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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 6 - Témoignages du 14 mai 2009


OTTAWA, le jeudi 14 mai 2009

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 8 h 8 pour étudier les éléments du projet de loi C-10, Loi d'exécution du budget de 2009, concernant la Loi sur la protection des eaux navigables (partie 7).

Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour à tous ceux qui assistent à nos délibérations ici dans cette salle, et à tous les gens qui suivent nos travaux au réseau de télévision CPAC ou sur Internet.

Je m'appelle David Angus. Je suis sénateur du Québec et je préside le comité. Sont présents aujourd'hui notre estimé vice-président, le sénateur Grant Mitchell de l'Alberta; mon prédécesseur à la présidence du comité, le sénateur Tommy Banks de l'Alberta; le sénateur Fred Dickson de Halifax; le sénateur Bert Brown de l'Alberta; le sénateur Robert Peterson de Saskatchewan; le sénateur Pana Merchant de Saskatchewan; le sénateur Nick Sibbeston des Territoires du Nord-Ouest; et le sénateur Willie Adams du Nunavut. Nous avons un groupe assez diversifié.

Nous continuons aujourd'hui notre étude du projet de loi C-10, Loi d'exécution du budget. Le projet de loi a été adopté à la condition que diverses audiences soient tenues sur certains éléments du projet de loi, notamment les modifications apportées à la Loi sur la protection des eaux navigables dans la partie 7 du projet de loi.

Honorables sénateurs, je crois que c'est notre avant-dernière réunion. Nous avons tenu des audiences assez étendues. Je crois que nos témoins ont suivi nos travaux directement ou indirectement. Vous n'ignorez pas que nous avons entendu un vaste échantillon de Canadiens qui nous ont aidés dans nos délibérations. Nous avons reçu des fonctionnaires du ministère des Transports qui dirigent le Programme de protection des eaux navigables, et aussi le secrétaire parlementaire aux Transports, le député Brian Jean de Fort McMurray. Nous avons entendu des représentants des organisations suivantes : la Société pour la nature et les parcs du Canada, la Fédération canadienne de la faune, le Réseau pour les rivières canadiennes, Paddle Canada, Lake Ontario Waterkeeper, Ontario Recreational Canoeing and Kayaking Association, Watershed Watch Salmon Society, Transports Alberta, l'Assemblée des Premières nations, l'Association of Iroquois and Allied Indians et la nation Nishnawbe Aski, que nous avons entendue au début de cette semaine.

Je pense que vous comprenez que nous écoutons les gens et leur donnons l'occasion de se faire entendre dans le but de faire rapport au Parlement — au Sénat et à la Chambre des communes — sur la perception que l'on a des modifications en question et de faire des suggestions, peut-être sur la disposition prévoyant un examen quinquennal, entre autres.

Nous sommes heureux de vous recevoir ici aujourd'hui, vous qui représentez le « bassin pétrolier », si je peux dire, ce qui nous permettra d'obtenir une perspective équilibrée. Beaucoup de gens préoccupés par ces modifications à la loi sont devenus muets parce que le projet de loi a été adopté et qu'à leurs yeux, l'affaire ne présente plus un caractère d'urgence. Il est donc utile de vous entendre nous dire pourquoi ces amendements sont appropriés ou ne le sont pas, selon le cas.

Bonjour, sénateur Milne.

Nous accueillons aujourd'hui Brenda Kenny, présidente de l'Association canadienne des pipelines d'énergie; elle est accompagnée de Jeff Angel, vice-président aux relations extérieures. Représentant l'Association canadienne des producteurs pétroliers, nous avons Peter Miller, avocat, Département de droit, Pétrolière Impériale Ressources Limitée. Représentant la Fédération canadienne des municipalités, nous accueillons David Marit, président de l'Association des municipalités rurales de Saskatchewan, accompagné de Susan Irwin, conseillère en politiques.

Je vous souhaite la bienvenue à tous. Madame Kenny, vous avez la parole.

Brenda Kenny, présidente, Association canadienne de pipelines d'énergie : Merci et bonjour à tous. Nous vous remercions de nous donner la parole. C'est un plaisir de comparaître devant vous pour vous faire part du point de vue de l'Association canadienne de pipelines d'énergie. J'ai un texte écrit et un jeu de documents auxquels je me reporterai au fur et à mesure. Je répondrai ensuite avec plaisir à vos questions.

Je vais d'abord établir le contexte. L'Association canadienne de pipelines d'énergie représente des compagnies qui transportent 97 p. 100 du pétrole et du gaz naturel du Canada. Nous construisons et exploitons plus de 100 000 kilomètres de pipelines au Canada et aux États-Unis. Grâce à ces installations, les deux tiers de toute l'énergie consommée par les Canadiens sont acheminés dans leur maison et jusqu'à leur véhicule pour répondre à leurs besoins. Au cours des 15 prochaines années, les membres de l'association comptent investir plus de 40 milliards de dollars dans la construction et l'agrandissement d'infrastructures de pipelines pour répondre aux besoins croissants des Canadiens. Ce chiffre ne tient pas compte des possibilités offertes par les deux grands projets de gazoduc du Grand Nord.

L'industrie des pipelines est déterminée à respecter ses engagements en ce qui a trait au respect de l'environnement, à la sécurité publique et au respect des droits des propriétaires fonciers et des utilisateurs des sols. Notre secteur est réglementé du début à la fin de son cycle de vie, depuis la conception jusqu'au déclassement, par l'Office national de l'énergie et par les autorités provinciales chargées de la réglementation dans le domaine de l'énergie. Les pipelines construits et exploités par les membres de l'association acheminent l'énergie dont ont besoin les Canadiens pour vivre dans le confort et la sécurité et pour assurer la croissance de l'économie canadienne, tout en protégeant l'environnement à toutes les étapes.

