Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 5 - Témoignages du 5 mai 2009
OTTAWA, le mardi 5 mai 2009
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles s'est réuni aujourd'hui à 18 h 20 pour examiner les éléments suivants du projet de loi C-10, Loi d'exécution du budget de 2009 : les éléments concernant la Loi sur la protection des eaux navigables (partie 7).
Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, j'aimerais souhaiter la bienvenue à tous ceux qui sont présents dans cette salle ainsi qu'à ceux qui suivent nos délibérations sur le réseau CPAC et sur Internet.
J'aimerais tout particulièrement souhaiter la bienvenue à nos témoins de ce soir. Au centre se trouve Brian Jean, député; je me souviens l'avoir rencontré dans sa circonscription, à Fort McMurray-Athabasca, là où on exploite des sables bitumineux.
M. Jean a été élu pour la première fois à la Chambre des communes en 2004, et a été réélu en 2006 et en 2008. Il a été nommé secrétaire parlementaire du ministre des Transports, de l'Infrastructure et des Collectivités en février 2006. Avant d'entrer en politique fédérale, il a exercé le droit, enseigné au Collège Keyano, dirigé une entreprise et travaillé dans l'édition. Nous attendions impatiemment sa comparution devant notre comité. Il est accompagné de M. Roussel et de M. Osbaldeston, de Transports Canada, qui ont déjà comparu devant nous sur le même sujet.
C'est notre troisième réunion sur le projet de loi C-10, Loi d'exécution du budget de 2009, qui modifie la Loi sur la protection des eaux navigables. Ce projet de loi a été adopté par la Chambre des communes et par le Sénat et a donc aujourd'hui force de loi, mais il avait été convenu, lors de son adoption, que cette partie de la Loi sur la protection des eaux navigables, la LPEN, serait renvoyée à notre comité pour y être étudiée; notre rapport doit être déposé le 11 juin au plus tard.
Nous avons déjà eu plusieurs réunions sur le sujet, et nous aimerions tout particulièrement que vous nous expliquiez, Monsieur Jean, la position du gouvernement sur ce texte législatif et pourquoi il a été intégré au projet de loi C-10, et que vous nous donniez d'autres précisions qui nous permettront de mieux comprendre ce dont il retourne.
Il est assez inhabituel de devoir examiner une partie d'un projet de loi qui a déjà été adopté, mais nous prenons cela très au sérieux. Nous préparerons notre rapport en fonction des témoignages que nous aurons entendus, et il importe, bien entendu, que nous comprenions bien la position du gouvernement.
Je reconnais que M. Roussel et M. Osbaldeston nous ont déjà brossé un tableau assez précis de la situation, mais le témoignage de M. Jean va être capital.
Je m'appelle David Angus et je suis le président du comité. À ma droite se trouve le vice-président, le sénateur Grant Mitchell, qui vient d'une région située juste au sud de Fort McMurray. Sont également présents le sénateur McCoy, le sénateur Banks, le sénateur Brown, le sénateur Neufeld, le sénateur Lang et, à ma gauche, le sénateur Peterson, le sénateur Milne, le sénateur Sibbeston et le sénateur Spivak.
Nous serons prêts à vous poser des questions, et nous en avons un certain nombre, dès que vous aurez fait votre déclaration liminaire. Passons donc au vif du sujet.
Brian Jean, député, secrétaire parlementaire du ministre des Transports, de l'Infrastructure et des Collectivités : Je ne saurais vous dire combien je suis honoré de prendre la parole devant votre comité aujourd'hui, et je répondrai avec plaisir à vos questions dès que j'aurai terminé ma déclaration.
Je connais déjà un certain nombre d'entre vous, notamment le sénateur Mitchell et, bien sûr, le sénateur Angus, sans parler et des sénateurs conservateurs que je rencontre au caucus. J'ai eu l'occasion de parler à bon nombre d'entre vous au téléphone. Je vous remercie d'avoir la patience d'écouter ma déclaration. Je vous demande également de m'excuser de mon retard, mais il y avait un vote à la Chambre.
Je viens en effet de Fort McMurray, où j'habite depuis 44 ans. Je suis l'un des rares résidents à y vivre depuis que la population comptait environ 1 500 personnes; aujourd'hui, il y en a autour de 100 000. Depuis qu'on a commencé à exploiter les sables bitumineux, les procédés de raffinage se sont améliorés et on en extrait aujourd'hui davantage de pétrole que de bitume.
Sur une petite note historique, j'aimerais vous dire que l'avenue Jasper, ainsi que la Colline parlementaire, étaient, à une certaine époque, revêtues de bitume provenant des sables bitumineux de la région de Fort McMurray. Aujourd'hui, le pétrole des sables bitumineux sert à fabriquer de l'essence pour nos automobiles et sert aussi à produire de l'énergie.
Comme vous le savez, les modifications apportées à la Loi sur la protection des eaux navigables ont été intégrées au projet de loi C-10, Loi d'exécution du budget de 2009, et ce projet de loi a reçu la sanction royale le 12 mars dernier. Cette procédure, quoiqu'inhabituelle, était nécessaire étant donné la crise économique mondiale. Le Plan d'action économique du Canada prévoit des initiatives très ambitieuses pour stimuler l'économie, créer des emplois et aider les familles canadiennes. L'intégration desdites modifications dans la Loi d'exécution du budget était une décision du gouvernement.
L'un des volets de ce plan consiste à actualiser la Loi sur la protection des eaux navigables afin d'en accroître l'efficacité. En fait, cette loi n'avait pas été vraiment modifiée depuis les années 1880 et, si je me souviens bien, c'était l'une des deux plus anciennes lois du Canada. Il était temps que nous l'actualisions afin qu'elle réponde mieux aux besoins du XXIe siècle.
Pour vous donner une idée, la plupart des dispositions avaient été adoptées avant l'invention de l'avion; il était donc temps de les revoir. Les modifications qui viennent d'être adoptées simplifient et modernisent le processus de réglementation qui vise à protéger le droit du public d'emprunter nos voies d'eau. Je sais que plusieurs membres du comité ont reçu des centaines de courriels et de lettres de Canadiens qui s'inquiètent que les modifications adoptées ne nuisent à la navigation de plaisance et aux activités de plein air.
Je tiens à vous rassurer en vous disant que je pratique régulièrement le piégeage et que je consacre beaucoup de temps à des activités de plein air, notamment dans ma barque ou mon canot à moteur. J'ai suivi de près la préparation de ces modifications, du début jusqu'à la fin, et je suis convaincu qu'elles ne restreignent pas le droit du public d'emprunter les voies d'eau canadiennes, contrairement à ce que craignent les auteurs des lettres et les instigateurs d'une certaine psychose collective.
Je suis venu vous dire que ces modifications ne nuiront en aucune façon aux voies d'eau que nous chérissons depuis des générations. Et que ce soit bien clair : toute voie d'eau sur laquelle on peut faire flotter un canot est automatiquement couverte par la Loi sur la protection des eaux navigables.
Les modifications visent à simplifier le processus d'approbation et à réduire la paperasserie bureaucratique. La réalité est telle que nous devons nous adapter à un environnement marin complexe et en constante évolution, tout en étant efficaces dans un contexte de crise économique mondiale. Nous ne pouvions atteindre cet objectif qu'en actualisant la loi.
Chaque année, en moyenne, 2 500 Canadiens demandent un permis pour construire des équipements au-dessus, en dessous, en surface ou à l'intérieur d'une voie d'eau. On entend par « voie d'eau » tout plan d'eau sur lequel on peut faire flotter un canot, et c'est là que réside le problème. En vertu des modifications qui viennent d'être adoptées, la loi donnera à de grands ouvrages d'aménagement, comme le pont de la Confédération qui conduit à l'île du Prince- Édouard, le même statut qu'à une passerelle jetée sur un ruisseau qui reste sec la plupart du temps. Autrement dit, les deux types de constructions nécessiteront les mêmes niveaux d'inspection et d'approbation.
En fait, avant l'adoption de ces modifications, les formalités réglementaires étaient telles que, pour des projets tout à fait mineurs, cela revenait à enfoncer une punaise avec un marteau-pilon. Comme l'ont fait remarquer certains témoins devant notre comité, un fossé qui reste sec 362 jours par an était assujetti aux mêmes procédures d'approbation qu'un pont de grande envergure.
Notre gouvernement veut que l'argent du contribuable serve à réglementer des projets qui risquent de poser de vrais problèmes pour les Canadiens qui pratiquent la navigation. La nouvelle Loi sur la protection des eaux navigables permet de réglementer de tels projets, tout en exemptant des formalités d'approbation certaines catégories de voies d'eau et d'ouvrages, notamment les ouvrages qui n'entravent pas la navigation, comme une passerelle jetée sur un plan d'eau que toute personne raisonnable jugerait impropre à la navigation. Je veux surtout parler ici des ruisseaux qui restent secs la plupart du temps.
De cette façon, les inspecteurs du gouvernement pourront consacrer davantage de temps aux grands projets, au lieu de s'attarder sur des projets mineurs qui ne posent aucun problème substantiel. Et surtout, cela permettra d'accélérer les procédures d'approbation de projets qui, quelle que soit leur envergure, contribueront à la croissance économique de nos collectivités et, partant, à la prospérité générale du Canada.
Les dispositions de l'ancienne Loi sur la protection des eaux navigables ont souvent eu pour effet de retarder le lancement de projets d'infrastructure, et il est même arrivé que l'approbation des crédits nécessaires à des infrastructures cruciales n'arrive qu'après l'échéance de ces crédits. La nouvelle loi permettra de simplifier et d'accélérer ce processus d'approbation, tout en stimulant la création d'emplois et, partant, la croissance économique dans tout le pays.
La nouvelle loi nous permettra d'atteindre deux objectifs très importants : mieux protéger l'intérêt du public pour ce qui est des eaux navigables, et accélérer le processus d'approbation des grands projets d'aménagement.
Le président : Un autre collègue vient de se joindre à nous; il s'agit du sénateur St. Germain, de la Colombie- Britannique. Bienvenue, sénateur.
Le sénateur St. Germain : Merci beaucoup. Je suis ravi d'être ici.
M. Jean : Qu'il soit bien clair que notre gouvernement, tout en essayant de maintenir l'accès aux voies d'eau, n'a nullement l'intention de relâcher les normes de protection de l'environnement, et qu'il poursuivra au contraire ses efforts pour en maintenir la sécurité. En fait, le texte prévoit de nouvelles dispositions d'exécution de la loi, qui permettront au gouvernement d'imposer des amendes à ceux qui contreviennent à la Loi sur la protection des eaux navigables.
