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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 10 - Témoignages du 8 octobre 2009


OTTAWA, le jeudi 8 octobre 2009

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi S-232, Loi modifiant la Loi sur les brevets (drogues utilisées à des fins humanitaires internationales) et une autre loi en conséquence, se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour en étudier la teneur.

Le sénateur Michael A. Meighen (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour et merci d'être ici. Aujourd'hui, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce examine le projet de loi S-232, Loi modifiant la Loi sur les brevets (drogues utilisées à des fins humanitaires internationales) et une autre loi en conséquence. L'honorable sénateur Goldstein, ancien collègue et vice-président de ce comité, a présenté ce projet de loi au Sénat le 31 mars 2009.

Voici l'objectif énoncé dans le sommaire du projet de loi S-232 :

[Français]

Le projet de loi S-232 modifie la Loi sur les brevets et la Loi sur les aliments et drogues afin de faciliter la fabrication et l'exportation de produits pharmaceutiques pour remédier aux problèmes de santé publique touchant de nombreux pays en voie de développement et pays les moins avancés, en particulier, les problèmes résultant du VIH-sida, de la tuberculose, du paludisme et d'autres épidémies.

[Traduction]

Je suis sûr que nous trouverons tous la discussion d'aujourd'hui très intéressante, puisque ce projet de loi porte sur un enjeu important, susceptible d'avoir une incidence sur la quantité de médicaments brevetés essentiels et peu coûteux expédiés aux pays en développement qui font face à des crises en matière de santé publique.

Comme nous avons une longue liste de témoins à entendre, mais que notre temps est limité, je demanderais aux intervenants et aux témoins d'être concis et succincts.

Comme premier témoin, je suis ravi d'accueillir et de revoir le sénateur Yoine Goldstein, ancien collègue et vice- président du comité et ancien parrain du projet de loi. Il est accompagné de notre collègue le sénateur Sharon Carstairs, qui parraine maintenant ce projet de loi.

L'honorable Yoine Goldstein, ancien sénateur, à titre personnel : Merci beaucoup, monsieur le président et chers anciens collègues. C'est un grand honneur pour moi d'être ici. Je n'ai pas l'habitude de me trouver de ce côté-ci de la table, mais c'est l'un des prix qu'il faut payer lorsqu'on atteint un certain âge.

En 2004, il y a un peu plus de cinq ans, le Canada a modifié sa loi afin de créer des exceptions aux règles sur la propriété intellectuelle, pour permettre aux fabricants de médicaments génériques de produire des médicaments à faible coût aux fins d'exportation vers les pays en développement. Les médicaments étaient destinés à l'époque au traitement du VIH/sida, de la tuberculose et du paludisme, surtout en Afrique. Le projet de loi qui a été créé a été appelé Régime canadien d'accès aux médicaments, ou RCAM; on le connaît également sous le nom d'« engagement de Jean Chrétien envers l'Afrique ».

Le projet a été annoncé à l'échelle internationale comme étant une occasion pour le Canada d'être un acteur de premier plan dans la lutte contre les maladies dans les pays pauvres et en développement. Il a été appuyé à l'unanimité par tous les partis.

Malheureusement, ce régime est un échec. Il n'y a eu qu'un lot d'envois (deux envois) d'un médicament contre le VIH/sida vers le Rwanda. L'expéditeur, Apotex, qui viendra témoigner d'ici deux semaines, je crois, a indiqué que c'était la seule et unique fois qu'il participait au régime actuel en raison des obstacles, des retards et de la bureaucratie qu'ont entraînés la fabrication et l'expédition.

Je vais vous parler des problèmes afférents au régime en place. D'abord, il est propre à chaque pays, c'est-à-dire que l'on doit s'engager à expédier des produits à un pays en particulier. On donne une définition inappropriée et restrictive des produits pour lesquels on peut obtenir une licence. La bureaucratie qui accompagne toute demande de licence est extrêmement lourde. Il y a des retards considérables et des périodes de préavis dans le projet de loi et le règlement. Les mécanismes d'appel d'offres des pays bénéficiaires ne sont pas enclenchés ou n'existent tout simplement pas. Il y a une limite de deux ans pour les licences obligatoires. Tout le monde sait qu'on ne peut pas traiter les victimes du sida pendant deux ans et cesser soudainement de le faire; on doit continuer. Les pays bénéficiaires hésitent à présenter une demande de licence de peur des effets défavorables sur l'aide étrangère. Beaucoup de pays bénéficiaires sont incapables de faire face aux mécanismes législatifs complexes, et le processus prévu par la loi dans sa forme actuelle est un processus d'une commande à la fois, ce qui fait en sorte qu'il est pratiquement impossible de faire affaire avec un grand nombre de pays.

Le RCAM n'a pas été efficace, et c'est pourquoi le projet de loi S-232 a été présenté. Aucun autre fabricant qu'Apotex n'a manifesté son intérêt à travailler dans le cadre de la structure actuelle, et Apotex a indiqué qu'il ne le fera plus jamais. Le résultat, c'est qu'après cinq ans et demi, il n'y a eu qu'une seule livraison du Canada, en deux envois, d'un médicament à un seul pays, soit le Rwanda, et qu'il n'y en a aucun autre en vue.

Quels seront les changements apportés par le projet de loi S-232? À la lecture du projet de loi, il n'est pas facile de déterminer les changements qui seront apportés parce qu'il est formulé uniquement en termes de modifications aux dispositions actuelles de la Loi sur les brevets. Je suis désolé, mais c'est la seule façon de le faire. La lecture de ce projet de loi ne permet pas de comprendre de quoi il s'agit.

Je vais vous dire précisément ce que le projet de loi impose, modifie ou, dans certains cas, supprime. D'abord, la gamme de produits pharmaceutiques est élargie; plutôt que d'être limitée comme auparavant, elle comprend maintenant tout médicament défini à l'article 2 de la Loi sur les aliments et drogues. Le projet de loi prévoit une solution à licence unique, ce qui est essentiel. On obtient une licence pour de multiples envois vers un pays en particulier ou toute une liste de pays, qui sont tous énumérés dans le projet de loi, parce que ce sont les seuls pays qui peuvent profiter d'envois de médicaments en vertu d'une licence obligatoire.

Aux termes de la loi actuelle, ce sont les pays qui sont obligés de demander des licences obligatoires. Ce ne serait plus le cas en vertu du projet de loi. Des ONG comme Médecins sans frontières, Save the Children Fund, l'UNICEF et ONUSIDA pourraient présenter des demandes.

La période de validité de la licence serait indéterminée plutôt que d'être limitée à deux ans. La bureaucratie serait pratiquement éliminée, tout comme les retards et les avis, et le processus d'une commande à la fois ne serait plus requis. Autrement dit, le processus est simplifié, mais comme nous le verrons dans quelques instants, les mesures de protection requises pour l'égalité des titulaires de brevet demeurent intactes dans le projet de loi.

Étant donné qu'il n'y aurait plus de limite de quantité ni de temps, les pays et les ONG ne seraient plus confrontés à la tâche insurmontable de prédire la quantité d'un médicament exigé ultérieurement au moment de l'achat, et les achats pourraient être effectués en fonction des besoins, sans qu'il faille chaque fois recommencer tout le processus.

La licence permettrait les exportations vers tout pays en développement visé par la loi sans restreindre la quantité au préalable. Des redevances seraient encore payées à l'entreprise pharmaceutique conformément au régime actuel. Tous les mécanismes de déclaration, de repérage et de protection resteraient les mêmes, délais en moins. Le régime proposé se conforme entièrement aux obligations du Canada en vertu de l'Organisation mondiale du commerce et du Conseil des ADPIC. L'ADPIC est l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce. Les mesures de protection contre les détournements demeureraient intactes. C'est exactement ce que permet l'article 30 du Conseil des ADPIC, que je cite à la page 10... Il n'y a aucune disposition qui l'empêche ou l'interdit dans la loi actuelle.

Toutes les mesures de protection qui sont envisagées à l'heure actuelle pour les entreprises pharmaceutiques demeureraient intactes. Les redevances seraient payées, les dispositions anti-détournement resteraient en vigueur, les contrôles de la qualité seraient assurés et les produits fabriqués sous licence obligatoire ne seraient pas distribués dans les pays occidentaux où ces entreprises pharmaceutiques vendent leurs produits, de sorte qu'il n'y aurait pas de problème de compétitivité.

Tous les droits de brevet continueraient d'être protégés et ne seraient pas affectés de manière défavorable. Tous les droits d'inspection prévus en vertu des lois ou des traités internationaux applicables continueraient d'être disponibles.

Le processus simplifié et direct donnerait aux fabricants de produits génériques des pays en développement un incitatif pour produire leurs propres produits. Le producteur ou fabricant des produits génériques continuerait de devoir divulguer les renseignements de base sur la valeur des contrats qu'il conclut, le nom de l'entreprise avec laquelle le contrat est conclu et divers autres renseignements pertinents concernant les contrats, afin de protéger les droits des propriétaires de brevet.

Les redevances à payer pour tout contrat donné seraient basées sur le classement de l'indice du développement humain des Nations Unies du pays vers lequel le produit est exporté, exactement comme dans la loi actuelle. Quel serait le problème et quels sont les motifs de résistance?

Les entreprises pharmaceutiques pourraient avoir des préoccupations concernant les transbordements ou les détournements, mais les mécanismes de protection prévus dans la loi actuelle demeureraient intacts; certaines entreprises ont elles-mêmes fourni des produits pharmaceutiques aux pays ayant des dispositions anti-détournement et elles ne semblent pas avoir eu de problèmes.

Les entreprises pharmaceutiques pourraient percevoir le projet de loi comme le début d'une spirale permettant la concurrence de producteurs de produits génériques pour d'autres produits, mais les pays visés par cette loi ne sont pas des pays qui ont des effets concurrentiels de quelque nature que ce soit sur les entreprises pharmaceutiques canadiennes ou américaines. Ces entreprises n'ont absolument aucun marché dans les pays visés par cette loi.

