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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 5 - Témoignages du 23 avril  2009


OTTAWA, le jeudi 23 avril 2009

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour étudier les questions relatives aux systèmes de cartes de crédit et de débit au Canada et leurs tarifs et frais relatifs, particulièrement pour les entreprises et les consommateurs.

Le sénateur Michael A. Meighen (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, mesdames et messieurs. La séance du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce est ouverte.

[Français]

Notre comité se penche ce matin sur les questions relatives aux systèmes de cartes de crédit et de débit au Canada et leurs taux et frais relatifs, particulièrement pour les entreprises et les consommateurs.

[Traduction]

Le comité a été saisi de cette enquête après que le Sénat ait adopté une motion présentée par le sénateur Ringuette qui voulait que ce comité se penche sur cette question.

La première moitié de notre réunion ce matin traitera des sujets liés aux cartes de débit. En termes de transactions par carte de débit par habitant, seuls les Suédois devancent les Canadiens.

Je suis Michael Meighen, sénateur de l'Ontario, et j'ai l'immense plaisir de présider ce comité en collaboration avec le vice-président, le sénateur Goldstein, du Québec. D'autres sénateurs seront présentés lorsqu'ils poseront des questions.

Nous sommes heureux d'avoir avec nous Mark O'Connell, président et chef de la direction de l'Association Interac.

Veuillez commencer votre déclaration préliminaire.

Mark O'Connell, président et chef de la direction, Association Interac : Bonjour. Je vous remercie de me donner l'occasion de vous entretenir au sujet d'Interac, des raisons qui poussent Interac à faire évoluer sa structure et de l'importance que nous accordons à sa viabilité, pour les marchands, les consommateurs canadiens et le marché en général.

Je vous ai distribué une série de diapositives. La diapositive 2 indique sans équivoque que les Canadiens adorent Interac et le système de débit Interac, sa disponibilité de tous les jours 24 heures sur 24 ainsi que sa fiabilité et sa sécurité. Toutefois, de nombreuses idées préconçues persistent au sujet de l'organisation d'Interac et de ce que nous faisons.

En bref, Interac est un système de débit canadien de classe mondiale. L'Association Interac a été fondée en 1984 et est responsable de la gestion et des activités de ce réseau. On ne compte pas uniquement des banques parmi nos membres. Nous avons aussi des coopératives de crédit, d'autres institutions financières, des entreprises de technologie et de paiement, et nous avons même un marchand représenté au conseil. En tant que réseau de paiement, nous n'émettons pas de cartes de paiement et nous ne sommes ni propriétaires ni gestionnaires de guichets automatiques ou de terminaux de point de vente. De plus, nous ne facturons aucuns frais ni aux marchands ni aux consommateurs.

Interac est l'unique réseau de paiement par cartes de débit géré localement dans tout le pays. Nous offrons aux consommateurs et aux marchands une série de solutions de paiement fiables tant dans l'espace physique qu'en ligne. Nous sommes la seule marque de paiement au détail créée au pays. Interac s'appuie sur une infrastructure de paiement nationale d'une efficacité de classe mondiale avec des dispositifs de sécurité à la fine pointe. Nous représentons le seul produit qui passe par le système de paiement du Canada pour procéder à la compensation et au règlement. Nous sommes la solution de paiement préférée des Canadiens ainsi que la moins coûteuse pour les marchands au Canada.

La diapositive 3 démontre qu'un sondage récent commandé par la Banque du Canada soutient mes propos. Comme vous pouvez le voir, Interac débit est une solution de paiement peu coûteuse pour les marchands même comparée aux paiements en espèces.

Les débits sont représentés dans la colonne du centre du diagramme. Des frais de 12 cents en moyenne sont payés à l'acquéreur du marchand et non à Interac. Pour chaque transaction d'Interac débit nous recevons un frais de commutation des acquéreurs ainsi que des émetteurs pour traiter la transaction.

Le président : Je suis désolé de vous interrompre, monsieur O'Connell. Pourriez-vous expliquer les frais de communication ainsi que les acquéreurs?

M. O'Connell : Le marché des paiements se divise en quatre groupes. Il y a les émetteurs, ceux qui émettent les cartes et qui s'occupent des détenteurs de cartes et de leurs comptes.

Le président : Pouvez-vous nous donner un exemple d'émetteurs?

M. O'Connell : Oui, les émetteurs sont les institutions financières du Canada, ce qui comprend les banques et les coopératives de crédit.

Un acquéreur s'occupe de l'autre côté de la transaction. Il a un contrat avec le marchand pour lui fournir divers services notamment pour le traitement des transactions ainsi que pour répondre à ses besoins en ce qui a trait aux terminaux, et cetera. L'acquéreur de marchand fournit au marchand des services relatifs aux terminaux.

Moneris est un acquéreur qui occupe une large part du marché au Canada avec Global Payments et Paymentech. La Banque Toronto-Dominion a un acquéreur tout comme Desjardins.

Nos frais de commutation sont des frais fixes de 0,8 cent facturé à l'acquéreur ainsi qu'à l'émetteur pour permettre à Interac de traiter les transactions par le biais de son réseau intermembres.

Le président : Est-ce que les frais de commutation figurent sur cette diapositive?

M. O'Connell : Non, nous sommes à moins de 1 p. 100 des frais de 12 cents qui sont indiqués ici comme les frais de traitement de paiement dans le rapport de la Banque du Canada.

Le sénateur Moore : Juste pour bien comprendre, huit dixième de un sou vous sont payés par les deux parties?

M. O'Connell : Oui, l'acquéreur nous paie pour le message qui est envoyé par le réseau intermembres du terminal du marchand vers l'émetteur, et l'émetteur également, de la même façon, pour renvoyer le message d'autorisation après que le compte du détenteur de la carte ait été vérifié. Nous transférons cette information au marchand pour vérifier s'il y a des fonds suffisants pour le paiement.

Le sénateur Moore : Vous recevez 1,6 cent pour chaque transaction?

M. O'Connell : Oui, mais l'acquéreur, celui qui est du côté du marchand, n'est facturé que 0,8 cent.

Le sénateur Goldstein : Et tout cela se fait par voie électronique?

M. O'Connell : Tout est fait électroniquement par le réseau intermembres que nous gérons.

Si l'on continue avec la diapositive 4, j'aimerais prendre un moment pour vous parler de l'Association Interac. J'aimerais discuter avec vous de la façon dont nous la gérons et des raisons pour lesquelles nous devons changer sa structure. Ces raisons sont sans égard aux nouveaux compétiteurs qui pénètrent le marché, même si ce facteur a une certaine importance.

Depuis 1996, l'Association Interac fonctionne sous une ordonnance par consentement. Cette ordonnance n'a aucune date de fin. Ce n'est que le Tribunal de la concurrence qui peut l'amender ou y mettre fin. Elle est extrêmement détaillée et restrictive. Elle prescrit la structure de l'Association Interac en tant qu'association, elle dicte par qui et comment l'association doit être gouvernée, comment elle détermine et encaisse les frais, elle va même jusqu'à déterminer le nombre de votes nécessaires à l'autorisation de nombreuses initiatives. En gros, l'ordonnance a figé l'Association Interac dans le temps.

Je vais poursuivre en vous parlant des risques de rendre l'Association anachronique. Lorsque l'ordonnance par consentement a été négociée et imposée, presque tous les réseaux de paiement à travers le monde étaient formés en associations. Aujourd'hui, aucune n'est structurée de cette façon. Partout au monde il a été reconnu que les associations ont tendance à être lentes et encombrantes. Elles ont de la difficulté à réagir au marché dynamique et évolutif qui caractérise notre monde aujourd'hui. C'est là la base du problème auquel l'Association Interac fait face et notre principale raison de changer.

Pendant que nous tentons d'aller de l'avant avec notre structure dysfonctionnelle et nos limites, le marché canadien change à une vitesse rapide autour de nous. Comme vous l'avez entendu clairement hier, Visa Inc. et MasterCard Worldwide, les grandes entreprises de cartes basées aux États-Unis, ont pénétré le marché du débit au Canada avec leurs produits. Ces produits fonctionnent tout comme Interac, ils débitent vos comptes bancaires lorsque vous faites un achat à l'aide de votre carte bancaire.

Alors que nous avons les mains liées, ces entreprises bénéficient de la souplesse de leurs règles structurelles et réglementaires ainsi que de ressources financières que nous n'avons pas. Elles sont bien financées et ont une grande expérience, s'appropriant les titulaires de réseaux de débit tout en gagnant des parts de marché rapidement aux dépens de ces fournisseurs de service de débit locaux. Elles ont fait cela tout récemment aux États-Unis. Nous sommes témoins de stratégies semblables utilisées ici alors qu'elles travaillent agressivement pour signer des ententes avec les émetteurs, les acquéreurs et les marchands.

De plus, nous avons entendu hier que de nouveaux compétiteurs, de nouveaux produits et de nouvelles marques émergent. De nouveaux investissements dans la technologie des puces poussent ceux qui font partie de l'industrie des paiements à trouver de nouveaux produits et services qui peuvent offrir une plus grande valeur aux consommateurs et aux marchands.

Je vous ai donc expliqué pourquoi nous devons changer, mais comment voulons-nous évoluer et comment cela va-t- il se produire? Oui, nous voulons transiger d'une association sans but lucratif à une association de type commercial. Nous voulons que notre entreprise soit gouvernée indépendamment de ses participants. Elle posséderait et gérerait tous les nouveaux services et ceux déjà existants et se dirigerait comme une entreprise commerciale indépendante.

Pour en arriver là, plusieurs étapes s'imposent. Comme vous êtes au courant déjà, nous sommes en pourparlers avec le Bureau de la concurrence concernant l'ordonnance par consentement, et ces discussions se poursuivent toujours. Il s'agit-là de la première étape. La deuxième étape consiste à des investissements plus substantiels dans l'infrastructure de base du réseau et le développement de nouveaux produits. Ce qui implique aussi des changements dans le système de tarification des produits Interac de façon à respecter notre stratégie d'être un fournisseur à bas prix.

La diapositive 7 nous montre finalement qu'il y a beaucoup de compétition sur le marché canadien et nous accueillons favorablement cette compétition. Là n'est pas le problème. Il faut par contre que les règles du jeu soient équitables. Interac doit pouvoir être dirigé par une structure de gouvernance plus indépendante et plus efficace, et être en mesure de fonctionner selon une base commerciale afin d'apporter des investissements de capitaux dans le réseau ainsi que de nouveaux produits sur le marché. Nous sommes d'avis que la transparence devrait être la marque de commerce de notre système de débit et que le choix devrait être laissé aux utilisateurs.

Le fait qu'Interac soit en compétition avec les Visa et les MasterCard de ce monde ne veut pas dire que nous adopterons les mêmes stratégies. En fait, c'est tout le contraire. En observant nos homologues et en écoutant leurs conseils dans le monde entier, nous avons conclu qu'adopter les mêmes stratégies que d'autres entreprises s'avérait être une situation et une stratégie perdantes.

Interac veut au contraire rester fidèle à ses racines canadiennes. Nous comprenons les pressions que les marchands subissent en ce qui a trait au prix, particulièrement dans cet environnement économique et ces temps difficiles. L'un des avantages stratégiques que possède Interac est d'être une solution de paiement à bas prix avec un système de tarification par transaction. Tout changement à notre structure de tarification gardera en tête ces principes.

Nous continuerons à protéger et à améliorer la marque Interac sur le marché ainsi qu'à confirmer la confiance que nos intervenants nous accordent. Nous nous servirons de notre position de leader et de notre connaissance du marché local pour fournir les bonnes solutions et un modèle de fonctionnement adéquat à nos membres du Canada.

Toutefois, compte tenu des forces du marché, nous devons d'abord changer. Si nous ne changeons pas — si nous ne sommes pas en mesure d'être compétitifs selon des règles équitables — l'unique réseau et marque de paiement du Canada sera freiné et nous ne serons pas capables d'offrir aux Canadiens les services qu'ils exigent et qu'ils méritent.

Le président : Merci pour votre déclaration concise et claire.

Le sénateur Massicotte : Merci d'être avec nous ce matin. Je peux très bien comprendre pourquoi les intervenants d'Interac veulent devenir une organisation à but lucratif. Je peux comprendre cela, mais manifestement, nos intérêts sont de savoir ce qui est bon pour le Canada, pour vos clients et pour vos consommateurs.

Je comprends également les arguments concernant l'innovation, mais j'ai quelques difficultés à comprendre comment les compétiteurs, Visa ou MasterCard des États-Unis, peuvent venir au Canada et facturer beaucoup plus que 0,19 $ par transaction. C'est un chiffre qui figure dans le rapport de la Banque du Canada. Comment peuvent-ils être aussi dominants et pourquoi cela vous inquiète-t-il alors que leurs coûts sont beaucoup plus élevés en ce qui a trait aux cartes de crédit ainsi qu'à leur expérience de débit aux États-Unis?

En fait ce qui m'inquiète, comme l'ont mentionné l'OCDE et les autres, c'est que les gens qui paient la facture, c'est- à-dire les marchands, ne sont pas à la table. Ils n'ont aucun pouvoir de négociation pour s'assurer que le système soit équitable. D'ailleurs si je spéculais, je vous dirais que c'est sans surprise que Visa réussira bien au Canada parce qu'ils vont facturer un frais d'interchange — des frais plus élevés. Les institutions financières adoreraient recevoir plus d'argent, elles vont donc prendre beaucoup plus d'importance dans le système uniquement parce que les marchands qui paient la facture, qui auront plus d'argent à débourser, ne sont pas présents à la table : ils ne peuvent pas dire non. Manifestement, le consommateur est roi.

M. O'Connell : Je vais d'abord traiter de la première notion selon laquelle, en tant que fier responsable d'Interac, je ne dois pas m'inquiéter de la pénétration du marché par Visa et MasterCard.