La loi initiale prévoyait une amende maximum de 5 000 $. Dans les années 1880, cette somme était loin d'être négligeable, mais de nos jours, on peut facilement l'inclure dans les dépenses courantes d'une entreprise. C'est donc inacceptable. Selon les nouvelles modifications adoptées, les amendes pourront aller jusqu'à 50 000 $ par jour, ce qui représente, à nos yeux, un puissant facteur de dissuasion.
Les modifications que nous avons apportées à la Loi sur la protection des eaux navigables ont été élaborées après de nombreuses consultations auprès des parties intéressées. J'aimerais profiter de l'occasion pour remercier les députés du Comité permanent de la Chambre des communes sur les transports, l'infrastructure et les collectivités de nous avoir soumis des recommandations bien documentées.
Je suis heureux de pouvoir vous dire que toutes ces recommandations ont été reconduites dans le projet de loi. En modifiant ainsi la Loi sur la protection des eaux navigables, le gouvernement a fait un grand pas en avant. En effet, nous réduisons les formalités bureaucratiques et nous permettons à des projets importants de démarrer, sans pour autant compromettre le respect des exigences environnementales et le droit des Canadiens de naviguer sur nos voies d'eau. Notre gouvernement a su prendre des mesures énergiques sur ce front, et ce n'est là que le début de notre plan d'action économique. Je suis prêt à répondre à toutes vos questions.
Le président : Les fonctionnaires ont-ils quelque chose à ajouter? Merci, Monsieur Jean. Je présume que vous êtes au courant des témoignages que nous avons entendus jusqu'à présent? Vous a-t-on breffé?
M. Jean : J'ai lu la plupart des courriels que j'ai reçus, et j'ai eu l'occasion de parler avec bon nombre de mes électeurs. Il y a quatre ans, j'avais proposé ce projet de loi, qui m'avait été suggéré par un de mes électeurs, au ministre libéral de l'époque, lequel m'avait répondu que la loi en vigueur ne posait pas de problème. J'ai donc représenté mon projet de loi au gouvernement actuel, qui en a saisi le comité.
C'est l'un des sujets les plus importants dont j'entends parler dans le Nord de l'Alberta, où la plupart des habitants de ma circonscription affichent fièrement leur amour pour la nature et leur passion pour la navigation. C'est ce que j'ai entendu dire par un grand nombre de mes électeurs et par tous les témoins qui ont comparu devant le Comité des transports. J'ai lu tous les courriels, et je comprends bien tous les aspects de la question.
Le président : Vous avez dit que vous aviez consulté les parties intéressées. Mais jeudi dernier, nous avons entendu des témoins qui n'étaient pas du même avis.
Le sénateur Spivak : J'ai plusieurs questions à poser, et je vais essayer d'être brève.
Premièrement, pourriez-vous nous expliquer un peu mieux pourquoi le gouvernement a décidé d'intégrer ces modifications à la Loi sur la protection des eaux navigables dans le projet de loi d'exécution du budget?
Pour que tout soit bien clair, je tiens à dire que M. Osbaldeston ne l'a pas nié. Lorsque le Comité des transports de la Chambre des communes a examiné le projet de loi, et que celle-ci l'a adopté, ils ont tous promis à l'industrie des loisirs et du tourisme que des audiences publiques seraient organisées avant l'adoption du projet de loi. Or, le gouvernement a tout simplement intégré le texte dans la Loi d'exécution du budget.
La première critique que nous avons entendue à ce sujet était que les canotiers, les plaisanciers et les riverains n'avaient pas été consultés. Dans sa déclaration liminaire, M. Osbaldeston a donné la liste des groupes qui avaient été consultés, et il n'y avait pas un seul groupe de canotiers.
Pourriez-vous nous expliquer pourquoi le gouvernement était tellement pressé d'intégrer ces modifications dans la Loi d'exécution du budget? Certes, vous nous avez dit que l'objectif était de simplifier le processus, mais pourriez-vous être plus précis?
M. Jean : Je vais répondre à votre question. Premièrement, je vais me reporter à l'étude qui a été faite et à la liste des personnes qui ont été invitées à témoigner.
Le sénateur Spivak : J'en ai déjà pris connaissance, et le comité aussi.
M. Jean : Avez-vous vu que les utilisateurs de canots et de kayaks ont été invités à soumettre des mémoires?
Le sénateur Spivak : Mais ils ne l'ont pas fait.
M. Jean : Exactement.
Le sénateur Spivak : J'ai entendu dire qu'ils estimaient qu'ils n'avaient pas eu assez de préavis. Quoi qu'il en soit, pourriez-vous nous expliquer pourquoi le gouvernement était aussi pressé d'agir?
M. Jean : Je crois que ce projet de loi a été intégré à la Loi d'exécution du budget parce qu'il était nécessaire d'intervenir rapidement étant donné la crise économique mondiale; autrement dit, il était urgent de stimuler l'économie par des investissements dans les infrastructures, notamment dans les ponts et les routes. Étant donné que le Canada renferme environ le tiers des ressources d'eau de la planète, il est quasiment toujours nécessaire, pour la construction de ces infrastructures, d'enjamber ou de longer un plan d'eau quelconque. Les fonctionnaires pourraient vous donner plus de détails, mais je sais qu'en moyenne, le processus d'approbation est tel qu'il faut entre 12 et 20 mois pour obtenir un permis.
Pour certains projets mineurs, il suffirait d'un simple tampon d'approbation du ministère, mais l'ancienne loi exigeait que tous les projets soient assujettis à toutes les formalités bureaucratiques. Notre gouvernement a jugé préférable d'exempter ces projets mineurs des formalités bureaucratiques.
Le sénateur Spivak : Je me permets de vous faire remarquer, Monsieur Jean, qu'on ne construit pas des ouvrages sur un fossé de trois pieds d'eau. Même avec l'ancienne loi, il était possible d'éviter certaines évaluations environnementales.
J'aimerais être sûre de bien comprendre ce que vous dites. S'il s'agit d'un projet d'envergure, estimez-vous que, vu la nécessité de stimuler l'économie, nous n'avons plus besoin de consulter ou de surveiller la situation?
M. Jean : Pas du tout.
Le sénateur Spivak : Bien. Comment allez-vous simplifier le processus?
M. Jean : La nouvelle loi considère tous les plans d'eau comme des eaux navigables. Selon la définition, « eaux navigables » incluait tous les plans d'eau, y compris le fossé qu'avait creusé un fermier dans sa cour il y a 60 ans. Par exemple, pour construire une passerelle au-dessus de ce fossé, il fallait passer par toutes les formalités d'approbation prévues dans la loi.
Notre gouvernement essaie d'officialiser les exemptions qui existaient déjà mais qui étaient quand même assujetties à un processus d'approbation lourd et coûteux.
Le sénateur Spivak : Bien. J'aimerais poser une autre question. Le ministre a maintenant le pouvoir de déterminer si, pour certains « ouvrages » et « voies d'eau », une évaluation environnementale est nécessaire. En d'autres termes, il y aura deux catégories d'ouvrages et de voies d'eau, et on pourra décider, par arrêté, que certains ouvrages et voies d'eau ne sont plus assujettis à la Loi sur les textes réglementaires. L'exemption de ces ouvrages et voies d'eau accélérera leur approbation, certes, mais les projets en question ne seront plus assujettis à des examens, à des formalités d'approbation et à des évaluations parlementaires. De plus, le pouvoir du ministre ne se limite pas à des ouvrages secondaires; il pourrait s'agir d'ouvrages de grande envergure.
Pourriez-vous nous expliquer pourquoi il était nécessaire de procéder de cette façon? Voulez-vous dire que, pour ne pas perdre de temps, il faut tourner la Loi sur les textes réglementaires?
M. Jean : Absolument pas, Madame. Que je sache, cette surveillance va être maintenue pour les ouvrages d'envergure. Permettez-moi de vous rassurer en vous disant que l'entrée en vigueur de cette nouvelle loi ne compromettra en aucune façon l'intégrité des évaluations environnementales.
Que je sache, le pouvoir du ministre d'exempter certains ouvrages ou voies d'eau concerne, comme je l'ai déjà dit, ceux qui ne nécessitent déjà maintenant qu'un tampon d'approbation du ministère.
Le sénateur Spivak : Excusez-moi, je n'ai pas bien formulé ma question.
M. Jean : Je l'ai peut-être mal comprise, excusez-moi.
Le sénateur Spivak : Le ministre a le pouvoir de créer des catégories d'ouvrages et des catégories de voies d'eau, et il peut le faire sans tenir compte des exigences de la Loi sur les textes réglementaires. C'est ce qu'on nous a dit.
M. Jean : Je vais demander au représentant du ministère de vous répondre.
David Osbaldeston, gestionnaire, Programme de la protection des eaux navigables, Transports Canada : C'est exact. Cela a été jugé nécessaire étant donné la crise économique que nous traversons. On a estimé que le processus d'approbation de la LPEN était un élément important pour la construction et la réparation des infrastructures. De plus, pour ce qui est des grands projets d'infrastructure, ce dont nous parlons, il fallait simplifier le processus d'approbation afin que le financement prévu pour deux ans puisse être débloqué plus rapidement et donner des résultats.
Des arrêtés seront pris, en effet, qui finiront par être reconduits dans les règlements, ce qui constituera le processus de réglementation, et il y aura des consultations publiques.
Le sénateur Spivak : Permettez-moi encore une fois de m'assurer que j'ai bien compris. Toutes ces mesures sont prises par souci d'accélérer les choses, n'est-ce pas?
M. Osbaldeston : Les arrêtés permettront d'accélérer les choses, mais ils ne compromettront ni la sécurité de la navigation ni la protection de l'environnement.
Le sénateur Spivak : Certes, mais le Parlement n'a pas son mot à dire pour ce qui est de ces arrêtés. Le ministre a le pouvoir à lui seul de définir des catégories d'ouvrages et de voies d'eau.
M. Osbaldeston : C'est exact.
Le président : Permettez-moi de vous faire remarquer, Monsieur Osbaldeston, et à vous aussi, Monsieur Jean, que lorsque les représentants du ministère ont comparu devant nous le 22 ou le 23 avril derniers, ils nous ont promis de nous faire parvenir d'autres informations, notamment les 10 arrêtés qui ont été pris par le ministre Baird en vertu de cette loi.
M. Jean : Puis-je répondre à cela? J'ai reçu ces arrêtés, ils font partie du domaine public. Je peux en distribuer des exemplaires aux membres du comité. En fait, ils ont été imprimés il y a moins d'une heure. J'en ai quelques exemplaires que je peux faire distribuer.
J'aimerais dire au sénateur Spivak que c'est justement en raison de cette discrétion ministérielle que nous avons prévu un examen de la loi dans cinq ans.
Le sénateur Spivak : C'est trop loin. Excusez-moi, vous pouvez continuer.
