Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 5 - Témoignages du 7 mai 2009
OTTAWA, le jeudi 7 mai 2009
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 4, pour examiner les éléments suivants du projet de loi C-10, Loi d'exécution du budget de 2009, les éléments concernant la Loi sur la protection des eaux navigables (partie 7).
Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.
Le président : Bonjour à tout le monde ici présent ainsi qu'à tous ceux qui nous écoutent sur la chaîne parlementaire CPAC ou sur Internet. Je déclare ouverte la présente séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle David Angus, et je suis un sénateur de la province de Québec.
Malheureusement, le vice-président, le sénateur Mitchell, n'a pas pu être avec nous aujourd'hui, mais il vous transmet ses salutations. Je vous présente, à ma droite, les sénateurs Neufeld, Banks, Lang et St. Germain et, à ma gauche, les sénateurs Peterson, Milne, Adams et Sibbeston.
Aujourd'hui, nous allons poursuivre notre étude des dispositions du projet de loi C-10. Comme tout le monde le sait, je suppose, ce projet de loi a déjà été adopté par les deux chambres du Parlement. Toutefois, le comité a été appelé à se pencher sur la partie 7 concernant la Loi sur la protection des eaux navigables et sur les amendements proposés à cette loi. Nous devons faire rapport au Parlement au plus tard le 11 juin.
Jusqu'à présent, nous avons entendu un certain nombre de témoins. Il s'agit de notre quatrième séance sur la question. Mes collègues et moi avons l'impression de commencer à bien connaître le sujet, mais nous sommes très intéressés à entendre ce que les témoins ont à nous dire.
Ainsi, je tiens particulièrement à souhaiter la bienvenue aux cinq témoins que nous recevons aujourd'hui, à savoir M. Phil Green, directeur, Canadian Rivers Network; M. Richard Alexander, président, Pagaie Canada; M. Mark Mattson, président, Lake Ontario Waterkeeper; Mme Krystyn Tully, vice-présidente, Lake Ontario Waterkeeper; et enfin, M. Jim Wood, vice-président, Développement organisationnel, Ontario Recreational Canoeing and Kayaking Association.
En cette belle journée de printemps, il me semble de mise de traiter de questions touchant le plein air. Cela nous mettra probablement dans un bon état d'esprit pour aborder la fin de semaine qui approche à grands pas. Nous sommes ravis de vous accueillir. D'après ce que je crois comprendre, vous prendrez la parole dans l'ordre indiqué à l'ordre du jour. Nous allons donc commencer par M. Green, directeur du Canadian Rivers Network.
Phil Green, directeur, Canadian Rivers Network : Merci beaucoup. Je vous sais gré de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
Je m'adresse à vous au nom du Canadian Rivers Network. J'ai commencé à jouer un rôle dans cette organisation l'an dernier, avec la publication dans le Financial Post d'un article intitulé « Giving us the oar ». Ce texte portait sur les modifications qu'on s'apprête à apporter à la Loi sur la protection des eaux navigables.
J'aimerais attirer votre attention sur la liste de six principes que le Canadian Rivers Network a dressée. Je ne sais pas si vous avez reçu une copie de mon exposé, mais ces principes se trouvent à la page 5.
Cette liste de principes a été élaborée au cours d'une discussion réunissant un bon nombre de personnes du réseau. Le premier principe énonce que le droit de navigation est un droit ancestral et une liberté canadienne fondamentale. Selon notre deuxième principe, le gouvernement est le gardien de ce droit. Le troisième principe est le suivant : le droit de navigation est également un pilier de la protection de l'environnement. Le quatrième principe énonce que nos voies d'eau sont des lieux publics.
Tout cela se trouve à la page 5. Vous n'avez pas non plus la version anglaise? J'imagine que vous n'avez pas reçu les pages 1 à 5.
Le président : Nous n'avons pas été en mesure de faire traduire le mémoire en temps voulu, mais nous pouvons le déposer.
M. Green : Je vais vous présenter ces principes de vive voix.
Le président : C'est parfait.
M. Green : Le cinquième principe, c'est que le droit de navigation ne devrait pas être défini par le gouvernement. Enfin, le sixième principe est le suivant : le public n'a pas été suffisamment consulté à propos de ces modifications.
Le président : Pouvez-vous répéter les deux premiers principes?
M. Green : Le premier principe énonce que le droit public de navigation est une liberté et un droit ancestral. Selon le deuxième principe, le gouvernement est le gardien de ce droit. Le troisième principe, c'est que le droit public de navigation est l'un des piliers de la protection environnementale.
Le président : Est-ce que ces principes sont ceux de votre organisation?
M. Green : C'est exact. Ce sont les principes que nous soumettons à votre attention.
Le président : Ils constituent le fondement de votre position.
M. Green : Oui. Aujourd'hui, lorsque je parlerai du premier principe, je le ferai principalement du point de vue personnel d'un pagayeur, et j'aime à penser que mon opinion est représentative de celle de nombreux autres pagayeurs partout au pays. Vous avez devant vous une personne qui a pratiqué son activité de prédilection dans presque toutes les provinces du pays, y compris dans l'Arctique. Je veux vous donner des informations pour vous permettre de mieux comprendre pourquoi ces amendements ont provoqué un tel tollé au sein de la population.
Pour de nombreux Canadiens, l'une des libertés les plus précieuses consiste à pouvoir prendre une carte, localiser une rivière, sortir le canoë ou le kayak du garage, le mettre sur le toit de la voiture et s'engouffrer dans la vaste et merveilleuse nature du Canada pour y pratiquer leur activité préférée. Il s'agit d'un droit acquis à la naissance, qui nous a été transmis par les Pères de la Confédération, par les générations de Canadiens qui les ont précédés et par les Premières nations avant eux, et par la jurisprudence de common law qui s'est constituée au fil des siècles. Nous pouvons traverser le pays en canoë, ou maman ou papa peuvent fixer le canoë sur le toit de la voiture, installer les enfants sur la banquette arrière, mettre la tente dans le coffre et prendre une semaine de vacances. C'est ainsi que mes enfants ont grandi.
Ce que je veux dire, pour l'essentiel, c'est qu'une pléthore de Canadiens croient que le gouvernement a porté atteinte à l'une de leurs libertés les plus fondamentales et les plus précieuses.
Le gouvernement a fait valoir que ces changements étaient nécessaires pour alléger la bureaucratie. Tout le monde peut comprendre les frustrations que peut engendrer la bureaucratie, particulièrement lorsque celle-ci empiète sur les libertés personnelles. Cependant, nous devons garder présent à l'esprit le fait que le gouvernement peut également protéger nos libertés, ce qui explique pourquoi nous disposons de tribunaux, de services policiers, et d'autres choses du genre. Le gouvernement a qualifié de « bureaucratiques » les moyens lui permettant de s'acquitter de son devoir de protéger une liberté fondamentale, et je pense que cela a soulevé l'ire d'un bon nombre de Canadiens.
Jusqu'à maintenant, une rivière était considérée comme navigable s'il était possible d'y naviguer avec un canoë, un kayak ou n'importe quelle autre embarcation. C'est une définition très simple. Les tribunaux s'en servent depuis des générations. M. Osbaldeston, de Transports Canada, a affirmé qu'il n'existait nulle part de définition du terme « navigable « qui pourrait être appliquée, et que le gouvernement s'employait donc à en élaborer une. C'est là le nœud du problème.
Depuis le début de l'histoire du Canada jusqu'à aujourd'hui, nous étions libres de pagayer sur une rivière si celle-ci était navigable. C'est ce que faisaient les Premières nations, et c'est ce que faisaient après eux les Européens qui sont arrivés au Canada. À présent, le gouvernement tente de créer une définition pour déterminer sur quelles rivières nous pouvons pagayer.
Le gouvernement a également avancé que les modifications n'auront aucune incidence sur la capacité des pagayeurs de naviguer sur les cours d'eau. M. Osbaldeston a dit la même chose à maintes reprises. Cela ne nous rassure pas. Devant vous, il a laissé entendre qu'un ruisseau d'un pied de profondeur n'était pas navigable. Permettez-moi de vous raconter une courte histoire pour vous prouver le contraire.
Il y a deux ans, je me suis rendu dans les Territoires du Nord-Ouest pour y faire une excursion en canoë. Notre hydravion nous a déposé près d'un petit lac, situé à la frontière du Yukon. À partir de là, nous avons fait du portage sur environ un kilomètre jusqu'à un petit ruisseau, surnommé officieusement le « Push-Me-Pull-Me Creek ». Nous avons poussé et tiré nos canoës sur ce ruisseau, qui avait parfois moins de un pied de profondeur et dont la largeur était très souvent inférieure à trois pieds. Nous avons tout de même réussi à descendre le ruisseau. Nous avons persévéré et, deux semaines plus tard, nous étions en train de pagayer sur le fleuve Mackenzie, près du cercle polaire arctique. Ce que je veux dire, c'est que les petits ruisseaux débouchent sur les grands fleuves. Bloquer l'accès à un petit ruisseau revient à bloquer l'accès à un grand fleuve.
La rivière Credit est située près de ma ville natale, dans la région de Peel, en Ontario. Elle est navigable seulement une partie de l'année, car pendant plusieurs mois, son niveau baisse de sorte que l'on voit autant de roches que d'eau. Malgré cela, au fil des ans, les tribunaux ont déclaré qu'il s'agissait d'un cours d'eau navigable.
Environ un million de personnes vivent autour du bassin. En 1825, un agriculteur a construit un barrage sur la rivière Credit. À cette époque, il s'agissait d'une région très isolée. Les propriétaires actuels des terres situées de chaque côté du barrage ne veulent pas d'intrus sur leur propriété, ce qui est tout à fait compréhensible, et il est donc interdit de faire du portage autour du barrage.
Quand la Loi sur la protection des eaux navigables a été adoptée, une pléthore de barrages ont bénéficié d'une clause de droits acquis, y compris celui dont je vous parle. Par conséquent, le cours d'eau est coupé en deux. Vous pouvez pagayer en amont, vous pouvez pagayer en aval, mais les deux parties ne sont pas reliées. En 1825, les personnes qui ont construit ce barrage se doutaient-elles que, 184 ans plus tard, celui-ci interdirait la navigation à tant de personnes?
M. Osbaldeston a indiqué au comité que, selon lui, il n'était pas nécessaire de présenter une demande avant de construire une structure sur un cours d'eau où se trouvent des segments de 200 mètres qui ne sont pas navigables parce qu'il y a trop d'obstacles, parce que la pente est trop raide, parce que le cours d'eau est trop étroit à trois endroits mesurables ou parce qu'il est peu profond à trois endroits mesurables.
Cependant, c'est aux canoéistes, aux kayakistes et aux autres plaisanciers qu'il revient de décider si un cours d'eau est navigable en y naviguant. Il s'agit d'une liberté et d'un droit issu de la common law. Vous pouvez construire un pont ou un ponceau au-dessus d'un cours d'eau si vous le voulez, mais ne nuisez pas à la navigation. Si des segments de 200 mètres d'un cours d'eau cessent d'être navigables parce qu'ils sont trop escarpés, trop étroits ou trop peu profonds, et que vous construisez ensuite des ponts ou d'autres structures qui empêchent la navigation, alors tout le cours d'eau devient non navigable.
Pour faire une comparaison, imaginez ce que ce serait de conduire une automobile sur une route où il n'y aurait aucun pont au-dessus des petits cours d'eau. La route n'aurait plus aucune utilité. Cela vaut également pour une rivière, qui est également une voie publique : si vous la segmentez, elle devient non navigable dans son ensemble.
En fait, dans le cadre de certaines décisions, notamment dans Coleman, les tribunaux ont statué que les obstacles naturels ne rendaient pas en eux-mêmes une rivière non navigable.
Est-ce que le gouvernement sait qui vivra près de ces prétendus cours d'eau non navigables ou sans importance dans 184 ans. Ou qui voudra y naviguer? Ou quels types de cours d'eau seront navigables dans 184 ans? J'ai enseigné à pagayer à mes fils, qui peuvent déjà pagayer sur des rivières dont je n'aurais jamais pu croire qu'elles deviendraient un jour accessibles. Avec leurs canoës et leurs kayaks, ils franchissent des chutes d'eau, et je trouve cela incroyable.
La définition du terme « navigable « dans la common law était vraiment simple. Si vous pouvez naviguer sur un cours d'eau, il s'agit d'un cours d'eau navigable. Pensez aux définitions des animaux : si un animal ressemble à un canard, et qu'il fait coin-coin comme un canard, c'est un canard. À présent, le gouvernement veut tenter d'élaborer une définition de « canard ». Je pense qu'il va s'enliser dans les chinoiseries de l'administration avec sa définition de « canard ».
Sénateurs, selon moi, le gouvernement a peut-être raison lorsqu'il affirme que ces changements n'auront aucune incidence sur nos droits de naviguer, du moins à court terme — pas cet été, peut-être pas non plus l'été prochain. Cependant, en ce qui concerne nos droits de navigation à long terme, je pense que le gouvernement a tort. Au printemps prochain, lorsque la chaleur reviendra, les pêcheurs à la ligne, les chasseurs, les pagayeurs et les autres plaisanciers pourront se déplacer sur nos cours d'eau. Mais avec la croissance graduelle de l'infrastructure que l'avenir nous réserve, il faut s'attendre à se faire bloquer le passage par des barrages, des ponceaux, des estacades et d'autres structures, et la liste de cours d'eau non navigables du ministre s'allongera. Et puis, à ce moment-là, notre précieuse liberté de pagayer où bon nous semble appartiendra au passé.
Le président : Merci pour cet exposé coloré et intéressant. Le prochain intervenant sera M. Alexander, président de Pagaie Canada. Il nous a fourni une copie de son exposé, mais nous ne l'avons pas entre les mains. Nous avons reçu le document ce matin, et il n'a pas encore été traduit. Soyez assuré que chacun d'entre nous en recevra une copie dans les deux langues un peu plus tard. Je tenais seulement à vous rappeler que ce document ne vous a pas été distribué.
Richard Alexander, président, Pagaie Canada : Je vous remercie de l'intérêt que vous manifestez à l'égard de la Loi sur la protection des eaux navigables et de m'avoir invité à me présenter devant vous ce matin. Je suis arrivé ici hier, depuis St. John's, à Terre-Neuve, et je vous suis reconnaissant de m'accueillir avec des conditions météorologiques semblables à celles que j'ai quittées hier. Je me sens comme à la maison, et je vous en remercie.
J'aimerais prendre un moment pour tenter de vous aider à comprendre pourquoi toute cette question revêt une telle importance aux yeux des gens que je représente. Pour nous et pour des millions de Canadiens, le pagayage est non pas une activité comme les autres, mais une activité typiquement canadienne. Il s'agit d'un droit qui appartient aux Canadiens et d'une valeur canadienne distincte que nous exportons partout dans le monde.
J'ai souvent dit que le canoë, le canotage et le canotage dans les zones sauvages étaient le cadeau du Canada au reste du monde. Il serait difficile d'imaginer le Canada sans le canotage, qui fait partie intégrante des programmes scouts et guides, des camps d'été et des autres choses du genre. Je ne peux imaginer que mes enfants auraient pu grandir sans jamais apprendre les diverses techniques de canotage ou explorer une rivière dans ses moindres méandres. Tout cela constitue des caractéristiques importantes de notre identité canadienne.
Hier, à mon arrivée à l'aéroport, l'une des premières choses que j'ai vues était un canoë en écorce de bouleau. Cela donne une idée de l'importance que revêt le canotage et les questions qui s'y rapportent pour notre groupe. Il n'est pas du tout surprenant que les modifications apportées à la Loi sur la protection des eaux navigables y aient soulevé de grandes inquiétudes, surtout si l'on tient compte de la manière dont les choses se sont passées et du fait que nous n'avons pas été consultés.
