Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 8 - Témoignages du 22 juin 2009
OTTAWA, le lundi 22 juin 2009
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 16 heures, pour étudier et faire rapport sur la politique de sécurité nationale du Canada (sujet : sécurité à la frontière).
Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je déclare ouverte cette séance du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Je m'appelle Colin Kenny et je suis président du comité.
Avant de commencer, j'aimerais présenter brièvement les membres du comité. À ma droite complètement se trouve le sénateur Sharon Carstairs, qui a été nommée au Sénat en 1994 pour représenter la province du Manitoba. Elle est présidente du Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement, et membre du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, du Comité sénatorial spécial sur le vieillissement et du Comité permanent sur les conflits d'intérêts des sénateurs.
À sa gauche se tient le sénateur Wilfred Moore, nommé au Sénat en 1996. Il représente la division sénatoriale de Stanhope St./South Shore, en Nouvelle-Écosse. Actif à l'échelle municipale à Halifax-Dartmouth, il fait aussi partie du Conseil des gouverneurs de l'Université Saint Mary's. Il est également membre du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce et du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation.
À sa gauche se trouve Tommy Banks, de l'Alberta, nommé sénateur en avril 2000. Ce musicien et artiste accompli et polyvalent bien connu des Canadiens fait partie du Comité permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.
Sur ma gauche immédiate se trouve le sénateur Larry Campbell, sénateur depuis 2005. Titulaire d'une maîtrise en administration des affaires, il est membre du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones et du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
David Tkachuk est à sa gauche. Originaire de Saskatchewan, il a été nommé au Sénat en juin 1993. Au fil des ans, il a été homme d'affaires, fonctionnaire et enseignant. Il est également vice-président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration et membre du Comité sénatorial permanent de sélection.
Chers collègues, nous accueillons de nouveau aujourd'hui le président national du Syndicat des Douanes et de l'Immigration, le SDI, M. Ron Moran. Lors du 15e Congrès national de la Customs Excise Union Douanes Accise, la CEUDA, aujourd'hui Syndicat des Douanes et de l'Immigration, la SDI, qui a eu lieu à Ottawa en octobre 2008, Ron Moran a été élu par acclamation à son troisième mandat consécutif de président national du syndicat. Comme président national du SDI, il est exécutif en chef du syndicat. Il est membre d'office de tous les comités du SDI et dirige le fonctionnement routinier du bureau national du SDI à Ottawa. Il préside les réunions de l'exécutif national et du bureau de direction du SDI, ainsi que les réunions de CIU-SDI Holdings Limited. M. Moran est aussi membre du Conseil national d'administration de l'Alliance de la fonction publique du Canada ou AFPC.
Il est accompagné de Jean-Pierre Fortin, 1er vice-président national du SDI. M. Fortin a été réélu 1er vice-président national lors du 15e Congrès national de la Customs Excise Union Douanes Accise, à Ottawa, en octobre 2008. Comme premier vice-président national, M. Fortin est responsable des portefeuilles des griefs et appels, des opérations du bureau national et de la négociation de la convention collective du personnel du bureau national. Il est également président du comité de la sécurité à la frontière du BND du SDI. Je ne suis pas certain de ce que signifie BND.
Jean-Pierre Fortin, 1er vice-président national, Syndicat des Douanes et de l'Immigration : C'est pour le bureau national de direction.
Le président : Je vous remercie beaucoup. M. Fortin est également responsable des quatre succursales de la région du Québec, ainsi que des trois succursales de la région de l'Atlantique. Il fait aussi partie du comité de CIU-SDI Holdings Limited.
Monsieur, nous vous souhaitons la bienvenue. Monsieur Moran, vous voudriez, je crois, faire un exposé. Je vous laisse donc la parole.
Ron Moran, président national, Syndicat des Douanes et de l'Immigration : Je vous remercie beaucoup, sénateurs. C'est avec plaisir que je comparais de nouveau devant vous. Notre organisation entretient avec votre comité une relation productive, c'est certainement le moins que l'on puisse dire, grâce à la manière très directe que vous avez de poser des questions pertinentes. Ces dernières ne plaisent pas nécessairement à certains responsables des services aux Canadiens, mais elles revêtent une importance cruciale en élaboration de politiques. Chose sûre, bon nombre des recommandations que votre comité a formulées au fil des ans ont permis de détecter des points faibles dans la lutte aux activités criminelles au pays, lesquels sont implicitement devenus aussi des menaces à la sécurité publique. Je crois que nul autre comité sur la Colline ne le comprend aussi bien que le vôtre. Les Canadiens devraient certainement pouvoir dormir sur leurs deux oreilles grâce à vos travaux. Vous nous confiez toujours vos préoccupations précises et pertinentes, et nous sommes plus qu'heureux d'accomplir le travail.
Sachez que nous travaillons avec des bénévoles en vue de réaliser un sondage, comme celui que nous avons fait en 2006 en prévision du Plan d'action pour une frontière sécuritaire et dont nous assurons le suivi aujourd'hui. Cette initiative constitue un défi de taille. Il y a beaucoup de roulement parmi les agents avec lesquels nous travaillons et qui s'impliquent dans le mouvement syndical. Il faut énormément d'employés pour recueillir les commentaires de tous ces agents.
Lors du dernier sondage, après avoir initialement envoyé les questionnaires, puis assuré le suivi par téléphone et littéralement harcelé certains vers la fin du processus, nous avons enregistré un taux de succès de 100 p. 100, recueillant les commentaires de la totalité des 119 points d'entrée situés le long de la frontière. Ce sondage, qui a d'abord éveillé un grand intérêt au sein de votre comité, est également devenu pertinent pour nous concernant des aspects comme la connectivité; par exemple, la majorité de ces points d'entrée n'ont aucune connectivité à la centrale de bases de données le long de la frontière.
La plupart d'entre nous traversons la frontière à des postes frontaliers d'une certaine importance et supposons qu'ils sont tous ainsi, alors qu'en fait, il s'agit souvent de petits postes situés en région éloignée. Il est gratifiant que ce type de travail permette d'apporter ces améliorations, car elles sont fondamentales.
Nous avons apporté un mémoire, que nous avons préalablement remis aux membres du comité; nous serons heureux de répondre aux questions le concernant. Nous y traitons notamment du système de surveillance, qui, selon nous, pose encore des difficultés fondamentales sur le plan de l'interface avec les bases de données. Dans les faits, il n'y a pas d'interface entre les différentes banques de données lorsque nous entrons un nom lors de la première inspection.
Nous tendons de plus en plus vers la technologie biométrique. Depuis un an, nous sommes plusieurs à prédire que dans les quatre prochaines années, la biométrie deviendra aussi importante que les courriels dans l'environnement professionnel, au point où nous en viendrons à nous demander comment nous pouvions nous prétendre efficaces avant son apparition. Cette technologie existe certainement; il ne s'agit plus que de la mettre en place et de l'exploiter.
Le segment concernant les patrouilles frontalières est certainement encourageant pour une organisation comme la nôtre; même si nous nous considérons comme l'une des organisations qui ont montré la voie et favorisé les progrès, nous ne participons pas aux discussions portant sur leur mise en œuvre et on ne nous y invite pas, bien que nous sachions que ces discussions ont lieu. Néanmoins, il a été intéressant d'entendre le sous-commissaire de la GRC confirmer au Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes que ce qui fait défaut actuellement, c'est une présence visible et uniforme aux frontières — c'est-à-dire une qui soit dotée des renseignements qu'il faut pour combler tous les manques que l'on continue de décrier.
Plutôt que d'entrer dans les détails, nous pensons parfois que les aspects les plus importants sont ceux auxquels le comité n'accorde pas nécessairement beaucoup d'attention pour l'instant. Je vous informe également que nous avons mis Scott Newark au service du comité. M. Newark est un de nos conseillers de longue date. Il est le principal auteur du rapport Northgate, qui a précédé le Plan d'action pour la sécurité frontalière. Nous continuons de le consulter pour connaître son avis sur la sécurité et la politique publiques. Ceux qui le connaissent sauront qu'il a une opinion sur à peu près tout. Il en a certainement une sur la politique publique, particulièrement lorsque cela concerne la sécurité publique. Il se fera certainement un plaisir de vous aider si vous souhaitez lui poser des questions.
Nous sommes maintenant prêts à répondre aux questions des membres du comité.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Moran. Nous vous remercions de nous offrir l'aide de M. Newark. Vous avez soulevé un certain nombre de points intéressants dans votre exposé, et j'ai ici une liste de sénateurs qui aimeraient poser des questions.
Le sénateur Wallin : Bienvenue. Nous vous remercions de comparaître aujourd'hui, et vous aussi, monsieur Newark.
Je commencerai par vous poser une question précise sur votre position, monsieur Moran, sur la situation dans la réserve d'Akwasasne. Je crois que vous souhaitez depuis longtemps fermer le poste frontière de la réserve.
Pouvez-vous nous donner une idée de ce que vous pensez de la situation là-bas? Si vous déplacez le poste, voudriez- vous que les Américains le changent de place et que vos agents travaillent côte à côte? Comment pensez-vous que l'on pourrait procéder si cette initiative va de l'avant, étant donné que l'on veut évaluer la viabilité à long terme du point d'entrée de Cornwall?
M. Moran : À long terme, c'est une façon de signifier notre intention de retirer le point d'entrée de l'île. L'installation, en se trouvant sur les terres d'Akwasasne, constitue la source des tensions qui perdurent entre le service et la communauté d'Akwasasne. C'est certainement le cas dans la situation présente. Cette fois-ci, la communauté est déterminée à ne pas permettre aux agents de l'Agence des services frontaliers du Canada, l'ASFC, de travailler avec leurs armes à feu. Le gouvernement et l'agence sont pour leur part fermement résolus à ce que chaque agent bénéficie du même niveau de protection au pays. Le point d'entrée de Cornwall ne fera certainement pas exception à la règle.
La situation s'est envenimée à la fermeture du poste. Certains ont recouru à des tactiques d'intimidation, les problèmes atteignant leur point culminant le soir où les premiers agents devaient commencer leur quart de travail avec leurs armes. Après avoir allumé des feux autour du bureau et mis en place un petit bouldozeur, les guerriers ont indiqué par l'entremise des médias qu'ils investiraient l'édifice et confisqueraient les armes à feu eux-mêmes si cette mesure était mise en œuvre. Le gouvernement a alors pris la seule décision logique qu'il pouvait prendre en pareille situation.
Sachez que malgré toutes les tensions et les incidents que la présence de cette installation a causés au fil des ans sur l'île Cornwall, il n'y a jamais eu de lésions corporelles sérieuses ou de violence entraînant de graves blessures; il est devenu prioritaire de veiller à ce que cela reste ainsi. Ceci dit, le reste d'entre nous ne peut qu'imaginer ce que c'était pour les agents qui étaient en poste là-bas. Ce sont des agents aguerris, certainement plus stoïques que l'agent moyen qui travaille dans un point d'entrée ordinaire. Comme vous l'avez dit vous-même, nous avons toujours considéré que, fondamentalement, le poste n'aurait jamais dû être installé sur une terre appartenant aux Autochtones. C'est là la source de tous les problèmes.
Vous me demandez ce que je pense des solutions. À court terme, il faudrait rouvrir le poste du côté américain, conjointement avec nos homologues du Sud. Si nous voulons le retirer de l'île, nous avons deux choix : l'ouvrir sur la partie continentale du Canada ou des États-Unis. Si on l'ouvre du côté canadien, cela veut dire qu'il faudrait pouvoir traverser sur l'île Cornwall sans passer à un poste de contrôle des douanes ou de l'immigration. Il faudrait également vérifier tous ceux qui sortent de l'île, qu'ils soient ou non des résidents qui n'ont pas mis les pieds aux États-Unis. Ce ne serait là qu'un irritant de plus pour les insulaires, qui devraient répondre à nos questions, même s'ils ne se sont pas rendus aux États-Unis.
L'ouverture du poste du côté canadien présente plus d'obstacles législatifs et techniques que du côté américain. Ce ne serait pas la première fois que l'on travaillerait côte à côte dans la même installation. On le fait déjà à plusieurs endroits au pays, même si ce serait le seul poste qui ne serait pas directement situé sur la frontière. Les autres installations, par exemple celles de Coutts, en Alberta, ou de la Colombie-Britannique, sont conjointes. Dans ces installations, il n'est pas question que nous assumions les fonctions des agents américains pendant leur repas; chaque pays assure son intégrité.
Le sénateur Wallin : Pour être clair, lorsque vous dites que les membres sur les réserves ou les membres des groupes autochtones ne le « permettraient pas », je suppose que les feux et les bouldozeurs laissaient présager une situation violente.
M. Moran : Ils ont carrément déclaré aux médias qu'ils attaqueraient l'édifice. Sachez que vers 11 h 15, ce dimanche soir, le chef King et le chef de la police d'Akwesasne sont venus nous dire qu'ils ne pouvaient plus assurer la sécurité des employés si ces derniers décidaient de rester. Il était clair que la situation était critique et pouvait tourner à la tragédie. Nous ne voyons pas pourquoi nous aurions pris le risque de rester là pour une question de principe.
Le sénateur Wallin : Ma deuxième question concerne en partie la décision d'armer les gardes et vos propos sur les installations conjointes entre les Canadiens et les Américains.
Selon vous, comme personne ou représentant syndical, existe-t-il entre vous et vos homologues américains des différences profondes sur les plans de la philosophie ou de l'approche qui pourraient créer des problèmes? Qu'en pensez-vous lorsque vous observez la situation aujourd'hui?
M. Moran : Je crois qu'en général, les divers organismes d'exécution de la loi tendent à bien s'entendre. Comme il y a des collectivités de part et d'autre de la frontière, il y a souvent des échanges entre elles. Les uns traversent la frontière pour aller faire des emplettes, les autres vont dans l'autre sens pour jouer au bingo; vous voyez ce que je veux dire. Les gens se connaissent et jouent ensemble au hockey. Ils travaillent en étroite collaboration dans des installations communes, et même quand ils ne travaillent pas dans le même édifice, cette camaraderie et ce lien professionnel les unissent toujours.
Le sénateur Wallin : Vous ne pensez pas qu'une collaboration aussi étroite posera de problème?
M. Fortin : J'ai personnellement travaillé pendant plus de six ans dans l'une des installations communes à Noyan, au Québec. Nous sommes amis. Lorsque les patrouilles frontalières viennent, nous apprenons à connaître leurs membres, au point de connaître leur vie personnelle, et nous socialisons avec eux. Je n'entrevois pas de problème. J'ai visité leur académie, et la formation qu'ils suivent est de toute évidence semblable à la nôtre.
Le sénateur Wallin : Je vous remercie.
Le sénateur Campbell : Bienvenue. Je constate, en regardant vos notes d'information, qu'il y a trois ans que je n'ai pas fait partie du comité. Où en sommes-nous concernant les postes frontaliers dotés d'un seul agent? En 2006, il y en avait 138, et M. Jolicoeur prévoyait qu'il faudrait trois ans pour rectifier cette situation au Canada. Où en sommes- nous maintenant, trois ans plus tard?
M. Moran : Environ les trois quarts des quelque 400 agents nécessaires pour doubler l'effectif dans chaque installation ont été formés et sont en poste.
Le sénateur Campbell : Combien dites-vous? Il y en avait 139 en 2005. Je suis désolé. Il n'y en avait que 138 en 2006. J'aimerais savoir comment il y en a maintenant, trois ans plus tard.
M. Fortin : Je ne connais pas le chiffre exact, mais ce serait plus de 100 pour l'instant.
Le sénateur Campbell : Nous nous sommes occupés de 38 postes frontaliers.
M. Fortin : Non, on double l'effectif dans 100 postes frontaliers sur 138 ou 139. C'est au Québec que ces mesures ont eu le plus d'effet, car il n'y avait qu'un seul agent dans plus des trois quarts des 27 bureaux. Les retards sont attribuables aux échecs à l'académie de Rigaud et au besoin de recruter et de former de nouveaux agents.