L'association considère que les changements apportés à la Loi sur la protection des eaux navigables sont positifs. Ces modifications représentent une mesure législative importante et la Loi sur la protection des eaux navigables est un instrument important dont les Canadiens se sont dotés depuis longtemps pour protéger le droit du public de naviguer dans les eaux canadiennes. Cette loi n'a pas grand-chose à voir avec l'évaluation environnementale et tout à voir avec une réglementation compétente des activités susceptibles d'influer sur la capacité des utilisateurs des plans d'eau canadiens pour le transport commercial et les loisirs. Ces modifications renforcent la capacité de Transports Canada de jouer ce rôle par la réglementation.

Le secteur des pipelines croit par ailleurs que le pouvoir du ministre de désigner des catégories d'ouvrages sur les eaux navigables reflète une approche moderne fondée sur le risque pour une réglementation à la fois efficace et efficiente. Le secteur des pipelines a un bilan enviable en matière de sécurité, d'excellentes normes et pratiques pour le franchissement des cours d'eau et une longue expérience, ayant pu compter depuis le début sur l'Office national de l'énergie pour les inspections, les audits et la surveillance. Les changements apportés à la Loi sur la protection des eaux navigables permettent d'envisager l'avenir avec confiance à partir de ces acquis, tout en supprimant peut-être des dispositions inutiles relativement aux permis et aux examens, à la fois pour les promoteurs des projets et pour Transports Canada. En conséquence, on pourra concentrer l'expertise et l'attention sur la protection du droit du public de naviguer dans les voies navigables canadiennes, aux endroits et au moment où cette protection est vraiment nécessaire.

En langage populaire, disons que dans le règlement pris en application de la LPEN, les mailles du filet sont trop petites. Comme on vous l'a dit, Transports Canada reçoit et examine au moins 2 500 demandes de permis chaque année. L'article 5 de la LPEN est d'une vaste portée et offre peu de pouvoirs discrétionnaires. Selon nous, il en résulte que l'on prend des règlements pour des franchissements beaucoup trop simples. Les modifications donnent le pouvoir discrétionnaire permettant de cibler les efforts de réglementation de Transports Canada vers les rivières et ruisseaux importants et les problèmes qu'ils peuvent poser.

Prenons quelques exemples de plans d'eau navigables pour lesquels des permis ont été exigés. J'attire votre attention sur les photographies que j'ai remises aux membres du comité. Vous verrez dans ces documents plusieurs photos de franchissements réels qui ont exigé des permis en vertu de la LPEN. On donne des précisions à côté de chaque photo. Je vais les passer en revue brièvement à votre intention et on pourra y revenir durant la période des questions.

La première photo montre un endroit où il a fallu un permis pour des travaux en hiver. Vous pouvez voir un champ où l'on trouve peut-être à l'occasion une légère crue nivale. Le délai exigé pour obtenir ce permis n'était pas particulièrement productif ou utile pour l'évaluation environnementale globale ou l'optimisation des méthodes de construction, et cela a causé beaucoup de confusion.

Les photos suivantes, à la page 3, montrent un cours d'eau qui passe sous une grande route dans un ponceau existant. Ce cours d'eau exigeait un permis applicable aux eaux navigables. Dans ce cas, il n'y avait clairement aucune possibilité de navigation de plaisance, mais on n'en a pas moins exigé un permis, occasionnant ainsi un retard qui nous a obligés à utiliser des techniques de construction moins qu'optimales, en dépit du fait que nous avions travaillé en étroite collaboration avec les fonctionnaires des pêches pour nous assurer de faire de notre mieux pour protéger cet important habitat du poisson. Des permis concomitants et contradictoires peuvent amoindrir les efforts déployés pour protéger l'environnement.

À la page 4, on voit un pont existant appartenant à un propriétaire foncier selon lequel la compagnie de pipelines pourrait s'en servir pour son propre chantier. La compagnie devait renforcer le pont pour pouvoir l'utiliser en conformité des accords conclus avec le propriétaire. Malheureusement, l'agent de Transports Canada a décidé que ces travaux nécessitaient un permis, même s'il n'y avait absolument aucun changement au franchissement du cours d'eau puisque tous les travaux étaient effectués sur le tablier du pont.

La dernière page montre un plan d'eau manifestement obstrué, rendant toute navigation impossible. L'amas de débris empêchait la navigation de plaisance, mais là encore, on a jugé nécessaire d'obtenir un permis.

J'ai remis ces diapositives au comité à titre d'exemples de situations où l'on peut exiger un permis supplémentaire, ce dont vous avez entendu parler tout au long de vos audiences. J'insiste sur le fait que, bien sûr, il y a beaucoup de ruisseaux et de rivières sur lesquels la navigation doit être protégée. Notre secteur appuie les objectifs de la LPEN et le recours aux permis lorsque c'est nécessaire et approprié. Nous sommes déterminés à travailler en collaboration avec Transports Canada à toutes les étapes relativement à ces permis.

Il y a quelques jours, le ministre des Transports a donné l'ordre d'officialiser les lignes directrices applicables aux petits chantiers. Nous appuyons cette ordonnance et nous avons l'intention de travailler en collaboration pour mener la tâche à bien. Il est important d'être animé de la volonté d'améliorer continuellement la réglementation et la performance environnementale. Nous sommes conscients des risques créés sur le terrain pendant la durée d'un chantier. L'accumulation de permis et d'exigences, de conditions et de modalités risque de nous entraîner, conjointement, à nuire à l'environnement et aux précautions en matière de sécurité, au lieu de pouvoir envisager un résultat optimal. L'exigence de multiples permis peut causer des conséquences imprévues et nous voudrions éviter de telles conséquences.

Cette tâche peut être menée à bien de concert avec une atténuation efficace de tout risque éventuel, en s'assurant que l'on gère bien la fenêtre temporelle critique pour les projets qui seront mis en chantier. Notre objectif, comme toujours, est de continuer à répondre aux besoins des Canadiens en matière d'énergie, tout en conservant intact le bilan de notre industrie pour ce qui est d'une excellente intendance environnementale et d'une sécurité exemplaire.

Merci encore de nous avoir donné l'occasion de prendre la parole.

Le président : Madame Kenny, c'était un bon exposé. Nous vous en sommes reconnaissants. Nous vous poserons des questions tout à l'heure. Comme à notre habitude, nous entendrons d'abord tous les témoins.