Je représente aujourd'hui une association nationale de canotage récréatif. Il s'agit d'un organisme sans but lucratif de type associatif. J'aime à penser que nous représentons les canoéistes et les kayakistes purs et durs du Canada, c'est- à-dire des gens qui ne vivent que pour pagayer. Cette activité fait partie intégrante de notre mode de vie et de notre identité.
Notre association compte 1 200 membres répartis dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada. Notre mission consiste à mieux faire connaître le canotage récréatif et à sensibiliser nos membres aux questions touchant la sécurité, la préservation du patrimoine et la protection de l'environnement. Notre organisation regroupe non seulement nos membres directs, mais agit également comme organisme national regroupant huit associations provinciales et territoriales de canotage récréatif, qui verse une cotisation annuelle à Pagaie Canada. Ces organisations régionales affiliées regroupent, à leur tour, une kyrielle de clubs de canotage qui, en tout et pour tout, représentent près de 12 000 pagayeurs canadiens.
De surcroît, nous dirigeons des programmes nationaux d'accréditation auxquels prennent part chaque année plus de 3 500 personnes. Par l'entremise de nos publications, nous communiquons avec 1 700 autres pagayeurs.
Avant de venir ici aujourd'hui, nous nous sommes adressés à ces quelque 18 000 personnes pour connaître leur avis sur les modifications apportées à la loi. Je peux vous dire que les réponses ne se sont pas fait attendre. En 38 ans, notre association n'avait jamais reçu, sur aucune autre question, un nombre aussi élevé d'appels téléphoniques, de courriels et de lettres de rétroaction. Il est évident que ces modifications ont touché un point sensible dans notre collectivité, et je pense que vous ne l'ignorez pas.
Le président : Nous sommes tous très intéressés par ce que vous dites. Nous avons entendu ce genre de critique à maintes reprises, et pas seulement dans le cadre des exposés qui nous ont été présentés ou des courriels qui nous ont été envoyés.
Vous avez indiqué avoir consulté l'ensemble de vos 18 000 membres en ce qui a trait aux modifications apportées à la loi. Dans quel cadre cette consultation s'est-elle déroulée? Vos membres ont-ils tous lu le projet de loi? Pour le profane, il peut sembler que les amendements en question suppriment tout simplement un droit acquis de naissance et mettent fin au canotage. Je ne crois pas que c'est ce que vous êtes en train de nous dire. Pouvez-vous nous indiquer dans quel cadre s'est déroulée la consultation qui a donné lieu à ce déluge de courriels, de lettres et d'appels téléphoniques?
M. Alexander : Nous avons consulté nos membres par divers moyens. En 2009, avec les moyens de communication dont nous disposons, il est relativement facile pour nous de consulter nos membres. Nous nous sommes donné comme mission de les informer à propos des modifications qui ont été apportées et, à cette fin, nous avons eu recours aux services d'autres associations, dont certaines sont représentées ici aujourd'hui, et nous nous sommes inspirés de quelques-unes des initiatives qu'ils ont prises.
Je n'oserais pas affirmer que tous nos 18 000 membres ont pris le temps d'examiner en détail les modifications apportées à la loi. Je ne suis pas assez fou pour m'imaginer cela. Je dis seulement que ces amendements ont fait vibrer une corde sensible chez nos membres, de telle sorte qu'ils sont vivement intéressés par ce qui se passe en ce moment même.
Le président : Je vous remercie de ces éclaircissements, et je tiens à m'excuser si je vous ai fait perdre le fil de vos pensées, mais notre discussion revêt un caractère pour le moins singulier dans la mesure où le projet de loi que nous examinons a déjà été adopté et que, par conséquent, à ce moment-ci, nous ne sommes pas ici pour proposer quelque amendement que ce soit. Nous devons présenter quelques recommandations à nos collègues du Sénat et de la Chambre des communes. Nous nous attendons à ce que vous contribuiez à cet exercice en formulant des suggestions que nous pourrions faire figurer dans notre rapport.
Le projet de loi a été adopté, et pourtant, nous pouvons voir des pagayeurs commencer à s'activer. Nous voyons de nombreuses voitures passer avec un canoë sur le toit. De toute évidence, ce projet de loi n'a pas encore abouti à des conséquences désastreuses et, pas plus que vous, nous ne savons à quoi ressemblera le gouvernement dans 184 ans. Je suis certain que la loi sera modifiée s'il s'avère qu'elle a des répercussions épouvantables. Mais poursuivez, je vous en prie.
M. Alexander : Merci beaucoup. Je veux dire quelques mots concernant le processus de consultation que nous avons mené sur cette question. Selon moi, d'après la manière dont est menée une consultation, elle peut dissiper les craintes ou bien en créer. En ce qui concerne les membres de notre organisation, il n'est pas exagéré de dire que cela a créé des craintes.
Nous avons reçu un courriel et un appel téléphonique de M. Ricard, le greffier du Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes, nous invitant à participer à une consultation qui devait avoir lieu deux jours plus tard. Vous pouvez imaginer que, même si nous étions extrêmement heureux de nous voir offrir l'occasion de participer à ces réunions, le délai était quelque peu serré, pour dire le moins. En deux jours, nous devions mener une action éducative auprès de nos membres, leur demander de nous fournir une rétroaction et définir, de façon responsable, la position que nous voulions prendre sur la question en vue de la réunion d'aujourd'hui. Tout cela est irréaliste pour un organisme sans but lucratif constitué de bénévoles.
Compte tenu de ce court préavis, nous n'avons pas pu faire mieux que d'envoyer à nos membres une lettre énonçant nos préoccupations à propos du processus de consultation. Nous leur avons demandé de faire la même chose, et on peut dire qu'ils ont répondu de manière bien sentie.
Un peu plus tôt, j'ai avancé que le fait de pouvoir naviguer librement sur nos cours d'eau et de pouvoir pagayer dans la nature sauvage du Canada constituait des caractéristiques typiques de l'identité canadienne. Il s'agit d'un droit intrinsèque et historique des Canadiens, ainsi qu'une valeur canadienne. À mes yeux, cette valeur constitue à elle seule une raison suffisante pour renforcer la Loi sur la protection des eaux navigables ou pour faire quoi que ce soit d'autre qui puisse dissiper les craintes de nos membres.
En outre, comme la plupart des activités de loisirs, le pagayage a des retombées économiques. Cette activité contribue à l'économie nationale, comme toutes les autres activités de loisirs. Il s'agit d'un marché très important pour le secteur touristique canadien. Je vais vous donner une idée de l'ampleur de ce marché. En juin 2003, la Commission canadienne du tourisme a publié un rapport intitulé A Snapshot of the Canoeing & Kayaking Travel Market in North America. Les auteurs de cette étude ont examiné le nombre de touristes qui, au cours des deux années précédant la publication du rapport, avaient pratiqué une activité de canoë ou de kayak dans le cadre d'un voyage de plus de 24 heures.
Selon le rapport, 4,4 millions d'Américains et 2,6 millions de Canadiens entrent dans cette catégorie. À mon sens, ces nombres sont considérables. Cela représente 17 p. 100 du nombre total d'adultes qui ont fait un voyage d'agrément d'une nuit ou plus au Canada au cours des deux années précédant l'étude.
Selon les totalisations spéciales de Statistique Canada fondées sur l'Enquête sur l'importance de la nature pour les Canadiens, une part non négligeable des 12 milliards de dollars que l'écotourisme et les loisirs de plein air apportent au PIB du Canada est le fruit d'activités tributaires d'une eau saine et abondante.
Sénateurs, j'affirme devant vous aujourd'hui que l'industrie canadienne du canoë et du kayak dépend de notre capacité de conserver des cours d'eau sains sur lesquels nous pouvons naviguer librement. Cette loi protège le gagne- pain de milliers d'exploitants d'entreprises touristiques qui vivent dans des collectivités dont l'économie repose sur les activités de canotage.
L'organisme que je représente est conscient du fait que cette loi doit être modernisée et que le progrès économique est une réalité dont il faut tenir compte. Nous ne voulons pas laisser entendre qu'aucune modification ne devrait être apportée à la loi, et nous comprenons que la Loi sur la protection des eaux navigables pose des problèmes sur le plan bureaucratique. Cependant, nous croyons qu'en essayant d'alléger la bureaucratie, et en négligeant de consulter notre organisation, on n'a fait que nuire à l'objectif même de la loi, à savoir la protection du droit des Canadiens de naviguer et d'avoir un libre accès à des cours d'eau sains et non obstrués.
Plus particulièrement, nos membres ont exprimé des inquiétudes quant au fait que les amendements conféraient au ministre ou au Cabinet des pouvoirs supplémentaires leur permettant de soustraire au processus d'approbation certaines catégories d'ouvrages et certaines catégories d'eaux navigables, sans que de telles décisions n'aient à être justifiées par une quelconque série de critères objectifs et sans que le public n'ait à être informé ou consulté.
Ce qui préoccupe le plus nos membres, c'est le fait qu'aucun critère n'encadre l'exercice de ce pouvoir d'exemption. Selon nous, minimalement, des critères devraient être établis en ce qui a trait aux catégories de cours d'eau navigables.
J'ai bien aimé la définition proposée plus tôt par M. Green, selon laquelle un cours d'eau navigable est un cours d'eau sur lequel vous pouvez circuler en canoë. Je répète que ce qu'un bureaucrate peut considérer comme une tranchée de drainage insignifiante peut se révéler être la voie d'accès à un bassin d'une importance historique et économique pour notre organisation.
De surcroît, il est extrêmement inquiétant que de tels travaux d'aménagement puissent être autorisés sans avis public. À tout le moins, les personnes les plus touchées par des travaux effectués sur un cours d'eau devraient se voir offrir l'occasion d'expliquer quelles répercussions cela aura sur leur vie. Je ne suis pas en train de dire qu'un avis public publié dans un journal sera suffisant pour informer toutes les personnes concernées. Néanmoins, à mon avis, c'est le moins que l'on puisse faire.
Sénateurs, je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de m'adresser à vous. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Le président : Merci, monsieur. C'était un excellent exposé. Notre greffier est ravi que vous soyez tous présents, car cela signifie que vous avez été dûment avisés de la tenue de notre réunion. Nous sommes enchantés de vous recevoir.
Je ne peux pas m'empêcher de souligner que le nom de deux de nos témoins, à savoir M. Green et M. Wood, est tout à fait de circonstance. Quoi qu'il en soit, nous sommes heureux de vous recevoir. Nous allons maintenant entendre M. Mattson, de l'organisme Lake Ontario Waterkeeper, une dénomination très intéressante.
Mark Mattson, président, Lake Ontario Waterkeeper : Bonjour. Je m'appelle Mark Mattson; je suis préposé à la protection des eaux et président de Lake Ontario Waterkeeper. Je suis accompagné de la vice-présidente de notre organisation, Krystyn Tully.
Lake Ontario Waterkeeper est une organisation qui œuvre dans le domaine de la justice environnementale. Je suis avocat en droit environnemental, et je suis membre de la commission qui regroupe l'ensemble des organisations canadiennes de protection des eaux. Robert Kennedy fils est le président de cette commission, dont je suis membre depuis bon nombre d'années. Nous sommes ici pour présenter toutes les personnes qui travaillent dans le secteur de la protection des eaux, des rivières et des baies partout au Canada.
Nous nous sommes très tôt intéressés à la question qui fait l'objet de notre discussion d'aujourd'hui. En mai dernier, lorsque nous avons reçu l'invitation du Comité des transports, cela faisait plus d'un an que nous nous penchions sur les problèmes dans le secteur des ports et de la marine marchande. Mme Tully a assisté à la réunion et a présenté des observations concernant les modifications à apporter à la Loi sur la protection des eaux navigables. Nous étions les seules personnes à représenter un organisme sans but lucratif. Les autres personnes représentaient des groupes d'intervenants, des groupes d'intérêt, et cetera. Il n'y avait aucun groupe représentant le secteur du pagayage, de la chasse ou de la pêche, pour la simple raison qu'il n'était pas au courant de ce qui se passait. En un certain sens, cela nous a semblé pour le moins étonnant, compte tenu du fait que la question à l'étude était le retrait de notre droit de naviguer sur nos cours d'eau.
Par souci de clarté, il convient de souligner que ce droit peut toujours être retiré par le gouvernement ou par l'organe politique, dans certaines circonstances. C'était déjà le cas avec l'ancienne Loi sur la protection des eaux navigables. Cependant, en vertu de la nouvelle loi, l'organe politique — le ministre responsable — n'a plus le devoir ou l'obligation d'assumer la responsabilité des exemptions qu'il accorde. Cela peut se faire à des échelons inférieurs du gouvernement. Des personnes non identifiées — que nous ne connaissons même pas — peuvent décider que telle ou telle rivière n'est pas si importante, ou que l'utilisation que nous en faisons n'est pas si importante.
Par conséquent, je ne pense pas que la loi sera modifiée dans l'avenir si des problèmes se présentent puisque les personnes sur lesquelles elle fera sentir ses effets négatifs sont considérées comme de la menue monnaie, car elles n'ont ni le pouvoir, ni l'influence ni l'argent pour faire entendre leur voix. Si nous supprimons le droit de navigation, ces personnes seront désavantagées sur le plan environnemental. C'est la raison pour laquelle ce droit existe.
En vertu de la version modifiée de la loi, ce droit devient un privilège, et cela est épouvantable. D'après moi, le fait de transformer le droit de navigation en privilège est contraire aux valeurs canadiennes.
Par conséquent, nous sommes d'accord avec le Sierra Club du Canada à ce sujet. Les représentants de cette organisation ont parlé du paragraphe 5(1) de la loi, à propos duquel nous avons soulevé maintes préoccupations depuis le début des débats sur cette question.
Je vais inviter Mme Tully à prendre la parole. Elle travaille sur le dossier depuis l'an dernier et a fait preuve de leadership à bien des égards. Elle aimerait aujourd'hui vous présenter quelques recommandations. Elle souhaite que le comité en tiendra compte dans le cadre de son étude et qu'il parviendra à élucider quelques questions qui demeurent, pour nous, sans réponse.
Krystyn Tully, vice-présidente, Lake Ontario Waterkeeper : Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est qu'il y a un problème. Je sais que ces questions ont déjà été abordées par de nombreux autres intervenants. Ainsi, je n'entrerai pas dans les détails. Pour résumer, la principale préoccupation tient à ce que la nouvelle Loi sur la protection des eaux navigables porte atteinte au processus de reddition de comptes parce qu'elle élimine ou réduit la transparence du processus décisionnel. En vertu de la nouvelle loi, on prendra des décisions politiques plutôt que des décisions fondées sur des évaluations scientifiques. En conséquence, comme M. Mattson l'a dit, le degré de protection qui sera accordé à un cours d'eau sera fonction du statut, des contacts, de la richesse et de l'accès aux décideurs que possèdent les membres de la collectivité où se trouve le cours d'eau.
La loi modifiée institutionnalise un système de protection environnementale à deux vitesses, en vertu duquel, pour l'essentiel, certaines rivières canadiennes seront considérées comme dignes d'être protégées et d'autres, indignes d'être protégées. Pour Lake Ontario Waterkeeper, il s'agit d'un grave problème puisque bon nombre des rivières affluentes du lac Ontario seront menacées. Nous ne montons pas aux barricades pour protéger de grandes rivières majestueuses. Nous tentons de sauvegarder et de mettre en valeur des rivières que l'on appelle aujourd'hui des criques, des rivières modestes. Si une rivière comme la rivière Don est jugée non navigable parce qu'il n'est possible d'y faire flotter un canoë qu'un seul jour par année, essentiellement, les résidents de Toronto n'auront plus jamais accès à cette rivière. Nous sommes extrêmement inquiets à cet égard.