Ils ont pénétré presque tous les pays du monde avec les modèles de tarification dont vous avez parlé et ils ont été en mesure de s'accaparer rapidement d'une part du marché des fournisseurs nationaux de cartes de débit. La meilleure approximation que je puisse vous donner illustre à la fois la vitesse à laquelle ce phénomène peut se produire et son ampleur : le modèle le plus proche est celui de STAR Network, aux États-Unis. Il y a quatre ans et demi, cette entreprise contrôlait près de 60 p. 100 du marché des cartes de débit. Elle avait un modèle à bas prix et tout. À cette époque, le secteur des cartes de débit de Visa en détenait 10 p. 100. En quatre années, la part de marché de STAR Network est passée à 24 p. 100 et celle de Visa, à un peu plus de 50 p. 100, je crois. Si vous ajoutez la carte de débit avec signature, ce qui n'existe pas au Canada, où la carte de débit à NIP est généralisée, Visa contrôle maintenant plus de 70 p. 100 du marché des cartes de débit aux États-Unis, ce qui s'est produit au Royaume-Uni, en Europe et sur tous les marchés dans le monde. Je pense donc que nous serions mal avisés de faire fi de cette menace. Comme je l'ai entendu hier, ils sont ici.

Il faut instaurer une convention de base selon laquelle nous vivons dans un environnement à réseaux multiples. Ils utilisent leurs stratégies et lancent des propositions de valeurs pour que le marché soit déréglementé et dépourvu d'entraves, tandis que l'option canadienne est restreinte et présente des entraves. Il nous faut reconnaître ce joyau canadien dont je suis si fier. Je suis entré en fonction il y a deux ans parce que je n'étais pas disposé à voir ce modèle de réussite canadienne s'estomper dans la nuit, comme je l'ai vu se produire sur les marchés de la carte de débit dans le monde entier. Je travaille dans le milieu des paiements depuis 16 ans.

Hier, vous avez pu constater l'agressivité des stratégies. Nous avons entendu M. Stanton nous parler d'une stratégie initiale de tarification visant à favoriser la pénétration chez les commerçants. Nous l'avons entendu dire qu'il fait des analyses de rentabilisation avec certains commerçants en vu de pénétrer le marché. Je n'essaierai pas de me prononcer sur ce qu'il voulait dire exactement.

En tant qu'homme d'affaires, je sais toutefois que quand quelqu'un affirme faire des analyses de rentabilisation avec des commerçants, il faut comprendre qu'il est en train de mettre au point un ensemble comprenant propositions de valeurs et incitatifs en vue d'amener les commerçants en question à accepter la carte de débit Maestro. Cela survient à un moment où les commerçants sont particulièrement vulnérables.

Qu'avons-nous entendu d'autre? De l'autre côté, nous avons entendu dire que Visa était ici et qu'il est possible d'aller sur le site Web de cette entreprise pour voir les taux d'interchange affichés exprimés en pourcentage. Ils offrent l'interchange de l'autre côté du marché. Je crois que M. Wilson a dit que le prix demandé au Canada est très inférieur à celui du reste du monde.

Puis M. Stanton a parlé de frais de commutation de 0,5 cent. Je pense qu'il a fixé les frais d'interchange à zéro. Croyez-vous vraiment qu'il y aurait ces deux formules de tarification si Interac n'était pas présent dans ce marché?

Là est le risque. Nous l'avons observé partout dans le monde. Nous avons parlé avec les commerçants et avec les associations de commerçants. Tant pour les commerçants que pour les consommateurs, le pire scénario serait de voir se constituer sur ce marché un duopole formé de ces deux multinationales américaines. Voilà pourquoi nous avons besoin d'un changement.

Le sénateur Massicotte : Vous m'enlevez les mots de la bouche. Pourquoi est-ce qu'ils réussissent? Est-ce qu'ils offrent des services meilleur marché que ceux que vous pouvez offrir aux commerçants?

M. O'Connell : Ils ont les ressources financières et la force de pénétration de marché qui leur permettent d'offrir des incitatifs ou autre chose des deux côtés. Ils peuvent le faire sans entraves, tandis que moi, je ne peux pas.

Le sénateur Massicotte : Peuvent-ils le faire à meilleur marché? La notion de réussite est relative. C'est une réussite pour qui, leurs actionnaires ou vos actionnaires? Je peux être d'accord avec ça. Est-ce que les commerçants et les consommateurs bénéficieront de cette concurrence?

M. O'Connell : Je crois qu'ils tirent profit de l'existence d'un système Interac fort et c'est la raison pour laquelle je veux changer. Je crois que nous avons la base prix réduit requise pour continuer d'offrir aux commerçants l'option à bas prix sur le marché. Notre succès en dépend.

Le sénateur Massicotte : Si l'on considère les frais que vous avez toujours perçus par rapport aux frais d'utilisation de la carte de débit exigés dans d'autres pays, on constate qu'ils sont nettement moindres que ceux d'autres systèmes de paiement. Voilà peut-être pourquoi vous êtes incapables de faire un bénéfice. Quand je regarde les systèmes en place ailleurs dans le monde et quand je regarde les nombreux rapports, je m'inquiète de ce que les commerçants n'aient pas suffisamment de pouvoir de négociation. À l'exception peut-être de Wal-Mart.

Les établissements financiers encouragent l'utilisation de ces cartes. À n'en pas douter, s'ils peuvent toucher des frais d'interchange, on assistera à une prolifération de nouvelles cartes de débit. Et ce ne sera pas la victoire des commerçants ou des consommateurs, mais celle des établissements financiers. Voilà ce qui nous préoccupe.

M. O'Connell : Je répète que nous avons une base de tarification meilleur marché. Nous ne commanditerons pas les Olympiques ni ne créerons de Laboratoires Bell avec tous les coûts que cela suppose. Il nous faut protéger la large acceptation dont nous bénéficions dans ce pays et le grand nombre de transactions que nous y faisons. Je crois que si les règles du jeu sont équitables, nous pouvons affronter la concurrence grâce à nos stratégies à bas prix auprès des commerçants.

Je suis d'accord avec vous. Comme je l'ai dit précédemment, l'erreur que STAR Network a commise et les leçons que nous avons apprises de la situation dans d'autres pays est que face à la concurrence, ils ont abandonné cette stratégie du bas prix pour le commerçant. Sur le marché américain aujourd'hui, les frais d'interchange moyens sont supérieurs à 25 cents sur tous les réseaux.

Le sénateur Massicotte : Vous ne commettrez pas la même erreur. Vous conserverez des prix peu élevés et n'exigerez pas de frais d'interchange si vous êtes autorisés à devenir une entreprise à but lucratif?

M. O'Connell : Nous ne pouvons commettre cette erreur parce qu'il est démontré que c'est une situation perdante. Notre réussite passe par l'acceptation par les commerçants.

Le sénateur Massicotte : Vous dites que tous les autres pays ont commis cette erreur. Est-ce que nous ne sommes pas en présence du principe de la course aux profits? Pourquoi vos actionnaires n'accepteraient-ils pas d'accroître leurs bénéfices dans trois ans, cinq ans ou dix ans s'ils peuvent le faire et si le marché le permet? Êtes-vous en train de dire qu'une loi devrait vous interdire d'aller dans ce sens?

M. O'Connell : Non. Ce que je dis, c'est que la stratégie même et la viabilité de l'organisation tiennent à un modèle d'affaires à bas prix que nous avons appliqué au cours des 20 dernières années. C'est notre seule façon de soutenir avec succès la concurrence de Visa et de MasterCard. Cette réalité a été démontrée partout dans le monde. Nos coûts nous confèrent la capacité requise.

Le sénateur Massicotte : Vous êtes en train de dire que nous, les Canadiens et les législateurs, devrions vous faire confiance et vous donnez carte blanche parce que ce principe constituera toujours la meilleure solution pour les Canadiens. Ce n'est pas un mince espoir.

M. O'Connell : Les changements à l'ordonnance par consentement sont nécessaires parce que nous ne pouvons nous réorganiser sans eux. Ces changements ne peuvent faire leur effet que si l'effectif de l'association — les 62 membres, pas seulement les banques — s'entendent sur des stratégies, des ententes de modèle de tarification, et cetera. Ils doivent croire que c'est à cela qu'ils doivent en arriver pour préserver Interac par opposition à ce dont ils bénéficient actuellement. Ce système comporte un certain nombre de balises.

Le sénateur Gerstein : À la diapositive 7, vous dites que vous accueillez avec plaisir la nouvelle concurrence et que vous voulez que les règles du jeu soient équitables. Si les règles du jeu sont équitables, vous survivrez ou vous périrez. C'est la règle de la survie des plus aptes.

L'ordonnance par consentement de 1996 est ce qui vous empêche d'y parvenir. Pourriez-vous nous en dire davantage? Vous faites partie de l'association depuis deux ans maintenant et vous avez parlé de discussions en cours. Où en sont ces discussions? Voyez-vous la lumière au bout du tunnel? Pensez-vous qu'il vous sera possible de conclure sous peu?

Qu'est-ce que l'ordonnance par consentement vous empêche de faire et en quoi restreint-elle votre activité? Je suppose qu'elle porte sur des questions de gouvernance : le nombre de membres du conseil que vous pouvez avoir, la règle de la majorité, et cetera. Êtes-vous figés dans le temps depuis 1996 au point où vous avez été incapables d'investir? Visa et MasterCard nous disent qu'ils investissent dans de nouveaux articles et dans la technologie.

M. O'Connell : En ce qui concerne votre première remarque sur le déroulement des discussions, comme vous le savez, la situation est complexe et unique. Le Bureau de la concurrence, en tant que protecteur de l'intérêt public, prend ses obligations légales très au sérieux, comme son devoir l'exige. Donc, notre proposition fait l'objet d'un examen rigoureux.

Par ailleurs, il est naturel que les changements apportés à la composition de la haute direction du bureau allongent la période nécessaire à la formation, à l'analyse et à l'approbation finale. Je ne peux pas dire à quel moment le processus sera terminé, mais je peux affirmer qu'on est conscients qu'il y a urgence.

Tandis que nous assistons à ces manœuvres, nous avons beaucoup de travail à faire. Comme je l'ai mentionné, il faut amener une forte majorité des 62 membres de l'association à reconnaître que nous entrons dans un monde où le réseau Interac sera sain et viable et favorisera l'épanouissement d'un système de paiement par débit qui se porte bien. Vous pouvez imaginer l'ampleur de la tâche : conclure des ententes avec 62 organisations.

Malgré ce qui se trame sur le marché, nous avons entendu hier que Visa et MasterCard recrutent des clients, poursuivant leurs stratégies des deux côtés du marché. Un jour, ce joyau du Canada appelé Interac sera désavantagé considérablement et risque de ne pas pouvoir s'en remettre.

Vous avez parlé de la structure de l'ordonnance par consentement. En 1996, l'ordonnance par consentement a été mise en place, comme vous l'avez entendu de la bouche du représentant du Bureau de la concurrence il y a quelques semaines, pour promouvoir l'accès à un réseau qui, à cette époque, était le seul réseau de guichets automatiques. Les réseaux sont coûteux, et ainsi de suite. Il a donné le résultat escompté. Soixante-deux membres sont branchés au réseau.

En 1996, la plupart des personnes présentes ici n'avaient jamais entendu parler d'Internet. Nous fonctionnons toujours selon la structure de cette époque, où toutes les sociétés de paiements étaient des associations. Aujourd'hui, nous sommes la seule association de paiement qu'il reste en Amérique du Nord.

La structure impose ses modèles de gouvernance et de financement, lesquels sont intimement liés. D'abord, le modèle de gouvernance est inefficace et lourd, et il y a trop de mains sur le volant. Ce sont les clients qui dirigent. Je ne connais pas beaucoup d'ouvrages sur la gouvernance qui qualifieraient cette structure d'efficace.

Ensuite, il ne faut pas oublier que tous les membres autour de la table de gouvernance sont des concurrents dans l'industrie du paiement. L'industrie compte maintenant plusieurs réseaux. Visa et MasterCard en font partie. Nous tentons seulement de veiller à ce qu'Interac demeure une force compensatrice sur ce marché. Comment changer notre stratégie pour y arriver?

La structure de gouvernance est inefficace; il est difficile d'en arriver à des ententes et de réagir rapidement à la situation du marché. La structure de financement repose essentiellement sur un modèle où l'on paie la totalité ou rien du tout. Pour tous les établissements, les fonds ne peuvent être réunis que par des frais de commutation perçus annuellement selon un modèle de recouvrement des coûts. Il faut donc que tous les membres soient sur la même longueur d'onde au même moment et au même stade de leur cycle budgétaire pour obtenir des investissements dans le réseau ou pour lancer un nouveau produit. Cela s'est déjà produit. À l'arrivée des guichets automatiques, tout le monde voulait promouvoir leur utilisation, mais combien de fois cela se produit-il dans le milieu des affaires aujourd'hui, avec le rythme rapide du monde actuel?

Les faits parlent d'eux-mêmes. Je suis fier de ce réseau. C'est un réseau de calibre international. C'était l'un des premiers réseaux de paiement par débit à NIP du monde, et je sais que nous pouvons soutenir la concurrence de Visa et de MasterCard si nous adoptons une stratégie différente de la leur. Cependant, le dernier produit cohérent lancé par l'Association Interac était Interac lui-même il y a 15 ans. Cela en dit long sur la capacité de l'organisation de suivre le rythme du changement.

Le sénateur Massicotte : En quoi votre structure juridique vous empêchait-elle d'investir et de faire davantage? Il y a 15 ans, vous avez lancé la carte de débit et, depuis, rien. Qu'est-ce qui vous a empêché de faire preuve d'innovation? Nous présumons que vous êtes intelligents et que vous avez confiance dans vos moyens. Pourquoi n'avez-vous pas fait plus? En quoi votre structure de gouvernance vous a-t-elle empêché de chercher et de développer des produits?

M. O'Connell : La régie est coûteuse et inefficace parce qu'elle se compose de 14 concurrents disparates. Comme je l'ai dit, s'ils ne sont pas sur la même longueur d'onde au même moment et au même stade de leur cycle budgétaire parce qu'on leur soutire une contribution avec une rigueur d'un régime communiste, les initiatives ne seront pas financées au bon moment.

