Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 9 - Témoignages du 30 septembre 2009
OTTAWA, le mercredi 30 septembre 2009
Le Comité permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi S-203, Loi modifiant la Loi sur la Banque de développement du Canada (obligations municipales pour infrastructures) et une autre loi en conséquence, se réunit aujourd'hui, à 16 h 20 pour en faire l'étude.
Le sénateur Michael A. Meighen (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je m'excuse de notre retard, mais nous étions coincés dans un ascenseur et nous n'avons réussi à sortir que grâce à l'ingéniosité de MM. Harb et Grafstein, qui ont utilisé leurs clés de maison pour forcer la porte. Je m'en rappellerai la prochaine fois que je serai coincé dans un ascenseur.
Avant de commencer, je tiens à souhaiter tout spécialement la bienvenue au sénateur Frum, qui se joint à nous pour la première fois à titre de membre du comité.
Bienvenue sénateur Frum. J'espère que l'expérience saura vous plaire. Vous allez voir que ce groupe est très collégial. Il s'agit du meilleur comité, alors nous sommes ravis d'accueillir l'un des meilleurs nouveaux sénateurs.
Aujourd'hui nous examinerons le projet de loi S-203. Ce projet de loi a été déposé au Sénat le 27 janvier par le sénateur Grafstein, notre collègue et ancien président du comité. Selon son résumé, le projet de loi S-203 :
[Français]
Modifier la Loi sur la Banque de développement du Canada afin de prévoir des exemptions d'impôt sur le revenu à l'égard des obligations émises par les municipalités pour financer les projets d'infrastructure.
Je suis persuadé que le sujet des infrastructures municipales est d'un grand intérêt pour tous, non seulement ici mais dans tout le pays, étant donné que c'est quelque chose que chacun d'entre nous utilisons jour après jour.
[Traduction]
Comme premier témoin, nous ne pourrions demander mieux que le parrain en personne. Je suis donc ravi d'accueillir notre collègue et ami, le sénateur Grafstein.
L'honorable Jerahmiel S. Grafstein, parrain du projet de loi : Je suis très heureux d'être ici pour vous parler du projet de loi dont le sujet a fait l'objet de débats occasionnels à la grandeur du pays. Le principe a été profondément accepté aux États-Unis. Les obligations municipales exemptes d'impôt remontent plus loin que la Income Tax Act des États- Unis. Je vais vous donner des statistiques et des chiffres pour que vous puissiez comparer notre système au leur.
Je débuterai en disant que nous sommes confrontés à des conditions de marché très difficiles. L'économie continue d'être troublée et imprévisible. Puisque nous devons faire face à une tâche politique et économique monumentale, le moment est tout indiqué pour articuler un plan cohérent autour du renouvellement de l'infrastructure et de la modernisation de nos villes.
Il est facile de dire que si nos villes vont bien, le pays va bien. Plus nos villes sont efficientes et concurrentielles, plus notre économie est vigoureuse. Lorsque les moteurs de croissance de nos villes tombent en pièces et sont improductifs, cela influe sur tout le monde au pays. Il s'agit d'un indicateur très important de la productivité.
Le besoin pressant de remettre en état et de moderniser notre infrastructure ne s'est jamais autant fait sentir depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, alors que les gouvernements fédéral et provinciaux et les administrations municipales avaient tous reconnu, à leur façon et dans leurs propres sphères d'activité, la nécessité d'un changement. Une récente étude menée par la Fédération canadienne des municipalités, intitulée Attention : Danger L'effondrement imminent de l'infrastructure municipale du Canada, décrit le coût ahurissant des routes urbaines, des rues réservées aux piétons et aux transports collectifs, des services d'adduction d'eau, et des installations d'incinération et de gestion des déchets qui tombent en ruine et nécessitent tous une rénovation instantanée qui requiert des investissements, des réinvestissements et une modernisation.
Selon un énoncé formulé par Statistique Canada plus tôt cette année, les installations de traitement des eaux usées au Canada ont écoulé jusqu'à 63 p. 100 de leur vie utile. De leur côté, nos routes en ont utilisé 59 p. 100 contre 52 p. 100 pour nos réseaux d'égouts et 49 p. 100 pour nos ponts. Au cours de la dernière année, nous avons été témoins d'incidents dramatiques impliquant nos ponts, qui tombent en ruine. À tout le moins, nous sommes confrontés à une crise de la modernisation et de la gestion.
Au fur et à mesure que nos villes ont pris de l'expansion, la nature de notre activité économique a changé. Les services façonnés et peaufinés dans nos villes remplacent les anciens emplois dans le secteur manufacturier comme facteurs de croissance de notre économie. Ces renseignements sont tirés d'un certain nombre de rapports que je peux vous remettre.
L'infrastructure urbaine vieillissante contribue à la perte d'emplois, en particulier dans le secteur manufacturier. Plus tôt cette année, dans la région du Grand Toronto, plus de 47 000 emplois avaient été perdus dans ce secteur, et le nombre est encore plus élevé maintenant. Nous devons renverser cette tendance à la baisse des emplois à valeur ajoutée dans le secteur manufacturier au Canada.
Si vous êtes intéressés, chers collègues, à connaître la nature des économies nationales par rapport aux villes, je vous suggère de lire l'un des derniers livres qui ont été publiés sur l'histoire économique, par exemple The Rise of the Trading State : Commerce and Conquest in the Modern World de Richard Rosecrance; L'Âge des extrêmes, histoire du court XXe siècle écrit par un économiste remarquable de gauche, Eric Hobsbawm; ou encore Richesse et pauvreté des nations de David Landes.
J'ai connu John Kenneth Galbraith, qui est né dans ma province. Si vous jetez un coup d'œil à ses solutions économiques, vous trouverez un appui valable à cette proposition. Bien sûr, le livre exemplaire est celui de la regrettée Jane Jacobs, qui vivait à New York, mais qui avait élu domicile à Toronto. Étudiez son classique, Les villes et la richesse des nations.
Chacun de ces livres a un dénominateur commun : les villes sont égales à la croissance. Mme Jacobs, qui vivait à Toronto et qui est décédée récemment, a indiqué dans son ouvrage Les villes et la richesse des nations que nos villes servent à la fois de moteurs de croissance et de créativité. Il est impossible de dissocier la croissance économique du pays et celle de nos villes. Elles sont directement proportionnelles; elles sont liées comme des jumeaux siamois. Les villes propulsent notre croissance économique dans toutes les régions du pays. Les produits et services à valeur ajoutée pour la nouvelle économie et l'ancienne sont mis à l'essai et commercialisés dans nos villes. De nouveaux produits culturels sont créés et distribués à partir de nos centres-villes avant d'être exportés dans le monde entier.
Les sénateurs qui ont siégé au Comité permanent des banques et du commerce lorsque j'étais président et que l'honorable David Angus était vice-président se rappelleront que nous avons mené une étude sur la productivité. Nous avons indiqué que notre productivité était à la baisse en raison du paysage urbain inefficace qui a contribué à un retard de productivité encore plus grand, c'est-à-dire entre 15 et 20 p. 100 derrière nos homologues américains à l'heure actuelle.
Si nous tentons d'être concurrentiels à l'ère de la mondialisation, le coût de nos produits, nos intrants et notre productivité doivent au moins égaler ceux de notre partenaire nord-américain, et ce n'est pas le cas.
Cela fait en sorte de que nos produits sont plus coûteux et moins concurrentiels sur le marché mondial. Le rapport 2007 de l'Institut de compétitivité et de prospérité de l'Ontario a fait une comparaison entre le PIB individuel de nos travailleurs et celui des États-Unis. Cette analyse a établi que la plage de productivité par travailleur américain est supérieure à la nôtre de 20 000 $ dans trois États, de 14 000 $ dans 14 États et de 1 000 $ même au Michigan. Oui, même au Michigan, qui a probablement été l'État le plus durement touché par le ralentissement économique actuel, la productivité est supérieure de 1 000 $ par employé en période de crise. Je vous encourage fortement, chers collègues, à lire la bonne étude que nous avons réalisée sur la productivité.
Chaque fois qu'un travailleur doit se déplacer pour faire un travail dans nos villes et qu'il est pris dans un engorgement, notre productivité baisse. Une étude réalisée l'année dernière révèle que les travailleurs canadiens passent maintenant 10 journées entières par an à faire le déplacement entre leur domicile et leur travail. À Toronto, le nombre s'élève même à 12 journées par année. C'est donc dire que l'on perd une journée par mois au plan de la productivité et de la prospérité. Cela est attribuable à la saturation du réseau routier et aux embouteillages.
Nos voies rapides ne portent pas bien leur nom. Il s'agit de fausse représentation. Ce ne sont pas des voies rapides. Elles devraient plutôt être appelées des « stationnements en mouvement ». Prenez par exemple les autoroutes 401 ou Gardiner à Toronto. En passant, la situation ne se produit pas uniquement à Toronto. Si vous regardez les entrées et les sorties à Montréal, Winnipeg, Edmonton, Calgary ou Vancouver, vous constaterez qu'il n'existe plus de voies rapides. Ce sont des stationnements en mouvement. Ils contribuent à la pollution puisque les conducteurs sont forcés de laisser tourner le moteur de leur voiture sans pouvoir avancer. Cela engendre une hausse des coûts pour les entreprises, une hausse du coût de la consommation d'essence et une perte de temps. L'inefficacité affecte la santé de nos villes.