Je veux vous présenter une autre de mes collègues qui vient d'arriver. Vous la connaissez peut-être. Elle a été nommée récemment au Sénat. Je veux parler du sénateur Raine, de Colombie-Britannique. Elle se joint à nous ce matin en remplacement du sénateur St. Germain.

Notre prochain intervenant est Peter Miller. J'ai dit tout à l'heure qu'il représente l'Association canadienne des producteurs pétroliers, et il est avocat au département de droit de Pétrolière Impériale Ressources Limitée.

Peter Miller, avocat, Section du droit, Pétrolière Impériale Ressources Limitée, Association canadienne des producteurs pétroliers : Au nom de l'Association canadienne des producteurs pétroliers, je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole devant le comité au sujet des récentes modifications apportées à la Loi sur la protection des eaux navigables. L'association est d'avis que ces changements constituent d'importantes améliorations à une loi plutôt ancienne. Les changements aident beaucoup à moderniser la loi et à mieux répondre aux besoins socio- économiques contemporains de notre société.

L'Association canadienne des producteurs pétroliers représente 130 compagnies qui sont actives dans les domaines de la prospection, du développement et de la production de gaz naturel, de pétrole brut et de sables bitumineux partout au Canada. Les compagnies membres de l'association produisent plus de 90 p. 100 du gaz naturel et du pétrole au Canada. L'association a aussi 150 membres associés qui fournissent un vaste éventail de services à l'industrie. Ensemble, les membres et membres associés sont un rouage important d'une industrie nationale de 120 milliards de dollars par année qui influe sur le gagne-pain de plus d'un demi-million de Canadiens.

Ces modifications à la loi ont été faites dans un but précis qui a été décrit par le gestionnaire du programme, David Osbaldeston. Les modifications sont conçues pour supprimer les obstacles bureaucratiques, comme on l'a expliqué devant le Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes, obstacles qui peuvent nuire sérieusement aux projets d'infrastructure. La solution offerte par le ministère consistait à établir un processus d'examen et d'approbation proportionnel au degré d'obstruction potentiel.

Nous avons entendu les témoins précédents devant le comité dire que les changements sont conçus pour rendre beaucoup plus efficient tout le processus d'examen et d'approbation. Ces changements ne visent nullement à créer un mécanisme permettant de prendre des raccourcis ou de court-circuiter les mesures de protection de l'environnement. La question a été posée : de quelle manière cette loi va-t-elle aider les programmes d'infrastructure? Encore une fois, la mesure proposée ne vise nullement à mettre ces projets sur une voie rapide, mais comme Mme Kenny l'a dit, nous croyons que le programme va effectivement réduire le travail inutile et libérer au ministère des ressources que l'on pourra plus avantageusement consacrer aux vrais problèmes qui se posent relativement à l'utilisation des cours d'eau.

Bien que la mesure législative ait un objectif ciblé bien précis, le sénateur Banks a pu confirmer en répondant à des questions que ces améliorations vont se poursuivre dans la loi. En fait, on a beaucoup discuté à votre comité de l'examen quinquennal, qui donnera l'occasion d'apporter des améliorations continues et d'examiner les changements pour s'assurer qu'ils atteignent les objectifs prévus.

Le président : Sur ce point, dites-vous qu'il y a eu beaucoup de discussions entre des gens comme vous-même et les fonctionnaires de Transports Canada?

M. Miller : Non, monsieur. J'ai lu le compte rendu des précédentes réunions de votre comité.

Le président : Vous faites allusion seulement à ces comptes rendus?

M. Miller : Oui, monsieur le président. Améliorer l'efficience des processus de réglementation, c'est un objectif que l'ACPP poursuit constamment à tous les niveaux de gouvernement, et ces modifications à la loi reflètent bien ce que Transports Canada a appris au fil de nombreuses décennies de protection des voies navigables canadiennes.

Une brève comparaison entre l'ancienne loi et la nouvelle nous aidera à comprendre exactement quelles mesures ont été prises ou quels changements ont été apportés. Des intervenants ont dit à votre comité que la protection de nos rivières ou plans d'eau a été amoindrie par ces changements. Je soutiens que c'est le contraire qui est vrai. Sous le régime de l'ancienne loi, le paragraphe 5(1) stipule qu'il est interdit d'entreprendre des travaux sans avoir obtenu l'approbation préalable. Cela n'a pas changé. Cependant, le paragraphe 5(2) prévoit une exception pour les ponts, estacades, barrages et jetées, qui sont des ouvrages de grande envergure. L'ancienne loi stipulait clairement que l'article 5 ne s'appliquait pas à un ouvrage qui, de l'avis du ministre, ne nuisait pas sérieusement à la navigation. En clair, l'ancienne loi ne s'occupait pas des ouvrages qui ne remplissaient pas ce critère minimal de gêner sérieusement la navigation.

Dans la nouvelle loi, comme je l'ai dit, nous avons encore le paragraphe 5(1) qui comporte une interdiction générale. Nous avons encore le critère de « gêner sérieusement », ce qui autorise le directeur à imposer des modalités et conditions. Cependant, en vertu de la nouvelle loi, le directeur peut aussi imposer des conditions à des ouvrages qui ne correspondent pas à ce critère, mais qui « gêneront la navigation sans toutefois la gêner sérieusement ». En fait, la question est devenue tellement controversée pour ce qui est des catégories d'ouvrages construits dans les eaux navigables que je soutiens que la création de ce pouvoir place encore plus d'ouvrages sous la supervision du directeur que ce n'était le cas sous le régime de l'ancienne loi. En vertu de l'ancienne loi, seulement les ouvrages qui gênaient sérieusement la navigation devaient être approuvés. Ce qu'on propose maintenant, c'est que tous les ouvrages feront l'objet d'un examen quelconque, que ce soit par l'application de critères et lignes directrices ou par l'imposition de conditions.

Je soutiens que les modifications apportées à la loi protègent nos eaux navigables encore mieux que l'ancienne loi.

Le président : Il y a moins de bureaucratie, c'est ce que vous voulez dire?