Les entreprises pharmaceutiques peuvent craindre une perte de revenu, mais le concept de licence obligatoire est un moyen bien défini et bien accepté de procéder, et les redevances habituelles envisagées dans le cadre de la loi actuelle continueraient d'être exigibles.

Les entreprises pharmaceutiques disent craindre le détournement, mais les dispositions anti-détournement qui existent dans la loi actuelle continueraient de s'appliquer selon la loi modifiée.

Il a été dit que cela bloquerait ou diminuerait la recherche et le développement, mais il n'y a pas de cas au Canada ni aux États-Unis où une licence obligatoire a bloqué, diminué ou affecté de manière défavorable la recherche et le développement de médicaments homologués ou de tout autre médicament. Ce projet de loi n'aura absolument aucune incidence sur les marchés lucratifs.

En 2007, le comité de la Chambre des communes a examiné la loi en vigueur et a conclu qu'il n'y avait pas de preuves à ce moment-là — et j'insiste sur les mots « à ce moment-là » — qui justifiaient que des modifications soient apportées à la loi. Toutefois, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, en février 2007, soit avant ce rapport, a recommandé que la loi soit modifiée. Le fait que la loi soit inefficace et qu'il y ait seulement eu une seule livraison, et seulement vers le Rwanda, témoigne de la nécessité d'y apporter des changements.

Je dois vous dire que les médicaments qui ont été envoyés au Rwanda l'ont été au prix à quai de 19 cents par comprimé. De nos jours, on ne peut même pas acheter une aspirine pour 19 cents. Les pays d'Afrique peuvent se permettre ces médicaments et ces produits complexes et peuvent traiter leur population, si on leur en donne la chance.

Le principe fondamental comporte deux volets. Premièrement, la loi doit être changée afin d'être efficace et d'atteindre les objectifs recherchés; et deuxièmement, personne ne sera pénalisé à cause de cette loi. Les redevances continueront d'être payées, les dispositions anti-détournement resteront en vigueur, les mécanismes de déclaration resteront en place et les changements ne coûteront pas un sou aux contribuables canadiens. Les titulaires de brevets ne subiront aucun impact négatif.

Cette initiative est appuyée par pratiquement toutes les ONG, y compris l'UNICEF, le Réseau juridique canadien VIH/sida, la Campagne de grand-mères à grand-mères et Oxfam. J'ai remis à la greffière une liste de 30 ONG, et certains d'entre vous l'ont reçue. Toutes les ONG appuient ce projet de loi. La Fédération des étudiants en médecine du Canada, qui représente quelque 7 000 étudiants en médecine dans 14 facultés du pays, appuie le projet de loi.

Puisque les 10 minutes sont écoulées, je vais m'arrêter parce que je suis certain que vous avez des questions. Je tiens simplement à dire que si le Canada ne fait pas bouger les choses, qui le fera? Si nous n'agissons pas maintenant, quand agirons-nous et combien d'enfants et d'autres personnes mourront entre-temps parce qu'ils n'auront pas eu accès à ces médicaments?

L'honorable Sharon Carstairs, C.P., parrain du projet de loi : Je suis ici devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce parce qu'il s'agit d'un projet de loi qui porte sur les brevets. Ce serait faire fausse route que de considérer ce projet de loi comme une mesure législative de nature technique. Ce projet de loi concerne les gens, ceux qui vivent principalement en Afrique sub-saharienne, qui vivent dans la misère et qui n'ont presque aucune chance de recevoir un traitement contre le paludisme, la tuberculose ou le VIH/sida. C'est un projet de loi qui vise à donner la chance de vivre aux enfants, à leurs parents et à leurs grands-parents. Il vise à ce que les enfants reçoivent un traitement aussitôt que leur maladie est diagnostiquée et ce, à un coût abordable.

Ce projet de loi permettrait à Médecins sans frontières, à l'UNICEF, à Oxfam Canada, à la Fondation de l'aide aux enfants et à plusieurs autres ONG d'acheter des médicaments génériques à bas prix, pour les populations qu'ils assistent.

Nous espérons sans cesse que les autorités des pays assureront la livraison des médicaments aux plus défavorisés, mais nous savons que ce n'est pas toujours ce qui arrive. Nous savons cependant que, lorsque des ONG achètent des médicaments, elles rejoignent les personnes qui sont le plus dans le besoin, parce que c'est leur population assistée. Or, la loi actuelle leur interdit d'acheter ces médicaments.

Mesdames et messieurs, 75 personnes meurent du VIH/sida toutes les 15 minutes, soit à peu près le temps que nous venons de passer ensemble. Il en meurt encore plus de malaria et de tuberculose. Je crois que le Canada peut et doit assumer un rôle de direction dans ce domaine. Il peut faire mieux et, d'après moi, nous devons faire mieux.

La loi dont nous parlons, qui a reçu l'appui de tous les partis politiques, ne fonctionne pas. Vous avez la chance de changer cela. Vous avez l'occasion de sauver la vie à des enfants et à des adultes innocents. Je vous presse vivement de relever le défi que nous vous lançons.

Le président : Merci, sénateur Carstairs. Merci à vous deux de l'excellence et de la brièveté de vos exposés. Nous aurons ainsi plus de temps pour les questions.

[Français]

Le sénateur Massicotte : On peut être facilement d'accord avec l'objectif par les amendements proposés. Est-ce que cela va satisfaire les besoins et fonctionner? Le constat est clair, cela n'a pas fonctionné à ce jour. Pour les besoins du monde entier et pour notre pays, il faut trouver une solution.

Je comprends que tout cela fait suite à un règlement qui a recommandé l'ouverture pour acheter des brevets pour satisfaire ce besoin. Je comprends que cela n'a pas fonctionné au Canada ni ailleurs. Cela ne fonctionne pas ailleurs dans le monde. Les autres pays font face aux mêmes difficultés et cela a été un échec presque partout. J'essaie de comprendre pourquoi.

Chaque pays a ses propres lois. J'assume que chacun des pays a sa loi propre. Pourquoi cela ne fonctionne pas dans l'univers? Est-ce vraiment à cause de la législation canadienne? C'est un problème mondial. J'aimerais comprendre un peu plus ce qui ne fonctionne pas.

Le sénateur Goldstein : Merci de la question sénateur Massicotte. Vous avez entièrement raison. Les amendements VTO ainsi que l'entente qui s'appelle TRIPS prévoyaient que chaque pays développé pouvait commencer ou entamer la législation pour permettre qu'une licence ou un permis obligatoire soit accordé pour pouvoir exporter ces médicaments aux pays sous-développés. Certains autres pays ont commencé l'adoption d'une législation semblable, mais n'y ont pas donné suite. Il y a un pays, de mémoire je crois que c'est la Belgique, qui a commencé, mais n'a jamais achevé l'entrée en vigueur de cette législation.

Le Canada reste, pratiquement, le seul pays qui a adopté une législation qui, au moment de son adoption, était destinée à encourager et permettre l'exportation de ces médicaments.

Les autres pays regardent maintenant ce qui va se produire sur le plan de cette législation proposée dont vous êtes saisie pour voir si ces autres pays vont adopter une législation semblable.

Elles avaient apparemment décidé que la première législation, celle qui existe actuellement, n'était pas appropriée et ne pouvait pas fonctionner sous un régime semblable et ils ont eu raison parce que le régime ne fonctionne pas.

Est-ce que les autres pays vont donner suite à cela? J'espère que oui. Mais le cas échéant, cela ne permet pas au Canada d'échapper à son obligation morale d'aider ceux qu'il peut aider sans nuire aux compagnies pharmaceutiques, à la population canadienne ou à qui que ce soit, mais au bénéfice de tous.

Vous savez, vous qui êtes législateurs, que la législation est toujours un effort de trouver un équilibre entre des intérêts légitimes opposés. Cette législation ne cherche pas un équilibre entre des parties opposées parce qu'il n'y a pas d'intérêts qui sont affectés par la législation. Au contraire, la seule chose que la législation fait, c'est d'encourager l'exploitation de cela sans nuire à qui que ce soit.

Le sénateur Massicotte : Toute l'attention est de corriger ou de réparer la législation canadienne. Lorsqu'on remarque que cela n'a pas marché ailleurs, est-ce vraiment un problème de législation canadienne? J'accepte toutes les conditions d'obligation morale comme citoyen du monde entier, mais est-ce qu'on corrige vraiment le problème qui est la législation canadienne ou y a-t-il quelque chose de plus fondamental pour corriger le besoin mondial, comme en Afrique, disons.

Le sénateur Goldstein : Je ne peux pas répondre pour les autres pays. Je comprends les ONG. J'ai parlé avec plusieurs d'entre eux que les corrections à notre législation permettraient que les régimes fonctionnent pleinement et sans difficulté. J'ai également compris que les autres pays, plusieurs autres pays, dont la Belgique, la France et certains autres, regardent pour constater dans quelle mesure on va réussir à l'amender afin qu'ils puissent participer à cet effort de sauver des vies.

[Traduction]

Le sénateur Carstairs : Il serait juste de dire que, par la loi dont nous parlons, le Canada a fait preuve d'initiative. Il a tracé la voie pendant que les autres pays s'abstenaient de faire quoi que ce soit. En réalité, notre loi n'a pas fonctionné. Cela a servi de prétexte pour voir ce qui arriverait ensuite au Canada.

[Français]

Le sénateur Massicotte : La Chambre des communes et le ministère ont pris conscience que cela ne fonctionnait pas.

En 2007, ils ont fait une révision assez importante des participants et ils ont publié un rapport faisant une revue de la législation et le ministère en est arrivé à ses propres conclusions.