Chers collègues, l'étude n'a pas tenu compte des coûts énormes de la pollution qui nous touchent directement si l'on songe aux coûts et au temps perdus. En fait, nous n'avons jamais mené d'étude à ce sujet. J'ai fortement recommandé à nos édiles urbains à Toronto de faire une étude sur ce qu'il en coûte de ralentir une voiture en ville pour ce qui est de la hausse de la pollution et de l'incidence sur les coûts en matière de santé. Il n'y a pas de somme nulle. Si les gens tombent malades, ce sont les contribuables qui finissent par payer la note. Nous devons examiner les coûts à tous les points de vue.
Les résidents urbains d'ici paient un pourcentage plus élevé d'impôt foncier pour les services que ceux de villes comparables aux États-Unis. J'ai un rapport, encore une fois de la Bibliothèque du Congrès, qui indique que si nous comparons les pourcentages entre les deux pays, au Canada, l'impôt foncier correspond à 39 p. 100 du revenu — et ce chiffre s'est élevé à 40 p. 100 en 2004 —, tandis qu'aux États-Unis, l'impôt foncier représente 25 p. 100 des revenus municipaux. L'incidence que nous avons sur les coûts fonciers est presque le double de celle des États-Unis, en grande partie en raison du modèle de financement que je vous propose.
Certaines de nos villes n'ont pas su rester à jour au plan des investissements en immobilisations et des rénovations par l'intermédiaire de transferts du gouvernement. Cela signifie que le gouvernement fédéral perçoit les impôts et que la ville les dépense. À mon avis, cela est irresponsable. J'estime que nous croyons en la responsabilité gouvernementale, et si de l'argent est dépensé dans ma ville, les contribuables qui y vivent devraient être responsables, dans une large mesure, de ces coûts particuliers. Il est irresponsable qu'une autorité prélève des fonds pour les transférer à une autre, mais nous en sommes venus à profiter de ce modèle en particulier.
Cette méthode comporte divers degrés de responsabilité. Je parle de « responsabilité » parce que le gouvernement au pouvoir a fait de la responsabilité un des piliers de sa gouvernance. Je n'ai rien à redire à ce sujet. Il y a des questions de clarté et de transparence qui se posent aux contribuables pour qu'ils décident si leur argent est utilisé à bon escient. Malgré cela, les administrations municipales estiment que 125 milliards de dollars seront nécessaires pour rénover l'ancienne infrastructure et pour la nouvelle.
Selon un rapport récent réalisé dans ma propre ville, puisque l'on a omis de rénover ou de moderniser le réseau d'aqueduc urbain — il a essentiellement entre 75 et 100 ans —, les tuyaux fuient, ce qui veut dire que le tiers de l'eau est gaspillé. À Toronto, nous payons la totalité de l'eau, mais nous en perdons le tiers à cause de canalisations non étanches.
Par conséquent, il me semble qu'à mesure que l'écart rural-urbain se creuse et qu'un nombre croissant de personnes des régions rurales continuent de s'entasser dans nos villes, nous intensifions la pression exercée sur notre système. Nous permettons aux gens de venir dans nos villes, mais nous ne prévoyons pas les services qui leur sont nécessaires.
Lorsque je parle de la manière dont le gouvernement fédéral est intervenu dans ce dossier, je ne fais pas allusion au gouvernement actuel. Il s'agit d'une question systémique qui a touché tous les gouvernements des 20 ou 30 dernières années. Je veux énoncer clairement que notre façon de faire avec les villes a été de leur accorder des versements, même en ce qui touche le plan d'action, qui est une version à jour de cette méthode. Nous faisons des versements. Il y a une grande discussion au sujet des points de transfert et autres, mais en réalité, le gouvernement fédéral donne de l'argent aux villes. Il n'y a aucune reddition de comptes. Nous envoyons un milliard de dollars à une ville, elle le dépense, elle a des surcharges, mais elle ne fait aucune reddition de comptes, même à l'échelle municipale. Il y a un manque de transparence, de responsabilité et de rentabilité. Les gouvernements précédents l'ont fait à répétition, et nous continuons à le faire avec ce plan. Ce plan gouvernemental est un peu plus cohérent que les précédents, par contre, parce que lorsque je l'ai étudié, j'ai constaté que lorsqu'il est question des ententes dont la responsabilité a été transférée, le gouvernement fédéral demande au moins une reddition de comptes partielle pour certaines des sommes versées pour l'infrastructure. C'est une bonne chose. L'une des raisons pour lesquelles le plan a été retardé — il l'a bien été —, c'est que lorsqu'elles signent ces ententes, les villes hésitent à joindre le geste à la parole. Si on examine le retard dans le plan d'action canadien, comme je l'ai fait en Ontario et au Québec, on se rend compte que ce sont les ententes de responsabilité qui ont ralenti le processus.
Le gouvernement essaie, mais il ne fait pas un très bon travail parce que nous parlons maintenant des versements. Nous avons besoin de 125 milliards de dollars pour les rénovations actuelles, et si on regarde le rapport municipal, nous aurons besoin du même montant pour de nouvelles usines au cours des 10 prochaines années. Nous aurons besoin de 250 milliards de dollars au cours des 10 prochaines années pour rénover nos villes et les tenir à jour.
Quelle est la part du gouvernement fédéral? Avant le plan d'action, il a promis de verser 33 milliards de dollars en paiements épisodiques dans tout le pays. Cela revient à près de 1 000 $ par Canadien sur sept ans. J'ai essayé de voir si les 33 milliards de dollars sur sept ans que le gouvernement fédéral a promis de verser aux villes ont changé, mais je ne peux vous donner d'analyse exacte. À la page 16 du plan d'action canadien qui vient d'être déposé il y a quelques jours, le gouvernement affirme qu'il dépense maintenant 9,6 milliards de dollars. Il avait promis 5 milliards de dollars, il offre maintenant 9,6 milliards de dollars pour les deux prochaines années, ce qui reste, à mon avis, une somme modeste et sans importance. On ne s'approche même pas des 125 milliards de dollars nécessaires. Pour être juste, cela ne comprend pas les contributions des villes ou des provinces à ce plan. Nous sommes loin des 125 milliards de dollars, qui seraient la cible minimale à atteindre au cours des 10 prochaines années.
Où pouvons-nous obtenir cet argent? Lorsqu'il a été confronté au choix de moderniser l'infrastructure après la Deuxième Guerre mondiale, le gouvernement libéral a donné l'exemple en faisant un investissement de taille dans la construction de la voie navigable du St-Laurent, qui a été un moteur important de la croissance économique et qui continue de l'être. Par la suite, on a élargi l'autoroute transcanadienne grâce à un programme magnifique mis en place par M. Diefenbaker. Les deux programmes ont été d'une productivité remarquable. Dans les années 1950, les provinces ont construit des voies rapides, de nouvelles lignes de banlieue et des métros. Nous n'avons pas rattrapé cette vitesse de croissance depuis. Les années 1946 à 1955 ont été une période de modernisation extraordinaire, mais après cela, nous avons tiré de l'arrière.
Que faire? Pouvons-nous tirer des leçons des pratiques exemplaires de nos voisins du Sud? Ils ont des obligations municipales exemptes d'impôt, avant l'impôt sur le revenu, depuis1893. Si vous voulez savoir comment ou pourquoi les investir, vous n'avez qu'à prendre un exemplaire du Wall Street Journal ou du New York Times pour en trouver la liste détaillée partout au pays. Voyons plutôt comment l'on s'y prend aux États-Unis pour trouver du financement qui n'est pas autrement disponible ou abordable pour réaliser des projets urbains, avec flux de rentrées. Il importe de comprendre que ce ne sont pas tous les projets urbains que l'on peut financer. Cependant, les réseaux d'aqueduc, les autoroutes à péage et les réseaux de transport peuvent l'être. Il ne s'agit pas d'un transfert des responsabilités complet d'un système à un autre. On s'attache plutôt aux activités urbaines qui génèrent des revenus, comme l'hydroélectricité.
Aux États-Unis, on montre que pour chaque dollar d'obligations exemptes d'impôt, 67 cents sont réinvestis dans les municipalités tandis que les 33 cents qui restent vont au détenteur de l'obligation. Aux États-Unis, les frais d'intérêts varient d'une ville à l'autre et d'un projet à l'autre. Ils sont fondés sur la capacité que la ville a eu à atteindre ses objectifs dans une période raisonnable, ce qui est une bonne pratique d'affaires. Les taux des obligations sont plus bas si le projet est mené à bien dans les délais prévus, ce qui force la ville, pour la première fois, à rendre des comptes aux contribuables un projet à la fois et, dans le cas qui nous intéresse, au détenteur d'obligations exemptes d'impôt.
Des rapports récents aux États-Unis indiquent que les obligations municipales américaines ont une grande valeur et qu'elles rivalisent avec les bons du Trésor américains. Dans ce pays, l'on s'attendait à ce que les billions de dollars de nouvelles dépenses publiques fassent ombrage aux obligations municipales, mais cela ne s'est pas produit. Cela nous amène à nous demander si pareil système au Canada nuirait aux obligations fédérales ou provinciales. Je ne crois pas que ce serait le cas. À l'heure actuelle, un billion de dollars attendent d'être investis par les Canadiens. Ils n'osent pas investir parce qu'ils s'inquiètent du marché. Il s'agit de la plus grande mise en commun de capitaux que nous avons jamais vue en billets à court terme, en billets à long terme et en obligations fédérales dans des comptes en banque. Les investisseurs recherchent la sécurité, alors ils épargnent leur argent et ne le dépense pas. L'on dispose d'un regroupement énorme d'un billion de dollars pour financer un projet de ce type. Aux États-Unis, à la fin de 2005, 2,2 billions de dollars américains étaient investis dans les obligations municipales exemptes d'impôt. Si le Canada disposait du dixième de ce montant, en fonction de sa population, nous aurions au moins 200 milliards de dollars en obligations municipales exemptes d'impôt, ce qui s'approche du nombre dont les municipalités croient qu'elles auront besoin au cours des 10 prochaines années. C'était en 2005. Le dernier chiffre dont je dispose est de 2,7 billions de dollars en 2008, et il va en s'accroissant. Malgré le resserrement du crédit et le ralentissement économique, les Américains continuent d'investir dans les obligations exemptes d'impôt.