M. Miller : Oui, c'est exactement le problème. Sous l'ancienne loi, le directeur devait d'abord décider si le cours d'eau était navigable ou non et ensuite si l'ouvrage proposé gênerait sérieusement la navigation. Le processus appliqué pour répondre à ces deux questions prenait énormément de temps et je crois que le ministère estimait que la loi l'obligeait à examiner tous les ouvrages proposés, sans exception.

Le directeur nous a dit qu'après 20 ans d'expérience, ils connaissent maintenant très bien certaines catégories d'ouvrages et ne sentent pas le besoin de se livrer à un examen aussi poussé pour chacun des changements proposés. Cette expérience ajoute à l'efficience du processus. Comme je l'ai dit, cela libère des ressources.

Le président : À votre avis, ce critère où l'on disait que l'ouvrage allait « gêner sérieusement » était-il raisonnablement défini? Cette expression avait-elle un sens généralement accepté ou bien y avait-il un élément de subjectivité qui posait également problème?

M. Miller : On a beaucoup discuté à votre comité des définitions et du libellé. Je ne crois pas qu'il y ait une définition de cette expression. À titre d'avocat, je peux vous dire qu'au fil des siècles, les avocats et les tribunaux n'ont pas eu de difficulté à gérer ce type d'arrangement nébuleux.

Je ne devrais pas dire que cela n'a jamais causé de problèmes aux tribunaux. Il y a toujours eu un problème de définition, mais les tribunaux ont toujours été en mesure de s'entendre sur le sens d'expressions comme la diligence nécessaire, la négligence, la négligence grave, sans disposer de définitions précises. Si l'on remonte aux décisions rendues par les tribunaux en Angleterre il y a des siècles, la jurisprudence précise que ces questions doivent être tranchées au cas par cas, selon les faits établis.

Je ne suis pas troublé par le fait que nous n'ayons pas de définitions. Après de longues discussions avec des groupes de défenseurs de l'environnement, ceux-ci n'ont pas réussi non plus à proposer une définition. Ils reconnaissent que la définition est problématique quand il s'agit de définir certains concepts comme une voie navigable et le sens précis du mot « sérieusement ». Comme je l'ai dit, je ne crois pas que cela pose des difficultés en droit.

Le président : C'est plutôt au niveau de la bureaucratie en amont du droit.

M. Miller : Oui; pour nous, ces modifications donnent au directeur la latitude voulue pour dégager son pupitre d'un grand nombre de dossiers de bas niveau qui ne posent aucun problème pour la navigation.

La Fédération canadienne de la faune a invité le comité à considérer que les modifications réduisent sensiblement le nombre de cours d'eau qui seront protégés par le processus d'approbation prévu par la loi. La fédération voudrait vous faire croire qu'en modifiant la loi, on n'a prévu aucune mesure de rechange pour protéger les cours d'eau du Canada contre de tels ouvrages. M. Osbaldeston, par contre, a déclaré que les modifications n'éliminent pas le ressort de la loi et il a laissé entendre que l'opinion présentée était fondée sur de la désinformation et sur une mauvaise compréhension de l'intention du législateur.

Nous soutenons que la proposition offre une autre manière, plus intelligente et non moins efficace, de protéger les eaux navigables de notre pays en appliquant des critères définis et des politiques fondées sur le risque.

Ces changements permettront aussi à l'industrie d'apporter des améliorations continues à ses activités susceptibles d'influer sur les voies navigables du Canada et de manière plus générale sur l'environnement en élaborant et en adoptant des pratiques exemplaires et des codes d'usage. Le sénateur Banks a posé une question sur ces codes et la délégation de pouvoirs et a évoqué la possibilité que l'on adopte des codes qui échapperaient au pouvoir du gouvernement et qui pourraient changer et devenir source de problèmes.

Nous soutenons que le gouvernement ne perd pas le contrôle de ces politiques, lignes directrices ou codes qui sont adoptés par renvoi. Le gouvernement exerce encore la fonction d'application de la loi; le ministre est encore tenu de contrôler l'applicabilité et la conformité de ces normes qui sont adoptées. Le comité a consacré passablement de temps à cette question, ce qui montre toute l'importance de ce type de processus parce que le comité a été en mesure de tirer au clair, en discutant avec le gestionnaire du programme, la véritable intention, la raison d'être, l'objectif de ces changements. Si jamais l'on s'interroge sur la portée ou l'application de ces changements, il n'y aurait qu'à se reporter au compte rendu des délibérations du comité pour tirer cela au clair.

Des préoccupations ont été soulevées et des discussions ont eu lieu sur l'application du pouvoir discrétionnaire à de grands projets controversés comme la construction d'un pont sur la rivière Ottawa. Il m'apparaît inconcevable que cette situation puisse jamais arriver. Le gestionnaire du programme a dit clairement que telle n'était pas l'intention des modifications. L'intention était de régler le cas d'ouvrages de moindre envergure, sans valeur ajoutée, que la loi telle qu'elle existait à l'époque l'obligeait, selon lui, à étudier avec toute la diligence voulue.

Les grands projets de mise en valeur des ressources bénéficieront particulièrement de l'efficience du processus d'approbation. Ces projets sont élaborés et approuvés dans le cadre d'un processus ouvert et rigoureux de consultation et d'examen. Nous ne voyons aucune possibilité que des préoccupations environnementales majeures soient laissées de côté en raison des gains d'efficience réalisés grâce à ces modifications.

L'intérêt public sera également mieux servi car l'introduction de certaines catégories d'ouvrages exemptées réduira grandement le coût des tâches imposées par la loi. Par exemple, le projet de gazoduc du Mackenzie a fait l'objet d'un examen environnemental approfondi dans le cadre de la commission mixte d'évaluation environnementale. On a établi que 676 franchissements de cours d'eau devaient être examinés et Transports Canada s'est penché sur chacun de ces dossiers, mais en fin de compte, on a constaté que moins de 100 de ces cours d'eau étaient des voies navigables. Cependant, il a fallu étudier chacun de ces presque 600 franchissements. Il est clair qu'il a fallu ouvrir 500 dossiers supplémentaires pour visiter, examiner et évaluer chacun de ces sites.