Puis-je demander au sénateur Goldstein d'ajouter un commentaire et nous dire qu'il a lu le rapport, qu'il n'est pas d'accord avec les conclusions du ministre et que contrairement aux recommandations du ministre, on demande une modification à la législation. Le ministre est arrivé à la conclusion qu'il y a des lacunes, mais il n'a pas proposé de corrections à la législation. Ce serait grandement apprécié si ce n'est pas trop demander de dire que l'on n'est pas d'accord avec ses conclusions. Si on pouvait recevoir un tel document, ce serait apprécié.

Le sénateur Goldstein : Je vais faire ce que vous proposez sénateur Massicotte si vous me donnez quelques jours pour le faire.

Je dois dire qu'il y a deux aspects de ce rapport que je dois vous signaler. D'une part, l'enquête faite au comité de la Chambre des communes et les conclusions du ministère ont eu lieu à peine deux ans après l'entrée en vigueur de la loi.

Donc, il n'y avait pas encore une expérience raisonnable pour porter un jugement quelconque. C'est la raison pour laquelle le ministre a dit qu'il n'avait pas besoin de faire des changements « at this time ». Ces trois mots sont très importants. Après cinq ans d'expérience, il est évident qu'il y a des changements à faire ou on biffe la législation. Continuer avec une législation semblable, c'est ridicule.

Le sénateur Massicotte : Le constat qui me dérange le plus dans le rapport du ministre, c'est qu'il arrive presque à l'argument, en faisant référence à un manufacturier générique, que même il est permis de faire l'exploitation, que l'on ne pourrait pas être compétitif avec un manufacturier indien, que le 17 cents n'est pas très élevé, mais que d'autres manufacturiers sont encore moins élevés. La solution n'appartient peut-être pas au Canada.

Ce constat est important. Est-ce qu'on va arriver à une solution ou allons-nous nous croiser les bras en pensant que quelqu'un d'autre va satisfaire les besoins? Il serait bon d'en discuter davantage.

Le sénateur Goldstein : Je ne demande rien de mieux que de voir une concurrence dans le monde entier par d'autres pays qui veulent faire la même chose. Personne ne veut le faire parce que chacun se rend compte que la législation actuelle au Canada est vouée à un échec. Pourquoi le faire s'ils sont voués à un échec?

Par contre, si on adopte les amendements proposés pour améliorer la structure et le régime, j'ose espérer que d'autres pays emboîteront le pas et fourniront des produits aux mêmes prix qu'ici, pour les produits génériques, je ne demande rien de mieux.

[Traduction]

Le sénateur Greene : Je suis heureux de vous voir. Contrairement à ce que vous dites, il me semble que le programme n'est pas un échec. Une livraison a eu lieu, et le coût de la pilule, comme vous l'avez dit, était raisonnable.

Vous imputez notamment cette dysfonction à la lourdeur bureaucratique. Toutefois, d'après la chronologie des événements, deux semaines seulement sépareraient la demande de licence obligatoire et son octroi. Deux semaines pour accorder une licence, c'est très rapide pour un gouvernement.

Je ne comprends donc pas votre mise en cause de la lourdeur bureaucratique. Pourriez-vous m'expliquer?

Le sénateur Goldstein : Merci de votre question. Vous avez raison au sujet de ce délai. Je ne me souviens pas exactement s'il était de deux semaines, mais il s'est écoulé peu de temps entre la demande de licence adressée au commissaire aux brevets et l'octroi de cette licence. On escamote cependant le temps qui a précédé la demande. Pour le médicament dont on parle, il ne s'agissait pas d'une seule licence, mais de trois, en raison de la nature du médicament. En effet le traitement à effectuer au Rwanda exigeait, pour diverses raisons médicales et sociologiques complexes, l'incorporation de trois médicaments dans une pilule qui reviendrait à 19 cents.

En vertu de la loi en vigueur, il faut demander une licence volontaire aux sociétés pharmaceutiques. Dans deux semaines, Apotex comparaîtra devant vous pour vous dire exactement ce qui s'est passé, mais, d'après les discussions que j'ai eues avec cette compagnie, je retiens qu'il a fallu des mois et des mois aux trois sociétés pharmaceutiques pour répondre à la demande de licence volontaire, et, en vertu de la loi en vigueur, il faut demander une licence volontaire avant de demander une licence obligatoire. Donc, il a fallu des mois, des années peut-être, de travail dans l'ombre pendant lesquelles les choses ont traîné avant de finalement débloquer. Et après, il fallait satisfaire à diverses exigences.

De nouveau, je ne veux pas anticiper sur l'exposé d'Apotex, mais il est passé par là. Cette expérience de plusieurs années a été si compliquée qu'il a publiquement juré qu'on ne l'y reprendrait plus.

La loi ne fonctionnait pas. On parle de seulement une compagnie sur cinq ans. Mais si une ne veut pas recommencer à cause du nombre excessif d'exigences, peut-on dire que la loi fonctionne? Permettez-moi d'en douter.

Le sénateur Greene : Je tiens à poser ces questions à Apotex, parce que la chronologie des événements que j'ai sous les yeux ne correspond pas à ce que vous me dites. Selon le tableau que je possède, le Rwanda a commandé le médicament le 19 juillet 2007. Le 4 septembre, six semaines environ plus tard, Apotex demandait la licence, laquelle lui a été accordée en moins de deux semaines. Enfin, huit ou neuf mois plus tard, le produit était livré, mais le retard qui est arrivé ensuite était davantage imputable au Rwanda qu'à nous.

Le sénateur Carstairs : Premièrement, je pense que vous devez entendre la version d'Apotex, qui vous fera le compte rendu des péripéties. Fait plus important encore, le projet de loi enlève aux pays l'exclusivité de l'accès à un médicament particulier. Ce médicament pourrait être accessible à une ONG, ce qui n'était pas autorisé par la loi antérieure. C'est, d'après moi, l'une des principales causes de l'échec de cette loi. Si nous ne savons pas ce qui se passe à l'intérieur d'un pays d'Afrique subsaharienne, nous savons cependant ce qui se passe chez les ONG qui réussissent à faire la demande et à obtenir l'adoption des médicaments.

Le sénateur Greene : Vu que nous retirons l'exclusivité aux pays et que les seuls acteurs seront les ONG, possédez- vous l'avis juridique de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, ou d'un avocat spécialisé dans le commerce international, selon lequel votre projet de loi n'entre pas en conflit avec nos obligations à l'égard de l'OMC?

Le sénateur Goldstein : La question n'a pas exactement rapport avec l'OMC ni avec l'accord sur les ADPIC, ou TRIPS, ou aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce. La question pertinente est l'autorisation générale, interdite par l'article 31, non pas directement, mais implicitement. Je n'ai pas d'avis juridique, parce que je n'exerce pas dans ce domaine du droit et que je ne me permettrais pas d'en offrir un.

Je sais que la loi en vigueur est conforme à l'accord sur les ADPIC et à nos obligations à l'égard de l'OMC et que les modifications que nous proposons n'y changeraient rien, parce qu'elles ne prévoient pas d'accorder d'autorisation générale. Le commissaire aux brevets est toujours la personne, le rouage, si vous voulez, qui permet et autorise les lois exécutoires. C'est ce qui rendrait la loi conforme à l'accord sur les ADPIC. J'espère que vous aurez des nouvelles d'un expert du nom d'Edwards. Il est du Texas, je pense. Vous devriez entendre parler de lui.

Le président : Je ne suis pas sûr si nous avons pu nous entendre avec lui, mais nous avons son nom. Je vous en remercie.

Le sénateur Goldstein : Je vous en prie. J'espère qu'il vous contactera. Sinon, je peux m'organiser pour que quelqu'un vienne témoigner de la conformité de la loi à l'accord sur les ADPIC.

Le sénateur Ringuette : Merci d'être venu et merci de votre projet de loi bien intentionné qui pourvoit aux personnes dans le besoin.

Dans votre exposé, vous faites souvent allusion au mécanisme antidétournement. Je sais qu'il y a les marchés noirs et que les compagnies pharmaceutiques pourraient douter de l'arrivée à bon port de leurs médicaments. En outre, j'applaudis au fait que les ONG seront désormais de la partie pour dissiper certaines de vos craintes.

Pourriez-vous nous donner des exemples de mécanismes antidétournement et nous dire qui est chargé de les appliquer?

Le sénateur Goldstein : Les mécanismes prévus dans la loi actuelle sont conservés dans le projet de loi. Les compagnies pharmaceutiques et tous les députés en étaient satisfaits, il y a cinq ans.

L'un des mécanismes est contractuel; c'est un mécanisme de surveillance en continu qui existera dans tous les pays importateurs des médicaments dont on parle.

En général, les préparations médicamenteuses, en raison des exigences particulières de l'Afrique subsaharienne, ne seraient pas utiles dans les pays occidentaux ni dans les pays avec lesquels les compagnies pharmaceutiques du Canada ou des États-Unis font affaire. Les indications figurant sur les étiquettes et les emballages dissiperaient toute ambiguïté, car la loi interdit leur détournement.

À propos, des compagnies pharmaceutiques ont expédié leurs propres produits dans ces pays africains, peut-être dans la plupart d'entre eux, en employant les mêmes mécanismes antidétournement, sans problème apparent. D'après moi, les importations de médicaments par Médecins sans frontières ou l'UNICEF pour le traitement des enfants ne devraient pas subir un sort différent.

Le sénateur Carstairs : De fait, les expéditions n'ont pas été assez nombreuses pour nous permettre de savoir si les mécanismes antidétournement d'origine, envisagés dans la première mouture du projet de loi, fonctionnent ou non. Dans le cas d'une seule expédition — la deuxième tranche est partie il y a deux semaines — il est difficile d'accumuler suffisamment de preuves pour savoir s'ils fonctionnent. Les mécanismes antérieurs n'ont pas été modifiés. Seul l'avenir nous dira s'il faut les rendre plus étanches.