Je vous ai déjà fourni les chiffres illustrant la détérioration rapide de nos infrastructures. En guise de comparaison, je vous dirais qu'au cours des années 1930, les autorités de la ville de New York ont convenu qu'elles devaient construire des ponts et mettre à niveau leurs infrastructures qui tombaient en ruine. Le gouverneur Roosevelt de l'État de New York a confié la tâche à un certain M. Moses qui a instauré une toute nouvelle façon de financer ces travaux. C'est ainsi que New York a pu, grâce à des routes et des ponts à péage, continuer de croître pour devenir l'une des grandes métropoles de la planète. Il y a un lien direct entre ces infrastructures à péage et l'efficience qui en découle et à la croissance de la ville grâce à sa facilité d'accès. La plus grande partie de ces infrastructures sont désormais désuètes et nécessitent des rénovations, mais New York demeure un exemple à suivre à ce chapitre.
À Boston, il a fallu 20 ans pour bâtir une infrastructure d'accès combinant tunnel et pont, suivant une formule de récupération des coûts. Boston est maintenant l'une des villes les plus modernes et efficientes aux États-Unis.
Il est important de considérer les projets canadiens qui ont été couronnés de succès, comme ceux des autoroutes 401 et 407. La 407 est une autoroute à péage qui a été construite pour contourner Toronto. La solution du péage pourrait aussi être envisagée pour l'autoroute Gardiner, un véritable désastre. En 1972, le gouvernement fédéral de M. Trudeau a concédé certains terrains de la façade portuaire à la ville pour fins de rénovation. Le plan prévoyait notamment la construction d'un tunnel pour l'autoroute Gardiner. Dans le régime actuel d'octrois du gouvernement fédéral, la chose n'a pas été possible. Le projet pourrait toutefois se concrétiser si l'on adoptait une formule fondée sur la génération de revenus. Toronto abrite l'entreprise qui est à la fine pointe de l'innovation en matière de construction de tunnels, mais nous n'avons jamais pu utiliser cette technologie dans notre propre ville.
La construction d'une autoroute reliant la gare Union à l'aéroport international Pearson a été approuvée et annoncée à huit reprises. Nous disposons actuellement d'un droit de passage qui a été instauré il y a 70 ans. J'ai assisté à chacune de ces huit annonces — trois par le gouvernement Chrétien, trois par le gouvernement Martin et deux par le gouvernement Harper — mais rien n'a été fait, car on a jamais eu l'argent nécessaire. Toronto est la seule ville moderne de la planète qui ne dispose pas d'un train express entre son centre-ville et son aéroport. Grâce aux obligations exemptes d'impôt proposées, un tel lien pourrait facilement être construit et doté de péages.
Honorables sénateurs, le système proposé est très rentable. Je suggérerais que la Banque de développement du Canada soit rebaptisée Banque de développement et de renouvellement urbain du Canada. Il faudrait créer une nouvelle division de la banque qui aurait des bureaux dans tout le pays. Toutes les municipalités pourraient demander un prêt non imposable. Elles devraient d'abord s'adresser à leur province. La province devrait approuver la démarche en indiquant qu'elle a examiné les chiffres, les statistiques et la capacité d'atteindre les objectifs établis. Le dossier serait ensuite soumis à la Banque de développement qui ferait le nécessaire et avancerait les sommes requises comme toute banque peut le faire actuellement pour la construction d'un édifice ou tout autre type de projet d'infrastructure. Tous les contrôles nécessaires seraient exercés et les intérêts versés seraient exonérés d'impôt.
Qu'est-ce que cela coûterait au gouvernement fédéral? Supposons une somme de 100 milliards de dollars et un taux d'intérêt moyen de 5 p. 100. Ce serait une véritable bénédiction pour les investisseurs qui obtiennent maintenant des intérêts de moins de 2 p. 100 de leur banque et un très faible taux de rendement des obligations gouvernementales. Il s'agirait d'un très bon incitatif pour les investisseurs canadiens. Les coûts pour le gouvernement fédéral s'élèveraient à 2,6 milliards de dollars par année. C'est à ce niveau que se chiffreraient les pertes de revenus, plutôt qu'à 9,5 milliards de dollars. Une partie de ces fonds déjà alloués par le gouvernement fédéral serait comptabilisée comme perte de revenus, ce qui donnerait 2,3 milliards de dollars de moins pour les octrois gouvernementaux, en contrepartie d'investissements de 100 milliards de dollars.
Les gouvernements fédéral et provincial récupéreraient ces sommes en moins d'un an. De quelle manière? Pensez seulement à l'effet de levier. Vous investissez 2,3 milliards de dollars pour obtenir 100 milliards de dollars de dépenses en capital. Pensez aux retombées en matière d'emplois, d'impôt et de taxe de vente harmonisée. Toutes les sommes seraient récupérées moins d'un an après avoir été investies. Il n'y aurait pour ainsi dire aucun coût à assumer.
Le plan présente toutefois une lacune. Il est fondé sur l'expérience ontarienne où l'on a fait l'essai des obligations d'occasion. Cette expérience a échoué en raison d'un manque de planification. Je n'apprendrai rien à ceux parmi vous qui connaissez le marché obligataire en disant qu'une offre d'à peine un ou deux milliards de dollars n'est pas suffisante pour attirer les liquidités voulues.
Il n'existe pas d'experts dans ce domaine. La réaction du milieu des affaires est mitigée. J'ose espérer que vous pourrez entendre des témoignages qui vous permettront de mieux cerner la position de ces gens.
Tout bien considéré, je n'ai entendu que deux arguments à l'encontre de cette proposition. Premièrement, le bassin initial offert doit être suffisamment grand — au moins 5 milliards de dollars, et 10 milliards de préférence — pour créer un marché unique. Cela ne devrait pas poser problème. Deuxièmement, il faut tenir compte de l'effet d'éviction. Un nouvel investissement de 100 milliards de dollars va empiéter d'une manière ou d'une autre sur le marché des obligations fédérales ou sur celui des obligations provinciales exemptes d'impôt. Il suffit de penser à l'expérience américaine où ces deux marchés se sont effondrés.
Selon les indications les plus récentes des journaux, les épargnes des Canadiens se chiffreraient à 1 billion de dollars. Je serais porté à croire que les gens pourraient investir dans des obligations de leur propre ville à hauteur de 5 ou 6 p. 100, et que la moitié de ces sommes serait à l'abri de l'impôt.
Honorables sénateurs, je ne suis pas ici pour critiquer le gouvernement. La mesure proposée n'aurait aucune incidence négative, de quelque nature que ce soit, sur les différents programmes gouvernementaux existants. Elle constituerait un ajout en proposant quelque chose de nouveau et de différent.
Si nous en faisions l'essai à hauteur de 10 milliards de dollars ou de 15 milliards de dollars, nous obtiendrions un excellent rendement très rapidement. Cela permettrait à nos villes de mieux planifier. Dans l'état actuel des choses, il leur est impossible de le faire, il n'y a tout simplement pas de planification. Ceux parmi vous qui êtes des experts en administration municipale et qui investissez dans les villes savez que c'est bel et bien le cas.
Nous n'avons pas de système de transport par métro à Toronto. Nous pouvions compter sur un réseau, mais c'est chose du passé parce que nous n'y avons apporté aucune amélioration au cours des 25 dernières années. Nous avons certains liens de surface, mais pas de réseau souterrain. À l'échelle planétaire, il n'existe pas de grandes villes pouvant se passer d'un tel réseau. Toronto pourrait joindre le cercle de ces grandes métropoles.
Je vous prie de m'excuser de toujours utiliser Toronto à titre d'exemple. Je pourrais dire la même chose de Vancouver ou de Montréal. La même réalité pourrait s'appliquer aux villes en pleine croissance que sont Calgary et Edmonton. Il n'y a pas de grande ville sans grand réseau de transport souterrain. Les deux vont de pair.
Honorables sénateurs, je ne saurais trop vous recommander d'appuyer cette proposition. Le temps presse. Je vous remercie de votre indulgence et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Le président : Merci, sénateur Grafstein. Comme je l'ai indiqué, nous avons commencé en retard et nous allons poursuivre nos travaux après 17 heures de manière à laisser assez de temps à notre second groupe de témoins. Efforçons-nous donc de poser des questions brèves. Je sais que les réponses iront droit au but.
Le sénateur Greene : D'entrée de jeu, je reconnais que notre pays est aux prises avec un problème d'infrastructure. Il faut toutefois préciser que c'est le lot de bien des pays, y compris les États-Unis, où de telles obligations existent depuis un bon moment déjà. Leurs problèmes d'infrastructure sont pires que les nôtres vous diront certains, surtout parmi ceux qui ont emprunté les routes de la Californie et d'autres États américains.
L'accès à ces obligations n'a pas permis aux Américains de régler ces problèmes d'infrastructure. Ce n'est que l'un des moyens à leur disposition pour ce faire. Il ne faut cependant pas y voir une panacée de quelque manière que ce soit. C'est ce que vous semblez vouloir dire et je ne suis tout simplement pas d'accord.
Toujours en ce qui concerne les États-Unis, la Commission des finances du Congrès s'interrogeait dans un récent rapport sur le coût de ces obligations pour le trésor national. On recommande notamment d'établir un plafond, de limiter leur utilisation et même de les assujettir à la perception fiscale — en les assortissant peut-être d'un crédit d'impôt. Si ces obligations avaient produit les résultats escomptés aux États-Unis, il serait peut-être bon que nous envisagions cette avenue. Je ne crois toutefois pas qu'elles aient été vraiment efficaces.
