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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 4 - Témoignages du 1er avril  2009


OTTAWA, le mercredi 1er avril 2009

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 16 h 7 pour étudier les systèmes de cartes de crédit et de débit au Canada et leurs taux et frais relatifs, particulièrement pour les entreprises et les consommateurs.

Le sénateur Michael A. Meighen (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, mesdames et messieurs. Je vais vous présenter les sénateurs qui sont présents.

[Français]

À ma droite, vous avez le sénateur Francis Fox, du Québec.

[Traduction]

Ensuite, il y a le sénateur Irving Gerstein, de l'Ontario; le sénateur Yoine Goldstein, du Québec; le sénateur Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick; le sénateur Wildred Moore, de la Nouvelle-Écosse; le sénateur Mac Harb, de l'Ontario, et le sénateur Paul Massicotte, du Québec, via le Manitoba.

[Français]

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se penche sur les questions relatives aux systèmes de cartes de crédit et de débit au Canada et sur leurs taux et frais relatifs, particulièrement pour les entreprises et les consommateurs.

[Traduction]

Le comité a été chargé d'entreprendre cette enquête après l'adoption, par le Sénat, d'une motion déposée par le sénateur Ringuette, afin que notre comité étudie cette question. Ces derniers mois, un certain nombre d'entreprises ont exprimé leurs préoccupations à l'égard du coût des cartes de crédit, surtout dans le climat économique difficile que l'on connaît actuellement.

Pour nous en dire plus sur ce sujet du point de vue des petites et moyennes entreprises, nous sommes ravis de recevoir pendant la première heure, de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, Corinne Pohlmann, vice-présidente des affaires nationales, et Catherine Swift, présidente et chef de la direction.

Je suis le sénateur Michael Meighen, de l'Ontario. Nous n'avons jamais assez de temps et c'est pourquoi je demanderais aux honorables sénateurs de poser des questions brèves et pertinentes et de limiter autant qu'ils le peuvent leur préambule et leurs commentaires. Je sais que les témoins, qui ont déjà comparu devant le comité, donneront des réponses succinctes.

Madame Swift, à vous la parole.

Catherine Swift, présidente et chef de la direction, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante : Nous vous sommes grandement reconnaissants de cette occasion de vous entretenir aujourd'hui de ce que nous croyons être une question importante. Nous sommes heureuses que le comité ait décidé d'examiner la question qui est si importante pour les petites entreprises et pour l'ensemble de l'économie.

Je vais vous présenter rapidement ce que nous avons préparé, en abordant certaines des questions clés, puis nous serons heureuses d'essayer de répondre à vos questions.

Comme vous le savez peut-être, la FCEI est le principal représentant des petites et moyennes entreprises au Canada. Nous comptons plus de 105 000 membres au Canada, dans tous les secteurs et toutes les régions. Nous sommes une organisation non partisane, sans but lucratif, et nous nous occupons de dossiers à tous les niveaux de gouvernement. Nous avons une bonne perspective et nous sommes financés exclusivement par nos membres.

Nous recueillons des données. Nous vous présenterons certaines de ces données aujourd'hui en public pour la première fois. Certaines de ces données sont obtenues par nos collègues qui passent voir au total 4 000 entreprises par semaine. Nous savons donc toujours ce que pensent nos membres. Nous ne prenons jamais de position sans avoir sondé un nombre important de nos membres. Je le répète, nous allons vous présenter certaines de ces données aujourd'hui.

L'illustration de la page suivante montre que la plupart des entreprises canadiennes sont des PME et qu'elles dominent également l'économie en général. Nous comptons pour environ la moitié du PIB et approximativement les trois quarts des emplois nets créés à tout moment. Il est intéressant de savoir qu'en période de récession, comme celle que nous vivons maintenant, les petites entreprises continuent à créer des emplois. Nous entendons sans cesse parler des mauvaises nouvelles, mais il y en a des bonnes aussi.

Vous trouverez les résultats de notre dernier sondage à la page suivante. Nous menons un sondage trimestriel, que nous appelons notre « Indice du baromètre des affaires », et ensuite nous publions ce que nos membres pensent. Vous verrez un regain d'optimisme. Ces données ont été rendues publiques mercredi dernier, elles sont donc courantes. Cela étant, si vous les comparez aux données de l'an dernier, vous ne serez pas surpris de constater une baisse de confiance générale de la part des entreprises de ce secteur. Cette baisse n'a pas de quoi surprendre étant donné les défis auxquels nous faisons face.

Nous estimons que le moment est bien choisi pour examiner cette question puisque toutes les augmentations des coûts marginaux des entreprises seront d'autant plus pénibles — non pas que les entreprises s'en réjouiraient à d'autres moments, mais les augmentations seront plus pénibles étant donné la conjoncture économique actuelle.

Notre organisation s'est occupée activement de cette question. Nous avons commencé en mai ou juin dernier lors de la première forte augmentation des frais que paient les marchands des autres entreprises. Nos membres ont commencé à nous appeler spontanément pour nous demander ce qui se passait après avoir été frappés d'augmentations de 25 à 30 p. 100 en un mois.

Cette augmentation des frais s'est produite avant que l'économie ne commence à s'effondrer. Je sais que 12 000 des appels à l'action de nos entreprises membres ont été déposés auprès de votre comité. Nous continuons à en recevoir 1 000 et plus par semaine. Ces 12 000 appels représentent seulement ceux que nous avions à ce moment-là. Nous avons agi, nous avons écrit aux députés et aux ministres des Finances, entre autres. En outre, nous avons terminé un sondage récemment. Nous pourrons vous en fournir les données aujourd'hui.

Vendredi dernier, nous avons publié les résultats d'un sondage d'opinion publique. Je sais que le sénateur Greene a demandé il y a quelque temps si quelqu'un avait sondé l'opinion publique. Il se trouve que nous étions justement en train d'en faire un et nous en avons publié les résultats la semaine dernière. Nous avons rencontré les dirigeants de Visa, de MasterCard et des grandes banques. Nous avons rencontré des représentants de Chase Paymentech et d'autres intervenants de l'industrie pour essayer de mieux cerner ce qui se passe.

La page suivante montre les résultats de certains sondages que nous avons menés récemment. À propos, ce sondage n'est pas encore terminé et c'est la première fois que nous présentons ces données à qui que ce soit. Ces données sont fondées sur plus de 3 500 réponses, mais nous continuons à recevoir des questionnaires. Ces données sont préliminaires. Néanmoins, étant donné que 3 500 réponses constituent un échantillon significatif, nous savons que les résultats ne changeront pas.

Comme vous le voyez, les cartes de crédit sont très importantes dans tous les secteurs. Je sais que nous mettons l'accent sur des secteurs comme le commerce de détail et l'accueil, et avec raison, puisque plus de 90 p. 100 des entreprises de ces secteurs acceptent les cartes de crédit. Cependant, dans certains secteurs où c'est moins évident, même en agriculture et dans le secteur des ressources naturelles, plus du quart des entreprises acceptent des cartes de crédit. C'est une question qui intéresse tous les secteurs de l'économie, pas seulement quelques-uns.

Nos membres sont représentatifs de l'ensemble des petites entreprises. Vous ne verrez aucun parti pris. Ces résultats sont comparables à ceux d'autres sondages auprès des petites entreprises canadiennes.

Bien sûr, ce sont Visa et MasterCard qui dominent. Ça, nous le savions, mais nous voyons maintenant à quel point elles sont dominantes. Je pense que ce résultat clôt une fois pour toutes la question de savoir si l'une ou l'autre de ces cartes est acceptée. Nous avons été surpris par le grand nombre de nos membres qui acceptent American Express, puisqu'ils ont tendance à éviter cette forme de paiement qui leur coûte beaucoup plus cher. Dans certaines industries, comme le tourisme et l'accueil, cette carte est importante. Par conséquent, un grand nombre d'entreprises dans ces secteurs l'acceptent.

Nous avons aussi une ventilation par secteur, et nous pourrons vous fournir toutes ces informations. Nous aurons probablement environ 10 000 réponses à cette enquête, soit le taux de réponse habituel. Les résultats seront ventilés par secteur. Quoi qu'il en soit, on peut tout de suite conclure que Visa et MasterCard dominent l'industrie à la vue de ces données.

Nous avons aussi voulu savoir quels étaient les fournisseurs auxquels on fait appel. Un très grand nombre de répondants font affaire avec Chase Paymentech tout simplement parce que la Fédération canadienne des entreprises indépendantes a négocié avec Chase Paymentech une entente aux termes de laquelle ce fournisseur vend ses services à nos membres à un coût moindre. Par conséquent, au sein de notre organisation, il y a une préférence pour Chase Paymentech.

La diapositive suivante traite d'une question que nous jugeons importante, à savoir dans quelle mesure il est difficile de comprendre les frais de carte de crédit qui sont imputés aux entreprises. Deux tiers de nos entreprises ont répondu que c'est très difficile ou assez difficile. Nous qui tentons de comprendre cette industrie, nous avons souvent du mal à comprendre comment ces frais sont calculés. Notre enquête a donc notamment pour objectif d'établir une certaine transparence à cet égard. Nous voulons comprendre exactement le fonctionnement de cette industrie et son incidence sur l'économie.

Vous vous souvenez sans doute que dans son dernier budget, le gouvernement fédéral a proposé des façons d'améliorer la manière dont les banques et les autres institutions financières informent les consommateurs au sujet des cartes de crédit. C'est une proposition que nous avons trouvée intéressante et nous avons demandé à nos membres si le gouvernement fédéral devrait étendre cette approche aux frais imputés aux commerçants pour les transactions par carte de crédit et de débit. Comme l'indique ce diagramme, plus de 90 p. 100 des répondants ont répondu oui.

La question suivante provient d'un sondage d'opinion publique. Nous avons rendu publics certains des résultats la semaine dernière et d'autres seront rendus publics dans les semaines à venir, à mesure que nous colligerons les données. Nous avons décidé de dévoiler ces résultats dès maintenant parce qu'ils témoignent de l'importance de votre étude aux yeux du grand public.

Nous avons demandé aux répondants s'ils seraient pour ou contre des règles plus strictes pour cette industrie. Nous avons libellé notre question soigneusement. Nous avons évité d'employer le mot « règlements », qui n'est pas la même chose que des règles ou une surveillance plus stricte. Comme vous pouvez le voir, encore une fois, une très grande majorité des répondants, plus de 80 p. 100, sont pour. Nous avons ventilé les résultats par région mais, à l'échelle du pays, 82 p. 100 du public est pour le resserrement des règles. C'est un résultat intéressant qui prouve que, aux yeux des gens, il y a des problèmes.

Passons maintenant à nos recommandations. Comme je l'ai dit plus tôt, il serait tout à fait indiqué de mieux surveiller l'industrie. Nous souhaitons qu'il y ait des études de répercussions sur l'économie afin qu'on comprenne mieux les effets de ces frais sur l'économie. D'autres pays se sont penchés sur cette question dans le passé. Nous avons examiné le fruit de ces recherches pour mieux comprendre ce qui a été fait ailleurs. Nous savons qu'une partie de ces frais sont refilés aux consommateurs et ont donc une incidence sur les prix à la consommation. Il nous faudrait maintenant mener les mêmes études ici. Nous pouvons retirer beaucoup de l'expérience des autres pays mais nous sommes d'avis qu'il serait bon que nous menions nos propres recherches à ce sujet.

Nous recommandons aussi qu'un organisme s'en charge. Comme vous le savez, dans certains pays, cet organisme est la banque centrale. Il n'est pas nécessaire que ce soit la banque centrale, mais ce serait un choix logique. Ainsi, nous avons suggéré que la Banque du Canada soit responsable de contrôler les activités relatives aux cartes de crédit et de débit.

Je crois qu'un contrôle soutenu serait aussi utile. Nous contrôlons de nombreux domaines du secteur financier, mais pas ce secteur si important et en pleine croissance. Il est très important de suivre l'évolution de la situation dans ce secteur. Des comités parlementaires et d'autres tiennent régulièrement des audiences sur bien d'autres domaines de notre univers financier pour déterminer l'incidence des changements qui se produisent sur ces marchés; or, ce secteur évoluera considérablement dans un avenir rapproché. Je suis certain que d'autres témoins vous en ont dit autant.

Nous avons trouvé une étude qui avait été menée par la Banque fédérale de Kansas City où il était indiqué que le Canada était l'un des deux pays, avec la Norvège, sur 20 où il n'y avait aucun contrôle, aucune surveillance.

Certaines sociétés de cartes de crédit font valoir qu'aucune surveillance n'est nécessaire et que le marché saura s'autoréglementer. Pourtant, la majorité des pays ayant fait l'objet de cette étude américaine étaient d'avis contraire, ce qui ne les empêche pas d'avoir un secteur de la carte de crédit qui soit florissant. Nous estimons donc que le Canada devrait exercer une meilleure surveillance.

Le président : Je suis désolé de vous interrompre, mais pourrions-nous avoir un exemplaire de ce rapport?

Mme Swift : Oui, nous l'avons trouvé pendant nos recherches. Nous pourrions certainement vous en remettre un exemplaire que vous pourrez ensuite distribuer.

C'est une étude intéressante, mais, malheureusement, le rapport n'est qu'en anglais.

En ce qui concerne la transparence, ce ne sont là que quelques exemples, parce que nous ignorons ce que nous ignorons. Nous devrons creuser davantage cette question pour établir les orientations futures, mais voici quelques exemples.