M. Jean : C'est ce que j'allais dire, Madame. Je comprends votre préoccupation; d'autres personnes la partagent, et j'en fais partie.
Toutefois, dans ce contexte, j'estime que c'était nécessaire car il fallait intervenir rapidement, et pas seulement à cause de la crise économique mondiale. Ces projets étaient déjà approuvés dans le passé, mais ils étaient assujettis à toute une série de formalités. Par exemple, pour réparer le tablier d'un pont ou remplacer un pont existant, il fallait passer par tout le processus d'approbation.
Il me semble que, dans certains cas, c'est du gaspillage de temps et d'argent du contribuable. Permettez-moi de vous donner un exemple personnel. Comme vous le savez, je viens de Fort McMurray, qui a connu un taux de croissance spectaculaire. Mes électeurs mettent quatre heures pour faire 30 km à cause d'un pont qui enjambe la rivière Athabasca. Lorsqu'il y a un accident, ou n'importe quel embouteillage, ils doivent attendre deux heures à l'aller et deux heures au retour avant de retrouver leur famille. Normalement, ça devrait leur prendre environ 26 minutes.
Le processus réglementaire a finalement autorisé la réfection de ce pont il y a à peine un mois et demi. J'estime que c'est inacceptable car cela nuisait considérablement à la qualité de vie des habitants de ma circonscription. En fait, il y a deux ponts dans cette région, mais il en faudrait un troisième car on a besoin de cinq voies supplémentaires depuis trois ou quatre ans déjà.
Le président : Je vous remercie d'avoir apporté les arrêtés que nous sommes en train de distribuer aux membres du comité.
Le sénateur Milne : Je suis en train de parcourir rapidement ces arrêtés, et une autre question me vient à l'esprit.
Monsieur Jean, je vous remercie sincèrement de comparaître devant nous ce soir. Ma question est du même ordre que celle du sénateur Spivak. Elle est politique.
Les représentants du ministère qui ont comparu devant notre comité nous ont dit qu'ils travaillaient à la révision de cette loi depuis une vingtaine d'années. Dans sa hâte à faire adopter le projet de loi, le gouvernement n'a retenu qu'une partie des modifications envisagées par le ministère.
Qui a décidé de raccourcir encore davantage le processus et d'intégrer les modifications dans la Loi d'exécution du budget? Était-ce le ministre ou quelqu'un au-dessus?
M. Jean : Très franchement, votre question me dépasse un peu. Je ne suis pas dans le secret des dieux.
Le sénateur Milne : Même un simple secrétaire parlementaire doit savoir si c'est son ministre qui a pris la décision?
M. Jean : Très franchement, sénateur, je ne le sais pas. Mais si j'avais été à sa place, j'aurais pris la même décision.
Le sénateur Milne : Je voulais poser une question au sujet du canotage, mais je vais la garder pour un deuxième tour, éventuellement. L'autre aspect politique qui me préoccupe au sujet de ce projet de loi est qu'il donne autant de pouvoir au ministre. Si c'est un bon ministre, il ne s'en servira peut-être pas, mais qui sait si, à l'avenir, un ministre ne voudra pas exempter n'importe quel ouvrage des règlements environnementaux? Or, selon les modifications apportées à la loi, il sera habilité à le faire.
L'autre aspect qui me préoccupe est le fait que les règlements ne sont pas des règlements d'application. En effet, le paragraphe 327(12)(2.2) dit bien qu'il ne s'agit pas de règlements d'application et qu'ils ne peuvent pas être examinés par le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation. Le Parlement n'a donc aucun droit de regard. Tout dépend uniquement du ministre, et cette partie du projet de loi lui donne énormément de pouvoir.
M. Jean : Pour ce qui est des comités et de leur mandat, le règlement prévoit, sauf erreur de ma part, qu'un comité peut décider d'entreprendre une étude de sa propre initiative, et de faire des recommandations au gouvernement et à la Chambre sur quelque question que ce soit.
Je suis convaincu qu'une question aussi rattachée aux valeurs canadiennes que le droit de naviguer sur toutes les voies d'eau du pays revêt une grande importance pour tous les Canadiens. Si un grand nombre d'entre eux adressent des lettres ou des questions en ce sens à la Chambre des communes ou à leur député, le comité compétent pourra entreprendre une étude sur le sujet. En qualité de secrétaire parlementaire, je reçois beaucoup de questions que me soumettent des députés d'autres partis, mais, en dernière analyse, c'est le comité qui décide s'il veut entreprendre ou non un examen de la question.
Le sénateur Milne : Au Sénat, les comités ne peuvent pas examiner des questions dont ils n'ont pas été saisis, à l'exception du comité de la réglementation et du comité de la régie interne. Ce sont les deux seuls comités qui peuvent décider d'entreprendre une étude de leur choix. Les autres comités doivent avoir été saisis d'une question ou d'un dossier par le Sénat.
Je ne sais pas si cela s'applique au Comité d'examen de la réglementation, mais je sais que ce comité a déjà un grand nombre de règlements à examiner obligatoirement, et je serais donc fort étonnée qu'il décide d'en examiner d'autres.
M. Jean : J'ignorais cela, sénateur.
Le sénateur Milne : Ce projet de loi donne au ministre des pouvoirs énormes, et cela me préoccupe beaucoup.
Le sénateur St. Germain : J'aimerais avoir une petite précision. Avez-vous dit qu'un comité ne pouvait entreprendre l'examen d'une question qu'après en avoir été saisi par le Sénat?
Le sénateur Milne : Oui, et c'est le cas de votre comité.
Le sénateur St. Germain : Je me demandais simplement quelle était la question.
Le sénateur Milne : C'est ce que j'ai dit.
Le sénateur St. Germain : En fait, si nous voulons entreprendre une étude, nous pouvons nous adresser au Sénat. La façon de faire proposée par le secrétaire parlementaire est sans doute une bonne idée. Je suis sûr que nous pourrions obtenir un renvoi.
Le sénateur Milne : Malheureusement, comme vous le savez, sénateur, bon nombre de nos comités ont beaucoup de projets de loi à examiner; c'est notamment le cas du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui n'a même pas eu le temps de faire les examens quinquennaux réglementaires qu'il aurait dû faire.
Le sénateur St. Germain : Faites le ménage, sénateur; vous en êtes parfaitement capable.
Le sénateur Milne : C'est plutôt votre ménage que je suis en train de faire.
Monsieur Jean, vous êtes assis à côté d'un fonctionnaire qui a comparu devant notre comité il y a une semaine ou deux et qui m'a dit que, si je prenais place dans un canot dans un pied d'eau, je le ferais probablement couler. Puisque vous faites du canot, vous pouvez certainement lui dire que, lorsqu'on prend place dans un canot de 16 pieds, il s'enfonce d'à peu près deux pouces, et que si vous y placez une charge d'une tonne, il s'enfonce de quatre pouces au maximum.
Comme vous l'avez dit vous-même, les eaux navigables comprennent tous les plans d'eau du Canada c'est-à-dire tout ce qui a plus d'un pouce d'eau de profond. Il y a certaines dispositions du projet de loi qui m'inquiètent, par exemple, le fait que les 100 mètres en amont et en aval d'un ouvrage soient protégés. En canot, cette distance se fait très rapidement. On peut faire du canot sur tous les plans d'eau au Canada, et je pense donc que cette disposition est beaucoup trop générale.
Monsieur Osbaldeston, je crois que c'est vous qui m'avez dit cela.
M. Jean : Je voulais aussi vous expliquer, sénateur Spivak, pourquoi ces modifications ont été intégrées à la Loi d'exécution du budget. En fait, l'ancien budget libéral de 2005, celui de la 38e législature, était assorti du projet de loi C- 43, qui modifiait près de 20 textes législatifs. Il y a donc un précédent : cela a déjà été fait par des gouvernements différents. À titre d'exemple, je peux vous citer la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, la Loi sur la Fondation Asie-Pacifique du Canada, et la Loi de l'impôt sur le revenu. Des modifications importantes ont été apportées à ces lois au moyen de projets de loi d'exécution du budget.
N'oubliez pas que notre gouvernement veut s'assurer qu'aucun plan d'eau ne passe entre les mailles du filet, si je puis m'exprimer ainsi, et c'est pour cela que l'expression « eaux navigables » comprend tous les plans d'eau du Canada. Nous préférons faire des exceptions, plutôt que de définir « eaux navigables » d'une façon qui permettrait à certaines situations de passer entre les mailles du filet. C'est ainsi que nous réussirons à faire en sorte que les eaux navigables continuent de faire partie intrinsèque de notre culture canadienne, et également en autorisant les exemptions dont vous a parlé M. Osbaldeston.
Le sénateur Milne : La passerelle au-dessus du fossé du fermier.
M. Jean : En prévoyant des exemptions pour les projets qu'il était déraisonnable d'assujettir à toutes les formalités d'approbation.
Le sénateur Milne : Vous donnez trop de pouvoirs à un seul ministre.
Le président : Vous nous avez remis, il y a quelques instants, l'Arrêté sur les ouvrages et les eaux secondaires (Loi sur la protection des eaux navigables). L'un d'entre vous pourrait-il nous expliquer le contenu de ce document que vous nous avez remis dans les deux langues officielles? Il me semble qu'il n'y a là qu'un seul arrêté, alors que nous avions demandé dans notre lettre toute une liste de documents. Je tiens à ce que les choses soient clairement consignées au procès-verbal. Ce n'est pas la réponse à notre lettre, n'est-ce pas, Monsieur Osbaldeston?
M. Osbaldeston : Non. Nous sommes en train de réunir toutes les informations nécessaires pour répondre à votre lettre.
Le président : De quoi s'agit-il?
M. Jean : C'est l'exemple d'un arrêté ministériel qui vient d'être publié. Je tenais à vous l'apporter ce soir, dès son impression. J'ai appelé plusieurs membres du comité pour leur demander s'il y avait des choses qui les intéressaient en particulier, et certains m'ont demandé, entre autres, d'apporter ce document.
Le président : Je vous remercie sincèrement d'avoir pris la peine d'appeler certains membres du comité. Cela témoigne d'une attitude proactive et constructive, et nous vous en sommes reconnaissants.
Le sénateur Neufeld : Étant donné que la loi remonte à 1882 et qu'une seule modification mineure y a été apportée en 1965, je pense qu'il était grand temps de l'actualiser. Mais je ne suis pas ici pour critiquer certaines modifications, je voudrais simplement avoir quelques précisions.
Des témoins ont déclaré devant notre comité il y a une semaine, et ont également indiqué dans une lettre, que la Loi sur la protection des eaux navigables est une balise importante, voire la seule, pour la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, qu'il s'agisse d'évaluations fédérales ou provinciales.