Comme le sénateur Goldstein l'a dit, l'industrie pharmaceutique, qui a annoncé qu'il pouvait y avoir un problème, dès la présentation du projet de loi il y a cinq ans, a expédié ses propres médicaments, sans problème et sans s'inquiéter de leur détournement.

Le sénateur Ringuette : Ces produits étaient-ils destinés tout spécialement à la lutte contre le VIH/sida, la tuberculose et la malaria? Est-ce un dédoublement des efforts?

Le sénateur Goldstein : Je ne peux pas vous renseigner sur la nature des médicaments, parce que je n'en sais tout simplement rien. Cependant, les compagnies pharmaceutiques qui ont expédié toutes sortes de médicaments, y compris contre le VIH, dans certains cas, n'ont pas déploré de problèmes de détournement.

Le sénateur Ringuette : Nous nous exposons à des réactions négatives. Si elles envoyaient des médicaments destinés à combattre les mêmes maladies vers les mêmes pays que ceux dont nous parlons, nous pourrions nous trouver devant une situation de concurrence.

Le sénateur Carstairs : En fait, les pays énumérés dans le projet de loi ne reçoivent pas de médicaments. Il y a, en Afrique, d'autres pays qui peuvent se permettre de payer le prix des médicaments non génériques et qui reçoivent les expéditions de produits pharmaceutiques. Les médicaments génériques sont beaucoup moins chers. Ils sont donc beaucoup plus accessibles aux pays subsahariens, qui sont visés par le projet de loi. À propos, les pays énumérés dans le projet de loi sont exactement ceux qui l'étaient dans le projet de loi d'il y a cinq ans.

Le sénateur Goldstein : À l'honneur des sociétés pharmaceutiques canadiennes, il y en a une cinquantaine, mentionnons qu'elles ont, au fil des ans, expédié pour des millions de dollars de produits pharmaceutiques, sans être payées, ce qui est tout à fait noble. D'après les statistiques, elles ont envoyé, en moyenne, 200 000 $ de médicaments par entreprise et par année. Je suis fier qu'elles aient été au moins aussi généreuses, mais c'est une goutte dans l'océan des besoins de ces pays.

[Français]

Le sénateur Fox : L'extension ONG a-t-elle occasionné de l'opposition de la part des compagnies pharmaceutiques ou tout le monde est-il maintenant d'accord sur cette extension?

[Traduction]

Le sénateur Goldstein : Vous devrez poser la question aux compagnies pharmaceutiques. Lorsque je faisais encore partie de votre auguste assemblée, j'ai fait l'objet de démarches de sociétés pharmaceutiques, comme, je pense, plusieurs d'entre nous. Ce n'est pas un commentaire négatif, parce que le lobbying est un aspect fondamental de l'élaboration des lois. Nous arrivons à mieux connaître nos lois grâce aux explications des lobbyistes.

[Français]

Le sénateur Fox : À la page 11 de votre mémoire, vous parlez que ce nouveau processus donnerait aux compagnies de médicaments génériques dans les pays en voie de développement des mesures incitatives pour produire leurs propres produits. Est-ce quelque chose de neuf ou cela existait déjà dans la législation antérieure?

Le sénateur Goldstein : Ce n'est ni dans la législation actuelle ni dans celle proposée. J'ai voulu dire par cette phrase que je suggérais que dans la mesure où il appert que les licences obligatoires sont disponibles, certains pays qui ont déjà une industrie générique assez simple pourraient être encourager cette industrie à faire la demande d'une licence obligatoire.

Le sénateur Fox : Premièrement, est-ce que cela permettrait, par exemple, à des compagnies de médicaments génériques dans d'autres pays — car d'autres pays ont de telles sociétés; je pense à la Chine, à l'Inde et peut-être un autre pays — de faire une demande via une ONG pour obtenir une licence obligatoire? Deuxièmement — je pense que tout le monde est favorable au projet de loi, mais on essaie de voir comment il peut fonctionner —, lorsque vous mentionnez des mesures antidiversion, je peux comprendre alors les intérêts des compagnies pharmaceutiques au Canada. Si une compagnie générique en Chine, en Inde ou ailleurs peut faire une production massive, il peut y avoir de la diversion. On a qu'à penser à l'industrie du tabac au Canada. Nous avions l'exportation du tabac vers les États-Unis qui faisait un retour au Canada. Alors parlez-moi un peu plus des licences obligatoires que les gens pourraient obtenir et refiler, par exemple, à des compagnies de production générique dans les pays que j'ai mentionnés, qui sont des pays sophistiqués.

[Traduction]

Le sénateur Goldstein : La loi en vigueur permettrait également à la Chine de fabriquer des produits génériques. L'Inde a obtenu une licence obligatoire au Canada et elle a commencé à fabriquer des médicaments qu'elle envoie en Afrique; le projet de loi n'y changera rien. Le fait d'autoriser des ONG à demander une licence obligatoire n'interdit pas aux pays ni aux fabricants de quelque pays que ce soit de demander une licence. À cet égard et à presque tous les autres, rien n'a changé. Je tiens à le souligner. Ce qui changera, c'est que la loi sera rendue rationnelle et efficace.

Même si je suis heureux que vous me posiez la question et qu'il s'agit d'un point préoccupant, car certains pays qui veulent fabriquer des médicaments s'intéressent moins au détournement que d'autres pourraient le faire, dans les faits, c'est un aspect que l'OMC supervise assez étroitement. Les pays dont les fabricants de médicaments génériques n'appliquent pas de mesures anti-détournement appropriées feraient immédiatement l'objet d'une plainte devant l'OMC, et je n'ai pas besoin de vous dire à quel point ces plaintes sont prises au sérieux.

Le sénateur Massicotte : J'ai la même question pour les deux témoins. Je pensais que ce projet de loi visait à modifier la loi actuelle en vertu de laquelle les fabricants doivent expédier les médicaments directement au pays qui les demandent. Je crois que vous vouliez assouplir les règles pour permettre d'envoyer des médicaments ailleurs. Ai-je raison?

Le sénateur Goldstein : Oui et non. Le pays à qui sont destinés les médicaments peut, selon le projet de loi, les envoyer à d'autres pays du même groupe commercial, dans la mesure où ces pays figurent dans la liste jointe au projet de loi.

Par exemple, si le Bénin, incapable d'obtenir des licences et des médicaments, demande à son voisin le Rwanda de lui transférer des médicaments, le projet de loi l'y autoriserait, si l'ONG qui a demandé et obtenu la licence le conseille au commissaire aux brevets. Il ne s'agit pas d'un processus automatique qui entraînera une distribution anarchique des médicaments contre le sida en Afrique et dans la région subsaharienne, mais une procédure étroitement contrôlée qui permettra d'effectuer des transferts sous certaines conditions strictes et préétablies.

Le sénateur Harb : Il est très révélateur que seul le Canada ait tenté d'envoyer des médicaments aux pays moins développés et qu'il n'a pu y parvenir qu'une ou deux fois pour cesser par la suite.

Je m'interroge sur plusieurs aspects. Tout d'abord, l'entente conclue par l'OMC en 2003 est-elle ouverte?

Le sénateur Goldstein : Oui. L'article 31 fait suite à l'interdiction prévue à l'article 30 afin de permettre l'adoption de ce genre de mesure législative.

Le sénateur Harb : Les pays admissibles sont-ils ceux dont vous avez fourni la liste?

Le sénateur Goldstein : Oui.

Le sénateur Harb : À l'époque, l'OMC a indiqué qu'il s'agissait des pays les moins développés. J'attire l'attention de mes collègues, et cela n'a rien à voir avec nos témoins, sur le fait que des pays comme la Corée, à la page 10, le Liechtenstein, à la page 11, et Singapour, à la page 13, ont tous un revenu par habitant semblable à celui du Canada.

En regardant la liste, on pourrait croire que ces pays ne peuvent produire de médicaments non homologués, alors que l'Inde, le Brésil et d'autres pays, comme la Corée, en sont parfaitement capables.

Croyez-vous qu'il soit possible que, compte tenu de absence du jeu de l'offre et de la demande, nous n'indiquions pas assez clairement que ce mécanisme vise à aider les pays en développement et moins développés? Est-ce que cela pourrait expliquer pourquoi il n'y a pas plus d'intéressés?

Le sénateur Goldstein : Je ne peux vraiment pas vous répondre. Ce n'est pas moi qui ai dressé cette liste. Comme vous le savez, c'est l'OMC. Elle accompagne la présente mesure législative, et je me suis contenté de la reprendre, car peu importe ses motifs, l'OMC a cru bon d'inclure ces pays.

Je ne crois pas que Médecins Sans Frontières fera beaucoup de demandes de licence obligatoire pour un pays comme la Corée. Ce pays n'en a pas besoin, pas plus que le Liechtenstein ou Singapour.

Le sénateur Harb : Si l'OMC a inclu ces pays en indiquant qu'ils devront faire la demande, alors je crois que les ONG devront s'y rendre pour obtenir la permission. Est-ce le cas ou ont-elles le champ libre?

Le sénateur Goldstein : Non, il s'agit d'une liste des pays destinataires et non des demandeurs. Les ONG n'auront pas à s'y rendre initialement. Cependant, d'un point de vue pratique, si une ONG veut travailler dans un pays comme le Rwanda, elle devrait de toute évidence coopérer avec les autorités, sans toutefois avoir besoin d'une permission officielle.

L'ennui, c'est que certains des pays concernés ont des structures qui ne sont guère propices à la coopération sans qu'une attention particulière soit portée aux autorités en place. Il n'est pas possible de conclure des ententes constructives avec ces pays.

Le sénateur Harb : Alors que l'OMC a dressé une liste de produits et de médicaments, vous avez, en fait, élaboré un projet de loi qui va plus loin afin de répondre aux besoins. Vous voulez élargir la portée de cette mesure.