Les commerçants devraient pouvoir comprendre facilement quels frais ils encourent avant d'accepter un paiement par carte de crédit. À l'heure actuelle, la confusion règne sur le marché; les cartes de crédit se multiplient et chacune s'accompagne de frais différents. Il faudrait aussi une transparence totale au niveau des frais d'interchange et de ce qu'ils devraient couvrir. Là aussi, nous avons regardé à l'étranger. Aux États-Unis, par exemple, une part considérable de ces frais sert aux avantages accordés aux titulaires de carte, à la mise en marché, entre autres. Les commerçants qui acceptent les paiements par carte de crédit devraient-ils payer pour ces avantages? Toutes ces questions doivent être soulevées.

Les frais ne devraient pas changer pendant la durée d'un contrat, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle. Habituellement, quand on signe un contrat, on connait les règles. Actuellement, les sociétés de cartes de crédit ont le droit de modifier les frais; il s'agit généralement de contrats de trois ans. Ainsi, le marchand qui a signé un contrat à 1,7 p. 100 et qui refuse de payer un taux plus élevé devra payer des frais exorbitants pour résilier son contrat, ce qui est punitif.

Nous recommandons à cette industrie l'adoption d'un code de déontologie, comme l'a fait le secteur des banques. Sans être coûteux, le code de déontologie peut définir les règles régissant certaines activités et prévoir, par exemple, un préavis raisonnable lorsqu'il y a augmentation des coûts.

Il faudrait qu'il y ait des choix. Encore une fois, certaines de ces recommandations découlent de notre examen de la situation aux États-Unis. Nous nous sommes entretenus avec bien des groupes aux États-Unis qui ont connu ces changements et qui ont fait certaines de ces recommandations. Les commerçants devraient pouvoir refuser certaines cartes. Comme vous le savez, les marchands doivent accepter toute une gamme de cartes et limiter leur usage ou offrir un rabais pour les autres méthodes de paiement. Bon nombre de contrats interdisent ces pratiques, comme celle d'accorder un rabais pour le paiement comptant ou d'apposer une affiche sur l'équipement de la société de cartes de crédit se trouvant au point de vente.

Les banques ne devraient pas avoir le droit d'envoyer des cartes assujetties à de nouveaux frais et présentant des caractéristiques différentes aux consommateurs qui n'en ont pas fait la demande. Nous avons constaté une forte opposition de la part des consommateurs. Certains ne savent même pas ce qu'est cette nouvelle carte. Ils ne comprennent pas que les frais soient plus élevés pour le commerçant et ne veulent pas nécessairement tous ces avantages. Certains les souhaitent peut-être, mais nombreux sont ceux qui n'en veulent pas et ne les ont pas demandés. Ce genre de pratique s'apparente à l'abonnement par défaut.

Il faudrait aussi mettre au point un calculateur de coût total par acceptation. Industrie Canada a créé un tel outil il y a quelques années pour les frais bancaires, et c'est un outil très utile. Ne pourrait-on pas en faire autant pour les cartes de crédit?

Enfin, je vous ai très peu parlé de la carte de débit. Nous tentons encore de comprendre les changements qui sont susceptibles de se produire sous peu. Pour l'instant il n'y a qu'un système de compensation, Interac, qui établit les frais selon une formule donnée.

Quand il s'agit d'une carte de crédit, nous pouvons comprendre pourquoi les frais sont déterminés par le pourcentage de la valeur de la transaction. Il s'agit d'un prêt; par conséquent, plus le montant est élevé, plus le risque est élevé. C'est logique. Les frais de débit, comme vous le savez, sont actuellement une somme donnée par transaction, peu importe la valeur de la transaction. Or, une transaction par débit n'est pas un prêt. Le commerçant sait tout de suite si l'argent est là ou non. Ce n'est pas du tout le même genre d'opération. Dans certains pays, les frais sont calculés en fonction de la valeur de la transaction, et je crois qu'on envisage une approche semblable au Canada. Cela générerait d'immenses profits. La moitié des transactions faites par carte au Canada sont des transactions de débit, et un tel changement pourrait rapporter gros.

Nous n'y sommes pas encore, mais Visa a déclaré il y a un jour ou deux, dans un communiqué, qu'elle compte se lancer dans les transactions de débit et qu'elle visait l'automne, si je ne m'abuse. Nous croyons important pour le pays de bien comprendre ce secteur d'abord. Il nous faut connaître les effets que pourraient avoir toutes ces décisions avant qu'elles ne soient mises en œuvre, car il pourrait être très difficile de revenir en arrière plus tard.

Nous en avons parlé à des gens d'affaires américains, qui nous ont conseillé de façon on ne peut plus catégorique d'exclure les sociétés de cartes de crédit du marché de débit. Ils nous ont dit que ce serait catastrophique, et je ne m'attendais pas à une telle réaction.

J'ai trouvé ce conseil intéressant et je me suis dit qu'il vous intéresserait aussi. Ils nous ont aussi déconseillé de permettre à des caractéristiques relatives au débit et au crédit de figurer sur une même carte car cela limiterait le choix et la concurrence.

Je m'arrête ici. J'ai probablement déjà pris trop de votre temps. Je serai heureuse de répondre à vos questions.

Le président : Merci, madame Swift. Vous avez été brève et très claire, et nous vous en savons gré. Avez-vous des remarques à faire, madame Pohlmann, ou préférez-vous répondre aux questions?

Mme Swift : Elle m'accompagne pour répondre aux questions les plus difficiles.

Le président : Je suis certain qu'elles seront toutes difficiles. Je vous présente deux sénateurs qui se sont joints à nous, le sénateur Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique, et le sénateur Stephen Greene, de la Nouvelle-Écosse. Nous passons maintenant aux questions.

Le sénateur Harb : Merci beaucoup de votre exposé. C'est intéressant de constater que 40 p. 100 des entreprises acceptent la carte American Express. Avez-vous eu des rencontres avec les représentants de Visa et de MasterCard au cours desquelles vous avez agi à titre de médiateur? Avez-vous rencontré les représentants du secteur pour voir s'ils ne pourraient pas régler cette question eux-mêmes plutôt que d'y mêler les politiciens? Il s'agit essentiellement d'un problème commercial que les commerçants devraient régler entre eux. Si oui, pouvez-vous nous en dire plus long.

Dans le même ordre d'idée, pourriez-vous nous dire si vous réclamez en fait une réglementation du gouvernement? Peu importe le terme que vous employez, en voyant vos recommandations, le gouvernement conclura que vous réclamez une réglementation. Est-ce bien votre position?

En ce qui concerne Interac, on croit habituellement que plus il y a de concurrence, mieux c'est pour le consommateur. En l'occurrence, il semble que le monopole soit peut-être préférable. J'aimerais que vous nous donniez plus de détails à ce sujet.

Mme Swift : Pour ce qui est de savoir si MasterCard et Visa pourraient régler les problèmes elles-mêmes, je crois qu'elles ont prouvé qu'elles n'avaient pas pu le faire. Elles résistent à tout contrôle que vous ou d'autres veulent exercer. Vous n'avez qu'à penser aux rencontres que nous avons eues avec les représentants, que j'ai mentionnées, et à notre étude. On peut y voir toutes les cartes de crédit et les règlements qu'imposent les différents pays, et ceux qui régissent les cartes de débit.

La colonne du Canada pour les cartes de crédit est vide. Nous n'avons aucun règlement. À la place des sociétés de cartes de crédit, nous nous opposerions aussi à toute réglementation. Même une certaine surveillance — je préfère éviter le terme « réglementation », car ce n'est pas nécessairement ce que nous cherchons, mais la possibilité demeure. Si Visa et MasterCard avaient voulu régler le problème elles-mêmes, elles l'auraient déjà fait.

Nos observations ont été mal reçues par ces entreprises, et c'est le moins qu'on puisse dire pour l'une d'entre elles. Il fallait une étude du genre pour les amener à participer, et c'est pour cette raison que nous sommes ravis que vous ayez entrepris votre examen. Elles n'auraient pas été mises à contribution autrement. Donc non, je ne crois pas qu'elles puissent régler elles-mêmes le problème en en discutant avec les gens d'affaires.

Je le répète, des augmentations des frais de 25 à 30 p. 100 représentent des milliers de dollars pour les petites entreprises, ce qui peut faire une grande différence. Ce problème existait déjà avant le déclin de l'économie. Ces augmentations de frais peuvent faire toute la différence entre la survie et la faillite. Voilà ce qui nous préoccupe. Les sociétés de cartes de crédit, elles, n'ont pas ces préoccupations. Elles veulent tout simplement imposer leur façon de faire.

J'ai déjà partiellement répondu à votre deuxième question sur la réglementation. Nous croyons que, quand nous aurons vraiment compris comment fonctionne cette industrie, quand nous en connaîtrons tous les effets non seulement sur les petites et les grandes entreprises mais sur l'économie dans son ensemble, alors nous pourrons choisir les meilleures mesures à prendre. Nous n'avons pas encore toutes les informations dont nous avons besoin. Nous ne croyons pas nécessairement que la réglementation soit la meilleure solution. Au début des années 1990, pendant la dernière récession, notre organisation a recommandé au Comité de l'industrie de la Chambre des communes de faire comparaître régulièrement les banques pour qu'elles décrivent ce qu'elles faisaient pour les petites entreprises. Ce genre d'examen a eu des effets bénéfiques considérables. Idéalement, la réglementation ne serait pas nécessaire, mais si aucune autre mesure ne marche, nous ne pouvons pas l'exclure.

Au sujet d'Interac, vous avez raison. Nous préférons aussi la concurrence. Nous préférerions éviter la réglementation. Nous croyons que les marchés peuvent se réglementer eux-mêmes. Toutefois, vous avez vu le tableau qui montrait la domination de Visa et de MasterCard. À mes yeux, ce n'est pas de la concurrence, mais bien un duopole. Même avec l'arrivée de ces grandes multinationales, ce sera différent.

Je ne suis pas certaine qu'Interac doive obligatoirement être une société à but non lucratif. Le Bureau de la concurrence étudie actuellement la question. Il faut bien comprendre le secteur avant de se prononcer sur le statut d'Interac. On pourrait préférer une certaine concurrence avec des frais fixes, par exemple. On pourrait encourager la concurrence, ouvrir le marché aux autres, mais interdire l'imposition de frais en fonction de la valeur de la transaction. Il y a toutes sortes de possibilités.

Les Américains, qui ont vécu cette situation, nous ont donné des conseils très précieux. Ils parlent d'expérience quand ils nous déconseillent de permettre à Visa et à MasterCard d'entrer sur le marché du débit. Ils nous l'ont catégoriquement déconseillé.

Le sénateur Massicotte : Merci d'être venues aujourd'hui. Vos connaissances et votre expérience nous sont très utiles.

Vous recommandez des recherches plus approfondies et la création de différents organismes. Vous recommandez plus particulièrement de laisser le choix des cartes de crédit aux commerçants. Dans votre exposé, vous avez aussi dit que les commerçants devraient pouvoir refuser certaines cartes, limiter leurs utilisateurs et offrir des rabais.

On m'a dit que les contrats imposent certaines restrictions à cet égard, mais que les commerçants peuvent offrir des rabais pour les paiements comptants. N'est-ce pas le cas?

Mme Swift : Les commerçants ne peuvent pas annoncer qu'ils accordent un rabais pour paiements comptants. Ils ne peuvent pas poser une affiche indiquant qu'ils accorderont un rabais de 5 p. 100 à ceux qui paieront comptant. Dans les petits établissements, on voit parfois une affiche disant que la carte de débit n'est pas acceptée pour les achats de moins de 5 $, par exemple.

Mais il y a des restrictions. Les contrats ne le permettent pas tous. Il n'y a pas d'uniformité. Nous n'avons pas suffisamment d'information à ce sujet. Il faudrait que quelqu'un prenne le temps de passer en revue les différents contrats. Nous en avons vu quelques-uns que nos membres nous ont remis pour que nous comprenions mieux leur situation, mais il nous faut plus d'information.

Le sénateur Massicotte : Nous croyons aux vertus de la concurrence quand c'est une vraie concurrence. En matière de cartes de crédit, il y a beaucoup de fournisseurs. Des centaines d'institutions émettent des cartes de crédit, y compris toutes les coopératives de crédit. Toutes les informations sont publiques et il y a même des sites web où on compare les différentes cartes.

Les utilisateurs ne semblent toutefois pas vouloir se pencher sur ces détails. Ils ne sont pas au courant, ils ignorent les taux d'intérêt. Ces informations sont à leur disposition, mais ils semblent en majorité choisir la carte qui leur accorde du crédit, quelles que soient les conditions. Comment expliquez-vous cela?

Mme Swift : Je crois que c'est à cause des clauses en petits caractères. Qui les lit? Mon fils a récemment obtenu une carte de crédit. Il déteste que je mette mon nez dans ses affaires, mais j'ai appris qu'il payait 25 p. 100 d'intérêt. Je lui ai tout de suite dit de se débarrasser de cette carte. C'est un bon exemple de ce que vous décrivez.

C'est aussi une des raisons pour lesquelles, dans le dernier budget fédéral, on recommande de mieux informer les consommateurs sur les questions financières et de diffuser ce genre de renseignements de façon proactive. Les consommateurs qui reçoivent un long document en petits caractères avec leur carte de crédit et qui ne le lisent pas ne défendent pas leurs propres intérêts. Ils finissent par payer bien plus qu'ils ne le devraient.