Le sénateur Massicotte : Donc, parce que leur intérêt personnel n'était pas servi, vous n'avez pas innové?

M. O'Connell : Selon l'ordonnance par consentement, il n'y a aucun financement en recherche et développement. Il n'est possible de réunir des fonds qu'en imposant des frais de commutation annuels en fonction d'un modèle de recouvrement des coûts.

Le sénateur Massicotte : Pourquoi ne pas les augmenter?

M. O'Connell : Il est impossible, par exemple, de demander si quelqu'un est en mesure de s'y attaquer. Hier, le comité a entendu Visa et MasterCard au sujet des innovations sur le marché.

Le sénateur Massicotte : Si c'est si bon pour leur économie, leurs affaires et leurs ventes — et évidemment Visa et MasterCard ont les mêmes arguments — pourquoi ne pourriez-vous pas convaincre les gens pour cette raison si les autres le peuvent?

M. O'Connell : On peut, mais il faut qu'ils soient tous sur la même longueur d'ondes, au même moment, et au même stade du cycle budgétaire du même exercice, et cela ne se produit pas souvent.

Le sénateur Massicotte : Parmi les 62 membres de votre CA, qui n'accepterait pas cette hausse? Qui ne constaterait pas qu'il est dans son intérêt de répondre oui à cette question?

M. O'Connell : Ils sont tous en concurrence les uns avec les autres et ils ont tous des entreprises.

Le sénateur Massicotte : Mais qui alors?

M. O'Connell : Il n'y a pas qu'une seule personne qui n'accepte pas ces initiatives. Le conseil d'administration, la régie, comportent des lacunes inhérentes, ce qui explique pourquoi on a abandonné la structure d'association dirigée par un CA partout dans le monde. Nous sommes la dernière association en Amérique du Nord parce que ces conseils d'administration sont reconnus comme étant lourds. Ils avancent au rythme du membre le plus lent, parce que tout le monde doit emboîter le pas dans un environnement de tarif de commutation uniforme.

Le sénateur Goldstein : Monsieur O'Connell, j'ai de la difficulté à comprendre certaines des choses que vous dites. D'après ce que vous avez décrit, il est clair que la structure de régie est archaïque et que vous devez apporter des changements afin que l'organisation ait plus de souplesse pour prendre des décisions et qu'elle s'adapte facilement aux besoins à mesure qu'ils se présentent.

Toutefois, je ne comprends pas en quoi le consommateur profitera de la hausse du coût des services Interac. Vous demandez au Bureau de la concurrence de lever l'interdiction de faire un bénéfice. Je comprends que vous vouliez lever les obstacles en ce qui concerne la régie, mais je ne comprends pas pourquoi vous voulez lever les obstacles relatifs à la rentabilité.

En quoi cela vous aidera-t-il à pénétrer le marché? En quoi cela vous aidera-t-il à rivaliser avec Visa ou MasterCard, et de quelle manière le consommateur profitera-t-il du fait que le commerçant devra payer davantage pour vos services?

M. O'Connell : On en revient encore au réseau. Le modèle de recouvrement des coûts, par définition, signifie...

Le sénateur Goldstein : Je conviens que le recouvrement des coûts n'est pas suffisant; vous avez entre autres besoin d'argent pour la recherche et développement, et c'est correct.

Accepteriez-vous qu'il y ait des restrictions — sachant que Visa et MasterCard n'ont aucune restriction — sur la rentabilité de l'entreprise après comptabilisation de la recherche et du développement?

Je crois comprendre que les membres de l'association ne verraient pas leur intérêt dans une telle approche. J'essaie de trouver un moyen pour qu'Interac puisse continuer d'être un service relativement peu coûteux, plutôt qu'un service qui rivalise avec les services dont les coûts sont plus élevés et qui a une tendance nationale et naturelle à uniformiser les tarifs au détriment du consommateur.

M. O'Connell : Je suis en faveur de la libre concurrence sur un marché libre. Si on peut être sur un pied d'égalité, pour des motifs de concurrence et pour continuer d'offrir aux commerçants une option à faible coût et une tarification des transactions à prix fixes, nous pourrons réussir. Nous devons également présenter une proposition de valeur aux émetteurs de cartes.

Ces principes de concurrence nous montreront la voie, et par conséquent, nous maintiendrons un contrepoids pour les tarifs d'Interac et ceux des autres réseaux. Pour ce qui est des hausses de tarifs partout dans le monde, il y aura une évolution dans le marché du débit même si Interac n'apporte aucun changement. Si Interac ne peut pas faire concurrence aux autres à armes égales et servir de contrepoids, il est probable que les marchands et les consommateurs assistent à une augmentation de leurs coûts.

Le sénateur Goldstein : Vous plaidez en faveur de la survie du système Interac. Nous sommes tous d'accord parce que c'est une bonne chose. Je suis préoccupé par ce qui se produirait si nous favorisions votre survie. Que se passerait-il si tous les obstacles que représente l'ordonnance par consentement étaient levés? Est-ce que les frais d'Interac seraient les mêmes que ceux de la concurrence — Visa et MasterCard —, ce qui voudrait nécessairement dire des frais plus élevés que ceux qui sont actuellement imposés par Interac? Quelle est la place du consommateur dans cette histoire?

M. O'Connell : Si nos frais étaient semblables ou équivalents à ceux de Visa et de MasterCard, ce que d'autres réseaux ont tenté en vain de faire, nous perdrions notre avantage concurrentiel sur le marché, qui est d'être la carte la plus utilisée et la plus acceptée. C'est pourquoi, pendant 20 ans, les marchands ont été la clé de notre stratégie et de notre succès. Si les marchands considèrent Interac, Visa et MasterCard comme étant la même chose, et s'ils acceptent cette idée, nous perdrions la clé et la pierre angulaire de notre succès.

Les marchands apprécient et respectent notre carte parce que les consommateurs peuvent l'utiliser partout au pays. Les émetteurs apprécient et respectent Interac, ce qui est un avantage stratégique pour nous. Nous voulons que notre offre se distingue de celles de Visa et de MasterCard.

Notre viabilité est fondée sur nos différences. Il ne s'agit pas de vendre au rabais, ni de fixer les prix afin de pénétrer le marché, ou d'utiliser d'autres tactiques comme celles que nous avons entendues hier. Notre modèle d'affaires et notre éthique organisationnelle ont fait leurs preuves ces 20 dernières années et ils continueront à favoriser notre réussite. Nous serons toujours encadrés et dirigés par ce qui nous distingue de Visa et de MasterCard.

Le sénateur Oliver : Monsieur O'Connell, j'aimerais vous poser une question concernant l'ordonnance par consentement. Je vous ai entendu suggérer que vous aimeriez négocier des changements, des amendements ou des modifications. Je crois que vous aimeriez que cette ordonnance soit révoquée complètement. Vous dites sans arrêt que vous voulez être traité sur un pied d'égalité avec Visa et MasterCard. Vous nous avez dit qu'ils ne sont pas liés par une ordonnance. Si vous voulez être traité sur le même pied, mais qu'une ordonnance régit toujours certaines conditions à votre égard, comment pourrait-on y arriver? Comprenez-vous ma question?

M. O'Connell : Je ne peux pas entrer dans les détails parce que nous sommes actuellement en négociation, mais nous devons avoir la capacité de nous restructurer.

Le sénateur Oliver : Vous voulez transformer l'association en une société commerciale.

M. O'Connell : Nous voulons que notre gouvernance soit indépendante des participants. La modification de l'ordonnance nous permettrait d'y arriver d'une manière ordonnée. Si nous pouvons changer ces deux traits distinctifs et promouvoir la transparence sur le marché, nous serons à égalité.

Le sénateur Oliver : Vous avez dit que l'ordonnance traite de la gouvernance et du modèle de financement. Devriez- vous changer votre modèle de financement pour être à armes égales avec Visa et MasterCard?

M. O'Connell : Oui, il faudrait le changer pour que nous puissions investir. Nous avons besoin d'un modèle d'affaires commercial, plutôt que d'un modèle basé sur les frais de commutation. Nous devons investir des capitaux dans le réseau, dans les services de prévention des fraudes, dans de nouveaux services, ainsi que dans tout ce à quoi les marchands et les consommateurs canadiens s'attendent aujourd'hui et à plus long terme. Oui, nous demandons d'avoir un modèle de financement commercial.

Le sénateur Oliver : Vos demandes concernent Interac. Sur le plan réglementaire, que devrait-on demander à Visa et à MasterCard pour qu'elles soient au même niveau que vous, après la modification de votre ordonnance?

M. O'Connell : Je ne suis pas partisan du contrôle des prix, encore moins du protectionnisme, qui entrave le commerce, parce que les conséquences peuvent être inattendues. La transparence est importante pour Interac, et c'est cette stratégie que nous utiliserons. Grâce à un modèle dans lequel les frais de transaction sont bas, Interac contribue à la création d'un libre marché du débit au Canada, dans une économie de marché libre. Cependant, une économie de marché libre se fonde absolument et fondamentalement sur la transparence. Les utilisateurs de ce système doivent savoir ce qu'ils choisissent, combien ça leur coûte et quelle proposition leur offre la meilleure valeur. Prenons l'exemple des commerçants, plus particulièrement des PME. Ils ont besoin de savoir combien chaque décision leur coûte. Ils doivent connaître le coût des services d'Interac et celui des deux autres. Notre succès est basé là-dessus. Nous serons aussi transparents que possible parce que, sous plusieurs aspects, nous sommes des grossistes. Nous nous assurerons que nos frais, qui sont assez simples, sont compris par le marché. Il est important que les autres acquéreurs du marché, et cetera, soient aussi transparents. Les petits marchands pourraient se faire offrir des ensembles qui incluraient un nouveau terminal à puce qui accepterait Visa, MasterCard, le débit et Interac. On vous dit que cela coûte 9,95 $ par mois et que vous n'avez qu'à signer.

Le sénateur Oliver : La transparence est aussi importante aux yeux du consommateur. Hier, j'essayais de convaincre les témoins qu'il fallait que le relevé mensuel du consommateur indique tous les frais pour qu'il puisse prendre une décision éclairée sur le type de carte ou de processus qu'il entend utiliser. Il pourrait décider de payer comptant si un rabais est offert. Toute cette information pourrait être divulguée au consommateur qui utilise une carte et qui voit son argent débité de son compte bancaire.

M. O'Connell : La transparence et le pouvoir de choisir sont importants si nous voulons qu'Interac réussisse. Notre stratégie sera tellement différente que nous voulons que cette différence soit évidente. Si elle est bien présentée, les consommateurs canadiens choisiront Interac, une marque de confiance depuis 20 ans.

Le sénateur Oliver : En ce moment, vos coûts sont de 0,19 cent. Si l'ordonnance est modifiée selon vos désirs et que vous êtes libres ensuite d'adopter de nouvelles technologies, d'innover et d'élaborer de nouveaux produits, à combien s'élèverait l'augmentation pour l'utilisateur? Ce serait combien de plus que 0,19 cent?

M. O'Connell : Où avez-vous obtenu ces 0,19 cent?

Le sénateur Oliver : C'est au début de votre tableau, dans le rapport fait par la Banque du Canada.

M. O'Connell : Les chiffres que j'ai se situent sont plus élevés de 0,8 cent.

Le sénateur Oliver : Je suis à la page 3 de votre tableau; le rapport fait par la Banque du Canada. Le chiffre au bas; quel est le montant total?

M. O'Connell : C'est 0,19 cent, mais si vous regardez dans la colonne, il y a un coût de 0,7 cent associé au traitement du paiement. C'est la Banque du Canada qui fait des calculs mathématiques avec les marchands pour connaître le temps passé dans la file d'attente, ce genre de choses. Cela n'a rien à voir avec nous.

En ce qui concerne les frais de traitement des transactions, nous sommes à moins d'un cent de ce chiffre de 12 cents. On doit avoir une marge pour le lendemain, parce que ce système de paiement fonctionne en temps réel et qu'on doit se garder une marge de 0,001. Je ne peux commenter que le 0,8 cent. C'est la seule partie qui concerne Interac. Les 12 cents concernent plutôt l'acquéreur avec qui le marchand fait affaire parce qu'il lui fournit un certain nombre de services.

Le sénateur Oliver : Quelle sera l'augmentation associée à ces frais si vous obtenez les changements voulus dans l'ordonnance?

M. O'Connell : Les délibérations relatives au prix sont en cours. Je ne peux donc parler d'éléments spécifiques, puisqu'il n'y a rien de définitif. Je peux affirmer que nous respecterons nos racines canadiennes. Notre stratégie est basée sur le fait que nous nous démarquons réellement des autres fournisseurs sur le marché par nos tarifs bas, et nous continuerons d'appliquer cette stratégie. C'est ainsi que nous avons réussi. Nous sommes également conscients du fait que les frais fixes de transaction ont contribué au succès d'Interac. Le conseil indépendant qui se penchera sur les frais futurs respectera également ces principes.

Le président : Si les négociations avec le Bureau de la concurrence vous sont favorables, vous dites que vous affronterez les concurrents sur un pied d'égalité et que vous réussirez, selon ce que j'ai compris, à conserver votre position d'exploitant bon marché.

Comment pouvez-vous y parvenir autrement qu'en renonçant aux diverses options que de nombreux consommateurs semblent vouloir ou en étant beaucoup plus efficient que Visa et MasterCard? Comment faites- vous pour garantir ces faibles coûts?

M. O'Connell : Je crois que nous sommes plus efficients. Le réseau est tel que les coûts sont peu élevés et que nous fonctionnons selon un mode de recouvrement des coûts depuis 1996.

Comme je l'ai dit, l'utilité de la carte est extrêmement importante. Elle est acceptée par presque tous les commerçants d'un bout à l'autre du pays. Nous respectons et garantissons nos stratégies. En nous assurant que les commerçants réalisent qu'Interac est un choix moins coûteux, nous pouvons conserver cette qualité. Cette utilité et le potentiel de transactions — nous parlons d'environ 3,6 milliards de transactions — sont très importants pour l'émetteur, qui doit assumer des coûts variables, notamment des fraudes atteignant 100 millions de dollars par année dans le nord. En combinant cette utilité et le potentiel de transactions, nous pouvons fournir nos services à faible coût et éviter de plonger dans l'univers des taux d'interchange de Visa et MasterCard.