Nous tentons d'être le plus utile possible. Nous comprenons que les membres du comité et du Sénat doivent présenter un rapport à la mi-juin. C'est la raison pour laquelle nous avons élaboré une série de questions qui, selon nous, vous mettront sur une très bonne voie pour comprendre les problèmes auxquels nous faisons face. En répondant à ces questions, qui soulèvent de très grandes préoccupations dans la population, vous pourrez probablement mettre au point les recommandations et le rapport les plus fructueux et les plus utiles possible, et ainsi mettre en évidence les mesures qui doivent être prises pour la suite des choses.
La première question est la suivante : qui est à l'origine de ce projet de modification de la Loi sur la protection des eaux navigables, et qui a piloté ce processus législatif inhabituel?
Cette question est importante pour les deux raisons suivantes. Nous devons savoir si le problème que nous tentons de régler a été soulevé à l'échelon administratif et, le cas échéant, si le fait de modifier la loi constituait véritablement la meilleure façon de régler ce problème, ou s'il s'agit plutôt d'un problème qui a été décelé à l'échelon politique. Dans ce dernier cas, les solutions ou les outils ne sont pas les mêmes que s'il s'agit d'un problème de nature administrative. La question de savoir si le problème a été repéré à l'échelon administratif ou politique demeure nébuleuse. Les collectivités doivent le savoir. L'information et les recommandations que nous présentons ont pour objectif d'aider à régler le problème, mais celui-ci doit, au préalable, être énoncé clairement.
Bon nombre d'intervenants ont affirmé que ces modifications étaient essentielles dans le cadre des mesures de stimulation de l'économie. Il y a un an, devant un comité, j'ai discuté des mêmes questions avant que l'on commence à parler de stimulation de l'économie et de toutes les politiques de ce genre qui ont été adoptées dans le cadre de la Loi d'exécution du budget.
C'est la raison pour laquelle il s'agit d'une question cruciale.
Qui sont les clients de Transports Canada? Si vous pouvez comprendre cette deuxième question, vous comprendrez pourquoi il y a autant de confusion et pourquoi la position du secteur des organismes environnementaux et sans but lucratif est inconciliable avec celle du secteur de l'administration et des intervenants de l'industrie. Pour le grand public, Transports Canada est au service de la population, et la Loi sur la protection des eaux navigables a pour objet de protéger le droit des personnes de naviguer sur les cours d'eau canadiens. Cependant, dans le cadre de ses activités quotidiennes, Transports Canada interagit davantage avec les personnes qui empiètent effectivement sur notre droit de naviguer et qui présentent des demandes de permis et de licence qu'avec les personnes qui naviguent sur les rivières.
Je pose donc de nouveau la question : pour qui travaille Transports Canada? Si vous examinez la liste des personnes et des intervenants qui ont été consultés avant que le comité sénatorial n'entreprenne ses travaux, vous constaterez qu'il s'agit majoritairement de personnes qui ont un intérêt direct à ce que la réglementation soit assouplie, et non pas des personnes qui ont à cœur la protection du droit de naviguer.
La troisième question a trait au fait que les évaluations environnementales indépendantes et rigoureuses se font de plus en plus rares. Dans quelle mesure les modifications apportées à la Loi sur la protection des eaux navigables s'inscrivent-elles dans cette tendance? Le Club Sierra et d'autres intervenants ont examiné cette question en détail, mais vous devez bien comprendre que de grands changements sont en train d'être apportés au processus d'évaluation environnementale et, de façon générale, au processus décisionnel relatif aux questions touchant à l'environnement. Ces modifications s'inscrivent dans cette tendance de fond.
Par conséquent, pour comprendre les inquiétudes de la population, il faut absolument comprendre la tendance globale et ce qui est en train de se produire un peu partout.
Bien que les autorisations accordées aux termes de la Loi sur les pêches ont pour effet d'enclencher le processus d'évaluation environnementale, Pêches et Océans Canada ne participait pas, dans la mesure du possible, aux évaluations environnementales, conformément à la politique d'» aucune perte nette ». Si vous devez détruire l'habitat d'un poisson, mais que vous en construisez un autre d'une superficie équivalente à un autre endroit, aucune évaluation environnementale n'est requise. Ainsi, même si les activités qui ont une incidence sur l'habitat du poisson et celles qui ont une incidence sur la navigation se recoupent partiellement, il n'existe aucune garantie que Pêches et Océans Canada prendra en considération les questions de navigation chaque fois que l'habitat d'un poisson est menacé.
La quatrième question, qui consiste à déterminer si les Canadiens ont encore le droit de circuler librement sur les voies navigables du pays, constitue l'enjeu majeur. Il s'agissait d'un droit issu de la common law, et le fait de mettre en place une loi autorisant le gouvernement à délivrer des licences et des permis qui empiètent sur ce droit constituait déjà une régression à certains égards. À présent, le fait de mettre en place des processus dans le cadre desquels des listes sont créées et où on autorise quiconque à construire un ouvrage sur une voie navigable pour autant qu'il promet de s'y conformer a pour conséquence que nous ne savons plus vraiment si ce droit existe encore ou s'il s'agit simplement d'un objectif que nous voulons atteindre. Nous aimerions préserver, dans la mesure du possible, les eaux navigables du Canada.
Cinquièmement, qui a été consulté à propos des modifications de la loi? Quand ces consultations ont-elles eu lieu? Comment ont-elles été menées? À ce propos, quelques discussions ont eu lieu et diverses observations ont été présentées, et tout cela devrait être rendu public. Nous aimerions que l'on nous dise de manière simple et directe avec quelles personnes Transports Canada a communiqué, il y a un an, lorsque ces modifications étaient envisagées. Qui a rencontré Transports Canada, quand ces réunions ont-elles eu lieu, qui s'est présenté devant le comité et qu'est-ce qui a été dit à ce moment-là? Il devrait être relativement facile de connaître le nom des personnes qui ont été entendues à ce jour.
Sixièmement, qui devrait être consulté à propos des modifications qui seront apportées à la loi dans l'avenir? Dans le cas où la Loi sur la protection des eaux navigables devait être réexaminée pour que l'on puisse y apporter des améliorations et des changements, qui devrait être consulté? Quand? Où? Comment? Ce n'est pas tout le monde qui a la possibilité de venir à Ottawa moyennant un très court préavis. Bon nombre des personnes qui ont le plus à perdre de ces modifications vivent dans des régions isolées, de même que les personnes qui ont le plus besoin d'être informées de ce qui se passe. Il faudrait envisager la tenue de consultations à l'extérieur d'Ottawa, dans les collectivités en question, ou alors de mener des consultations par téléconférence, ou par tout autre moyen.
Enfin, la septième question est la suivante : quels processus garantiront la transparence et la reddition de comptes au regard des décisions prises en vertu de la nouvelle loi? Peu importe ce que nous dirons, le fait est que la nouvelle loi a été adoptée. C'est ainsi. Des politiques et des règlements seront adoptés, et des décisions seront prises. Que devons- nous faire pour que cela se fasse de la manière la plus équitable possible? Comment pouvons-nous favoriser la transparence, la reddition de comptes et un processus décisionnel éclairé si les mesures législatives ne sont pas modifiées dès maintenant ou dans l'avenir?
J'ai des messages à transmettre de la part de trois de nos amis également préposés à la protection des eaux. Meredith Brown, qui s'occupe de la protection des rivières de la région d'Ottawa, tient à ce que vous sachiez que de simples projets à petite échelle peuvent réduire à néant une rivière aussi sûrement qu'un mégaprojet de plusieurs millions de dollars. Cela est crucial en ce qui a concerne la question des cours d'eau ou des ouvrages considérés comme mineurs.
Doug Chapman est préposé à la protection de la rivière Fraser, en plus d'être l'un des procureurs les plus expérimentés du Canada. Il tient à vous dire que, sans évaluation et sans avis public en bonne et due forme, des erreurs peuvent être commises. Cela s'est produit l'an dernier, lorsqu'un bâtiment a coulé près de Chilliwack, en Colombie- Britannique.
Tim Van Hinte est préposé à la protection de la rivière Petitcodiac. Il tient à ce que vous soyez au courant des dommages provoqués par la construction du pont-jetée de Moncton, au Nouveau-Brunswick. Depuis 40 ans, les citoyens de la collectivité touchée n'ont plus accès à leur rivière. Ils ne peuvent plus pratiquer la pêche ni d'autres activités de loisirs et de tourisme puisque le droit de navigation a été supprimé.
Ce sont les messages que je voulais vous transmettre de la part de personnes qui vivent dans d'autres régions du pays.
Le président : Merci à vous deux de vos exposés très clairs et très pertinents. Nous vous avons écoutés attentivement. À titre de personnes travaillant dans le domaine de la protection des eaux en Ontario, vous avez mentionné toutes les autres mesures que vous avez prises et qui ne sont pas liées à la Loi sur la protection des eaux navigables. Si j'ai bien compris, les espèces exotiques envahissantes qui s'installent dans les cours d'eau dont vous assurez la protection constituent un enjeu majeur. Est-ce que cela revêt un intérêt quant à la question que nous examinons en ce moment?
M. Mattson : Je serais porté à affirmer que la question des eaux de ballast est liée indirectement à celle de la navigation. À mon avis, moyennant une étude bien menée et une diligence raisonnable, le problème aurait pu être réglé depuis longtemps, et des solutions auraient été proposées. Il faudra que ces solutions soient proposées dans l'avenir.
Si la Loi sur la protection des eaux navigables, la LPEN, peut provoquer cette diligence raisonnable et mettre en branle le processus de recherche scientifique, comme cela a été le cas dans le passé, alors oui, en ce sens, les deux questions sont liées. Au Canada, la LPEN a été l'élément qui a amené les personnes concernées par la question des eaux navigables à avoir recours à la recherche scientifique et à faire valoir leur droit à être informés et consultés. Cela est important, dans la mesure où, si on nous enlève ce droit, nous risquons de faire les frais des discussions qui auront lieu dans l'avenir.
Le président : Certains d'entre nous ont entendu parler de ces grosses carpes asiatiques qui s'infiltrent dans nos cours d'eau depuis le Mississippi et la rivière Chicago. Des barrages sont installés pour leur bloquer leur passage. Or, il m'est venu à l'esprit que ces barrages installés pour nous protéger de ces espèces pourraient également se révéler être une nuisance en matière d'eaux navigables.
M. Mattson : Fait intéressant à signaler, une étude a été menée à ce sujet, et cela a abouti à la création de barrages électroniques. Les bateaux peuvent passer, mais pas les poissons. Quant à la question de savoir si cela fonctionnera ou s'il faudra mener d'autres études à ce sujet, le processus prévu par la LPEN permettra de se pencher sur la question et d'examiner les autres solutions.
Sans la LPEN, n'importe qui pourrait décider qu'il est inutile de dépenser de l'argent ou d'envisager une solution comme le barrage électronique de manière à ne pas empêcher la navigation. N'importe qui pourrait dire : « Construisons un pont-jetée et finissons-en une fois pour toutes. Cette rivière n'est pas si importante. » On entendrait ce type de jugement de valeur. Au Canada, les meilleures décisions qui ont été prises l'ont été dans le cadre d'un processus public.
Jim Wood, vice-président, Développement organisationnel, Ontario Recreational Canoeing and Kayaking Association : Je vous remercie de m'accueillir, sénateurs. Je ne travaille ni dans le domaine du droit ni dans le domaine scientifique. Je suis pagayeur. C'est à ce seul titre que je me présente ici aujourd'hui. Regardez mes mains, vous comprendrez : elles représentent 55 ans de pagayage, dont 50 à titre professionnel, sous quelque forme que ce soit. Je profite de ma pension de vieillesse, des prestations du RPC et de tous les autres avantages qui nous sont accordés, mais je pagaie toujours. Je suis toujours en train de pagayer sur une rivière.
Je vous transmets également les salutations de deux pagayeurs à qui j'ai enseigné dans le passé et avec qui j'ai pratiqué le pagayage au fil des ans. L'une de ces personnes m'a téléphoné hier soir. Elle travaille comme guide sur la rivière Nahanni. En ce moment-même, elle est probablement en train de préparer le petit déjeuner de ses clients. J'ai également reçu un appel téléphonique de mon fils, qui enseigne l'histoire à l'Université de Colombie-Britannique. Ce matin, il est en train de pagayer sur la rivière Okanagan.
Je représente les pagayeurs. Je ne prétends pas représenter qui que ce soit d'autre. Je suis un pagayeur, et les personnes que je représente sont des pagayeurs. De toute évidence, nous sommes préoccupés, et bon nombre de nos préoccupations sont semblables à celles qui ont déjà été portées à votre attention. Certaines ont été présentées par des personnes qui s'expriment mieux que moi. Je ne reviendrai donc pas sur ce qui a déjà été dit puisque cela a été inscrit au compte rendu et que nous en sommes pleinement satisfaits.
Je tiens à vous indiquer les tenants et aboutissants des préoccupations de mes membres. Lorsque je dis « mes membres », je parle des membres de l'Ontario Recreational Canoeing and Kayaking Association, ou l'ORCKA, qui a déjà été étroitement liée à Pagaie Canada. Peut-être le sera-t-elle de nouveau dans l'avenir.
Quoi qu'il en soit, j'ai fondé cette organisation, que je présidais en 1973, et j'en fais toujours partie aujourd'hui. À notre première réunion, dans une Chambre d'hôtel de Toronto, nous étions six. Aujourd'hui, notre organisation compte des milliers de membres. J'estime que cela en dit long en ce qui concerne la situation actuelle du pagayage au Canada. Au départ, il ne s'agissait que d'une simple activité de loisirs. À présent, cela constitue, pour une pléthore de personnes, une entreprise commerciale — une entreprise d'écotourisme. Quelque 170 membres de l'ORCKA vivent de cette activité.
Dans bien des cas, il s'agit de petites exploitations familiales. D'ailleurs, l'homme qui devait se présenter ici aujourd'hui — j'ai dû sortir de ma retraite pour prendre sa place — a été retenu au lac Temagami en raison d'un achalandage inhabituel et parce que l'un de ses guides était malade. Il a donc dû agir comme remplaçant et déclaré forfait pour la réunion d'aujourd'hui. Comme vous le savez, nous essayons de nous rendre service, dans la mesure du possible.
J'ai indiqué que 170 de nos membres menaient des activités commerciales dans le secteur du pagayage, et il convient de souligner que les entreprises en question vont de l'exploitation familiale à des organisations comme le club de canoë- kayak de Barrie, qui compte à lui seul 700 membres. Il s'agit d'une organisation de grande envergure, dont les membres se déplacent partout pour pratiquer leur activité de prédilection. Je pense qu'on peut dire sans trop risquer de se tromper qu'ils ont pagayé dans toutes les criques — je parle ici des cours d'eau qui sont à peine plus larges qu'un canoë — de l'Ontario.
J'ai pagayé sur toutes les rivières de l'Ontario, qu'il s'agisse de celles du bassin de l'Arctique ou de celles de la région de Toronto. Elles ont toutes une valeur. Tout comme l'ensemble de nos membres, je crains que les mesures législatives en vigueur ne se traduisent par une détérioration de ces cours d'eau. Certains d'entre eux seront qualifiés de « mineurs », et nous savons tous ce que cela veut dire. Cela signifie qu'ils sont moins importants. Si nous surveillons moins une rivière, toutes sortes de choses mineures y apparaîtront, par exemple des quais. Chaque rivière doit faire l'objet d'une supervision appropriée.