Je ne vous demande pas ce qu'il en est des évaluations provinciales, mais pourriez-vous me dire si cela est vrai pour les évaluations fédérales, ou bien s'il s'agit simplement de quelque chose qu'on écrit, sans plus.
M. Osbaldeston : Je crois que c'est fort peu probable. Je pense avoir mentionné au cours de mon témoignage que, étant donné la nature de notre rôle, qui consiste à examiner et à approuver la construction d'ouvrages au-dessus, en dessous, à la surface ou à l'intérieur des voies d'eau, nous travaillons en étroite collaboration avec le ministère des Pêches et Océans. Par exemple, même si un pont ne touche pas vraiment la surface de l'eau, il peut jeter une ombre sur la surface qui, selon son ampleur, peut attirer l'attention de Pêches et Océans dans la mesure où cela nuit à l'habitat des poissons qui s'y trouvent. Je dirais cependant que c'est rare.
Le sénateur Neufeld : Merci. Je voulais entendre votre réponse car je me souvenais assez bien de ce que vous m'aviez dit, et je voulais m'assurer que j'avais bien compris.
M. Jean : Que je sache, le critère que prévoit la Loi sur la protection des eaux navigables — et les fonctionnaires ici présents me corrigeront si je me trompe — est de savoir si l'ouvrage nuit d'une façon ou d'une autre à la voie d'eau, ce qui relèverait alors principalement de la législation provinciale mais aussi de la Loi sur la protection des eaux navigables. Le gouvernement essaie d'éliminer les chevauchements et toute dépense ou intervention inutile de la part des fonctionnaires. Cependant, si l'ouvrage nuit effectivement à la voie d'eau, je crois comprendre qu'une évaluation environnementale sera toujours jugée nécessaire, malgré les modifications apportées à la Loi sur la protection des eaux navigables.
Le sénateur Neufeld : Merci.
M. Jean : Désirez-vous un complément d'informations de la part des fonctionnaires?
Le sénateur Neufeld : Non. La réponse me suffit. Je voulais m'assurer que, lors de votre première comparution, vous aviez dit la même chose qu'aujourd'hui. Je suis satisfait de votre réponse.
Monsieur Jean, vous avez dit que toute voie d'eau sur laquelle on peut faire flotter un canot est automatiquement couverte par la Loi sur la protection des eaux navigables. Comment définissez-vous le petit ruisseau ou la voie d'eau mineure sur lesquels on ne peut faire flotter un canot qu'à peine quatre mois par an, car le reste du temps, ils sont secs? S'agit-il d'eaux navigables ou pas?
M. Jean : Oui, ce sont des eaux navigables, mais ils peuvent faire l'objet d'une exemption, conformément aux modifications apportées à la loi. Comme je l'ai dit tout à l'heure, tous les plans d'eau sont considérés comme des eaux navigables au Canada, mais la loi prévoit des exemptions, notamment lorsque les eaux ne sont manifestement pas navigables. Cela comprend bon nombre des ruisseaux qui sillonnent mon territoire de piégeage dans le Nord de l'Alberta, par exemple, où vous ne pourriez pas faire flotter un canot même s'il y avait assez d'eau, à cause des barrages de castors et des troncs d'arbres qui obstruent le passage. J'aimerais que les fonctionnaires confirment que je ne me trompe pas. C'est la raison pour laquelle, encore une fois, nous avons décidé que tous les plans d'eau seraient considérés comme des eaux navigables, mais qu'on accorderait des exemptions pour affranchir certaines situations de tout le processus d'approbation qui, dans certains cas, peut prendre jusqu'à 20 mois.
Pouvez-vous confirmer ce que je viens de dire?
M. Osbaldeston : C'est exact. C'est là l'essentiel de tout le projet de loi : si vous pouvez faire flotter un canot sur une voie d'eau aujourd'hui, vous pourrez continuer à le faire à l'avenir. Aujourd'hui comme demain, la voie d'eau tombe sous le coup de la loi.
Nous sommes bien conscients que la descente des rapides en canot ou en kayak ne se fait que pendant une courte période chaque année. Si vous faites déjà du canot, vous pourrez continuer à en faire, mais la loi s'appliquera.
La toute première évaluation de la voie d'eau permet de déterminer le type de navigation qui s'y fait déjà, sa nature, et cetera.
Le sénateur Neufeld : J'habite juste à l'ouest de là où vous habitez, et je connais donc bien les situations dont vous avez parlé. Il y a quand même quelque chose qui continue de me tracasser. Il ne faut pas croire que tous les cours d'eau se prêtent à la descente des rapides. Il y a plus de 300 000 cours d'eau rien qu'en Colombie-Britannique. On peut faire du canot ou du kayak sur un grand nombre d'entre eux, mais les problèmes se posent avec ceux qui n'ont de l'eau qu'au printemps et à la fonte des neiges, et qui sont à sec le restant de l'année. Voulez-vous dire que ces cours d'eau sont quand même assujettis à la Loi sur la protection des eaux navigables, et que le ministre devra prendre la décision de les en exempter? C'est bien cela? Pour quels motifs le ferait-il? Comment le ministre pourra-t-il prendre une telle décision?
M. Osbaldeston : Par voie d'arrêté, le ministre va déterminer des catégories d'eaux navigables, et non pas décréter des exemptions; j'insiste là-dessus, il ne s'agit pas d'exemptions à la loi. Les arrêtés consisteront simplement à exempter certains projets de construction du processus d'approbation préalable. Toutes les autres dispositions de la loi s'appliqueront, notamment si quelqu'un se plaint par la suite que vous avez construit un ouvrage qui n'est pas conforme à l'arrêté, ou si un autre facteur intervient, qui n'avait pas été pris en compte au départ. À ce moment-là, on pourra vous faire revenir à la case départ, et vous assujettir à tout le processus d'approbation et d'examen des modifications, s'il y a lieu, afin que le projet soit conforme aux exigences de sécurité et ne nuise pas au droit du public de naviguer sur le cours d'eau en question. Il ne s'agit donc pas d'une exemption, mais d'un affranchissement du processus d'approbation. Toutes les autres dispositions s'appliquent.
Pour ce qui est de votre question sur les cours d'eau intermittents et sur la façon dont nous pourrions les affranchir du processus d'approbation si quelqu'un voulait y construire un ouvrage quelconque, je vais vous répondre de la façon suivante. Nous allons devoir créer, dans le cadre de cette nouvelle loi, une catégorie d'eaux navigables définissant ce qu'est un cours d'eau intermittent, par exemple, selon le débit ou d'autres facteurs. Nous n'y avons pas encore réfléchi.
Cependant, il me semble que, dans ce cas particulier, si l'on pratique la navigation sur le cours d'eau ne serait-ce que pendant quatre mois par an, il sera difficile de ne pas refuser un projet d'aménagement. Si des études indiquent que le cours d'eau est effectivement utilisé, il me semble que nous pourrons difficilement prendre un arrêté affranchissant un projet d'aménagement du processus d'approbation.
Le sénateur Neufeld : En fait, vos réponses m'inquiètent un peu car je croyais que nous voulions simplifier le processus pour que les choses puissent se faire vraiment. Je connais bien la région et certaines des voies d'eau dont je parlais tout à l'heure, et j'aimerais vous poser une dernière question.
Quand vous avez comparu devant nous, vous avez dit, si je me souviens bien, que vous avez un effectif de 70 personnes, dont 40 inspecteurs, pour tout le Canada. Monsieur Jean, comment pouvez-vous faire appliquer la Loi sur la protection des eaux navigables sur tous les cours d'eau dont nous venons de parler? Il y en a des milliers, peut-être des centaines de milliers qui sont utilisés d'une façon ou d'une autre, peut-être pas tous, mais la plupart, surtout dans ma région, et c'est sans doute la même chose chez vous. Comment faites-vous pour surveiller la situation avec 40 inspecteurs à l'échelle du Canada? Je ne parle même pas de l'Ontario et du Québec, et de tous les cours d'eau qui s'y trouvent. Expliquez-moi comment vous faites.
M. Jean : Je crois savoir qu'on envoie un inspecteur quand il y a eu des plaintes et que des amendes sont imposées. Comme vous le savez, nous avons fait passer le montant de ces amendes de 5 000 à 50 000 dollars par jour. Par exemple, dans notre région, l'industrie du pétrole et des pipelines aura certainement intérêt à bien respecter cette loi car les amendes pourraient lui nuire considérablement.
Le premier ministre Campbell a dit que l'ancienne loi était l'ennemi numéro un de la création d'emplois en Colombie-Britannique. Je suis sûr que vous l'avez entendu. C'est l'un de mes électeurs de High Prairie qui m'a raconté ça, la première fois que je me suis présenté comme député. On a aussi dit que c'était l'ennemi no un de la création d'emplois dans le Nord de l'Alberta, où, comme je l'ai dit, les gens prennent l'environnement très au sérieux. La nouvelle loi représente un changement par rapport à l'ancienne, peut-être pas autant que certains l'auraient voulu, mais je crois que nous avons trouvé un juste équilibre entre les divers intérêts en cause. Un juste équilibre et un bon début.
Le sénateur Neufeld : C'est sans doute moi qui ai soufflé ces paroles au premier ministre Campbell, car, dans une vie antérieure, j'ai été ministre de l'Énergie, des Mines et des Ressources pétrolières. Nous avions un grand nombre de projets en attente, pas seulement à cause de la Loi sur la protection des eaux navigables, mais aussi à cause de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, qui retenait tous ces projets. J'espère que cet amoncellement explosera un jour.
Le sénateur McCoy : Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Jean, et vous remercie sincèrement d'avoir pris l'initiative de nous apporter ces arrêtés ministériels qui ont été signés le 22 avril dernier. Il va sans dire que nous venons à peine d'en prendre connaissance et qu'une fois que nous les aurons lus, nous aurons peut-être encore plus de questions à vous poser.
À la page 14 de l'arrêté ministériel que vous nous avez remis, on peut lire, au début de la définition des eaux navigables secondaires, que l'article 11(2) porte que :
Les sections des eaux navigables sont établies comme catégories d'eaux navigables pour l'application du paragraphe 5 1(1) de la loi si [...]
J'ai l'impression qu'il manque le signe décimal, ici. Ça devrait être 5.1, n'est-ce pas?
M. Jean : Excusez-moi, je viens de me rendre compte qu'il manque la page 5 dans mon propre document.
Le sénateur McCoy : Nous parlons de la page 14.
M. Jean : Peut-être, mais cela fait référence à l'article 5, qui se trouve à la page 5, et je ne l'ai pas.
Le président : Nous non plus.