Le sénateur Ringuette : Monsieur O'Connell, vous m'êtes très sympathique, mais malgré ça, je ne crois pas à votre plan stratégique. Je vais vous expliquer pourquoi.

Visa et MasterCard disposent de fonds quasi illimités pour pénétrer le marché canadien. Ils peuvent égaler vos prix pour les 10 prochaines années, jusqu'à ce que votre organisation ne tienne plus à rien. C'est la réalité. Le Canada compte 32 millions de détenteurs de cartes de crédit potentiels, et lorsque Visa et MasterCard posséderont 70 p. 100 du marché — comme elles l'ont fait aux États-Unis — elles régenteront le marché et les prix, tant en ce qui concerne les consommateurs que le monde des affaires.

Vos moyens sont plus limités. Vous ne pouvez pas augmenter suffisamment vos prix pour vous constituer une telle réserve. Vos partenaires, les banques canadiennes, émettent vos cartes Interac, et vous ne pourrez pas leur fournir les sommes d'argent que Visa et MasterCard leur promettront en échange de contrats de débit exclusifs.

C'est on ne peut plus clair. Comme vous l'avez dit, c'est probablement ce qui s'est produit dans tous les pays où Visa et MasterCard se sont attaqué au marché national du débit. En ce qui concerne l'égalité des chances, à moins que vous n'ayez actuellement 10 milliards de dollars dans votre poche arrière pour vous battre contre eux sur le terrain, pour les 10 prochaines années, vous n'avez aucune chance. Je suis désolée, mais c'est ainsi que je vois les choses.

M. O'Connell : Je ne suis évidemment pas de cet avis, mais merci du commentaire. Je comprends que ce défi puisse sembler insurmontable. Cependant, j'aimerais préciser un certain nombre de choses. Tout d'abord, ces entreprises dont les ressources financières semblent illimitées sont des sociétés ouvertes qui possèdent des taux de rentabilité internes, et cetera. Aujourd'hui, elles investissent dans ce marché de 30 millions de personnes. Cependant, chaque dollar dépensé à New York ou à Foster City est examiné et envoyé. Ces entreprises se demandent à quel endroit ces dollars seraient le plus rentables. Ça se passe ainsi pour les types de rendement que présentent Visa et MasterCard dans leurs déclarations publiques.

En ce qui concerne notre partenariat avec le milieu des affaires, je crois que les commerçants ont assez de bon sens pour détecter quels sont les avantages à court terme, les incitatifs et les prix initiaux qui ne peuvent durer.

Je crois qu'une proposition avantageuse comportant de faibles coûts — ce que nous leur offrons — et une relation qui dure depuis 15 ans nous permettent d'espérer pouvoir continuer nos activités. Nous n'avons pas besoin de sommes d'argent astronomiques. Nous offrons un service à faible coût, et je crois que nous avons mis en place un système transparent. Les commerçants comprennent que nous n'augmenterons pas nos prix à leurs dépens à chaque trimestre. Je crois que notre stratégie commerciale est viable.

Il faut se rappeler que si cette stratégie commerciale est viable — et si on en convient, il n'est pas nécessaire de proposer une multitude d'avantages à court terme — Visa et MasterCard seront néanmoins capables de gagner certains commerçants. Cependant, le marché en compte un demi-million. En ce qui concerne les émetteurs, je crois qu'ils perçoivent la valeur stratégique d'Interac.

Notre conseil travaille à une restructuration; lorsqu'il n'y a que deux commerçants sur dix qui prennent la carte Visa, comment pourrait-on abandonner notre clientèle?

Le sénateur Ringuette : Je vais passer à autre chose parce que nous ne sommes certainement pas du même avis sur ce point.

Hier, Visa et MasterCard nous ont dit que leurs cartes de débit étaient les seules qui pouvaient être utilisées pour faire des achats en ligne. À la page 9, je vois que vous offrez un service Interac en ligne. Ainsi, on peut utiliser la carte Interac pour effectuer des achats en ligne.

M. O'Connell : Oui. Nous offrons actuellement à un service qui permet aux Canadiens de faire des achats en ligne en utilisant l'argent de leur compte bancaire.

Le sénateur Ringuette : Quels sont les frais associés à ce service?

M. O'Connell : C'est sans doute une solution plus sécuritaire parce que notre service n'oblige pas les consommateurs à divulguer des données sur leur carte et à échanger des renseignements financiers avec les commerçants. Comme on a pu le constater avec T.J. Maxx, Winners, et cetera, la confidentialité de ces renseignements peut être compromise.

Interac en ligne est une entreprise canadienne indépendante qui a été créée pour permettre le transfert d'argent par courriel. Ces services n'ont pas été élaborés à l'interne. Il s'agit d'une solution à la fine pointe qui permet aux Canadiens de payer des articles et des services en ligne, avec leur argent. Nous ne sommes pas parvenus à commercialiser ou à lancer convenablement ce service. Voilà une autre preuve à l'effet que nous devons changer notre mode de gestion et notre capacité d'utiliser nos fonds dans le meilleur intérêt de l'organisation.

Le sénateur Ringuette : Les frais que les commerçants doivent payer pour ces achats en ligne sont-ils des frais fixes ou un pourcentage des ventes?

M. O'Connell : Ce sont les deux. C'est le seul service Interac qui fonctionne selon les deux modèles. Par exemple, il existe des frais fixes et un plafond pour le système scolaire et le gouvernement et il y a un pourcentage à payer pour les services Interac en ligne.

Le sénateur Ringuette : Lorsque vous déclarez que vous voulez modifier vos prix, voulez-vous suivre le modèle que vous avez adopté pour les achats en ligne de façon à inclure un coût par transaction et un pourcentage?

M. O'Connell : Non, les principes qui sous-tendent le nouveau service Interac reposent sur les faibles coûts. Nous avons conscience que les frais fixes par transaction sont à la base de notre organisation. Bien que je ne puisse pas entrer dans les détails, nous discutons afin de respecter ce principe pour tous les services à venir.

Le sénateur Ringuette : Les cartes de débit et les cartes de crédit utilisent la même puce. Hier, le représentant de Visa nous a dit que Visa possédait cette technologie et qu'elle la prêtait aux institutions bancaires. Que ferez-vous lorsque son accord avec le milieu bancaire vous retirera votre privilège d'utiliser une puce sur une carte de débit?

M. O'Connell : En fait, ils ne possèdent pas la puce. Je présume qu'il faisait référence à la norme EMV qui s'applique à la puce. EMV signifie Europay MasterCard Visa. Cette norme, qui a été élaborée en Europe, est une norme internationale qui définit les caractéristiques des applications relatives à la puce. Cette norme est présentée comme étant une norme internationale à la portée de tous, et j'espère que cela ne changera pas.

Le sénateur Moore : Pouvez-vous nous expliquer ça à nouveau?

M. O'Connell : EMV est la spécification normalisée à partir de laquelle la puce et les règles qui la régissent sont établies.

Le sénateur Moore : Parlez-vous des renseignements qui figurent sur la puce? Quelle norme s'applique à quoi?

M. O'Connell : Elle s'applique aux règles et aux spécifications qui touchent les puces.

Le sénateur Moore : Voulez-vous dire leur contenu, leur utilisation ou les deux?

M. O'Connell : Les deux. Bien qu'on ne parle pas de contenu, lorsqu'il s'agit d'applications. Ce sont simplement les règles qui régissent la manière dont la puce fonctionne, comme dans le cas d'un système informatique, non pas les applications qui se trouvent sur la puce. Cette norme vise à assurer que la puce et tous les terminaux peuvent communiquer l'un avec l'autre. C'est le langage de la puce, si vous voulez.

Le sénateur Moore : Le sénateur Oliver a posé une question au sujet des sommes que perçoit Interac sur les transactions énumérées au tableau de la page 3. Plus tôt, vous avez dit recevoir 1,6 cent par transaction, ce qui représente huit dixièmes d'un cent pour chacun des volets d'une transaction faite par carte de débit.

Qu'en est-il des transactions par carte de crédit? Selon le tableau, on parle de 73 cents. Quelle est votre part de ce montant?

M. O'Connell : Aucune. Interac est un réseau de débit seulement.

Le sénateur Moore : Est-ce que les frais de transfert s'appliquent uniquement aux cartes de débit?

M. O'Connell : Oui.

Le sénateur Moore : Vous avez fait part d'une certaine frustration de ne pouvoir augmenter les frais en raison des intérêts des propriétaires qui sont tous des compétiteurs. Cela me semble être une situation classique de conflit d'intérêts. Est-ce qu'une augmentation des frais doit être approuvée par décision majoritaire du conseil ou cette décision doit-elle être unanime? Que dit l'ordonnance par consentement à propos de cette situation?

M. O'Connell : L'ordonnance prescrit différentes exigences pour différentes décisions, ce qui montre la mesure dans laquelle l'ordonnance par consentement est à la fois restrictive et détaillée. En fait, elle énonce différents types d'initiatives et d'exigences en matière d'approbation.

Le sénateur Moore : Dans l'éventualité d'une augmentation des frais, faut-il que la décision soit majoritaire ou unanime? N'est-ce pas là l'élément clé de la situation?

M. O'Connell : Vous soulevez un point intéressant, à savoir que l'ordonnance par consentement n'a rien à voir avec l'établissement des frais. L'ordonnance porte sur la régie et le modèle de financement. L'ordonnance par consentement permet aujourd'hui l'interchange. En fait, le taux d'interchange peut être majoré de son taux actuel, qui est de zéro, par un simple vote majoritaire du conseil.

Je crois qu'il s'agit d'un témoignage devant le conseil pour aller de l'avant et nous permettre de proposer une restructuration qui ne vise pas l'interchange. Toutefois, une telle démarche ne réglerait pas le problème. Non seulement, cela ne peut être fait aujourd'hui, mais ne l'a pas été. Nous avons plutôt opté pour une restructuration visant à créer un système Interac solide et viable.

Le sénateur Moore : J'ai entendu ce que vous avez dit. Toutefois, vous n'avez pas répondu à ma question.

Si les membres du conseil se réunissaient aujourd'hui pour discuter des frais de transfert et de la possibilité de les augmenter, est-ce qu'une telle décision devrait être prise de façon unanime par les membres du conseil ou par une simple majorité de 50 p. 100 plus un?

M. O'Connell : Les membres ne peuvent se réunir. Le budget est établi selon une formule de recouvrement des coûts. Par conséquent, il est discuté et adopté une fois par année.

Le sénateur Moore : Tout cela a été fait. Ainsi, nous nous sommes engagés dans une voie et pour poursuivre, il nous faut majorer le tout d'un sou.

M. O'Connell : Chaque année, les membres du conseil votent et c'est par vote majoritaire que les frais de transfert annuels sont établis selon une formule de recouvrement des coûts.

Le sénateur Moore : C'est donc la majorité qui prévaut. Y a-t-il dans l'ordonnance par consentement des dispositions qui empêchent le réseau Interac d'aujourd'hui, en tant qu'association à but non lucratif, d'être vendu?

M. O'Connell : Je le crois bien, oui.

Le sénateur Moore : Selon la nouvelle structure d'entreprise, est-ce qu'une telle disposition pourrait être supprimée?

M. O'Connell : En vertu de son mandat, il revient au Bureau de la concurrence de veiller à ce que tout changement éventuel à l'ordonnance par consentement et à la structure d'Interac soit effectué de façon à assurer une concurrence ouverte et équitable. Cet aspect est visé par le mandat du bureau.

Le sénateur Moore : Je comprends. L'ordonnance par consentement contient une disposition qui prévoit que l'association ne peut être vendue.

M. O'Connell : La structure même de l'association fait qu'elle ne peut être vendue. Il n'y a même pas de disposition à cet effet dans l'ordonnance. En fait, l'association n'est même pas une entité légale. On parle ici d'affiliation, de règlement et d'acte constitutif.

Le sénateur Moore : Et qu'en est-il de ses biens? En vertu de l'ordonnance actuelle, pourraient-ils être vendus?

M. O'Connell : Les biens de l'association appartiennent aux membres. Alors, non, ils ne peuvent être vendus.

Le sénateur Moore : Mais, selon la nouvelle structure, pourraient-ils l'être?

M. O'Connell : Vous voulez dire d'un point de vue commercial?

Le sénateur Moore : Oui. Cela est en partie ce que vous essayez de faire, n'est-ce pas?

M. O'Connell : Il existe un certain nombre d'options aux fins d'investissement d'un point de vue commercial et elles seront toutes envisagées compte tenu de ce que nous devons faire. Rien n'a encore été déterminé.

Le sénateur Moore : Je pense ici à ce qu'a dit le sénateur Ringuette au sujet de votre survie. Il est possible que vous cessiez d'exister si vous recevez du Bureau de la concurrence le droit d'apporter les changements voulus. Il est également possible que votre conseil d'administration réponde positivement à des offres d'achat. Voilà ce qui m'inquiète.

Le président : Monsieur O'Connell, merci beaucoup de votre présence ici ce matin. Votre témoignage nous a été très utile et nous l'apprécions.

[Français]

La deuxième partie de notre rencontre ce matin nous donnera un aperçu des enjeux relatifs aux systèmes de cartes de crédit et de débit du point de vue des commerçants.

[Traduction]

Aujourd'hui, nous accueillons, à titre de témoins, des représentants de la communauté des marchands. Du Conseil canadien du commerce de détail, Mme Diane Brisebois, présidente et chef de la direction. Des Magasins Tigre Géant Limitée, nous avons M. Greg Farrell, vice-président-directeur général et chef des finances. M. David Wilkes, premier vice-président du Conseil canadien des distributeurs en alimentation et enfin, de Sobeys Inc., nous avons M. Paul Jewer, premier vice-président des finances et trésorier.

Bienvenue. Nous sommes heureux de vous compter parmi nous.

Veuillez commencer vos déclarations préliminaires.