Le sénateur Grafstein : Permettez-moi de revoir votre analyse sous deux aspects. Dans un premier temps, je conviens avec vous que ce projet de loi n'est pas une panacée. Je croyais avoir pris la peine de préciser — peut-être n'ai-je pas été assez clair — qu'il ne s'agit pas de remplacer quoi que ce soit qui existe déjà. C'est un ajout; un supplément. Le nouveau régime peut être mis à l'essai sans interférence aucune avec le système en place. Si ça fonctionne, tant mieux, et si ça ne marche pas, tant pis. Une émission d'obligations exonérées d'impôt à hauteur de 10 milliards de dollars ou de 20 milliards de dollars ne va pas nuire à quoi que ce soit. Cela contribuerait simplement à accélérer le processus de modernisation.
Par ailleurs, sénateur Greene, je suis en désaccord avec vous sur un autre point. Sans le concours des obligations exemptes d'impôt, les États-Unis se retrouveraient en plus mauvaise posture encore. Il y a des villes modèles. Les maires auxquels j'ai parlé aux États-Unis m'ont indiqué que cela leur permet de mieux planifier.
Ce n'est pas le cas sous le régime actuel au Canada. Pensons seulement au maire de la plus grande ville canadienne. Il lui est impossible de planifier plus d'un an ou deux à l'avance. Il peut toujours établir des plans, mais il n'est pas certain de trouver les fonds requis. Avec de telles obligations, la planification devient possible.
C'est aussi économiquement rentable. Si vous pouvez décider au départ de construire 20 kilomètres de métro au cours des 10 prochaines années et d'aller chercher le financement nécessaire, vous pouvez commencer immédiatement à économiser à cette fin.
Chaque fois qu'un maire doit entreprendre un nouveau programme d'infrastructure, il lui faut recommencer à zéro et s'inquiéter au sujet du financement. Dans un exemple récent, le maire de Toronto est allé à l'encontre du train de mesures de relance prévues dans le plan d'action en demandant des fonds pour des tramways qui ne seront livrés qu'en 2017 ou 2018, dans le meilleur des scénarios. Le gouvernement fédéral a rejeté à juste titre cette requête, car elle n'allait pas dans le sens des objectifs des mesures de relance qui visent la création d'emplois à court terme.
J'ai beaucoup critiqué notre maire pour bien des motifs différents. Je dois toutefois avouer que, dans ce cas particulier, il s'efforçait de planifier. Il s'adresse maintenant au gouvernement provincial et au gouvernement fédéral pour obtenir des fonds à plus long terme. Le gouvernement fédéral ne dispose pas des ressources nécessaires pour procéder à la rénovation. Il ne lui est pas possible d'exercer un effet de levier suffisant. Le système actuel ne le permet tout simplement pas.
Le régime proposé produirait un tel effet de levier. Vous le comprenez et je le comprends. Ce n'est pas une panacée, mais il n'y a pas non plus de risque. On pourrait en faire l'essai dans une proportion restreinte. Si cela fonctionne, ce serait formidable.
Si l'on devait donner l'accès à un tel système, les maires de toutes les grandes villes canadiennes se bousculeraient aux portillons pour rénover leurs infrastructures. Toutes les villes sans exception profiteraient de l'occasion en réclamant leur part de ces obligations exonérées d'impôt. Les coûts pour les contribuables seraient minimes.
Le sénateur Greene : Aux États-Unis, on semble croire que les coûts pour le Trésor sont trop élevés.
Le sénateur Grafstein : Si l'on compare les deux systèmes, les choses se déroulent beaucoup plus rapidement aux États-Unis. On y est passé de 1,7 billion de dollars il y a environ sept ou huit ans à quelque 2,7 billions de dollars et l'on se rapproche actuellement des 3 billions de dollars. Je ne suis pas en train de dire que nous allons atteindre des niveaux semblables. Si vous considérez le montant de départ de 1,7 billion de dollars, un soutien correspondant à 10 p. 100 de cette somme serait amplement suffisant pour nos besoins. Mais on est encore très loin d'un tel niveau. Selon mon modèle, le total atteindrait 100 milliards de dollars, plus les subventions. Cela nous remettrait sur la voie de la modernisation. Du coup, notre pays deviendrait plus efficace et plus efficient. La situation actuelle nous fait perdre des emplois à Toronto, dans tous les secteurs.
Nous avons de la difficulté à effectuer la transition de l'ancienne économie vers la nouvelle. La mesure proposée nous aiderait en ce sens. Si quelqu'un a une meilleure idée, j'aimerais bien la connaître. J'entends seulement parler de l'insuffisance des investissements fédéraux. Je ne veux pas critiquer le gouvernement fédéral. Il ne dispose pas des ressources nécessaires pour agir ou pour allouer les sommes requises. Je vous invite à me proposer une solution mieux adaptée. C'est la meilleure à laquelle j'ai pu arriver.
Le sénateur Massicotte : J'ai une brève question. Si les réponses sont concises, nous pourrons aborder bien des aspects.
Premièrement, vous proposez une exemption à l'égard de l'impôt fédéral, et non de l'impôt sur le revenu provincial. Est-ce exact?
Le sénateur Grafstein : Tout à fait.
Le sénateur Massicotte : Aux États-Unis, s'agit-il d'une exonération à l'égard de l'impôt de l'État ou seulement de l'impôt fédéral?
Le sénateur Grafstein : La situation peut varier d'un État à l'autre.
L'Ontario comme d'autres administrations fonctionne suivant un régime d'harmonisation fiscale. Si le gouvernement fédéral décidait d'aller de l'avant, je ne vois pas comment la province pourrait refuser.
Le sénateur Massicotte : Les provinces pourraient décider de participer?
Le sénateur Grafstein : Elles pourraient décider de ne pas participer. La différence c'est que les villes ne pourraient présenter de demande à la banque sans l'approbation de la province. Il faudrait que la province procède à une évaluation avant de donner son aval.
Le sénateur Massicotte : Pour ce qui est des obligations, y a-t-il garantie implicite de remboursement par les provinces?
Le sénateur Grafstein : Non.
Le sénateur Massicotte : Vous nous avez aussi parlé de l'exemple des États-Unis. Vous semblez laisser entendre que le remboursement garanti de l'obligation dépend de la réussite du projet, plutôt que de la cote de crédit de la municipalité ou de la ville. Vous ai-je bien compris?
Le sénateur Grafstein : Les cotes sont établies en fonction des projets réalisés et il s'agit dans certains cas de projets indépendants. Certains sont des projets municipaux qui s'appuient sur l'engagement financier de la ville. Cela peut varier d'un projet à l'autre.
Le sénateur Massicotte : Dans les quelques expériences que j'ai connues, c'était toujours la ville qui garantissait le remboursement, mais il est possible qu'il y ait des exceptions.
Le sénateur Grafstein : Si le transport en commun est administré de façon indépendante, par exemple, c'est la société responsable qui émettrait ces obligations. Celles-ci seraient garanties implicitement par la ville en cas de non- remboursement par la société de transport. Il n'y aurait pas de garantie expresse.
Le sénateur Massicotte : Nous avons un problème d'infrastructure; tout le monde est d'accord à ce sujet. Il est important de faire le nécessaire, notamment pour maintenir notre capacité concurrentielle. Vous proposez que les contribuables canadiens subventionnent, dans une proportion d'environ 20 points de base, les taux d'intérêt sur les obligations municipales afin d'encourager les villes à investir davantage dans leurs infrastructures. Je ne suis pas certain qu'une différence de 20 points de base puisse stimuler les dépenses en infrastructure si les provinces n'emboîtent pas le pas. Pourquoi seraient-elles d'accord?
Il y a aussi un problème d'ordre conceptuel. Vous demandez aux contribuables canadiens de financer les projets locaux, mais vous avez indiqué précédemment ne pas être d'accord avec une telle approche. Il n'existe pas de lien direct; les personnes qui paient pour les infrastructures ne sont pas nécessairement celles qui en bénéficient. Si la valeur ajoutée est importante, pourquoi les municipalités ne haussent-elles pas leurs taxes? Si vous considérez notre position dans le monde, il nous est encore possible d'augmenter nos taxes foncières sans perdre notre avantage concurrentiel. Pourquoi les villes n'ont-elles pas le courage politique d'augmenter leurs propres taxes, plutôt que de demander aux citoyens canadiens de financer indirectement des projets locaux?
Le sénateur Grafstein : Je vous répondrais brièvement que c'est déjà le cas. Nous octroyons déjà certaines sommes. Le contribuable canadien apporte déjà son aide via le plan d'action. Pour ce qui est des infrastructures, regardez ce qui est indiqué à la page 16. On prévoit 29 milliards de dollars pour le train de mesures de relance en 2009-2010. Dans le cas des travaux d'infrastructure visant la création d'emplois, l'aide prévue atteint 9,6 milliards de dollars. Nous sommes déjà actifs à ce niveau.
Le sénateur Massicotte : Vous suggérez que l'on ajoute une autre somme de 2,6 millions de dollars?
Le sénateur Grafstein : Les chiffres fluctuent. Le dernier que j'ai entendu était antérieur au plan d'action. Le gouvernement fédéral avait alors convenu de dépenser 33 milliards de dollars sur une période de sept ans. Je ramène cela à des investissements de 5 milliards de dollars par année. Le plan d'action a modifié cette somme en la portant à 9,6 milliards de dollars pour l'exercice 2009-2010. On a ajouté 4,6 milliards de dollars additionnels pour les infrastructures.