M. Jean : Je vous prie de m'excuser. Ce n'est absolument pas délibéré. J'ai tout simplement demandé qu'on fasse des photocopies du document. Tout ce que je peux faire, c'est vous proposer ce que je propose à mes électeurs, qui sont les personnes que je respecte le plus avec mes patrons et ma proche famille, à savoir que si vous avez des questions auxquelles ni moi ni les fonctionnaires ne peuvent répondre aujourd'hui, je serai ravi de vous faire parvenir une réponse plus tard. De même, si vous avez d'autres questions à me poser par la suite, je serai heureux de vous faire parvenir une réponse.
Le sénateur McCoy : Je vous sais gré de votre courtoisie et de votre disponibilité, mais je parlais de la page 14 et du paragraphe 11(2), où il est question du paragraphe 5 1(1). Je crois qu'il manque le signe décimal, et que ce devrait être le paragraphe 5.1(1).
M. Jean : Je ne peux pas vraiment vous répondre car il me manque la page 5.
Le sénateur Banks : Nous parlons de l'article 5.1 de la loi, et pas des règlements.
Le sénateur Milne : Il n'y a aucun point dans tout le document, qu'il s'agisse du signe décimal ou du point de ponctuation.
Le sénateur McCoy : Supposons qu'il y a un point; à l'alinéa a) du paragraphe 11(2) de la page 14, on définit la catégorie des eaux navigables secondaires, si je comprends bien.
M. Jean : Oui, je vois qu'il manque le signe décimal; je ne l'avais pas vu avant, et vous êtes très astucieux de l'avoir remarqué. À en juger d'après la page 14 des documents qui vous ont été remis dans un cahier, je crois, il devrait y avoir en effet un signe décimal ici. C'est une erreur que seul un second examen objectif peut déceler.
Le président : Il s'agit des pages 293 et 294 de la loi.
Le sénateur Milne : C'est aussi à chaque page de ce document.
Le sénateur McCoy : Sauf erreur de ma part, l'arrêté dit, à la page 14, que les sections d'eaux navigables ont une largeur moyenne, mesurée à la laisse des hautes eaux, inférieure à 1,20 mètre, ce qui correspond à peu près à 4 pieds.
Le sénateur Spivak : Pas 120.
Le sénateur McCoy : Oui. Est-ce ainsi qu'on définit les eaux secondaires?
M. Jean : C'est exact.
Le sénateur McCoy : Autrement dit, les eaux secondaires ont une largeur inférieure à 4 pieds et une profondeur inférieure à 1 pied, et les dispositions de la loi dont nous avons discuté tout à l'heure ne s'appliquent pas à ces eaux-là, c'est bien cela?
M. Osbaldeston : Les seules dispositions qui ne s'appliquent pas concernent les projets qui ne sont pas assujettis au processus d'approbation préalable.
Le sénateur McCoy : Avez-vous le texte de la nouvelle loi avec vous?
M. Jean : Oui.
Le sénateur McCoy : Le nouveau paragraphe 5.1(3) porte que les articles 6 à 11.1 ne s'appliquent pas. Ensuite, l'article 14.1 de la nouvelle loi porte que la partie I, qui confère au ministre le pouvoir de faire enlever une obstruction ou un obstacle sur les eaux navigables, ne s'applique pas aux catégories des eaux secondaires.
Comment le ministre peut-il prendre des décisions relativement aux eaux secondaires si la loi ne s'applique pas aux eaux secondaires? J'ai l'impression que c'est un cercle vicieux.
M. Jean : Avec votre permission, j'aimerais poursuivre la lecture du paragraphe 5.1(3) :
Les articles 6 à 11.1 ne s'appliquent pas aux ouvrages visés au paragraphe (1), sauf en cas de contravention au paragraphe (2).
Le paragraphe 5.1 (2) porte que :
La construction, l'emplacement, l'entretien, l'exploitation, l'utilisation et l'enlèvement de l'ouvrage doivent être conformes aux règlements ou aux conditions visées à l'article 13, selon le cas.
Si je comprends bien, et j'espère que les fonctionnaires le confirmeront, des normes vont être établies, et tous les ouvrages envisagés à proximité de ces eaux secondaires devront s'y conformer. Ces normes porteront bien sûr sur la hauteur de l'ouvrage, la qualité de la construction, et cetera.
C'est bien cela, Monsieur Osbaldeston?
M. Osbaldeston : C'est exact. L'article 6 porte sur les ouvrages non autorisés, et pas sur les ouvrages autorisés. L'article 10 traite des modifications. Si vous apportez des modifications à un ouvrage, vous débordez des critères établis dans la loi pour les ouvrages secondaires. À partir du moment où vous sortez d'une catégorie définie dans la loi, vous êtes assujetti au processus d'approbation parce qu'il s'agit d'un nouvel ouvrage, sénateur.
Dans la catégorie des ouvrages secondaires, vous n'avez pas besoin de soumettre une demande. Si vous modifiez votre projet et qu'il déborde de la catégorie des ouvrages secondaires, ou si vous décidez de transformer une voie d'eau secondaire en un canal important, vous sortez de la catégorie des ouvrages ou des voies d'eau secondaires. Il s'agit alors d'un tout nouveau projet, et vous devez nous le soumettre. Vous êtes alors assujetti au processus de demande et d'approbation qui peut, à son tour, déclencher une évaluation non seulement sur le plan de la navigation mais aussi sur le plan de l'environnement.
Le sénateur McCoy : J'aimerais bien en débattre devant un tribunal, car je crois que votre interprétation est généreuse. En fait, l'article 5.1 de la nouvelle loi dit que la loi ne s'applique pas aux ouvrages et eaux secondaires. On ne dit pas « et » mais « ou ».
Si vous construisez un ouvrage sur des eaux secondaires, ainsi que le ministre les a maintenant définies, qui ont moins de quatre pieds de largeur et moins d'un pied de profondeur, et que ces eaux secondaires sont, d'après les témoignages de ceux qui les parcourent en canot, tout à fait navigables et fréquemment utilisées, vous ne pouvez rien faire; vous n'avez aucun pouvoir. Autrement dit, votre ministre ne peut pas décréter que l'ouvrage est légal ou non. D'après la rapide lecture que j'ai pu faire du document, les eaux secondaires ne sont assorties d'aucune condition.
J'ai lu le texte de la loi; j'ai l'impression que beaucoup d'eau va couler sous les ponts, si vous me permettez le jeu de mots, mais que cela ne va pas faire votre affaire. Je ne mets pas en doute vos bonnes intentions, mais quand je lis le texte de loi et, maintenant, les arrêtés ministériels, je me demande vraiment si nous allons obtenir les résultats que nous escomptions.
Le président : Sénateur, si vous voulez poser une question, je peux vous inscrire pour le second tour.
Le sénateur McCoy : Monsieur Jean, vous avez dit que vous aviez suivi de près l'élaboration de ce projet de loi. Bon nombre d'entre nous tenons à vous en remercier, y compris les 20 p. 100 de Canadiens qui pratiquent des sports de plaisance, le gouvernement provincial et de nombreuses municipalités de ma province. Nous pensions tous que la Loi sur la protection des eaux navigables, dont la dernière modification remontait à 2004, pouvait être améliorée.
Savez-vous si les responsables du Programme de protection des eaux navigables ont fait une étude pour déterminer si les processus d'approbation qu'ils appliquaient, et qui, selon vos dires, prenaient autant de temps pour évaluer un projet comme celui de la construction du pont de la Confédération que pour évaluer celui d'une petite buse à Fort McMurray ...
Le président : Sénateur McCoy, votre question est irrecevable. J'ai fait preuve d'indulgence.
Le sénateur McCoy : Bref, savez-vous si des évaluations ont été faites relativement à l'administration de ce programme?
M. Jean : Je n'ai pas précisément demandé, pas plus que les autres témoins, si des évaluations avaient été faites par le ministère, mais je sais qu'un certain nombre de questions ont porté là-dessus. Si je me souviens bien, la plupart des dysfonctionnements du programme résultaient du délai imposé pour la transmission des informations demandées, la visite des sites, et cetera. En effet, un délai était fixé pour chacune de ces étapes, et c'était là la cause principale des dysfonctionnements du programme, surtout quand on sait qu'environ 38 p. 100 des demandes ne nécessitaient qu'un tampon d'approbation et n'auraient donc pas dû devoir passer par tout le processus d'approbation.
Les questions que vous soulevez soulignent la nécessité de prévoir un examen dans cinq ans, ce que le comité a proposé et que le gouvernement a accepté.
Je me réjouis de n'avoir jamais eu à plaider en face de vous devant un tribunal.
Le sénateur McCoy : Vous est vraiment charmant. Merci beaucoup.
Le sénateur Mitchell : Monsieur Jean, merci d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer.
J'aimerais reprendre votre exemple du pont à Fort McMurray. Je comprends la situation. J'étais là-bas en juillet dernier, et il nous a fallu un certain temps pour nous rendre à l'usine que nous voulions visiter.
Vous avez dit que le projet avait été retardé pendant une longue période. Pouvez-vous nous dire si c'était l'évaluation prévue par la Loi sur la protection des eaux navigables qui en était la cause? J'ai l'impression qu'une évaluation environnementale est beaucoup plus longue et beaucoup plus détaillée qu'une évaluation faite dans le cadre de la LPEN. Ne pourrait-on pas faire les deux en même temps, de sorte que celle de la LPEN ne retarderait pas le cours des événements?
M. Jean : Je ne peux que vous répéter ce que j'ai entendu dire. Je me suis intéressé de près à ce projet pendant quelque temps, parce que mes électeurs m'appelaient quotidiennement pour me parler des difficultés que leur causait une telle situation, notamment des retards pour se rendre à leur travail et une détérioration de leur qualité de vie privée et familiale, vu les quatre heures qu'ils devaient passer sur la route.
Si je me souviens bien, cela a pris 20 mois. Pêches et Océans Canada a peut-être participé au processus, mais je sais que le Programme de protection des eaux navigables y a participé, même si je n'en ai pas de preuve directe. Cela a donc pris 20 mois, en raison de l'application de plusieurs textes législatifs, y compris la Loi sur la protection des eaux navigables.
Le sénateur Mitchell : Pourriez-vous vous renseigner et nous faire savoir combien de temps a duré l'évaluation de la LPEN, si elle a été faite en même temps que celle de Pêches et Océans ou que l'évaluation environnementale, et si elle a duré plus ou moins longtemps que les deux autres? Je cherche à savoir une chose : si elle a commencé en même temps que les deux autres ou si elle a été faite entre les deux autres, elle ne peut pas être la cause du retard.