Je pourrais établir un parallèle avec les équipes de hockey mineures. Celles-ci font l'objet de courts articles dans le journal local, mais parle-t-on de ces équipes dans le Toronto Star? Le hockey mineur ne fait pas les manchettes, et ne les fera jamais. C'est un fait, qui s'applique autant au hockey mineur qu'à toute autre chose considérée comme mineure. Nos membres sont donc inquiets, et ils nous ont fait part de leurs inquiétudes. Ils m'ont dit : « Jim, sors de ta retraite et rends-toi à cette réunion. »
Je me tiens au courant. Cette pile de lettres est constituée des plus récents préavis de deux semaines communiqués par le ministère des Ressources naturelles de l'Ontario à propos des changements apportés à leurs plans. Je les reçois tous parce que j'entretiens des relations de travail avec le ministère. Il est important d'établir de telles relations pour faire avancer les choses. J'ai établi de telles relations de travail, et je reçois de telles lettres. À l'ORCKA, nous nous penchons sur chacune d'entre elles pour sélectionner celles qui revêtent un intérêt particulier. Ensuite, nous présentons des exposés, nous menons des consultations et nous entreprenons des négociations. C'est de cette façon qu'il faut agir. Nous ne cherchons pas l'affrontement. Cela n'est pas une option. Nous préférons collaborer et faire avancer les choses. Au bout du compte, nous pourrons dire que nous disposons d'excellentes mesures législatives en Ontario.
Nous avons fait modifier la définition de cours d'eau navigable, du moins en ce qui a trait à sa gestion. Nous sommes passés d'une définition étroite à une définition tenant compte de la pente de la ligne d'eau. Cela a été notre premier gain. En d'autres termes, la définition s'applique à partir du sommet de la pente où le cours d'eau prend naissance. Ensuite, nous avons demandé que le champ de visibilité soit pris en considération. Tous nos membres qui exploitent une entreprise commerciale offrent à leurs clients une vue sur ce qui les entoure pendant qu'ils descendent une rivière. Si quelque chose est bâti près de la rive, même si cela se trouve à 200 pieds sur un plan de niveau, on peut le voir à des kilomètres à la ronde. Le ministère a donc été très compréhensif. La définition a été modifiée pour tenir compte de l'aspect visuel. Nos membres nous ont dit que cela était merveilleux et leur permettrait de poursuivre les activités commerciales.
C'est la raison pour laquelle nous voulons que la définition de cours d'eau s'applique aux cours d'eau qui ont cette profondeur — je ne veux pas entendre parler de la possibilité d'y faire flotter un canoë ou de quoi que ce soit d'autre. Un cours d'eau peut être considéré comme navigable dès qu'il a cette profondeur, car j'ai déjà moi-même pagayé dans des cours d'eau aussi peu profonds.
Le président : Pour les fins du compte rendu, je signale que le témoin nous a indiqué, avec ses doigts, une profondeur d'environ deux pouces.
M. Wood : D'accord pour deux pouces, je ne rechignerai pas.
Nous savons de quoi nous parlons. Nous énonçons des faits. D'autres définitions peuvent être considérées comme pertinentes, mais nous savons de quoi nous parlons, et j'espère que vous en tiendrez compte au moment de modifier la loi dans l'avenir.
Nous sommes également préoccupés par la qualité de l'eau. Je pense à mon amie qui se trouve en ce moment sur la rivière Nahanni, et je l'imagine en train de recueillir de l'eau et de la laisser décanter avant d'en boire. Nous buvons tous l'eau de ces rivières. Avec le temps, nous avons dû traiter de plus en plus ces eaux. Les rivières se sont détériorées. C'est un fait. Mes affirmations s'appuient sur ce que de nombreuses personnes ont pu observer dans d'innombrables endroits. Nous devons nous préoccuper de la qualité de l'eau, non seulement dans l'intérêt des canoéistes, mais dans l'intérêt de tous, par respect de la vie. Il faut voir cette eau et constater ce qui est en train de se passer dans cette rivière avant de porter quelque jugement que ce soit. Je peux vous dire qu'à l'heure actuelle, elle est en cours de détérioration. Même à Algonquin, l'eau d'une myriade de cours d'eau est rendue non potable.
Le président : En ce qui concerne la qualité de l'eau, d'autres mesures législatives ont été adoptées et d'autres initiatives ont été prises. Je vois l'une des dames de Walkerton là-bas. Certains des dégâts ne peuvent être attribués à ces mesures législatives. Ils sont attribuables à la dégradation de l'environnement.
M. Wood : J'ai travaillé dans un centre de recherche sur les pluies acides.
J'ignore si nous parviendrons jamais à remettre l'environnement en parfait état. Je pense qu'il faut oublier cela. Nous devons nous occuper des cours d'eau qui nous restent. Nous devons faire ce qu'il est possible de faire.
J'étais à cet endroit l'autre jour. Avez-vous vu cela? C'est là que nous pagayons. D'après vous, quelle est la profondeur de l'eau à cet endroit?
Le président : Le témoin montre un document. Est-ce la page 1, monsieur?
M. Wood : C'est une photo de la rivière Don, à Toronto, datée du 4 mai.
Le président : S'agit-il de la page 1 du Toronto Star du 4 mai?
M. Wood : Cette photo est tirée du cahier portant sur la région métropolitaine de Toronto.
Le président : De cette façon, ceux qui liront le compte rendu sauront qu'il ne s'agit pas d'une photo tirée d'Allô Police ou d'une autre publication de ce genre.
M. Wood : J'ai recueilli trois ou quatre documents qui pourraient intéresser le comité. Vous les reconnaîtrez à leur en-tête. En ma qualité d'ex-enseignant, j'ai l'habitude de distribuer des documents.
Si vous l'avez, j'aimerais que vous regardiez l'image du haut. Comme l'a dit mon ami à ma droite, vous voyez la chute et quelqu'un qui descend. C'est là que nous pagayons.
Le président : Chers collègues, nous n'avons pas fait circuler ce document, parce qu'il n'est pas traduit, mais nous vous le ferons parvenir plus tard.
M. Wood : Il me sert de toile de fond. Je peux aborder toutes sortes de définitions ainsi.
Le sénateur Milne : Ces personnes ne sont pas des témoins du gouvernement. Elles ont le droit de témoigner devant nous et de déposer des mémoires dans l'une ou l'autre des deux langues officielles. J'aimerais voir le document de M. Wood.
M. Wood : J'en ai des exemplaires là-bas. Je les ai imprimés moi-même pour que tout le monde en ait un.
Le président : Je vous comprends, j'ai aussi hâte de le voir. Mais une source crédible m'a informé que, selon les règles, on peut nous donner un document unilingue, mais nous devons le recevoir en avance et le faire traduire. N'est-ce pas la règle? Ce sont les règles.
Veuillez poursuivre, monsieur Wood.
M. Wood : Il s'en est fallu de peu, car l'été dernier, j'ai donné un cours trilingue : en français, en anglais et en jibwa. C'est ainsi que nous avons donné une formation à nos instructeurs l'année dernière en Ontario : des cours trilingues, pour la première fois. Cela témoigne de l'ampleur de notre participation. C'est pourquoi je voulais attirer votre attention sur ce point.
Histoire de vous donner des chiffres, 810 personnes participent à l'exécution de notre programme. Notre organisme compte 750 instructeurs qui mènent leurs activités chaque été en Ontario seulement. Ils sont responsables de 5 500 pagayeurs, sans compter ceux du public. Nous ne servons personne, mais nous interagissons directement avec 5 500 personnes. Ce sont toutes des choses qui sont importantes.
Je vais passer à ma conclusion, car j'ai déjà fait valoir mes arguments, à l'exception de la définition d'une voie navigable. Comme mon fils est professeur d'histoire à l'Université de la Colombie-Britannique et mon épouse est professeure d'histoire à l'Université Laurentienne, je me suis fait expliquer clairement et avec force détails la notion de navigation ces derniers jours. Ils m'ont précisé qu'il s'agit d'une expression utilisée à l'époque parce que tout le monde la comprenait. Remontez à 1882. Au Canada, c'était principalement sur nos voies navigables que nous nous déplacions. C'est ce qu'on utilisait comme définition. Pourquoi aurait-on fait autrement? Si vous pouviez y faire flotter un canoë, voilà. Comme m'ont fait valoir mon fils et mon épouse, cette disposition cachait peut-être aussi une intention de faire en sorte que ces voie navigables — parce qu'elles revêtaient une telle valeur — relèvent du domaine public et soient régies par le public plutôt que par d'autres critères.
Je vous dirais que le critère selon lequel on peut y faire flotter un canoë est peut-être un peu dépassé à l'heure actuelle. Il y a un problème avec ce critère. Parlait-on d'un petit canoë de trappeur de neuf pieds ou d'un grand canoë de 26 pieds destiné à la pelleterie? De quels types de canoës parle-t-on ici? J'essaie de démontrer qu'il y a des problèmes.
Probablement que, à l'heure actuelle, nous devrons établir une forme quelconque de mesure. Je crois que vous avez déjà précisé ce qui vous conviendrait. Si vous pouviez le mentionner dans votre exposé et dans votre rapport, les canoéistes vous en seraient très reconnaissants, car c'est l'essentiel de nos activités.
C'est la perspective historique qu'ils m'ont demandé instamment de vous communiquer. J'obéis toujours à mon épouse, comme vous tous.
Pour conclure, si nous diminuons une voie navigable en la qualifiant de mineure ou que nous en minimisons l'importance, cela aura une incidence sur la rivière où elle se jette, et l'incidence sera toujours plus grande en aval. On ne peut pas modifier un petit cours d'eau sans que cela ait une incidence sur un grand cours d'eau. L'eau coule vers le bas. Nous savons tous cela. À nos yeux, c'est ça, la réalité.
Je craignais que nous n'ayons pas l'occasion de comparaître devant le Comité des transports. Lorsque vous demandez à des canoéistes comme moi de venir faire un exposé en mai, en juin, en juillet, en août, en septembre ou en octobre, c'est presque impossible. Nous sommes tous des bénévoles. Nous ne pouvons pas interrompre nos activités sur l'eau à ce moment-là. Cela fait 15 ans que je ne rentre chez moi qu'à cinq occasions entre le 1er mai et le 31 octobre. J'ai l'habitude de venir passer la nuit, puis je repars avec un autre sac. J'avais cinq sacs d'équipement. J'avais l'habitude de le changer et de retourner vite auprès de mes clients le lendemain, pour prendre un vol vers l'Arctique ou un autre endroit qu'ils souhaitaient explorer — des Allemands, des Japonais, des clients des quatre coins du monde.
Nous ne pouvons pas participer à des audiences pendant cette période, à moins de convaincre un vieux retraité de reprendre le collier; c'est ce qui m'a permis d'être ici aujourd'hui. Ce ne sont pas des reproches : nous disons seulement que cela nous est impossible. Nous ne pourrions pas le faire tout en exploitant notre entreprise. Je ne sais pas si vous pouvez comprendre cela, mais c'est notre réalité. C'est pourquoi personne n'a eu la possibilité de venir.
Dans mon mémoire, j'ai mentionné qu'une distinction avait été établie entre un pagayeur raisonnable et un pagayeur qui ne l'est pas. Il ne vaut pas la peine de discuter de cette question. Ce n'est même pas la peine de la mentionner. Les pagayeurs raisonnables sont ceux qui pagayent, qui s'annoncent comme tels et qui exploitent leur entreprise. Il faut reconnaître cela comme responsable. J'espère que notre exposé d'aujourd'hui a été raisonnable.
Je sais que vous savez tous très bien lire, alors je vais vous laisser le mémoire. Je ne veux pas vous accaparer trop longtemps, mais j'aimerais bien répondre à vos questions, si vous en avez, alors, je vous remercie, chers sénateurs.
Le président : Merci, monsieur Wood. Tous les témoins sont extrêmement intéressants. Si je me fie à la liste que j'ai ici, vous avez piqué l'intérêt de tous mes collègues.
Le sénateur Banks : J'aimerais répéter pour le compte rendu, afin que nous ne l'oubliions pas, la demande que j'ai adressée — et que le comité et vous-même avez approuvée — au gouvernement, pour qu'il nous fournisse une liste qui délimite les types de documents pouvant être incorporés par arrêté en vertu de l'article 13 de cette loi. Les représentants du gouvernement se sont précisément engagés à nous envoyer une sorte de description à cet égard, car, comme vous le savez, nous avons tous convenu du fait que la disposition était tout simplement trop large et qu'elle visait n'importe quoi, peu importe la source. Elle a aussi un caractère dynamique, car, si un document incorporé par renvoi d'une autre source est modifié par cette autre source, cette modification est par la suite intégrée à la législation canadienne.
Je veux rappeler au gouvernement qu'il a pris cet engagement, et j'ai hâte d'obtenir le document.
Le gouvernement nous a assuré — si je comprends bien ses paroles — que les modifications ici n'influeraient d'aucune façon sur le droit de navigation. On nous a garanti que les modifications proposées ici prévoient que les règles régissant ce qu'on peut bâtir sur une voie navigable ou au-dessus ou près de celle-ci ne seront pas modifiées.
Je crois comprendre que la modification porte sur les circonstances dans lesquelles la personne qui voudrait construire un tel ouvrage devrait déposer une nouvelle demande.
La phrase que j'ai utilisée hier et que le gouvernement a approuvée est la suivante : « Voulez-vous dire que je n'ai pas besoin de présenter de demande, mais que je dois me conformer aux exigences actuelles qui régissent la construction d'un ouvrage dans, à travers ou sur des eaux navigables ou près de celles-ci? » Le gouvernement a répondu que c'était exact, si je me souviens bien.
Monsieur Mattson, vous avez parlé de « retirer le droit de naviguer ». Comment la loi retire-t-elle le droit de naviguer.
M. Mattson : C'est une bonne question, qui a fait l'objet de discussions entre M. Osbaldeston, Mme Tully et moi- même chaque fois que nous comparaissons devant un comité.
En ma qualité d'avocat spécialiste des droits de la personne et à la lumière de ma longue expérience professionnelle, j'ai une bonne idée de ce qui constitue un droit. Tous les citoyens canadiens ont le droit de naviguer, et ce droit peut seulement leur être retiré si le gouvernement intervient, au moyen d'un avis, à la discrétion du ministre ou du gouvernement, et retire ce droit. Toutes ces notions d'élection par le public et de transparence, entre autres, s'appliquent.
Les modifications de la loi peuvent faire en sorte que cette décision ne soit plus du ressort du ministère; elle peut être prise par un haut fonctionnaire de la fonction publique, et on n'est plus tenu de donner un avis.
Le sénateur Banks : Le gouvernement et moi avons-nous raison — et est-ce que je comprends bien le gouvernement — de dire qu'on doit déterminer s'il faut présenter une demande en avance pour construire un ouvrage ou si cette mesure n'est pas nécessaire, mais qu'il faut toujours se conformer. Est-ce la décision dont vous parlez?
M. Mattson : La personne devra toujours se conformer à la liste de choses à faire que lui présentera le haut fonctionnaire, alors ce dernier peut dire au promoteur de projet qu'il doit se conformer à cette liste d'exigences. Elle peut ensuite déclarer avoir tout respecté à la lettre et obtenir l'approbation.
Le problème, toutefois, c'est que les gens n'obtiennent pas d'avis. Prenons l'exemple de mon ami cri, William Tozer, qui chasse et pêche sur la rivière Moose. Vingt barrages seront érigés sur cette rivière, des pont-jetées et toutes sortes d'ouvrages seront mis en place sur ces rivières ontariennes au cours des 20 prochaines années; cela fait partie du plan. Il n'obtiendra peut-être jamais d'avis l'informant de ces travaux. Il n'aura jamais l'occasion de voir cette liste de conditions et de contester quelque chose en présentant des photos pour montrer que le projet n'est pas conforme. Les modifications apportées à la loi éliminent la possibilité pour lui de participer à cette décision. Il devra maintenant téléphoner chaque jour et s'assurer d'être sur les lieux. Il devra peut-être créer un groupe et exercer une certaine influence — au moyen d'activités de lobbying — sur les décisions prises par les instances gouvernementales supérieures.