[Français]

Mme Diane J. Brisebois, président et chef de la direction, Conseil canadien du commerce de détail : Monsieur le président, permettez-moi au nom de la coalition et de mes collègues de remercier le comité sénatorial de nous donner l'occasion de présenter le point de vue des marchands sur les systèmes de paiement au Canada.

[Traduction]

La question sur laquelle se penche aujourd'hui le comité est grave et prend de plus en plus d'ampleur pour les marchands et les consommateurs canadiens que nous servons. Nous sommes reconnaissants au comité d'avoir pris l'initiative d'examiner cette question.

Nous espérons qu'à la suite de notre témoignage ainsi que de ceux des autres témoins, le comité reconnaîtra la nécessité d'une intervention du gouvernement.

David Wilkes, premier vice-président, Conseil canadien des distributeurs en alimentation : La coalition « Cessez de nous coller des frais à payer » a vu le jour en 2008. Cette coalition représente plus de 200 000 entreprises, la majorité d'entre elles étant de petites entreprises indépendantes dans les secteurs de la vente au détail, de l'hôtellerie, des détaillants en alimentation, de la restauration et autres.

Les membres de cette coalition offrent des services aux consommateurs dans chacune des communautés partout au pays. Ils sont extrêmement inquiets de la hausse rapide des frais des cartes de crédit imposés aux marchands et de la mise en œuvre très prochaine, par Visa et MasterCard, de nouvelles structures de frais pour les cartes de débit.

Au cœur du problème, il y a le duopole formé de Visa et de MasterCard qui représente 94 p. 100 du marché des cartes de crédit au Canada. Leur emprise sur le marché est telle qu'ils peuvent imposer des frais très élevés pour leurs services, ainsi que nous l'avons constaté au cours des derniers mois, et ce sont les marchands et les consommateurs qui doivent payer.

En ce qui a trait aux services des cartes de débit, la coalition s'inquiète du fait que l'émission imminente de cartes de débit par Visa et MasterCard contribuera à faire grimper le coût des transactions par débit.

Ne vous méprenez pas : les dirigeants des sociétés émettrices de cartes de crédit considèrent les frais imposés aux marchands comme une source de revenus.

Tout comme à la diapositive 5, permettez-moi de citer l'ancien vice-président principal et avocat général adjoint de Visa International et Visa USA :

Les sociétés émettrices ont commencé à considérer les frais d'interchange non comme un mécanisme de réaffectation de revenu visant à garantir le succès du système, mais comme une structure de prix reposant sur la demande et servant à tirer des marchands le maximum de revenus que le marché puisse tolérer.

Hier, vous avez entendu le représentant de MasterCard dire que « les consommateurs ne paient aucun frais d'interchange. »

Permettez-moi de rappeler aux membres du comité ce qu'a dit un représentant du Mouvement Desjardins, qui est à la fois un émetteur et un acquéreur de cartes de crédit, citation qui figure à la diapositive 6 « Les consommateurs paient toujours en définitive tous les coûts reliés aux services de paiement. »

Mme Brisebois : Comme les membres du comité le savent bien, la coalition ne s'oppose pas aux cartes de crédit. Pour eux, il s'agit d'un mécanisme de paiement pratique et sécuritaire dans l'ensemble, qui plaît aux consommateurs. En tant qu'entreprises ayant le souci de leur clientèle, les marchands doivent accepter la méthode de paiement choisie par les consommateurs. De plus, les marchands comprennent bien que ce service n'est pas gratuit.

Toutefois, comme le montre le tableau, en réalité, il y a peu de rapport entre les frais et les coûts réels de traitement, lesquels correspondent uniquement à 13 p. 100 des coûts d'interchange.

Comment ce type d'augmentation est-il possible? Essentiellement, en raison de l'absence d'une concurrence réelle.

[Français]

Naturellement, nous appuyons l'enquête du Bureau de la concurrence.

[Traduction]

Nous sommes heureux de l'annonce récente du Bureau de la concurrence quant à la tenue d'une enquête sur l'abus de position dominante. Nous voyons des preuves solides du mauvais fonctionnement de ce marché alors que les deux principaux intervenants mettent en oeuvre des structures de frais semblables et des hausses aussitôt imitées par l'autre ainsi qu'une même méthode de promotion vigoureuse de distribution des cartes de crédit « premières ».

Selon les cours élémentaires d'économie, la concurrence fait baisser les prix, mais ce n'est pas le cas dans le marché des cartes de crédit. Les sociétés émettrices de cartes de crédit n'ont aucune relation directe avec les consommateurs. Elles se font plutôt concurrence uniquement pour conclure une entente avec les diverses institutions financières. Pour y parvenir, elles offrent des taux de rendement supérieurs aux émetteurs grâce à l'argent d'autres personnes.

C'est tout le contraire des effets normaux de la concurrence. Plus il y a de concurrence, plus les frais sont élevés.

La meilleure façon de voir comment Visa et MasterCard établissent leurs structures de frais d'interchange consiste à envisager la situation non pas du point de vue de la concurrence mais bien comme une enchère, payée à même l'argent soutiré aux marchands et, ultimement, aux consommateurs.

J'aimerais citer ici M. Phillip Lowe, gouverneur adjoint à la Reserve Bank of Australia qui résume bien la situation : « [...] la concurrence entre les joueurs pousse les frais à la hausse, et non à la baisse. »

Les marchands n'ont pas d'autre choix que d'accepter leurs cartes, si c'est la méthode de paiement que le consommateur a décidé d'utiliser. Ça, c'est la réalité.

Comme l'a souligné M. Vickers, président de Fair Trading, dans le cadre de la conférence internationale sur la politique des paiements, « [...] il y a là quelque chose d'inévitable. »

Auparavant, les marchands pouvaient négocier un peu avec les émetteurs dans le cadre d'un ensemble de services financiers. Toutefois, l'impartition des programmes « acquéreurs », a fait disparaître cette possibilité. Par conséquent, si les marchands ne peuvent négocier seuls, peuvent-ils le faire collectivement? Une question que les sénateurs ont posée au cours des audiences?

Le CCCD, dont je suis la représentante, a mis à l'essai un programme pour aider les marchands à négocier des taux plus bas. Cependant, au cours des dernières années, même avec l'important chiffre d'affaires que représentent les membres, collectivement, nous avons perdu cette possibilité.

Les taux de Visa et de MasterCard sont annoncés et non négociables. Les acquéreurs sont des intermédiaires qui nous refilent la facture des frais.

Je demanderais maintenant à M. Farrell de nous parler de l'ampleur du problème.

Greg Farrell, vice-président-directeur général et chef des finances, Magasins Tigre Géant Limitée : Au cours des 18 derniers mois, les marchands ont assisté à des hausses de frais de l'ordre de 10 p. 100 et plus. Nous sommes des magasins d'escompte qui vendons des produits alimentaires de base et divers autres produits de première nécessité. Nous avons connu des augmentations de frais de plus de 30 p. 100 comparativement à l'année précédente. Ces augmentations surviennent au cours de la période la plus difficile sur le plan économique, alors que les détaillants réduisent leur marge de profit et diminuent les coûts simplement pour survivre.

Cette augmentation de 30 p. 100 des frais résulte de deux facteurs : une augmentation des frais et des coûts de transformation, et le passage des cartes standard aux cartes « premières ».

L'utilisation des cartes « premières » dans nos magasins est révélateur. Je le répète, nous sommes des magasins d'escompte et notre clientèle est principalement constituée de consommateurs à revenu faible et moyen, et non pas de grands dépensiers comme le sont les marchés ciblés par MasterCard et Visa.

Fait remarquable, l'utilisation des cartes « premières » dans nos magasins est passée de moins de 0,7 p. 100 de nos ventes par cartes de crédit, il y a de cela un an, à plus de 35 p. 100 de nos ventes par cartes de crédit aujourd'hui.

Le président : Tout cela en une année?

M. Farrell : Oui, une année. Cela représente 50 fois plus de ventes en une année.

Si l'augmentation des frais de ces cartes « premières » était compensée par le fait que les détenteurs achètent plus — comme on l'a suggéré hier — ce serait une chose. Toutefois, ce n'est pas le cas. En fait, l'utilisation des cartes de crédit dans nos magasins a légèrement diminué au cours de cette même période.

Le président : Parlez-vous du nombre des transactions ou de leur valeur?

M. Farrell : Je parle de la valeur en dollars des transactions.

Le sénateur Oliver : Est-ce que l'utilisation de cartes de débit a augmenté?

M. Farrell : C'est assez stable, mais nous constatons tout de même une légère augmentation. Nous nous attendions à une augmentation importante, mais nous avons connu une légère baisse au cours de cette même période.

Nous payons des frais beaucoup plus élevés même s'il n'y a pas plus d'utilisateurs de cartes de crédit.

Paul Jewer, premier vice-président des finances et trésorier, Sobeys Inc. : Les marchands ont-ils le choix d'accepter ces cartes à frais plus élevés? En un mot : non. Visa et MasterCard exigent que nous honorions toutes les cartes de crédit qu'elles offrent.

De plus, il est difficile de refuser un mode de paiement légitime choisi par un consommateur, surtout lorsqu'il n'est probablement pas au courant de ses effets néfastes sur nous, les marchands, et de l'effet de boomerang sur les prix à la consommation, qui augmenteront inévitablement.

Même si les marchands avaient la possibilité de refuser de telles cartes à frais plus élevés, il serait presque impossible pour l'un de nos milliers de caissiers de les reconnaître au point de vente parmi les plus de 200 cartes de crédit sur le marché. De plus, il serait très difficile pour nos caissiers d'expliquer aux consommateurs pourquoi leur carte n'est pas acceptée. Cette même préoccupation pratique s'appliquera probablement également pour les cartes de débit.

Les hausses de coût appréciables sont particulièrement néfastes pour l'industrie de l'alimentation. C'est une industrie extrêmement concurrentielle, où les marges sont très minces. De nombreux achats d'épicerie et de pharmacie sont de faible valeur; par conséquent, même une différence de quelques cents dans les frais d'acceptation peuvent avoir un impact considérable. Toute pression à la hausse sur les prix est inévitablement passée aux consommateurs, puisque les épiciers ne peuvent absorber que de très faibles hausses s'ils veulent demeurer en activité.

Après tout, l'industrie de l'alimentation est une industrie où les marges bénéficiaires sont à peine plus élevées que les frais d'interchange sur les cartes dites « Infinite » ou « Première ». Puisque la nourriture est une nécessité plutôt qu'une dépense discrétionnaire, nous devons tous être préoccupés des répercussions qu'auront les hausses de prix sur les consommateurs, particulièrement ceux à faible revenu ou à revenu modeste.

M. Wilkes : Quelle est la solution? La coalition croit que les frais de transaction facturés aux détaillants, que ce soit pour le crédit ou le débit, doivent refléter les coûts de traitement réels, comme c'est le cas en Australie. On doit permettre des coûts raisonnables et un juste retour sur la participation des sociétés émettrices de cartes. Cependant, les frais d'interchange ne doivent pas dépasser ce niveau.

Comment fonctionne le système australien? Les détails sont fournis dans notre document, mais on peut résumer comme suit : l'ensemble du processus de fixation des taux des organisations émettrices de cartes de crédit et de débit est transparent pour tous les intervenants. Une mesure commune a été établie pour les coûts admissibles. Par conséquent, en Australie, l'interchange ne peut pas dépasser 0,5 p. 100, ou 50 points de base, et le taux d'escompte aux marchands est donc de moins de 1 p. 100.

Nous nous basons beaucoup sur le modèle australien, mais comme vous pouvez le voir sur le tableau de la page 19, d'autres États ont pris des mesures. L'Union européenne a adopté un modèle basé sur le coût d'achat majoré pour les transactions transfrontalières, et divers gouvernements tentent de résoudre le problème. La communauté internationale avance en ce sens. Nous ne devons pas rester derrière.

MasterCard et Visa ont critiqué le système australien et, bien entendu, elles l'ont fait de nouveau hier, en faisant planer le risque d'effets néfastes sur les consommateurs ou sur l'innovation. Cependant, le bulletin très respecté de l'industrie, le Lafferty Cards Insider, le voit d'un autre œil, notant que : « Malgré les changements qui ont été appliqués, les émetteurs se sont bien adaptés et l'industrie demeure dans une position solide : les marges demeurent élevées. »

On peut voir une tendance vers l'émission de cartes de crédit à faible coût, sans valeur ajoutée, mais les plans de récompense et l'innovation demeureront sur le marché.

Mme Brisebois : La coalition comprend que le Canada est unique et qu'une analyse considérable est nécessaire afin d'en arriver à un régime approprié pour notre pays. Cependant, il est urgent que le Canada passe à l'action. Nous implorons le comité de recommander au gouvernement l'élaboration d'un système de surveillance afin d'assurer des prix justes et une saine attitude concurrentielle de la part des deux sociétés émettrices de cartes.

Le ministre des Finances a le pouvoir de définir et, par conséquent, de réglementer le système de paiement de ce pays. Bien entendu, les solutions envisageables sont détaillées dans notre document.

Le marché des cartes de crédit se résume ainsi : une augmentation des frais pour une valeur ajoutée discutable. Et ils ont maintenant l'œil sur le marché des cartes de débit.

Le système canadien de paiement en ligne par carte de débit est l'un des plus efficaces au monde. C'est ce que les représentants de certaines des plus grandes institutions financières canadiennes ont dit au comité.

Visa et MasterCard ont annoncé qu'elles lanceraient leurs produits de débit au Canada à partir de cette année. Il faut comprendre que Visa et MasterCard exercent leurs activités en dehors du cadre législatif qui régit les systèmes de paiement et ne tombent pas sous la responsabilité de l'ACP. Il s'agit donc d'un moment déterminant dans l'évolution des services financiers de ce pays.

Visa et MasterCard ont soutenu hier qu'autoriser l'utilisation de leurs produits de débit au Canada aurait pour seul résultat d'intensifier la concurrence. Cependant, cette concurrence ne serait pas différente de celle que vit le Canada en ce qui concerne les cartes de crédit : une vente aux enchères à laquelle se livrent les émetteurs et qui résulte en une augmentation des coûts pour tous.