Cela m'amène à ma question suivante. Pourriez-vous nous donner des exemples de situations qui vous ont amené à présenter ce projet de loi, c'est-à-dire des situations où la LPEN a retardé l'approbation de projets que vous auriez voulu voir aboutir plus rapidement, ainsi que des exemples de projets que vous anticipez dans le cadre de ce programme d'appui aux infrastructures? Quels projets, que vous vouliez voir aboutir plus rapidement, ont été retardés par l'évaluation de la LPEN?
M. Jean : Quelqu'un a-t-il entendu la sonnerie du dîner?
C'est avec plaisir que je transmettrai vos demandes au ministère, car je ne suis pas en mesure de trouver moi-même des réponses. Je me renseignerai donc auprès de Pêches et Océans et auprès de Transports Canada pour savoir ce qui a retardé l'approbation du projet.
Je crois, sénateur, que vous avez touché du doigt la vraie raison de certains des retards enregistrés au cours des années, à savoir que les deux ministères essaient de travailler ensemble pour faciliter l'approbation des projets, mais qu'ils n'y parviennent pas toujours. C'est là une des causes les plus fréquentes. Une fois qu'une demande est déposée, ils attendent que toutes les étapes du processus soient terminées avant d'entreprendre l'examen d'une autre demande.
Des témoins ont déclaré devant notre comité que cela prenait en moyenne 20 mois, parfois davantage. J'aimerais que les fonctionnaires me le confirment. Une étude récente indique qu'environ 38 p. 100 des demandes n'ont pas besoin de passer par tout le processus car elles ne nécessitent qu'un tampon d'approbation. Si on retire ces 38 p. 100 de demandes du circuit, il est probable que les autres demandes, dont le traitement prenait 20 mois ou plus, seront traitées beaucoup plus rapidement.
Le sénateur Mitchell : Ce que vous dites sous-entend non pas qu'elles causent des retards mais qu'elles coûtent plus cher. Ce n'est pas la même chose.
M. Jean : Certes, mais un retard peut aussi coûter de l'argent. C'est comme pour notre plan d'action économique. Par exemple, si nous attendons deux ans avant de débloquer les 18 milliards de dollars que nous envisageons de dépenser pendant les deux prochaines années, je suis convaincu que l'économie canadienne en fera les frais. Chaque jour, des emplois disparaissent. Je suis convaincu qu'un grand nombre de ces initiatives, comme la réduction de la paperasserie bureaucratique, sont exactement les mesures qu'il faut prendre pour doper l'économie canadienne et pour favoriser la création d'emplois, plutôt que leur disparition.
Le sénateur Mitchell : J'aimerais revenir là-dessus, mais je le ferai plus tard.
Le président : Les collaborateurs du secrétaire parlementaire me signalent qu'il ne reste pratiquement plus de temps. J'ai encore cinq ou six noms sur ma liste. Vous est-il possible de rester un peu plus longtemps?
M. Jean : Je n'ai rien mangé de la journée, mais je suis prêt à rester aussi longtemps que vous aurez des questions à me poser.
Le sénateur Spivak : Faisons-lui apporter un repas.
Le président : C'est très gentil à vous.
Le sénateur Mitchell : J'aimerais poser une autre question, en m'abstenant de faire un préambule.
Quand ils ont témoigné devant notre comité, vos fonctionnaires nous ont dit que, chaque année, en moyenne, environ 2 500 demandes sont déposées dans le cadre de la LPEN, et que vous avez environ 2 500 demandes en attente. Cela fait donc un total de 5 000 demandes. Pourriez-vous vous renseigner pour savoir, même au moyen d'un simple échantillon, combien de ces 5 000 demandes disparaîtront du circuit puisque la loi ne vous obligera plus à les évaluer? Autrement dit, le nombre de demandes en attente va-t-il diminuer à la suite des modifications apportées aux critères d'évaluation?
M. Jean : Volontiers. Je vais même faire mieux, sénateur. Une analyse a été faite par le ministère, qui indique qu'au cours des six derniers mois, 319 demandes ont été approuvées. On estime que 35 p. 100 d'entre elles, soit 111, seraient tombées sous le coup de la nouvelle loi si celle-ci avait été en vigueur au moment de leur évaluation. On peut donc espérer que le nombre de demandes en attente diminuera d'environ 35 p. 100.
Le sénateur Mitchell : Pourriez-vous nous faire parvenir une liste de ces projets?
M. Jean : Moi, non, mais je peux par contre la demander au ministère et vous la transmettre dès qu'elle me parviendra.
Le sénateur Mitchell : Parfait. Merci beaucoup.
Le sénateur Lang : Je vous remercie de comparaître devant notre comité aujourd'hui. J'ai plusieurs choses à dire pour commencer. Le délai de 12 à 24 mois que nécessite l'examen de ces projets, que ce soit dans le cadre de la LPEN ou pour une évaluation environnementale, est beaucoup trop long, mon collègue de la Colombie-Britannique a tout à fait raison. C'est un problème qui mériterait d'être examiné de plus près, car ces retards coûtent de l'argent, et il nous faut faire avancer les dossiers plus rapidement, dans l'intérêt du public.
J'aimerais approfondir un peu plus la question et m'adresser au représentant du ministère. Il y a environ deux semaines, nous avons demandé la liste des projets dont a parlé le sénateur Mitchell; il s'agit des projets qui ont été approuvés dans le cadre de cette loi. On nous avait promis de nous faire parvenir cette liste. Est-elle prête? Allons-nous la recevoir d'ici à la semaine prochaine, Monsieur Osbaldeston?
M. Osbaldeston : Nous avons fait une analyse statistique, qui sera intégrée au cahier d'information en cours de préparation. Quant à la liste complète des projets, c'est le secteur Infrastructure qui s'en occupe. Nous avons également préparé, pour ce cahier d'information, des exemples de projets qui pourraient bénéficier des dispositions de la nouvelle loi, en indiquant précisément de quelles dispositions il s'agit, pour que vous puissiez faire la relation. C'est en cours de préparation.
Le sénateur Lang : Il est important que nous ayons cette liste, car elle nous permettra de comparer les résultats réels des modifications adoptées avec ceux que l'on en escomptait.
J'aimerais maintenant parler de la création de catégories d'ouvrages et d'eaux navigables. J'ai appris que douze arrêtés avaient été pris, c'est bien cela?
M. Osbaldeston : Un seul arrêté a été pris au sujet des catégories d'ouvrages et d'eaux navigables.
Le sénateur Lang : Ce document définit les catégories d'ouvrages et d'eaux navigables pour les 12 ou 24 prochains mois, n'est-ce pas?
M. Osbaldeston : Non, c'est l'arrêté que nous avons jugé bon de préparer pour l'instant.
Le sénateur Lang : Je vous prie de m'inscrire pour un second tour, monsieur le président.
Le président : Cela signifie-t-il que vous n'avez pas d'autres questions pour l'instant?
Le sénateur Lang : Oui.
Le sénateur St. Germain : Je vous remercie, Monsieur Jean, Monsieur Roussel et Monsieur Osbaldeston, d'être venus ce soir pour éclairer un peu notre lanterne.
Monsieur Osbaldeston, vous disiez tout à l'heure qu'il ne s'agissait pas vraiment d'exemptions. Que vouliez-vous dire? Le sénateur McCoy a fait remarquer que si une voie d'eau a moins d'un pied de profondeur et moins de quatre pieds de largeur, ce n'est pas vraiment une exemption. Je crois que beaucoup de ceux qui nous écoutent sont un peu perplexes. S'agit-il d'une exemption ou pas?
M. Osbaldeston : Je comprends votre problème. Il nous a fallu trouver une définition acceptable de « navigable », car ce terme n'était pas défini dans l'ancienne loi. Comme vous pouvez le constater, nous n'avons pas réussi à élaborer une définition englobant tous les objectifs de la loi. D'ailleurs, les témoins auxquels vous posiez la question la semaine dernière n'ont pas pu vous donner non plus une définition de « navigable ». Cela ne veut pas dire que nous n'en trouverons jamais une. Peut-être qu'avec le temps, nous y parviendrons.
Toutefois, faute d'une définition adéquate, il nous fallait quand même trouver le moyen de faire avancer les choses. L'objectif était de cesser de consacrer du temps et de l'argent à des voies d'eau et à des ouvrages qui n'ont guère d'impact sur la navigation, à condition que l'ouvrage soit placé comme il faut.
Nous avons donc décidé de commencer par englober tout ce qui était navigable, pour en retirer ensuite les ouvrages et les voies d'eau secondaires, qu'il est inutile d'assujettir à une lourde réglementation, soit parce qu'elles ne sont pas beaucoup utilisées pour la navigation, soit parce qu'ils ne posent aucun danger pour la navigation, étant bien entendu que les critères de construction ont été respectés.
C'est un peu comme la facturation par défaut : vous englobez tout et vous définissez ensuite ce que vous retirez. Du moment que vous définissez précisément ce que vous retirez, la situation est claire pour tout le monde.
M. Jean : J'ajouterai cependant que les éléments qu'on retire sont quand même assujettis à certaines exigences, et que le ministre a le pouvoir d'intervenir en cas de non-respect de la loi.
Le sénateur St. Germain : Je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit de partisan ou de politique dans ce dossier. La seule chose qui me préoccupe, c'est qu'une loi qu'on ne peut pas faire appliquer est généralement une mauvaise loi. Avec 40 inspecteurs, je me pose des questions. Je me demande vraiment comment tout ça peut fonctionner et comment le public peut être servi correctement dans une situation pareille. Il ne faut pas que le système soit fondé sur des plaintes, comme nous l'a expliqué Monsieur Jean. Un mauvais voisin peut être la source de beaucoup de problèmes. J'élève du bétail, et sur mon terrain, il y a des ruisseaux. Je ne sais pas si vous pourrez répondre à mes questions aujourd'hui, mais je vous remercie d'avance d'essayer de le faire.
M. Jean : À propos de mauvais voisins, je vous conseille de lire The Edmonton Journal, et vous saurez ce que je pense de mon voisin.
Vous avez dit que beaucoup de Canadiens sont des amateurs de loisirs de plein air. Ces gens-là empruntent les eaux navigables pour faire du kayak, du canot, de la randonnée, de l'escalade, de l'exploration, et cetera. Si ces gens-là ne sont pas contents, ils devraient peut-être déposer des plaintes, et les 40 inspecteurs seraient bien obligés de répondre.
Mon frère a un territoire de piégeage dans le Nord de l'Alberta, où il se rend fréquemment. Il est situé au bord de la rivière Clearwater, qui est une rivière patrimoniale. Deux ruisseaux passent à environ 600 mètres de sa cabane; un pont en bois rudimentaire enjambe l'un de ces deux ruisseaux, et ce pont est là depuis 20 ans. Construit à deux ou trois pieds au-dessus de la surface de l'eau, il est là depuis 20 ans parce que personne ne peut naviguer sur ce ruisseau.