Le ministre était confronté à une tâche difficile et un véritable dilemme, car on voulait réaliser des économies, mais il fallait quand même s'occuper de ces 500 dossiers supplémentaires dans cette affaire. Les modifications à la loi ont répondu à la question de savoir comment régler de la manière la plus efficiente le dossier de ces 500 sites.

Dans notre industrie, le mécanisme choisi est simple et applicable. Comme nous sommes un secteur fortement réglementé, nous employons des experts possédant les compétences voulues pour nous aider à évaluer les projets, et nous suivons des protocoles rigoureux et assurons une solide intendance et reddition de comptes à l'interne. Notre secteur convient parfaitement à une approche qui fait appel à un processus d'approbation proportionnel au risque.

Dans des réunions précédentes, le sénateur Lang a soulevé à quelques reprises cette question du simple bon sens; il a dit que nous devons ramener le bon sens dans notre administration de la loi. J'ose dire qu'il y a un siècle, nos ancêtres avaient beaucoup plus de bons que nous, parce qu'il ne leur serait jamais venu à l'esprit d'édicter des règles ou d'interpréter une loi exigeant qu'on réglemente des activités qui n'ont aucune incidence sur la navigation.

Aujourd'hui, pour donner encore une fois l'exemple du gazoduc du Mackenzie, nous avons dû examiner 600 sites différents, dont la plupart sont de petits ruisseaux. Les évaluations seraient faites en une semaine en plein milieu de l'hiver et le terrain serait remis en l'état sans qu'il y ait la moindre incidence sur la navigation. Encore une fois, il y a un siècle, personne n'aurait imaginé qu'un lit de rivière à sec ait quelque chose à voir avec la navigation, mais nous en sommes pourtant au point où nous nous sentons obligés d'examiner chacun de ces sites; en fait la loi nous y oblige. Les modifications apportées à la loi vont régler ce problème. Nous pourrons travailler plus intelligemment. Le sénateur St. Germain a soulevé la question de l'aspect pratique de l'ancien processus et le sénateur Neufeld s'est demandé comment nos effectifs peuvent être tellement éparpillés : nous avons 730 personnes d'un bout à l'autre du pays. Nous devons travailler plus intelligemment dans ce domaine et ces modifications à la loi nous le permettront.

Le gestionnaire du programme a dit clairement qu'il comptait sur la sensibilisation des intervenants. Il s'attendait à recevoir moins de demandes à l'avenir en conséquence de ces modifications qui vont débarrasser le système d'un fardeau, libérant ainsi des ressources permettant de s'attaquer aux vrais problèmes, à savoir les grands projets d'infrastructure que le gouvernement a déclarés prioritaires.

Je peux donner aux honorables sénateurs l'assurance que nous n'aurons aucune difficulté à engager notre industrie dans ce programme. Nous sommes déterminés à apporter les améliorations continues, à la fois en termes d'efficience des processus et de nos codes d'usage, et nous comptons travailler à l'avenir avec le ministère pour mettre en œuvre la nouvelle législation.

Le président : Merci, monsieur. Je ne peux pas m'empêcher de faire observer, d'un ton approbateur, que vous avez lu le compte rendu de nos délibérations à ce jour dans ce dossier. Vous vous y êtes reporté à quelques reprises et vous avez même donné votre opinion sur le rôle continu de nos travaux qui pourraient servir de référence. Avez-vous lu également la transcription du témoignage de Ron Middleton mardi de cette semaine?

M. Miller : J'étais en voyage; je ne l'ai pas vu.

Le président : Je soupçonne que le sénateur Banks, quand il vous interrogera, reviendra peut-être sur sa dernière intervention, qui nous a amenés à nous demander si tout cela n'était qu'une tempête dans un verre d'eau.

Nous entendrons maintenant David Marit, président de l'Association des municipalités rurales de Saskatchewan. Je vous souhaite la bienvenue, monsieur, et vous cède la parole.

David Marit, président, Association des municipalités rurales de Saskatchewan, Fédération canadienne des municipalités : Merci, monsieur le président, et mesdames et messieurs, de nous recevoir ici ce matin. Je suis le président de l'Association des municipalités rurales de Saskatchewan et j'ai aussi un rôle à la Fédération canadienne des municipalités, la FCM. Je siège au conseil d'administration de la FCM et je suis vice-président de notre forum rural. J'assume aussi le rôle de coprésident, pour la FCM, du groupe de travail conjoint de la FCM et du ministère des Pêches et des Océans. Je vous remercie beaucoup d'avoir invité la FCM à comparaître ce matin.

Comme vous le savez, dans le budget de 2009, le gouvernement s'est engagé à apporter des modifications restreintes à la Loi sur la protection des eaux navigables, comme l'a recommandé le Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes. Le projet de loi C-10, Loi d'exécution du budget, comporte des éléments traitant de la Loi sur la protection des eaux navigables, la LPEN. Les modifications à la LPEN portent sur : l'élimination des ouvrages désignés, y compris les ponts et les barrages; la combinaison de deux ou plusieurs ouvrages s'ils ont des liens entre eux; l'inclusion d'une disposition d'antériorité visant les ouvrages construits sous l'autorité d'une province ou appartenant à une province; la création de catégories d'ouvrages ou d'eaux navigables ne nécessitant pas d'approbation; une plus grande souplesse dans le processus d'approbation; une disposition autorisant le ministre à annuler ou à modifier une approbation; et la proposition d'augmenter les amendes prévues dans la loi.

La FCM est encouragée par les changements récemment apportés à la LPEN par le projet de loi C-10. Nous sommes également heureux de l'attention accordée par le gouvernement fédéral aux préoccupations et aux problèmes des municipalités à ce chapitre. La loi révisée simplifiera les approbations réglementaires et soustraira entièrement certaines catégories d'ouvrages et d'eaux navigables du processus d'approbation.