Selon vous, faudra-t-il entreprendre des démarches pour continuer d'être conformes aux normes de l'OMC, ou est- ce que cette mesure législative permettra de parvenir à nos fins?

Le sénateur Goldstein : L'OMC ne s'occupe pas des produits en particulier, mais du processus de brevetage, peu importe le produit. La loi actuelle comprend une définition restrictive des produits pouvant faire l'objet d'une licence obligatoire. Le projet de loi élargit cette liste à tout ce qui est un médicament ou un produit pharmaceutique selon la Loi sur les aliments et drogues du Canada.

Le sénateur Carstairs : En réalité, la tuberculose et la malaria font bien plus de victimes en Afrique subsaharienne que le VIH/sida. Ce dernier est un véritable fléau qu'il faut combattre, mais d'autres maladies ont des répercussions beaucoup plus graves sur ces populations.

Le sénateur Grafstein : Je suis intéressé à savoir si vous avez envisagé d'autres facteurs qui pourraient expliquer la sous-utilisation du RCAM jusqu'à présent; je pense particulièrement au coût des produits.

D'après ce que je comprends, dans les exposés présentés lors de l'examen de 2007, on a indiqué que même si Apotex aurait offert le produit au prix coûtant, cinq grandes sociétés pharmaceutiques indiennes auraient, selon le site Web de la Fondation Clinton, proposé des versions moins chères du même produit pour les vendre aux pays africains. Le prix le plus bas est environ la moitié de celui indiqué par Apotex dans la demande qu'il a remise au commissaire.

La loi n'y est peut-être pour rien. Pourquoi le Rwanda s'approvisionnerait-il auprès d'Apotex si un fournisseur indien peut lui vendre le produit pour la moitié du prix?

Le sénateur Goldstein : Il semblerait que les intéressés n'ont pu acheter à la moitié du prix du fournisseur indien, et Apotex a réduit son prix à 19,5 cents la pilule. Je ne connais pas le prix du fabricant indien, mais il ne s'agissait pas du même produit, et l'offre n'était pas concurrentielle.

Si les ONG et certains pays peuvent obtenir ces médicaments de l'Inde, de la Russie ou de je ne sais trop quelle source, eh bien, tant mieux. J'en suis ravi. S'ils ne peuvent pas, alors le Canada devrait pouvoir les aider.

Le président : Le processus du RCAM n'a pas reçu beaucoup de demandes. À ce que nous sachions, il n'y en a eu qu'une. Dans la dernière question, on voulait savoir si, en faisant abstraction de l'exemple d'Apotex, cette situation pouvait être attribuable au fait que des fabricants de produits génériques issus de pays comme l'Inde et la Chine comblent les besoins. Avez-vous de l'information pour savoir dans quelle mesure cela pourrait être le cas?

Le sénateur Goldstein : Je n'ai pas d'information précise à ce sujet, mais les témoins suivants pourront vous donner des statistiques que je n'ai pas en main pour l'instant. Je sais par contre que les besoins ne sont pas satisfaits. De nombreux pays — et chacun d'entre eux se trouve dans une situation qui lui est propre — hésitent beaucoup à tenter d'obtenir des licences obligatoires. Certains sont incapables de mobiliser leurs efforts pour essayer d'obtenir ces licences, alors que d'autres éprouvent des problèmes de distribution. En raison des limites de leurs réseaux de distribution, une bonne partie des médicaments ne peuvent atteindre les régions éloignées. Ceux qui peuvent et veulent distribuer les produits ne peuvent en obtenir. C'est une réalité, et les prochains témoins vous donneront des faits et des statistiques concernant ces problèmes.

Il est donc faux de dire que les fournisseurs chinois et indiens pourraient combler les besoins, car ils ne le peuvent pas.

Le sénateur Greene : Est-ce que certains pays ont tenté en vain d'accéder à notre système?

Le sénateur Goldstein : Je n'en ai pas entendu parler. Je sais que pour accéder au système, un pays doit avoir un fabricant de médicaments génériques capable de combler le besoin, et aucune société canadienne n'est disposée à se plier aux exigences de la loi actuelle. Elles ne participeront tout simplement pas.

Le sénateur Greene : Oui, mais ce n'est pas la même chose qu'un pays qui essaie d'accéder au système. Ils ne savent pas nécessairement si un fabriquant de médicaments génériques pourra leur fournir ce dont ils ont besoin. Ce que je veux savoir, c'est si certains pays admissibles ont déjà présenté une demande, mais n'ont pu obtenir ce qu'ils voulaient.

Le sénateur Goldstein : Sénateur, ce n'est pas ainsi que fonctionne le système. Il faut qu'un pays trouve un fabricant qui soit prêt à l'approvisionner avant de pouvoir faire une demande. La compagnie doit présenter une demande de licence volontaire auprès des fabricants du médicament en question, et ce n'est qu'après un refus qu'elle peut faire la demande.

Le sénateur Greene : Est-ce que certains pays qui sont entrés en rapport avec nos fournisseurs de médicaments génériques pour obtenir un médicament précis ont vu leur demande refusée?

Le sénateur Goldstein : Je l'ignore, sénateur.

Le président : Je vous remercie beaucoup. Nous respectons assez bien l'horaire. Il ne me reste plus qu'à remercier le sénateur Carstairs et notre ancien collègue, le sénateur Goldstein, pour leur participation et leurs exposés. Je crois que nous avons tous appris énormément ce matin. C'est une question difficile qui est lourde de conséquences. Nous poursuivrons notre étude avec un autre groupe de témoins, après avoir pris deux minutes de pause.

[Français]

À l'ordre s'il vous plaît. Nous sommes maintenant prêts à écouter les vues de l'Office de la propriété intellectuelle du Canada, du ministère des Affaires étrangères et Commerce international Canada, du ministère de Santé Canada et de l'Agence canadienne de développement internationale sur le projet de loi S-232.

[Traduction]

S'il est mis en œuvre, le projet de loi pourrait avoir des répercussions sur le régime de brevets du Canada, nos obligations envers l'OMC, l'innocuité des produits pharmaceutiques et l'aide offerte aux pays en développement. Je suis certain que le comité souhaite ardemment connaître l'opinion de ces organisations gouvernementales sur la présente mesure législative et le Régime canadien d'accès aux médicaments.

C'est avec plaisir que nous accueillons, de l'Agence canadienne de développement international, Chris MacLennan, de la Direction générale des politiques stratégiques et du rendement; du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, Edith St-Hilaire, de la Direction de la politique commerciale sur la propriété intellectuelle, l'information et la technologie; de Santé Canada, Brigitte Zirger, du Bureau des politiques, sciences et programmes internationaux; et d'Industrie Canada, Colette Downie, directrice générale, Direction générale des politiques-cadres du marché, Secteur de la politique stratégique.

Colette Downie, directrice générale, Direction générale des politiques-cadres du marché, Secteur de la politique stratégique, Industrie Canada : Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître ce matin.

Dans mon exposé, je ferai brièvement le tour des principales caractéristiques du Régime canadien d'accès aux médicaments, aussi appelé RCAM, en portant une attention particulière aux dispositions que le projet de loi S-232 devrait modifier. Je prendrai auparavant quelques instants pour expliquer les différents rôles des ministères représentés ici aujourd'hui.

Tout d'abord, M. MacLennan, à ma droite, vient de l'Agence canadienne de développement international pour répondre aux questions sur la stratégie globale que le Canada a adoptée concernant l'accès aux médicaments dans les pays en développement. Mme Zirger, de Santé Canada, parlera des examens que ce ministère a effectués dans le cadre du Régime d'accès aux médicaments actuel; quant à Edith St-Hilaire, du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, elle traitera de l'OMC et du cadre international auquel le Régime d'accès aux médicaments est assujetti.

Je propose de commencer par l'exposé de Mme St-Hilaire, qui vous donnera le contexte initial concernant l'OMC et les décisions dont vous avez entendu parler, après quoi je ferai mon exposé en tentant de faire le plus rapidement possible.

[Français]

Édith St-Hilaire, directrice, Direction de la politique commerciale sur la propriété intellectuelle, l'information et la technologie, directrice générale par intérim, Politique commerciale multilatérale, Affaires étrangères et Commerce international du Canada : D'abord, je vais revenir un peu en arrière en parlant de l'Accord sur les aspects des droits de la propriété intellectuelle qui touche au commerce ou les ADPIC. C'est un accord qui a été adopté en 1995 et qui tente d'établir un équilibre entre l'objectif social à long terme visant à offrir des mesures incitatives pour les inventions à venir ainsi que la recherche et développement. L'objectif à court terme visant à permettre aux personnes d'utiliser des inventions et des créations existantes. Il établit des normes minimales auxquelles doivent se conformer les membres de l'OMC afin de protéger les droits de propriété intellectuelle.

Il porte sur un vaste éventail de sujets par exemple les droits d'auteur, les marques de commerce et les brevets. Comme tous les autres accords de l'OMC, il est assujetti à l'organe de règlement des différends ce qui signifie que si un des membres ne respecte pas ses obligations, un autre membre peut entreprendre une action de règlement des différends à son égard. C'est donc très important.

L'article 31 de l'accord sur les ADPIC permet l'octroi de licences obligatoires ou l'utilisation par les pouvoirs publics de brevet sans l'autorisation du détenteur de brevet conformément à certaines conditions. L'une des dispositions prévues à l'article 31f) veut que la licence obligatoire ou l'utilisation par les pouvoirs publics de l'invention brevetée servent principalement à l'approvisionnement du marché intérieur.

La déclaration de droits sur l'accord des ADPIC et la santé publique avait été adoptée en 2001 et a confirmé que les ADPIC comprenaient des flexibilités permettant aux membres de l'OMC de prendre des mesures nécessaires en vue de résoudre de sérieux problèmes en matière de santé publique.