De plus, ils prévoient proposer des incitatifs aux acquéreurs afin que leurs produits de débit soient choisis en priorité aux points de vente. Il faut ajouter à cela la distribution agressive de ces cartes par les émetteurs. Il suffit de regarder les États-Unis pour voir comment ces deux entreprises ont éliminé les services de carte de débit efficaces comme Interac.

Les coûts ont explosé et se composent maintenant de frais fixes et de taux ad valorem. Le sénateur Ringuette nous a donné hier un exemple où une transaction de 500 $ effectuée aux États-Unis a généré des frais de 7 $. Au Canada, selon les taux de débit que Visa a publiés, il en coûterait 3,90 $. Comparons cela aux 12 cents environ qu'il faut payer pour utiliser notre système de débit actuel — le système de débit Visa serait 30 fois plus dispendieux que ce que nous avons aujourd'hui.

Nous demandons au comité de se poser quelques questions : pourquoi les frais de débit devraient-ils être liés au montant de la transaction au point de vente? Si l'argent est transféré en temps réel du compte du client à l'émetteur et qu'il ne s'agit pas, de toute évidence, d'un prêt ou d'une avance de crédit, comment Visa et MasterCard peuvent-elles se justifier de facturer un pourcentage? La réponse est simple : ils peuvent actuellement le faire et ne sont soumis à aucune réglementation.

Il serait étrange que le Canada envisage de s'orienter vers un système non réglementé, comme aux États-Unis, étant donné que ceux qui connaissent bien le système américain ont exprimé leur admiration envers le système Interac que nous utilisons aujourd'hui.

M. Wilkes : Lorsque nous cherchons une solution, nous parvenons à la conclusion que si Visa et MasterCard obtiennent la permission d'exploiter leur système de débit au Canada, elles devront le faire en vertu des règles canadiennes telles que celles qui existent pour Interac et qui passent par l'ACP. Les frais devraient correspondre au coût de traitement réel auquel s'ajouterait une marge de profit raisonnable, mais sans possibilité de pourcentage. Bref, nous avons besoin d'un système canadien qui assure un système de cartes de débit sécuritaire, efficace et abordable.

Nous sommes au courant des modifications apportées aux ordonnances par consentement relatives à Interac dont a parlé le témoin précédent. Nous sommes conscients que certains changements pourraient être utiles. Mais nous nous inquiétons du fait qu'Interac pourrait éventuellement vouloir un interchange ou une augmentation substantielle afin de compétitionner avec Visa et Mastercard.

Nous continuons d'appuyer une structure à frais fixes qui reflète le coût réel des transactions, et qui combine la transparence et une forme de surveillance et de reddition de comptes. Cette recommandation devrait s'appliquer à tous les systèmes de débit de ce pays.

Mme Brisebois : Pour finir, la coalition a proposé des solutions pratiques qui reflètent le caractère unique de notre marché et qui peuvent être mises en œuvre pour mieux servir et protéger des centaines de milliers de commerces et de consommateurs canadiens partout au pays. On se résigne souvent à l'augmentation des frais des banques et des fournisseurs de cartes de crédit. C'est comme s'il y en avait tellement qu'il n'existait aucun moyen pour les consommateurs de les combattre. Mais il est possible de le faire, et nous percevons le travail de ce comité et ces audiences comme un important premier pas.

Ces frais ne sont pas la troisième chose inévitable de la vie, comme on dit, après la mort et les impôts. Le gouvernement dispose des outils nécessaires pour s'attaquer à ces problèmes et pour y apporter des solutions. Encore une fois, nous reconnaissons le leadership de ce comité dans ce domaine et nous vous demandons incessamment de saisir la chance qui vous est offerte de présenter des recommandations en vue de prendre des mesures concrètes.

[Français]

Le président : Madame Brisebois, je vous félicite pour votre exposé ainsi que pour ceux de vos collègues. Ce n'est pas toujours facile de le présenter de façon logique et claire lorsqu'il y a plusieurs intervenants. Vous avez bien réussi.

[Traduction]

Si le marché des cartes de débit évolue comme vous l'avez suggéré, pensez-vous qu'Interac pourrait survivre? Je fais référence à la question que le sénateur Ringuette a posée au témoin avant vous; selon elle, Interac aurait beaucoup de mal à faire face aux bien nantis que sont Visa et MasterCard. Comme M. O'Connell l'a dit, croyez-vous que si Interac maintenait un modèle de coûts inférieurs, les commerçants choisiraient ce service plutôt que le service qui offre diverses options?

M. Wilkes : Nous croyons que tous devraient être sur le même pied d'égalité. Peu importe qui offre l'instrument de débit sur les marchés — Interac, Visa, MasterCard ou une partie imprévue quelconque —, l'instrument doit se fonder sur les solutions canadiennes qui rendent actuellement service aux clients également : faire en sorte qu'on se conforme à la Loi canadienne sur les paiements. L'Association canadienne des paiements régit toutes les transactions effectuées par carte de débit et nous croyons qu'elle devrait continuer de le faire.

Comme Mme Brisebois l'a dit, l'argent est transféré du compte d'un client au compte du commerçant. Les frais devraient être fixes. Il n'y a aucun changement dans les coûts, peu importe le montant qui est transféré. Ainsi, nous croyons que des frais fixes qui tiennent compte du coût réel de la transaction sont les frais qu'il convient d'imposer. Nous n'appuierions certainement pas des frais en pourcentage. Compte tenu de ces conditions, nous croyons que la concurrence prospérera et qu'elle devrait pouvoir le faire.

Mme Brisebois : La réalité, c'est que nous parlons des commerçants autant que des consommateurs. C'est le consommateur qui décidera quel produit il utilisera en magasin. Le consommateur ne sait peut-être pas que ce produit sera rattaché à des frais fixes ou à des frais en pourcentage. Cela dépend habituellement des avantages dont peut bénéficier le consommateur s'il utilise la carte. C'est là l'enjeu et le problème, parce que les commerçants se retrouvent au milieu et qu'ils n'ont aucun pouvoir de négociation. Nous l'avons constaté dans des segments de la vente au détail. Nous sommes au service des familles à faible et à moyen revenus, où les cartes à valeur ajoutée sont passées de zéro à près de 40 p. 100. Cela vous indique qu'il y a peu de contrôle par rapport à ce que le commerçant peut faire. Il est extrêmement important que nous nous penchions sur un règlement pour faire en sorte que les commerçants aussi soient sur un pied d'égalité. J'espère que j'ai répondu à la question.

Le président : Monsieur Farrell, croyez-vous que l'augmentation de 40 p. 100 pour les cartes à valeur ajoutée peut s'expliquer en tout ou en partie par l'absence de connaissances financières? Est-ce que les consommateurs reçoivent la carte par la poste sans prendre conscience de ce que cela comporte?

M. Farrell : Ma femme et moi recevons des cartes de crédit par la poste sans aucune explication. Nous ne comprenons pas. Je comprends un peu, mais le consommateur typique ne comprendrait pas. Je suis sorti avec des amis l'autre soir; nous étions 10 autour de la table et personne ne comprenait.

M. Brisebois : Que le consommateur soit informé ou non, et nous sommes d'avis que le consommateur ne l'est pas, il est intéressant de constater que ces cartes à valeur ajoutée permettent aux émetteurs d'en émettre à des Canadiens nantis. Si je ne m'abuse, depuis les 12 derniers mois, nous vivons tous des périodes difficiles en raison de la récession. J'essaie de comprendre comment Visa et MasterCard peuvent justifier les données suivantes : au cours des 12 à 18 derniers mois, le pourcentage de Canadiens nantis est passé de 2 à 30 p. 100. Le fait est que ces cartes sont données comme on donne des bonbons le soir de l'Halloween. Visa et MasterCard diront peut-être que leurs frais d'interchange n'ont pas changé ou qu'ils ont diminué, mais ces sociétés n'émettent pas de cartes accompagnées de frais d'interchange. C'est pourquoi nous voyons des cartes apparaître dans tous les magasins. Aux États-Unis et ailleurs dans le monde, nous posséderons peut-être tous des cartes à valeur ajoutée d'ici un à deux ans. MasterCard a annoncé la venue d'une super carte à valeur ajoutée; c'est une pensée qui m'effraie. Leurs affirmations à propos des frais qui sont bas induisent les gens en erreur.

Le sénateur Goldstein : Merci pour votre aide. Vous avez parlé du modèle australien comme d'un modèle que nous devrions prendre en considération. Nous avons entendu les témoignages et avons pris connaissance des études selon lesquelles les frais d'interchange n'ont aucune incidence sur le consommateur.

Si c'est exact, alors pourquoi parlons-nous de la possibilité d'intervenir dans ce qui est censé être un libre marché au Canada?

M. Jewer : Comme je l'ai dit plus tôt, la compétition est féroce dans le secteur de l'alimentation, au point où les épiciers doivent constamment baisser leurs prix. Ceux-ci n'auraient donc pas le choix, au bout du compte, de faire bénéficier le consommateur de ces économies, parce que si un ne le fait pas, il peut être certain que, compte tenu de la compétitivité du marché, un autre le fera à sa place.

Le sénateur Goldstein : Pourquoi ce n'est pas le cas en Australie?

M. Jewer : Je ne peux pas parler de l'exemple australien.

Mme Brisebois : Quand ces arguments ont été avancés, hier, aucun des témoins n'a pu prouver que les prix n'avaient pas baissé. Or, il ne suffit pas d'observer une baisse de pourcentage et de présumer ensuite qu'aucun facteur extérieur ne viendra affecter le prix des biens à la consommation.

Nous ne pouvons que présumer que le marché de détail de l'Australie est très compétitif puisque les prix ont été modifiés en conséquence. Là encore il ne suffit pas de considérer cet élément comme s'il pouvait affecter le prix. Il y a aussi le coût de l'essence, par exemple, et beaucoup d'autres facteurs, mais vous pouvez être assuré que dans le secteur du détail, il y a des milliers d'entreprises en compétition les unes contre les autres, ce qui fait que les prix sont toujours de plus en plus compétitifs.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Les représentants de MasterCard nous ont dit hier que le Retail Council of Canada avait refusé de les rencontrer, est-ce exact?

Mme Brisebois : J'espérais que quelqu'un me pose cette question. Nous avons, en tant qu'Association canadienne du commerce de détail, invité MasterCard à plusieurs reprises. Notre association a organisé pendant les cinq dernières années des assemblées avec Visa, MasterCard, Interac et d'autres.

[Traduction]

Permettez-moi seulement d'ajouter, comme M. Stanton l'a mentionné hier, que s'il suffisait que je prenne le téléphone et que je lui parle pour résoudre la question, je peux vous assurer que vous ne seriez pas assis ici en train de vous demander s'il faut aller de l'avant en ce qui concerne les recommandations liées à la législation. Ce n'est pas le cas. Je sens toutefois un vent de frustration. Je crois qu'il est important de préciser que Conseil canadien du commerce de détail a été invité à siéger chaque année au comité de marchands s'opposant à ces frais. Nous avons donc été très proactifs. J'ai été un peu surprise.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Dans votre présentation, à la page 5, vous citez M. Broox-Peterson, l'ancien vice-président. Quand il a fait cette déclaration très importante, était-il toujours officier ou avait-il déjà quitté Visa?

Mme Brisebois : Si je ne me trompe pas, c'était suite à son départ. Je pense que c'était lors des consultations semblables aux nôtres aux États-Unis.

Le sénateur Massicotte : Parlons d'Interac maintenant. Je comprends vos recommandations, elles sont assez claires. Êtes-vous d'accord avec M. O'Connell? J'ai lu les ordonnances de consentement. Elles permettent les investissements en recherche et développement parce qu'il y a recouvrement des coûts. Sans aller à l'encontre de la question du sénateur Moore, la majorité du conseil, composé de 14 membres, va approuver toutes les décisions.

J'ai de la difficulté avec l'argument de la gouvernance. Êtes-vous néanmoins d'accord pour dire que si Interac conserve les mêmes règles alors que Visa et MasterCard ont le droit d'entrer au Canada sans qu'on exige d'eux les mêmes règles, il est fort probable qu'Interac disparaîtra surtout si ses frais d'interchange sont élevés, comme vous l'avez dit au départ? C'est le problème fondamental. Conséquemment, ils seront très populaires comparés à Interac.

Êtes-vous d'accord pour dire qu'il y a un déséquilibre si on laisse Interac comme tel et qu'on laisse les autres entrer au Canada sans règles particulières?

Mme Brisebois : Absolument. Si on laisse l'organisation Interac comme telle aujourd'hui, avec les règlements sous les ordonnances de consentement, même si elle peut investir, elle sera toujours désavantagée. Ce n'est pas à cause d'Interac et de sa structure mais surtout à cause des gens qui siègent au sein de son conseil d'administration.

Comme vous l'avez indiqué tantôt, si on vous offre 20 cents au lieu de cinq pour Interac, le choix ne sera pas difficile. Ce sont les gens qui prennent cette décision et qui siègent au conseil d'administration d'Interac

Le sénateur Massicotte : La majorité des 62 membres qui siège au conseil d'Interac vient presque exclusivement des institutions financières. Il n'y a pas de marchands importants sur le conseil, si je ne me trompe pas?

Mme Brisebois : Il y a un marchand important, mais en fin de journée, ce sont les institutions financières qui prennent la décision de mettre ou non un certain logo sur leur carte. Il n'y a pas de doute chez nous, chez les marchands et la collectivité que nous représentons que s'il y a des bénéfices importants pour, disons, trois banques, elles pourront bien choisir d'avoir une carte MasterCard, Visa ou de débit sans avoir Interac ou tout autre service.

[Traduction]

Pour en revenir à la procédure normale, si vous concluez une entente et qu'une carte exclusive à un magasin est utilisée dans ce magasin, le propriétaire du commerce ne le saura pas, mais la priorité de traitement sera d'abord accordée, disons aux achats payés par Visa, c'est-à-dire au plus dispendieux et non au moins cher. Il devrait exister des règles à cet effet, comme nous l'avons dit plus tôt.