Supposons que l'on parle de 100 milliards de dollars. Je suggérerais que l'on renonce aux 2,6 milliards de dollars et que l'on réduise le nombre d'octrois de telle sorte que le gouvernement fédéral se retrouve dans la même position. De toute manière, le gouvernement fédéral recouvrerait ces sommes sur-le-champ par la voie fiscale. Cela peut être démontré. N'importe quel actuaire pourrait vous fournir une analyse probante à ce sujet.
M. Massicotte : Il est plus efficient de créer un régime d'obligations municipales exonérées d'impôt que de consentir directement des fonds, car ce sont les contribuables fédéraux qui financent ainsi les projets locaux. Vous soutenez que la méthode que vous proposez sera plus efficiente que celle des octrois, sans tenir compte du fait que cela ne représente que 25 points de base. Je ne suis pas un expert de la perception fiscale, mais je me demande ce qui est le plus efficient. La création de tout ce système d'obligations exemptes d'impôt en vaut-elle la peine? Je n'en suis pas persuadé. C'est la question qu'il faut se poser.
Le sénateur Grafstein : Sauf tout le respect que je vous dois, je ne crois pas que ce soit la question à se poser. Je pense que votre question devrait être formulée différemment — mais j'y répondrai de toute manière. Il ne s'agit pas de savoir si l'on sera plus efficient. Le modèle est différent, car l'argent requis n'est pas présentement accessible.
Le sénateur Massicotte : Lorsque vous parlez de 25 points de base, soit d'un quart de point de pourcentage, il faut se demander s'il y aura un effet considérable sur les sommes que les gens sont prêts à investir.
Le sénateur Grafstein : Supposons qu'il s'agisse de 100 points de base additionnels. L'effet de levier est toujours là. Vous êtes en affaire et vous vous adressez à une banque. Vous investissez un dollar en espérant que la banque vous en accordera 10. D'après ce que je propose ici, pour des coûts annuels de 2,5 milliards de dollars, vous pourriez susciter de l'activité créatrice et des travaux de modernisation d'une valeur de 100 milliards de dollars. C'est ce qu'on appelle un effet de levier. C'est l'essence même du plan mis de l'avant.
Le sénateur Ringuette : Peut-être que cela m'a échappé au cours de votre exposé, mais j'aimerais savoir s'il y a actuellement des villes canadiennes qui émettent des obligations.
Le sénateur Grafstein : Certaines villes le font.
Le sénateur Ringuette : Certaines le font. Je suppose qu'il doit s'agir des grandes villes. Est-ce que Toronto émet des obligations municipales?
Le sénateur Grafstein : Oui.
Le sénateur Ringuette : Quelles autres villes le font?
Le sénateur Grafstein : Montréal et Vancouver; toutes les grandes villes le font.
Le sénateur Hervieux-Payette : Il y en a des centaines. Toutes les villes émettent des obligations.
Le sénateur Ringuette : Savez-vous quelles sommes ces villes sont en mesure d'investir grâce à ces obligations?
Le sénateur Grafstein : Je ne sais pas comment les choses se passent dans les autres provinces, mais je crois que chez nous, à Toronto, la ville peut emprunter seulement pour des projets d'immobilisation et uniquement au cours d'une période prescrite. Il y a beaucoup d'argent qui circule sur le marché des obligations municipales, mais celles-ci ne sont pas exonérées d'impôt. Il s'agit de savoir si les villes sont en mesure de se permettre l'émission de telles obligations. C'est la question de la cote de crédit qui entre en jeu. La plupart des grandes villes émettent des obligations, mais celles- ci ne sont bien sûr pas exemptes d'impôt.
Le sénateur Ringuette : Vous parlez des grandes villes qui doivent fournir les infrastructures nécessaires et investir à ce chapitre, mais il y a des milliers de municipalités canadiennes qui doivent également investir dans leurs infrastructures. Que proposez-vous pour toutes ces municipalités qui ne sont pas financièrement ou techniquement aptes à émettre des obligations? Comment pourront-elles bénéficier des mesures proposées? Ce projet de loi ne leur sera d'aucun secours. Il s'adresse exclusivement aux grands centres. Il n'est absolument d'aucune utilité pour les petites municipalités qui, d'après moi, ont des besoins financiers plus grands en raison de leur assiette fiscale plus restreinte par rapport aux grandes villes. Vous pouvez trouver dans une ville un immeuble de condominiums qui génère des millions de dollars en recettes fiscales, alors que la même étendue de terrain ne rapporte que 5 000 $ en revenus à une petite localité. Les obligations en matière d'aqueduc, d'égouts, de trottoirs et de rues sont pourtant les mêmes.
J'aimerais bien entendre ce que vous proposez pour aider ces petites collectivités et savoir à quelles autres solutions elles peuvent avoir accès. Si vous voulez que le gouvernement fédéral et sans doute les gouvernements provinciaux subventionnent encore une fois les grandes villes, quels compromis proposez-vous et que suggérez-vous pour les petites municipalités?
Le sénateur Grafstein : Tout d'abord, je ne crois pas qu'il soit juste de dire que le gouvernement fédéral subventionnera les grandes villes. Ce serait plutôt l'inverse; c'est à partir de l'assiette fiscale des grandes villes que l'on subventionne les municipalités plus petites. On parle ici des paiements de transfert qui ne s'appliquent pas seulement entre les provinces, mais également à l'intérieur de celles-ci.
Vous abondez dans le sens de mes arguments; vous êtes en faveur de mon projet de loi. En fin de compte, vous nous dites — et je suis d'accord avec vous — que les petites villes ne disposent pas d'une base de revenus suffisante pour entretenir leur système d'aqueduc et pour financer un régime d'obligations. J'en conviens. Si ce projet de loi est adopté, les petites villes auront accès à davantage de fonds. Dans l'état actuel des choses, si vous procédez à une analyse du plan d'action, vous constaterez que la plus grande partie des fonds destinés aux infrastructures vont aux grandes villes.
Si nous pouvions puiser dans un tout nouveau bassin de fonds, soit celui alimenté par les contribuables investisseurs, une somme additionnelle de 100 milliards de dollars serait injectée dans le système et il resterait plus d'argent dans le Trésor, tant provincial que fédéral, pour les petites villes. C'est donc tout à fait le contraire qui se produirait; ce sont les petites villes qui en bénéficieraient.
Examinons la situation sous cet angle : voici qu'apparaît sur la table un montant additionnel de 100 milliards de dollars qui n'y était pas auparavant, à un coût de 2,6 milliards de dollars. Ce soutien favorise la croissance des grandes villes en plus de permettre au gouvernement fédéral et aux provinces d'utiliser les autres fonds disponibles pour les besoins des villes plus petites. C'est donc tout à fait l'inverse qui se produit. Les petites villes en sortent gagnantes, car plus d'argent devient disponible. Si vous connaissez un autre moyen d'arriver au même résultat, je vous prie de m'en faire part.
Le sénateur Ringuette : C'est justement la question que je vous pose. Le problème vient du fait que les petites municipalités ont davantage besoin d'argent.
Le sénateur Grafstein : Je suis d'accord.
Le sénateur Ringuette : Elles n'ont pas accès à ce régime d'obligations, mais tous les contribuables canadiens, via d'autres canaux, vont encore une fois subventionner les grands centres. Vous n'avez pas de solution à proposer pour les petites localités auxquelles je m'intéresse.
Le sénateur Grafstein : Mais j'en ai pourtant bien une. Permettez-moi de présenter les choses de la manière suivante. Dans le cadre du plan d'action, une somme totale de 33 milliards de dollars est actuellement mise à la disposition des villes, grandes et petites, pour les fins du renouvellement urbain. Il suffit maintenant d'utiliser 2,5 milliards de dollars à même ce total pour offrir 130 milliards de dollars, plutôt que 30 milliards, aux villes qui voudront bien s'en prévaloir. Il y aura plus d'argent pour les petites villes, car il y en aura davantage pour les infrastructures. Deux et trois font cinq, et non pas trois.
Je comprends votre argument, mais je pense que les petites villes auraient ainsi accès à davantage de fonds. À l'heure actuelle, ces villes n'ont pas droit à leur juste part. Elles se retrouvent coincées par le manque de ressources. Les grands centres sont aussi coincés, mais les petites villes le sont encore plus. Nous devons créer de nouvelles sources de financement. Il s'agit d'abord et avant tout d'injecter de nouveaux fonds dans le système. J'espère m'être bien fait comprendre.
Le sénateur Greene : J'aimerais apporter un éclaircissement ou demander une précision, dans la foulée des questions posées par le sénateur Massicotte. Vous avez indiqué précédemment que les cas où les contribuables canadiens subventionnent les projets pouvaient être assimilés à une aide financière directe, laquelle vient justement de ces contribuables. Cependant, votre proposition n'aurait-elle pas pour effet de subventionner les détenteurs d'obligations, les investisseurs, plutôt que les projets? C'est une approche bien différente de celle du Fonds Chantiers Canada ou du plan d'action.
Le sénateur Grafstein : C'est simplement une manière d'obtenir davantage d'argent.
Le sénateur Greene : Je ne suis pas contre; j'aimerais simplement savoir comment vous percevez la chose.
Le sénateur Grafstein : Ce n'est pas le système idéal, mais rien n'est parfait en ce bas monde. En dernière analyse, je vous exhorte, si vous estimez que ce plan n'est pas valable — soit dit en passant, vous avez soulevé des questions très importantes sur lesquelles le ministère se penchera, j'ose l'espérer. Après avoir entendu les interventions des représentants du ministère, j'aimerais bien pouvoir répondre à leur analyse du projet de loi.