Le sénateur Campbell : Est-ce que l'ASFC fait des progrès satisfaisants concernant les postes frontaliers où les agents travaillent seuls?
M. Fortin : Oui, mais nous craignons de ne pouvoir respecter notre engagement à éliminer le travail en solitaire dans les 139 bureaux. J'ai l'impression que ce serait maintenant un peu moins, puisque certaines installations ne peuvent accueillir plus de deux personnes en raison de leur taille. Je crois que l'agence examine la situation présentement.
Le sénateur Campbell : Si l'on en vient à ma deuxième question, vous pourriez peut-être nous expliquer combien de temps dure la formation des agents qui commencent dans le métier.
M. Moran : L'institut de Rigaud, au Québec, donne une formation de neuf semaines. Nos agents doivent auparavant accomplir des modules; tout dépend donc du rythme auquel ils les terminent. Ces modules sont des préalables. Les agents terminent leur formation lorsqu'ils entrent en poste; ils reçoivent donc une formation précise en mode aérien, ou du moins ils sont supposés la recevoir, lorsqu'ils retournent à leurs postes respectifs.
Le sénateur Campbell : Au cours de cette formation, leur apprend-on le maniement des armes pour qu'ils puissent être armés une fois leur entraînement terminé?
M. Fortin : C'est une excellente question. En fait, j'ai des notes à ce sujet ici. On ne prévoit pas commencer la construction de la nouvelle installation de maniement des armes à Rigaud avant l'automne 2010. C'est préoccupant, parce qu'un nombre croissant d'agents arrivent maintenant sans avoir suivi d'entraînement dans ce domaine et devront revenir pour compléter leur formation plus tard.
Le sénateur Campbell : Présentement, on ne peut pas donner de formation régulière ou d'entraînement sur le maniement des armes à feu à votre installation actuelle, n'est-ce pas?
M. Fortin : C'est faux. Les agents ne reçoivent aucune formation sur le maniement des armes.
Le sénateur Campbell : Cette installation est-elle en mesure de donner de la formation sur le maniement des armes?
M. Fortin : Pas encore.
Le sénateur Campbell : Où est située cette académie?
M. Fortin : Nous n'en avons qu'une au Canada, et c'est à Rigaud, au Québec, entre Montréal et Ottawa.
Le sénateur Campbell : Il me semble qu'on laisse échapper une occasion ici, car les agents que l'on forme porteront une arme pour les 25 à 30 prochaines années. Tant qu'à offrir de la formation, vous devriez apprendre le maniement des armes aux recrues ainsi qu'aux hauts gradés qui n'ont pas de formation adéquate. Je sais que c'est un mot curieux à utiliser pour le gouvernement, mais il me semble que cela serait efficace.
Le dernier point dont je veux traiter concerne vos notes d'information et les autres documents ici. Les diverses forces policières doutent-elles mutuellement de leur fiabilité? Je pose cette question parce que je trouve illogique que ces organismes disposent d'un système de collecte de données, mais que tous n'y contribuent pas. Il semble que vous soyez laissés de côté plus souvent qu'autrement au lieu d'être acceptés parmi les autres. La raison m'échappe. La seule chose qui me vienne à l'esprit, c'est un manque de confiance des autres organismes envers vos agents. Je ne crois pas que ce soit le cas, car il n'y a pas de raison. Cependant, en tant qu'ancien policier, j'ai tendance à examiner la situation pour comprendre pourquoi il n'y a pas de communication. Presque toujours, lorsqu'il est question d'information, il s'agit d'un manque de confiance, chacun voulant garder ses renseignements pour soi. Croyez-vous que ce soit le cas ici? Sinon, pourquoi vous tient-on dans l'ignorance?
M. Moran : À mon avis, monsieur le sénateur, c'est plus au sein de notre propre organisation que des autres forces policières que l'on craint de nous transmettre trop d'information. Nous parlions plus tôt, lorsque nous répondions à une question du sénateur Wallin, des installations communes. Prenons par exemple le bureau de Noyan, au Québec, où les agents des États-Unis et du Canada travaillent côte à côte. Lorsque les agents américains effectuent une recherche concernant un certain nom, ils cherchent automatiquement dans les bases de données qui les intéressent, qu'il s'agisse de la criminalité, de l'immigration, des avis de recherche, des terroristes recherchés ou des listes du FBI; ils cherchent donc également dans nos données.
Le sénateur Campbell : C'est le Centre d'information de la police canadienne, le CPIC.
M. Moran : En effet. C'est l'un des bureaux qui ont été touchés par les problèmes de connectivité avec le système central. De l'autre côté, les agents américains effectuaient des recherches dans toutes leurs bases de données, alors que nous n'avions aucune connectivité avec le système central. Je suppose que je ne devrais pas le dire dans le présent contexte, mais quand nous voulions obtenir de l'information du CPIC, nous passions de manière informelle par l'entremise de nos collègues américains; ce n'est évidemment pas le protocole à suivre, mais ils le faisaient pour nous aider.
Pour répondre à votre question, je crois que c'est plus à l'intérieur de notre organisation que l'on craint d'avoir trop d'information, car le CPIC donne des renseignements non seulement sur l'admissibilité, mais également sur les antécédents criminels.
Le sénateur Campbell : Avez-vous consulté le NCIC ou National Criminal Information System, l'équivalent américain de notre CPIC?
M. Moran : C'est effectivement l'équivalent de notre CPIC en matière de renseignements criminels. C'est leur banque de données criminelles. Pour ce qui est de savoir si nous l'avons consultée, je crois qu'il vaudrait mieux s'adresser à Mme Hébert.
Le sénateur Campbell : Je n'ai toujours pas obtenu de réponse à ma question. Comme le sénateur Banks l'a fait remarquer, en 2006, vous pouviez téléphoner au désert de Gobi, mais étiez incapables d'obtenir de l'information d'un de nos postes frontaliers.
Je crois que c'est ridicule. Ma question revient encore là-dessus. Ne vous permet-on pas de faire partie du projet Shiprider? Je ne peux le comprendre. Pourquoi agirait-on de la sorte?
M. Moran : Nous demandons à votre comité de poser ces questions, parce que nous ne recevons pas de réponse acceptable non plus lorsque nous les posons. L'organisme d'exécution de la loi le plus important et le plus présent qui est déjà aux frontières, dans les marinas et partout ailleurs, et qui est maintenant armé n'est pas invité à participer à cette initiative.
Le sénateur Campbell : Pourquoi donc, selon vous?
M. Moran : C'est pour la même raison que l'on refuse d'admettre la réalité, un déni qui est malheureusement entretenu dans les rangs supérieurs de l'organisme. Les hauts gradés n'acceptent pas que l'organisme ne soit plus principalement axé sur la génération de revenus. On pourrait croire que lorsque le service a cessé de relever de l'Agence canadienne du revenu pour devenir un organisme indépendant travaillant aux côtés du Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS, de la Gendarmerie royale du Canada, la GRC, et du nouveau ministère de la Sécurité publique du Canada, ceux qui étaient toujours sceptiques auraient compris le signal.
La génération de revenus sera toujours un aspect essentiel de notre travail, mais la sécurité publique et l'exécution de la loi sont maintenant au cœur de nos occupations. Je crois que le fait que le déni soit entretenu constitue un gros problème. Les représentants de l'organisme nous ont répondu qu'ils se remettaient encore du dernier rapport de la vérificatrice générale, et il y en a toujours un autre qui les attend dans le détour. Ce sont des domaines qui relèvent de notre mandat.
Ils considèrent donc qu'il ne leur incombe pas de combler les vides évidents entre les passages frontaliers. Je suppose que ce qu'ils veulent dire au gouvernement, c'est que si ce dernier souhaite qu'ils agissent, il ferait mieux d'établir un cadre législatif adéquat et de leur accorder un financement suffisant, sinon ils concentreront leur attention sur les domaines qu'ils considèrent comme étant de leurs compétences et où, espèrent-ils, ils n'obtiendront plus de rapports négatifs de la vérificatrice générale dans des domaines comme l'immigration.
Le président : Monsieur Moran, pourriez-vous éclaircir un point pour moi? Vous avez parlé de l'accès aux renseignements dont vous disposiez. De quels renseignements a-t-on besoin lors de la première et de la seconde inspection? Est-ce qu'il s'agit des mêmes renseignements ou sont-ils différents?
M. Moran : On a habituellement une vingtaine de secondes pour décider si l'on soumet quelqu'un à une inspection secondaire, et on le fait lors de la première inspection. Ainsi, si les agents qui font cette inspection ignorent qu'une personne a des antécédents criminels, des démêlés avec l'immigration, est visée par un mandat d'arrestation, est suspectée d'enlèvement d'enfant, et cetera, ils ne l'enverront jamais pour une seconde inspection, à moins que ce ne soit un coup de chance.
Le président : Ne serait-il pas satisfaisant si on pouvait obtenir un feu vert ou un feu rouge lors de la première inspection? Si le feu rouge s'allume, alors on prend le temps de discuter davantage avec la personne.
M. Moran : Ce serait effectivement une bonne chose d'avoir un avertissement. Si la personne est connue pour être violente envers les agents d'exécution de la loi, nous voulons le savoir pour aviser nos collègues qui feront la deuxième inspection que nous leur envoyons quelqu'un qui a des antécédents violents.
Le président : En 20 secondes, vous ne pouvez pas en découvrir beaucoup. Vous êtes occupés à parler aux gens, à leur demander leurs papiers d'identité, et cetera; vous avez bien d'autres choses à faire. Ce n'est qu'au cours de l'inspection secondaire que vous pouvez prendre le temps d'examiner la situation. Voilà pourquoi je vous demande si vous préféreriez avoir tout simplement un feu rouge ou vert.
M. Moran : Comme je vous l'ai dit, ce n'est pas tant un feu rouge ou vert qu'un avertissement qu'il nous faut. Nous voulons une sorte d'avis nous indiquant qu'une personne a des antécédents violents et au moins pouvoir en avertir ceux qui font l'inspection secondaire.
Je suis toutefois d'accord avec vous : nous n'avons pas besoin de tous les antécédents de la personne lors de la première inspection. Nous ne nous en servirons pas de toute façon.
M. Fortin : Si on compare la situation avec les Américains, lorsque ces derniers effectuent une recherche sur un certain nom, par exemple, ils ont accès à plusieurs interfaces par l'entremise d'un seul système. Au moins, ils savent qu'il y a un problème. Ce qui nous pose des difficultés, c'est l'interface. Actuellement, il n'y a pas de communication entre les systèmes, qu'il s'agisse du CPIC, du système de l'immigration, de celui des douanes ou d'autres systèmes. C'est un problème.
Le président : Entend-on faire quelque chose?
M. Fortin : Nous exerçons des pressions en ce sens. Nous nous battons encore, littéralement, pour obtenir l'accessibilité entière aux différents systèmes, que nous n'avons pas actuellement.
Le président : Nous aborderons la question avec le prochain groupe. Enfin, vous avez indiqué que vous ne faites pas partie de l'initiative Shiprider. Est-ce que les services américains des douanes et de protection de la frontière y participent?
M. Moran : Certainement.
Le sénateur Banks : Avant de vous soumettre mes questions, je dois dire que je les pose par ignorance, comme toujours. Et ce n'est pas à défaut d'en avoir posé par le passé.
Je regarde un agent de l'ASFC — est-ce que « agent » est le mot qui convient?
M. Moran : Absolument.
Le sénateur Banks : Je regarde donc cet agent, armé, en poste à un passage frontalier. Je reviens à la question que vous avez soulevée au sujet des fondements législatifs dont une bonne partie de ces problèmes découlent.
Dites-moi exactement ce qu'est cet agent. Ce n'est pas un agent de police. Est-ce un agent de la paix? Quel pouvoir a- t-il d'effectuer des arrestations, par exemple, par rapport à un agent de police?
Vous vous souviendrez, monsieur Moran, de mon opinion personnelle sur ceux qui devraient être armés aux frontières. Quel est le statut d'un agent armé de l'ASFC?
M. Moran : Je vous dirai, sénateur, que c'est presque le même que n'importe quel agent de police au Canada.
Le sénateur Banks : Peut-il effectuer des poursuites?
M. Moran : Par « poursuite », est-ce que vous voulez dire sauter en voiture pour poursuivre quelqu'un?
Le sénateur Banks : Oui : un agent peut-il se lancer à la poursuite d'un véhicule qui franchit la frontière sans s'arrêter?
M. Fortin : Non. Techniquement, les politiques de l'Agence nous empêchent de le faire. Nous sommes totalement en désaccord avec cette règle; cela n'a aucun sens. La plupart de nos bureaux, surtout les grands, disposent de véhicules. Nous devrions au moins être autorisés à prendre nos voitures pour ramener ces personnes au poste frontalier.
Le sénateur Banks : Toutefois, les agents ne peuvent le faire.
M. Fortin : Non, à cause des politiques.
Le sénateur Banks : Nous savons déjà que lorsque quelqu'un franchit illégalement la frontière — et cela se produit plus souvent qu'on n'aurait pu l'imaginer, ou du moins, il en était ainsi aux dernières nouvelles — le mieux que l'on puisse faire, c'est d'appeler les agents de la GRC. Dans certains cas, ceux-ci sont à deux heures de route. Une fois qu'une voiture a franchi la frontière sans s'arrêter, elle disparaît.
M. Fortin : En effet.
Le sénateur Banks : Vos agents ne peuvent rien faire à cet égard?
M. Fortin : Pas en ce moment.
Le sénateur Banks : Quelles sont les autres différences entre un agent de l'ASFC et un policier? Leurs pouvoirs d'arrestation sont-ils les mêmes?
M. Fortin : Oui.
Le sénateur Banks : Et leurs pouvoirs d'intervention en cas de menace? Sont-ils identiques?
M. Fortin : Oui.
Le sénateur Banks : Leurs mesures d'intervention respectives pour la protection du public sont-elles les mêmes?
M. Fortin : Oui. Vous vous souviendrez, sénateur, que nos agents sont investis de nouveaux pouvoirs. C'est vers l'an 2000, je crois, que la Chambre a légiféré en ce sens. Essentiellement, des modifications ont été apportées au Code criminel afin de nous intégrer dans la famille des organismes d'application de la loi.
Le président : Sénateur Campbell, votre intervention concerne-t-elle le même sujet?
Le sénateur Campbell : Elle concerne les poursuites.
Le président : Peut-être pourrions-nous y revenir.
Le sénateur Campbell : Très bien.
Le sénateur Banks : Je parle en mon nom personnel, et pas en celui du comité. Mon avis, toutefois, a été respecté jusqu'à un certain point dans les rapports du comité. En juin 2005, le présent comité s'est prononcé contre l'armement des agents de l'ASFC, en déclarant plutôt que c'étaient les membres de la GRC qui devraient agir à titre d'agents de l'autorité armés à la frontière.
Dans un rapport subséquent de 2007, en réaction au fait que le gouvernement libéral ne paraissait pas devoir garantir des effectifs suffisants d'agents de la GRC à cette fin, ce comité a recommandé que les agents de l'ASFC soient armés, dans la mesure où le gouvernement n'était pas prêt à assurer la présence d'agents de la GRC aux passages frontaliers du Canada.
Vous venez de dire, dans votre réponse au sénateur Campbell, qu'on n'avait pas d'installation de formation sur l'utilisation des armes à feu à Rigaud, mais qu'en ce moment, il y avait des agents armés aux passagers frontaliers.
M. Fortin : Oui.
Le sénateur Banks : Où suivent-ils leur apprentissage?
M. Fortin : À deux endroits, sénateur : à Ottawa, dans l'édifice Connaught, ainsi qu'à Chilliwack, en Colombie- Britannique. Ce sont les deux seules installations permettant la formation de nos agents.
Le sénateur Banks : À qui ces installations appartiennent-elles? À la GRC?
M. Fortin : La GRC supervise la mise en œuvre de la politique d'armement. Nous recevons pratiquement la même formation que n'importe quel agent de police.
