce qui concerne leur communication de renseignements. Nous essayons d'encourager la communication, et interviennent non seulement le langage utilisé, mais également la présentation.
Le vice-président : J'en arrive à ma dernière question concernant la communication. Tous les contrats de compagnies de cartes de crédit que j'aie pu voir autorisent la banque émettrice à modifier les conditions comme bon lui semble, avec préavis. Ce sont les seuls contrats dans l'hémisphère occidental qui puissent être modifiés de manière unilatérale par l'une des parties contractantes. Auriez-vous quelque observation à faire là-dessus?
Je vous pose la question car nombre de consommateurs, lorsqu'ils signent leurs formulaires de demande, ne comprennent pas que cela puisse arriver, et lorsque la chose arrive, ce qui est souvent le cas, alors ils ne comprennent pas ce qui s'est passé.
Mme Menke : Ils doivent être informés lorsque les conditions sont modifiées et ils en sont informés. Vous parlez du « contrat d'adhésion ». Malheureusement, cela n'est pas le propre du seul contrat d'adhésion. Il n'y a rien qui empêche cela. Les sociétés doivent informer les consommateurs et elles le font. L'efficacité de cette information peut être discutable.
Le vice-président : Et cela est-il fonction de la clarté des informations?
Mme Menke : Il y a parfois une variété de choses. Il y a la présentation et la clarté. Je vais y travailler pour essayer d'améliorer les choses.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : Dans le domaine des télécommunications, lorsqu'on souscrit à un service, on peut être obligé de prendre tout le service ou indiquer qu'on accepte le nouveau service. On ne pourrait pas avoir cette modalité à savoir que quand le taux de change ou les modalités changent, qu'on soit obligé de souscrire une deuxième fois ou d'adhérer à ces nouvelles mesures d'une façon spécifique puisqu'on le fait déjà dans d'autres domaines?
Mme Menke : C'est une possibilité.
Le sénateur Hervieux-Payette : C'est important de regarder cela parce que quand on reçoit l'avis, il y a beaucoup de mots, on vous parle des clauses, et cetera. Je pense que ce serait important que les gens disent : » On va regarder, on va retourner voir votre site et l'on va trouver une meilleure aubaine parce que cela passe comme une lettre à la poste ».
Mme Menke : C'est pour cela que nous faisons la promotion pour notre outil interactif. Parce qu'effectivement, il y a plus de 250 cartes qui sont comparées. Elles n'ont pas toutes le même taux d'intérêt, les mêmes conditions afférentes. C'est important que les gens le sachent quand ils reçoivent des avis. C'est quelque chose qu'ils n'aiment pas. Ils ont un outil pour essayer de trouver quelque chose qui ferait mieux leur affaire.
[Traduction]
Le vice-président : Merci, madame Menke. Votre exposé a été instructif et intéressant. Nous apprécions toujours vos exposés, car ils nous apprennent toujours beaucoup de choses.
Mme Menke : Merci.
Le vice-président : Honorables sénateurs, demain, à 10 h 30, nous allons entendre des représentants du Mouvement Desjardins et de la Centrale des caisses de crédit du Canada, qui nous livreront peut-être une perspective différente. Nous allons également entendre des porte-parole d'un groupe de consommateurs, Option consommateurs.
Le sénateur Harb : Étant donné ce que nous avons vu aujourd'hui, j'aurais personnellement préféré que les représentants de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, du Bureau de la concurrence Canada et du ministère des Finances aient tous comparu en même temps, ce qui nous aurait permis de leur poser des questions et de les inviter à réagir aux réponses données par les autres. J'espère que lors de la comparution d'autres témoins, nous pourrons les regrouper en panel. Nous pourrons ainsi au moins vérifier certains des renseignements fournis.
Le vice-président : Vous faites une bonne observation, sénateur Harb. Lors de réunions futures du comité portant sur la question qui nous occupe aujourd'hui, il y aura souvent des tables rondes. Le sénateur Moore, qui a été actif en la matière au sein du comité directeur, a recommandé que nous procédions ainsi.
Merci de cette observation, et c'est ce que nous ferons.
Le sénateur Massicotte : Dans le cas de nos deux premiers témoins, nous n'avons eu que peu de temps, et ils étaient pourtant des témoins très importants. Nous devrions leur accorder plus de temps afin qu'ils puissent examiner les questions plus en profondeur.
Le vice-président : Laissez-nous revoir cela. Les gens veulent être entendus au sujet de cette question. C'est une bonne observation.
(La séance est levée.)