Elle a également reconnu les difficultés que les pays en développement et les moins avancés ayant des capacités de fabrication insuffisantes ou n'en disposant pas dans des secteurs pharmaceutiques pourraient rencontrer pour recourir de manière effective aux licences obligatoires dans le cadre des ADPIC. La déclaration a mandaté le Conseil des ADPIC de trouver une solution rapide à ce problème et d'en faire rapport au conseil général à la fin de 2002.

Après deux ans de négociation, où le Canada a joué un rôle actif, la décision sur la mise en œuvre du paragraphe 6 de la Déclaration de Doha sur l'accord sur les ADPIC et la santé publique a été adoptée; donc en août 2003. Cette décision est le résultat d'un intense processus de négociation dans tous les pays de l'OMC qui avaient des positions reflétant des vues et des intérêts d'un vaste éventail d'acteurs par exemple les ONG, l'industrie et des universitaires. Elle a été adoptée à l'unanimité par tous les États membres et présente un équilibre judicieux des intérêts en présence.

La décision déroge aux obligations énoncées aux paragraphes f) et h) de l'article 31 sous réserve de certaines conditions et modalités afin de donner aux membres dotés de capacité de fabrication de produits pharmaceutiques, le droit d'octroyer une licence obligatoire permettant la fabrication et l'exportation de produits pharmaceutiques vers des pays ayant des capacités de fabrication insuffisantes ou n'en disposant pas dans le secteur pharmaceutique. Les obligations restantes aux termes de l'article 31 de l'accord des ADPIC ne font pas l'objet d'une dérogation; donc, elles s'appliquent toujours.

Cette dérogation vise à faciliter l'accès des pays en développement et les moins avancés à des médicaments moins chers nécessaires pour traiter le VIH-Sida, la tuberculose, le paludisme ainsi que d'autres épidémies.

Depuis cette décision en décembre 2005, les membres l'OMC ont convenu de transformer la décision en un amendement permanent. Le Canada accueille très favorablement les décisions concernant l'amendement, car elles démontrent de façon positive comment les membres de l'OMC peuvent collaborer afin de répondre aux besoins des pays en développement et les moins avancés. L'amendement prendra effet lorsque les deux tiers des membres l'auront accepté.

Ces derniers avaient jusqu'au 1er décembre 2007 pour le faire et l'échéance a été reportée au 31 décembre 2009 et pourrait être reportée à nouveau par le conseil général.

À ce jour, 53 membres de l'OMC ont accepté l'amendement. Le Canada a accepté l'amendement le 16 juin 2009 en déposant son instrument de ratification auprès de l'OMC.

En terminant, pour revenir sur les modalités et les conditions de la dérogation de l'OMC, la dérogation a été acceptée à la suite de négociations intensives et les dispositions clés des modalités et des conditions sont que seuls les membres de l'OMC ayant une capacité de fabrication insuffisante ou n'en disposant pas dans le secteur pharmaceutique et étant confrontés à des problèmes de santé publique tels le VIH-sida, la tuberculose, le paludisme ou d'autres épidémies sont admissibles à importer des médicaments. Le pays importateur doit aviser l'OMC de son intention de se prévaloir de la dérogation et indiquer le nom, la quantité requise du médicament et l'état du brevet dans le pays importateur.

Le fabricant de médicaments génériques doit tenter d'obtenir une licence volontaire du ou des brevetés avant de demander une licence obligatoire, la quantité de médicaments fabriqués en vertu d'une licence obligatoire ne peut dépasser la quantité demandée par les pays importateurs et la totalité des médicaments produits doit être exportée. Le titulaire de licence doit verser également une rémunération adéquate aux brevetés.

Enfin, la décision a été adoptée à la lumière d'une déclaration lue par le président du conseil général qui réitéra, entre autres, que la décision sera utilisée de bonne foi pour traiter de problèmes de santé publique et non pour atteindre des objectifs de politiques industrielles ou commerciales.

Je vous remercie de l'occasion que vous me donnez de m'exprimer aujourd'hui.

[Traduction]

Le président : Je vous remercie de votre exposé. Pour ma part, j'aimerais savoir si vous avez conclu que le projet de loi S-232 donnerait lieu à une contestation. Je pensais que vous finiriez par nous le dire, mais vous ne l'avez pas fait. Peut-être que quelqu'un vous posera une question à ce sujet.

Mme Downie : Je dois préciser que je suis ici en tant que représentante d'Industrie Canada, le ministère responsable de la Loi sur les brevets dans laquelle s'inscrit le Régime canadien d'accès aux médicaments.

La troisième diapositive est intitulée Régime canadien d'accès aux médicaments.

[Français]

Comme Mme St-Hilaire vient de le mentionner, le Canada a joué un rôle actif dans les négociations internationales menant à la décision de l'OMC et par la suite, nous avons été l'un des premiers pays à annoncer que nous le mettrions en œuvre.

[Traduction]

C'est ainsi qu'en 2003, nous avons été l'un des premiers parlements à adopter un cadre législatif de cette nature.

Le Régime canadien d'accès aux médicaments prend appui sur certains principes fondamentaux. Ces principes énumérés à la diapositive 4 visent à assurer une application uniforme de la décision de l'OMC dont on vient de vous parler. Vous pourrez constater qu'il s'agit en fait de concilier les intérêts divergents et parfois contradictoires des intervenants.

Les deux premiers principes apparaissant sur la diapositive sont les plus importants. Premièrement, il s'agit de faciliter l'accès opportun aux médicaments abordables pour les pays en voie de développement, tout en respectant les obligations commerciales internationales du Canada. Deuxièmement, on veut offrir aux fabricants de médicaments génériques des incitatifs suffisants pour les encourager à participer au régime, tout en veillant à ce que le régime canadien de brevets pour les médicaments assure une protection stable et prévisible aux détenteurs de brevets par rapport aux nouveaux médicaments pouvant entrer sur le marché canadien.

À la diapositive 5, nous exposons les modifications proposées par le projet de loi S-232 relativement aux caractéristiques fondamentales du RCAM. Il faut d'abord préciser que le régime comprend une liste de médicaments préalablement approuvés qui peuvent être exportés ainsi que trois listes de pays admissibles classés en fonction de leur niveau de développement ou de leur situation par rapport à l'OMC.

[Français]

Ces annexes réduisent les éléments discrétionnaires du régime en précisant et en accélérant le processus décisionnel. Ce fait semble être appuyé par l'autorisation d'Apotex d'exporter au Rwanda que le commissaire a accordée moins de trois semaines après la date de dépôt.

[Traduction]

Le projet de loi S-232 propose de supprimer la liste de médicaments préalablement approuvés pour l'exportation en élargissant la portée du régime pour inclure tout médicament, tel que défini dans la Loi sur les aliments et drogues.

[Français]

L'objectif initial de la décision de l'OMC était de faciliter l'accès des pays en développement aux produits pharmaceutiques nécessaires pour traiter des problèmes de santé publique comme le VIH-sida, la tuberculose, la malaria et d'autres épidémies.

La décision n'a jamais eu pour objectif de constituer un mécanisme qui permet aux fabricants de violer des brevets légitimes sur un médicament pour quelques raisons que ce soit.

[Traduction]

Comme on peut le voir à la diapositive 6, un fabricant de médicaments génériques doit suivre plusieurs étapes pour pouvoir demander une autorisation d'exporter. On y indique quelques-uns des renseignements de base qui doivent être fournis pour présenter une demande d'autorisation auprès du commissaire aux brevets. J'ai des exemplaires de ces formulaires avec moi, si la chose vous intéresse. Il faut notamment indiquer le nom du pays importateur admissible, le nom du médicament et la quantité à exporter.

À notre avis, ces exigences font en sorte que l'octroi d'une autorisation dans le cadre du RCAM permet de répondre directement au besoin cerné pour un médicament dans un autre pays en lui donnant rapidement accès à la quantité voulue de ce médicament.

Il convient de noter qu'à partir du moment où un pays avise l'OMC de son intention d'avoir recours au RCAM, les choses se déroulent très rondement. Aucune disposition du régime en vigueur ne permet en effet à un détenteur de brevet de mettre des bâtons dans les roues d'un fabricant de médicaments génériques qui souhaite demander une autorisation d'exporter 30 jours après avoir demandé une licence volontaire. Je précise qu'il s'agit bien de « demander »; pas 30 jours après avoir reçu la licence, mais 30 jours après l'avoir demandée.

Le projet de loi S-232 propose une transformation complète du processus de demande dans le cadre du RCAM en éliminant l'exigence relative à la licence volontaire et bon nombre des autres conditions à remplir en matière d'information. On remplacerait le tout par le recours à une licence unique qui permettrait à un fabricant de médicaments génériques d'exporter tous les médicaments qu'il produit au Canada vers n'importe quel pays, à n'importe quel moment.

Il pourrait ainsi devenir difficile pour le Canada de s'acquitter de ses obligations internationales relativement aux brevets, sans compter que l'on pourrait donner l'impression que le RCAM permet aux utilisateurs de faire fi des brevets, ce qui pourrait miner la stabilité de notre cadre de fonctionnement pour la fourniture de produits pharmaceutiques. Il pourrait également y avoir moins d'incitatifs à vendre des produits pharmaceutiques ici au Canada.

Par ailleurs, le RCAM renferme différentes mesures visant à éviter que des médicaments exportés soient détournés pour être vendus au Canada ou dans tout autre pays bien nanti où, contrairement à ce qui se passe dans les pays en développement, il n'est pas nécessaire que l'on facilite l'accès à des médicaments moins dispendieux. Le projet de loi d'initiative parlementaire S-232 propose la suppression d'une partie de ces mesures, y compris l'exigence voulant que les produits génériques exportés dans le cadre du RCAM puissent être distingués de leur version brevetée vendue au Canada au moyen de marquages et de l'inscription « XCL ». En plus des problèmes pouvant en découler quant à notre observation des obligations internationales, la suppression de ces exigences pourrait également rendre le RCAM moins apte à garantir que les médicaments vont effectivement aux gens et aux pays qui en ont besoin, plutôt que d'être détournés vers des pays qui peuvent y avoir accès autrement.