Le sénateur Massicotte : Nous sommes tous en faveur de la transparence. Pensez-vous qu'ils ne comprennent pas? Est-ce parce qu'ils s'en moquent ou que ça ne s'applique pas suffisamment à eux?

Mme Swift : Vous avez sans doute raison. Ça ne s'applique pas suffisamment à eux ou ça ne leur a pas été expliqué. Par contre, s'ils sont conscients qu'ils versent 10 000 $ de plus par année pour posséder cette carte, ils peuvent sans doute éviter ces coûts ailleurs. Peut-être ne sommes-nous pas encore suffisamment pour.

Le sénateur Massicotte : Il se pose toujours la question des taux d'intérêt, de la transparence et de la communication intégrale de l'information. Je pense que nous nous entendons tous sur ce point.

Passons à la question plus épineuse des commerçants. Vous représentez beaucoup de commerçants parce que beaucoup de vos clients sont dans le secteur du détail. Même s'il y a des observations au sujet de la liberté de choix, une question importante est que les commerçants n'ont pas suffisamment de pouvoir pour négocier le taux de la commission sur un achat, qui peut être de 1,5 p. 100 ou de 2 p. 100. Les commerçants ne sont pas à la table de négociation.

Le consommateur n'est pas au courant de ce coût. Il ne figure pas dans le prix d'achat. Peu importe donc au consommateur quelle carte il utilise. Il peut sélectionner une carte qui lui offre des primes mais qui en revanche impose une commission d'interchange plus élevée.

Il y a beaucoup de parties à cette opération mais deux d'entre elles ne sont pas à la table de négociation. Le commerçant n'y est pas. Je m'étonne que cela ne fasse pas partie de vos recommandations au sujet des taux d'interchange. On dirait que les commerçants ne se plaignent pas des taux élevés de la commission. Que faites-vous face à ce problème?

Mme Swift : Ils se plaignent; c'est pourquoi nous sommes ici.

Le sénateur Massicotte : Je ne vois pas cela ici. Les taux de commission...

Mme Swift : Les frais d'interchange, c'est ce que paie le commerçant.

Le sénateur Massicotte : Les 2 p. 100 ou quel que soit le pourcentage que paie le commerçant; sait-il que c'est 2 p. 100?

Mme Swift : Oui, avant il le savait. Le sondage a été instructif parce que les questions étaient à réponse libre et que nous avons demandé des observations. Nous serons heureux de vous communiquer les données. Aujourd'hui, nous voulions vous en donner un aperçu préliminaire.

Souvent les commerçants nous ont dit que lorsque c'était la bonne vieille Visa ou MasterCard, ils savaient que le taux était de 1,7 p. 100, par exemple. Aujourd'hui, avec toutes les cartes à prime ou de type infinity, je ne sais même pas ce que je paie. C'est une surprise à la fin du mois. Personne ne peut faire fonctionner correctement une entreprise de cette façon.

Avant, ils savaient qu'ils payaient 1,7 p. 100. Une de nos plaintes, c'est la prolifération de ces cartes bourrées d'options que le consommateur ne veut pas forcément. Les frais de ces cartes sont plus élevés parce que c'est la façon dont les émetteurs peuvent financer tous ces suppléments. L'argent passe du commerçant au consommateur mais le consommateur l'ignore ou n'en veut peut-être pas.

Mais le problème ne se résume pas à des frais plus élevés. J'ai dit tout à l'heure que les frais avaient augmenté de 25 à 30 p. 100. Cela est tout à fait distinct de la multitude de genres de cartes. La question est apparue quand nous avons reçu une avalanche de coups de téléphone de nos membres qui nous demandaient ce qui se passait. Nous n'avions pas eu de plaintes avant ces augmentations.

Le sénateur Massicotte : Comment peut-on faire en sorte que ce soit juste? Faudrait-il donner plus de latitude aux commerçants pour qu'ils fassent savoir qu'ils accordent une remise sur les paiements en espèces?

Mme Swift : Il n'a guère d'autre choix que de privilégier les achats payés en espèces. Je ne dis pas qu'il n'est pas avantageux pour le commerçant d'avoir ces cartes. Ils acceptent les espèces, mais si vous perdez les espèces, elles ne sont pas récupérables et vous risquez plus d'être volé. Il est certain que les espèces présentent des avantages.

Mais vu l'acceptation généralisée des cartes de crédit et de débit, je ne pense pas que les commerçants pourront cesser de les accepter. Aux États-Unis, Wal-Mart a été contrarié par MasterCard quand la compagnie a commencé à augmenter ses tarifs. Pendant une période, Wal-Mart a refusé la carte MasterCard. Eh bien, même Wal-Mart a dû se raviser parce que cela nuisait à son chiffre d'affaires.

La raison pour laquelle la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante négocie, c'est pour offrir un meilleur taux à ses adhérents que ce qu'ils peuvent obtenir indépendamment. Un de nos intermédiaires est Chase Paymentech. Il y a bien des négociations mais honnêtement, l'idée qu'une petite entreprise puisse négocier avec Visa... ce n'est pas une négociation. Un petit commerce qui accepte une foule de cartes différentes avec chacune ses frais, c'est très compliqué et cela oblige le commerçant à suivre de très près sa trésorerie.

Corinne Pohlmann, vice-présidente des affaires nationales, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante : Le problème, ce n'est pas le taux; c'est la réalisation que des frais cachés ne cessent de s'ajouter. C'est cette croissance progressive dont me parlent depuis plusieurs mois les petits commerces. On a l'impression que chaque mois des frais viennent s'ajouter. Beaucoup de gens ont du mal à comprendre l'ensemble des droits et frais à payer. Même si les gens reçoivent une lettre entre deux et quatre mois avant le changement, ils éprouvent un choc lorsqu'ils voient le montant total. Les entreprises peuvent négocier des frais standard mais ce sont les frais supplémentaires qui sont source de problème.

Mme Swift : En plus, le commerçant n'a aucun pouvoir sur les frais. C'est un fait accompli quand on ne peut pas obtenir le service ailleurs. Il est difficile pour un commerce de faire des plans pour l'avenir quand on ne sait pas si une facture de plusieurs milliers de dollars va lui tomber dessus à la fin du mois.

Il y a une chose dont on n'a pas encore parlé : Les différents types d'opérations appelés les opérations vérifiées, non vérifiées ou partiellement vérifiées. Une opération vérifiée c'est lorsque la personne glisse la carte devant vous. La personne et la carte sont matériellement devant vous. Une opération non vérifiée se fait au téléphone ou par Internet. Il n'y a pas de présence matérielle de la personne ou de la carte. Il se fait de plus en plus de transactions de cette manière. Récemment, on nous a parlé d'opérations partiellement vérifiées. Évidemment, elles sont assorties de frais différents. C'est un autre domaine où il y a énormément de confusion. Nos membres nous disent qu'il s'agit là d'une opération semi-vérifiée. Qu'est-ce que ça signifie? Encore une fois, cette confusion montre qu'il faut faire des recherches et obtenir des données pour comprendre ce qui se passe. À quel coût final peut-on s'attendre et comment peut-on donner des précisions pour que le commerce et le consommateur saisissent bien ce qu'ils paient et ce qui se retrouvera dans le prix global et l'inflation?

Le président : Savez-vous si les règles sur la clarté et la simplicité du langage appliquées au secteur des assurances ont facilité la compréhension?

Mme Swift : Oui, c'est utile.

Le président : Est-ce que vous recommanderiez cela?

Mme Swift : Oui, ce serait une chose.

Le président : En français et en anglais, évidemment.

Mme Swift : Oui, en langage clair et simple.

[Français]

Le sénateur Fox : Je trouve que la situation que vous décrivez est infernale, elle dépasse l'entendement et nous prend par surprise aujourd'hui. Vous nous décrivez un monde d'abus de position dominante, de domination d'une industrie et de décisions unilatérales.

Vous êtes quand même 105 000 membres avec un chiffre d'affaires important. C'est impossible pour vous, si je comprends bien, de vous asseoir et de discuter. Vous pourriez peut-être préciser avec qui vous voulez discuter. Ce sont les banques qui agissent de cette façon, avec des changements, sans avis, ou est-ce que ce sont les compagnies de cartes de crédit? J'aimerais que vous répondiez aux deux questions.

[Traduction]

Mme Swift : L'avis doit être de 30 jours, ce qui n'est pas long.

[Français]

Le sénateur Fox : Vous êtes 105 000 membres, avec un chiffre d'affaires imposant, je présume, et vous n'avez aucune position pour vous asseoir à table avec eux ou elles et discuter de ces choses?

[Traduction]

Mme Swift : On en a discuté avec eux. Par exemple, j'ai rencontré les dirigeants de MasterCard et de Visa qui étaient agacés que nous osions examiner la question. Pour eux, nous sommes les preneurs de prix, et cela révèle comment ce secteur a toujours fonctionné au Canada. Les compagnies appartiennent à des Américains et le Canada ne sera jamais une priorité pour eux. C'est pourquoi il faut exercer le plus de pression morale possible.

[Français]

Le sénateur Fox : Vous n'avez pas de pouvoir de marché pour pouvoir vous asseoir, discuter et obtenir des changements. Vos reproches s'adressent aux compagnies de crédit Visa, MasterCard et American Express plutôt qu'aux banques canadiennes. Est-ce vrai?

[Traduction]

Mme Swift : Cela s'adresse davantage aux compagnies de cartes de crédit mais nous avons aussi rencontré les banques, qui émettent des cartes. Il ne fait pas de doute que les banques sont les coupables, en quelque sorte, parce qu'elles encouragent la prolifération de différentes sortes de cartes. Absolument, les banques ont un rôle dans ce dossier.

Les principales cibles sont Visa et MasterCard. Nos chiffres montrent qu'entre 94 et 96 p. 100 de nos membres se servent de ces cartes. Ce n'est pas de la concurrence. Les commerces sont des preneurs de prix et c'est pourquoi ces compagnies sont notre principale cible. Nous aimerions pouvoir mieux comprendre et qu'il y ait un examen plus rigoureux. J'ai donné l'exemple des banques au début des années 1990. Aucun changement n'a été apporté à la réglementation; c'est la rigueur des examens qui a modifié leur comportement.

[Français]

Le sénateur Fox : J'ai deux dernières questions. Le témoin parle suffisamment vite pour tout le monde, je pense que je vais prendre mon temps.

Le président : Vous pouvez prendre le temps que vous voulez, mais il faut arrêter la réunion à 17 heures.

Le sénateur Fox : Je parle d'une expérience bien concrète. Il y a des magasins de grande surface à Montréal qui vont annoncer que vous pouvez acheter des produits ménagers assez dispendieux à 0 p. 100 comptant, payables sur 36 mois ou avec carte de crédit, mais si vous voulez payer « up front », selon l'expression du milieu, les marchands, qui sont vos membres, ne tiennent pas compte du fait que vous payez d'avance. Ai-je bien compris que vous avez dit que c'est dans les contrats avec les compagnies de carte de crédit que ce genre d'exigences se trouvent?

[Traduction]

Mme Swift : Nous n'avons pas la totalité de l'information mais nous avons vu des contrats qui comportent des restrictions sur la manière dont les entreprises peuvent appliquer différentes conditions si quelqu'un paie en liquide. J'ai trouvé certaines des restrictions étonnantes dans ces contrats.

[Français]

Le sénateur Fox : Est-ce que vous êtes surprise de voir que, malgré la diminution des taux d'intérêt et la diminution du coût de l'argent aux banques, les frais demeurent à 19 p. 100 quand le prix de l'argent a diminué considérablement? Les dépôts décident en grande partie. J'ai vu aujourd'hui un de mes collègues qui montrait qu'il avait 0,5 p. 100 d'intérêt sur un compte assez substantiel d'une banque canadienne. Comment expliquez-vous que la plupart des Canadiens détenteurs de carte de crédit se posent la même question?

[Traduction]

Mme Swift : Il est difficile de répondre à cette question. C'est quelque chose que je ne comprends pas. Les Canadiens sont peut-être un peu trop tolérants. Ces questions devraient nous rendre furieux. Je ne comprends pas à quoi cela tient. Les consommateurs pourraient s'élever contre ces tendances mais nous préférons l'inertie.

Pour moi, ne pas abaisser ces taux est inacceptable.

Le sénateur Goldstein : Cela me préoccupe. Certains d'entre nous autour de la table ou ailleurs seront tentés de dire que ce sont les lois du marché qui devraient trancher et non une réglementation.

J'ai du mal à comprendre qu'une association de votre taille avec tant de membres et d'activités n'arrivent pas à rencontrer les grands émetteurs et leur dire qu'il faut changer la façon dont les choses se font. Je ne comprends pas pourquoi vous ne le faites pas. Qu'est-ce qu'il faudrait pour vous y aider?

Mme Swift : Nous avons un grand nombre d'adhérents mais un nombre relativement petit d'acteurs, non seulement dans le secteur des cartes de crédit mais aussi dans le secteur bancaire canadien. Ce sont des acteurs très puissants.

Il m'arrive de dire des choses positives à propos des banques — à tout le moins, elles sont canadiennes, et pour moi c'est une bonne chose. Mais la réalité est la suivante : elles devraient se rendre compte que protéger les intérêts du Canada leur profitera à elles aussi. Je ne peux pas en dire autant au sujet des compagnies émettrices de cartes de crédit parce qu'elles ne sont pas canadiennes.