Par exemple, nous sommes contents de la nouvelle définition que l'on donne aux ouvrages, car cela permettra de faire approuver les projets plus rapidement que ce n'était le cas avant les modifications apportées à la loi. Bien que les modifications prévoient des mécanismes pour simplifier le processus, d'autres accordent au ministre des pouvoirs étendus et plutôt arbitraires lui permettant de modifier ou d'annuler des approbations de projet en tout temps. Cette dichotomie démontre la nécessité d'entretenir des consultations continues avec les municipalités et d'autres parties prenantes, à mesure que seront mises en œuvre et appliquées les modifications à la LPEN.

L'une de nos principales préoccupations demeure la définition de l'expression « eaux navigables » et de « ouvrages désignés » dans la LPEN. La définition d'» eaux navigables » de Transports Canada est la suivante : « toute étendue d'eau pouvant servir à l'état naturel à la navigation de bâtiments flottants de tous genres pour le transport, les loisirs ou le commerce. Celles-ci comprennent un canal et toute autre étendue d'eau, créée ou modifiée à l'intention du public, par suite de l'affectation de cette voie navigable à l'usage du public ».

Cette définition peut englober n'importe quoi, depuis un ruisseau de quatre pieds de profondeur où l'on fait du canoë jusqu'à une grande voie navigable comme le fleuve Saint-Laurent. Nous continuons d'entretenir des réserves au sujet de cette définition.

Notre deuxième réserve porte sur les ouvrages désignés. Depuis 1882, des ouvrages désignés ont été ajoutés dans la loi et relèvent du mandat et de la portée de celle-ci. Ces ouvrages sont des ponts, estacades, barrages, chaussées, quais et jetées. Aucun ouvrage n'a jamais été supprimé dans la loi, on en a seulement ajouté.

Les principales répercussions, pour les municipalités, de la définition d'eaux navigables et d'ouvrages désignés sont les suivantes : selon la LPEN, les municipalités doivent obtenir une approbation pour réaliser toute construction dans, sur, au-dessus, en dessous ou en travers d'une voie navigable. La définition d'eaux navigables est tellement vague qu'elle englobe tout plan d'eau navigable par tout type de bâtiment flottant, depuis les porte-conteneurs jusqu'aux kayaks, pour le transport, les loisirs ou le commerce.

L'application de cette définition est très mal adaptée à de nombreux projets et a engendré des coûts superflus et des retards importants de réalisation. Quant aux évaluations environnementales, lorsqu'un projet obtient l'approbation ministérielle fédérale, une évaluation environnementale est alors entreprise conformément à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Cela peut entraîner des coûts considérables pour la municipalité en frais d'experts- conseils, de gestion de projet et de retards de réalisation, et cela même dans le cas de projets modestes comportant peu de risques et déjà visés par des dispositions provinciales, territoriales ou municipales sur la protection de l'environnement. Au bout du compte, les municipalités se retrouvent souvent à dépenser du temps et de l'argent afin de construire des infrastructures et de respecter des exigences pour une navigation publique inexistante.

La FCM est consciente de l'importance du réseau de transport maritime canadien et comprend que la LPEN vise à préserver ce réseau essentiel. Ces modifications apportées à la loi garantiront que la loi continuera d'assurer cette protection des eaux navigables, tout en éliminant ou en atténuant les chevauchements, les modalités administratives, les délais de réalisation et les coûts plus élevés qui en résultent pour les contribuables.

Merci d'avoir pris le temps de nous écouter. Nous sommes confiants que votre comité comprend qu'il est nécessaire de mettre en œuvre les modifications à la LPEN dans les plus brefs délais.

Le président : Certains d'entre vous ont déjà comparu devant le comité de la Chambre des communes. Est-ce votre cas, monsieur Marit?

M. Marit : J'ai témoigné en même temps que mon collègue de l'Alberta, Don Johnson.

Le président : Je crois que d'autres parmi vous ont manifestement suivi nos travaux, d'après ce que vous avez dit.

Le sénateur Mitchell : Cet exposé a été excellent et est utile au comité. Je vais commencer par aborder un point qui, pour moi, est le noeud de cette affaire.

Il y a une contradiction qui est inhérente à l'ensemble des témoignages que nous avons entendus. Tout indique que ces modifications à la loi ne changent pas grand-chose qui soit le moindrement important. Dans les photos de Mme Kenny, on voit un fossé dans lequel on aurait bien du mal à se mouiller les pieds, à plus forte raison y naviguer, que ce soit avec un canoë ou une autre embarcation. On nous dit donc : si cela n'a aucune incidence, pourquoi se donner la peine de s'en occuper? Cependant, si le gouvernement modifie la loi et est déterminé à l'appliquer, cela doit bien toucher quelque chose d'important, mais personne ne peut nous dire ce que c'est. Par conséquent, on devient immédiatement soupçonneux. Que se passe-t-il donc?

L'affaire est exacerbée par un autre élément de contradiction, à savoir que le gouvernement doit modifier la loi pour accélérer le processus et lancer immédiatement des travaux d'infrastructure pour stimuler l'économie. Cependant, la loi n'a aucune incidence, de toute façon, sur les grands projets qui sont retardés à ce niveau.

D'aucuns ont une crainte fondamentale. Si l'on contourne une procédure en appliquant la Loi sur la protection des eaux navigables, est-ce que nous risquons de passer à côté d'une pêcherie importante ou d'un processus d'évaluation environnementale? Si le ministre dit que nous n'avons pas de souci à nous faire de ce côté en appliquant la LPEN, cela élimine-t-il une disposition qui déclencherait une évaluation environnementale qui n'aurait pas lieu autrement, ou bien cette évaluation environnementale peut-elle être faite de toute manière même si la disposition de la LPEN censée la déclencher n'est pas appliquée?

Le président : Vous pouvez tous répondre à cette question. Le sénateur Mitchell a bien cristallisé l'un de nos dilemmes.