Le sénateur Massicotte : J'essaie de bien cerner la question, et je vais vous faire voir l'autre côté de la médaille. Quand on utilise une carte de crédit, les frais sont en moyenne de 1,75 p. 100 à chaque utilisation, environ. Selon le témoignage que nous avons reçu, il semble que les grandes compagnies telles que Visa et MasterCard reçoivent entre 15 et 20 points de base pour le traitement et leur nom. Il semble que les acquéreurs reçoivent donc quelque chose comme 25 à 30 points. Si ces renseignements sont exacts, cela signifie que 55 à 60 points sont répartis ainsi et que le reste, soit environ 1,1 p. 100, va directement à l'institution financière, qui est en fait l'émettrice de la carte. Celles-ci se défendent en disant qu'il existe beaucoup d'institutions financières émettrices de cartes et des centaines de choix de cartes de crédit. Je ne sais pas pour quelles raisons le consommateur ne choisit pas toujours la meilleure, mais il est de toute évidence influencé par les programmes de récompense.

Comme la plus grande partie des frais va à l'institution financière émettrice de la carte et que la compétition est forte, on pourrait présumer que le marché est efficace. Les sociétés émettrices offriraient les meilleurs produits au meilleur prix, et ainsi, il y aurait une certaine compétition dans le marché. Cependant, le monde entier est préoccupé par le fait qu'il n'existe pas vraiment de compétition entre Visa et MasterCard, ce qui constitue un problème à l'échelle mondiale.

Il y a aussi un débat qui a été soulevé pour ce qui est de savoir s'il y a suffisamment de compétition entre les acquéreurs, puisqu'il n'en existe que deux ou trois et qu'ils sont détenus par des institutions financières. Pourriez-vous nous dire ce qui cloche dans cette vue d'ensemble et me dire pourquoi ce problème est toujours présent?

M. Wilkes : C'est ainsi que la compétition fonctionne. Il s'agit de compétition inversée. En effet, les compagnies émettrices de cartes de crédit se disputent le marché des institutions financières. Elles se font compétition en offrant des taux de retour toujours de plus en plus alléchants, et c'est donc dire qu'elles se font compétition avec l'argent des autres.

Si une compagnie offre 1,2 p. 100 de retour alors qu'un autre en offre 1,4 p. 100 aux institutions, celle-ci optera pour le retour le plus élevé. La carte première en est un bon exemple. Comme elles sont émises aux clients et utilisées dans des magasins qui sont membres de notre coalition, c'est nous qui payons ces frais élevés qui retournent aux institutions financières. Il existe une compétition, mais elle ne correspond pas à ce que l'on entend en économie 101; elle est plutôt inversée. Elle va en augmentant. Comme il est impossible d'instaurer une saine compétitivité sur le marché, c'est pourquoi nous avons besoin que le gouvernement fasse ce que ferait normalement la compétition.

Le sénateur Massicotte : Je suis d'accord avec la déclaration faite précédemment par Mme Brisebois. Il y a un problème fondamental à ce que les personnes qui décident des cartes de crédit émises ne participent pas à cette consultation. Les marchands ne sont pas représentés et semblent revendiquer le pouvoir de négocier une meilleure entente. Ce sont eux qui assument ces frais, mais ils ne peuvent décider quelle carte le consommateur pourra utiliser. C'est donc un très gros problème.

Faisons une analyse. Les grandes marques, évidemment, offrent des meilleurs taux d'interchange dans le but de mettre un grand nombre de cartes en distribution et ainsi faire beaucoup plus d'argent. Et de l'argent, elles en font beaucoup. N'oubliez pas qu'elles ne touchent que 20 points de base. Mais ce sont les institutions financières qui empochent les plus gros montants dans ce régime négatif d'incitation.

Pourquoi la compétition n'est-elle pas suffisante pour garantir que l'argent ne retourne pas nécessairement au consommateur du produit, mais plutôt à l'utilisateur de la carte?

Mme Brisebois : Il n'y pas d'incitatif. Nous disons souvent à la farce que « Si on vous offre quelque chose, dites oui », parce qu'en fait, vous avez cette entité qui paie un frais caché et non réglementé. Les institutions financières créent les banques. Elles ne considèrent pas le marchand comme un client. Pour elles, le client est le détenteur de la carte et le marchand n'est qu'un intermédiaire. Compte tenu de la structure même du système, elles sont libres de monter les prix autant que le marché peut en prendre.

Le sénateur Massicotte : Laissez-moi récapituler. Si l'émetteur financier offre un meilleur taux d'interchange — c'est toujours la même question qui revient — , que ce taux continue de monter et qu'elles continuent d'offrir des cartes premières, alors pourquoi les banques et les caisses populaires de ce monde n'offrent pas davantage d'incitatifs, ou de récompenses, si vous voulez, ou des taux d'intérêt plus bas sur les cartes afin de profiter de revenus plus élevés et d'une meilleure compétitivité à cet égard?

M. Wilkes : C'est ce qu'elles font, mais elles le font avec l'argent des autres.

Mme Brisebois : C'est très avantageux pour elles parce qu'elles n'ont pas à le faire. En fait, monsieur le Sénateur, je crois que notre définition de la compétition n'est de toute évidence pas la même. Les institutions financières profitent de taux d'interchange élevés, notamment par l'émission de cartes premières. Elles se démarquent dans le marché en offrant des types différents de programmes de fidélisation et d'autres bricoles du genre.

Au moment où on se parle, tout semble bien fonctionner et rien n'a encore été mis en place pour les inciter à offrir un produit à coût moindre, que ce soit parce que la demande est là ou parce qu'elles sont forcées à le faire. J'ai le sentiment de ne pas avoir répondu à votre question.

Le président : Est-il vrai qu'au moins une banque à charte canadienne a émis sa propre carte de crédit pour la simple et unique raison qu'elle voulait rester en contact étroit avec les clients-marchands? Autrement dit, une fois que le marchand avait commencé à utiliser cette carte bancaire, il y avait plus de chance qu'il continue à faire affaires avec cette banque.

Mme Brisebois : Vous voulez dire qu'il y a une banque qui ne fait pas seulement qu'émettre les cartes mais qui agit aussi comme acquéreur et qui gère les relations avec le marchand. Il ne fait aucun doute que dans ce cas, et je crois que c'est un des témoins qui a comparu devant le comité qui a parlé de ça, on serait davantage sensible aux besoins des clients qui, dans ce cas, seraient les marchands. Il y aurait donc ici un incitatif.

Le président : Je voulais seulement souligner qu'il y en avait au moins un exemple.

Le sénateur Oliver : J'aurais une question pour MM. Farrell et Jewer. Vous avez dit qu'en tant que marchands, vous êtes impuissants et n'avez pas votre mot à dire dans le processus de négociation des frais et ainsi de suite. Nous sommes ici en tant que membres d'un comité sénatorial et décideurs. J'aimerais que vous nous aidiez et que vous nous donniez davantage d'information sur le type de mesures que vous croyez que les décideurs publics pourraient prendre pour vous assurer d'avoir voix au chapitre.

M. Farrell : Hier, dans les deux exposés, je crois, il a été constamment question du choix du marchand; comme vous l'avez souligné, nous n'avons pas vraiment le choix. Elles contrôlent 94 p. 100 du marché. Il y a Visa, et il y a MasterCard, et nos clients veulent utiliser ces cartes. Nous voulons seulement pouvoir participer aux négociations. Avant qu'elles ne deviennent des sociétés, il y avait un certain travail de négociation et un service de traitement.

Le sénateur Oliver : Et quel est l'objectif recherché maintenant?

M. Farrell : Il faut ramener une certaine réforme de réglementation de manière à ce qu'il n'y ait pas d'abus de pouvoir. Comme c'est là, nous devons accepter les cartes de crédit. Les gens continueront de les utiliser, hausse après hausse après hausse, comme ça été le cas dans les 18 derniers mois. Je ne constate aucun ralentissement. Nous voulons que tout ça soit réglementé et nous voulons un retour sur les investissements pour les frais encourus par ce service. Les marges dont elles bénéficient n'ont rien à voir avec les marges avec lesquelles les détaillants doivent composer depuis les 18 derniers mois.

M. Jewer : En ce qui nous concerne, il est évident que nous avons un meilleur pouvoir de négociation. Mais malgré la taille de notre organisation, nous n'avons jamais été en mesure, comme vous avez pu le constater avec les chiffres qui vous ont été présentés aujourd'hui, d'éviter les hausse significatives qui nous ont été imposées au cours de la dernière année. Nous avons proposé certaines mesures et nous espérons que le comité et le gouvernement sauront déterminer les mesures d'intervention qui s'imposent en matière de politiques publiques.

Le sénateur Oliver : Un certain nombre de personnes ont fait référence à des frais cachés, et le président a soulevé une question concernant la littératie en matière financière, pour laquelle il n'y a qu'une réponse partielle. Nous croyons fortement que le consommateur n'est pas informé, en particulier en ce qui concerne les cartes premières. Qu'est-ce que vous, en tant que détaillants, et les gens sur le terrain croyez qu'il faudrait faire pour que le consommateur soit mis au courant et que celui-ci connaisse mieux les choix qui s'offrent à lui de même que les coûts rattachés à chacune de ces solutions? Que recommandez-vous?

Mme Brisebois : Sénateur Oliver, nous en avons déjà discuté et nous nous entendons tous pour dire qu'il serait important de s'assurer que les consommateurs reçoivent davantage d'information. Comme nous l'avons inscrit dans nos notes d'exposé, nous croyons que les institutions financières, ainsi que Visa et MasterCard, devraient se montrer transparentes et fournir toute l'information qu'il se doit aux consommateurs.

Le meilleur exemple est celui des cartes premières. Les gens font l'acquisition d'une nouvelle carte, et lorsqu'ils appellent, on leur apprend que leur ancienne carte a été annulée et qu'ils ne peuvent plus l'utiliser. Personne ne leur dit les coûts qui sont rattachés à l'utilisation de leur carte. Aussi, un consommateur bien informé est en mesure d'utiliser adéquatement sa carte de crédit. Il ne s'agit pas de pouvoir ou non utiliser le crédit; il s'agit de savoir comment l'utiliser. Mais même si le consommateur était bien informé, il n'en demeure pas moins que le marchand pourrait être obligé de remettre une commission d'interchange de 3 p. 100. Je ne crois pas que l'éducation puisse servir à quoi que ce soit sur ce point, puisqu'il n'y a aucune surveillance ou réglementation concernant le système de paiement au Canada.

L'éducation en soi est extrêmement importante pour les consommateurs et pour leur permettre de comprendre comment utiliser ces méthodes de paiement, mais elle ne réglerait pas la question de l'absence de concurrence dans le marché de l'interchange, étant donné que les frais continuent d'augmenter. Comme nous l'avons indiqué dans notre exposé, il n'y a pas que le commerçant qui paie; le consommateur paie aussi.

Le sénateur Oliver : L'Association Interac nous a dit qu'elle est limitée en raison d'une ordonnance par consentement; elle essaie d'y apporter des modifications depuis un certain temps déjà. Elle dit qu'elle n'est pas sur un pied d'égalité avec la concurrence. Quels sont certains des éléments que vous aimeriez voir? Supposons qu'Interac puisse obtenir des modifications raisonnables à l'ordonnance par consentement. Qu'aimeriez-vous voir pour qu'on continue de favoriser un juste équilibre entre Interac, Visa et MasterCard?

Mme Brisebois : Comme nous l'avons indiqué dans notre exposé, nous croyons que les trois sociétés — Visa, MasterCard et Interac — devraient fournir leurs services en fonction des mêmes règles. Il devrait y avoir un taux fixe à la fois pour le crédit et le débit, et de manière plus importante, il devrait y avoir une corrélation entre les frais exigés aux commerçants et les services fournis.

C'est pourquoi nous avons parlé du modèle australien. Soyons clairs. Nous ne proposons pas d'adopter le modèle australien. C'est un bon exemple et nous devrions l'étudier. Nous croyons que nous sommes uniques et qu'il devrait y avoir un modèle canadien, mais pour ce qui est du débit, nous disons qu'il y a un merveilleux système en place aujourd'hui. Il a peut-être besoin d'innovations, il a peut-être besoin d'être modifié, mais il est économique, il est fiable et il vient au deuxième rang des systèmes de débit les plus utilisés au monde.

Le sénateur Oliver : Ils perdent maintenant des parts de marché.

Mme Brisebois : Ce qui est bizarre, c'est qu'ils perdront des parts de marché parce qu'il y a un nouveau joueur qui exige des frais plus élevés. Ce n'est pas ça, la concurrence.

Le sénateur Ringuette : Pourriez-vous commenter une réponse que nous avons entendue hier, selon laquelle un commerçant pourrait être en mesure d'annoncer un rabais à ses clients s'ils choisissent de payer en argent?

M. Farrell : En théorie, il nous est permis d'offrir un tel rabais. Concrètement, c'est presque impossible à faire. Ce qui finirait par se passer dans le milieu de la vente au détail, ce serait d'opposer un consommateur à un autre. De plus, nous nous en remettrions à l'un de nos 1 000 caissiers et plus pour déterminer le rabais et effectuer le calcul au point de vente, et d'un point de vue technologique, ce n'est pas une tâche facile. C'est un problème important. Nous y avons pensé, mais ce n'est pas pratique.

M. Jewer : Je suis d'accord avec ces commentaires. Évidemment, en raison des augmentations de frais considérables que nous avons constatées, nous avons examiné plusieurs options. C'est l'une des options que nous continuons d'examiner, mais les défis dont M. Farrell a parlé sont importants lorsqu'on essaie de mettre en place ce genre de modèle.

Le sénateur Ringuette : Vous devez admettre que vous jouez également le rôle de percepteurs des impôts pour le gouvernement; vous percevez des taxes de vente que vous devez ensuite remettre au gouvernement du Canada. À mon avis, il n'est pas juste que vous deviez payer des frais d'interchange si vous acceptez des cartes de crédit qui incluent le montant des taxes de vente que vous percevez au nom du gouvernement du Canada et du gouvernement provincial. En réalité, vous payez des frais au système afin de percevoir des taxes qui seront remises à au moins deux ordres de gouvernement.