Le sénateur Banks : Les agents de l'ASFC reçoivent-ils le même niveau de formation en maniement des armes à feu que les agents de la GRC? Cela faisait l'objet de la deuxième partie de notre recommandation de 2007 — que le programme de certification réponde aux exigences de la formation sur l'utilisation des armes à feu de la Gendarmerie royale du Canada, ou les dépasse. Est-ce le cas maintenant?
M. Fortin : Actuellement, oui : nous avons 29 agents formateurs qui appliquent les normes de la GRC.
Le sénateur Banks : Aujourd'hui, combien y a-t-il d'agents de l'ASFC armés à notre frontière?
M. Fortin : À ce stade-ci, ils ne sont pas déployés dans l'ensemble des bureaux frontaliers. Il est difficile de répondre à cette question, car cela varie, surtout si l'on parle de la partie nord de l'Ontario. Je vous dirais que cette proportion est d'environ 30 à 40 p. 100. En ce moment, ils sont déployés dans 55 postes frontaliers terrestres sur 119.
Le sénateur Banks : C'est près de la moitié.
M. Moran : Au total, cela fait autour de 1 000 agents à l'heure actuelle.
Le sénateur Banks : Nous sautons quelque peu du coq-à-l'âne. Monsieur le président, pour cette série d'interventions, j'aimerais poser une dernière question, et je suis certain que nous en viendrons à parler du sujet. En répondant au sénateur Wallin, vous avez déjà fait allusion à Akwesasne. Je suis dans l'ignorance la plus complète à cet égard.
Je sais que vous ne pouvez l'expliquer, mais pour un Canadien qui ignore de quoi il retourne, on dirait qu'il y a un mépris de la loi. Les autorités juridiques en place disent ne pas pouvoir garantir le maintien de la paix. Face aux risques de violence, dans ce genre de situations — et en particulier à Akwesasne — la pratique consiste en ce que, lorsqu'il y a une menace de violence par une partie qui fait fi de la loi ou qui y contrevient, l'autre partie, le Canada, recule tout naturellement. N'ai-je pas raison?
M. Moran : Malheureusement, ce que vous dites est juste. Du point de vue de la majorité des agents là-bas, lorsque le gouvernement conclut essentiellement que la collectivité est ingouvernable, cela rend les deux positions pratiquement irréconciliables. Ce n'est pas une simple affirmation de ma part; c'est tout bonnement la réalité de ce qui se produit là- bas, pour les raisons que vous avez précisées.
Si n'importe quel autre groupe de personnes, comme moi-même et quelques-uns de mes compagnons, avions fait le dixième de ce qu'on a fait là-bas, nous aurions déjà comparu devant un juge et aurions été traités en conséquence en vertu de la loi. Cela ne se produit pas dans des situations comme celle qui nous occupe. Dans ces circonstances, nous sommes très peu — voire même pas du tout — en mesure de garantir aux personnes à qui nous demanderons de travailler à cette installation qu'elles n'ont pas à s'en faire pour leur sécurité dans ces conditions de travail.
Le sénateur Banks : À votre avis, est-ce que ce problème subsiste parce qu'il est d'ordre constitutionnel?
M. Moran : Je pense qu'il ne m'appartient pas de dire s'il s'agit d'un problème constitutionnel. Mais je puis vous affirmer, en tant qu'agent d'application de la loi, qu'il y a des violations flagrantes en matière d'application de la loi. Qu'il s'agisse d'intimidation, de menaces ou d'être manifestement équipé pour mettre ces menaces à exécution, comme vous l'avez fait remarquer, on a pour mode de fonctionnement de se distancer de la situation.
Le sénateur Banks : Je suis certain que les criminels seront heureux de l'apprendre.
M. Moran : J'ai également affirmé, au cours de mon témoignage, que je ne croyais pas que ce problème valait la peine de mettre en péril la sécurité des agents, des membres de la collectivité d'Akwesasne ayant choisi de participer à ce conflit, ou encore des voyageurs. Je ne pense pas, dans les circonstances — compte tenu du contexte — qu'on aurait pu en décider autrement. Je n'aurais pas aimé être à la place de celui qui a dû prendre ces décisions.
Le sénateur Carstairs : Je tiens à clarifier, ici, qu'il est question du territoire Akwesasne.
M. Moran : C'est exact.
Le sénateur Carstairs : Cette terre appartient à la Première nation d'Akwesasne. Lorsque nous arrivons avec l'intention de faire quelque chose de différent sur leur propriété, ils ont sûrement le droit de prendre position à cet égard.
M. Moran : Je ne conteste pas leur droit, pas plus que je ne remets en question leur opinion, mais la réalité, c'est que le problème va au-delà des résidants d'Akwesasne. Les agents des services frontaliers ont le devoir d'évaluer l'admissibilité des individus de même que celle des marchandises, et ils ont le droit de le faire dans un environnement de travail le plus sécuritaire possible.
Des spécialistes en la matière, dont ce comité, ont émis des recommandations selon lesquelles à cette fin, les agents avaient besoin d'un niveau de protection comprenant une arme de service. Le rapport rédigé par le groupe Northgate concluait que nombre des fonctions assumées par les agents nécessitaient ce niveau de protection. Cela s'explique par le fait que la capacité de fouille dépasse les pouvoirs dont sont investis la majorité des policiers relativement au degré d'intrusion. Si l'on travaille comme agent d'infiltration dans une région éloignée — par exemple, il se peut qu'on soit deux officiers au milieu de nulle part et qu'on tombe sur 1 kilo de cocaïne —on aura besoin du même niveau de protection. Ce n'est pas nous qui avons pris cette décision ou tiré cette conclusion.
Comme je l'ai précisé, sénateur, nous ne contestons pas leur droit d'avoir une opinion, et je ne remets même pas en question celle-ci. Mais la réalité, c'est que pour les personnes que je représente, les circonstances sont telles qu'il est impossible de travailler d'une manière rassurante ou sécuritaire dans cet endroit.
Le sénateur Carstairs : Vous pouvez affirmer cela, mais pendant bien des années, ils n'étaient pas armés. On a décidé qu'ils le seraient.
À votre connaissance, a-t-on entrepris des discussions avec les résidants d'Akwesasne relativement au fait qu'ils avaient le choix — que c'était leur terre, et qu'ils ne souhaitaient pas que des gens armés patrouillent leur territoire?
M. Fortin : Si vous me permettez de faire une remarque, soit. Je comprends ce que vous voulez dire lorsque vous affirmez qu'avoir une force armée constitue une approche différente; mais il n'y a là rien de différent par rapport à n'importe où ailleurs au Canada. Lorsque le gouvernement a pris la décision de mettre en œuvre l'initiative d'armement aux frontières terrestres, il n'a pas établi de distinction. Il a décidé d'armer nos agents en raison du rôle que nous jouons, afin d'assurer notre protection. À titre d'exemple, nous arrêtons des gens qui conduisent en état d'ébriété. C'est la seule remarque que je souhaitais formuler à ce moment-ci.
Le sénateur Carstairs : Sauf que les autres endroits où sont situés les passages frontaliers sont en fait la propriété du gouvernement du Canada. Or, ces terres appartiennent au peuple d'Akwesasne.
Le président : À des fins de clarification, votre position est que vous souhaiteriez qu'on établisse le poste ailleurs que sur la réserve?
M. Moran : C'est juste. C'est notre position depuis plus de 20 ans.
Le sénateur Meighen : Bienvenue à vous, messieurs. Il est bon de vous revoir. Je ne m'étais pas rendu compte que ces quatre années s'étaient écoulées si rapidement.
M. Moran : Le temps file.
Le sénateur Meighen : Puis-je revenir à la question de la formation? Il y a quatre ans, nous discutions des 13 semaines de formation, qui avaient été réduites à neuf semaines, et par la suite, on avait parlé de ramener la durée à 13 semaines. Pourriez-vous me dire quelle est la situation en ce moment?
Par ailleurs, pourriez-vous me dire si j'ai raison d'affirmer que peu importe la période, les fonctions pour lesquelles sont formés vos membres sont plus larges qu'il y a quatre ans? Maintenant, ils reçoivent une formation à des fins d'immigration et de l'utilisation d'armes à feu — je n'arrive pas à me rappeler des autres types de formation, mais cela ne s'arrête certainement pas à demander pour quel montant on a acheté des vêtements de l'autre côté de la frontière.
Combien de semaines la formation dure-t-elle en ce moment? Ai-je raison de dire que vos fonctions sont élargies par rapport à il y a quatre ans?
M. Fortin : Nous parlons de neuf semaines de formation. Qui plus est, tous les candidats doivent réussir l'exercice préalable à la formation, qui prend environ deux semaines. S'ils réussissent l'exercice pré-formation en ligne, ils peuvent aller à Rigaud, au Québec, pour neuf semaines. Soit dit en passant, la durée de la formation passera à 10 semaines, d'après ce qu'on m'a dit.
Le sénateur Meighen : De quoi est-il question durant cette pré-formation de deux semaines?
M. Fortin : On traite de questions d'ordre général sur nos activités. On fait différents exercices, puis on passe un test à la fin du module.
Le sénateur Meighen : S'agit-il d'un test portant sur l'intelligence générale et le sens du discernement?
M. Fortin : Non. Les exercices pré-formation concernent l'exécution de notre travail.
Le sénateur Meighen : Une personne qui soumet sa candidature à un poste d'agent des services frontaliers doit suivre un cours en ligne d'une durée de deux semaines. N'est-ce pas?
M. Fortin : Exactement.
Le sénateur Meighen : Il y a un cours sur le travail relatif à la sécurité frontalière.
M. Moran : Cela a lieu après le processus de sélection préalable, sénateur. Un candidat qui a été accepté au collège doit suivre les modules. Il lui faut donc environ deux semaines avant de se présenter au centre de formation de Rigaud.
Le sénateur Meighen : On a fait passer la durée de 9 à 10 semaines, ce à quoi s'ajoutent deux semaines d'exercices pré-formation.
M. Fortin : De plus, nous avons une formation en cours d'emploi, selon l'endroit où on sera affecté, soit à l'aéroport de Lacolle, au Québec, soit à Lansdowne, en Ontario. Cette formation se fait avec un autre agent.
Nous avons exprimé clairement notre position. Nous croyons que la totalité de la formation devrait être donnée au collège de Rigaud. L'Agence a pris cette décision seulement à cause du budget dont elle disposait. Lorsque vous soumettez votre candidature auprès de n'importe quelle force policière, vous devez d'abord suivre une pré-formation. Si vous la réussissez, vous allez à l'académie, et par la suite, vous aurez une formation supplémentaire. Nous pensons que l'ensemble de la formation devrait être donnée à Rigaud.
Le sénateur Meighen : Pourquoi?
M. Fortin : Les installations et les formateurs sont là-bas, et la qualité de la formation y serait meilleure, selon nous.
Le sénateur Meighen : Vous êtes favorable à la formation continue en cours d'emploi?
M. Fortin : Bien sûr, car selon l'endroit où l'on sera affecté, il y a dans la pratique une formation de base suivie d'un transfert sur les lieux de son affectation. N'oublions pas qu'une formation en maniement des armes à feu prend trois semaines. L'agent déployé dans une zone où le port d'arme est en vigueur aura besoin de la période de dix semaines, plus trois semaines de formation. À la GRC, cette formation est de plus ou moins 16 semaines, je crois.
Le sénateur Meighen : Est-on payé pendant toute la durée de ces cours d'introduction?
M. Fortin : Oui, ils reçoivent une rémunération de 250 $ par semaine.
Le sénateur Meighen : Ce montant correspond au salaire qu'on leur verse durant les exercices en ligne préalables à la formation.
M. Fortin : Non, ils ne sont pas rémunérés pendant cette période.
Le sénateur Meighen : Je faisais allusion au module d'introduction en ligne, d'une durée de deux semaines.
M. Fortin : D'après ce que j'ai compris, ils ne sont pas payés pour cela, sénateur. Mais je n'en suis pas certain.
Le sénateur Meighen : La dernière fois que nous avons discuté ensemble, environ 22 p. 100 de votre personnel était composé d'employés qui en remplaçaient d'autres, majoritairement des étudiants pendant l'été. Vous vous souviendrez que nous avons longuement parlé des étudiants, de leur formation et de la pertinence de les employer. Nous avons également découvert que, contrairement à certains témoignages que nous avions entendus, il semblait que les étudiants ne travaillaient pas toujours sous la supervision d'un agent principal. Parfois, ils travaillaient seuls, et certains effectuaient des inspections secondaires. C'est ce qu'on nous a appris.
Pourriez-vous me parler de la situation actuelle en ce qui concerne les étudiants, leur formation et les responsabilités qu'on leur demande d'assumer?
M. Moran : Aux postes frontaliers terrestres, on nous a dit que pour diverses raisons, cet été serait le dernier où l'on ferait appel à des étudiants. La raison principale est l'initiative d'armement, qui modifie considérablement l'environnement de travail. Une fois qu'on a déterminé que le niveau de protection nécessaire aux agents dans un environnement donné est tel qu'il implique le port d'une arme, il devient difficile d'y maintenir un programme étudiant, à plus forte raison lorsqu'on considère la manière dont il a été mis en œuvre à l'ASFC.
Nous tenons à souligner que nous ne nous sommes jamais opposés à un programme étudiant tel qu'il aurait dû être exécuté. Comme vous l'avez fait remarquer, le problème est qu'au sein de l'agence, les étudiants sont devenus une main-d'œuvre bon marché servant à remplacer des agents à part entière. Nous avons fourni à ce comité des tableaux de présence montrant que la plus grande partie d'un quart de travail à l'aéroport international de Pearson, par exemple, était assumée par 35 étudiants et 3 officiers présents à titre symbolique.
Personne ne peut prétendre que ces étudiants sont bien encadrés. Les programmes étudiants existent pour donner l'occasion aux jeunes de décider s'ils souhaitent entrer au service des forces de l'ordre pour augmenter leur revenu.
Le sénateur Meighen : Avez-vous un certain contrôle là-dessus?
M. Moran : La plupart des agents ayant suivi le programme étudiant restent dans notre organisme, comme M. Fortin, qui m'accompagne aujourd'hui. Le problème n'est pas tant le programme en soi, mais la manière dont il a été avili. C'est le seul mot qui me vient à l'esprit pour décrire comment le programme est devenu une source de main- d'œuvre à rabais.
Le sénateur Meighen : Supposons qu'à un poste frontalier comme celui de St. Stephen-Calais, un véhicule s'arrête devant une guérite où est assis un agent. Celui-ci demandera au conducteur combien de temps il a passé aux États- Unis, ce qu'il y a acheté, et cetera. Une fois les réponses fournies par le conducteur, s'il y avait lieu d'effectuer une inspection secondaire, serait-elle menée par un agent à part entière? Est-ce ainsi que cela doit fonctionner, selon vous?
M. Moran : C'est dans la ligne d'inspection primaire qu'on prendra une décision quant à l'admissibilité au pays, ce qui est probablement plus important que n'importe quelle autre fonction. Les étudiants sont censés être supervisés par quelqu'un à qui ils pourront poser des questions. Une fois qu'on aura laissé quelqu'un passer la frontière, il sera trop tard pour revenir sur sa décision par la suite.
Le sénateur Meighen : Si l'inspection primaire est confiée à un étudiant, un agent expérimenté devrait être accessible, à proximité immédiate.
M. Moran : L'agent devrait être suffisamment près de l'étudiant pour l'aider en cas de doute, mais les choses se passent différemment. Ainsi le veut le système. Chacun effectue l'inspection primaire dans une guérite. Chaque inspecteur devrait avoir reçu le même niveau de formation, avoir le même accès aux banques de données et bénéficier de la même protection. Il devrait satisfaire aux mêmes critères de travail que les autres. Pour l'agent comme pour le pays, c'est la seule façon sûre de faire fonctionner ces points d'entrée.