Mme Kenny : C'est une excellente question qui va au fond des choses. Au Canada, nous sommes actuellement confrontés à une accumulation de permis déclenchée par une législation bien intentionnée qui nous a amenés à déployer beaucoup d'efforts pour garantir de ne rien laisser passer. La conséquence involontaire est que lorsqu'on planifie et que l'on conçoit un projet, nous travaillons en étroite collaboration avec tout un éventail d'intervenants et de ministères. Ce processus est une affaire complexe et ardue dans bien des cas. Cependant, l'important est que nous ayons au bout du compte un résultat optimal et la meilleure manière de procéder si le projet est jugé nécessaire. Ce processus ne nous enlève pas la responsabilité que nous avons tous de protéger l'habitat du poisson. Les dispositions actuelles de la Loi sur les pêches demeureraient en vigueur. Au cours des prochaines années, votre comité pourrait entendre de nouvelles idées quant à la manière d'améliorer cette mesure législative, mais tel n'est pas notre objectif aujourd'hui.

Nous avons aussi de solides exigences au Canada en matière d'évaluation environnementale. Par exemple, le secteur des pipelines est régi par des lois particulières et d'application générale comme la Loi sur l'Office national de l'énergie qui impose l'équivalent d'une surveillance relative au développement durable. Les exigences mettant en cause l'intérêt public recouvrent l'ensemble de la problématique environnementale : la sécurité, les besoins sociaux et l'économie.

Sur l'une des photos que j'ai montrées, on voit un petit étang à côté d'un ponceau. Dans ce dossier, une importante caractéristique de la conception a exigé de longues négociations avec les parcs, les pêches et bien d'autres pour trouver la bonne approche. Un retard regrettable causé par l'obligation d'obtenir ce permis relativement inoffensif pour des eaux navigables qui n'étaient clairement pas navigables a empêché la compagnie de prendre les meilleures mesures d'atténuation possibles pour l'habitat du poisson. La compagnie a travaillé avec les agents des pêches pendant la construction, mais avait raté le créneau idéal et l'on ne savait plus très bien quoi faire. Comme on était en hiver, saison où les travaux réduisent les risques pour l'habitat, nous avions établi un confinement du chantier sur la voie de passage au moyen de grands tuyaux articulés sur des estacades, faisant courir des risques aux travailleurs sur le chantier. Nous essayons toujours de trouver la meilleure solution possible. Plus particulièrement, on ne prendra aucun raccourci pour ce qui est de l'évaluation environnementale ou des objectifs fondamentaux de Transports Canada et du besoin de protéger les eaux navigables. Nous verrons plutôt une évolution vers une approche efficace et pragmatique qui protège ce qu'il importe le plus de protéger et qui encourage la collaboration dans le cadre d'une approche fondée sur le risque.

Le président : Monsieur Miller, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Miller : Oui. Il y a une réponse simple et catégorique à votre question en ce qui a trait à notre secteur. Nous avons une industrie réglementée et nous n'entreprenons aucune activité qui ne soit pas scrutée à la loupe à la fois par les autorités réglementaires et par le grand public. Il n'y a aucun doute que, dans notre secteur tout au moins, l'évaluation environnementale ne sera nullement amoindrie ou diminuée par ces changements. Comme je l'ai dit, la LPEN était simple à l'origine et elle a été rédigée il y a un siècle par des gens qui avaient plus de bons sens que nous. Selon l'interprétation que nous en donnons aujourd'hui, la loi impose aux gestionnaires l'obligation de faire une évaluation complète et approfondie de tous les dossiers qui aboutissent sur leur pupitre, ce qui est extraordinairement coûteux en temps. Les modifications apportées à la loi représentent à tout le moins une mesure positive permettant de libérer beaucoup de temps en évitant aux gestionnaires d'être accaparés par des dossiers qui, comme Mme Kenny l'a dit et comme nous en convenons tous, ne mettent nullement en cause la navigation dans des voies navigables. Les modifications nous permettent de consacrer notre attention aux vrais problèmes. C'est donc une mesure positive qui ne nuira absolument pas à l'environnement. L'objet de la loi stipule que celle-ci porte sur la navigation, et non pas l'environnement.

Nous devons faire attention de ne pas superposer ces deux dossiers. Des discussions sont en cours car le gouvernement fédéral tente de s'extirper du domaine de l'évaluation relativement à des activités qui relèvent vraiment des compétences provinciales. Nous devons respecter les compétences et avoir confiance que les responsables feront bien leur travail. Nous estimons que ce n'est pas ce qui se passe à ce niveau-là. Nous ne devons pas imposer par une loi une tâche ou une responsabilité allant au-delà de la portée et de l'intention du législateur, entraînant ainsi l'imposition d'un fardeau à quelqu'un d'autre, dans un autre champ de compétence. La loi cause alors de la confusion, de l'incertitude et des difficultés sur le plan de la planification dans des secteurs comme le nôtre.

M. Marit : Notre préoccupation au niveau municipal est le dédoublement des processus et les retards qui s'ensuivent. En application du protocole d'entente que nous avons avec le ministère des Pêches et des Océans et le groupe de travail de la FCM, les municipalités travaillent avec le MPO à des projets et pour protéger l'environnement, dès que des questions environnementales ou relatives au transport surgissent. Je vais donner un exemple de contradiction entre l'environnement et les eaux navigables. En Saskatchewan, il y a quelques années, une municipalité rurale travaillait à un projet routier franchissant un affluent de la rivière Great Swan. L'affluent est à sec une partie de l'année, mais le ministère des Pêches et Océans exigeait l'approbation pour les deux voies navigables. Le projet a été retardé pendant beaucoup plus qu'un an parce qu'aux termes de la Loi sur la protection des eaux navigables, les municipalités étaient tenues de mettre en place un réseau de ponceaux qui coûterait plus de 400 000 $. Le MPO avait déjà approuvé un ponceau dans cette municipalité pour protéger l'environnement, y compris l'habitat du poisson, au coût de 125 000 $. Le projet a été retardé pendant plus d'un an pendant qu'on attendait l'approbation sous le régime des eaux navigables. À cause de l'intervention politique, Environnement Canada l'a emporté sur Pêches et Océans Canada et nous avons protégé l'environnement et fait économiser plus de 200 000 $ à la municipalité. Voilà le genre de problèmes auxquels nous sommes confrontés dans le réseau municipal. Nous croyons que nous protégeons l'environnement, mais la navigation, c'est autre chose. Tant que nous ne définirons pas l'expression « eaux navigables », nous aurons continuellement des retards, ce qui cause des inquiétudes dans le système municipal. Nous avons un budget fourni par les programmes fédéraux et provinciaux durant une année financière donnée et nous avons donc un certain temps pour travailler à des projets. Quand il faut attendre l'approbation et subir des retards d'un an, nous perdons cet argent. C'est important d'accélérer le processus d'approbation, mais cela ne veut pas dire que nous négligeons l'environnement. Nous essayons simplement d'éviter la paperasse.