Ce n'était pas le cas par le passé. Il aurait reçu un avis légal et aurait eu l'occasion de regarder les documents. Le ministre avait alors le loisir de reconnaître ou non le bien-fondé ou la validité des questions soulevées et, le cas échéant, de modifier la décision, mais la personne avait ce droit.
Ce processus ne sera plus systématique à la suite des modifications de la Loi sur la protection des eaux navigables. De fait, cela ouvre la voie à la prise de milliers de décisions semblables sans qu'il n'y ait jamais le moindre effort pour trouver les personnes qui gagnent peut-être leur vie exploitant une pourvoirie; on ne fait pas attention à ces personnes.
C'est la différence entre un droit et un privilège. Le droit deviendra un privilège. Il incombera aux citoyens canadiens de se renseigner constamment sur la question et d'être à l'affût de tout nouveau changement, contrairement à la situation en vigueur par le passé, où nous laissions à notre gouvernement la responsabilité de protéger notre droit, et celui-ci s'assurait que, s'il risquait d'être retiré, les personnes concernées en seraient avisées et auraient l'occasion de s'adresser au comité si elles le voulaient.
C'est ça la différence.
Le sénateur Banks : Si je construis un ouvrage qui fait obstacle à la navigation sans avoir présenté de demande préalable, le projet de loi ne change rien au fait que, si on constate que l'ouvrage fait obstacle à la navigation une fois que je l'ai construit, je peux être obligé de le détruire. N'est-ce pas exact?
M. Mattson : C'est exact.
Le sénateur Banks : Madame Tully, je veux m'assurer que j'ai bien compris ce que vous avez dit, car cela m'importe beaucoup. Vous avez déclaré que les gens avaient déjà en tête les modifications proposées de la Loi sur la protection des eaux navigables avant que la crise économique ne se manifeste.
Mme Tully : Oui.
Le sénateur Banks : Pourrais-je avancer que l'argument invoqué par certaines personnes selon lequel ces modifications sont urgentes parce qu'elles stimuleront l'économie est fallacieux?
Mme Tully : Je dirais certainement qu'il prête à confusion, et certains renseignements sont contradictoires. Nous avons déposé une demande d'accès à l'information pour essayer d'obtenir la documentation, mais nous avons beaucoup de mal à arriver à nos fins. Nous avons toutefois obtenu des présentations PowerPoint et certains documents de Transports Canada qui remontent au moins à 2007. Lorsque j'ai comparu devant le comité des transports il y a un an, c'était sur son invitation, et le comité avait rédigé un document qui comptait — je ne me souviens pas très bien — peut-être sept différents points à examiner.
Ainsi, l'aspect actuel de la Loi sur la protection des eaux navigables est pratiquement identique à ce que proposait le comité il y a un an.
Le sénateur Banks : Personne ne voyait venir la crise économique il y a un an, n'est-ce pas?
Mme Tully : Pas à ma connaissance.
Le sénateur Neufeld : Le sénateur Banks a en fait abordé certaines des choses dont je voulais parler, alors je vais passer à un sujet quelque peu différent. Toutefois, je vais m'adresser à M. Green. Au bas de la première page, vous déclarez que « jusqu'à maintenant, une rivière était navigable si vous pouviez utiliser un canoë ou n'importe quelle autre embarcation dessus ». Lorsque nous avons reçu des témoins qui se trouvaient à faire partie du personnel du ministère provincial — et je crois qu'il y avait le secrétaire parlementaire —, j'ai pris en note leur réponse à cette question, car d'autres ont dit la même chose.
Ils ont répondu que si vous pouviez utiliser un canoë sur une voie navigable, elle serait encore visée par la Loi sur la protection des eaux navigables. Je vois une contradiction ici, monsieur Green, entre ce que vous dites et ce que disent les représentants du ministère provincial et du gouvernement, alors je crois que le sénateur Banks a bien fait valoir ce point.
Si je comprends bien, cela ne changera pas; tout le monde sera encore assujetti aux mêmes règles, mais il faudra s'y conformer, comme l'a expliqué le sénateur Banks. Êtes-vous d'accord avec moi?
M. Green : Merci de me donner l'occasion de faire la lumière sur ce point, car je voulais également faire un commentaire sur les propos du sénateur Banks.
Je ne suis pas avocat, mais, lorsque j'ai commencé à m'intéresser à ce sujet, je n'étais qu'un simple pagayeur et je n'avais jamais imaginé que je comparaîtrais un jour devant un comité sénatorial dans le cadre d'un débat sur cette question. Toutefois, j'ai passé beaucoup de temps à parcourir différentes décisions de common law rendues au Canada et en Grande-Bretagne. Invariablement, même lorsque quelqu'un obtient la permission d'ériger un type ou un autre de structure, les tribunaux appliquent la définition selon laquelle si on peut naviguer sur le cours d'eau, alors on a le droit de le faire, et qu'il faudra prendre certaines mesures correctives pour rétablir ce droit.
Nous essayons de faire valoir ici que cette définition est maintenant subordonnée à la catégorie à laquelle appartient la rivière en question. Admettons que quelqu'un se conforme, qu'il dépose effectivement une demande ou s'adonne à je ne sais quel mécanisme pour construire la structure voulue : par le passé, un citoyen pouvait toujours invoquer ce droit fondamental. Le tribunal examinerait la définition — invariablement, depuis des siècles — qui a évolué avec la common law.
Maintenant, la définition a changé — et il reste à voir comment tout cela se terminera —, et il faut se demander si c'est cette catégorie ou celle-là et quelle règle relative à la navigabilité s'applique à la catégorie en question. Comme je l'ai dit dans mon exposé, nous ne sommes pas rassurés par les propos de M. Osbaldeston, car certains cours d'eau qu'il définit comme étant non navigables, comme l'a fait valoir M. Wood, sont tout à fait navigables.
Avant, c'était un droit : si nous pouvions naviguer le cours d'eau, nous avions le droit de le faire. Maintenant, c'est un processus réglementaire appliqué en coulisse qui dicte quels cours d'eau sont navigables. Je n'essaie pas de dire que, à partir de demain ou de la semaine prochaine, nous partirons faire du canoë et on nous barrera la route. La question n'est pas de nous empêcher de faire du canoë; c'est plutôt une question de déterminer à quel endroit on peut le faire, et la définition est en train de changer considérablement, selon moi.
Le sénateur Neufeld : Je ne suis pas d'accord, dans une certaine mesure, et je ne veux pas consacrer une grande partie du temps qui m'est alloué à cette discussion. Je crois vraiment que le gouvernement et le ministère provincial ont très fermement affirmé que, si vous pouvez pagayer sur une voie navigable, elle est toujours visée par la Loi sur la protection des eaux navigables. Je sais que nos opinions divergent. Je voulais simplement que cette affirmation soit inscrite au compte rendu.
À la page 8, vous avez dit : « Vous pouvez construire un pont ou un ponceau par-dessus du cours d'eau si vous voulez, mais n'empêchez pas la navigation avec. »
Dites-vous que, si le gouvernement, dans l'intérêt des gens, doit construire un pont ou passer sous l'eau, vous n'y voyez pas d'objection?
M. Green : L'important, c'est de ne pas segmenter la rivière. J'ai donné l'exemple de la rivière Credit, qui est maintenant sectionnée parce qu'on ne peut pas passer par-dessus le barrage et on ne peut pas le contourner. On ne peut plus naviguer sur cette rivière.
Le sénateur Neufeld : Qu'entendez-vous par « ponceau au-dessus »?
M. Green : Il serait possible de construire un ponceau de cette manière; imaginez que vous construisez une autoroute à quatre voies et que vous la faites passer par-dessus ce qu'on a convenu d'appeler une voie navigable mineure et que le ponceau a deux mètres de hauteur. Maintenant, on ne peut plus descendre cette voie navigable, parce qu'on ne peut pas passer par-dessus l'autoroute.
Le sénateur Neufeld : Il faut un plus grand ponceau. Je ne comprenais pas ce que vous vouliez dire.
M. Green : Si je peux me prononcer sur le commentaire que vous avez fait : la préoccupation que j'essaie de communiquer, c'est que, par le passé, les tribunaux disaient qu'il s'agissait de notre droit. Maintenant, cette garantie vient du gouvernement, du pouvoir exécutif. Il semble que la protection du droit de pagayer est passée, dans une certaine mesure, du pouvoir judiciaire au pouvoir exécutif. Cela me rend nerveux parce que je ne sais pas ce que fera le pouvoir exécutif dans l'avenir.
Le sénateur Neufeld : Monsieur Alexander, ai-je bien entendu que vous comptiez 18 000 membres?
M. Alexander : Non, nous comptons sur l'appui financier de 18 000 personnes.
Le sénateur Neufeld : Combien de membres comptez-vous?
M. Alexander : Nous comptons 1 200 membres directs qui appartiennent à différentes catégories. Dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada, nous comptons en tout 1 200 membres individuels et huit associations de canotage récréatif provinciales et territoriales chapeautées par notre organisme. Elles représentent à leur tour environ 12 000 pagayeurs actifs. Ces personnes nous communiquent leurs renseignements.
Le sénateur Neufeld : La première fois que vous avez entendu parler des modifications qui entreraient en vigueur, avez-vous communiqué avec vos 1 200 membres par courriel?
M. Alexander : Oui, nous l'avons fait.
Le sénateur Neufeld : Accepteriez-vous de nous transmettre ce courriel?
M. Alexander : Oui, je crois que mon responsable de la gestion est ici. Je peux transmettre ce courriel au comité.
Le sénateur Neufeld : Merci. J'aimerais le lire.
M. Alexander : Je crois que j'en ai une copie ici.
Le sénateur Neufeld : Monsieur Wood, je ne connais pas très bien la région de Nahanni; je viens du Nord de la Colombie-Britannique. La dame dont vous avez parlé vient en fait du parc national Nahanni, n'est-ce pas?
M. Wood : C'est probablement là qu'elle est à l'heure actuelle, oui.
Le sénateur Neufeld : Je voulais préciser ce point, car le parc national est protégé.
M. Wood : Comme vous le savez, monsieur le sénateur, on ne peut pas accéder directement de cet endroit. On descend habituellement l'une des petites voies navigables pour entrer dans le parc; et ils ont tous passé par ces voies au cours des trois derniers jours pour entrer dans le parc.
Le sénateur Neufeld : Est-ce que je pourrais vous demander — c'est peut-être un peu personnel — où vous vivez?
M. Wood : À Bracebridge, en Ontario; je suis originaire de Timmins.
M. Green : À Port Credit, à Mississauga, en Ontario.
M. Alexander : À St. John's, à Terre-Neuve-et-Labrador.
M. Mattson : Je vis à Toronto, en Ontario, et j'ai habité à Ottawa, à Moncton et à Vancouver.
Le sénateur Neufeld : Vous vivez surtout en ville et vous vous déplacez pour profiter de la nature sauvage.
M. Wood : Je vis là-bas. Je dis Bracebridge parce que c'est la ville la plus proche.
Le sénateur Neufeld : Je vis dans le Nord de la Colombie-Britannique, et je suis toujours fasciné par le fait que les gens de la ville exigent une certaine quantité de choses — de l'électricité, ils veulent conduire leur voiture, ils veulent se déplacer en avion, ils veulent pouvoir faire la navette entre différents endroits. Ils veulent préserver la nature sauvage, où nombre d'entre vous direz que j'habite, afin qu'elle demeure absolument intacte. Toutefois, il faut faire certaines choses pour procurer aux villes le souffle de vie dont elles ont besoin pour fonctionner.
Dans certains cas, cela suppose qu'on apporte un changement ou qu'on construise un ouvrage sur des voies navigables, sur des rivières, pour que la ville puisse poursuivre ses activités. Je voulais simplement faire valoir ce point, pour que les gens s'en souviennent.
Je connais aussi très bien notre réseau hydroélectrique en Colombie-Britannique. Bien des gens aimeraient qu'il s'étende sur toute l'Amérique du Nord. Il est écologique, propre, fonctionne à 93 p. 100 au moyen de l'eau, mais nous avons dû construire des barrages. Je peux vous dire que chaque Britanno-Colombien croit que c'est aussi un droit acquis. On parle de barrages qui traversent d'importantes rivières et qui font obstacle à la navigation, dans une certaine mesure, et ont eu des répercussions sur cette activité. Ces barrages ont été érigés à la fin des années 1960 et sont la propriété de la Couronne, de la population. C'est leur droit acquis, et ils y tiennent, ils tiennent à cette électricité verte et propre. Il y aura des retombées sur le territoire dont nous devons tous tenir compte lorsque que nous pensons à ces choses.
J'ai entendu de la plupart d'entre vous qu'un texte de loi rédigé en 1882 devrait subir certaines modifications et que vous convenez du fait que certaines modifications devraient avoir lieu. Je crois que c'est en partie cela que le gouvernement essaie de faire.
Le président : Pour des raisons d'équité envers tous les membres du comité, je dois faire remarquer au sénateur Neufeld que je ne l'ai pas interrompu lorsqu'il livrait ses propos éloquents, mais que cela va à l'encontre d'un point sur lequel nous nous sommes entendus l'autre jour. Nous aurons tous l'occasion de faire des déclarations lorsque nous ferons notre étude article par article, ou je ne sais quelle autre activité dans le cadre de la rédaction du rapport, mais c'est inscrit au compte rendu.
M. Mattson : J'ai deux points très brefs à soulever en réponse au sénateur Neufeld. Tout d'abord, si vous vous reportez à la transcription de la séance du 29 mai, vous noterez que le Comité des transports a déclaré très clairement que la définition de « navigation » des tribunaux canadiens ne lui plaisait pas parce qu'elle est trop générale. Il ne fait aucun doute que ces modifications visent à apporter des changements à la définition, et la nature de ces changements est un élément que — nous l'espérons — vous serez en mesure d'éclaircir.
Deuxièmement, si les Britanno-Colombiens étaient inquiets de ne pas pouvoir accéder à cette énergie verte et propre au moyen des technologies hydroélectriques et que la Loi sur la protection des eaux navigables donnait lieu à trop de formalités administratives, la façon beaucoup plus facile de surmonter ce problème — et ils ont probablement encore besoin de le faire — est de passer par la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et d'invoquer son règlement d'application, afin d'exclure certains projets de ce qu'on appelle les formalités administratives, plutôt que de passer par la Loi sur la protection des eaux navigables et de retirer le droit de naviguer en premier, pour ensuite passer aux autres modifications de la loi. Cela ouvre une boîte de Pandore qui n'ira pas nécessairement dans l'intérêt des projets hydroélectriques verts et propres de la Colombie-Britannique. Il y a une meilleure façon de procéder, et c'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. Vous pouvez retourner au Parlement et dire : « Si vous ne vous inquiétez que des formalités administratives prévues dans la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, il y a de meilleures façons de surmonter le problème tout en maintenant le droit public de naviguer.
Le sénateur Neufeld : Je comprends cela. Ce sont deux points de vue différents. L'important, c'est d'en discuter; nous ne sommes pas toujours obligés d'être d'accord.
M. Green : Je ne crois pas qu'il est utile de réduire le problème à une opposition entre les populations rurales et urbaines. Les personnes avec lesquelles nous interagissons, les membres de ces organismes, sont originaires de partout au pays.
Je vous parle aujourd'hui à titre de citoyen canadien qui craint la suppression d'un droit fondamental. Cette préoccupation est celle de Canadiens, peu importe où ils vivent, que ce soit dans des villes, dans des régions rurales, dans une cabane dans la forêt ou dans une condo du secteur riverain de Toronto. Je ne crois pas que cela importe.