Le président : Une question pour éclaircir un point. Nous avons cru comprendre que, il y a trois ou quatre ans, la durée de la formation était de 13 semaines. Depuis, aux responsabilités préexistantes se sont ajoutées celles relatives aux produits alimentaires, à l'immigration et au port d'armes. Comment, dans ce cas, êtes-vous parvenus à comprimer la durée de la formation pour qu'elle ne soit plus que de neuf ou dix semaines?
M. Moran : La formation sur le port d'armes ajoutera deux semaines, une fois l'installation en état de fonctionner avec le champ de tir.
Le président : Cela fait deux semaines de plus.
M. Fortin : Trois.
Le président : La prise en charge des responsabilités supplémentaires touchant les produits alimentaires et l'immigration a-t-elle été facile?
M. Moran : Mon cours de formation remonte à 1991, quand il durait 14 semaines. C'était déjà dense. J'ai néanmoins eu l'impression que ma formation réelle a débuté quand on m'a affecté à un point d'entrée et quand des agents d'expérience m'ont servi de guides. Je vois où vous voulez en venir. La formation était difficile à boucler en 14 semaines. Il y a lieu de s'interroger sur les responsabilités supplémentaires dont on a chargé l'agent hybride des services frontaliers qui est censé connaître l'immigration, l'agriculture et, bien évidemment, les droits de douanes.
Par ailleurs, l'agent n'est plus rémunéré durant la formation. Quand j'ai débuté, j'ai obtenu un salaire dès le départ. Nous étions protégés par la convention collective pendant les 14 semaines de formation à Rigaud. Peu nombreux sont ceux — du moins parmi mes connaissances — qui peuvent se permettre d'entreprendre ce type de formation s'ils sont déjà chargés d'une hypothèque ou de responsabilités financières. Il est désormais impossible de se joindre à l'agence, parce que l'allocation qu'elle verse ne suffit pas à payer les factures de la vie courante. Comme mon collègue l'a signalé, on cherche uniquement à comprimer les coûts, et le résultat qu'on obtient est exactement en proportion de ce que l'on paie. C'est comme partout ailleurs.
Le sénateur Moore : J'ai une question au sujet de l'emploi d'un avion de surveillance sans équipage, un drone. Selon un reportage du Chronicle Herald de Halifax publié vendredi dernier, le service des douanes et de la protection frontalière des États-Unis utilise l'appareil télécommandé Predator B au-dessus de la frontière mexicaine, depuis plusieurs années. Il a commencé à l'utiliser au-dessus de la frontière canado-américaine en février et il le teste au-dessus du lac Ontario et le long du Saint-Laurent. Il prévoirait l'utiliser jusqu'à la fin du mois pour des patrouilles à partir de Fort Drum :
Le Predator vole à 6 000 mètres d'altitude et peut rester dans les airs 18 heures. Il peut prendre des enregistrements vidéo à haute définition et dans l'infrarouge dans un rayon de 40 kilomètres et il est doté d'un radar hypersensible.
[...] le drone a effectué des missions de surveillance pour les organismes d'application de la loi des États-Unis et du Canada pendant des essais effectués sur la frontière nord de l'État de New York [...]
L'agence de protection frontalière possède sept Predator [...] D'après elle, il suffirait de 18 drones pour surveiller les frontières sud et nord des États-Unis [...]
L'agence à laquelle vous appartenez participe-t-elle à cet exercice?
M. Moran : Un certain nombre d'initiatives font appel à la technique du radar. Je pense que c'est l'une d'entre elles. Les services canadiens homologues reçoivent les mêmes données. D'où le commentaire lancé par le commissaire adjoint à la Gendarmerie royale du Canada, qui souligne une évidence : nous n'avons pas de patrouille frontalière.
Il est agréable d'avoir accès aux données, d'être averti de certains déplacements et de savoir que l'on en a détecté entre les passages frontaliers. Cependant, nous devons pouvoir y donner suite avec des effectifs au sol, capables de parachever le travail de détection.
Le sénateur Moore : D'après ce reportage, les missions sont effectuées pour les organismes chargés d'appliquer la loi aux États-Unis et au Canada. Votre agence en fait-elle partie? Participez-vous à cet exercice?
M. Moran : Pas que je sache.
Le sénateur Moore : Il ne semble pas que ce soit le cas.
M. Moran : Non.
Le sénateur Moore : Vous ne participez pas à la programmation des vols ni au choix des régions survolées. Ai-je raison?
M. Moran : Si vous posez la question aux représentants de l'organisme, ils vous diront peut-être qu'il y a collaboration avec les agents de renseignement. Les services de renseignement de l'Agence des services frontaliers du Canada peuvent se connecter à un certain moment ou extraire des renseignements à partir des mouvements décelés par cet équipement. Cependant, je ne connais pas la réponse à ces questions.
Le sénateur Moore : Votre organisation reçoit-elle les renseignements obtenus grâce à ces drones?
M. Moran : S'il y a effectivement un lien entre les organismes. Cependant, je n'ai pas la réponse à cette question.
Le sénateur Moore : Un tel lien existe-t-il actuellement?
M. Moran : Pas que je sache. Connaissant la décision de ne pas inclure l'Agence des services frontaliers du Canada dans le programme Shiprider, la tendance serait de ne pas faire participer l'agence à ce type d'initiatives.
Le sénateur Moore : Cependant, la frontière relève de votre responsabilité.
M. Moran : Je suis tout à fait d'accord.
La loi est claire, comme nous le soulignons dans notre mémoire. L'article 99 de la Loi sur les douanes donne le pouvoir d'intercepter quelqu'un qui se présente aux douanes ou peu après son entrée au pays, s'il omet de se présenter. Ne pas se présenter aux douanes constitue une infraction punissable par mise en accusation.
Comme mon collègue l'a souligné, c'est une question de politique. Ce n'est pas une question de compétence législative. Nous devons constater que l'agence semble moins portée à contribuer aux efforts déployés pour remédier aux carences évidentes que tous signalent.
Plus nous devenons efficaces aux points d'entrée, grâce à la technologie, aux banques de données, et cetera, plus les criminels s'éclipsent en trouvant d'autres passages, qui deviennent la frontière — les routes, les cours d'eau et les champs non surveillés.
Le sénateur Moore : L'agence possède-t-elle de ces appareils?
M. Moran : Non.
Le sénateur Moore : Prévoyez-vous en acquérir?
M. Fortin : Pas que je sache. Cependant, vous avez raison. Nous sommes convaincus que si la loi nous accorde certains pouvoirs, sans être assez explicite, elle doit refléter la réalité de notre travail, qui a considérablement changé. Si la loi fait problème, on devrait la corriger pour l'adapter à la réalité des faits.
Par exemple, nous nous demandons si nous devons poursuivre une automobile qui franchit la frontière sans s'arrêter. Ça n'a aucun bon sens, et il est très frustrant pour nos agents de se contenter de regarder passer ces véhicules sans pouvoir intervenir.
Vous signalez la même problématique. S'il y a quelque chose à corriger, nous exhortons le gouvernement de passer à l'action.
Le sénateur Lang : Je veux poursuivre dans la même veine que le sénateur Meighen. Dans votre dernière réponse, vous avez parlé de l'évolution considérable de votre travail. Le sénateur Meighen a demandé si vos responsabilités avaient changé en quatre ans et si vos besoins en formation avaient augmenté considérablement par le fait même. Est- ce le cas?
M. Fortin : Tout à fait.
Le sénateur Lang : Pensez-vous qu'une formation de dix semaines, plutôt que de neuf, plus deux semaines en ligne, suffit à votre personnel, compte tenu de vos responsabilités accrues?
M. Fortin : Des membres de notre organisation nous ont fait savoir que le module de l'immigration, notamment, pourrait être plus long. La formation de base aux questions douanières reste fondamentalement intouchée. On pourrait assurément l'améliorer, et la formation pourrait passer de 10 à 14 semaines.
Le sénateur Lang : J'ai une autre question qui porte sur des expériences que j'ai vécues à la frontière du Yukon. Nous voyageons beaucoup entre les États-Unis et le Canada. En un certain nombre d'occasions, soit que nous venions du Canada ou des États-Unis, l'expérience a été déplaisante.
Pour savoir si les agents à certains postes frontaliers abusent de leur autorité ou ne l'exercent pas convenablement, avez-vous envisagé de créer un site Web, où les voyageurs pourraient vous informer en ligne de leur expérience, plutôt que de le faire par une lettre, une lettre que, bien sûr, quoi qu'ils disent, ils ne rédigent jamais? Vous seriez ainsi au courant de ce qui se passe au passage de la frontière.
Certains désagréments sont uniquement attribuables au personnel — et à rien d'autre. L'autre jour, j'ai été informé des malheurs d'un fonctionnaire fédéral, appelé à franchir la frontière trois fois au cours d'une journée. Malgré l'autorité dont il était investi et ses pièces d'identité, on est presque allé jusqu'à la fouille à nu. On s'en doute, il n'était pas très heureux.
L'autre raison pour laquelle la question m'intéresse, c'est l'aveu très révélateur des présidents Clinton et Bush qui, de passage au Canada, ont admis ne pas savoir s'il existait des problèmes à la frontière. Ça traduit une réalité du côté américain de la frontière. Donc, afin de vous tenir au courant et d'informer les Américains, avez-vous songé à cette possibilité? Ainsi, le citoyen ordinaire pourrait vous mettre directement dans le coup.
M. Fortin : Que voulez-vous dire au juste?
Le sénateur Lang : Je parle d'une ligne ou d'un service de réclamations, tel qu'un site Web. Si, dans un secteur particulier, vous recevez un certain nombre de plaintes, vous faites enquête. Sinon, les années passent, et on se retrouve avec une crise sur les bras.
M. Fortin : D'après ce que je peux comprendre, la plupart des plaintes sont réglées directement sur place, surtout s'il s'agit d'un poste important.
Cependant, dans le cas particulier du Nord, auquel vous faites allusion, les voyageurs frustrés écriraient, si je ne m'abuse, directement à l'agent responsable.
Pour ce qui est de créer un site web pour recevoir les plaintes, je ne suis pas au courant d'un tel projet. Peut-être que Mme Hébert, qui témoignera après nous, pourra vous en dire davantage.
M. Moran : Nous savons que toutes ces options sont envisagées. Je pense que la création d'un site web fait partie des solutions que l'on serait disposé à examiner.
Dans notre mémoire, nous parlons de surveillance. Maintenant que nos effectifs sont armés, notamment, une certaine surveillance est nécessaire. Actuellement, rien n'est prévu, sinon une lettre au président de l'agence.
Dans un témoignage devant un comité de la Chambre des communes, le président a avoué que ce n'était pas un niveau approprié ou acceptable de communication pour les personnes préoccupées par le service ou sa qualité. C'est une solution qu'on envisage.
Nous conseillons vivement aux comités tels que le vôtre de superviser les initiatives semblables pour assurer l'indépendance des enquêteurs sur des cas d'une nature plus grave, lorsque, par exemple, il y a allégation d'abus de pouvoir ou de conduite inappropriée à un haut niveau. Ces enquêtes ne devraient pas être menées à l'interne.
Il ne faut pas oublier que la Gendarmerie royale du Canada fait partie du même ministère, de sorte que l'on pourrait douter de l'objectivité d'une enquête qui lui serait confiée. Des questions pourraient certainement se poser, uniquement du fait des apparences. C'est un point à retenir.
Le sénateur Moore : Je veux poursuivre sur la lancée du sénateur Lang. Par exemple, si j'arrive au Canada par l'aéroport de Halifax, je me présente au préposé à la guérite, je lui donne mon passeport et je fais ma déclaration. Qui est cette personne? L'un de vos agents?
M. Moran : Oui.
Le sénateur Moore : Je continue, et je donne le formulaire de douane à quelqu'un d'autre. Qui est cette personne? Fait-elle partie de vos effectifs?
M. Moran : C'est un autre agent de l'ASFC. Il y a d'abord le premier point d'accès. Une fois celui-ci franchi, il faut se présenter à l'agent à poste fixe. Il vérifie votre carte et détermine si vous êtes autorisé à vous rendre au deuxième point d'accès.
Le président : Dans ce cas-ci, il se présente au deuxième point.
M. Moran : Apparemment.
Le sénateur Moore : Parce que je lui rapporte des choses.
Est-ce que les agents affectés aux deux postes font partie de votre groupe?
M. Moran : Vous voulez dire aux trois postes. Les agents affectés au deuxième poste font également partie de l'ASFC.
Le sénateur Tkachuk : Je tiens à remercier les témoins. Ma question s'adresse également aux autres représentants, mais j'aimerais avoir vos vues sur la réserve Akwasasne. Est-ce que le refus du chef et du conseil de bande est d'ordre constitutionnel ou politique? Autrement dit, refusent-ils carrément que les agents frontaliers soient armés, ou soutiennent-ils que ces agents ne peuvent être armés que s'ils émettent un permis? Est-ce qu'ils appuient le principe voulant que les agents soient armés, mais uniquement s'ils l'autorisent?
M. Moran : Encore une fois, sénateur, sauf votre respect, je ne suis pas bien placé pour répondre à ces questions. Je peux vous donner mon opinion personnelle, mais c'est tout.
Le sénateur Tkachuk : Et quelle est votre opinion là-dessus?
M. Moran : Ils estiment, d'un point de vue culturel, qu'aucune personne armée ne peut entrer dans leur territoire. Autrement, ce geste serait interprété comme un acte de confrontation.
Le sénateur Tkachuk : Y compris les agents de la GRC?
M. Moran : Ce point reste à préciser. C'est essentiellement la position qu'ils ont adoptée : ils doivent donner leur accord.
Pour répondre à votre question, d'après ce que j'ai lu, vu et entendu, ils soutiennent qu'ils n'ont pas été consultés en bonne et due forme, qu'ils n'ont pas donné leur aval.
M. Fortin : Ils ont également soulevé la question de la formation; à leur avis, les agents ne sont pas suffisamment formés pour être armés. Je tiens à signaler au comité que la formation est assurée par la GRC.
Le sénateur Tkachuk : Je voudrais avoir des précisions au sujet de la formation de 13 semaines, car la réponse que nous avons reçue n'est pas très claire. Au Québec, une fois la formation de 13 semaines terminée, les agents participent à un programme d'encadrement aux autres passages à la frontière. En quoi consiste ce programme et combien de temps dure-t-il? Ensuite, combien de temps faut-il pour former des agents pleinement qualifiés qui pourront être armés? Pouvez-vous nous dire comment les choses se passent exactement?
M. Moran : Il y a plusieurs facteurs qui entrent en jeu. Par exemple, l'agent qui est affecté à un aéroport doit développer des compétences spécialisées dans le mode où il travaille.
À Rigaud, en 1991, je me suis familiarisé avec chaque mode. J'ai été affecté à un aéroport, mais j'ai acquis des connaissances que je n'utiliserai peut-être jamais dans ma carrière. Il en va de même pour l'agent qui travaille dans un poste frontalier et qui a appris à mener des fouilles dans un aéroport.
La formation est censée être maintenant axée sur les modes, sauf qu'elle comporte de nombreuses incohérences. Faute de ressources, les agents entrent souvent très vite dans le feu de l'action.
Le niveau d'encadrement et de cohérence n'est pas satisfaisant, ce qui constitue une source d'inquiétude.
Le sénateur Tkachuk : Il me faut plus de précisions, car j'ai du mal à m'y retrouver. Il y a un programme de formation de 13 semaines.
M. Moran : De neuf semaines.
Le sénateur Tkachuk : Neuf semaines. Il s'agit d'une formation de base.
M. Moran : C'est exact.
Le sénateur Tkachuk : Prenons l'exemple d'un agent qui est affecté à un aéroport. Est-ce que la formation qu'il reçoit dure le même nombre de semaines que la formation donnée aux agents qui travaillent dans un poste frontalier?
M. Moran : Nous sommes censés être encadrés pendant trois semaines, une fois affectés à notre poste de travail.
Le sénateur Tkachuk : Y a-t-il ensuite une évaluation, un examen?
M. Moran : Comme nous travaillons déjà, nous sommes considérés comme des agents au plein sens du terme, et nous commençons notre période de probation.