Dans vos nombreux échanges avec le gouvernement, avez-vous parlé de cette préoccupation et de ce problème? Vous travaillez pour le gouvernement et vous payez des frais additionnels aux sociétés émettrices de cartes de crédit qui travaillent pour le gouvernement du Canada et le gouvernement d'une quelconque province.

M. Wilkes : Je ne contesterais pas la logique. Personnellement, je n'ai pas fait valoir cet argument en particulier. Je vous remercie de le faire pour nous. Il vient renforcer certains des arguments que nous avons formulés concernant le type de modèle et le système dont nous avons besoin pour faire en sorte qu'au bout du compte, tous ces frais, y compris les frais que vous avez décrits, sont payés par une personne, le consommateur.

Le consommateur ne paie pas uniquement ces frais; il assume l'ensemble des frais associés aux cartes à valeur ajoutée. Tous les consommateurs sont touchés par l'effet inflationniste de ce que vous avez décrit, même ceux qui n'utilisent pas de cartes à valeur ajoutée. Qu'il s'agisse du paiement de frais de pourcentage sur la perception de taxes, du pourcentage des cartes à valeur ajoutée sur le marché ou de tous autres frais associés, il y a une incidence, et cette incidence touche tous les consommateurs, pas seulement ceux qui utilisent ce moyen en particulier.

Le sénateur Ringuette : Ne trouvez-vous pas bizarre qu'au même moment où le gouvernement du Canada réduit la TPS, à ce moment bien choisi, les sociétés émettrices de cartes de crédit augmentent leurs frais du même montant environ? Au bas du relevé, le consommateur ne voit pas beaucoup de changements dans ses coûts.

Mme Brisebois : C'est intéressant que vous mentionniez cela, sénateur Ringuette. En fait, si vous jetez un coup d'œil aux statistiques que nous avons fournies, vous avez tout à fait raison.

Les mesures incitatives que le gouvernement a mises en place existent à peine encore aujourd'hui, si on prend le nombre de cartes à valeur ajoutée qui sont sur le marché et l'incidence que ces cartes à valeur ajoutée ont eue sur le prix des biens. Nous avons vu une réduction de la TPS qui a été accordée aux consommateurs et qui a essentiellement presque disparue au cours des 18 derniers mois. Cela ne fait aucun doute.

Le sénateur Moore : Monsieur Farrell, en réponse au sénateur Oliver, vous avez dit que par le passé, nous pouvions négocier, mais que depuis que Visa et MasterCard sont devenues des sociétés cotées en bourse, on ne peut plus le faire. Pourriez-vous nous en parler? Quelle relation existait-il? Comment ça fonctionnait et qu'en est-il aujourd'hui?

M. Farrell : Nous avons encore la même relation. La relation entre les cartes de crédit de différentes marques, l'émetteur, le service de traitement et le commerçant demeure la même.

Ce qui s'est produit, c'est une question de bon moment, c'est-à-dire qu'il semble que tous les frais ont augmenté à partir de ce moment-là. L'entente que nous avons avec notre service de traitement est un arrangement du prix coûtant majoré, alors on négocie le coût le plus bas possible et tout ce qui vient de MasterCard ou de Visa circule directement jusqu'au détaillant. Les acquéreurs imposent des taux qui sont maintenant publiés et qui ne sont pas négociables.

Le sénateur Moore : Pas négociables. Ils fixent la taxe et c'est tout?

M. Farrell : C'est tout.

Mme Brisebois : MasterCard a annoncé de nouveaux frais pour les cartes étrangères, alors si quelqu'un de Buffalo magasine au Canada, le commerçant canadien qui traite cette carte paiera maintenant de nouveaux frais, qui portent le nom de frais pour cartes étrangères. Ces frais sont transférés directement au commerçant.

Le sénateur Moore : Même s'il s'agit d'une carte de débit?

Mme Brisebois : Non. À ce moment-ci, seules les cartes de crédit sont touchées.

Le sénateur Moore : Dans un monde idéal, qu'est-ce que votre organisation aimerait voir? Aimeriez-vous une carte de débit assortie de frais fixes?

Mme Brisebois : Nous aimerions voir une carte de débit assortie de frais fixes, mais nous aimerions également voir certains règlements entourant le système de paiement afin d'assurer la transparence, la surveillance et la corrélation entre les frais fixes imposés et le service fourni.

Si on a des frais fixes de 8 cents, ça semble très raisonnable aujourd'hui, comme nous l'avons entendu hier avec MasterCard. Qu'est-ce qui les empêche de hausser ces frais fixes à 1 $ dans deux ou trois années?

S'il n'existe pas de corrélation entre le service fourni et les frais imposés, qu'il s'agisse de frais fixes ou d'un pourcentage fixe, cela ne fait aucune différence.

Le sénateur Moore : C'est l'intervention que M. Jewer a proposée en réponse au sénateur Oliver; il veut une certaine intervention.

Mme Brisebois : Oui. C'est simplement parce qu'il s'agit d'une définition inversée de la concurrence dans le monde de Visa et de MasterCard.

Le sénateur Moore : Je veux simplement que ce soit consigné au compte rendu. Je crois que ce que le sénateur Ringuette demandait, c'est que lors d'une transaction où on paie un pourcentage, on paie un pourcentage sur le montant total de la transaction, y compris les taxes. Est-ce exact?

M. Jewer : Oui.

M. Farrell : En ce qui concerne nos préoccupations, chaque argument revient à dire qu'il s'agit du choix du commerçant; nous avons le choix d'accepter ou de refuser, mais nous n'avons pas véritablement le choix. C'est le consommateur qui fait ce choix et, pour les détaillants, le consommateur est roi. Nous n'avons pas le choix.

Nous craignons que Visa et MasterCard fassent faire comme ils ont fait avec la carte INFINITE et qu'ils ajoutent simplement la fonction de débit à la même carte et l'envoient par la poste. Les consommateurs prendront leur autre carte de débit et se rendront compte qu'ils n'ont plus besoin de garder deux cartes sur eux. Ils jetteront alors l'autre carte aux poubelles. Lorsqu'ils se présenteront dans notre magasin et que nous dirons que nous sommes désolés, mais que nous n'acceptons pas cette carte, nous perdrons simplement notre client. Nous n'en avons pas les moyens, et nous n'avons pas le choix dans les circonstances.

Mme Brisebois : L'autre scénario est celui qui s'est réalisé au Royaume-Uni, et je crois qu'un des témoins en a parlé hier. Ils concluront des ententes avec leurs commerçants. Les commerçants se livrent concurrence; donc, s'ils estiment pouvoir payer des frais très peu élevés pendant une certaine période de temps — et ils vivent dans un monde où les marges sont très étroites —, ils pourraient être tentés d'en profiter. Le commerçant aide alors MasterCard à prendre une part du marché. Lorsque c'est fait, le commerçant renégocie l'entente et, ô surprise, ces frais n'existent plus. Ça s'est produit au Royaume-Uni et aux États-Unis. Ça arrive partout. Ce sont ces 10 milliards de dollars qui ne sont pas dans vos poches. C'est exactement ça qui se passera.

Le sénateur Gerstein : J'imagine qu'une des choses au sujet de laquelle nous nous entendons tous est que le commerce de détail n'a jamais été facile. Je suis frappé par le fait que, dans les circonstances, vous espérez une réglementation. Je suis suffisamment âgé pour me souvenir de l'époque où le Conseil canadien du commerce de détail espérait une déréglementation, en particulier lorsqu'il a été question des heures d'ouverture des magasins. À une époque, le seul soir où les magasins étaient ouverts était le jeudi soir. Je me demande si certains détaillants ne souhaiteraient pas revenir à des heures d'ouverture moins longues et à la fermeture le dimanche.

Je m'intéresse au fait que vous examinez la réglementation australienne comme un modèle que vous aimeriez voir reproduire ici. Selon ce que je comprends, les résultats obtenus en Australie sont plutôt mitigés. Selon certains, les coûts auraient en fait augmenté; les prix de détail n'ont pas diminué. Pourquoi êtes-vous si convaincu que nous devrions considérer ce modèle?

Mme Brisebois : Nous devons être clairs. Nous ne disons pas qu'il faut adopter le modèle australien. En fait, dans notre présentation, nous parlons d'autres pays qui ont également mis en place une réglementation. Ces pays n'ont peut- être pas adopté le modèle australien tel que nous le connaissons, mais ils ont examiné ce modèle.

Essentiellement, le modèle australien montre et prouve qu'en fait, le marché des cartes de crédit et des cartes de débit peut être profitable même si on met en place un plafond. C'est ce qu'ils ont fait. Il n'y a aucun doute là-dessus. La banque de réserve l'a affirmé clairement. Les spécialistes du domaine des cartes l'ont également déclaré.

M. Stanton de MasterCard a mentionné qu'une des erreurs de l'Australie est de ne pas avoir inclus American Express, par exemple. Nous devrions regarder ce que les autres pays ont fait. Si le comité appuie ce modèle, nous pourrions comprendre pourquoi il est important de mettre en place une réglementation concernant les frais facturés aux commerçants et d'élaborer un modèle qui correspond à la situation unique du Canada.

M. Wilkes : Je pense que Mme Brisebois serait d'accord pour dire qu'il s'agit des principes et de l'approche. Nous l'avons répété à plusieurs reprises : s'assurer que le coût des transactions reflète le coût réel, additionné d'un retour raisonnable; s'assurer qu'il y a de la transparence, en informant les consommateurs, et s'assurer de mettre en place des points de référence permettant de comprendre quel devrait être le coût réel des transactions afin de ne pas établir un taux fixe artificiel de 2 $.

Nous ne disons pas qu'il faut prendre ce que l'Australie a fait pour le mettre en place au Canada. Nous avons répété à maintes reprises que nous avons besoin d'un système canadien qui convient à l'économie canadienne. Nous croyons — et c'est pourquoi nous utilisons le mot « modèle » en ce qui concerne l'Australie — que ce système est fondé sur les bons principes.

M. Jewer : Sénateur Gerstein, nous ne prenons pas à la légère le fait de demander l'adoption d'une réglementation plus poussée. C'est une décision très difficile à prendre qui reflète simplement la situation difficile dans laquelle nous nous trouvons en raison de l'augmentation substantielle des coûts.

Le président : Je crois que nous convenons tous que la réglementation n'est pas une science exacte et que parfois elle produit des effets pervers. Je crois que nous nous accordons tous pour dire que dans la plupart des cas, le marché est généralement le meilleur régulateur.

Un des problèmes semble être le fait que le consommateur n'est vraiment réellement intéressé qu'aux fioritures. Celui qui s'intéresse aux voyages en avion à qui on offre le triple de points voudra avoir cette carte. Si, d'un autre côté, il reçoit une carte par courrier sans l'avoir demandée et qu'on lui dit : « En passant, vos frais annuels pour cette carte s'élèveront à 500 $ », cela pourrait avoir un effet dissuasif, n'est-ce pas? Est-il possible de distinguer les cartes premières des cartes ordinaires au bout du spectre?

Mme Brisebois : Avant que je demande à M. Jewer de répondre à cette question, permettez-moi de faire quelques commentaires sur vos propos au sujet de l'assouplissement de la réglementation.

Je crois que nous sommes tous d'accord sur le fait que parce que les institutions financières canadiennes sont très réglementées, nous pouvons nous asseoir confortablement dans nos fauteuils et regarder ce qui s'est passé aux États- Unis, où la réglementation est très peu contraignante, et parfois être d'avis que la réglementation est une bonne chose. Cela ne s'applique peut-être pas à toutes les situations, mais dans le marché financier, nous avons connu des périodes difficiles qui nous ont permis de voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Nous affirmons qu'au Canada, la réglementation du système bancaire a fonctionné, et nous pensons qu'il faut élargir la réglementation de manière à assurer la protection du système de paiement. Je laisserai M. Jewer parler des cartes premières.

Le président : Ce n'est pas une question de tout ou rien.

Mme Brisebois : Non, en effet.

M. Jewer : Le manque de transparence a compliqué la tâche d'information du consommateur dans ce domaine. Comme M. Farrell l'a indiqué plus tôt, en tant que détaillants, nous ne voulons pas opposer nos clients à d'autres de nos clients. Certains clients de nos magasins paient des frais très bas ou nous mènent à assumer des coûts beaucoup plus bas que d'autres clients, et ces clients ne supportent pas directement les conséquences de leur choix de paiement.

M. Wilkes : Actuellement, tout le monde paie pour les récompenses et les avantages dont vous parlez, de sorte que tous les clients de M. Farrell et de M. Jewer assument les frais de transactions liés aux cartes les plus chères. Si, dans le cas que vous avez présenté, le processus était transparent et qu'il y avait un choix à faire, une décision à prendre, de débourser ce qu'il faut pour obtenir ces récompenses particulières, ou peut-être pour payer mes droits de scolarité à moindre coût, je crois que c'est ici qu'on devrait ouvertement laisser libre cours à l'innovation et à la concurrence. La décision serait alors prise par la personne qui profite des avantages, et non en cachette avec l'argent de tout le monde.

Mme Brisebois : Si vous décidez de payer des frais de 100 $ plutôt que de 500 $, c'est entre vous et votre institution financière que ça se passe, donc vous payez en tant que consommateur. Ensuite, vous devez vous demander pourquoi le marchand paie plus cher lorsque vous utilisez cette carte, car vous avez déjà payé pour obtenir ce privilège.

Le président : Lorsque j'utilise la carte qui coûte 500 $.

Mme Brisebois : Si vous détenez une carte ordinaire, ça va, mais si vous payez pour une carte première — et c'est ce que nous observons sur le marché des cartes de crédit — vous payez pour obtenir des privilèges, et cette relation concerne le consommateur et sa banque, le commerçant ne devrait pas avoir à payer pour ça.

Le président : Nous pourrions poursuivre cette discussion longtemps, ça nous serait fort utile à tous. Le sénateur Massicotte s'y emploiera après que j'aurai levé la séance. Je vous remercie d'être venus.

(La séance est levée.)


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