À la diapositive 8, il est question de l'examen législatif du régime. À la suite de cet examen mené en 2007, on a conclu qu'aucun changement n'était requis. Il en est donc ressorti que le cadre établi produisait les résultats escomptés comme en témoigne le fait qu'il s'agit du seul régime semblable au monde à avoir effectivement permis l'exportation de médicaments en application de ses dispositions.

Le RCAM n'est pas nécessairement parfait; aucune mesure réglementaire ne l'est vraiment et il y a toujours moyen d'améliorer les choses. Sous certains égards, il est possible que la dérogation de l'OMC ne soit pas mise en œuvre de la même manière qu'ailleurs dans le monde, mais nous avons quand même le seul régime à avoir concrètement permis que des médicaments soient exportés.

Le président : Merci beaucoup, madame Downie. Comment expliquez-vous le très faible taux de participation au RCAM?

Mme Downie : Je m'en remets aux résultats de l'examen et aux témoignages entendus devant le Comité de l'industrie. On m'a également dit qu'il était difficile pour les fabricants canadiens de médicaments génériques de soutenir la concurrence des entreprises étrangères, surtout en Inde. C'est ce qui a été le plus ardu.

[Français]

Le sénateur Massicotte : J'aimerais faire le suivi sur la question. L'hypothèse de départ est qu'il y a un problème mondial. Ils n'ont pas réagi aux demandes de ces pays. Mais d'après ce que vous avez constaté, vous suggérez qu'il n'y a pas de problèmes de législation et qu'il n'y a rien à faire. On va revenir un peu en arrière. On a l'impression de se faire dire qu'il y a un problème. L'OMC avait une ouverture d'esprit pour régler les problèmes mondiaux sérieux et l'impression que l'on a, c'est qu'il n'y a pas eu de solution mondiale.

Un problème existe. Est-ce un problème de législation? Pourquoi ce problème? Comment se fait-il qu'il n'y ait pas eu de solution? Il y a eu très peu d'échange mondial. Il y en a eu seulement deux du Canada. À partir du moment où l'on détermine quel est le problème, on peut commencer à définir la solution. Mais où est le problème?

Chris MacLennan, directeur général, Direction des politiques thématiques et sectorielles, Direction générale des politiques stratégiques et du rendement, Agence canadienne de développement international : Tout d'abord, il faut regarder le système dans son entier concernant l'approvisionnement des médicaments et quels sont les défis dans le monde en voie de développement. La question de l'accès aux médicaments fait partie du problème auquel les pays en voie de développement font face.

En premier lieu, on parle de prévention. Il y a plusieurs façons d'approcher les problèmes et on sait très bien que dans les pays en voie de développement, il y a un problème de base. On commence en parlant du paludisme. On sait très bien que les filets traités avec les insecticides, c'est un premier pas vers la prévention de la maladie.

[Traduction]

Nous savons également qu'il nous faut composer avec toute une gamme d'autres problèmes, y compris ceux associés aux risques de propagation des maladies traitées par les médicaments visés.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Puis-je vous interrompre parce qu'on n'a pas beaucoup de temps. On peut passer beaucoup de temps sur des solutions à d'autres problèmes, mais le problème dont je parle est celui d'importer des produits génériques à des coûts plus élevés.

Pourquoi n'y en a-t-il pas eu mondialement? Quel est le problème? Le but de l'OMC au départ est de trouver un moyen d'exporter des produits génériques à peu de frais. Il y a eu très peu de succès en ce sens. On dirait que c'est un échec. Pouvez-vous me dire pourquoi?

[Traduction]

M. MacLennan : Il faut tenir compte du fait qu'un certain nombre de choses se sont produites depuis que la dérogation a été accordée en 2004. Pour l'approvisionnement en médicaments, il y a des problèmes tant du côté de l'offre que de la demande. Ces problèmes touchent l'établissement du prix. D'une part, depuis la création en 2002 du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, des sommes d'argent considérables ont été injectées aux fins de l'approvisionnement en médicaments et du traitement de ces trois maladies importantes, entre autres. Des sommes de l'ordre de quelque 16 milliards de dollars américains ont ainsi été investies dans le système, ce qui a permis à des pays en développement de se donner le pouvoir d'achat nécessaire pour se procurer les médicaments voulus. Du côté de l'offre, nous nous sommes rendu compte que la poussée importante qui s'est manifestée parallèlement à cette injection de fonds a entraîné une baisse de certains prix, particulièrement pour les médicaments antirétroviraux associés au VIH/sida.

Je pourrais donc répondre à votre question en disant simplement qu'il existe d'autres mécanismes permettant aux pays en développement de lutter contre ces maladies. C'est la raison pour laquelle j'ai d'abord parlé de prévention.

Le sénateur Massicotte : Ces pays n'ont-ils pas besoin de médicaments génériques peu coûteux pour la malaria? Vous nous dites qu'ils ont trouvé une solution ailleurs?

M. MacLennan : Non, je ne dis pas que la solution est ailleurs, mais bien qu'il y a d'autres façons de se procurer ces médicaments.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Il n'y a plus de problème en ce sens. Vous pensez que le côté mondial n'a plus de besoin.

M. MacLennan : Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit clairement qu'il y a d'autres mécanismes puisque des pays en voie de développement sont en train de les utiliser.

Le sénateur Massicotte : Combien y a-t-il eu de décès de la malaria depuis? Il n'y a pas toujours un problème de santé majeur?

M. MacLellan : Absolument.

Le sénateur Massicotte : Vous dites que ces pays ont les moyens de faire les achats. Pourquoi ne les font-ils pas ces achats? Pourquoi est-ce que cela ne fonctionne pas?

M. MacLennan : Je ne sais pas pourquoi ils ne sont pas en train d'utiliser ce mécanisme.

Le sénateur Massicotte : J'essaie de comprendre pourquoi les pays ne font pas de demande. Peut-être que le problème n'est pas au Canada. Pourquoi n'y a-t-il pas d'autres pays qui demandent à souscrire à ces programmes? Il y a un levier de négociation ou de chantage des compagnies pharmaceutiques qui décourage les pays de faire une demande, de souscrire à notre programme. Est-ce le cas? Je me suis fait dire que Abbott a eu une incidence ou Abbott a dit : « si vous faites une demande de souscription, je vais arrêter d'exporter mon produit dans votre pays. » Si c'est le cas, cela explique un peu pourquoi les pays ne s'intéressent pas beaucoup au programme. Pouvez-vous nous décrire ce qui arrive avec Abbott?

[Traduction]

Mme Downie : Pourriez-vous répéter votre question?

Le sénateur Massicotte : Pourquoi les pays ne présentent-ils pas de demandes en vue de l'importation de médicaments génériques à faible coût? D'aucuns prétendent que c'est parce que des compagnies pharmaceutiques menacent certains pays de limiter la vente de leurs autres produits s'ils participent au régime. J'ai entendu parler d'un cas semblable en Thaïlande avec Abbott. Est-ce la raison pour laquelle certains pays ne manifestent pas beaucoup d'intérêt? Je suis très étonné de voir le peu d'intérêt suscité, ce qui nous oblige à demander aux ONG de faire le nécessaire.

Mme Downie : Je n'ai pas entendu parler du cas auquel vous faites allusion et je ne sais pas exactement quelles sont les raisons. Je n'ai eu vent que de quelques situations particulières dans lesquelles les motifs étaient d'ordre administratif. J'ai aussi entendu dire qu'il y avait méconnaissance des régimes d'accès aux médicaments, mais il semble que la situation s'améliore à ce chapitre. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une problématique touchant uniquement le régime canadien, d'autant plus que nous avons tout de même réussi à exporter des médicaments dans le cadre de notre programme. À l'échelle planétaire, huit autres régimes semblables n'y sont pourtant pas parvenus.

Le sénateur Massicotte : Ce qui me chicote, c'est que vous soutenez que la loi est correcte, qu'il n'y a pas de problème. D'un point de vue technique — et j'ai lu votre résumé — tout est très bien. Il semble cependant que le problème pourrait être planétaire; cela ne fonctionne pas. Nous pouvons toujours prétendre que la situation actuelle est satisfaisante, mais vous avez la responsabilité de dire qu'il y a tout de même un problème et de proposer une solution. Il y a effectivement un problème et rien n'est fait pour le régler. Nous pouvons soutenir que le statu quo est acceptable et défendre ainsi nos positions, mais je pense qu'il en est de notre devoir envers la planète de faire valoir qu'il y a quelque chose qui cloche et de soumettre une solution. Le problème vient-il de la loi, de l'OMC? Il faut d'abord et avant tout cerner le problème, plutôt que de prétendre que tout fonctionne bien. Ce n'est pas ce qui arrive.

Mme Downie : Je vous prie de m'excuser si je n'ai pas été suffisamment claire à ce sujet, mais il y a bel et bien un problème; c'est indéniable. Je voulais surtout faire valoir que ce projet de loi fait partie de la solution. Ce n'est toutefois pas la seule et unique piste de solution ni la principale.

Le sénateur Massicotte : Et quelle serait la solution principale?

Mme Downie : Elle réside dans le travail effectué par ailleurs par l'ACDI relativement à l'accès aux médicaments et aux autres enjeux à régler dans le monde en développement.

Le sénateur Massicotte : Je comprends bien tout cela. Nous nous arrêterons à ces questions lors de l'étude du prochain projet de loi. Mais comment allons-nous assurer le bon fonctionnement de la composante du programme visant l'accès aux médicaments génériques? Cela s'inscrit dans une solution à plusieurs volets, mais comment garantir l'efficacité de cette partie du régime, si ce n'est au moyen de mesures législatives?