Le sénateur Tkachuk : Et vous touchez la même rémunération que les autres?
M. Moran : Oui. La même rémunération, les mêmes avantages. Notre nom figure sur la liste. Nous avons un horaire, nous sommes encadrés, nous recevons des conseils. Nous sommes censés être évalués au cours de l'année de probation.
M. Fortin : Je pense que l'agent touche à peu près 125 $ par semaine, pendant les neuf semaines. L'agent qui fréquente l'école de la Gendarmerie royale du Canada touche 500 $ par semaine.
Le sénateur Tkachuk : C'est ce qu'ils reçoivent maintenant.
M. Fortin : Oui. Nous ne sommes pas en mesure de livrer concurrence à la GRC sur le plan du recrutement. Qui peut se permettre de payer une hypothèque — et nous aimerions bien attirer des personnes — avec 125 $ par semaine?
Le sénateur Tkachuk : J'aimerais parler des incidents violents. Vous avez mentionné les poursuites en voiture. Remplissez-vous des rapports? Combien de véhicules en provenance des États-Unis traversent la frontière sans s'arrêter?
M. Moran : Nous n'avons pas les données les plus récentes. Vous vous en souvenez peut-être si vous étiez membre du comité, mais nous avons été étonnés d'apprendre qu'aucune donnée sur le sujet n'était recueillie dans un premier temps.
Le sénateur Tkachuk : Vous voulez dire en 2006?
Le président : Nous avons reçu un rapport de l'ASFC qui couvre une période de six mois.
M. Moran : C'est exact. L'agence produit maintenant des rapports régulièrement, ce qui est rassurant. C'est à elle qu'il faudrait poser la question, car je n'ai pas de données récentes sur les défauts d'arrêt à la douane.
Le sénateur Tkachuk : Savez-vous quels sont les emplacements les plus dangereux, par exemple, ou la situation est- elle la même dans tous les postes frontaliers?
M. Fortin : Pas nécessairement. L'agence a tendance à penser que plus le volume est élevé, plus le risque est grand. Nous estimons que le risque est grand si vous vous retrouvez au beau milieu de nulle part. Il peut être très dangereux de travailler à certains endroits. En tout cas, c'est ce que je pense.
Le sénateur Tkachuk : Je présume que le ministère tient également des données sur les incidents violents?
M. Fortin : Oui.
Le sénateur Tkachuk : Est-ce qu'il recense les cas où les agents douaniers se trouvent face à des personnes violentes, qui sont peut-être armées?
M. Moran : Oui.
Le sénateur Tkachuk : Combien de femmes travaillent comme agents douaniers?
M. Moran : Je ne sais pas. On peut trouver ce renseignement très facilement.
Le sénateur Tkachuk : Vous n'avez pas ces données en main? Est-ce que les représentants du ministère le sauraient?
M. Fortin : Absolument. Je sais qu'avant le lancement de l'Initiative d'armement, on comptait à peu près le même nombre d'hommes et de femmes. L'initiative aurait eu, semble-t-il, un impact sur ce chiffre. Le nombre d'hommes a augmenté. Cela dit, Mme Hébert pourrait sûrement vous fournir des données là-dessus.
Le président : Je tiens à vous remercier, au nom du comité. Cette séance a été riche en enseignements. Vous avez soulevé plusieurs points que nous allons examiner, si vous êtes d'accord, plus à fond. Nous aimerions pouvoir vous soumettre d'autres questions, car vos réponses nous seraient grandement utiles. Merci beaucoup d'avoir participé à notre étude aujourd'hui.
Honorables sénateurs, nous allons maintenant accueillir notre deuxième groupe de témoins. Nous recevons Mme Barbara Hébert, vice-présidente de la Direction générale des opérations de l'Agence des services frontaliers du Canada. Mme Hébert est entrée au service de la fonction publique en octobre 1981 au sein de Transport Canada. En septembre 1983, elle s'est jointe à l'Agence du revenu du Canada, Douanes et Accise, où elle a occupé des postes de plus en plus élevés, tant à l'administration centrale qu'en région.
Le 10 mai 2004, Mme Hébert est devenue vice-présidente de la Direction générale des opérations. Elle a la responsabilité d'assurer, à l'échelle nationale, l'exécution des programmes et l'application des normes de services dans toutes les régions de l'Agence des services frontaliers du Canada. Elle est chargée de la coordination des opérations régionales et de l'intégration des programmes de l'agence en région; de la mise en œuvre des nouveaux programmes et nouvelles initiatives et de l'établissement de relations avec les principaux intervenants, incluant la supervision des relations patronales-syndicales-régionales; de l'affectation des ressources pour l'exécution de programmes; de l'administration de la formation et de l'agenda d'apprentissage et ses priorités; et de la gestion des médias touchant des questions opérationnelles délicates.
Mme Hébert est accompagnée de Kimber Johnston, vice-présidente de la Direction générale de l'exécution de la loi. Avant de se joindre à l'ASFC, Mme Johnston était directrice générale, à la Direction générale de la sécurité nationale et des politiques de gestion des mesures d'urgence au sein du ministère de la Sécurité publique. Elle a occupé plusieurs autres postes de direction au gouvernement fédéral.
En tant que vice-présidente de la Direction générale de l'exécution de la loi, Mme Johnston a la responsabilité d'élaborer des politiques opérationnelles, des stratégies et des procédures nationales liées au programme du renseignement, des enquêtes et de l'exécution de la loi de l'Agence des services frontaliers du Canada. En tant que coordonnatrice des relations de l'ASFC avec le milieu de la sécurité, de l'exécution de la loi et du renseignement, elle établit et gère également des partenariats avec d'autres ministères, des agences, des gouvernements provinciaux et étrangers, ainsi qu'avec le secteur privé. Mme Johnston offre aussi du leadership et des conseils stratégiques sur l'adoption, la coordination et l'exécution de la législation interne et des politiques frontalières. De plus, elle dirige diverses initiatives d'élaboration de programmes dans les domaines de l'exécution de la loi et du renseignement.
Je vous souhaite la bienvenue à toutes les deux. Je crois comprendre que vous avez un bref exposé à présenter.
Barbara Hébert, vice-présidente, Direction générale des opérations, Agence des services frontaliers du Canada : Merci et bonjour, monsieur le président. Au nom du président de l'Agence des services frontaliers du Canada, M. Stephen Rigby, je remercie le comité de m'avoir donné l'occasion de dresser un tableau de la situation concernant les recommandations qui traitent des problèmes touchant les postes frontaliers, qui ont été présentées dans le Manuel de sécurité du Canada 2007. J'aimerais d'abord vous présenter le contexte aux fins de la discussion.
[Français]
Lors de sa création en 2003, l'Agence des services frontaliers du Canada a rassemblé les fonctions des douanes, de l'immigration et de l'inspection des aliments, lesquels possédaient toutes de longues traditions et des cultures riches et diversifiées. Les agents des douanes sont depuis longtemps la première ligne de protection du Canada. L'Agence des douanes a été créée en 1841, avant même la Confédération et la création de la GRC en 1873.
[Traduction]
L'application des dispositions sur l'immigration remonte à la Loi sur l'immigration de 1906, qui exigeait un examen plus minutieux des personnes avant de les laisser entrer au Canada. Le premier service d'inspection frontalier a été créé en 1908 dans 37 points d'entrée le long de la frontière canado-américaine. Compte tenu de l'importance qu'a toujours eue l'agriculture au Canada, la santé et la sécurité des aliments, des animaux et des végétaux traversant la frontière ont toujours été jugées essentielles.
Nos organismes d'origine mènent des activités à la frontière depuis longtemps. En ce qui concerne l'ASFC, ses racines sont solides, même si l'organisation n'existe que depuis cinq ans. Elle continue de grandir et de se développer, dans l'environnement de risque le plus dynamique que connaisse notre génération.
Tout au long de l'évolution de l'agence, nous avons disposé de toute une multitude de documents de recherche pour faire le point, notamment le rapport sur lequel nous nous penchons aujourd'hui et deux rapports du Bureau du vérificateur général du Canada, un sur la gestion de l'équilibre entre la sécurité et la facilitation et l'autre sur l'application de la loi en matière d'immigration. Ces rapports et autres documents, combinés aux vérifications et aux évaluations internes, ainsi que les questions liées à la gestion quotidienne de la frontière nous ont permis d'évaluer ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas et ce que nous devons changer.
[Français]
Au cours des cinq dernières années, des investissements considérables ont été faits pour gérer le risque, améliorer les opérations à la frontière et renforcer la sécurité.
L'agence s'est efforcée de respecter l'engagement du gouvernement d'armer les agents et d'éliminer les situations où des agents travaillent seuls, pour assurer une meilleure protection des agents à la frontière et des personnes participant à des activités d'exécution liées à la frontière au Canada.
[Traduction]
Plus récemment, le projet de loi S-2 a reçu la sanction royale, ouvrant la voie à des modifications essentielles à la Loi sur les douanes. Ces modifications rehausseront le profil de la sécurité nationale en renforçant la capacité de répression de la contrebande et d'autres produits illégaux dans les zones de contrôle des douanes telles que les aires de trafic et les quais des ports. Le projet de loi S-2 permettra également la mise en œuvre du manifeste électronique, qui représente la troisième phase de l'initiative de l'Information préalable sur les expéditions commerciales.
[Français]
Bien que nous ayons pris des mesures concrètes au cours des deux dernières années pour donner suite aux préoccupations relevées dans le rapport du comité, nous avons toujours du travail à accomplir. Nous devons mieux maximiser nos ressources et les répartir en fonction du risque.
[Traduction]
De toute évidence, les nations libres ne peuvent pas assurer une sécurité absolue contre les menaces à la frontière. Toutefois, nous pouvons optimiser notre réaction à de telles menaces. Pour ce faire, nous devons veiller avec plus d'efficacité à ce que l'information sur le risque joue un rôle le plus tôt possible. Nous disposerons ainsi d'une plus grande latitude pour répartir nos ressources limitées consacrées à l'exécution.
L'ASFC a déjà un contingent considérable d'agents travaillant à l'étranger. Nous examinons ce contingent afin d'évaluer si nos ressources internationales font la bonne chose au bon endroit et si nous gérons ces ressources de façon optimale.
Nous devons continuer à déployer la technologie pour améliorer la gestion du risque grâce à la transmission de données avant l'arrivée, à l'identification des voyageurs fiables et à l'examen du fret.
Nous avons été un chef de file dans le déploiement de systèmes d'information électronique avant l'arrivée dans la filière des importations commerciales, l'utilisation des données biométriques pour vérifier l'identité des voyageurs fiables dans le cadre du programme NEXUS et la mise en œuvre de technologies de détection pour l'examen des conteneurs et des moyens de transport, y compris les systèmes de détection des radiations récemment mis en place dans les cinq grands ports traitant des conteneurs maritimes.
Enfin, nous devons créer une organisation plus souple et mieux structurée. Nous devons accroître les moyens que l'ASFC utilise pour gérer les normes et les objectifs, établir des buts plus clairs, affecter les ressources à ces activités et faire savoir à nos intervenants à quel point nous y parvenons.
Nous faisons présentement l'objet d'un examen stratégique, un processus que tous les ministères et organismes doivent accomplir tous les quatre ans pour s'assurer que les ressources sont réparties dans les programmes correspondant aux principales priorités du gouvernement. Cet examen arrive à point et nous aidera à façonner une organisation qui saura relever les futurs défis.
En terminant, il est vrai que le programme de changement de l'ASFC est ambitieux. Nous avons beaucoup de travail à faire, mais nous avons déjà accompli beaucoup de progrès. Cependant, afin de poursuivre sur notre lancée, nous devons travailler avec le comité et d'autres représentants parlementaires, de même qu'avec nos partenaires d'autres ministères et organismes, nos alliés internationaux et toute une variété d'intervenants s'intéressant à la façon dont la frontière du Canada est gérée.
Nous croyons que ce que nous avons accompli à ce jour et nos plans pour l'avenir optimiseront la mesure dans laquelle nos frontières favorisent la sécurité publique et la prospérité économique.
Le président : Merci, madame Hébert. J'ai une question pour vous avant de donner la parole à mes collègues. À la page 4 de votre mémoire, vous dites que vous avez pris des mesures concrètes au cours des deux dernières années pour donner suite aux préoccupations relevées dans le dernier rapport du comité, et qu'il vous reste du travail à accomplir.
Cela signifie-t-il que l'organisme accepte les recommandations formulées par le comité et qu'il ne lui reste plus qu'à les mettre en œuvre, ou bien que l'organisme n'accepte pas certaines recommandations?
Mme Hébert : La question n'est pas de savoir si nous les acceptons ou non. L'ASFC était déjà ouverte à certaines suggestions du rapport et y a donné suite. Je vais vous donner deux exemples : je sais que vous vous intéressez beaucoup à la question du défaut d'arrêt à la douane, et nous avons pris des mesures à cet égard. Vous vous intéressez aussi de toute évidence à la question des agents armés ou d'une présence armée aux frontières, et je pense qu'à l'initiative du gouvernement, des mesures ont été prises en ce sens également.
Le président : Pourriez-vous nous donner aussi deux exemples de recommandations que n'approuve pas votre organisme?
Mme Hébert : Je ne suis pas en mesure de vous en donner aujourd'hui.
Le président : Merci.
Le sénateur Banks : Je suis désolé de vous poser la question de nouveau, mais ce rapport remonte à quelque temps déjà. L'agence a sûrement consulté les recommandations que nous avons exposées dans le rapport du comité. Les acceptez-vous? Est-ce que vous les approuvez ou vous avez des réserves à propos de certaines d'entre elles? Vous êtes directrice adjointe, vous pouvez sûrement répondre à cette question. Nous n'avons pas publié ce rapport jeudi dernier.
Mme Hébert : Monsieur le président, je suis tout à fait consciente que le rapport a été publié il y a maintenant deux ans. Il contient, certes, des idées très intéressantes; j'en ai d'ailleurs cité deux. D'autres suggestions présentées dans le rapport ont trait, notamment, à l'importance d'avoir, je dirais, des mécanismes de contrôle et des processus d'évaluation suffisants. Depuis la création de l'ASFC, 42 vérifications et évaluations ont été effectuées et publiées sur le site Web; c'est donc un exemple concret de mesures prises pour donner suite à vos recommandations.
Je sais que vous considérez très important que nous utilisions les renseignements de façon efficace et que nous améliorions nos efforts à ce chapitre. Soyez assuré que l'ASFC prend des mesures en ce sens.
Le président : Pouvons-nous considérer votre réponse comme un « oui », à savoir que vous appuyez les recommandations formulées par le comité?
Mme Hébert : En toute franchise, monsieur le président, je ne suis pas certaine que ce soit à moi de me prononcer. Je suis ici pour répondre à vos questions concernant nos programmes actuels et les changements que nous y apportons.
Le sénateur Banks : Dans votre rapport, vous parlez d'un « contingent considérable d'agents travaillant à l'étranger ». Qu'est-ce que cela signifie?
Mme Hébert : Je vais demander à ma collègue, Mme Johnston, de répondre à cette question.
Kimber Johnston, vice-présidente, Direction générale de l'exécution de la loi, Agence des services frontaliers du Canada : Monsieur, nous avons un réseau d'environ 60 agents d'intégrité des mouvements migratoires en poste à environ 60 endroits aux quatre coins du monde.
Le sénateur Banks : Je comprends ce que cela signifie.
Mme Johnston : De plus, nous avons cinq agents de sécurité des conteneurs affectés à l'examen des conteneurs maritimes dans des ports étrangers.
Le sénateur Banks : Merci. Voilà qui répond à ma question.