De plus, je vous recommande vivement de faire comparaître des experts. J'ai parlé à différents spécialistes des obligations; certains sont d'accord, d'autres pas. La proposition ne plaît pas au ministère des Finances. Il est plus facile pour le ministère d'allouer des fonds que de mettre en œuvre un tel régime, mais les résultats ne seraient pas les mêmes. Il faut absolument que vous communiquiez avec les gens de ce ministère. Le régime proposé n'est pas parfait, mais, je le répète, rien n'est parfait en ce bas monde.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : Je veux seulement mentionner à mon collègue, qui pourtant connaît bien la Constitution canadienne, que les municipalités sont des créatures provinciales de juridiction exclusivement provinciale.
En ce qui concerne le Québec, rien ne nous dit que la permission, comme vous dites, serait donnée. Si la province de Québec décidait de ne pas embarquer dans ce système, elle serait la seule à ne pas en bénéficier. Il faudrait négocier un accord parallèle pour avoir des bénéfices semblables pour le Québec sans voir le fédéral s'immiscer dans cette question. C'est une décision politique importante. Je suis tout à fait d'accord avec votre diagnostic selon lequel nos infrastructures sont en piteux état et je pense que tout le monde autour de la table pensera à des solutions.
Premièrement, à l'heure actuelle, aucune émission municipale, à ma connaissance, n'a été refusée par les institutions financières. Le taux d'intérêt payé actuellement est de 2 à 3 p. 100. Pour les municipalités, il est évident que le compte de taxes devrait tenir compte d'un taux d'intérêt de 5 p. 100 pour attirer les investisseurs. Cela veut tout simplement dire une augmentation du compte de taxes sur le plan local.
Deuxièmement, il y a d'autres pays que les États-Unis qui ont trouvé un moyen d'amasser des sommes d'argent considérables. Certaines personnes vont grimacer, mais il reste quand même qu'en Europe, la façon de régler cette question passe par la taxe sur le carburant. C'est simple, en Europe on paie en moyenne 50 cents de plus le litre qu'ici. Cet argent ne disparaît pas en fumée. Si vous examinez les taxes municipales en Allemagne ou en France, vous allez vous apercevoir qu'elles sont généralement de 100 à 200 p. 100 moins élevées qu'ici. Ces pays ont des infrastructures en place; ils offrent quand même des services de cueillette des déchets, ils ont de très bons systèmes de transport en commun et leurs routes sont en bon état. Ils ont donc trouvé un moyen de créer un fonds qui permet d'offrir tous ces services à leur population. Évidemment, il y a le transport en commun et le transport des marchandises qui utilisent les mêmes routes. Le déversement des déchets ne se fait pas à 200 km de la ville, ils sont généralement traités dans des usines. Il y a également la question de l'utilisation de l'eau. Les habitants de ces pays paient pour utiliser l'eau et ce coût est également élevé.
Je reviens tout simplement à la question selon laquelle on a des modèles de société. Votre idée de régler la question des infrastructures municipales est très bonne.
On doit toutefois réfléchir un peu plus à la façon de le faire. Souvenons-nous que le gouvernement fédéral n'a pas à intervenir dans les affaires municipales. Quel sera l'avantage pour un maire d'émettre une obligation de 50 millions de dollars, à un taux d'intérêt de 5 p. 100, devant une émission garantie par le gouvernement de la province à un taux d'intérêt de 2 ou 3 p. 100? Quel est son bénéfice au niveau local?
[Traduction]
Le sénateur Grafstein : Je crois que la question comporte quatre volets que je vais aborder séparément.
Premièrement, pour ce qui est de l'approche distincte adoptée par le Québec, il y a une mesure de protection intégrée en ce sens qu'aucun projet ne pourra obtenir du financement fédéral ou permettre l'émission d'obligations exonérées d'impôt sans l'accord de la province. Le gouvernement fédéral ne pourra pas aller de l'avant sans cette approbation. La ville présente sa demande à la province qui l'approuve ou la rejette. Si la demande est approuvée, la ville peut soumettre sa requête à la banque. Pour de nombreuses raisons différentes, la province de Québec exercerait donc un contrôle absolu à cet égard et il en irait de même pour les autres provinces. Il n'est pas question ici d'empiéter sur les compétences de quiconque. C'est à chaque gouvernement provincial de décider s'il souhaite avoir accès à ce réservoir d'investissements à l'abri de l'impôt.
Deuxièmement, pour ce qui est des coûts et de l'approche adoptée en Allemagne et en France à l'égard de la taxe sur l'essence, il faut savoir que la ponction fiscale est plus forte en Europe, dans tous les secteurs — taxes sur l'essence, impôt foncier et taxes sur l'eau — et c'est exactement ce que je voulais faire valoir. Nos citoyens disposent encore d'une certaine marge de manœuvre pour payer davantage pour les services d'aqueduc et pour l'énergie, et la mesure proposée est une façon pour eux de le faire. La taxe sur l'essence ne me plaît pas particulièrement, car il s'agit, à mon sens, d'une manière irresponsable de gouverner. Ainsi, le gouvernement fédéral perçoit certaines sommes au titre de la taxe sur l'essence et les remet simplement aux municipalités. C'est l'avenue qu'envisageaient certains d'entre nous à l'origine dans nos efforts pour établir ce plan, et j'estimais que nous faisions fausse route. Il s'agit de faire en sorte que les citoyens assument leurs responsabilités à l'égard des impôts et des projets réalisés à l'échelle locale. Le plan suggéré permet une responsabilisation accrue. Il devient enfin possible pour les maires de planifier. Nous devons nous débrouiller avec l'autoroute Gardiner à Toronto qui est un véritable désastre. Le maire veut la détruire ou la remettre à niveau, on ne sait plus trop. La solution facile serait d'en faire une autoroute à péage. C'est ce qu'on a fait avec l'autoroute 407 et les résultats sont extraordinaires. C'est l'un des meilleurs modèles du genre au monde. Nous y avons installé des péages avant de la confier au secteur privé. Je ne suis pas en train de suggérer une approche semblable. La ville demeurerait bénéficiaire du péage, comme c'est le cas à New York où l'on utilise le péage perçu sur les ponts et les routes principales pour financer leur rénovation.
Sénateur, je suis d'accord avec toutes vos interventions. Ce sont des questions importantes. Il nous faut en tenir compte. Il est bien certain que les coûts seront plus élevés, mais rien n'est gratuit. Si nous voulons des villes modernes, il faudra payer davantage, cela ne fait aucun doute. Aujourd'hui, le maire de Toronto a indiqué qu'il allait imposer, en sus des taxes normales, un tarif de 40 $ ou 60 $ pour chaque véhicule dans sa ville, et cette mesure ne me pose aucun problème. Je conviens que la situation est complexe. Ne me comparez pas au Tout-Puissant; évaluez-moi en fonction des solutions de rechange.
Le sénateur Hervieux-Payette : Lorsque je parlais du Québec, si le gouvernement fédéral renonce à 2,6 milliards de dollars pour la réalisation de votre proposition de 100 milliards de dollars, je veux faire valoir que 25 p. 100 de cette somme devrait normalement aller au Québec. C'est la part de la province dans n'importe quel programme. Si le Québec refuse de participer, il demandera une compensation. Si le reste du pays souhaite donner suite à votre proposition, pas de problème, mais elle n'a aucun avenir dans ma province. Je n'ai jamais entendu dire, que ce soit récemment ou dans un passé plus lointain, que des obligations municipales n'avaient pas été émises faute d'acheteurs. Ces obligations se vendent bien, et maintenant encore mieux, même à un taux d'intérêt de 3 p. 100, parce que les gens n'ont plus confiance dans le marché. Même au taux de 3 p. 100, les investisseurs ont tout au moins l'assurance que leur mise de fonds sera toujours là. Nous ne sommes pas en train de régler le problème de la disponibilité des recettes fiscales. Ces sommes sont déjà disponibles. Chaque maire doit faire approuver ses projets par la province, car, en dernière analyse, c'est l'administration provinciale qui garantit les obligations. Vous ne pouvez pas vous permettre d'ajouter à la dette des provinces. Vous mettriez ainsi en péril leur cote de crédit, qu'elle soit double A, triple A ou peu importe.
Vous ne nous avez pas dit si les obligations seraient garanties par la province ou qui exactement allait les garantir. À l'heure actuelle, c'est chacune des provinces qui garantit les obligations municipales.
[Français]
Le président : Je regrette, mais je crois qu'avec cette intervention de notre vice-présidente, il faut mettre un terme au débat, pour l'instant du moins.
[Traduction]
Je prie le sénateur Grafstein de m'excuser, mais je dois mettre un terme à cette discussion fort intéressante. Je sais qu'il s'agit d'une amorce, plutôt que d'une conclusion, à bien des égards. Nous vous remercions d'avoir été notre tout premier témoin, comme cela vous revenait à titre d'auteur de ce projet de loi. Si vous avez d'autres arguments à présenter, vous pourriez peut-être le faire par écrit ou nous pourrions prendre des dispositions pour que vous comparaissiez de nouveau.
Je vais maintenant inviter nos prochains témoins à prendre place à la table.
[Français]
Le président : Nous sommes maintenant prêts à entendre les témoins du ministère des Finances sur le projet de loi S- 203.
[Traduction]
Étant donné que ce projet de loi, s'il est adopté, fera en sorte que certains revenus d'intérêt provenant des obligations seront exonérés de l'impôt fédéral, sans parler de ses répercussions sur les recettes provinciales, je suis persuadé que nous avons tous grand hâte d'entendre le point de vue du ministère à ce sujet, notamment à propos des coûts fiscaux prévus pour le gouvernement fédéral.
Du ministère des Finances, nous accueillons donc avec plaisir M. Baxter Williams, directeur, Division de l'impôt des particuliers, Direction de la politique de l'impôt; et M. Modrag Jovanovic, chef, Épargnes et investissement, Division de l'impôt des particuliers, Direction de la politique de l'impôt.