Je crois que vous avez avancé que les citadins n'étaient pas conscients de la nécessité de l'hydroélectricité, des barrages, des forêts, et cetera; à mon avis, ce n'est pas une affirmation juste. Je travaille dans ces industries. Personne n'a parlé contre le développement; personne n'a parlé contre l'hydroélectricité ou quoi que ce soit d'autre. Nous sommes ici pour parler de la protection d'un droit fondamental.
Lorsque la Loi sur la protection des eaux navigables a été adoptée en 1882, c'était avec l'intention de réaliser un juste équilibre entre le développement et la protection de ce droit. C'est tout ce que nous demandons.
M. Wood : J'aurais un commentaire à formuler sur la dernière partie de votre intervention, au sujet de la division entre la population urbaine et la population rurale. La plupart de nos entreprises commerciales sont des entreprises d'écotourisme. Ce sont les habitants des régions rurales dont vous parlez, ce sont eux qui m'ont demandé de comparaître devant le comité et de faire connaître leurs craintes. Ils sont très inquiets, et on parle de gens des régions rurales.
Tous les Britanno-Colombiens ne sont pas satisfaits de la situation actuelle. Le sénateur connaît peut-être un homme du nom de Michael Wolfe, qui se trouve à être mon beau-fils; il vit à Richmond, en Colombie-Britannique. Le connaissez-vous? Je crois qu'il s'est présenté sous la bannière du Parti vert aux dernières élections. Il est possible qu'il ne soit pas aussi satisfait que le sénateur.
Le sénateur Lang : Je vais commencer par deux ou trois choses. Tout d'abord, merci d'être venu et de nous avoir consacré votre matinée. Nous vous en sommes tous reconnaissants. Je suis originaire d'une des régions éloignées du Canada. Comme mon bon ami du Nord de la Colombie-Britannique, je peux dire que j'ai essentiellement passé toute ma vie là-bas. Je crois que j'ai déjà visité le Push-Me-Pull-Me Creek que vous avez exploré à un moment donné dans le Nord du Yukon ou dans les Territoires du Nord-Ouest.
J'aimerais faire soulever ou trois choses. Le comité s'est réuni ici et comprend que la loi remonte aux années 1880 et qu'elle n'a subi qu'une modification mineure. Compte tenu des changements survenus dans notre monde au cours des 130 ou 140 dernières années, la loi ne s'applique plus à certaines des réalités que nous connaissons au chapitre de la technologie, du développement et d'une foule d'autres choses.
Il faut faire valoir, par exemple, que le secrétaire parlementaire qui a comparu devant nous est aussi trappeur; il sait ce qu'est un canoë et il vit en plein air dans le Nord de l'Alberta et son frère est trappeur. Il va sans dire que le gouvernement ne proposerait pas quelque chose s'il estimait que cela n'est pas dans l'intérêt supérieur du public et procure des avantages à ceux qui profitent du plein air et travaillent dans ce milieu.
Ma préoccupation — que le président a soulevée lorsqu'il a posé des questions à M. Green ou à M. Alexander — est la suivante : quelle information a en fait été transmise à vos membres au sujet des répercussions de cette loi? J'ai deux ou trois questions précises. J'aimerais obtenir une réponse claire, m'indiquant l'endroit exact du projet de loi qui justifie les propos qui ont été tenus ici.
Monsieur Mattson, vous avez dit plus tôt que le projet de loi supprime le droit de naviguer inscrit dans la loi en vigueur par le passé. J'aimerais savoir quelle disposition prévoit vraiment la suppression de ce droit.
M. Mattson : Je vous renvoie à l'article 5.1 de la nouvelle loi : l'exemption politique ou ministérielle n'est plus conditionnelle à l'obligation d'émettre un avis pour l'approbation. C'est ainsi qu'un droit est transformé, lorsqu'on passe d'une situation où un citoyen dit que cette chose ne peut pas lui être retirée sans que l'on passe directement par le ministre — le ministre fait ensuite les démarches au moyen d'une loi du Parlement ou du pouvoir qui lui est conféré en sa qualité de politicien — à une situation où la question relève maintenant d'un haut fonctionnaire. Le haut fonctionnaire n'est pas élu. Il peut travailler à huis clos; c'est la bureaucratie. Il peut prendre ces décisions et fixer la valeur de la rivière de votre collectivité, puis décider de ce qui est dans votre intérêt supérieur, à partir d'Ottawa.
Si vous vous préoccupez de cette division rurale-urbaine, je dirais que l'article 5.1 pourrait poser un vrai problème, car les personnes ici à Ottawa émettront ces jugements de valeur au nom de votre collectivité, et vous ne pourrez plus avoir recours au ministre, car celui-ci n'est plus obligé de participer à la décision. Voilà les conséquences de l'article 5.1 de la nouvelle loi.
Le sénateur Banks : Parlez-vous du paragraphe 5(1) du projet de loi?
Mme Tully : Nous parlons de l'article 5.1 de la nouvelle loi.
Le sénateur Banks : Le paragraphe 5(1) du projet de loi dont nous sommes saisis est ainsi libellé :
Il est interdit de construire ou de placer un ouvrage dans des eaux navigables ou sur, sous, au-dessus ou à travers celles-ci à moins que, préalablement au début des travaux, l'ouvrage ainsi que son emplacement et ses plans n'aient été approuvés par le ministre.
Comment cette disposition fait-elle obstacle à la navigation?
Mme Tully : Pardon, pas le paragraphe 5(1), le paragraphe 5.1(1) :
Par dérogation à l'article 5, il est permis de construire ou de placer un ouvrage dans des eaux navigables ou sur, sous, au-dessus ou à travers celles-ci [...]
Le sénateur Banks : Vous voulez dire le paragraphe 5.1(1), merci.
Mme Tully : Cette disposition permet de prendre des règlements qui donneraient lieu à une liste d'ouvrages qui ne seraient plus assujettis à l'approbation ministérielle, ou une liste de voies navigables sur lesquelles on pourrait entreprendre des projets sans l'approbation ministérielle.
Le sénateur Lang : Essentiellement, rien dans le libellé ne prévoit la suppression du droit de naviguer; il prévoit plutôt qui pourra déterminer si ce droit peut être supprimé. C'est une distinction importante.
M. Mattson : Du point de vue d'un avocat spécialiste des droits de la personne, un droit est une mesure que les citoyens savent qu'ils possèdent, et il incombe au gouvernement de les aviser et de leur fournir l'information et de leur dire qu'ils peuvent participer à la décision.
On parle d'un privilège. Ce processus n'est plus nécessaire aux termes de la nouvelle loi. On n'a plus besoin de trouver ces gens et de les aviser. Il n'incombe plus au gouvernement de le faire. Le paragraphe 5.1(1) prévoit que ces décisions peuvent maintenant être prises indépendamment de la procédure établie, des activités de diligence raisonnable qui seraient exigées dans le cas d'un droit. C'est un droit issu d'un processus.
Le sénateur Lang : Il est très simpliste de dire que cette disposition supprime le droit de naviguer, car ce n'est pas le cas. Elle prévoit peut-être que la responsabilité relève de quelqu'un d'autre. Je crois qu'il faut préciser cela pour le compte rendu.
Monsieur Green, pourriez-vous m'indiquer l'endroit dans la loi ou dans les politiques où le gouvernement a dit qu'il sectionnerait une rivière? Dans votre exposé, vous parlez d'un cours d'eau qui est coupé en deux. Je n'ai entendu personne dire qu'on sectionnerait une rivière ou un ruisseau. J'ai du mal à croire que c'était là l'intention.
M. Green : Je faisais allusion à des commentaires formulés par M. Osbaldeston devant le comité, lorsqu'il parlait de segments de 200 mètres d'une rivière. Ce que j'essayais de faire valoir, c'est que, s'il disait — et si c'est le raisonnement du gouvernement — que des segments de 200 mètres d'une rivière ayant telle profondeur ou telle largeur ou je ne sais quoi sont exemptés, alors vous pourriez gravement limiter ou bloquer la navigation sur ces segments. Si cela devait se produire, vous couperiez essentiellement toute la rivière.
Le sénateur Lang : Monsieur le président, je vais m'arrêter ici. Je suis préoccupé par la nature de l'information transmise à des personnes concernant les répercussions de la loi et l'explication de celle-ci.
Juste en écoutant vos témoignages et ceux des intervenants précédents, je vois bien que la chose est très complexe; elle n'est pas simple.
Il faut examiner la question de la consultation. Les déclarations ont été assez claires : on a tenu très peu de discussions, voire aucune, avec qui que ce soit, et ce projet de loi a soudainement fait son apparition. Selon les renseignements qui m'ont été fournis — comme je suis un nouveau sénateur, je me retrouve ici à la neuvième manche, un peu comme vous —, la fédération de municipalités du pays, qui représente des millions de Canadiens, a recommandé la modification de cette loi pour favoriser une approche plus simple visant à mettre en marche certains projets. Du reste, je crois comprendre qu'au moins neuf des gouvernements provinciaux et territoriaux ont demandé des modifications pour faciliter certaines des choses qu'ils ont hâte de voir mises en œuvre à l'heure actuelle.
Je peux vous dire que, dans la région d'où je viens, le gouvernement actuel n'est pas là pour empiéter sur les droits environnementaux ou pour empêcher les gens d'utiliser les rivières. Il s'agit de l'une de nos industries. En même temps, le gros bon sens s'impose.
Je suis un décideur, en ma qualité de membre du comité, et j'essaie de trouver un terrain d'entente; car je pagaie, j'ai un kayak, beaucoup de mes amis s'adonnent à cette activité pendant l'été et, en même temps, j'ai un fils électricien qui doit aller travailler.
Nous cherchons à rétablir l'équilibre entre vos recommandations constructives de changements et la capacité raisonnable, dans un délai donné, d'examiner un projet et, en même temps, de prendre une décision.
Juste pour conclure, au delà de la consultation qui a eu lieu, j'aimerais vous demander votre opinion. Croyez-vous que ces évaluations environnementales d'une durée de deux, trois ou quatre ans sont raisonnables, ou estimez-vous qu'il est temps de commencer à prendre des décisions une fois pour toutes? Ainsi, nous pourrions dire que, dans six mois, nous devons en être ici, dans six mois, nous devons en être là, et provoquer la prise de décisions, plutôt que de créer une industrie dans laquelle les gens ne font que noircir du papier. Peut-être que quelqu'un pourrait se prononcer à ce sujet.
M. Green : Tout le monde a quelque chose à dire.
M. Wood : Vous soulevez de bons points, monsieur Le sénateur. Vous les avez formulées selon trois contextes, alors je vais les aborder un à un.
La consultation n'a pas été adéquate dans ce cas-ci. Dans notre esprit, cela ne fait absolument aucun doute, comme je l'ai déjà souligné.
Pour résumer les deux prochains points, vous avez demandé comment on allait se sortir de cette impasse et comment on allait surmonter les problèmes.
Lorsque j'ai exposé ma thèse, je vous ai expliqué que nous avions déjà établi en Ontario une période de préavis qui fonctionne. S'il y a un projet, chacun d'entre nous en est avisé. Si la loi fédérale régissant la navigation contenait une disposition semblable — si nous pouvions au moins être avisés —, cela pourrait résoudre certains problèmes. Nous n'obtenons pas d'avis actuellement.
Je sais que cela fonctionne parce que je le fais en Ontario. Peut-être que, dans le cas qui nous occupe, on fait fi d'un processus qui fonctionne dans d'autres administrations et qu'on pourrait mettre en œuvre pour contribuer à l'étape des consultations.
Cela vous paraît-il raisonnable?
Le sénateur Lang : C'est une suggestion.
M. Wood : C'était en réponse à la question sur la façon de surmonter ces choses. Votre dernière question portait sur les EE. Peut-être devriez-vous vous pencher sur le processus inhérent à l'EE plutôt que de tout simplement la condamner. Peut-être devriez-vous examiner le processus dans son ensemble.
Le sénateur Lang : Monsieur le président, j'aimerais préciser pour le compte rendu que je n'ai pas condamné l'évaluation environnementale. J'aimerais que ce point soit très clair. Je suis seulement préoccupé par la façon dont ce processus est mis en œuvre et la manière dont on fait les choses.
M. Wood : C'est moi qui ai mal choisi mes mots. Vous remettez en question la durée du processus, et on pourrait peut-être mieux composer avec cette contrainte d'une autre façon; c'est du moins mon interprétation.
Je crois que ces évaluations peuvent être faites en consultation avec les autres personnes, de l'autre côté de la barrière. Les gens qui entreprennent ces processus d'un point de vue administratif ont seulement une perspective. Pour que ces décisions soient plus acceptables pour toutes les collectivités, elles doivent refléter l'apport des autres intervenants — le point de vue scientifique, juridique, et cetera — pour ancrer la chose dans la réalité et pour obtenir du soutien.
Dans n'importe lequel projet, c'est la clé : avons-nous le soutien unanime de notre collectivité pour accomplir ces choses? Si nous pouvons obtenir le soutien au moyen de consultations et de témoignages d'experts, alors ce sera une réussite.
M. Green : Tout d'abord, je conviens du fait que ce processus d'évaluation environnementale peut facilement s'enliser. J'ai travaillé dans ce domaine au cours de ma carrière. J'avancerais que la première chose à faire serait d'envisager des solutions de rechange administratives qui pourraient remplacer ce processus.
Deuxièmement, M. Osbaldeston a déclaré qu'il y avait un arriéré de 2 500 projets. À la lumière de mes calculs simples, si 50 personnes faisaient une évaluation par semaine, cela résorberait l'arriéré et, à tout le moins, au cours de la présente récession, au moment où on veut mettre en œuvre des projets d'infrastructure, cela nous aiderait. C'est peut- être 100 personnes, je l'ignore, mais la chose ne semble pas si compliquée.
Troisièmement, je ne connais pas les détails, mais j'ai discuté de cet aspect avec des gens de l'industrie de la construction, et ils ont dit que, généralement, les travaux d'ingénierie prennent de toute façon plus de temps que l'évaluation environnementale. Il faut garder cela à l'esprit.
M. Alexander : Le sénateur Lang et le sénateur Banks se sont dit préoccupés par la façon dont l'information a été communiquée, et ils ont bien raison. Je veillerai à ce que le Sénat obtienne l'information que nous avons transmise à nos membres pour que les sénateurs puissent constater ce qui a effectivement été dit.
Je vous assure que, comme président de notre organisme, je n'ai pas l'habitude d'alarmer les gens à propos des modifications qu'on propose d'apporter à des lois. On fait plus de tort que de bien lorsqu'on défend une cause de façon irresponsable, en tenant des propos alarmistes, et cetera. Notre principale préoccupation et l'information que nous fournissons à nos membres concernent précisément le processus de consultation depuis le début. Le sénateur Lang a affirmé qu'on devait faire preuve de bon sens pour ce qui est de ce genre de choses. Je suis tout à fait d'accord. Je ne suis pas contre l'électricité. J'en consomme tous les jours.
Dans le même ordre d'idées — à savoir, le bon sens —, lorsqu'on décide de modifier une loi qui se rapporte au droit fondamental de navigation en n'avisant que deux jours à l'avance le groupe que je considère comme le plus touché par la loi en question, on doit s'attendre à ce que ce type de procédure suscite un certain mécontentement.
Le président : Monsieur Mattson, aviez-vous un commentaire à faire sur cet aspect?
M. Mattson : Le point a été soulevé, monsieur le président. Merci.
Le sénateur Milne : Je vais revenir à ce que disait le sénateur Lang parce que je crains que le paragraphe 5.1(1) réserve vraiment l'ensemble du processus au pouvoir exécutif. Par conséquent, ces décisions seront prises, comme vous le dites, à huis clos; elles ne feront pas l'objet d'une consultation du public. De plus, la réglementation échappe à partir de maintenant à la surveillance du Parlement. Pour ce projet de loi, le gouvernement ne se présentera pas devant le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation. Le projet a déjà force de loi; c'est ce qui se produira. Je suis donc très préoccupée par le fait que même les élus n'auront pas la possibilité d'examiner de nouveau cette réglementation.