En ce qui a trait au processus d'armement des agents, sans nécessairement nous répondre que ce processus a effectivement amélioré leur sécurité, ce qui est certes important à nos yeux, pourriez-vous nous dire si vous avez une méthode vous permettant de déterminer, si c'est possible, comment le fait d'armer vos agents aux postes frontaliers a été avantageux, que ce soit aux frontières terrestres, dans les aéroports ou ailleurs? Cela a-t-il changé quelque chose? Cela a-t-il permis de réduire la quantité de marchandises passées illégalement à la frontière ou le nombre d'incidents violents? Pouvez-vous nous fournir des données qui montrent les résultats atteints depuis que les agents frontaliers sont armés?
Mme Hébert : J'aimerais d'abord vous signaler que ce sont les agents des postes frontaliers terrestres, des opérations maritimes ainsi que d'autres organismes d'application de la loi qui sont armés. Je tiens à préciser que nous n'allons pas armer les agents qui travaillent dans les aéroports.
Le sénateur Banks : C'est la police qui s'en occupe.
Mme Hébert : Nous n'en sommes qu'au tout début de ce programme. Même si le gouvernement a annoncé l'initiative en août 2006, ce n'est que fin juillet 2007 que les premiers agents ont terminé leur formation. Actuellement, nous avons 917 agents armés en poste partout au pays. Comme nous n'en sommes qu'au commencement de ce programme de 10 ans, il est difficile d'obtenir des données précises.
Si vous me demandiez mon avis sur ce que je crois être une bonne façon d'en mesurer les résultats, je dirais que l'un des avantages d'avoir des agents armés est la capacité accrue de réaction aux événements, étant donné l'avantage de cet outil supplémentaire. À ma connaissance, jusqu'ici, ce genre d'intervention n'a pas été nécessaire.
Le sénateur Banks : Dans la même veine, nous avons déjà parlé, et vous êtes probablement au courant, de ce qui était, pour nous, à l'époque où nous avons soumis la preuve, un nombre incroyablement élevé d'automobilistes qui franchissent la frontière sans s'arrêter. Dans le passé, nous nous sommes dits inquiets du fait que premièrement, la GRC n'est pas facilement disponible aux postes frontaliers, et c'est l'une des raisons pour lesquelles vos agents sont maintenant armés, et deuxièmement, quand une personne passe la frontière sans s'arrêter — la dernière fois que nous avons posé la question, on nous a dit que des centaines de personnes le faisaient —, vos agents ne peuvent pas se lancer à sa poursuite. Par conséquent, à toutes fins pratiques, personne n'intervient. Vos agents devraient-ils pouvoir poursuivre les personnes qui traversent la frontière en automobile sans s'arrêter, selon votre agence?
Mme Hébert : Vous avez tout à fait raison, sénateur, quand vous parlez du nombre d'incidents de ce genre dans le passé et de notre politique voulant que les agents ne poursuivent pas, du moins au départ, les personnes qui ne s'arrêtent pas au point d'entrée.
Le sénateur Banks : Ma question repose en partie sur le fait que vos agents ne le font pas et que la GRC ne le peut apparemment pas; du coup, personne n'intervient.
Mme Hébert : J'ai peut-être de bonnes nouvelles pour vous, sénateur. Dans certains cas, nous contactons le service de police local, qui bien souvent n'est pas la GRC, pour poursuivre les personnes qui partent avant que nous ayons terminé le processus de vérification.
À Windsor, par exemple, il est arrivé à quelques reprises que des personnes ont quitté le bureau d'entrée prématurément et que la police municipale les a poursuivies. Nous en avons également des exemples concrets au Québec, où nous pouvons faire appel à la Sûreté du Québec pour trouver un véhicule qui a quitté le point d'entrée sans prévenir. À plusieurs occasions, le service de police a réussi à ramener les gens au bureau d'entrée, où ils ont parfois reçu une amende. Dans certains cas, nous avons porté des accusations; ce sont donc des exemples concrets.
Le sénateur Banks : Les accusations représentent-elles un pourcentage important des quelque 500 cas de personnes qui franchissent la frontière tous les six mois environ?
Mme Hébert : Non, il n'y a pas beaucoup d'accusations, monsieur.
Le sénateur Banks : Qu'en est-il des poursuites?
Mme Hébert : Environ 415 incidents impliquant un véhicule qui ne s'est pas arrêté au point d'entrée se sont produits en 2008, et au moins 73 p. 100 ont fait l'objet d'un suivi. Parfois, c'est le service de police local qui a ramené les individus au bureau d'entrée; d'autres fois, nous avons obtenu des renseignements et nous avons pu envoyer un avis de signalement, nous avons imposé une amende et nous avons utilisé tous les outils à notre disposition. Je sais que nous obtenons des résultats dans 50 p. 100 des cas, alors je crois que nous réalisons des progrès.
Le sénateur Banks : Votre agence souhaite-t-elle quand même que vos agents puissent poursuivre les automobilistes qui franchissent la frontière sans s'arrêter?
Mme Hébert : La loi prévoit que mes agents sont des agents de la paix quand ils appliquent la loi aux points d'entrée. Je pense qu'il est préférable que ce soient les forces policières locales qui se chargent de cette poursuite.
Le sénateur Banks : J'ai une dernière question concernant la sécurité.
Dans son rapport, la vérificatrice générale a formulé des critiques à propos de votre capacité de surveillance. En ce sens, nous avons reçu des témoignages très crédibles de la part du Centre intégré d'évaluation des menaces et du Centre national d'évaluation du risque, qui sont rattachés à votre agence, je crois.
Mme Hébert : Le Centre national d'évaluation du risque fait partie de la Direction générale des opérations, en effet. Toutefois, le Centre intégré d'évaluation des menaces ne fait pas partie de l'Agence des services frontaliers du Canada.
Le sénateur Banks : Ai-je raison de dire que l'examen effectué par la vérificatrice générale était en lien, notamment, avec le Centre national d'évaluation du risque? Il paraît qu'il est parfois plus ou moins efficace. Avez-vous réagi à ces critiques, à ces lacunes apparentes?
Mme Hébert : Je vais commencer par répondre à votre question, puis je vais demander de nouveau à ma collègue de continuer.
Nous avons pris les recommandations du Bureau du vérificateur général très au sérieux et nous avons élaboré un plan d'action qui englobe plusieurs éléments, dont la question que vous soulevez. C'est ce que j'appelle faire des rapprochements, à savoir nous assurer qu'il y ait des liens, notamment en ce qui concerne les renseignements et l'évaluation des risques. Je vais laisser Mme Johnston vous en parler.
Mme Johnston : À l'ASFC, nous améliorons continuellement notre capacité d'évaluation des risques. Nous remercions la vérificatrice générale de nous avoir soumis des observations, mais nous raffinons de façon constante notre processus d'évaluation des risques au sein de l'organisation. Ce que je veux dire, c'est que nous analysons sans cesse l'efficacité de notre ciblage, par exemple. Nous évaluons les risques au moyen d'un algorithme de calcul des risques très avancé. Nous améliorons toujours nos méthodes d'évaluation des risques grâce à nos pratiques de ciblage et aux résultats que nous obtenons. Je pense qu'il est juste de dire que nous prenons ces mesures à la suite du rapport de la vérificatrice générale, mais nous apportons ces améliorations de façon régulière, c'est-à-dire que nous utilisons nos renseignements, nous effectuons une évaluation approfondie des risques et nous fondons nos activités de ciblage sur cette évaluation.
Cela dit, il y a toujours matière à amélioration. Comme je l'ai mentionné, nous venons de mettre à jour nos algorithmes d'évaluation des risques de TITAN, notre système de ciblage dans le secteur commercial. Nous continuons de travailler, à l'interne comme à l'externe, avec nos homologues des États-Unis et d'autres pays aux vues similaires, afin de mettre au point nos méthodes d'évaluation des risques.
Parmi les éléments clés que nous tentons d'instituer au sein de l'ASFC, nous estimons qu'il est essentiel de mettre en œuvre la recommandation du rapport de la vérificatrice générale visant à adopter ce que l'on appelle une boucle de rétroaction pour identifier les risques. Nous menons nos activités de ciblage, mais il nous faut également examiner les résultats et les comparer avec les renvois issus du ciblage afin de déterminer si nous allons effectuer une évaluation des risques dès le début. Cette boucle de rétroaction en matière de renseignements a été instituée il y a presque un an, en août 2008. Au sein de l'organisation, elle porte le nom de Cadre de contrôle des opérations. C'est dans ce système que les responsables des évaluations des risques inscrivent les résultats afin d'en boucler l'historique. Elle constitue une autre étape importante pour l'ASFC lorsqu'il est question d'évaluation des risques.
Le sénateur Tkachuk : Je vous remercie, chers témoins, d'être des nôtres aujourd'hui.
En ce qui a trait à la formation des agents des services frontaliers armés, combien devront être formés? Combien en formez-vous par année? À votre avis, quand les postes frontaliers canadiens seront-ils tous pourvus d'agents armés qualifiés, à l'exception des aéroports?
Mme Hébert : L'initiative a été lancée à la fin juillet 2007, dès que les premiers agents armés ont été formés. Lorsque le gouvernement a annoncé l'initiative, en août 2006, celle-ci devait s'échelonner sur une période de dix ans. D'ici 2016, nous nous attendons à avoir terminé la formation de 4 800 agents armés environ. Actuellement, nous en formons environ 500 par année. J'ai mentionné tout à l'heure que nous avions déjà 917 agents armés à la fin du mois de mai. Nous sommes donc sur la bonne voie pour atteindre notre objectif.
D'après moi, nous allons maintenir le même rythme.
Le sénateur Tkachuk : Vous avez parlé d'incidents frontaliers où une voiture, un camion ou un autre véhicule passe à la douane sans s'arrêter et parvient à entrer au pays. Pourriez-vous me rappeler le nombre de cas qui survient chaque année?
Mme Hébert : En 2008, nous avons répertorié 415 incidents.
Le sénateur Tkachuk : Quelles sont les données de 2006 et de 2007? Sont-elles plus élevées ou plus basses?
Mme Hébert : Nous avons observé une baisse de 2007 à 2008. Il y a eu 485 incidents en 2007. Par contre, je ne connais pas les statistiques de 2006; vous m'en voyez désolée.
Le sénateur Tkachuk : Il s'effectue un peu plus de 90 millions de déplacements transfrontaliers par année. Ce nombre tient compte des passages aux aéroports. De combien de passages à la frontière parlons-nous si l'on exclut les aéroports?
Mme Hébert : Vous avez raison; 95 millions de personnes approximativement traversent la frontière chaque année. De ce nombre, 70 millions environ le font aux postes frontaliers terrestres et 20 millions environ, dans les aéroports. Les 5 millions restants la traversent par voie maritime, par navires de croisière, par train et ainsi de suite.
Le sénateur Tkachuk : En ce qui a trait à ces 415 incidents, s'agit-il de Canadiens revenant au pays ou bien d'Américains ou de personnes d'une autre nationalité qui entrent au Canada?
Mme Hébert : Il est fort probable que c'est un mélange des deux. Il arrive souvent que des gens au Canada se dirigent aux États-Unis sans avoir l'intention de s'y rendre.
Le sénateur Tkachuk : Pourriez-vous répéter cela, s'il vous plaît?
Le sénateur Campbell : Par exemple, en Saskatchewan, lorsque l'on se dirige vers le sud, on peut traverser la frontière américaine sans le vouloir.
Le sénateur Tkachuk : Ou sans le savoir.
Le sénateur Campbell : Effectivement, puisqu'il est difficile de déterminer si l'on a traversé la frontière.
Le sénateur Tkachuk : En Saskatchewan, il est toujours possible de traverser la frontière sans le savoir.
Mme Hébert : Beaucoup d'incidents ont lieu dans la vallée du Bas-Fraser, en Colombie-Britannique, où les personnes se dirigeant vers le traversier pour se rendre à Victoria continuent tout droit au lieu de tourner à droite. Elles se retrouvent alors entre les points d'entrée canadien et américain. Elles ne veulent pas traverser aux États-Unis parce que ce n'était pas leur destination initiale. Ainsi, elles font demi-tour.
Puisque ces gens n'ont jamais voulu quitter le Canada, ils n'ont pas pensé qu'ils devaient s'arrêter et se présenter au point d'entrée canadien. Ce n'est donc pas une circonstance qui doit être prise à la légère.
Le sénateur Tkachuk : La situation est-elle similaire dans la plupart des cas? Ce genre d'incident se reproduit-il une centaine de fois par année? Sur les 415 incidents, combien ressemblent à cet exemple?
Mme Hébert : Je n'ai pas la ventilation exacte pour 2008, mais selon l'un de mes témoignages devant ce comité à propos de cette question, il y en a eu bien au-delà de 100.
Le sénateur Campbell : Ils n'ont pas tous eu lieu en Colombie-Britannique.
Le sénateur Tkachuk : Quelque 300 des 415 incidents seraient donc des incidents graves ou plus graves que ceux-là. Avons-nous des statistiques sur ces 300 incidents? S'agit-il de jeunes quelque peu intoxiqués qui décident simplement de traverser la frontière ou de criminels potentiels? Que leur arrive-t-il? Si vous les signalez, combien d'entre eux sont arrêtés au Canada, soit par la GRC, soit par les policiers, soit par de bons citoyens? Je n'en ai aucune idée. Sont-ils perdus pour toujours?
Mme Hébert : Sur les 415 auxquels j'ai fait allusion pour 2008, nous avons pu intervenir dans plus de la moitié des cas. Il y a divers scénarios, sénateur. Ils ont pu être ramenés au point d'entrée par le service de police locale, se voir imposer une sanction ou, très rarement, faire l'objet de poursuites. Lorsque nous avons des renseignements sur le véhicule, nous les communiquons à nos partenaires des forces de l'ordre pour qu'ils s'en occupent. Nous pouvons notamment diffuser un avis de signalement du véhicule. Nous sommes en mesure d'intervenir auprès de plus de la moitié des contrevenants.
Le sénateur Tkachuk : Les autres disparaissent-ils tout simplement quelque part au pays? Sont-ils simplement entrés au pays sans que vous ne sachiez où ils se trouvent? Avez-vous au moins le numéro de leur plaque d'immatriculation? Êtes-vous en mesure de savoir si la voiture, le camion ou tout autre type de véhicule est américain ou canadien?
Mme Hébert : Dans presque les trois quarts des cas, nous avons réussi à transmettre quelques renseignements aux autorités, mais ce n'est pas dans la totalité des cas.
Le sénateur Tkachuk : Ne disposez-vous pas de caméras de surveillance qui prennent des photos pour déterminer le numéro de la plaque d'immatriculation?
Mme Hébert : Nous avons effectivement des caméras qui peuvent capter la plaque d'immatriculation dans certaines circonstances, ce qui est utile dans le cadre du suivi que nous effectuons, mais ce n'est pas le cas partout.
Le sénateur Tkachuk : J'aimerais approfondir cette question, si vous me le permettez. Même si cette question a déjà été soulevée, il serait bien de savoir exactement qui sont ces gens. Parlons des personnes que vous arrêtez. Admettons qu'une centaine de personnes désirant se rendre à Tsawwassen ont pris le mauvais chemin et ont traversé la frontière malgré elles. Il s'agit principalement de gens provenant de la Colombie-Britannique. Il n'est pas question de Saskatchewanais. Je n'y peux rien si nous avons peuplé les deux provinces à l'ouest de la nôtre, mais nous l'avons fait. Les 100 personnes que vous avez arrêtées étaient-elles de grands criminels, des personnes coupables d'une infraction mineure ou des jeunes légèrement intoxiqués? Qui sont ces gens qui traversent la frontière sans se présenter à un point d'entrée?
Mme Hébert : J'ai parlé tout à l'heure de poursuites, mais dans le cas où nous avons pu assurer un suivi, il s'agissait simplement d'une poursuite pour ne pas avoir déclaré une entrée à l'ASFC. Aucune autre activité criminelle n'a été observée.
Le sénateur Tkachuk : J'essaie seulement d'obtenir un témoignage. Nous n'avançons pas d'hypothèses au sein de ce comité; il faut du moins éviter d'en émettre. Nous tentons d'entendre des témoignages.
En ce qui a trait aux incidents transfrontaliers violents, dans combien de cas par année un agent doit-il dégainer son arme?