Bienvenue à vous deux, messieurs. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir bien voulu comparaître devant nous cet après-midi.
Baxter Williams, directeur, Division de l'impôt des particuliers, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances Canada : Honorables sénateurs, je vais vous présenter mes observations préliminaires en ajoutant quelques précisions. Il y a différents aspects à considérer quant à la mise en œuvre d'un régime d'obligations municipales exonérées d'impôt, notamment en ce qui a trait à la capacité de la Banque de développement du Canada d'administrer un tel programme. Je ne pourrai pas vous parler des questions de cet ordre. Je sais que je commence bien mal en vous disant que je ne peux pas vous parler de certaines choses, mais les représentants d'Industrie Canada seraient beaucoup mieux placés pour vous entretenir de ces aspects.
Nos observations porteront surtout sur l'efficacité d'un régime d'obligations municipales exemptes d'impôt et sur le marché potentiel pour un tel programme. Bien que cela ne soit pas nécessairement précisé explicitement, le gouvernement fédéral et l'ensemble des provinces, à l'exception du Québec, ont convenu d'une base fiscale commune, ce qui fait que toute exemption mise en œuvre influe automatiquement sur le calcul de l'impôt sur le revenu, tant à l'échelle provinciale que fédérale.
En règle générale, nous utilisons un ratio de répartition un tiers-deux tiers pour les coûts associés à toute exemption ou mesure réduisant les recettes fiscales. Si le coût total pour le gouvernement fédéral et la province s'élève à 1 $, on établit les coûts à 66 ¢ pour le fédéral et 34 ¢ pour la province.
Dans l'examen d'une proposition semblable, il faut tenir compte du fait que le lieu d'émission de l'obligation ne correspond pas nécessairement au lieu de résidence de son détenteur. Par exemple, une obligation émise en Saskatchewan avec l'approbation du gouvernement de cette province peut être principalement acquise par des détenteurs ontariens et albertains. Comme l'impôt provincial est fondé sur le lieu de résidence, ce sont ces deux provinces qui assumeront les coûts fiscaux associés à l'émission de cette obligation. Il peut donc y avoir, tout au moins à l'échelle provinciale, déséquilibre entre le gouvernement de la province où les obligations sont émises et celui de celle qui doit en éponger les coûts financiers.
Dans une perspective générale, il est important de faire la distinction entre la mesure dans laquelle une exemption fiscale permet de réduire les coûts d'émission de titres de créance et la mesure dans laquelle elle favorise l'accès au financement. Il est ainsi possible qu'une exemption fiscale réduise le coût du financement pour les municipalités, tout en n'ayant qu'un effet indirect sur leur accès à ce financement en fonction de la croissance future des marchés.
Dans le contexte canadien, il faut tenir compte à la fois des coûts possibles à long terme d'un régime d'obligations municipales exemptes d'impôt et du taux de participation potentiel à court terme. Il est difficile d'établir avec précision les coûts d'une exemption fiscale de cette nature, car tout dépend de la mesure dans laquelle ces obligations attireront les investisseurs.
En guise de point de repère, nous pouvons nous inspirer de l'expérience d'autres pays, comme les États-Unis, où un régime d'obligations exonérées d'impôt est en place depuis des décennies. Le coût actuel de ce régime s'élève à environ 35 milliards de dollars par année. Comme le Canada a environ le dixième de la taille des États-Unis, on pourrait s'attendre à ce qu'un programme semblable entraîne éventuellement des coûts annuels de quelque 3,5 milliards de dollars. Nous ne disposons d'aucune méthode analytique nous permettant d'en arriver à un coût précis; nous pouvons seulement examiner des situations comparables pour en déduire les coûts pouvant se dégager à long terme dans le contexte canadien.
Il apparaît évident, tout au moins à court terme, que les coûts seraient nettement inférieurs. Les investisseurs assujettis à l'impôt n'assurent le financement que d'une très petite proportion du marché obligataire canadien. Ainsi, les données de Statistique Canada révèlent qu'environ 87 p. 100 de toutes les obligations émises au Canada sont détenues dans le cadre de régimes d'épargne-retraite donnant droit au report de l'impôt ou d'autres véhicules exonérés. Seulement 3 p. 100 des obligations sont acquises par des investisseurs individuels assujettis à l'impôt. Les 10 p. 100 qui restent sont détenues par des sociétés imposables.
Une obligation comme celle-ci ne suscitera qu'un intérêt très limité en proportion de la taille du marché canadien. Ce n'est qu'avec le temps, au fur et à mesure que l'exemption fiscale assurera la croissance de ce marché, que vous pourrez constater un accès plus facile au financement grâce à un instrument semblable.
À cet égard, le compte d'épargne libre d'impôt récemment instauré par le gouvernement permet aux particuliers d'accumuler des revenus à l'abri de l'impôt. On peut s'attendre à une réduction du nombre d'investisseurs exonérés d'impôt au cours des prochaines années au fil de la pleine application de ce programme de compte d'épargne libre d'impôt.
Pour ce qui est de l'efficience d'une exemption fiscale, il faut savoir qu'un dollar peut être dépensé via une réduction d'impôt ou un investissement direct du gouvernement. En ce qui a trait au Trésor, cela ne fait aucune différence. Il s'agit de déterminer le moyen le plus efficace pour apporter de l'aide aux municipalités. Le point déterminant dans le cas d'une mesure comme l'obligation exempte d'impôt est le fait que tout au moins une partie de la valeur de cette exemption bénéficie à l'investisseur, plutôt qu'à la municipalité. On aide donc les municipalités à réduire leurs coûts, mais cette réduction n'est que partielle dans le cas des gouvernements fédéral et provincial.
Il faut par conséquent chercher à calculer les pertes encourues lorsqu'on utilise un véhicule fondé sur une exonération fiscale. Encore là, nous devons examiner ce qui a été fait ailleurs. Dans les deux précédents que nous connaissons aux États-Unis, certaines estimations ont laissé entendre que 40 p. 100 de la valeur de l'exonération fiscale bénéficie à l'investisseur lorsqu'il s'agit d'un particulier; cette proportion atteignant 25 p. 100 dans le cas d'une société. Il faudrait que je vérifie ces derniers chiffres. Il ne s'agit que d'un exemple. Cela revient essentiellement à dire que pour chaque dollar versé, de 25 à 40 ¢ sont perdus, s'il faut en croire l'expérience américaine.
Dans le contexte canadien, nous avons l'exemple des obligations d'occasion émises par l'Ontario. On peut obtenir une idée des fuites de recettes fiscales qui en découlent en comparant le taux offert sur ces obligations à celui associé à des obligations comparables.
Je crois que les obligations d'occasion ont été émises à un taux de 4,25 p. 100 en Ontario. Des obligations comparables, émises pour le renouvellement des infrastructures, avec la même cotation de crédit, avaient un taux de 4,6 p. 100. Les municipalités pouvaient ainsi économiser à hauteur d'environ 35 points de base en utilisant un instrument de crédit exonéré d'impôt en Ontario.
Il est toutefois particulièrement intéressant de considérer le taux de rendement après impôt, tout au moins à l'échelle provinciale, des obligations émises aux fins du renouvellement des infrastructures. Il se chiffrait à 3,8 p. 100 pour ces obligations.
Il en ressort que les économies fiscales totales possibles pour le particulier atteignaient quelque 80 points de base, alors que les municipalités n'avaient accès qu'à environ 35 de ces points. C'est un autre exemple des pertes de recettes fiscales qui sont encourues lorsqu'on a recours à un instrument indirect comme une obligation exonérée d'impôt.
Je dirai en terminant qu'aux États-Unis, certains ont soulevé d'autres préoccupations concernant les obligations. Il me semble que la proposition du sénateur Grafstein comprend des mécanismes qui pourraient régler ces points.
Cependant, aux États-Unis, les municipalités subissent d'énormes pressions pour financer les initiatives qui, à proprement parler, ne peuvent être considérés comme des projets d'infrastructures publiques, comme des logements et des stades de sport, afin de pouvoir émettre des obligations exemptes d'impôt. Voilà un autre domaine où cet instrument pourrait perdre de son efficacité au chapitre du soutien aux infrastructures.
Je demanderai à mon collègue, M. Jovanovic, s'il a d'autres observations à formuler, mais c'est sur ces propos que je termine mon intervention.
Miodrag Jovanovic, chef, Épargnes et investissements, Division de l'impôt des particuliers, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances Canada : Je tiens à préciser qu'il est question ici de perte d'efficacité et du fait que les municipalités ne réussissent à réaliser qu'une fraction des économies fiscales dont elles pourraient bénéficier. Une des raisons pouvant expliquer cette situation, c'est qu'il peut être difficile d'émettre des obligations uniquement sur le marché du détail, particulièrement si ce dernier est relativement petit et constitué de particuliers. Par conséquent, on peut devoir se tourner vers le marché institutionnel pour pouvoir placer 300 ou 600 millions de dollars en obligations.
Il faut donc légèrement augmenter le taux d'intérêt pour attirer ces investisseurs avec une marge intéressante. Voilà qui pourrait expliquer pourquoi les municipalités ne réussissent pas à réaliser toutes les économies fiscales possibles.
Le président : M. Williams a fait remarquer que la Banque de développement du Canada pourrait devoir modifier son mandat. Sachez que cette institution nous a fait parvenir une lettre datée du 28 septembre 2009, où elle nous fait part de son intention de ne pas comparaître à titre de témoin.