Il est curieux qu'en cette période de récession on constate que lorsque la situation s'aggrave — et on le constate partout au monde et c'est tout à fait logique — les gens reviennent à leur pays d'attache. Dans les marchés du crédit au Canada, par exemple, nous avons perdu beaucoup d'acteurs américains. Ils ont quitté le Canada et aggravé notre crise du crédit. C'est pourquoi, pour moi, la situation n'est pas la même dans le cas des compagnies émettrices de cartes de crédit.

Je les ai effectivement rencontrés. Ils ne s'occuperont pas de la question tant qu'ils n'auront pas reçu une bonne taloche. Vous leur en fichez une parce que grâce à notre association nous pouvons braquer les projecteurs sur la question avec certains effets. Nous pouvons nous adresser aux médias et attirer l'attention de la population mais, au bout du compte, c'est la menace de réglementation qui modifie les comportements, même si cela ne se traduit pas dans la réalité par une réglementation.

Dans ce cas-ci, il est certain que nous pouvons avoir certains résultats, mais c'est à cause de l'appui de ceux qui peuvent les secouer au besoin. Tel n'est pas notre objectif mais cela capte leur attention plus qu'une dénonciation de notre part dans les médias.

Le sénateur Goldstein : Ce qui m'inquiète particulièrement, c'est le fait qu'Interac devienne une entreprise à but lucratif.

Cette transformation m'inquiète tout particulièrement dans le cas de l'alimentation au détail. La marge bénéficiaire dans le secteur de l'alimentation au détail est si petite qu'un pourcentage des opérations au lieu d'un tarif forfaitaire pour chaque opération serait soit ruineux pour le secteur ou provoquerait une augmentation immédiate du coût de la vie de tous les citoyens. Cette conséquence nous inquiète tous, énormément.

Avez-vous fait des démarches auprès du Bureau de la concurrence; dans la négative, pourquoi pas?

Mme Swift : Oui, nous en avons faites.

Le sénateur Goldstein : Je peux voir une description de ces démarches?

Mme Swift : Il y a une lettre sur notre site web; nous allons vous la fournir. L'automne dernier, en septembre, nous lui avons demandé d'examiner la disposition relative à l'abus de position dominante. Je crois qu'il est en train de le faire actuellement. Il n'était pas prévu qu'il le fasse à l'époque, par contre. La semaine dernière, nous avons reçu une annonce indiquant qu'il allait se pencher sur notre demande. Oui, nous avons fait des démarches.

Le sénateur Goldstein : Avez-vous officiellement annoncé à Interac que vous êtes contre un pourcentage?

Mme Swift : Oui, j'ai rencontré Interac plusieurs fois.

Le sénateur Goldstein : Lui avez-vous envoyé une lettre?

Mme Swift : Non, nous ne lui avons pas écrit mais nous l'avons rencontré.

Le sénateur Goldstein : Pensez-vous qu'il serait indiqué de lui envoyer une lettre?

Mme Swift : Oui, je pourrais lui écrire.

Le sénateur Goldstein : Serait-il indiqué de nous faire parvenir une copie?

Mme Swift : Je peux le faire. Dans le cas d'une opération de crédit, Interac consent un prêt; cela se défend. C'est logique. Ça ne l'est pas dans le cas d'un débit.

Le sénateur Greene : Je suis d'accord avec vous en ce qui concerne les frais par opposition au pourcentage sur les opérations dans le cas des cartes de débit, mais je crois vous avoir entendu dire qu'un pourcentage dans le cas des frais d'opération pour les cartes de crédit est acceptable pour vous parce que l'opération est un prêt.

Le coût de la fourniture des frais n'est-il pas le même, que le montant soit petit ou grand?

Mme Swift : Si le prêt devient une mauvaise créance — s'il n'est pas remboursé —, l'argent a déjà été prêté.

Le sénateur Greene : C'est à cela que sert l'intérêt, n'est-ce pas?

Mme Swift : Pas forcément. En partie seulement et, oui, les frais d'intérêt y sont associés aussi. Plus l'opération est importante, plus la perte est grande et on peut évidemment débattre de ce que devrait être le taux.

Le sénateur Raine : Avez-vous fait des recherches sur des pays comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande ou le Royaume-Uni et les frais ou la réglementation de leurs frais? La réglementation a-t-elle eu des effets sur les commerces?

Mme Swift : Parlez-vous seulement des commerces ou aussi des compagnies de cartes de crédit?

Le sénateur Raine : Les gens utilisent des cartes de crédit et les affaires continuent de tourner?

Mme Swift : Oui, elles tournent. Nous avons rassemblé des rapports de recherche sur ces pays. L'Australie est un modèle intéressant. Les compagnies de cartes de crédit soutiennent — vous l'avez sans doute déjà entendu — que la réglementation a limité leur capacité d'innover. Dans nos travaux, je n'ai pas observé des faits pernicieux. C'est peut- être le cas pour les consommateurs. Si les compagnies ne sont pas en mesure d'offrir toutes ces cartes assorties d'options — et nous savons que ces frais plus élevés font partie intégrante de ces options — cela a-t-il eu des conséquences néfastes? Pas d'après ce que nous avons constaté.

Dans les données américaines illustrées dans ce diagramme à secteurs, nous sommes tombés sur quelque chose d'intéressant. Nous avons fouillé Internet où des choses surgissent parfois rapidement. Il s'agit de données américaines. Elles montrent que 44 p. 100 des commissions d'interchange servent à financer les primes et autres avantages offerts aux consommateurs. Je pose la question : Est-ce ce que réclame le marché? J'ignore la réponse mais presque la moitié des recettes provenant des frais, c'est un gros morceau.

Le sénateur Raine : Ce sont ceux qui ont de gros revenus qui profitent de ces à-côtés. Eux peuvent s'offrir ces cartes chic, mais c'est tout le monde qui en assume les coûts.

Mme Swift : C'est vrai.

Le sénateur Raine : La prolifération de ces cartes est alarmante. Je connais des gens qui ont toujours eu la même carte de crédit, obtenue auprès de la Banque de Montréal à Edmonton il y a des années, par exemple, et qui l'ont toujours. La dernière qui leur est parvenue par le courrier portait un autre nom mais avait toujours le logo MasterCard dans le coin. Ils n'avaient pas demandé cette carte mais elle leur a été envoyée. Ils apprennent aujourd'hui que la carte coûte plus cher aux commerçants. Elle porte le même numéro que celle que le consommateur a toujours eue. Comment cela se peut-il?

Mme Swift : Pourquoi? Parce que rien ne l'interdit. Il devrait y avoir des règles ou au moins une entente. Il n'y a ni l'un ni l'autre, je crois. Ces cartes sont payées par les commerçants et le coût va se répercuter dans l'ensemble des prix et profite à un secteur donné.

Une des raisons pour lesquelles MasterCard et Visa s'aventurent sur ce terrain, c'est pour faire concurrence à American Express. La part de marché d'American Express est plus petite mais la compagnie a ciblé le haut du marché et une partie du milieu des affaires parce qu'elle fournit des états de compte et collecte des données. Si MasterCard et Visa se lancent dans ce secteur, c'est pour accentuer la concurrence dans ce segment du marché normalement desservi par Amex.

Une autre raison pour laquelle MasterCard et Visa cherchent à être plus lucratives c'est qu'elles sont maintenant cotées en bourse. Ce n'était pas le cas il y a quelques années. Dès qu'une entreprise est cotée en bourse, elle essaie de rapporter davantage à ses actionnaires.

Le sénateur Raine : Ce qui est désolant à propos des cartes de crédit et du crédit personnel, c'est que celui qui paie sa facture sans tarder se prévaut du service à petit coût tandis que les autres, souvent des gens moins instruits et qui connaissent moins bien les finances paient un prix exorbitant. Je trouve cela affligeant.

Mme Swift : C'est ainsi que fonctionne notre système. C'est du cavage, en quelque sorte. L'information est disponible mais il y a des gens qui ne font pas l'effort de découvrir exactement ce qu'ils paient.

Le sénateur Gerstein : Merci de votre exposé très complet.

Par définition, une carte de crédit offre du crédit et par définition le crédit comporte des risques. Le commerçant reçoit l'argent d'avance et n'assume aucun risque au moment de la transaction dans le cas d'un consommateur déjà passé au crible. En ces temps difficiles, comment tenez-vous compte des défauts de paiement auxquels font face les banques?

Mme Swift : Pour les cartes de crédit, c'est un problème. Ce n'est pas le seul fait de la récession. Quand la situation devient difficile les gens ne remboursent pas leurs emprunts, de quelque sorte qu'il soit. C'est un problème.

On dit toujours que l'on paie des taux d'intérêt relativement élevés. Le sénateur Fox a parlé des taux élevés que nous payons même lorsque le taux directeur baisse. Une partie du taux élevé est attribuable à la fraude. Nous payons tous. C'est comme les assurances. Il en va de même pour beaucoup de systèmes. Le monde est ainsi. Nous voulons déterminer le montant qui doit être payé.

Je suis certaine que mon chien pourrait sans doute obtenir une carte de crédit s'il y tenait mordicus. On a vu ce qu'a causé à l'économie américaine le relâchement du crédit. Il y en a eu ici aussi, mais Dieu merci pas autant.

Je pense qu'il faut aussi examiner la définition de la solvabilité. Je ne sais pas si je réponds à votre question mais je pense que le crédit a été offert à l'aveuglette et ce n'est pas exclusivement aux consommateurs d'assumer la responsabilité des abus d'une partie des consommateurs. Peut-être les émetteurs devraient-ils faire preuve de plus de diligence raisonnable avant d'offrir des sommes faramineuses aux gens. La situation de la carte de crédit s'apparente à celle des prêts hypothécaires à risque aux États-Unis. Ces gens-là, malheureusement, n'auraient pas dû avoir le droit d'acheter ces maisons parce qu'ils n'en avaient pas les moyens et la même chose vaut pour les cartes de crédit. Nous en payons tous le prix sous forme de taux d'intérêt plus élevés que ce que nous devrions payer et une partie des actes frauduleux ne sont que cela, de la fraude. Il y aura toujours des fraudeurs mais aujourd'hui les gens, peut-être à cause de leur propre bêtise, ont emprunté plus qu'ils auraient dû.

Le sénateur Raine : Êtes-vous en train de dire que les défauts de paiement accrus dont sont victimes les banques aujourd'hui tiennent principalement à la fraude?

Mme Swift : Non, je dis qu'une partie du prix est causée par la fraude.

Le sénateur Raine : C'en est une petite partie? La plus grande partie est attribuable à la récession?

Mme Swift : Une grande partie des défauts de paiement actuels sont causés par le fait que les gens ont moins de moyens.

Le sénateur Moore : Merci d'être venues. Dans votre analyse de ces situations, avez-vous préparé un tableau que vous pourriez nous donner des frais perçus, que ce soit par les grandes cartes ou par Interac?

Mme Swift : Nous n'avons pas préparé de tableau. Nous pourrions obtenir l'information des compagnies de cartes de crédit. Ce n'est donc pas comme si elles la cachaient. C'est déroutant, par contre, et ensuite, comment cette information est-elle appliquée dans la pratique? J'ai parlé tout à l'heure du commerçant qui accepte cinq cartes de crédit différentes, chacune assortie de frais différents. Il est difficile de comprendre ce que le commerçant devra payer plus tard.

Ce n'est pas sans rappeler la situation de l'information destinée aux consommateurs dont nous parlions tout à l'heure. Comment se fait-il que ceux qui paient un taux élevé pour leur carte ne font rien pour corriger la situation? Il faut du temps pour obtenir de l'information souvent complexe. Ce n'est peut-être pas une priorité pour eux et, après coup, ils se rendent compte qu'ils ont payé des milliers de dollars d'intérêts alors que ce n'était pas nécessaire.

L'information est disponible et je peux me tromper, mais je ne crois pas que ce soit un hasard si elle ne fait que semer la confusion. Une des grilles des frais à payer pour Visa, pour chaque type d'opération, admissible ou non, comptait une centaine de pages. La grille de tous les frais, compte tenu de toutes les possibilités, comptait 104 pages, je crois.

Le sénateur Moore : Il me semble que si vous aviez rassemblé toute cette information, en plus de celle dont parlait le sénateur Fox, vous auriez des arguments pour négocier avec eux, au nom de vos membres.

Mme Pohlmann : Le sondage, dont nous avons livré les conclusions préliminaires aujourd'hui, nous donnera davantage d'information. Nous n'avons pas parlé de l'une des questions que nous avons posées, visant à savoir de nos membres si nous pouvions obtenir d'eux davantage de renseignements de ce genre. Au cours des prochaines semaines, nous avons l'intention de nous adresser à nouveau à nos membres pour des renseignements plus détaillés sur ce qu'ils paient, puisque cela varie d'une entreprise à l'autre, et que c'est ce que nous voulons comprendre.

Mme Swift : Je pense aussi qu'il ne doit pas nous incomber de le faire. Visa et MasterCard devraient vous fournir une grille complète de leurs frais. Cela fait partie de la transparence dont nous parlions. Ce sont eux qui fixent les frais qu'ils exigent.

Le sénateur Moore : Nous le leur demanderons, mais je me demandais si vous aviez quelque chose à présenter au nom de vos membres.

Mme Swift : Nous aurons davantage de renseignements, mais ce sont ces entreprises qui fixent les frais.