Mme Hébert : Sénateur, depuis que nous avons commencé le déploiement d'agents armés à la fin juillet 2007, il y a eu 46 incidents où un agent a dégainé son arme, mais aucun n'a fait usage d'une arme à feu dans le cadre de ses fonctions.
Le sénateur Tkachuk : Comment comparez-vous la situation actuelle à l'époque où les agents n'étaient pas armés? Croyez-vous que ce nombre réduit d'incidents est dû à la prévention ou au fait que les gens savaient qu'ils étaient armés? Ces chiffres sont plutôt bas. Y a-t-il déjà eu un problème grave auparavant?
Mme Hébert : Je ne peux pas comparer la situation à la période antérieure à juillet 2007, mais les Canadiens et les autres savent très bien que les agents sont armés. En fait, beaucoup de gens présument qu'ils l'ont toujours été. La formation que nous donnons à nos agents est unique. Ils sont capables de réagir à tous les incidents et, nous l'espérons, à les désamorcer.
Le président : J'aimerais clarifier ceci. La dernière fois que vous êtes venue témoigner, vous nous avez donné des renseignements sur une période de six mois plutôt que sur une période d'un an, si je me souviens bien. Est-ce ce dont vous vous souvenez?
Mme Hébert : À vrai dire, monsieur le président, j'ai témoigné devant le comité plusieurs fois. Je ne me souviens pas de ce que j'ai pu dire la dernière fois ou une autre fois, mais je suis certaine d'avoir parlé du défaut d'arrêt à la douane auparavant.
Le président : Pourriez-vous nous transmettre par écrit le nombre de manquements qui ont eu lieu au cours des dix dernières années?
Mme Hébert : Je ne pourrai probablement pas vous fournir de données couvrant les dix dernières années.
Le président : Quelle période serait plus raisonnable pour vous?
Mme Hébert : Nous compilons ces statistiques depuis trois ans. Je pourrais vous les fournir.
Le président : Si vous pouviez les transmettre à la greffière, vous seriez la bienvenue. Je vous en remercie.
Le sénateur Campbell : C'est intéressant. J'ai lu votre rapport et j'ai noté qu'il s'agit d'une organisation jeune et qui croît rapidement. C'est essentiellement ce que vous avez dit. J'aimerais d'abord revenir au défaut d'arrêt à la douane pour que tout soit bien clair. Là n'est pas le plus important. Je ne sais pas de qui vient l'idée, mais 415 cas sur 35 millions, disons, même s'il y a deux personnes dans la voiture, ce n'est rien. Ce n'est même pas considérable. L'idée que nous perdrions du temps à former des agents à effectuer des poursuites tandis que nous ne sommes même pas capables de les former tous assez rapidement à l'utilisation des armes constitue une habile diversion.
L'une des difficultés dont nous a parlé le témoin précédent, c'est que le syndicat est extrêmement déçu de constater que le gouvernement a choisi d'exclure délibérément l'ASFC de l'entente canado-américaine Shiprider. Je reviens donc à cette organisation, qui se dit jeune et en croissance rapide. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi il en est ainsi? Je vous ferai peut-être part de mon point de vue par la suite.
Mme Hébert : Je vais commencer, et ma collègue pourra peut-être ajouter ses propres observations.
L'Agence des services frontaliers du Canada veille à l'observation des lois frontalières aux points d'entrée. Elle n'est pas chargée de les appliquer entre les points d'entrée. C'est un point intéressant qu'il faut garder à l'esprit.
Le sénateur Campbell : Cela témoigne-t-il d'un désir de patrouiller le long de la frontière, comme le font les Américains? Est-ce là l'intention? C'était la position du syndicat, notamment.
Mme Hébert : Je doute d'être bien placée pour interpréter l'intention du syndicat.
Mme Johnston : Je n'ai rien d'autre à ajouter.
Le sénateur Campbell : Si je ne me trompe pas, 4 800 agents armés seront formés d'ici à 2016.
Mme Hébert : C'est exact, sénateur.
Le sénateur Campbell : Vous présumez qu'il n'y aura que 4 800 agents en 2016, mais vous en avez embauché 400 de plus ou, si je comprends bien, vous êtes en processus de recrutement.
Mme Hébert : Tout à fait.
Le sénateur Campbell : Qu'est-ce qui nous dit qu'il n'y aura pas 6 000 ou même 6 500 agents d'ici là? À ce rythme, il vous sera probablement impossible de tous les former, à moins que vous ne prévoyiez établir un nouveau centre de formation, en plus de ce qui est déjà prévu.
Mme Hébert : Lorsque le gouvernement a annoncé cette initiative en 2006, nous avons fait cette estimation en fonction du nombre d'agents que nous pensions avoir au sein de notre organisation et des responsabilités résultant de l'utilisation d'armes à feu. Chose certaine, si le gouvernement décide d'augmenter le nombre d'agents, nous agirons en conséquence.
Le sénateur Campbell : En fait, les 4 800 agents sont prévus pour 2016.
Mme Hébert : D'après ce que nous savions en 2006, c'est le nombre que nous envisagions pour 2016.
Le sénateur Campbell : Qu'en est-il maintenant?
Mme Hébert : Il en est toujours ainsi. Il y a néanmoins une certaine marge de manœuvre, selon la façon dont nous affectons les ressources, entre autres. Ce qu'il faut retenir, essentiellement, c'est que nous mettrons en œuvre l'initiative d'armement des agents aux endroits convenus par le gouvernement en 2006, mais nous nous en tiendrons à ce nombre.
Le président : Si j'ai bien compris, le gouvernement a autorisé le recrutement de 400 nouveaux agents sur une période de cinq ans. Savez-vous si on a autorisé d'autres augmentations d'effectifs au sein de l'ASFC?
Mme Hébert : Monsieur le président, comme vous dites, on a prévu d'octroyer des fonds pour recruter 400 nouveaux agents afin de supprimer les situations de travail en solitaire. Ces 400 agents font partie des 4 800 dont nous avons déjà discuté.
Le gouvernement a affecté des ressources à plusieurs plans. Cependant, si vous vous intéressez principalement aux agents armés des services frontaliers, c'est la seule augmentation à laquelle je peux penser en ce moment.
Le président : Mis à part les 400 agents qui permettront d'éliminer les situations de travail en solitaire, j'avais l'impression que l'ASFC n'augmentait pas son effectif.
Est-ce que je me trompe? Le gouvernement a-t-il déployé des ressources ailleurs?
Mme Hébert : Absolument. Le gouvernement a notamment autorisé des ressources au sein de notre programme d'exécution de la loi. Ma collègue pourrait peut-être vous en dire davantage à ce sujet.
Mme Johnston : Par exemple, pas plus tard que l'année dernière, le gouvernement a accordé des fonds supplémentaires afin de lutter contre la fraude, particulièrement la fraude en matière d'immigration. Par conséquent, d'autres ressources se sont ajoutées à nos agents d'intégrité des mouvements migratoires à l'étranger. Nous avons créé 12 autres postes. De plus, nous avons affecté d'autres ressources à la détection de la fraude intérieure. Ce ne sont que quelques exemples pour vous démontrer où le gouvernement est intervenu et où nous avons reçu des ressources additionnelles.
Le président : Pourrions-nous obtenir une liste du nombre de programmes mis en place et du nombre de personnes qui y sont associées?
Mme Johnston : Absolument.
Le président : Merci beaucoup.
Le sénateur Lang : Je tiens d'abord à vous souhaiter la bienvenue ce soir. Je suis conscient que nous vous faisons travailler plus tard que d'habitude.
J'ai posé une question aux témoins précédents. Je pense que c'est une question sur laquelle devrait se pencher l'administration. J'aimerais savoir comment un citoyen ordinaire s'y prend pour aviser l'administration qu'il n'a pas été bien servi à l'un des divers postes frontaliers.
On a rapporté certains cas dans le Nord par le passé. Par contre, je sais que certains membres du personnel abusent de leur pouvoir, ce qui peut rendre le passage à la frontière très désagréable. Je sais aussi que la plupart des gens ne s'en plaignent pas car ils ont tendance à croire que cela ne servira à rien et que le processus sera beaucoup trop long. Vous n'êtes donc jamais réellement au courant des incidents qui surviennent.
Avez-vous déjà envisagé d'annoncer un site Web sur lequel les gens pourraient vous faire part de leurs préoccupations? Évidemment, si on ne rapporte qu'un seul cas, la situation n'est pas dramatique. Toutefois, si vous recevez 20, 30, voire 40 plaintes en peu de temps, vous pourrez en déduire qu'il y a un problème et tenter d'y remédier.
À l'inverse, a-t-on songé à faire cela du côté américain de la frontière? Ce serait particulièrement important. Je peux vous dire que je n'aime pas aller aux États-Unis parce que je dois en revenir — l'expérience du côté américain peut également être désagréable.
Y avez-vous déjà pensé?
Mme Hébert : Si vous me le permettez, je vais répondre à votre question en deux temps. Je vais parler, d'une part, des mécanismes qui sont en place pour permettre aux gens d'exprimer leur insatisfaction et, d'autre part, des initiatives que nous mettons en œuvre pour garantir une expérience agréable aux voyageurs.
Tout d'abord, les voyageurs ont divers moyens de nous faire savoir qu'ils ne sont pas satisfaits. Personnellement, je considère que c'est très utile à des postes où des gestionnaires sont sur place, certainement aux postes frontaliers de grande ou de moyenne importance — aux postes frontaliers terrestres ou aux aéroports — puisque les voyageurs peuvent s'adresser directement aux superviseurs et s'entretenir avec eux. Par conséquent, si un incident survient, cela procure au voyageur une satisfaction immédiate.
Il va sans dire que nous recevons de nombreuses lettres. Les gens peuvent également nous faire part de leurs préoccupations sur notre site Web. J'ai trois façons de recueillir des commentaires auprès des voyageurs. J'ai des conversations avec eux, on nous adresse des lettres, à moi et à d'autres membres de l'équipe de gestion, et on nous envoie des courriels sur notre site web. Nous tenons compte de tous les commentaires. Les agents sont au courant des plaintes et prennent des mesures correctives au besoin.
Par ailleurs, nous aimerions mener certaines activités au sein de l'agence. Il y a ce que nous appelons notre initiative sur la courtoisie à la frontière. Si vous vous présentez prochainement à l'un des importants postes frontaliers, il est probable que vous deviez remplir un questionnaire sur votre niveau de satisfaction. Nous voulons nous assurer que les agents comprennent les attentes, non seulement à l'égard de leurs responsabilités découlant du programme, mais aussi du respect des voyageurs et des autres entités avec lesquelles ils doivent interagir. Nous voulons aussi améliorer la formation dispensée aux agents pour nous assurer qu'ils sont bien outillés et en mesure de composer avec des situations qui peuvent parfois être conflictuelles. Nous sommes à élaborer un plan à cet effet.
Le sénateur Lang : C'est très bien. Dans un tout autre ordre d'idées, j'aimerais parler de la situation des demandeurs de statut de réfugié déboutés. Comment réussissez-vous à renvoyer des demandeurs déboutés? Prenez-vous des nouvelles mesures? Vous pourriez peut-être nous décrire brièvement la situation.
Mme Hébert : Ma collègue peut très bien répondre à cette question, sénateur.
Mme Johnston : Sénateur Lang, nous renvoyons du Canada près de 12 000 personnes par année. Celles-ci ont perdu tout droit légal de demeurer au pays. La grande majorité d'entre elles — plus de 90 p. 100 — ont vu leur demande de statut de réfugié rejetée.
Cela dit, le nombre de demandeurs déboutés est encore plus élevé et se chiffre probablement à 18 000. Par conséquent, chaque année, il y a 6 000 personnes que nous n'arrivons pas à expulser, ce qui fait en sorte que l'arriéré continue de s'accroître.
Souvent, lorsqu'on annonce aux demandeurs de statut de réfugié qu'ils n'ont plus le droit de rester au pays, ils disparaissent. Cela dépend depuis combien de temps ils vivent ici car, compte tenu des délais de traitement, leur demande de statut peut être en suspens pendant un certain temps — voire plusieurs années.
Enfin, lorsqu'on les informe du rejet de leur demande, ces personnes interdites de territoire ont tendance à disparaître ou à se cacher. C'est ce qui explique l'augmentation du nombre de mandats de l'Immigration. C'est d'ailleurs ce qu'a signalé la vérificatrice générale dans le chapitre 7 de son rapport sur les détentions et les renvois. Nous savons que le nombre de mandats s'élève à 44 000. La grande majorité d'entre eux viseraient des demandeurs de statut de réfugié déboutés.
Le sénateur Lang : Si j'ai bien compris, il y a 44 000 personnes interdites de territoire au Canada?
Le sénateur Banks : Nous ignorons l'endroit où elles se trouvent.
Le sénateur Lang : Si ces personnes n'ont pas quitté le pays lorsqu'elles devaient le faire, nous pouvons supposer qu'elles sont au nombre de 44 000, n'est-ce pas?
Mme Johnston : Nous avons récemment mené un intéressant projet pilote dans le cadre duquel nous avons déployé diverses ressources et employé les grands moyens pour trouver les individus faisant l'objet d'un mandat. Nous avons sollicité l'aide du service américain des douanes et de l'immigration et avons vérifié dans leurs bases de données la liste des noms de personnes que nous recherchions.
Ce qui est intéressant, c'est que ce projet nous a permis de découvrir qu'environ la moitié d'entre eux avaient quitté le pays et se trouvaient aux États-Unis.
Le sénateur Lang : Illégalement.
Mme Johnston : Je ne peux pas me prononcer sur leur statut aux États-Unis, mais il est probable qu'ils y vivaient illégalement.
Par conséquent, de concert avec nos homologues américains, nous avons entrepris de comparer tous nos renseignements avec ceux de leur base de données pour déterminer combien de dossiers nous pourrions clore si, en fait, nous savons que ces gens vivent actuellement aux États-Unis.
Le sénateur Lang : Faisons une moyenne. Aux fins de la discussion, supposons que 22 000 personnes se trouvent au Canada, puis que 22 000 autres ont quitté le pays. Prenons-nous de nouvelles mesures ou adoptons-nous différentes approches pour trouver ces 22 000 personnes qui résident ici illégalement et qui ne répondent pas aux critères de citoyenneté canadienne?
Mme Johnston : Absolument. Nous renforçons notamment notre initiative d'exploration de données. Nos services de renseignement nous aident énormément à localiser ces gens dont on a perdu la trace. Toutefois, la plupart de ces renseignements sont de source ouverte et proviennent d'Internet. Nous essayons donc d'affiner nos techniques de recherche au moyen de nos divers systèmes de bases de données.
Nous aimerions également conclure des ententes d'échange de renseignements avec des ministères provinciaux, entre autres, afin de vérifier s'ils ont de l'information sur ces gens dans leurs bases de données, par exemple, concernant l'aide sociale.
Cette communication de renseignements nécessite une entente officielle d'échange de renseignements, et c'est ce que nous aimerions conclure pour nous aider à localiser ces personnes interdites de territoire.
Le sénateur Lang : Avez-vous fait des démarches auprès des provinces? Avez-vous conclu une entente avec une province en particulier ou êtes-vous sur le point de le faire?
Mme Johnston : Nous avons établi un contact avec ces provinces, mais nous n'avons conclu aucune entente formelle.
Le sénateur Lang : Avez-vous eu un accueil favorable?
Mme Johnston : Dans certaines provinces.
Le sénateur Manning : Pouvez-vous nous dire combien d'agents de l'ASFC sont des femmes? Au total, combien y a- t-il de femmes à l'ASFC?
Mme Hébert : Sénateur, faites-vous référence à l'effectif total de l'ASFC?
Le sénateur Manning : Oui, parmi les agents de première ligne.
Mme Hébert : Les agents en uniforme?
Le sénateur Manning : Oui.
Mme Hébert : Il y a environ 5 500 agents en uniforme aux premières lignes. Je n'ai pas les chiffres exacts, mais je sais que depuis l'été 2008, environ 50 p. 100 d'entre eux sont des femmes. Notre effectif est certainement représentatif de la société canadienne.