Environ 200 ou 300 mètres plus loin, l'autre ruisseau pourrait peut-être se prêter à la navigation. Mon frère y a construit un autre pont en bois — j'espère qu'il ne va pas m'en vouloir de vous raconter ça —, mais suffisamment au- dessus de la surface de l'eau pour que quelqu'un puisse passer en bateau en dessous. Personne ne s'est jamais plaint.
On a prévu d'avoir 40 inspecteurs à l'échelle du Canada, mais d'un autre côté, étant donné que beaucoup de Canadiens pratiquent des loisirs de plein air et la navigation de plaisance, le gouvernement provincial ou fédéral décidera peut-être de fournir les ressources nécessaires à l'exécution de la loi.
Le sénateur Lang : J'aimerais ajouter quelque chose. Quand on passe un marché pour la construction d'un pont — et j'en sais quelque chose car j'ai déjà travaillé dans ce secteur —, de par la nature du contrat, il y a toujours un inspecteur du gouvernement sur le site, qui veille au respect des dispositions du code de construction et de la loi fédérale, s'il y a lieu.
Il y a une autre inspection qui se fait aussi. Elle est indirecte, mais elle est réelle, selon l'envergure de l'ouvrage, n'est- ce pas?
M. Osbaldeston : Grâce aux modifications qui viennent d'être apportées à la loi, nous allons pouvoir envisager, pour la première fois, de conclure des partenariats afin de partager éventuellement les ressources limitées dont nous disposons pour atteindre nos objectifs. Je veux parler d'organismes provinciaux aussi bien que d'organismes privés. C'est une piste à explorer, maintenant que nous avons une nouvelle loi. Vu que nos ressources sont limitées, ce serait une façon de les exploiter au maximum, dans l'intérêt du contribuable, qu'il soit provincial, municipal au fédéral.
Le sénateur Brown : Monsieur Jean, je vous remercie de comparaître devant notre comité ce soir. À votre avis, combien de projets vont découler de l'injection de 12 milliards de dollars dans des travaux d'infrastructure, pour stimuler l'économie canadienne?
Deuxièmement, combien de journées d'examen parlementaire aurait-il fallu si nous n'avions pas invoqué les pouvoirs ministériels pour faire adopter cette loi et que nous avions plutôt demandé à un comité d'examiner chacun de ces projets? Je sais que la question est difficile, mais je me contenterai d'une réponse approximative.
M. Jean : Très bien. Je vous remercie de votre question. La mise en place accélérée du Fonds de la taxe sur l'essence va se faire sentir dans chaque collectivité. Chaque Canadien va en ressentir les bienfaits, et le fait que l'argent soit directement versé aux municipalités permettra à ces dernières de dépenser l'argent de façon plus raisonnable que nous pourrions le faire, ici, à Ottawa.
Je suis également convaincu que le plan d'action de 12 milliards de dollars permettra de conserver et de créer des emplois pour les Canadiens, et d'atténuer considérablement l'impact de la crise sur leur qualité de vie. Cela nous donne aussi l'occasion d'éliminer une partie de la paperasserie bureaucratique.
Dans le cadre du Programme infrastructure Canada, 431 projets ont été approuvés jusqu'à présent, pour ce qui est du volet « collectivités » du programme. Il s'agit de collectivités de moins de 100 000 habitants, dont 160, soit 3 p. 100, sont situées à moins de 30 mètres d'un plan d'eau, qui peut aussi être un marais. Cette loi a déjà eu un impact direct.
Je n'ai pas l'habitude de prédire l'avenir, ce n'est pas mon fort, mais je peux vous assurer que le gouvernement, et je l'appuierai dans ce sens, veillera à ce que chaque Canadien puisse profiter de ce fonds de stimulation ainsi que des 18 milliards de dollars que nous prévoyons consacrer à des infrastructures, des complexes sportifs, des routes et des ponts. Ce que je dis ressemble peut-être à un message publicitaire, mais quand je vois tout ce qui se fait en ce moment, je suis convaincu qu'avec cette loi, le fonds de stimulation et les 18 milliards de dollars prévus pour les deux prochaines années, nous agissons dans le meilleur intérêt du Canada.
Le sénateur Banks : Merci de comparaître à nouveau devant notre comité, messieurs. Monsieur Jean, merci à vous aussi; c'est bon de voir un autre Albertain à la table.
Quand nous parlions tout à l'heure de la nature multiple de ce projet de loi, vous avez dit que d'autres projets de loi du même genre avaient été présentés dans le passé, notamment un qui comportait 22 modifications. C'est vrai, mais celui-ci bat tous les records avec 42 modifications.
Je n'ai que deux questions à poser. Premièrement, M. Osbaldeston, vous avez dit, si j'ai bien compris, qu'à partir du moment où on peut faire flotter un canot sur un plan d'eau, celui-ci est assujetti à la loi, et que par conséquent, si je veux construire un ouvrage dans ce plan d'eau, au-dessus ou à proximité, je dois me conformer à la loi même si je ne suis pas obligé de demander un permis. C'est bien cela?
M. Osbaldeston : C'est exact.
Le sénateur Banks : Monsieur Jean, l'arrêté ministériel que vous nous avez aimablement apporté aujourd'hui sera-t- il un jour soumis à l'examen du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation?
M. Jean : Pour l'instant, ce n'est pas prévu. En fait, je ne suis pas sûr. D'après ce que j'ai entendu ici aujourd'hui, je crois que vous en serez peut-être saisis, et si vous avez des suggestions, je me ferai un plaisir de les transmettre à mon gouvernement.
Sénateur, je pensais justement hier soir écrire une chanson « country and western » que j'aurais utilisée pour répondre à vos questions, mais j'ignorais les questions que vous alliez me poser. Je suis moi aussi ravi de vous voir ici ce soir.
Le sénateur Banks : Merci. J'aimerais vous poser une question supplémentaire. Pensez-vous que le gouvernement envisage de transformer un jour ces arrêtés ministériels en règlements?
M. Jean : Je n'ai pas de boule de cristal. Je crois que c'est bien là l'intention, ainsi que l'examen quinquennal. La combinaison des deux est une façon de faire assez nouvelle, et nous devons nous y adapter.
La crise économique mondiale nous oblige à prendre des risques. En même temps, nous devons continuer de garantir la protection de notre environnement du mieux que nous pouvons, ainsi que la protection de la navigation, qui fait partie de notre culture.
Le sénateur Banks : De quels risques parlez-vous?
M. Jean : Des risques que comporte n'importe quel changement. Dans ce cas particulier, la loi avait subi très peu de modifications depuis 100 ans. À mon avis, et je ne prétends pas que tout le monde soit d'accord avec moi, cela témoigne du leadership de notre gouvernement et de sa détermination à prendre des risques dans l'intérêt des Canadiens.
Le sénateur Banks : Voulez-vous parler des risques que comportent les arrêtés ministériels par opposition aux règlements?
M. Jean : Non, ce n'est pas ce que je voulais dire.
Le président : Nous allons entamer un second tour. Vous sentez-vous d'attaque?
M. Jean : Bien sûr, je suis à votre disposition.
Le sénateur Milne : Je serai brève, mais je veux aider le ministre et son ministère. Il faut absolument que ceux qui ont rédigé ce document le revoient. Il manque tous les signes décimaux. Par exemple, s'agit-il d'eaux d'une profondeur de 25 mètres ou de 2,5 mètres? Ensuite, on a 0,5 m, ça va, mais au paragraphe suivant, est-ce 50 mètres ou 5,0 mètres ? Il faut absolument que tout cela soit corrigé. Ensuite, il est question de 20 brasses, ce qui correspond à 36 576 mètres ou bien 36,5 mètres? Dans un arrêté ministériel, il faut que tout soit parfaitement clair.
À la page 2, à l'alinéa (2)c), on dit que « la pente des ouvrages, de la verticale à l'horizontale, à partir des eaux navigables est supérieure à 33 p. 100 ».
Je suis une ancienne physicienne, et une pente de 33,3 p. 100 de la verticale à l'horizontale signifie que vous avez une déclivité de 55 p. 100. C'est une pente trop abrupte et l'ouvrage ne devrait pas être exclu. Je suppose que vous voulez dire « de l'horizontale à la verticale «. Il y a beaucoup de petits détails de ce genre dans tout le texte, et j'espère vraiment que le ministre y jettera un coup d'œil.
M. Jean : Je ne peux pas vous dire grand chose au sujet de ces signes décimaux, mais je constate qu'ils sont absents. Ayant moi-même travaillé dans l'édition et venant d'une famille qui travaillait dans ce secteur...
Le sénateur Milne : Il faut faire revoir le texte par un correcteur d'épreuves.
M. Jean : J'ai utilisé les logiciels Fortran et PolyForth, et même si ces programmes peuvent passer d'une langue à l'autre, il m'arrive de recevoir des textes sur mon ordinateur ou sur mon imprimante où il manque les signes décimaux. Je suppose que c'est ce qui s'est passé. J'étais pressé de trouver des réponses aux questions que j'ai reçues hier et aujourd'hui, et je voulais vous communiquer le plus grand nombre d'informations possibles. Pendant que je votais, j'ai fait faire des photocopies que je vous ai apportées cet après-midi. En effet, il manque tous les signes décimaux. À mon avis, c'est un problème d'interface entre les deux programmes informatiques.
Le sénateur Banks : À la page 2, toujours à propos de la question soulevée par le sénateur Milne, s'agit-il de 33 p. 100 ou de 33 degrés?
M. Jean : Sénateur, je vais faire revoir ce texte et vous promets de vous tenir au courant.
Le sénateur St. Germain : Je crois que le chien du sénateur Banks s'est enfui et que son camion est en panne.
M. Jean : Il a toujours sa petite amie?
Le sénateur St. Germain : Je ne m'aventurerai pas jusque-là.
Le sénateur Banks : Elle ne peut pas me manquer puisqu'elle est toujours là.
Le sénateur Spivak : Après toute cette conversation, je voudrais m'assurer que je comprends bien les dispositions de la loi.
Pour ce qui est de la sécurité des navigateurs, je crois comprendre que la loi autorise le ministre à désigner des eaux secondaires qui ne méritent pas d'être protégées par la loi.
Je sais que vous employez les deux expressions « faire une demande de permis » et « observer les dispositions de la loi «. Cela signifie-t-il que, pour les ouvrages secondaires, par exemple, il ne sera pas nécessaire de demander un permis si le ministre les a exemptés?
M. Osbaldeston : Non, ce n'est pas tout à fait ça, sénateur. Les catégories d'ouvrages et les catégories d'eaux navigables permettent d'accorder des exemptions au processus d'approbation.
Le sénateur Spivak : Oui.