Le sénateur Ringuette : Merci d'être venues et merci aussi d'avoir parrainé le sondage auprès des consommateurs. La plupart des organisations travaillent isolément, nous l'avons tous constaté. Or, vous vous êtes penchés non seulement sur la situation de vos membres, mais aussi sur les sentiments des consommateurs qui achètent des produits de vos membres. Du nombre, 82 p. 100 veulent des mesures législatives.

Les fonctionnaires fédéraux nous ont présenté ce tableau des commissions d'interchange, intitulé Exemple d'une transaction par carte de crédit.

Mme Swift : Ah, oui.

Le sénateur Ringuette : On voit ici, au milieu, le réseau de cartes de crédit, soit Visa ou MasterCard, qui fixe les frais, frais qui sont payés aux banques. Il y a ensuite la demande d'autorisation à celui qui fait le traitement, soit l'acquéreur, pour des frais de traitement correspondant à un pourcentage. Saviez-vous que ces entités, la banque émettrice et la société de traitement, par exemple Moneris, sont la propriété de notre secteur bancaire?

Mme Swift : Oui, il y a beaucoup de propriétés croisées entre ces sociétés. Chase Paymentech s'appelait autrefois Paymentech. La Banque de Nouvelle-Écosse en était propriétaire. C'est maintenant la Chase qui en est propriétaire, une entreprise américaine. Oui, nous sommes au courant de ces questions de propriété.

Le sénateur Ringuette : La Banque Royale et la Banque de Montréal ont créé Moneris, un intervenant important du marché canadien du traitement.

Mme Swift : Il y a toujours un lien avec une banque, et celle de TD est bien entendu liée à une banque aussi.

Le sénateur Ringuette : C'est l'intermédiaire qui fixe les frais; la banque, d'un côté, reçoit le gros des frais, et le reste vient de l'autre côté, pour le traitement. Avez-vous pu parler aux banques canadiennes, les intervenants les plus importants qui exigent des frais? Elles ont des contrats avec vos membres, ne serait-ce que pour la petite machine dont ils se servent.

Mme Swift : Oui.

Le sénateur Ringuette : Avez-vous parlé au secteur bancaire pour dire : Voyez ce qui se passe, ça suffit, c'est presque de l'extorsion, vous nous faites payer de deux façons.

Avez-vous pu faire cela?

Mme Swift : Nous ne les avons pas tous rencontrés encore, mais nous avons vu certains d'entre eux.

Le sénateur Ringuette : Comment ont-ils réagi?

Mme Swift : Nous savons qu'ils reçoivent la part du lion de ces frais. Et je le répète, nous essayons de voir ce qui est logique et justifié. Je dis qu'il ne faut pas trop insister là-dessus, si ces frais sont justifiés, n'oublions pas que les banques assument un risque. Si une opération relative à une carte de crédit tourne mal, pour une raison ou pour une autre, ce sont les banques qui assument le risque.

J'aimerais parler d'une question connexe. Quand nous aurons des cartes à puce, dans deux ou trois ans, si je ne m'abuse, c'est le commerçant qui assumera le risque. Bien entendu, les puces visent à limiter la fraude. Vous pourriez vouloir étudier cette question ultérieurement. Nous essayons d'en savoir davantage, pour comprendre exactement quel sera le rôle des commerçants puisque actuellement, ils sont protégés contre ce risque. Si une opération tourne mal, c'est la banque qui assume le risque.

Cela étant dit, je pense que personne n'a jusqu'ici étudié les rôles de ces divers intervenants les uns par rapport aux autres, et ce qui en résulte. Qu'est-ce que cela signifie pour leur bilan? Je n'ai certainement pas étudié la question. Je crois que c'est assez complexe.

Le sénateur Goldstein : Puis-je demander une précision? Êtes-vous certaine de ce que vous dites? Si je ne m'abuse, l'émetteur de cartes de crédit peut, quelles que soient les circonstances, demander le remboursement des mauvaises créances.

Mme Swift : Seulement si le commerçant est coupable. Par exemple, s'il aurait dû savoir que la carte était une fausse carte.

Le sénateur Goldstein : Et comment le commerçant est-il censé le savoir?

Mme Swift : C'est une bonne question. Vous souvenez-vous de l'époque où le commerçant devait consulter une liasse de papiers pour vérifier si cette carte faisait partie de la liste des cartes frauduleuses? Il en va autrement aujourd'hui, grâce à la technologie, heureusement, ce qui facilite bien les choses; mais dans certains cas, les commerçants ont été avisés de ne pas accepter telle ou telle carte, mais ils la prennent quand même.

Le sénateur Goldstein : Il y a des cas où le commerçant n'est pas avisé, et l'émetteur de cartes de crédit dit tout de même que le marchand est coupable.

Mme Swift : Vous avez raison, cela arrive.

Le sénateur Goldstein : Aviez-vous des chiffres là-dessus?

Mme Swift : Non, je n'en ai pas.

Le président : Il est presque 17 h 10, chers collègues. Sénateur Ringuette, vous pouvez peut-être poser une dernière question.

Le sénateur Ringuette : Il m'en faut deux.

Le président : Elles seront sans doute courtes.

Le sénateur Ringuette : J'ai tiré ce document du site web de l'Association des banquiers canadiens. Il date de janvier 2009. On y dit clairement que les comptes en souffrance ne représentent que 1 p. 100 des cartes de crédit Visa et MasterCard; ce qu'ils vous ont dit est bien différent de ce qu'ils déclarent sur leur site web.

Mme Swift : Je ne sais pas quel est le pourcentage.

Le sénateur Ringuette : Voilà qui clarifie les choses. La situation des cartes de débit est un problème important et nous espérons avoir des réponses.

Au cours des six derniers mois, MasterCard et Visa ont modifié leur commission d'interchange. Comment ont-elles justifié les tarifs préférentiels accordés à certains détaillants, comme les stations d'essence?

Mme Swift : Les entreprises doivent faire accepter leur carte par les différents secteurs. Je crois qu'elles fixent leur taux selon ce que le marché peut accepter, à leur avis. Les taux varient selon les différents secteurs. On ne s'y retrouve plus, car les taux sont fixés à partir de facteurs comme l'opération moyenne, et cetera.

Dans le cas des stations-service, on se fonde sur la taille moyenne des opérations.

Le président : Merci, sénateur Ringuette. Je vous remercie de votre coopération.

Madame Swift, vous avez souligné que Visa et MasterCard ne sont pas des entreprises canadiennes. Nous avons un système bancaire différent de celui des États-Unis. Pouvez-vous me dire, rapidement, si vous pensez que cette différence est positive ou négative, si elle vous aide à résoudre les problèmes de vos membres, ou si elle n'a aucune incidence?

Mme Swift : C'est une bonne question. Je ne crois pas qu'il y ait de réponse facile, mais j'essaierai d'être brève.

J'ai toujours dit que le secteur bancaire était une véritable jungle aux États-Unis. Il y a beaucoup de joueurs. Quand les temps sont bons, cela peut être un avantage. Les banques communautaires sont mieux placées pour faire affaire avec les petites entreprises, tout simplement parce qu'elles connaissent bien la collectivité. Nous avons des banques populaires au Canada.

Le président : Je parle plutôt de cartes de crédit et de cartes de débit.

Mme Swift : Étant donné que la surveillance est beaucoup plus concentrée au Canada, elle est sans doute meilleure et c'est ce qui nous a permis d'éviter de tomber dans le piège dans lequel les joueurs américains sont tombés. La situation canadienne est sans doute bien préférable.

Le président : Qu'en est-il des frais?

Mme Swift : En ce qui concerne les frais, il n'y a pas beaucoup de différence. Par exemple, les frais exigés aux États- Unis sont comparables à ce que l'on observe au Canada.

Le président : Merci. Je vous remercie de votre coopération lors de vos réponses et de votre présentation.

[Français]

Le président : La deuxième partie de notre rencontre ce soir touche les systèmes de cartes de crédit et de débit au Canada, mais cette fois-ci dans la perspective des émetteurs de cartes de crédit.

[Traduction]

Selon la Banque des règlements internationaux, il y avait 64,5 millions de cartes de crédit en circulation au Canada en 2007. Une étude de la Banque du Canada a révélé qu'en 2006, les dépenses des Canadiens effectuées avec leurs cartes de crédit représentaient 214,7 milliards de dollars.

Pour cette deuxième heure, pour en apprendre davantage sur les cartes de crédit, nous entendrons le point de vue d'un organisme qui représente les plus grands émetteurs de cartes de crédit du Canada. Nous sommes heureux de recevoir les représentants de l'Association des banquiers canadiens. Ce n'est pas la première fois qu'ils comparaissent et nous sommes heureux de les revoir. Il s'agit de Nancy Hughes Anthony, présidente et chef de la direction, de Terry Campbell, vice-présidente, Politiques, et de Darren Hannah, directeur, Opérations bancaires.

Sans plus tarder, je vous souhaite la bienvenue. Merci d'être venus, vous avez la parole.

[Français]

Nancy Hughes Anthony, présidente et chef de la direction, Association des banquiers canadiens : Merci monsieur le président de votre invitation. Nous avons apporté une pochette d'information que vous avez devant vous j'espère.

[Traduction]

Afin de gagner du temps, j'essaierai d'être brève. Je ne vais pas lire en détail l'exposé que vous avez sous les yeux. J'essaierai de résumer. Lorsque nous avons comparu il y a quelques semaines, nous vous avons parlé des banques et de leur rôle dans la crise économique. Certains de ces éléments figurent dans le document que nous vous avons remis aujourd'hui. Pour gagner du temps, je vais aller encore plus vite.

Il est important de remarquer que la crise des marchés financiers internationaux a une incidence sur nos banques. Plus précisément, lorsque l'on regarde le coût du crédit, il est certain que les banques vivent des difficultés.

Le fait est qu'il existe une nouvelle réalité dans le marché du crédit, ici et à l'échelle internationale. Certains types de crédit — comme le papier commercial, le marché de la titrisation, le marché obligataire — ne fonctionnent plus adéquatement dans le monde. Cela se traduit par un coût relativement plus élevé que par le passé. Cette situation a des répercussions sur le coût global d'emprunt des banques et, par conséquent, un impact sur le consommateur, surtout en ce qui a trait aux emprunts à moyen et à long termes.

Le risque est un autre facteur qui influe sur les taux fixés par les banques à l'égard de leurs prêts. Nous sommes en période de récession et cette situation a une incidence sur la solvabilité des clients — tant des particuliers que des entreprises. En tant que prêteurs prudents, les banques doivent ajuster leur tarification afin de tenir compte de cette nouvelle réalité en matière de risque.

Voilà les facteurs qui déterminent le coût du crédit. Je sais que bon nombre de personnes pensent que la Banque du Canada détermine le coût du crédit. Ce n'est pas le cas. Le taux fixé par la Banque du Canada intervient dans moins de 1 p. 100 des fonds empruntés par les banques. Il s'agit du taux de financement à un jour à court terme.

La crise financière mondiale a aussi fait en sorte que nos banques ont accru leurs provisions pour perte sur créance. Dans les premiers rapports trimestriels des six grandes banques du Canada, publiés en février et en mars, le montant des provisions pour perte sur créance s'élevait à près de 2,5 milliards de dollars, soit une hausse de 124 p. 100 par rapport à l'année précédente. On peut donc en conclure que le système bancaire du Canada n'est pas à l'abri des événements du marché mondial des capitaux.

En ce qui concerne le marché des cartes de paiement, les consommateurs et les entreprises bénéficient, à mon avis, de la concurrence et du choix énormes qui existent dans ce marché. Même si nous mettons l'accent aujourd'hui sur les cartes de crédit, il ne s'agit pas du seul mode de paiement dont disposent les consommateurs. Les cartes de paiement sont une forme de paiement que les consommateurs peuvent choisir lorsqu'ils décident de la manière dont ils effectueront un achat. Ces cartes rivalisent avec l'argent comptant, les chèques, les cartes de débit ainsi que les services de paiement électronique non réglementés comme PayPal. C'est au consommateur de décider des modes de paiement qu'il utilisera et c'est au propriétaire de l'entreprise de décider des modes de paiement qu'il acceptera. Cette décision est bien entendu importante pour les propriétaires.

Les cartes de crédit sont avant tout un outil de paiement pratique et sécuritaire. À ce titre, elles offrent de nombreux avantages aux consommateurs. Il y a une période sans intérêt entre l'achat et le paiement dont la durée dépend de la carte, dans la mesure où le solde est payé en totalité à la date d'échéance.

Il y a aussi la question du choix : des centaines d'institutions, y compris des détaillants, des coopératives de crédit et des banques, offrent les principales cartes de crédit au Canada. Certaines institutions offrent plusieurs genres de cartes. Certaines cartes offrent des récompenses, d'autres sont des cartes de fidélité et d'autres encore sont assorties d'options ordinaires à faible taux. Évidemment, l'autre avantage dont on profite dans une certaine mesure, c'est la vaste utilisation mondiale de ces cartes. Elles sont acceptées à plus de 30 millions d'endroits dans le monde.

Lorsqu'il s'agit des taux d'intérêt des cartes de crédit, on constate beaucoup de désinformation et de confusion sur ce que paient vraiment les Canadiens. La vaste majorité des Canadiens ne paient en réalité aucun intérêt. En effet, 70 p. 100 des ménages canadiens remboursent régulièrement la totalité du solde de leur carte de crédit chaque mois, de sorte que leur taux est égal à zéro. Cette information est tirée d'une étude récente réalisée par le Boston Consulting Group, qui pourrait être distribuée aux membres du comité.