Le sénateur Manning : Votre effectif compte beaucoup plus de femmes qu'il y a quelques années. Qu'avez-vous fait pour encourager les femmes à s'engager chez vous? Est-ce qu'une initiative particulière a été mise en place à cet effet?
Mme Hébert : Au cours des dix dernières années, je dirais, nous avons redoublé d'efforts pour nous assurer que notre effectif soit représentatif de la société canadienne, et nous avons tenté d'embaucher davantage de femmes, de membres des minorités visibles, d'Autochtones et de personnes handicapées. Je crois que les progrès ont été réalisés sur une période passablement longue.
Le sénateur Manning : Il suffit de jeter un coup d'œil aux nombreux secteurs du pays pour se rendre compte que ce sont là des chiffres impressionnants. Il est formidable de pouvoir atteindre une proportion de 50-50.
D'après le rapport de 2006 et les témoignages fournis au comité à ce moment-là, et j'espère que je ne me trompe pas, on dénombrait au Canada 138 postes où les agents travaillaient seuls. Je sais que d'importants investissements ont été faits dans le cadre du budget de 2006 pour remédier à ce problème.
Selon les témoignages recueillis par le comité à l'époque — je n'y étais pas —, on prévoyait qu'il faudrait environ trois ans pour éliminer tous les postes où les agents doivent travailler seuls au Canada. Aujourd'hui, en 2009, avons- nous atteint cet objectif? Sinon, où en sommes-nous?
Mme Hébert : Nous avons fait beaucoup de progrès et nous sommes sur la bonne voie. Si vous me le permettez, je tiens à préciser que vous aviez absolument raison de dire qu'il y avait 138 postes de ce genre au pays. Toutefois, ce nombre inclut les ports où les agents doivent travailler seuls tout au long de leur quart de travail, mais aussi ceux — par exemple, les grands aéroports — où les agents travaillent seuls dans la zone commerciale entre minuit et 8 heures. Les agents ne travaillaient pas toujours seuls dans ces 138 postes.
La situation s'est améliorée. Comme vous l'avez indiqué, le gouvernement a annoncé en août 2006 des investissements visant à remédier à la situation. Nous avons élaboré un plan afin d'éliminer, d'ici le 31 mars 2011, les quarts de travail ou les postes où les agents doivent travailler seuls. Nous avons essentiellement entrepris la mise en œuvre de ce plan en 2007.
Au 31 mars 2009, nous avions parcouru exactement la moitié du chemin. Nous avons embauché 200 personnes pour corriger la situation, et 69 de ces postes ou quarts de travail ont été éliminés. Nous sommes sur la bonne voie pour atteindre l'objectif que nous nous sommes fixé pour le 31 mars 2011.
Je crois que la mise en œuvre de notre plan s'avérera plus ardue vers la fin, en raison des besoins en infrastructure, notamment la construction de résidences, mais nous sommes déterminés à atteindre notre but.
Le sénateur Manning : La province de Terre-Neuve-et-Labrador compte plusieurs ports d'entrée. Je sais que beaucoup d'améliorations ont été apportées aux aéroports, aux ports d'entrée et à d'autres postes frontaliers au cours des dernières années. Nous en avons d'ailleurs discuté aujourd'hui.
Pouvez-vous nous donner une petite idée de ce qu'était la situation des ports maritimes il y a cinq ans par rapport à ce qu'elle est aujourd'hui? On semble s'inquiéter de la vulnérabilité des ports de mer comme points d'entrée, qui, contrairement aux aéroports, ne permettent pas une intervention directe; certains ports maritimes ne sont peut-être pas à la hauteur.
Mme Hébert : Je vais tenter de répondre à votre question, monsieur le sénateur. Bon nombre des préoccupations soulevées et des recommandations formulées par ce comité concernent peut-être plus directement d'autres partenaires de la fonction publique que l'Agence des services frontaliers du Canada.
Le sénateur Manning : J'aimerais soulever un point qui concerne ma province d'origine, Terre-Neuve-et-Labrador. J'ai ici une citation qui avance que la pénurie de ressources à Terre-Neuve-et-Labrador est devenue une source de grande inquiétude. Beaucoup de gens ignorent qu'au Canada atlantique, 93 p. 100 des vols privés internationaux atterrissent à Terre-Neuve-et-Labrador, cela comprend les vols en provenance des États-Unis et d'outre-mer. Le nombre d'atterrissages imprévus et non annoncés ne cesse d'augmenter. On nous dit aussi qu'on abuse du programme CANPASS, ce qui n'était évidemment pas le but, et que souvent on ignore le nombre de passagers à bord de ces vols et qu'on ne connaît pas non plus leur identité.
Est-ce que votre organisation s'est penchée sur ce problème?
Mme Hébert : Vous avez raison, sénateur. Il y a énormément d'activité à Terre-Neuve. Je suis d'accord avec vous pour dire que probablement bien des gens ne réalisent pas l'ampleur du trafic aérien là-bas.
Je ne serais toutefois pas prête à affirmer que le programme CANPASS n'a pas atteint son objectif. D'après ce que j'ai vu, c'est un programme très efficace.
Le sénateur Manning : Pouvez-vous nous donner une idée de la façon dont vous vous y prenez pour assurer un suivi quant au nombre de personnes qui ont recours à CANPASS et pour déterminer à quel point le programme est efficace? D'autres intervenants nous disent qu'il ne produit pas les résultats escomptés, mais vous affirmez le contraire. Je détiens peu d'information pour appuyer l'une ou l'autre de ces affirmations.
Mme Hébert : Je vais tenter d'apporter certaines précisions.
Le nombre de personnes inscrites au programme CANPASS a diminué récemment. Je crois que cette diminution s'explique par le fait que de plus en plus de gens profitent de notre programme NEXUS, un programme binational établi conjointement avec les États-Unis et offert dans huit grands aéroports, 16 postes frontaliers terrestres et 450 postes de déclaration maritimes répartis dans l'ensemble du pays. CANPASS est un programme strictement canadien, alors beaucoup de gens ont choisi de se tourner vers le programme binational.
Ceci dit, même si nous comptons moins d'inscriptions depuis quelques années, je continue de croire que CANPASS est un programme efficace, parce qu'il offre aux Canadiens un programme de facilitation permettant d'accroître le niveau de sécurité au pays, car nous procédons à une évaluation des risques avant d'accorder une carte à qui que ce soit.
Le sénateur Manning : J'aimerais aussi vous poser une question sur la formation que reçoivent les agents. On nous a dit qu'on avait mis en place un programme de formation de neuf semaines suivant un exercice d'initiation en ligne de deux semaines, le tout suivi par une formation de deux ou trois semaines en milieu de travail. Je crois que tout cela a été implanté il y a quelques années à peine. Croyez-vous que vos agents sont suffisamment bien formés pour gérer les situations qui se présentent à eux dans les postes frontaliers? D'autres témoins nous ont affirmé que la formation n'était peut-être pas suffisante. D'après votre expérience, est-ce exact de dire que la formation n'est pas adéquate?
Mme Hébert : Vous avez très bien résumé les trois phases de notre programme actuel de recrutement et de formation, monsieur le sénateur. Les recrues complètent le volet en ligne de la formation avant de se présenter à notre établissement d'enseignement. Vous avez raison, le programme actuel s'échelonne sur neuf semaines, période suivie d'une formation en milieu de travail. Une fois les recrues arrivées au port d'entrée qui leur a été assigné, on les regroupe encore pour quelques semaines, comme vous l'avez indiqué, afin de leur transmettre d'autres informations et de revoir certains points avec elles.
À bien des égards, le programme de 14 semaines n'était pas tellement plus long que celui que nous offrons actuellement, puisque nous avons simplement divisé les différents segments de formation. Des employés m'avaient fait savoir qu'ils trouvaient le programme de 14 semaines trop long et qu'ils préféraient suivre leur formation par segments. Ils avaient ainsi le sentiment de pouvoir mieux assimiler la matière. Nous avons constaté que ce type de formation était plus utile pour les employés, particulièrement le volet en milieu de travail. Les personnes qui n'ont jamais travaillé comme agent de première ligne sont envoyées au point d'entrée qui leur a été assigné, puis sont ramenées dans un contexte d'apprentissage, où elles peuvent poser des questions propres à leur situation. C'est une façon de faire qu'apprécient beaucoup nos recrues.
J'ajouterais que la formation que nous offrons ne se limite pas à cela. Ces trois segments composent certainement le programme de formation de nos recrues, mais nous offrons plusieurs autres choses. Nous avons déjà parlé de notre programme de formation sur l'armement à votre comité. Nous nous assurons évidemment d'offrir aux agents une formation sur la diversité et sur les programmes. L'agent qui suit cette formation en trois volets à l'intention des recrues n'entendra probablement pas beaucoup parler du travail dans un contexte commercial, un aspect extrêmement technique et complexe. Ceux qui sont appelés à travailler dans ce milieu reçoivent une formation supplémentaire lorsqu'ils ont complété leur formation initiale. Nous offrons des formations complémentaires aux agents qui doivent administrer des programmes spéciaux.
Je tiens à souligner que le programme de recrutement est extrêmement important et que nous tâchons d'y apporter des correctifs régulièrement. Nous recueillons les commentaires des agents, des gestionnaires et des formateurs afin de déterminer s'il est nécessaire d'apporter des améliorations. Nous entreprenons un examen cette année justement pour décider si le programme doit subir des changements en 2010. Il évolue constamment.
Le sénateur Manning : Est-ce qu'à un moment ou un autre au cours de la formation de neuf semaines on parle des relations publiques et des problèmes de nature délicate qui peuvent survenir quand on traite avec des individus? J'ai moi-même été témoin de scènes plus ou moins gracieuses à des postes frontaliers. Est-ce que la formation porte strictement sur les règles et les règlements? Offrez-vous une formation sur la sensibilité, par exemple pour apprendre à traiter avec des personnes en fauteuil roulant?
Mme Hébert : Nous tâchons d'enseigner à nos recrues quelques trucs du métier pour les aider à engager une conversation et à désamorcer certaines situations. La situation que vous me décrivez, c'est-à-dire comment faire preuve d'humanité dans nos échanges avec les voyageurs, est abordée dans la formation offerte aux recrues. Je crois que l'initiative sur la courtoisie à la frontière, dont j'ai parlé plus tôt, est un autre outil qui peut nous permettre de réitérer le message que vous venez de lancer.
Nous avons mentionné plus tôt que des voyageurs s'étaient plaints que leur expérience n'avait pas été entièrement satisfaisante. Nous veillons à rappeler nos attentes en matière de comportement à tous les agents qui font l'objet d'une plainte.
Le sénateur Manning : Je comprends. Toute la formation du monde ne pourrait pas changer la personnalité de quelqu'un, mais il est important que les agents fassent preuve d'un minimum de sensibilité, particulièrement à l'égard des personnes âgées qui voyagent. Je vous remercie de vos commentaires.
Le sénateur Carstairs : Si le comité souhaite lever la séance, je suis disposée à renoncer à mes questions.
Le président : Il nous reste quelques minutes.
Le sénateur Carstairs : Je serai brève. Si j'avais à mettre un bémol, je dirais que je n'aime pas voir les agents des services frontaliers armés. Ces neuf semaines plus deux et je ne sais plus combien d'autres ne sont absolument pas suffisantes pour que les agents soient affublés de quelque arme que ce soit. Mais cela demeure mon opinion personnelle.
On nous a dit plus tôt que des femmes avaient choisi de se retirer parce qu'elles ne voulaient pas travailler armées. Avez-vous des statistiques à nous donner à ce sujet?
Mme Hébert : Non, madame le sénateur, je n'ai pas de statistiques là-dessus. Je pourrais toutefois vous donner un peu de contexte en réponse à votre question. Je pense que bien des gens savent à quel point je tiens à maintenir un effectif représentatif. Je suis attentive au nombre de femmes, de même qu'au nombre de membres des autres groupes visés par l'équité en matière d'emploi, qui posent leur candidature aux postes d'agent de première ligne. J'ai indiqué plus tôt que les dernières données, qui datent de l'été passé, montraient que trois de ces quatre groupes étaient bien représentés au sein de notre effectif. Je continue à tout mettre en œuvre pour que nous puissions maintenir cette représentativité.
Je sais que lors du processus de sélection de nouveaux employés, certains signes pouvaient laisser croire que moins de femmes avaient posé leur candidature. J'ai assuré un suivi à cet égard, et j'ai constaté que des données subséquentes ne confirmaient pas cette tendance. Je prends bonne note de votre commentaire et je partage cette préoccupation implicite, c'est-à-dire que nous devons veiller à ce que notre effectif continue d'être représentatif.
Le sénateur Carstairs : Je voyage souvent à l'étranger, et je trouve les agents des services frontaliers extrêmement professionnels. Je peux vous dire que j'ai déjà eu des expériences moins que satisfaisantes aux barrières de sécurité dans les aéroports, mais ce n'est jamais arrivé avec les agents des services frontaliers.
Je me dois toutefois de mettre en doute l'étendue de la formation qu'ils reçoivent, surtout si on ajoute à leur mandat des responsabilités relatives à l'immigration et à l'inspection des aliments. Prévoit-on offrir une formation plus complète à nos agents des services frontaliers? Vous savez sans doute que pour la plupart des voyageurs qui arrivent au Canada, le premier Canadien qu'ils rencontrent, c'est l'agent des services frontaliers. Il est donc très important que ces derniers soient compétents et bien formés.
Mme Hébert : Je suis d'accord avec vous, madame le sénateur. C'est un privilège pour l'ASFC de créer cette première impression du Canada, mais il s'agit d'une énorme responsabilité. À l'ASFC, tout le monde prend cette responsabilité et ce privilège très au sérieux.
Je tiens à préciser que la formation dont je vous parlais plus tôt est celle qui s'adresse aux nouvelles recrues. Elle est complétée par d'autres formations, notamment sur les activités commerciales, comme dans l'exemple que je vous ai donné. Nous offrons aussi une formation Web sur la diversité, qui s'ajoute au programme de formation des recrues. Le programme initial ne comprend pas non plus la formation sur l'armement, qui s'échelonne quant à elle sur trois semaines. Pour pouvoir porter une arme, un agent doit suivre la formation sur l'armement en plus de la formation donnée aux recrues.
Nous revoyons régulièrement nos programmes de formation pour nous assurer qu'ils répondent aux exigences actuelles des postes et aux besoins des employés. Vous avez fait mention des nouvelles responsabilités de l'ASFC relativement à l'inspection des aliments et de la santé des animaux et des végétaux. Nous avons ajusté notre formation initiale au cours des dernières années de façon à traiter de ces nouvelles responsabilités.
Est-ce que nous devrions en faire plus? C'est ce que nous tentons de déterminer dans le cadre de l'examen que nous avons entrepris. Il est possible qu'en 2010 des changements soient apportés à notre programme.
Le président : Au nom du comité, je tiens à vous remercier. Votre exposé était très intéressant. Vous avez abordé une vaste gamme de sujets. Nous vous remercions de votre présence ici ce soir, et nous sommes heureux que vous ayez accepté de nous aider dans le cadre de cette étude. Nous serons mieux préparés pour les visites que nous effectuerons dans différents ports, probablement au cours des mois de juillet et de septembre.
Si vous nous le permettez, nous aimerions vous faire parvenir d'autres questions si nous devions éclaircir de nouveaux détails.
Je rappelle aux membres du public qui nous écoutent qu'ils peuvent consulter notre site Web, au www.sen-sec.ca, s'ils ont des questions ou des commentaires. Nous y affichons les témoignages de nos invités, les rapports de notre comité, ainsi que les dates confirmées des audiences. Vous pouvez également communiquer avec la greffière du comité au 1-800-267-7362 si vous désirez obtenir de plus amples renseignements ou si vous avez besoin d'aide pour entrer en contact avec les membres du comité.
(La séance est levée.)