M. Osbaldeston : Mais seulement au processus d'approbation. Toutes les autres dispositions de la loi s'appliquent.
Le sénateur Spivak : Par contre, si vous êtes exempté et que n'avez pas besoin de permis, vous pouvez construire n'importe quel ouvrage. Ce n'est qu'en cas de plainte que vous serez assujetti au processus d'approbation.
M. Osbaldeston : Non, même si vous n'avez pas besoin de permis, vous devez quand même construire un ouvrage conforme aux critères définis dans l'arrêté. Si quelqu'un se plaint, il est évident que nous enverrons un inspecteur sur place, comme nous le faisons pour les ouvrages qui nécessitent un permis. Toutefois, même s'il n'y a pas de plainte et que nous constatons, au cours d'une inspection, que l'ouvrage « n'est pas conforme », nous pouvons l'assujettir au processus d'approbation.
M. Jean : Les amendes prévues par la loi sont assez élevées. Celui qui construit un ouvrage non conforme aux normes sera passible d'une amende; il aura donc gaspillé son investissement.
Le sénateur Spivak : Bien, mais quelqu'un disait tout à l'heure qu'il y a des milliers de cours d'eau. Et en fait, une fois qu'ils auront pris connaissances des normes, les gens essaieront de construire des ouvrages qui seront considérés comme des ouvrages secondaires, afin d'être exemptés du processus d'approbation. C'est le droit de chacun.
M. Jean : Peut-être, mais il n'en demeure pas moins que ces ouvrages devront être conformes aux critères établis.
Le sénateur Spivak : Qui va aller vérifier, étant donné qu'il n'y a que 40 inspecteurs pour des milliers de cours d'eau et de rivières secondaires? Les canotiers nous ont dit qu'il y avait toutes sortes d'objets qui compromettaient leur sécurité, par exemple un câble, une clôture ou une buse. Ça paraît peut-être banal, mais ça peut nuire à leur sécurité. C'est de cela que se plaignent les canotiers.
Avec des milliers de cours d'eau et de rivières secondaires à surveiller, vous ne pourrez jamais savoir si tous les ouvrages sont conformes.
M. Jean : Je comprends ce que vous voulez dire. Mais à l'heure actuelle, rien ne les empêche de le faire non plus?
Le sénateur Spivak : Toute construction d'ouvrage doit faire l'objet d'une demande de permis. C'est la seule façon de vérifier.
M. Jean : De toute façon, celui qui voudra construire un ouvrage non conforme après l'entrée en vigueur de la loi ne fera pas une demande de permis. Cela revient donc au même, si ce n'est que la nouvelle loi assurera une plus grande protection à l'avenir. À l'heure actuelle, celui qui veut construire un pont non conforme ne demande pas de permis, et ni vu ni connu.
Avec la nouvelle loi, nous avons établi des normes assorties d'amendes en cas de non-conformité.
Le sénateur Spivak : Mais vous ne saurez pas qu'ils ont construit un ouvrage non conforme.
M. Jean : Peut-être, mais nous ne le savions pas davantage avec l'ancienne loi.
Le sénateur Spivak : Si, parce que vous étiez obligé de faire une demande de permis. Je ne voudrais surtout pas argumenter avec le témoin, mais je continue de penser que les canotiers n'ont pas tort.
M. Osbaldeston : J'aimerais préciser, sénateur, que seuls les ouvrages susceptibles de « gêner sérieusement » la navigation font l'objet d'un avis public. Les ouvrages secondaires qui ne causent pas une gêne sérieuse à la navigation n'en font pas l'objet.
En prenant ces arrêtés, je pense que nous contribuons réellement à accroître la sécurité de la navigation. Dans la plupart des cas, les pontons de chalets, les plates-formes de baignade et tous les autres petits ouvrages de ce genre ne sont généralement pas conformes à la loi. Les gens ne demandent pas de permis pour les construire, ils les installent un point c'est tout.
Ils peuvent choisir de se conformer à la loi ou non, mais s'il y a un problème, ils se feront prendre. Au moins, maintenant, nous avons des critères bien établis, et les gens ont intérêt à les respecter, pour garantir la sécurité des canotiers.
M. Jean : Il y a environ huit mois, un ministre en poste m'a fait part d'une plainte au sujet d'un aérodrome aménagé sur un lac. Après m'être renseigné, j'ai constaté qu'il n'était même pas nécessaire de demander un permis pour aménager un aérodrome sur un lac.
À mon avis, monsieur Osbaldeston a raison. Quand les gens n'ont pas l'intention de respecter les normes, ils ne demandent certainement pas un permis de construire.
Le sénateur Spivak : Vous auriez dû consulter les gens qui utilisent les cours d'eau, comme les canotiers. Cela vous aurait peut-être fait changer d'avis.
M. Jean : Je tiens à vous dire que, pour votre réunion de la semaine prochaine, vous recevrez une nouvelle version intégrale en PDF des arrêtés en français et en anglais, et non les versions scannées sans signes décimaux que vous avez reçues aujourd'hui. J'aurais dû vérifier le document de plus près avant de me précipiter ici. Je vous prie de m'en excuser.
Le sénateur Milne : Vous allez aussi changer « de l'horizontale à la verticale »?
M. Jean : Je vais demander que l'on vérifie cela et, s'il le faut, j'en parlerai au ministère.
Le sénateur McCoy : Puis-je attirer encore une fois votre attention sur les pages 13 et 14 de cet arrêté? Pouvez-vous me confirmer qu'une autre définition d'» eaux navigables secondaires » s'appliquera à tout ce qui a 200 mètres de long, soit environ 600 pieds, 4 à 9 pieds de large et 1 ou 2 pieds de profondeur?
Le sénateur Spivak : Est-ce à la page 13?
Le sénateur McCoy : C'est à partir du milieu de la page 13, jusqu'en bas.
M. Jean : Parlez-vous de la laisse des hautes eaux?
Le sénateur McCoy : Oui.
M. Jean : C'est la mesure à la laisse des hautes eaux. Bien sûr, c'est approximatif, et je suppose que vos conversions en mètres et en pieds sont meilleures que les miennes.
Le sénateur McCoy : Ça prouve que je suis d'une autre génération, car je fais encore les conversions en mesures impériales.
M. Jean : Moi aussi, ce qui prouve que j'ai aussi un certain âge. Je crois que vous avez raison. La laisse des hautes eaux fluctue beaucoup au Canada, et dans ce cas particulier, selon le lieu où on se trouve, la laisse des basses eaux pourrait correspondre au niveau zéro. C'est possible.
Nous avons l'exemple de cet homme qui avait aménagé un fossé, il y a 60 ans. Il a voulu par la suite y construire un ouvrage qui tombait tout juste dans la catégorie, et il a dû demander un permis. Si je me souviens bien, deux représentants du gouvernement du Canada ont dû faire le trajet de deux heures dans chaque sens, à deux ou trois reprises, pour aller vérifier sur place qu'il pouvait bien construire l'ouvrage au-dessus du fossé.
À mon avis, ce n'est pas une bonne façon de dépenser l'argent du contribuable, étant donné que l'homme avait lui- même aménagé ce fossé sur son propre terrain, une soixantaine d'années plus tôt.
Le sénateur McCoy : Récapitulons. Vous dites que si la voie d'eau a de 4 à 9 pieds de large, 1 ou 2 pieds de profondeur et 600 pieds de longueur, il s'agit d'une voie d'eau secondaire?
M. Jean : À la laisse des hautes eaux.
Le sénateur McCoy : Comme on ne me permet pas d'en parler, je ne reviendrai pas sur ce que je disais tout à l'heure au sujet de la façon dont le programme était administré. Mais faire un trajet de deux heures dans chaque sens pour aller inspecter un fossé, à l'ère du courrier électronique, ne me paraît pas très efficace.
M. Jean : Sénateur, je serais ravi d'en débattre avec vous.
Le sénateur McCoy : D'en discuter, plutôt.
M. Jean : Bien sûr, car c'est une discussion très intéressante.
Le président : Elle se méfie.
Le sénateur Mitchell : L'exemple des deux ponts que votre frère a construits est d'autant plus intéressant qu'ils auraient probablement été exemptés en vertu de la nouvelle loi. Par contre, j'ai beaucoup de mal à imaginer que la construction de ces deux ponts aurait nécessité un gros financement ni suscité une forte stimulation économique.
J'ai donc l'impression que vous vous contredisez. Les défenseurs de la nouvelle loi prétendent qu'elle va accélérer le processus d'évaluation des grands projets, ce qui permettra de stimuler l'économie plus rapidement. Mais en même temps, vous nous dites, vous et surtout M. Osbaldeston, que la loi permettra d'exempter le ponton d'un riverain ou un petit pont de bois au-dessus d'un fossé.
C'est l'un ou l'autre. Vous ne pouvez pas prétendre que la loi va, d'un côté, stimuler l'économie en accélérant le processus d'évaluation des grands projets, et, d'un autre côté, simplement accélérer la construction d'un ponton. C'est là ma question.
M. Jean : Sénateur, je comprends maintenant pourquoi vous avez battu mon ancien partenaire lors de la course à la direction du Parti libéral de l'Alberta.
Deuxièmement, vous ne connaissez manifestement pas très bien mon frère car la construction de ces deux ponts a permis de stimuler l'économie et de créer des emplois.
Le sénateur Mitchell : Il y avait tant de clous à enfoncer que ça?
M. Jean : Troisièmement, vous n'êtes certainement pas un fan de l'équipe de Vancouver, car elle joue dans trois minutes.
Enfin, on peut expliquer les différentes dispositions de la loi de toutes sortes de façons. De chaque situation découlent des bienfaits pour tous les Canadiens, et on nous a soumis toutes sortes de projets qui seront bénéfiques pour les Canadiens.
Les exemples que j'ai utilisés concernaient des situations particulières, mais ils montrent l'impact considérable que peut avoir la nouvelle loi sur le Canada. Il est incroyable qu'aucun gouvernement, aucun premier ministre, n'ait eu le courage de prendre l'initiative d'actualiser l'ancienne loi. C'est pourtant pour cela que nous avons été élus, et j'en félicite le premier ministre.
Le sénateur Mitchell : Je ne peux pas être d'accord avec vous, mais je vous remercie quand même.
Le président : Au sujet des félicitations, je suppose.
Le sénateur Mitchell : Oui.
Le président : Monsieur le secrétaire parlementaire, vous vous êtes montré très ouvert pendant nos discussions, et vos réponses nous sont très utiles. Vous nous avez promis, ainsi que vos fonctionnaires, de nous faire parvenir d'autres documents, et je vous en remercie d'avance. Le tournoi commence dans une minute et demie. Bon match à tous.
(La séance est levée.)