Le sénateur Fox : Ce n'est pas le cas pour les avances de fonds. Les consommateurs paient des intérêts, au taux maximum, à partir de la date de la transaction.

Mme Hughes Anthony : Oui, mais c'est leur choix.

Le sénateur Fox : On ne peut pas dire qu'ils ne paient pas d'intérêt.

Mme Hughes Anthony : Je parle des achats au détail.

Le sénateur Fox : Si les consommateurs remboursent leur solde avant la date limite, ils ne paient pas d'intérêt, mais ce n'est vrai que pour les achats au détail. N'est-ce pas?

Mme Hughes Anthony : Oui, c'est exact — seulement les achats au détail.

Il est intéressant de souligner que le revenu n'est pas un facteur permettant de déterminer qui rembourse la totalité du solde de ces cartes de crédit. Statistique Canada a révélé que le pourcentage des familles à revenu faible, moyen et élevé qui remboursent la totalité de leur solde chaque mois est à peu près le même. Ce point est important.

Dans le cas des clients qui conservent un solde, le marché offre plus de 60 cartes à faible taux. Il y a des cartes à taux préférentiel majoré sur le marché. Les banques font figure de chefs de file dans le développement de ces cartes à faible taux. Si un consommateur a de la difficulté à régler les paiements de sa carte de crédit, nous l'encourageons à discuter avec sa banque, car il existe des options, comme des marges de crédit et d'autres produits d'emprunt à long terme. L'objectif est de les aider à mieux gérer leurs finances afin de maintenir une bonne cote de crédit et de continuer à leur accorder du crédit. Bon nombre de Canadiens savent qu'ils ont le choix lorsqu'il s'agit d'emprunter et de gérer leur crédit. Ils prennent des décisions judicieuses en matière de crédit, comme celle d'avoir de plus en plus recours à des produits de crédit à faible coût dans les situations où c'est approprié.

Il y a autant de raisons de posséder une carte de crédit qu'il y a de types et de variétés de cartes. Avec autant de choix sur le marché, les Canadiens disposent d'une formidable ressource. Monsieur le président, je crois que vous avez reçu le commissaire de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada. L'ACFC présente dans son site web une liste exhaustive de cartes, de caractéristiques et de taux d'intérêt. Il s'agit d'un excellent outil dont nous faisons la promotion dans notre site Web.

Il est important de souligner qu'outre les banques, de nombreuses autres institutions et organisations émettent et distribuent des cartes de crédit. J'ai parlé des grands magasins, des coopératives de crédit, des sociétés pétrolières et des caisses populaires. Les émetteurs non bancaires représentent une importante proportion de l'ensemble des émetteurs de cartes de crédit du Canada. J'encourage le comité à examiner la totalité du marché des cartes de crédit dans le cadre de l'étude.

Un certain nombre de facteurs influent sur les frais et les taux. Les consommateurs ont accès à un crédit non garanti. Aucune auto ou maison n'est offerte en garantie. Évidemment, une telle carte représente un plus grand risque pour l'émetteur de cartes de crédit. Des coûts importants sont associés à l'exploitation d'un système de cartes de crédit, dont le traitement d'un grand volume de transactions, la technologie qui doit constamment être mise à jour pour permettre les transactions, la préparation et l'envoi des relevés, la perception des paiements et les coûts liés aux programmes de récompenses.

Un coût important découle de la fraude et de l'indemnisation des clients. Les banques doivent investir dans la prévention, la détection et les enquêtes pour protéger leurs clients. Lorsqu'il y a fraude, les clients n'assument aucune responsabilité. En 2008, les institutions financières ont remboursé à leurs clients canadiens titulaires d'une carte de crédit ou de débit plus d'un demi-milliard de dollars, représentant les pertes subies par ces clients en raison d'activités criminelles.

Monsieur le président, je parlerai brièvement des cartes de débit. Nous sommes heureux que le comité examine le système de paiement dans son ensemble, en y incluant les cartes de débit. Les clients sont mieux servis par un marché ouvert et concurrentiel. Le système actuel de cartes de débit profite aux Canadiens. Il doit croître et évoluer pour répondre aux besoins d'une économie mondiale plus intégrée. Nous appuyons l'idée que les consommateurs jouissent de choix dans ce marché parce que le choix est également une tendance importante à l'échelle internationale et que les Canadiens ne doivent pas être laissés pour compte.

Monsieur le président, par souci de brièveté, je vais laisser tomber le reste de mes remarques.

[Français]

J'aimerais revenir à ce que j'ai dit au départ : les banques du Canada sont solides et sécuritaires et les Canadiens demeurent confiants dans leur système bancaire.

[Traduction]

Notre dynamique marché des cartes de crédit fait partie de ce système bancaire stable. Il offre un choix et une concurrence énormes qui profitent aux clients et aux entreprises.

Je répondrai maintenant à vos questions.

Le président : Madame Hughes Anthony, nous vous remercions de la clarté et de l'utilité de votre exposé.

Le sénateur Massicotte : Je parlerai d'abord des frais d'intérêt. On pourrait dire que si le marché est concurrentiel, le client en a pour son argent parce qu'il peut faire un choix. Revenons à la base. J'essaie de savoir quel est le taux d'intérêt moyen pour les comptes en souffrance. Il doit être de 12 à 13 p. 100. Certaines cartes sont à 18 p. 100 et d'autres à 8 p. 100. Quel est le coût pour l'émetteur lorsqu'il émet une carte de crédit? Nous savons tous qu'un pour cent des comptes sont en souffrance après 90 jours, mais cela ne signifie pas que le taux de défauts de remboursement est de un pour cent.

Mme Hughes Anthony : Nous avons une mise à jour à ce sujet à présenter au sénateur.

Le sénateur Massicotte : Les données démontrent que 70 p. 100 des gens remboursent leur solde à temps, alors le un pour cent doit provenir des 30 p. 100 qui ne remboursent pas à temps. S'il y a 70 p. 100 des gens qui remboursent leur solde à temps, ils ne paient pas d'intérêt, et l'émetteur de cartes de crédit doit payer pour ce crédit gratuit qu'il a offert. Avec ce pourcentage, j'en arrive à un coût de 1,5 p. 100. Les coûts liés au défaut de remboursement des 30 p. 100 se montent à 2 ou 3 p. 100. Vous avez parlé des 500 millions de dollars perdus aux mains de fraudeurs qui ont été remboursés l'an dernier, divisés par les 217 milliards de dollars de transactions. Ce coût revient à environ 0,25 p. 100.

Lorsque j'additionne ces coûts, j'obtiens un coût de 3 à 4,5 p. 100 pour l'émetteur de cartes de crédit. J'imagine que le 2 p. 100 que l'émetteur reçoit couvre les frais de transaction. J'image que les frais équivalent au coût de transaction. J'en arrive à un coût de 4 p. 100 pour les éléments que je connais et les banques paient environ de 4 à 5 p. 100 pour les fonds, les débentures convertibles qui sont émises, alors comment en arrive-t-on à 16 ou 19 p. 100 — le taux d'intérêt actuel des cartes. Comment en arrive-t-on à un taux d'intérêt juste? Il doit me manquer des renseignements.

Mme Hughes Anthony : Il y a quelques points à discuter. Je vais demander à mon collègue, monsieur Campbell, d'examiner la situation. Il est extrêmement difficile de faire des généralisations à moins que nous ne choisissions qu'une carte de crédit. Il y a de nombreuses cartes de crédit sur le marché, certaines offertes par des banques ou des sociétés à vocation unique comme American Express.

Le sénateur Massicotte : Quel est le taux d'intérêt moyen de vos banques membres?

Mme Hughes Anthony : Il nous faudrait prendre en compte plusieurs centaines de cartes pour établir une moyenne.

Le sénateur Massicotte : Utilisez les cinq grandes banques.

Terry Campbell, vice-président, Politiques, Association des banquiers canadiens : Le taux de défauts de remboursement est affiché dans notre site web, mais il date de la fin du mois d'octobre. Il était exact à ce moment- là, mais nous ne l'avons pas mis à jour. À la fin du mois de janvier, la Dominion Bond Rating Service, la DBRS, l'agence d'évaluation de crédit, évaluait le taux de défauts de remboursement de 90 jours à 4,5 p. 100. Nous voyons les conséquences de la récession. Il est difficile d'en arriver à une moyenne parce qu'il faudrait prendre en compte les diverses utilisations et les cartes à faible taux.

Le taux normal des cartes est d'environ 18 p. 100. Il faudrait examiner l'utilisation de la carte pour en faire la pondération, et ce serait une tâche extrêmement difficile à accomplir.

Pour en revenir à ce que vous disiez, mon collègue, M. Hannah, aurait peut-être quelque chose à ajouter. Il faut garder un certain nombre de choses en tête. Comme on l'a dit un peu plus tôt, les clients peuvent choisir d'activer ce crédit non garanti 24 heures par jour et sept jours par semaine quel que soit l'endroit où ils se trouvent dans le monde. Ce type de crédit est sans intérêt pendant une certaine période, peut-être même à jamais.

L'autre chose, c'est que les compagnies de cartes de crédit disposent de mécanismes de prévention de la fraude considérables, et ces chiffres augmentent également. Ils ne sont pas statiques, comme Mme Hughes Anthony l'a mentionné précédemment.

Le principal, c'est que nous devons prendre le contrepied. Les clients veulent une carte de crédit avec certaines caractéristiques précises. J'ai une carte de crédit à faible taux dans ma poche parce que je traîne un solde. Mon épouse rembourse complètement les achats facturés à sa carte de crédit à la fin de chaque période. Nous avons choisi des cartes qui correspondent à nos critères. Si les consommateurs n'aiment pas une carte, ils peuvent en choisir une autre.

Mme Hughes Anthony : Il est également difficile de faire le genre de calculs que vous avez faits, sénateur. Des coûts sont engagés, de toute évidence, parce que les fournisseurs de cartes doivent verser les récompenses promises pour chacun des types de cartes. Ils doivent maintenir un certain type de système. Ce n'est peut-être pas apparent dans les diagrammes que l'on vous a distribués, aussi utiles soient-ils, mais les fournisseurs paient des frais de transaction aux sociétés émettrices de cartes comme Visa et MasterCard.

Le sénateur Massicotte : Vous pensez que les coûts de transaction ne sont pas couverts par les frais de 1,5 p. 100 ou de 2 p. 100 qu'ils imposent?

Mme Hughes Anthony : Une myriade de frais sont déboursés de part et d'autre dans le système.

Le sénateur Massicotte : Cela représente une partie du problème.

Mme Hughes Anthony : Monsieur le président, je pense que demain, vous entendrez le point de vue des acquéreurs, vers qui se tournent en premier les gens qui veulent savoir comment s'y prendre pour démarrer une petite entreprise de nettoyage à sec. La première question qui se pose est la suivante : le marchand devrait-il accepter les cartes de crédit? Ensuite, il doit s'adresser à un intermédiaire, un acquéreur. Demain, un groupe d'acquéreurs expliquera au comité exactement comment circulent les fonds entre les marchands, les acquéreurs et les compagnies Visa et Master Card, si l'on parle de cartes Visa et MasterCard, bien sûr.

J'aimerais bien disposer de chiffres précis.

Le sénateur Massicotte : Pouvez-vous nous envoyer une liste sommaire des dépenses par type de cartes et des catégories de coûts?

Mme Hughes Anthony : Nous ne disposons pas de cette information.

M. Campbell : Non seulement nous ne disposons pas de ces renseignements, mais ils seraient considérés confidentiels.

Le sénateur Massicotte : Pouvez-vous nous fournir une moyenne pour les cinq grandes banques?

Mme Hughes Anthony : Je ne crois pas que nous pourrions avoir accès aux systèmes comptables des banques afin de calculer cette moyenne. Je le ferais si je disposais de l'information nécessaire.

Le sénateur Massicotte : Le groupe d'experts précédent a déclaré que le fait que les marchands n'étaient pas à la table des négociations lorsque les compagnies émettrices de cartes de crédit avaient opté pour le taux de 2 p. 100, constituait un grave problème. Les marchands paient des frais, mais les consommateurs ignorent tout de leur existence. Même l'Organisation de coopération et de développement économiques a affirmé, dans son volumineux rapport de 2006, qu'il s'agissait d'un problème majeur à l'échelle mondiale qui devait être réglé. L'OCDE a même recommandé que le Bureau de la concurrence permette aux marchands de se regrouper pour négocier un meilleur tarif.

Les membres de votre organisation vous ont-ils dit que les marchands avaient le choix? Peuvent-ils accepter l'argent comptant? Peuvent-ils afficher clairement qu'ils accordent un rabais de 2 p. 100 si les clients paient en argent comptant?

Mme Hughes Anthony : Cela me surprend, parce que je crois qu'ils peuvent offrir un escompte au comptant. Je ne sais pas de quel genre de contrat Mme Swift parlait. Je ne connais pas la teneur de ces ententes. Nous pensions que les commerçants pouvaient offrir un escompte au comptant. J'ai peut-être tort, mais c'est ce que nous avions cru comprendre.

Le sénateur Massicotte : Dans votre mémoire, vous affirmez que les commerçants peuvent choisir l'argent comptant.

M. Campbell : C'est vrai, à notre avis.

Le président : Les commerçants ont-ils toujours le choix, ou cela dépend-il du contrat, certains seulement permettant d'offrir un rabais aux clients qui paient en argent comptant?