Mme Downie : Je voulais surtout vous souligner que nous avons obtenu de bons résultats.

Le sénateur Massicotte : Deux envois seulement.

Mme Downie : Au moins c'est un point de départ.

Le sénateur Massicotte : On dit toujours que tout est relatif dans la vie. Pour ma part, je constate un échec, plutôt qu'une réussite, lorsqu'on se contente de deux envois.

Mme Downie : C'est mieux que ce qui a été fait n'importe où...

Le sénateur Massicotte : C'est mieux que rien.

Mme Downie : Tout à fait.

Le sénateur Massicotte : Mais on aurait préféré 20, 40 ou 60 envois.

Mme Downie : Il est difficile d'affirmer que le problème vient de la loi étant donné tout ce qui peut se produire sur ces marchés. Il faut examiner la situation, notamment quant aux autres concurrents et aux quantités qui sont expédiées par les fabricants de médicaments d'origine directement ou par l'intermédiaire de certaines fondations.

Le sénateur Massicotte : Je conviens avec vous qu'il peut y avoir d'autres facteurs, mais je pense que vous avez tout de même une responsabilité envers nous et envers les Canadiens. Il y a eu seulement deux envois de médicaments. À mon sens, c'est un échec, mais peut-être que la solution ne passe pas par des modifications législatives. Cela vaut tout de même mieux que de simplement affirmer que l'on ne sait pas exactement quel est le problème et que la situation est sans doute acceptable. Je ne crois pas que cela soit acceptable.

Mme Downie : Nous sommes ici pour discuter de ce projet de loi S-232 et de ses répercussions, plutôt que de parler des grands enjeux liés à l'accès aux médicaments et aux pays en développement.

Le président : Essayons de dire les choses clairement. Vous avez énuméré quelques-uns des effets possibles du projet de loi S-232, mais vous êtes d'avis — et peut-être devrais-je m'adresser à Mme St-Hilaire — que si le Parlement adopte ce projet de loi, nous nous exposerions presque certainement à une contestation de la part d'un de nos partenaires de l'OMC. Est-ce bien ce qui vous préoccupe? Est-ce l'une de vos inquiétudes?

Mme St-Hilaire : En fait, nous sommes d'avis que certains éléments de ce projet de loi ne vont pas dans le sens de la décision prise par l'OMC, ce qui fait qu'il y aurait effectivement des risques.

Le président : Avez-vous obtenu un avis juridique pour étayer cette hypothèse?

Mme St-Hilaire : Nous avons consulté notre direction générale du droit commercial. Nous n'avons pas obtenu d'avis juridique officiel. Nous avons examiné le projet de loi avec nos spécialistes qui ont formulé leurs observations. Ils en poursuivent d'ailleurs l'analyse, mais il n'y a pas eu d'avis juridique officiel. Nos discussions ont été informelles.

Le président : Un avis juridique ne finira pas par être formulé.

Mme St-Hilaire : Si nous le demandons.

Le président : Il serait non seulement intéressant mais également essentiel, me semble-t-il, que vous puissiez disposer d'un avis juridique sur cette question.

Le sénateur Moore : Selon les autres témoins, le projet de loi est conforme à l'ADPIC et aux règles de l'OMC. Si vous estimez que ce n'est pas le cas, je vous demanderais de nous donner des précisions.

Mme St-Hilaire : Je peux vous faire part de quelques exemples, effectivement. Entre autres, le pays important les médicaments et les quantités fabriquées ne seraient plus tenus de figurer sur la demande aux termes du projet de loi, ce qui était essentiel pour éviter le détournement. La question des mesures de prévention du détournement était au cœur des négociations. Par conséquent, certains aspects sont abordés dans les décisions afin de prévenir cela.

La nouvelle définition de « produits pharmaceutiques » ne serait pas conforme aux règles de l'OMC en matière de dérogation. L'exportateur doit afficher les renseignements nécessaires sur l'Internet, ce qui ne figure pas dans le projet de loi, et la décision prescrit qu'il faut avoir un site Web et qu'il faut préciser la destination des médicaments, leur quantité ainsi que la durée de la licence. Il manque quelques éléments au projet de loi.

Le sénateur Ringuette : Vos responsables de la liaison parlementaire ont dû vous mettre au courant du projet de loi. On a dû vous informer qu'il avait été présenté au Sénat en mars, soit il y a sept mois. Vous saviez depuis un certain temps que le comité serait saisi du projet de loi, et vous comparaissez devant nous aujourd'hui pour nous exposer simplement des hypothèses.

Madame St-Hilaire, si votre ministère a examiné la mesure législative au cours des sept derniers mois et s'est penché sur ses répercussions par rapport à l'OMC sans pouvoir en dégager un avis juridique écrit, la question que je vous pose est la suivante : Qu'avez-vous fait au cours des sept derniers mois? Quand pouvons-nous espérer obtenir un avis juridique sur ce projet de loi et ses répercussions par rapport à l'OMC?

Mme St-Hilaire : J'aurais dû mieux m'expliquer. Nous avons examiné la question avec nos services juridiques qui nous ont donné leur opinion.

Quelqu'un a demandé plus tôt si notre mesure législative avait été contestée devant l'OMC. Il n'y en a pas eu jusqu'à maintenant. Il est donc difficile de déterminer avec certitude ce qui serait conforme et ce qui ne le serait pas. En l'absence de contestation, c'est un groupe spécial qui tranche la question. Toutefois, les éléments auxquels j'ai fait allusion ont été soulevés par nos services juridiques, et nous avons également examiné la situation. C'est chose faite.

Le sénateur Ringuette : Pourriez-vous nous remettre les documents que vous avez rédigés sur la question pour que nous puissions déterminer si vos hypothèses sont fondées juridiquement en ce qui concerne le présent projet de loi?

Je m'excuse, avez-vous demandé à Mme Downie si vous pouviez nous faire part de cette opinion?

Mme St-Hilaire : Je lui ai demandé si elle était au courant de l'existence d'un avis juridique.

Le sénateur Fox : J'invoque le Règlement. Il faudrait peut-être débattre cette question à huis clos. Je ne suis pas convaincu que le pays a intérêt à ce que la teneur des opinions juridiques soit examinée en public. Je souhaiterais y réfléchir avant de demander à quelqu'un de présenter un avis juridique.

Le président : Dans le cas contraire, je suis certain que l'avis juridique ne sera pas formulé, mais je n'ai pas de réponse à cet égard.

Vous connaissez, je pense, la position du sénateur Ringuette, qui est peut-être partagée par d'autres membres du comité. Si un tel avis juridique existe et peut être divulgué, nous aimerions bien en prendre connaissance. S'il ne peut être divulgué, nous souhaiterions en être informés.

Le sénateur Oliver : Elle nous a répété qu'il n'y avait aucun avis juridique. Elle a indiqué que, en examinant le projet de loi dont nous sommes saisis, ils avaient consulté leurs services juridiques et d'autres services pour conclure qu'il n'existait aucun précédent sur lequel tabler, puisqu'il n'y avait eu aucune contestation et qu'aucune décision n'avait été rendue par un groupe spécial. Cependant, selon leurs services juridiques, deux ou trois éléments étaient susceptibles de ne pas être conformes. Si j'ai bien compris, aucun avis juridique n'a été formulé.

Mme St-Hilaire : Effectivement.

Le sénateur Ringuette : En l'absence d'un avis juridique, nous ne pouvons pas accepter vos hypothèses parce que notre comité doit se pencher sur les faits.

Monsieur MacLennan, lorsque la loi sur le RCAM a été adoptée en 2005, à combien se chiffrait le budget de l'ACDI pour l'Afrique?

M. MacLennan : J'ai peut-être mal saisi la question. Avez-vous demandé le montant total que nous avons accordé à l'Afrique en 2005?

Le sénateur Ringuette : À combien s'élevait votre budget pour l'Afrique en 2005-2006?

M. MacLennan : Je l'ignore, mais je peux vous dire que le gouvernement canadien s'est engagé à doubler le montant versé à l'Afrique dans le cadre de son programme d'aide internationale, ce qu'il a réussi à mener à bien en mars dernier, soit à la fin de l'exercice 2008-2009. Le total s'élevait à 2,1 milliard de dollars. Ne me citez surtout pas, car je ne sais pas si ce montant est exact. Vous m'avez pris par surprise.

Pour l'exercice 2005-2006, je suis désolé, mais j'ignore quel est le montant.

Le sénateur Ringuette : Pourriez-vous nous le transmettre ultérieurement?

M. MacLennan : Certainement.

Le président : Mes collègues souhaitent-ils poser d'autres questions? Madame Downie, voudriez-vous ajouter quelque chose?

Mme Downie : Non. J'ai cependant l'échéancier relatif à l'envoi des médicaments par Apotex. Si vous croyez qu'il vous serait utile, je pourrai vous le remettre. Je serai heureuse également de vous transmettre les formulaires dans lesquels il faut indiquer les renseignements nécessaires pour présenter une demande dans le cadre du RCAM.

Le président : Je vous remercie beaucoup. Nous vous en serions reconnaissants.

Le sénateur Oliver : Je peux répondre à la question du sénateur Ringuette sur l'engagement financier du Canada envers l'Afrique. Le Canada a respecté son engagement de doubler l'aide versée à l'Afrique, le montant passant de 1,5 milliard de dollars en 2003-2004 à 2,1 milliards de dollars en 2008-2009. Ce sont là les chiffres officiels.

Le président : Merci, sénateur Oliver.

Je tiens à remercier les témoins et mes collègues de leur présence. Notre prochaine séance se tiendra le 21 octobre. Nous poursuivrons alors notre étude du projet de loi.

(La séance est levée.)


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