Monsieur Alexander, vous avez dit que vous aviez reçu un préavis de deux jours; or, cet avis s'assortissait d'une documentation volumineuse : vous deviez lire l'information, l'assimiler, consulter vos membres en deux jours, puis revenir avec une réponse.
M. Alexander : On m'a téléphoné, puis j'ai reçu un courriel nous invitant à participer, c'est exact.
Le sénateur Milne : Vous n'avez jamais reçu l'ensemble des renseignements?
M. Alexander : Le courriel contenait quelques renseignements.
Le sénateur Milne : Je crois comprendre que le Lake Ontario Waterkeeper a reçu un préavis un peu plus long et davantage de renseignements. Monsieur Green et monsieur Wood, vos organismes respectifs ont-ils également reçu un préavis de deux jours?
M. Wood : Le problème, en ce qui concerne la première fois, c'est que nous avions été invités, à deux ou trois jours de préavis, à comparaître devant le comité des transports. Toutefois, c'était à une période où nous ne pouvions tout simplement pas donner suite à cette invitation.
M. Green : Ce groupe a été formé en réaction à toute cette situation. Certaines personnes ont essayé de participer à la consultation, mais elles n'ont pas pu. Mais le Canadian Rivers Network n'est qu'un regroupement de personnes qui ont entendu parler des modifications qui sont proposées et qui souhaitent dialoguer et échanger sur cette question.
Le sénateur Milne : Vos antennes se sont tout de suite dressées. Merci. Êtes-vous seulement en faveur de certaines des modifications que l'on a proposées d'apporter à la loi?
Mme Tully : Celle qu'on a fait ressortir lors des séances précédentes du comité est l'augmentation des pénalités. Auparavant, elles étaient de 5 000 $, ce qui n'était pas considéré comme un moyen dissuasif efficace. C'est peut-être le seul point sur lequel il y a consensus.
À part cela, il n'y a pas beaucoup de choses que nous pouvons appuyer, car nous avons des réserves à l'égard de la procédure et de la façon dont cette loi sera interprétée dans l'avenir.
M. Green : Je crois qu'on peut soutenir l'intention d'éliminer les formalités administratives, mais je m'arrêterais là.
M. Alexander : Je me ferais l'écho de ce commentaire. L'intention est noble et honorable, et c'est un point important à prendre en considération. Ces choses doivent progresser et aller de l'avant.
Il s'agit de ce qui se passera sur le terrain dans les 20, 30 ou 40 prochaines années en conséquence de ces modifications; c'est ce qui nous inquiète énormément.
M. Wood : Je vais devoir y réfléchir.
Le sénateur Milne : J'aurais une autre question.
Le président : J'aimerais que vous abordiez la question de l'examen quinquennal.
Le sénateur Milne : C'est là où je voulais en venir.
À l'heure actuelle, nous procédons à un préexamen quinquennal de cette loi. Toutefois, la loi en elle-même précise que nous devons effectuer un examen quinquennal de la loi. Cela vous rassure-t-il? À cette étape-ci, ce sera la seule incidence que le comité aura sur le processus, à moins qu'il n'y ait un changement de gouvernement.
M. Wood : J'ai des inquiétudes à cet égard. Nous en faisons mention dans notre rapport. Il y a deux problèmes liés à cet examen quinquennal. Cela signifie-t-il que rien ne pourra être examiné pendant cinq ans? Dans ce cas, on fait totalement abstraction de tout ce qui est préoccupant pendant ces cinq années. Les personnes qui n'ont pas l'environnement « à cœur » pourraient sauter sur une telle occasion.
L'autre aspect qui m'inquiète, c'est que cinq années représentent une longue période dans la vie d'une rivière ou de tout autre endroit, et je m'interroge quant à la fréquence de l'examen. Cet aspect nous préoccupe.
J'aurais préféré avoir l'assurance que des choses se produisent pendant la période quinquennale, de façon à ce que rien n'échappe au comité pendant ce laps de temps. Par conséquent, oui, cet aspect nous préoccupe.
M. Green : Il est rassurant de savoir qu'il y aura un examen; c'est mieux que de ne pas avoir d'examen du tout. Je suis d'accord avec M. Wood sur le fait que beaucoup de choses peuvent se produire en cinq ans. Nous surveillerons la situation de près en espérant que nous ayons une incidence positive sur l'examen.
Le sénateur Milne : Lorsque les fonctionnaires sont venus témoigner, M. Osbaldeston a affirmé que, de toute façon, le gouvernement ne dispose pas de l'effectif pour mener à bien ce travail. Actuellement, des évaluations ont lieu s'il y a des plaintes et, dans l'avenir, cela devra également être le cas. Quelle sera la différence?
M. Mattson : C'est une excellente question, et elle va au cœur du problème dans le cas présent. Nos groupes, les organismes sans but lucratif et les organismes caritatifs ne disposent également pas des ressources humaines qui leur permettraient d'accomplir tout ce travail. À l'évidence, certaines personnes ont intérêt à ce que ces projets se réalisent — les promoteurs.
Par conséquent, nous sommes inquiets lorsque le gouvernement affirme qu'il n'a pas les ressources nécessaires pour faire son travail. Il y a 120 ans, nous avons confié cette responsabilité au gouvernement en vertu du droit issu de la common law et de la Loi sur la protection des eaux navigables.
Il a été décevant pour nous d'entendre M. Osbaldeston, qui est un homme exceptionnel et brillant, nous dire qu'il n'a pas la capacité de donner du sens et du poids à la Loi sur la protection des eaux navigables. C'était un constat d'échec. Puis, le fait de penser que la solution consiste à contraindre le public à rester informé, à revenir dans cinq ans et à assister à ces séances où chacun de nous défendra les rivières et les ruisseaux qu'il connaît ou qui font l'objet de plaintes revient à perdre ce droit et ce processus démocratiques. Il s'agit d'un échec de notre gouvernement.
Les propos de M. Osbaldeston sont éloquents. Peut-être que cela pourrait constituer un pas vers une solution à ce problème.
Le sénateur Milne : Un dernier point, monsieur Green; je suis le sénateur qui vous représente, car je vis également dans le comté de Peel. Où se trouve le barrage qui a été construit en 1825 sur la rivière Credit?
M. Green : Il est à Georgetown.
Le sénateur Milne : C'est à cet endroit que notre ancien collègue, ex-parlementaire, a fait construire un barrage hydroélectrique, et il ne permet pas aux gens de s'en approcher.
M. Green : C'est sa propriété privée. Je comprends cela. Je ne voudrais pas non plus que des gens mettent les pieds sur mon terrain. Je ne conteste pas cela.
Le sénateur Milne : Le problème, pour ceux qui ne le sauraient pas, c'est que, si on doit faire du portage pour contourner un barrage semblable, on doit prendre un rang, puis un autre et encore une autre pour revenir à la rivière. Il faut faire un long portage plutôt que de soulever l'embarcation 15 pieds au-dessus du barrage.
M. Green : Madame le sénateur, je vous inviterais à vous joindre à nous pour participer à l'activité de canoë sur la rivière Credit qui aura lieu le 24 mai.
Le sénateur Milne : Malheureusement, mes genoux ne me permettent plus de faire du canoë. Je devrais envoyer mon fils et son kayak.
M. Wood : Madame le sénateur, l'ORCKA a porté cette affaire devant les tribunaux en 1978. J'étais là à l'époque, et je faisais partie des gens qui ont assisté à la procédure et qui en ont été témoins.
Le sénateur Milne : Cet ancien député était lui aussi un très grand défenseur de l'environnement — on ne peut plus vert.
M. Wood : Oui, c'est exact. Comme j'étais le responsable des services éducatifs du Nord-Ouest à l'Office de protection de la nature de Toronto et de la région, je me trouvais dans une position délicate. Le fait est qu'il s'agissait d'un droit acquis. Il existait avant, et nous devons maintenant composer avec cela. Tous les pagayeurs doivent contourner le barrage. Il obstrue ce cours d'eau; il constitue un obstacle qui, pour ainsi dire, sépare presque la rivière en deux.
Imaginez la scène : vous pagayez en aval et arrivez devant un barrage; vous pouvez soit passer par les rangs — soit 1,8 mille par rang — ou remonter la rivière en pagayant pour revenir au point de départ. C'est du sport.
Le président : Créez une petite entreprise et aidez-les.
M. Wood : C'est ce que certaines personnes font là-bas.
Le sénateur St. Germain : La plupart des questions que je voulais poser l'ont été, et j'ai entendu la plupart des commentaires que je souhaitais faire.
Mon père était un trappeur métis, et il a vu disparaître son moyen de subsistance en raison du drainage des marais, des marécages, et cetera. Je sais de quoi il retourne.
Je suis désolé que les propos du sénateur Neufeld vous aient offensé, monsieur Green, car il y a une différence. Lorsqu'on vit sur un ranch comme je l'ai fait, on ne gaspille pas l'eau; l'eau est aussi précieuse que l'or.
En ville, mes petits-enfants restent sous la douche pendant une heure. La différence est énorme. Si on ne voit pas cette différence, nous avons de graves ennuis. Si nous ne changeons pas la situation dans les zones urbaines, nous ne pourrons plus vivre comme nous l'avons toujours fait. Il y aura une détérioration.
Je suis également préoccupé. Cette question comporte un aspect pratique, mais comment résoudre la quadrature du cercle?
Ce qui m'inquiète le plus, c'est le point que M. Mattson a soulevé : le fait que l'on passe d'un droit à un privilège. Les avocats sont prêts à négocier. Vous avez fait mention des Kennedy; ils ont asphalté pratiquement tout le territoire des États-Unis, et maintenant, ils veulent que le Canada soit leur jardin.
Le fait de remplacer un droit par un privilège est-il si important? Si vous deviez recommander des changements qui permettraient de revenir à un privilège, pourriez-vous nous suggérer une façon d'y parvenir pour qu'elle figure dans le compte rendu?
Le président : Ils soutiennent qu'on est passé d'un droit à un privilège.
Le sénateur St. Germain : Bien sûr, c'est le contraire.
M. Mattson : Oui, ce serait simple. D'une part, on pourrait modifier la disposition de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale qui prévoit que les décisions prises par le ministre aux termes de la Loi sur la protection des eaux navigables doivent faire l'objet d'une évaluation environnementale.
Je ne recommanderais pas cette option, mais ce serait le moyen le plus facile. C'est toujours un droit, et le ministre doit prendre la décision, et c'est lui qui se charge d'exempter les projets des formalités administratives. Toutefois, la décision n'a pas besoin de faire l'objet d'une évaluation environnementale parce que la disposition de la Loi sur la protection des eaux navigables, celle qui exige la tenue d'une évaluation environnementale, doit être modifiée. Nombre de décisions prises par des ministres fédéraux ne s'accompagnent pas d'une évaluation environnementale. Ce serait le moyen le plus facile.
Par conséquent, enlevez le paragraphe 5.1(1) de la LPEN; si on laisse aux élus le soin de décider si le citoyen est privé de son droit de naviguer, on a essentiellement la possibilité d'agir — en raison de la crise économique ou parce que les programmes sont, selon les politiciens, déjà bien documentés et dans l'intérêt du public — et de laisser ces projets aller de l'avant sans qu'on ait à tenir compte du délai prévu.
Toutefois, le fait de priver des gens de leur droit — ils ont le droit, et le ministre doit le leur retirer — est une tout autre chose. Nous sommes un organisme caritatif. Nous essayons de donner du sens et du poids aux lois. L'une des choses les plus difficiles à faire, c'est de réussir à approcher les hauts fonctionnaires du gouvernement pour comprendre ce qu'ils font. Ils ont tellement de travail à faire, et nous ne pouvons tout simplement pas suivre la cadence. Par conséquent, l'idée selon laquelle nous serions en mesure de rester informés, d'assurer un suivi ou d'examiner très attentivement les projets qui feraient l'objet d'une exemption n'est pas réalisable à l'échelon communautaire. Nous n'avons pas l'effectif pour mener à bien cette tâche. Nous attendons du gouvernement qu'il s'acquitte de cette responsabilité.
Mme Tully : M. Mattson a formulé des recommandations précises sur les mesures qui pourraient être prises pour régler le problème. Je souhaite aborder la question de la possibilité de profiter des rivières et de la comparaison entre la ville et la campagne parce que je crois que j'ai peut-être grandi dans un milieu différent de celui qu'ont connu les autres personnes ici présentes.
Ma famille se compose de producteurs laitiers, mais j'ai grandi à Oshawa. Il ne s'agit pas d'un endroit où j'ai pu profiter des rivières du Canada pendant mon enfance. J'ai monté pour la première fois dans un canoë à l'âge de 22 ans. J'ai grandi dans un endroit où je ne pouvais pas me baigner en toute sécurité à la plage à Oshawa; je ne pouvais pas pêcher ni pagayer dans le ruisseau Oshawa, l'ancienne rivière Oshawa.
Je ne parle pas nécessairement de ne protéger que les cours d'eau des régions éloignées du Canada. Je parle d'endroits comme la rivière Don, qui est au cœur de Toronto et qui n'est navigable qu'un jour par année en raison de décisions en matière d'aménagement qui ne peuvent être modifiées. Compte tenu des changements qu'on entend apporter à la loi, je crois qu'on ne pourra plus jamais utiliser la rivière Don dans le quartier où j'habite. C'est de cela que je parle.
Cette rivière sera considérée comme un cours d'eau mineur, car le droit ou la possibilité d'y naviguer a été perdu. Nous parlons non seulement de protéger ce qui nous reste, mais également de regagner ce que nous avons perdu — des endroits comme la rivière Don et la rivière Humber.
Nous vous supplions de nous aider à protéger les milieux urbains où nous vivons, et non seulement les milieux ruraux où d'autres personnes vivent. Je voulais seulement clarifier ce point.
Le sénateur Peterson : L'une des principales préoccupations semble être la définition d'» eaux navigables ». Les fonctionnaires nous ont dit qu'ils souhaitaient apporter ces modifications entre autres pour éliminer le retard dans le traitement des demandes et pour stopper le flot de demandes. Il ne s'agit pas seulement d'un nombre statique : l'arriéré est actuellement de 2 500 demandes, mais ils en reçoivent davantage chaque mois. Ils ont également mentionné qu'ils n'avaient pas encore mis au point un modèle ni trouvé de définition. Croyez-vous que l'on demandera à votre groupe de participer à ce processus? Y a-t-il la moindre chance que l'on trouve un terrain d'entente?
M. Green : Laissez-moi d'abord vous dire que cela ne règle en rien la situation qu'a expliquée de façon si éloquente M. Mattson, soit le passage d'un droit à un privilège. Étant donné que les dés ont déjà été jetés, si nous avions la possibilité de définir en quoi consiste notre privilège, nous serions intéressés à le faire. Une telle démarche ne change toutefois rien au fait que, fondamentalement, nous sommes passés d'un droit à un privilège.
Le sénateur Peterson : Je comprends cela, mais le projet de loi a déjà été adopté. Je tente de vous aider pour la suite des choses.
Monsieur Green, vous dites comprendre que, dans le cas des eaux navigables, on doit construire des ponceaux et des ponts où c'est nécessaire. Comment définissez-vous ce genre de structures? Quelle taille doivent-elles avoir? Restez- vous assis dans le canoë? Pouvez-vous vous pencher ou devez-vous rester debout?
M. Green : On doit être capable de pagayer en passant sous ce type de structure, et, habituellement, on reste assis dans un canoë, quoique, parfois, on se penche pour éviter une branche. C'est plutôt simple.
Le portage fait partie de la navigation. Dans l'exemple que j'ai donné, la rivière Credit, il est impossible de faire du portage, car la rivière est bloquée. Si on n'accorde pas une attention particulière à cet aspect et qu'il est impossible de faire du portage, cela revient à scinder les grands cours d'eau publics.