Mme Hughes Anthony : Nous ne sommes pas au courant du genre de contrat dont disposait Mme Swift. Monsieur Hannah, pourriez-vous préciser ce que nous savons?

Darren Hannah, directeur, Opérations bancaires, Association des banquiers canadiens : À notre avis, les règles de Visa et de MasterCard n'interdisent pas cette pratique. Je ne peux toutefois pas me prononcer sur les règles ou les ententes convenues bilatéralement entre les commerçants et leurs acquéreurs.

Le sénateur Massicotte : Peuvent-ils en faire la promotion? Je sais qu'ils peuvent accepter l'argent comptant, mais peuvent-ils installer une affiche expliquant que si les clients paient en argent comptant, ils recevront un rabais de 2 p. 100?

M. Hannah : Si j'ai bien compris Mme Swift, elle parlait des modalités des ententes entre le commerçant et l'acquéreur. Il s'agit d'ententes bilatérales négociées au cas par cas. En bref, je n'ai pas de réponse satisfaisante à vous donner.

Mme Hughes Anthony : Il est possible que les entreprises qui comparaîtront devant le comité demain puissent vous fournir des précisions.

Le sénateur Massicotte : Elle a répondu que l'émetteur de la carte, le plus important négociateur, reçoit un important pourcentage des frais.

Mme Hughes Anthony : Les banques ne prennent absolument pas part à ce genre de négociation.

Le sénateur Massicotte : Les frais ne seraient donc pas imposés par les banques?

Mme Hughes Anthony : Deux acquéreurs appartenant à des banques comparaîtront devant vous cette semaine. Il y a au moins cinq grands acquéreurs. Les autres sont des entreprises américaines, comme Chase Paymentech et Global Tech. Il s'agit d'importantes entreprises.

Le sénateur Ringuette : Madame Hughes Anthony, vous avez raison de dire que Visa et MasterCard ne signent pas de contrat avec les commerçants. Ce sont les acquéreurs, appartenant en grande partie aux banques canadiennes, qui établissent les frais et les contrats. Les contrats stipulent que les commerçants ne peuvent pas faire d'annonce, quelle qu'elle soit, ni refuser une carte de crédit ou de débit. Je tenais à confirmer ce que vous aviez dit. Merci.

Le sénateur Moore : Merci encore d'être venus aujourd'hui. À titre d'information pour la population canadienne, qu'est-ce qu'un acquéreur?

Mme Hughes Anthony : La chaîne dans le monde des cartes de crédit est complexe.

Comme je l'ai dit, si quelqu'un met sur pied une entreprise et veut accepter les cartes de crédit, la première chose à faire est de choisir un acquéreur, puisqu'il s'agit de l'entreprise qui fournit l'équipement permettant l'utilisation des cartes de crédit ou de débit. On a le choix entre divers acquéreurs. Si le commerçant choisit Global Paymentech, par exemple, l'entreprise lui propose MasterCard, Visa ou même Amex, et lui demande ce qu'il préfère.

Il s'agit donc d'une discussion entre les acquéreurs et les commerçants. Le comité entendra demain deux de ces acquéreurs.

Le sénateur Massicotte : À la page 3 du document que vous nous avez remis, sous « Concurrence et choix — pour les consommateurs et les entreprises », au troisième paragraphe, vous indiquez : « Tout comme les consommateurs peuvent choisir la forme de paiement qu'ils veulent utiliser, les entreprises peuvent choisir la forme de paiement qu'elles souhaitent accepter. Les entreprises peuvent accepter l'argent comptant, les chèques, les cartes de crédit ou les cartes de débit. Elles peuvent accepter certaines marques de cartes de crédit et en refuser d'autres. » Est-ce exact?

Mme Hughes Anthony : Je pense qu'il y a eu confusion avec les témoins précédents. Nous ne savons rien d'autre que ce que nous avons précisé au sujet de la promotion de l'argent comptant.

Le sénateur Massicotte : Vous avez affirmé également que les commerçants peuvent offrir un escompte au comptant.

Mme Hughes Anthony : C'est exact.

Le sénateur Massicotte : À votre connaissance, est-ce vraiment le cas? Pouvez-vous nous le confirmer?

Mme Hughes Anthony : Nous pouvons certainement confirmer que c'est l'entente entre nos membres et Visa et MasterCard. On ne peut toutefois pas rencontrer tous les acquéreurs pour déterminer ce qu'ils négocient avec les commerçants.

M. Campbell : Si vous voulez savoir si un commerçant peut choisir de refuser les cartes MasterCard mais d'accepter les cartes Visa, de n'accepter aucune carte de crédit ou seulement les cartes de débit, il n'en tient en effet qu'à eux. Il est possible que dans un magasin donné, un consommateur ne puisse utiliser que sa carte de débit. Les commerçants peuvent refuser les cartes de crédit, ou l'inverse.

Le sénateur Massicotte : Peuvent-ils accepter certaines cartes Visa, mais pas toutes?

M. Campbell : Cette règle est différente, vous devriez poser la question à Visa et à MasterCard.

Le sénateur Massicotte : La question de l'escompte est également importante.

Mme Hughes Anthony : Les représentants de Visa et de MasterCard comparaîtront devant vous. Si nous comprenons bien, selon leurs règles, les commerçants doivent honorer toutes les cartes. S'ils ont un accord avec Visa, ils doivent accepter toutes les cartes Visa, mais ils peuvent refuser les cartes MasterCard ou Amex.

Le sénateur Moore : Quel pourcentage de cartes de crédit en circulation sont émises par des banques?

M. Hannah : Environ 92 p. 100.

Le sénateur Moore : Vous n'avez pas fourni ces renseignements dans votre mémoire. Or, cette donnée me semble importante. Votre organisation représente-t-elle les cinq banques?

Mme Hughes Anthony : Non, permettez-moi de préciser que nous représentons 50 banques. Les 92 p. 100 en question comprennent d'autres banques membres, comme la Banque Amex du Canada, les grandes banques dont vous avez parlé, la Banque Canadienne de l'Ouest, la Banque Laurentienne, et cetera.

Le sénateur Moore : De ces 92 p. 100, quelle proportion est émise par les cinq grandes banques?

M. Hannah : Dans l'ensemble — et non pas en se basant sur les 92 p. 100 —, les 6 plus grandes banques, y compris la Banque Nationale, représentent 56 p. 100 du marché.

Le sénateur Moore : Je trouve intriguant que vous n'ayez pas fourni une annexe. Ces 6 banques représentent 56 p. 100, soit plus de la moitié. Pourquoi ne pas avoir ajouté une fiche d'information sur les caractéristiques des différentes cartes de chacune de ces banques?

Mme Hughes Anthony : Ces renseignements sont accessibles sur le site Web de l'ACFC. Il y a des centaines de cartes.

Le sénateur Moore : Vous êtes l'Association des banquiers canadiens, mais vous ne disposez pas de ces renseignements. C'est étrange, puisque cela devrait relever de vous.

Mme Hughes Anthony : Non, le marché des cartes de crédit est de toute évidence extrêmement concurrentiel.

Le sénateur Moore : Toutefois, vous êtes l'Association des banquiers canadiens. C'est l'organisation que vous représentez.

Mme Hughes Anthony : Cette information figure sur le site de l'ACFC, qui renseigne bien les consommateurs.

Le sénateur Moore : Si cette agence n'existait pas, auriez-vous les renseignements en question?

Mme Hughes Anthony : Probablement.

Le sénateur Moore : Le sénateur Massicotte a abordé la question de la répartition des frais. Les programmes de récompenses à valeur ajoutée représentent quel pourcentage des frais?

Je ne crois pas que les consommateurs comprennent bien toutes ces caractéristiques.

Mme Hughes Anthony : Je ne pense pas que nous disposions de ces renseignements. Il faudrait que je sache de quels frais vous parlez, puisqu'il s'agit de tout un système...

Le sénateur Moore : Vous avez dit que des « coûts importants » y étaient associés. Je pense qu'il s'agit bien là de frais.

Mme Hughes Anthony : Nous ne saurions le dire, sénateur. Nous n'avons pas accès au registre de chacun de nos membres. Il nous est donc impossible de déterminer à combien s'élèvent ces coûts. Le pourcentage varierait probablement selon la banque, la carte et le mois. Les statistiques présentées plus tôt par Mme Swift ont piqué ma curiosité, mais je les entendais pour la première fois.

Le sénateur Moore : Je crois qu'il s'agit d'un élément important.

Cela me surprend. L'industrie a grandi au fil des années. J'aurais cru que quelqu'un aurait fait le suivi et aurait pu nous fournir ces chiffres.

[Français]

Le sénateur Fox : Merci, monsieur le président, j'ai une seule question dans la foulée des questions posées par le sénateur Massicotte. Vous avez dit que 70 p. 100 des détenteurs des cartes de crédit acquittent complètement leur carte à l'intérieur des 30 jours ou à peu près 30 jours qui sont permis. Ils ne paient aucun intérêt si c'est payé comptant. On sait très bien qu'il y a eu des avances de fonds, même pour ces gens et qu'il y a des coûts associés à cela, mais eux ne les paient pas. Il y a un coût de financement qu'eux n'assument pas. Il y a 30 p. 100 des gens qui ne paient pas leur carte à tous les mois et qui paient des frais d'intérêt assez substantiels. Et si je comprends bien, c'est ce 30 p. 100 qui financent les coûts d'achat de leur propre produit et les coûts d'achat des produits des 70 p. 100 des gens qui ont payé comptant à l'intérieur de 30 jours, les coûts du système et les profits du système. N'est-ce pas une question d'équité? Vous prenez le premier 30 p. 100 et ce sont eux qui assument les coûts, à moins que je ne comprenne pas quelque chose de mon équation.

Mme Hughes Anthony : Pas nécessairement. Je pense qu'il y a aussi certaines cartes de crédit qui sont des cartes d'affaires où il y a certains frais annuels, par exemple, que les gens acceptent de payer parce qu'ils veulent certains bénéfices.

Le sénateur Fox : Ce sont les bénéfices.

Mme Hughes Anthony : C'est un revenu pour les banques, ces personnes qui choisissent de payer un frais annuel pour leur carte de crédit.

Le sénateur Fox : Tenons pour acquis que les frais annuels paient pour les assurances, les « airs miles », les « aéroplans » et cadeaux de toutes sortes. Si cet argent couvre cela et les banques font un certain profit avec cela — elles en ont le droit —, il n'en demeure pas moins que 30 p. 100 des clients financent l'ensemble. C'est ce qui expliquerait les taux d'intérêt exorbitants qui ne descendent pas. Vous dites que les taux d'intérêt de la Banque du Canada n'ont rien à faire avec le coût du crédit, mais les dépôts bancaires ont quelque chose à voir avec les fonds disponibles dans les banques. Les dépôts bancaires sont en ce moment, on le sait par les entrées des revenus dans les banques canadiennes, très élevés et dans les fonds monétaires aussi. On a encore des coûts extrêmement chers sur les cartes de crédit qui n'ont pas diminué.

Je soupçonne que les 30 p. 100 des gens qui ont le plus de difficultés à payer leur carte sont ceux qui paient en bonne partie pour les 70 p. 100 qui n'ont aucun problème à payer leur carte.

[Traduction]

M. Campbell : Pour les gens qui acquittent complètement le solde de leur carte, il y a des frais d'infrastructure, comme vous le dites, et ces coûts dépendent du consommateur. En effet, les consommateurs peuvent choisir la carte qui leur convient. S'ils décident de payer leur solde pour éviter les intérêts, il n'en tient qu'à eux. Toutefois, s'ils choisissent de reconduire leur dette, ils se servent de leur carte comme d'un prêt, et non comme d'un mode de paiement.

Dans ce cas, ils utilisent peut-être la mauvaise carte et ils devraient envisager d'autres options. Différents outils s'offrent à eux, par exemple, le site de l'ACFC. Les banques disent aux gens que s'ils ont des problèmes, ils doivent venir les rencontrer pour trouver le produit qui leur convient. On peut leur offrir une carte de crédit à moindres frais, ou un produit de crédit différent.

Les consommateurs ont le choix. Le système est basé sur la circulation des revenus. Toutefois, les 30 p. 100 de consommateurs qui ne règlent pas leur solde ont à leur disposition diverses options pour réduire leurs coûts.

Le sénateur Fox : Avec tout le respect que je vous dois, vous avez laissé passer l'essentiel et la question se pose toujours.

Le sénateur Goldstein : Merci à nos témoins. À de rares exceptions près, vos témoignages nous sont toujours utiles. Nous sommes heureux de vous entendre.

Ce qui m'inquiète, ce sont les cartes de crédit, parce que, si je comprends bien, elles sont utilisées principalement dans les épiceries et les stations-service.

Ces cartes étaient utiles aux consommateurs puisqu'aucuns frais n'y étaient associés, mais Interac, qui de fait gère toutes les cartes de débit, cherche maintenant à changer son statut, comme vous le savez.

Je vais être direct, moins diplomatique. Est-il vrai que la seule et unique raison pour laquelle Interac veut changer son statut, c'est pour que ses activités deviennent profitables plutôt que neutres? J'ai une autre question : si cela se produit, est-ce que ce seront les consommateurs qui devront payer la note?