La banque fait valoir que le projet de loi prévoit une modification substantielle de son mandat et qu'elle n'a pas été consultée avant de recevoir la convocation. Ne bénéficiant pas des services d'un expert en matière d'obligations, elle ne pouvait contribuer de façon pertinente au débat et a donc décliné notre invitation.
Le sénateur Harb : Quand une municipalité émet des obligations, est-ce qu'un investisseur étranger — des États- Unis ou d'Europe, par exemple — , peut les acheter? Si ce n'est pas le cas, est-ce une option qui pourrait s'intégrer au projet de loi du sénateur Grafstein afin de générer plus de fonds? Vous avez indiqué que le marché est très limité et qu'à peine 3 p. 100 des obligations sont achetées par des sociétés.
M. Williams : Elles peuvent également l'être par des investisseurs canadiens imposables. Je ne crois pas que le problème vienne de leur capacité d'acheter les obligations, mais bien de l'absence d'allègement fiscal; le gouvernement, où du moins les exemptions fiscales, ne les encouragent pas à acheter les obligations.
Le sénateur Harb : Si une entité non canadienne investit au Canada, elle est imposée sur les entrées de fonds en fonction d'un certain pourcentage des profits.
Si, comme le propose le sénateur Grafstein, nous adoptons une disposition permettant d'exempter les marchés étrangers, comme nous le faisons pour les entités canadiennes, afin que les municipalités réunissent plus de fonds pour financer leurs bons projets, n'ouvririons-nous pas la porte à un énorme marché?
M. Williams : Si on observe le marché canadien des obligations de façon générale, je crois qu'en 2005, il y avait environ 1,4 milliard de dollars d'obligations en circulation, dont 87 p. 100 étaient détenues par des entités non imposées. Je ne crois pas que ce soit ce à quoi vous faites référence. Je crois qu'il s'agirait surtout de fonds de retraite et d'investisseurs étrangers.
Les sociétés imposées détiennent 10 p. 100 des obligations, et je crois comprendre que la proposition du sénateur Grafstein s'appliquerait à elles. Seulement, elles forment, avec les particuliers, une portion infime du marché des obligations.
Le président : Si je puis me permettre, est-ce que cette répartition est un phénomène typiquement canadien? Est-ce différent de ce que l'on observe aux États-Unis ou ailleurs?
M. Jovanovic : Comme nous n'avons pas établi cette comparaison, je ne suis pas vraiment en mesure de vous répondre. De façon générale, cependant, peut-être en raison de l'influence des obligations exemptes d'impôt, les particuliers sont peut-être un peu plus présents sur le marché américain, mais ce n'est que supposition de ma part. Nous n'avons pas vraiment examiné cet aspect.
[Français]
Le sénateur Massicotte : J'ai une question très technique mais ce n'est pas très compliqué. Vous faites référence à l'exemple de l'Ontario, qui avait beaucoup d'inefficacité dans son taux d'impôt comparé à l'épargne qui a été converti aux municipalités. Est-ce que c'est parce que les investisseurs de ces obligations en Ontario n'étaient pas imposables? Par exemple, vous faites référence aux émissions de l'Ontario, est-ce que les investisseurs qui les achetaient étaient seulement des particuliers ou des corporations imposables, ou est-ce que c'était n'importe qui?
[Traduction]
M. Williams : Je ne crois pas qu'il y avait de restriction. M. Jovanovic pourrait peut-être vous répondre.
[Français]
M. Jovanovic : C'est difficile de répondre directement parce que nous n'avons pas l'information. Je ne pense pas que cette répartition existe comme telle. Je ne sais même pas si l'Ontario est au courant. Par contre, une des raisons citées par le gouvernement de l'Ontario pour passer des obligations exemptes d'impôt à ce qu'ils appellent les Infrastructure Renewable Bonds ou IRB, c'est qu'ils sont capables, avec les IRB, d'aller chercher l'argent des institutions et de l'épargne de détail à la fois, contrairement aux obligations exemptes d'impôt qui, principalement, attirent les petits investisseurs taxables.
Donc, clairement il y avait cette préoccupation d'être capable d'aller chercher un marché assez important, ce qui rejoint probablement le point du sénateur Grafstein, qui dit que, pour que cela fonctionne, il faut un marché assez important et assez liquide, ce que vraisemblablement nous n'avons pas au Canada à ce niveau.
Le sénateur Massicotte : Si les deux ou trois types d'investisseurs sont disponibles, le calcul du montant d'efficacité n'est pas exact parce que, évidemment, ceux qui ne sont pas imposés ne sont pas prêts à donner une diminution de taux d'intérêt. C'est effectivement un peu arbitraire, l'analyse en conséquence, parce qu'on ne sait pas qui les a achetés. Je suis d'accord, peut-être que le problème fondamental c'est si la profondeur du marché n'est pas là.
Le président : J'aimerais dire au témoin que, si vous avez des précisions par la suite, n'hésitez pas à nous envoyer une réponse supplémentaire.
Y a-t-il d'autres questions de la part des sénateurs?
[Traduction]
Le sénateur Grafstein : Je n'ai qu'un bref commentaire.
Le président : Une question serait également la bienvenue.
Le sénateur Grafstein : C'est un commentaire, qui répond à leurs questions. Ce ne sont que deux phrases.
J'ai demandé à la Bibliothèque du Parlement de nous donner un avis indépendant sur la taille du marché, et les auteurs partagent vos préoccupations concernant les obligations exemptes d'impôt. Les investisseurs exempts d'impôt détiennent les deux tiers du marché. Je suis d'accord avec ce point de vue. Ils ont cependant ajouté ce qui suit, et je me demande si vous pourriez répondre :
Les régimes de retraite pourraient cependant s'intéresser aux obligations municipales, qu'il y ait ou non des exemptions d'impôt, si elles cadraient avec leurs exigences en matière de gestion du risque, comme la constitution d'un portefeuille diversifié. Pour autant que ces régimes détiennent des obligations exemptes d'impôt sans profiter d'exemption d'impôt, le gouvernement fédéral verrait diminuer le coût des exemptions.
Avez-vous pu parler à des gestionnaires de régime de retraite concernant leur attitude à l'égard des obligations exemptes d'impôt dans le cadre de la présente proposition?
M. Williams : Voilà qui est intéressant. Nous n'avons pas parlé aux gestionnaires de régimes de retraite. Compte tenu de la santé florissante du marché canadien des obligations, je suppose que ces gestionnaires opteraient pour des obligations qui, selon leur profil de risque, offriraient un taux de rendement optimal après impôt. Le taux de rendement convenu découle de l'exemption d'impôt.
Si l'objectif consiste à essayer d'obtenir ces obligations à escompte, pourquoi les investisseurs exemptés d'impôt se montreraient-il intéressés?
Le sénateur Massicotte : Si c'est là votre opinion, ne pourrait-on pas conclure que si les obligations non imposables offrent un meilleur rendement que les obligations imposables, l'instrument ne fonctionne pas du tout? Il y a vraiment quelque chose qui cloche si une obligation non imposable a un meilleur rendement qu'une qui l'est. Cela dénote l'absence de liquidité, de marché. C'est l'échec.
M. Williams : J'espère que je n'ai pas donné l'impression que les obligations de financement de projets de l'Ontario ont une meilleure valeur nominale. C'est simplement que leur rendement après impôt est plus élevé.
Le président : Je me demande si je pourrais me prévaloir de mon privilège de président pour poser une question à la fin de la séance. L'idée n'est pas nouvelle, et je me demande si, selon vous, les choses ont changé depuis 2002. Le ministre des Finances de l'époque, John Manley, avait envoyé une lettre à une députée, Mme Judy Sgro, en réaction à sa proposition ou sa question au sujet des obligations municipales exemptes d'impôt.
Il me semble — et corrigez-moi si je fais erreur —que ses propos font écho à ce que vous avez dit aujourd'hui et que le problème reste entier. Il a écrit ce qui suit :
Plus important encore, je crois que l'application de ces instruments aux États-Unis a montré que le manque à gagner en recettes fiscales dépasse généralement, et de manière considérable, les économies d'intérêt que peuvent réaliser les émetteurs des obligations. C'est parce que les subventions à caractère fiscal tendent à être partagées entre les municipalités (qui ont accès aux fonds à un taux d'intérêt inférieur au marché) et les prêteurs (qui bénéficient directement de l'avantage fiscal). Inutile d'octroyer une partie de la subvention aux prêteurs; cette mesure fait augmenter le coût de la subvention pour les gouvernements tout en ne permettant pas aux émetteurs de bénéficier du maximum d'avantages.
M. Williams : Je suis rassuré de constater que nos propos cadrent avec ce qui a été dit antérieurement. Cet extrait résume notre opinion sur la question.
Le président : Évidemment, le sénateur Grafstein a fait remarquer que les entrées de fonds compenseraient une grande partie de ces inconvénients. Je ne peux m'empêcher de souligner que les entrées d'argent enregistrées à la suite de la modification du traitement des actions accordées à des organismes de charité, dont la valeur a considérablement augmenté, ont été substantielles. Vous n'avez pas besoin de commenter, mais je crois que le ministère des Finances ne voyait pas la proposition d'un très bon œil lorsqu'elle a été présentée initialement.
Je crois toutefois qu'il est juste de dire que la mesure s'est révélée un succès bœuf et a certainement permis d'énormes entrées d'argent, du moins chez les organismes de charité. Il faut toutefois souligner le mérite de la proposition du sénateur Grafstein.
Est-ce que d'autres sénateurs ont des questions ou des commentaires? Si ce n'est pas le cas, je vous remercie beaucoup tous les deux d'avoir témoigné. Nous vous sommes redevables. J'aimerais faire remarquer aux sénateurs que notre séance de demain commencera à 11 h 30 et non à 10 h 30.
D'ici là, la séance est levée.
(La séance est levée.)