Le sénateur Peterson : J'ai posé cette question parce que, en Saskatchewan, une société minière devait construire une structure assez large pour qu'une personne puisse se tenir debout dans un canoë et la traverser. Est-ce raisonnable?
M. Green : Il se peut bien, compte tenu de la fluctuation du niveau des eaux.
Le sénateur Peterson : Il s'agissait d'une structure importante, et cette société a remporté un prix parce qu'il s'agissait d'un ouvrage très bien conçu.
M. Wood : Comme j'ai déjà vécu ce genre de situation, je peux vous dire que, lorsqu'on passe sous un ponceau et qu'on reste assis, il n'y a parfois aucun courant, alors comment fait-on pour se pousser avec la pagaie sans se tenir debout? L'organisme que M. Alexander représente utilise une méthode appelée la poussée, où tous les pagayeurs se tiennent debout dans le canoë. Il s'agit d'une forme traditionnelle de pagayage qu'on utilise au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse.
Je voulais vous expliquer que, dans bien des cas, même dans le cas présent, nous enseignons la méthode de la poussée pour que les gens puissent se tenir debout.
M. Alexander : J'ai un commentaire à faire en ce qui concerne votre question qui portait sur le terrain d'entente. Pour ce qui est de la définition, si nous pouvions avoir une discussion ouverte et transparente au sujet de la définition, je suis persuadé que nous pourrions nous entendre sur une définition, du moins en ce qui concerne mon organisme.
Le président : Vous devriez rester en contact avec le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Nous ne sommes pas des élus, mais nous sommes à l'écoute et nous sommes ouverts d'esprit.
Le sénateur Adams : Le Nunavut compte un grand nombre de rivières et de ruisseaux. Nous nous préoccupons également des eaux navigables. Dans le passé, nous utilisions le soleil, le ciel, la lune, la neige et le vent. C'est ce que nous faisions dans le passé.
J'ai participé à certains des travaux de construction. La belle saison est courte dans l'Arctique. C'est à ce moment-ci de l'année que les travaux de construction commencent; cela durera deux ou trois mois, et on construira une route ou quelque chose de semblable. Nous devons venir à Ottawa pour obtenir l'approbation de construire une structure qui enjambe un ruisseau. Parfois, nous devons attendre deux mois avant d'obtenir une réponse.
Où je vis, pendant les deux prochains mois, les rivières commenceront à couler, et leur débit est très élevé au printemps. Vers septembre, il n'y a plus d'eau qui coule. Que peut-on faire? Si on fait du canoë, il arrive que des rivières prennent un autre cours. Lesquelles pourront être considérées comme des eaux navigables? On veut se rendre jusqu'à un ruisseau, mais on pourrait finir par aller dans le mauvais sens parce que le ruisseau qu'on souhaitait rejoindre s'est asséché. On doit alors se rendre à un autre endroit ou passer par le lac pour revenir à l'autre rivière. Je sais que vous êtes préoccupés.
Je m'inquiète pour ceux qui vivent dans des collectivités du Nord ou ailleurs au Canada, particulièrement aux endroits où se trouvent de nombreux mammifères et des personnes qui font du trappage près des ruisseaux et d'autres cours d'eau. Dans quelle mesure les personnes qui font du trappage de vison, par exemple, seront-elles touchées?
En outre, les gens s'arrêtent parfois pour pêcher lorsqu'ils pagaient dans la rivière. Or, si on ne peut plus utiliser un cours d'eau, si le ruisseau n'est plus considéré comme un cours d'eau navigable, jusqu'à quel point pouvons-nous réduire le nombre de poissons qui s'y trouvent?
Il y a environ quatre ou cinq ans, le comité a adopté le projet de loi C-5 qui portait sur les espèces en péril. Il avait été déposé au comité. Nous l'avons adopté, et, maintenant, les chasseurs d'ours polaires et de gros gibiers ainsi que l'ensemble des guides expriment des craintes. Maintenant, on ne délivre plus de permis pour attirer les chasseurs d'ours polaires dans la collectivité. Il y a maintenant plus d'ours polaires qu'auparavant, et le gouvernement soutient qu'il s'agit d'une espèce en péril en raison des changements climatiques, et les Américains ne viennent plus dans le Nord. Les États-Unis ont adopté une politique à l'égard de la chasse à l'ours polaire, de sorte que les Américains ne viennent plus. Pour un guide de chasse inuit, un ours polaire vaut environ 30 000 $. L'un des guides a affirmé que, l'an dernier, il s'est occupé de 11 chasseurs de gros gibiers qui détenaient un permis de chasse à l'ours polaire.
Le président : Sénateur Adams, vous me voyez perplexe : vous parlez depuis trois minutes sans avoir posé de question. Je ne crois pas que vous ayez une question à poser.
Le sénateur Adams : Je parle de l'eau, et les gens en subissent également les conséquences. Dans le cadre de ses fonctions de guide, M. Wood enseigne aux gens en langue crie. Nous avons aussi une langue maternelle. Je crois que c'est une bonne chose.
M. Wood : Je vais répondre à cela, si vous le voulez bien.
Nous avons un intermédiaire autochtone, M. Maheengun Shawanda, qui travaille aux Great Lakes Cultural Camps, à Sault Ste. Marie. Il nous a donné beaucoup d'information au nom des collectivités autochtones, des Nishnawbe-Aski aux Cris. Ses commentaires figurent dans notre rapport. Il est plutôt inquiet au sujet des personnes dont vous parliez parce que nous avons constaté que, lorsque nous pêchons — et nous pêchons effectivement dans ces rivières —, les populations de poissons sont également en déclin. De plus, on doit consulter un tableau indiquant la teneur en mercure des poissons avant de les pêcher parce qu'on pourrait empoisonner les clients, et c'est ce à quoi je faisais allusion lorsque je parlais de la détérioration de la qualité de l'eau. Je crois que c'est également de cela que vous parliez, monsieur le sénateur, et, oui, nous sommes sensibles à cette question.
Le sénateur Sibbeston : Je vais recourir à la même approche que le sénateur Adams : il ne s'agit pas tant d'une question que d'une déclaration. Je trouve qu'il est bien que les membres d'organismes tels que le vôtre fassent du canoë sur les lacs et profitent de ce type d'activités et de la nature. Il semblerait que vous êtes au diapason des Autochtones qui ont pratiqué ce mode de vie pendant des siècles.
C'est intéressant, car vous aimez le canotage et tout ce qui est lié à cette activité. Pour les Autochtones qui utilisent depuis si longtemps ce type d'embarcation pour assurer leur subsistance, comme mon grand-père et ses ancêtres l'ont fait, naviguer les rivières en canoë est un mode de vie exigeant, surtout lorsqu'on remonte la rivière. Ils tiraient et poussaient les canoës et les chalands pour remonter les rivières. Je me souviens que mon oncle disait que, lorsqu'il a acheté un moteur hors-bord de deux chevaux, c'était toute une révolution. C'était une grande amélioration.
De nos jours, les Autochtones se servent de la technologie pour se rendre dans des endroits reculés. L'été dernier, j'ai eu le privilège de remonter la rivière Nahanni avec mon cousin sur un bateau à propulsion. Par conséquent, peut-être parce que nous avons eu par le passé un mode de vie très difficile, nous recourons à la technologie et utilisons des bateaux à propulsion pour nous rendre dans des endroits qui sont vraiment isolés, donc difficiles à atteindre. Toutefois, nous voyons des centaines et même des milliers de personnes qui viennent dans le Nord pour pagayer et profiter des rivières qui s'y trouvent.
Bien que nombre d'Autochtones respectent ce mode de vie et souhaitent qu'il se perpétue, d'autres, et plus particulièrement les jeunes qui sont plus instruits, veulent que les choses évoluent et qu'il y ait des possibilités d'emploi. Par conséquent, il y a un conflit dans le Nord, car certaines personnes souhaitent réellement que le Nord demeure tel qu'il a toujours été, alors que d'autres prennent conscience du fait que des changements doivent avoir lieu et que le progrès est probablement inévitable.
Certains d'entre nous sont en conflit avec des organismes, comme la Société pour la nature et les parcs du Canada, la SNAP, qui considèrent le Nord comme un grand parc, et, s'ils pouvaient faire comme ils l'entendent, ils feraient de tout le Nord un parc où rien n'est transformé. Il convient alors de se demander ce que les gens peuvent faire. Comment les Autochtones, particulièrement ceux qui sont instruits, peuvent-ils gagner leur vie? Il doit y avoir des changements.
Je respecte tout à fait vos organismes. Votre mandat est pertinent dans le Sud parce que les gens d'ici ont besoin de gens tels que vous. Toutefois, dans le Nord, les préoccupations sont autres. Il y a très peu d'infrastructures, et les rivières et les ruisseaux sont toujours intacts. À l'heure actuelle, où je vis, à Fort Simpson, dans les Territoires du Nord- Ouest, la rivière Mackenzie et la rivière Liard sont sur le point de sortir de leur lit. Même la rivière Nahanni commence tout juste à déborder. Nous nous estimons chanceux d'avoir toutes ces ressources naturelles.
M. Mattson : Je vous remercie de ces commentaires. L'ancienne Loi sur la protection des eaux navigables prévoyait un mécanisme grâce auquel on aurait pu régler le type de chose dont vous parlez et recourir à divers processus pour résoudre ces conflits, du moins si on lui avait accordé du sens et du poids.
Prenons l'exemple des motoneiges. Dans le Nord, la rivière Moose a un nouveau gardien, qui est cri. J'ai passé trois semaines là-bas en février. La seule façon de se déplacer est de circuler à motoneige sur les rivières gelées. On ne peut passer à travers les bois; aucune route n'existe. Par conséquent, si on construisait un barrage, qui serait informé de la date à laquelle on inonderait les terres ou de celle à laquelle il serait mis en fonction? Ce genre de renseignement doit être communiqué aux gens. Nombre des zones de trappage et de chasse existent depuis des années. On doit diffuser ces renseignements. Y a-t-il des personnes qui courent un risque?
C'est ce que l'ancienne loi prévoyait. Le gouvernement devait aviser la population — peut-être dans les journaux —, et les personnes concernées pouvaient dire : « Hé, c'est notre vieille route. Les rivières ne coulent que deux mois par année. Nous considérons cette rivière comme une voie très importante parce que nous n'avons pas de route. » Lorsqu'on prévoit construire une route, par exemple, une chaussée ou un pont ou qu'on permet à une personne de faire du portage, la population en serait informée sous le régime de l'ancienne loi.
Maintenant, on pourrait ignorer totalement ce qui est en train de se produire, et, lorsque le projet se concrétise, il pourrait être trop tard. La SNAP avait la possibilité de s'exprimer dans le cadre de l'ancien processus. Cela ne signifie pas qu'elle avait toujours gain de cause, mais elle avait au moins l'occasion de participer à la démarche, tout comme la collectivité et la population en général. Dans le cadre du nouveau processus, il se pourrait bien que la population locale n'ait pas vraiment la possibilité d'avoir voix au chapitre.
Le président : Je vous remercie. Peut-être que vous enverrez bientôt des BlackBerry à toutes ces personnes.
M. Mattson : J'essaie.
Le président : Le prochain comité s'impatiente derrière moi. Il reste encore un autre intervenant, mais j'aimerais d'abord apporter une précision. Plus tôt, j'ai affirmé que nous n'étions pas élus; nous sommes des sénateurs. Toutefois, il y a un sénateur élu ici : le sénateur Brown. Il a une question à poser. Pourriez-vous être bref?
Le sénateur Brown : Je crois bien. Je vous remercie d'être venus. Les objections semblent porter sur ce qui est absent du projet de loi par rapport à ce qui y figure. Le projet de loi est, après tout, une loi sur la protection des eaux navigables. Une quinzaine de pages précisent ce qu'un entrepreneur ou qui que ce soit d'autre ne peut construire sans en aviser la population, et, si une personne réalise tout de même son projet, elle encourt une pénalité beaucoup plus élevée que celle qui était prévue dans l'ancienne loi. Avant, la pénalité était de 5 000 $; maintenant, elle est de 50 000 $ par jour.
Je voulais simplement souligner que, lorsque vous demandez que le ministre accomplisse une tâche en particulier, je ne connais aucun ministre du gouvernement qui pourrait effectuer seul ce travail. Le sénateur Neufeld a fait remarquer que la Colombie-Britannique compte 300 000 cours d'eau. J'ignore combien il y en a dans l'ensemble du pays. Il est stupéfiant de penser à combien il pourrait y en avoir. J'ignore également combien de projets de construction verront le jour.
Toutefois, le mécanisme qui existait avant consistait à agir lorsqu'une plainte était déposée, et je présume qu'il en sera de même sous le régime de la nouvelle loi. Je ne peux imaginer que chacune des plaintes sera adressée directement au ministre. Nombre de fonctionnaires qui relèvent du ministre se chargeraient de décider laquelle doit être transmise au ministre.
Si on n'obtenait pas gain de cause à l'échelon des fonctionnaires, je suppose qu'il faudrait qu'il y ait une façon, ou qu'on prévoirait une façon, de transmettre la plainte au ministre. Ne croyez-vous pas?
M. Mattson : Sénateur Brown, c'est une excellente question. Le ministre ou son personnel dispose-t-il de suffisamment de ressources pour donner sens et poids à l'ancienne loi, ou avait-il besoin de ses modifications parce qu'il était débordé? Toutefois, on n'a jamais invoqué ce motif pour justifier les changements apportés, car, à l'évidence, on aurait pu modifier la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale pour parvenir aux mêmes résultats, prendre nombre de ces responsabilités et prévoir des exemptions pour certains de ces projets.
La loi fonctionnait, et chacune des collectivités, si on prévoyait modifier le débit d'eau — il y aurait une augmentation ou une diminution du débit, on ne pourrait pas remonter la rivière en canoë, et cetera —, chaque fois, la collectivité avait le droit de s'adresser au gouvernement qui entendait céder à un tiers le droit de réaliser un projet dans la collectivité en question. Il est de la responsabilité du gouvernement fédéral de faire en sorte que la loi soit appliquée.
Le gouvernement fédéral doit réellement veiller à ce que les mécanismes en place prévoient de tels droits, à ce que ces mécanismes soient utilisés dans l'intérêt supérieur de tous et à ce que ces droits soient protégés.
Or, cela ne se produira pas dans le cadre de la nouvelle loi. Comme le mentionne clairement le paragraphe 5.1(1), les décisions pourront être prises sans que l'on soit tenu de consulter la population. Voilà qui est nouveau. Aucun autre pays occidental ne fonctionne de cette façon. Les décisions relèveront entièrement du pouvoir exécutif, et le Canada sera la seule démocratie à avoir retiré le droit de navigation. Voilà pourquoi nous sommes si contrariés, et voilà pourquoi nous sommes venus ici aujourd'hui pour parler au nom de nos membres.
Le sénateur Brown : L'ancienne loi prévoyait une pénalité maximale de 5 000 $. Maintenant, la pénalité est de 50 000 $ par jour. Lorsque la pénalité était de 5 000 $, quiconque souhaitait obstruer un cours d'eau ou y construire une structure le pouvait. J'ignore comment la rivière Don en est venue à être non navigable, mais je présume que l'auteur du projet s'est vu infliger une pénalité de 5 000 $.
Le président : Vous avez entendu la question du sénateur Brown. Madame Tully, pourriez-vous faire parvenir la réponse à la greffière? Je tiens réellement à vous remercier. Deux de nos principaux intervenants ne sont même pas ici ce matin, et nous avons dépassé le temps prévu. Je vous remercie beaucoup. Vous pouvez constater que nous nous soucions de la cause que vous défendez.
(La séance est levée.)