Mme Hughes Anthony : Je pense que vous avez également invité Mark O'Connell à témoigner. Il sera en mesure de vous parler du plan d'affaires d'Interac. En vertu de son ordonnance par consentement actuelle, Interac — il s'agit d'une sorte d'association puisqu'environ 65 entités dépendent du système Interac — peut innover et fournir le genre de services que les consommateurs réclament, par exemple, la possibilité pour les Canadiens d'utiliser leur carte de débit à l'étranger, d'effectuer certaines transactions sur Internet, et ainsi de suite. C'est le genre de choses qu'elle a dit devoir être en mesure d'offrir.

Je pense que le changement demandé vise plutôt à commercialiser les activités de l'entreprise. C'est ce que j'en comprends. Je ne peux toutefois pas parler au nom de M. O'Connell, qui comparaîtra lui-même devant vous. Le système sert bien les Canadiens, mais il est limité sur le plan technique, par exemple, en ce qui concerne la capacité des Canadiens à voyager et à se servir de leur carte de débit à l'étranger.

Le sénateur Goldstein : Avec tout le respect que je vous dois, madame Hughes Anthony, vous n'avez pas répondu à ma question. Ma question est la suivante : qui paiera?

Mme Hughes Anthony : J'ai écouté Mme Swift, pour qui j'ai le plus grand respect, parler des frais ou des taux. De nombreuses suppositions ont été émises au sujet de ces taux. Je ne peux formuler aucune observation à ce sujet. Interac devra expliquer les structures d'établissement des coûts et leur façon de fonctionner. C'est à l'entreprise de fournir ces renseignements.

Le sénateur Goldstein : Essayons à nouveau. Peu importe ce que seront les taux — que ce soit 1 p. 100 ou 90 p. 100 —, qui devra payer?

Mme Hughes Anthony : Les transactions effectuées par carte de débit sont différentes. Vous les avez décrites de façon absolue. Dans le cadre de cette transaction, le consommateur retire de l'argent de son compte bancaire, de sorte qu'au bout du compte, c'est lui qui paiera. Cela ne fait aucun doute. Nous devons garantir la compétitivité du marché.

C'est intéressant. Sénateur, vous dites que les gens utilisent leur carte de débit pour acheter de la nourriture. J'utilise ma carte de débit pour acheter des aliments, mais chez Loblaws, je vois des gens utiliser des cartes de crédit pour acheter les aliments parce qu'ils veulent accumuler des points, ou peu importe, sur leurs cartes. Cela démontre l'utilisation de différentes cartes et la concurrence entre elles. D'après ce que je sais au sujet d'Interac, l'entreprise veut s'assurer de pouvoir être concurrentielle. C'est à elle de vous dire ce que seront ses coûts.

Le sénateur Goldstein : Permettez-moi de poursuivre en abordant un nouveau sujet. La transaction par laquelle j'achète quelque chose avec ma carte de crédit est décrite comme étant un prêt sans intérêt de facto, jusqu'à ce que je rembourse mon compte de carte de crédit. En théorie, je pourrais faire ce paiement 52 jours après la transaction, si celle-ci a lieu le premier jour du cycle. Je comprends que le montant est dû pendant 52 jours et que si je fais le paiement avant le jour 52 et que l'entreprise le reçoit avant ce jour-là, il n'y a aucun intérêt sur le montant.

Par contre, quel est le délai moyen pendant lequel le marchand doit attendre le paiement, si j'achète quelque chose le premier jour du cycle? Le marchand n'est pas remboursé le matin suivant; combien de temps doit-il attendre avant d'être payé?

M. Hannah : Ce paiement serait fonction de la relation du marchand et de l'acquéreur. Je leur poserais la question lorsqu'ils seront ici, demain.

Le sénateur Raine : On nous a dit que Visa et MasterCard songeaient à se lancer dans les cartes de débit. J'ai du mal à comprendre comment ils procéderaient, parce que selon moi, la transaction par carte de débit se fait entre la personne qui a de l'argent en banque et souhaite y avoir accès directement, et la banque. Pourquoi voudrait-on faire affaire avec une tierce partie?

Mme Hughes Anthony : Il vous faudra poser la question aux représentants de Visa et MasterCard.

Le sénateur Raine : Les banques n'ont-elles pas d'opinion sur l'ingérence de Visa et MasterCard dans leur territoire?

Mme Hughes Anthony : Non.

Le sénateur Raine : Je suis stupéfaite.

Le sénateur Ringuette : Je pense que nous allons revenir sur la question des choix.

Un consommateur admissible à une carte de crédit comportant un taux d'intérêt annuel de 19 p. 100, ou un taux pouvant atteindre 24,75 p. 100, sera-t-il automatiquement admissible à une carte de crédit différente, comportant un taux de 9 p. 100, par exemple?

Mme Hughes Anthony : L'admissibilité est déterminée au cas par cas.

Le sénateur Ringuette : Vous avez dit que les consommateurs ont le choix. Je veux savoir s'ils ont le choix.

M. Campbell : Je pense que oui.

Le sénateur Ringuette : Pouvez-vous répondre à la question, alors? Le consommateur qui est admissible à une carte de crédit comportant un taux de 19 ou 24,75 p. 100 sera-t-il automatiquement admissible à une carte de crédit dont le taux est de 9 p. 100; oui ou non?

Mme Hughes Anthony : Oui.

M. Campbell : Au cas par cas, le consommateur est admissible.

Le sénateur Ringuette : Il serait admissible. A-t-il le choix, ou non?

M. Campbell : Il a tout à fait le choix.

Le sénateur Ringuette : Vous représentez 50 banques. Pour ce qui est d'une marge de crédit non garantie, une personne qui dispose d'une marge de crédit non garantie auprès de sa banque paierait entre 6 et 7 p. 100, mais jusqu'à 8 p. 100 à l'heure actuelle.

Dans votre exposé, vous dites que les cartes de crédit sont une marge de crédit non garantie à laquelle les consommateurs ont accès au besoin, comme une marge de crédit personnelle dans une banque. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi, en moyenne, l'un de ces produits comporte un taux de 6 p. 100, et l'autre, de 19 p. 100?

Mme Hughes Anthony : Il s'agit de deux choses différentes, sénateur.

Le sénateur Ringuette : Non, pas du tout.

Mme Hughes Anthony : Oui. Si les consommateurs veulent obtenir du crédit à court terme, ils choisiront le produit dont le coût est le moins élevé. Ils choisiront la marge de crédit. S'ils veulent la commodité d'une carte de paiement qui est dans leur poche lorsqu'ils en ont besoin, ils choisiront la carte de crédit.

Le sénateur Ringuette : Avec une marge de crédit, ils peuvent transporter leurs chèques, et c'est commode parce qu'ils peuvent signer un chèque, et ainsi de suite. La commodité, c'est que l'un est en papier et l'autre est en plastique. C'est la seule différence entre les cartes de crédit et les marges de crédit personnelles. Comment pouvez-vous justifier une telle différence des taux d'intérêt facturés?

M. Campbell : Sénateur, il s'agit de produits différents. Avec la carte de crédit, il y a une période d'exonération des intérêts. Avec la marge de crédit, ce n'est pas le cas.

Le sénateur Ringuette : Non, nous avions auparavant 30 jours, et maintenant c'est environ 14 jours.

M. Campbell : Il s'agit de produits différents. Les consommateurs peuvent utiliser des cartes de crédit en ligne. Ils peuvent les utiliser partout dans le monde, quand ils le veulent, 24 heures par jour, 7 jours par semaine. On ne peut pas faire cela avec une marge de crédit.

Le sénateur Ringuette : Toutefois, vous semblez oublier qu'il existe des frais d'interchange qui représentent un pourcentage de ce que les consommateurs achètent. C'est la collectivité des marchands qui doit rembourser ces frais, cet argent. Ne me dites pas que lorsque j'achète aujourd'hui et que je rembourse en 21 jours, tout ce crédit est gratuit. Ce n'est pas vrai, parce que vous recevez un pourcentage de ce que j'achète chez le marchand. C'est ce qu'on appelle la commission d'interchange.

J'ai une troisième question.

Le président : Je pense que le témoin n'a pas fini de répondre. Je me trompe peut-être.

Le sénateur Ringuette : Je veux poser quelques autres questions et je veux des réponses à ces questions également.

Le président : Les témoins pensent-ils que ce sujet est clos?

Mme Hughes Anthony : Pour une carte de crédit, comme dans le cas de toute entreprise, il y a un flux de rentrée et un flux de coût, naturellement. Ce domaine est extrêmement concurrentiel. Il existe beaucoup de choix pour les individus qui veulent une marge de crédit, mais qui ont également besoin d'une carte de crédit. Une marge de crédit et une carte de crédit sont deux choses différentes. Bien entendu, si la personne dont nous parlons ici ne veut obtenir du crédit qu'à court terme et souhaite utiliser son compte chèque chaque fois, c'est très bien. C'est ce que la personne choisit.

Mais c'est différent avec une carte de crédit. Les consommateurs peuvent obtenir une carte de crédit à faible taux d'intérêt ou à un taux préférentiel majoré pour combler ce besoin.

Le sénateur Ringuette : On m'a déjà dit que les banques obtiennent un rendement de 20 p. 100 sur tout investissement dans le marché des cartes de crédit. Je ne m'attends pas à ce que vous puissiez répondre à ma question maintenant, mais pourriez-vous vérifier auprès de vos 50 membres et nous faire parvenir une réponse, à savoir si c'est vrai ou non, ou apporter des précisions au besoin?

Le président : Pouvez-vous obtenir ce renseignement?

Mme Hughes Anthony : Non, nous ne pouvons pas obtenir ce renseignement, madame le sénateur.

Le sénateur Ringuette : Ma dernière question est plutôt une observation. Vous avez parlé au début de votre exposé du coût du crédit, de la difficulté pour vos 50 membres d'obtenir du crédit sur le marché, et cetera, et des pertes que vous essuyez en raison de la situation financière actuelle.

Selon nos renseignements, le bénéfice net au premier trimestre des six banques à charte fédérale, les grandes banques, a été de 2,104 milliards de dollars en 2008 comparativement à 3,048 milliards de dollars en 2009. Il s'agit d'une augmentation de 30 p. 100.

Mme Hughes Anthony : Monsieur le président, je dois corriger ce chiffre, qui est inexact.

Le sénateur Ringuette : Il est inexact?

Mme Hughes Anthony : Effectivement. À quelle banque faites-vous allusion, madame le sénateur?

Le sénateur Ringuette : Le chiffre nous est venu du ministère des Finances. S'il est inexact, vous devriez peut-être les appeler. Nous avons reçu ce renseignement du ministère des Finances.

M. Campbell : Madame le sénateur, vous comparez un trimestre d'une année avec un autre trimestre d'une année. Mais les profits des six grandes banques ont, en fait, diminué de 37 p. 100 entre 2007 et 2008. Si on regarde la tendance, le bénéfice net des six grandes banques au premier trimestre de cette année a encore baissé de 13 p. 100 par rapport au trimestre précédent.

Comparer un trimestre d'une année avec un autre trimestre d'une année n'est pas nécessairement très pertinent. Si on regarde les résultats de toute l'année, on constate une diminution des gains.

Le sénateur Ringuette : Il semble que vous faites assez de bénéfices pour que le premier ministre du Canada vous dise d'investir à l'étranger, de faire des acquisitions ailleurs, d'aider les entreprises et les consommateurs dans d'autres pays plutôt qu'ici au Canada. Vous devez avoir beaucoup de liquidité pour pouvoir faire cela.

Le président : Nous allons devoir mettre fin à la séance.

Mme Hughes Anthony : J'aimerais bien répondre à cette dernière observation. Monsieur le président, je crois qu'il est injuste de la part du sénateur de prétendre que le premier ministre a dit cela.

À ma connaissance, sénateur Ringuette, les banques ne se sont pas lancées dans une série d'acquisitions. Les profits des banques et leur capitalisation boursière se sont grandement détériorés, ce qui ne devrait pas réjouir les Canadiens. Cette détérioration est la preuve que la récession commence à toucher les banques canadiennes. Elles ne sont pas à l'abri de la situation financière actuelle. Je tenais à faire cette observation pour le compte rendu.

Le président : Sénateur Moore, vouliez-vous intervenir?

Le sénateur Moore : Vous pouvez répondre à ma question par écrit. Lors de la conjoncture difficile du début des années 80, le taux directeur a atteint environ 16 ou 17 p. 100 et le taux d'intérêt de la carte de crédit Visa environ 21 p. 100. À l'heure actuelle, le taux directeur se situe à 0,5 p. 100, mais les taux d'intérêt des cartes de crédit sont toujours à 19 p. 100, j'aimerais savoir pourquoi c'est le cas, puisqu'on nous a dit que ce sont les banques qui fixent les taux d'intérêt des cartes de crédit.

Deuxièmement, vous avez mentionné dans votre mémoire que les banques empruntent de l'argent à la Banque du Canada à un taux de 1 p. 100. Qui sont les autres prêteurs et quels sont les taux d'intérêt de ces types d'emprunt?

Le président : Auriez-vous ce renseignement?

Mme Hughes Anthony : Cela varie d'une banque à l'autre. Nous allons tâcher d'obtenir des chiffres globaux et de vous fournir la meilleure réponse possible.

Le président : Cela nous conviendra. Merci beaucoup.

Mme Hughes Anthony : Merci.

Le président : La séance a donné lieu à des débats vigoureux. Je regrette que nous ne puissions pas poursuivre nos discussions.

(La séance est levée.)


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