Mme Kenny : Je vais faire une observation supplémentaire pour renforcer un point soulevé par M. Marit. En effet, nous avons un dilemme semblable dans l'industrie des pipelines. Du point de vue de l'intérêt public, la question est de savoir qui a le dernier mot parmi les autorités réglementaires pour ce qui est des meilleures méthodes d'atténuation et la nature même du problème environnemental que nous essayons de surmonter. L'exemple donné par M. Marit est semblable à la situation à laquelle nous sommes régulièrement confrontés dans les pipelines. À titre de citoyenne, je préfère que ce soit un agent des pêches qui ordonne les mesures d'atténuation, plutôt qu'un agent des transports et de la navigation, aussi bien intentionné soit-il. Nous devons reconnaître que dans l'ensemble de la fonction publique, nous pouvons et devons travailler davantage de manière concertée entre les ministères, et nous le faisons d'ailleurs, mais nous pouvons nous retrouver avec des conséquences imprévues quand des gens qui sont peut-être moins informés au sujet des questions environnementales précises ont le fardeau de devoir prendre de telles décisions.

Le président : Madame Kenny, à titre de représentante du secteur des pipelines, vous préféreriez que ce soit l'agent des pêches qui ordonne les mesures d'atténuation?

Mme Kenny : Oui. Nous sommes encouragés, par exemple, par les tentatives du gouvernement de renforcer la collaboration entre ministères au moyen du Bureau de gestion de grands projets. Nous sommes encouragés par le travail de l'Office national de l'énergie en collaboration avec d'autres ministères pour s'assurer que les meilleures mesures d'atténuation soient prises. Cependant, de telles situations continuent de surgir quand un ministère ordonne des mesures qui peuvent nuire à la protection environnementale qu'on essaie de mettre en place. Souvent, cela entraîne un coût beaucoup plus élevé et enlève la possibilité de faire par ailleurs d'autres interventions efficaces.

Le président : Monsieur Marit, même si ces modifications sont maintenant inscrites dans la loi, elles ne règlent pas le problème des interventions contradictoires que vous avez décrit.

M. Marit : La loi modifiée ne règle pas tous les problèmes, mais chose certaine, c'est un pas dans la bonne direction. Cela aide. Nous exhortons et encourageons le comité à mettre en œuvre les modifications dans les plus brefs délais.

Le sénateur Milne : J'ai des questions à poser à tous les témoins, à commencer par M. Miller. Vous avez dit que les modifications à la loi ne suppriment pas l'expression « gêner sérieusement la navigation » dans la LPEN. Vous avez dit également que ces modifications permettront à l'industrie d'élaborer un code de pratiques exemplaires. Avez-vous un tel code?

M. Miller : Oui.

Le sénateur Milne : Alors pourquoi parlez-vous d'élaborer un code à l'avenir?

M. Miller : En fait, nous élaborons des codes d'usage. Pour les franchissements de ruisseaux, nous avons mis au point d'excellentes pratiques. Nous en sommes au point où la plupart de nos franchissements de ruisseaux se font par forage sous les cours d'eau, de sorte qu'il n'y a plus creusement de fossés, quoique cela puisse être nécessaire pour les voies navigables plus importantes. Les codes énoncent des normes rigoureuses et uniformes dans l'ensemble de l'industrie. Ces modifications nous donnent la certitude et l'assurance que, quand nous planifions et appliquons nos codes, nous n'aurons pas à subir un long processus d'approbation à l'issue incertaine.

Nous savons que l'aboutissement du processus sera de mettre en application les modalités qui sont énoncées dans les codes d'usage. Nous avons déjà établi ces codes. Nous les avons élaborés en collaboration avec les autorités réglementaires et ils sont constamment réexaminés et approuvés de temps à autre.

Le sénateur Milne : Ma question suivante s'adresse aussi à Mme Kenny. Pendant de nombreuses années, mon mari était chargé d'obtenir toutes les approbations environnementales pour les pipelines partout au Canada et même les projets des compagnies aux États-Unis. Je connais donc très bien le dossier. Les compagnies traitaient principalement avec l'Office national de l'énergie. Après avoir complété ce processus, elles n'avaient pas besoin de s'adresser aux responsables des eaux navigables et de passer par toutes les autres procédures.

M. Miller : Nous préférons un guichet unique. Je pense que vous n'ignorez pas que l'ensemble du gouvernement se dirige également vers cette approche.

Le sénateur Milne : Mais elle est déjà en place depuis des années pour les grands projets.

M. Miller : Oui. Ce dont il est question ici ne diminuera nullement cette approche. Les normes demeureront élevées. Nous parlons uniquement du processus. Quand nous aurons mis en place l'ensemble de ce processus et que les règles seront claires, acceptables, satisfaisantes et suffisantes, devrons-nous encore passer par un processus? D'après ce que j'ai lu, les retards atteignent parfois six mois ou un an parce que quand le responsable de la réglementation est saisi d'une décision, il ne peut pas sauter dans un hélicoptère au coût de 10 000 $ pour aller voir immédiatement sur place. Nous avons entendu dire qu'on voulait coordonner le tout avec les provinces pour réaliser des gains d'efficience en inspectant une seule fois chaque chantier. Cette approche entraîne des retards qui sont lourds pour l'industrie. Cela nuit à la planification et coûte cher.

Nous disons que lorsqu'on reconnaîtra que nous avons en place ces codes d'usage, nous aurons l'assurance que, dans notre cycle de planification, nous pourrons fixer nos échéanciers pour l'équipement et les travaux à compléter. La plupart de nos chantiers sont en hiver et les travaux peuvent se faire seulement dans un étroit créneau de six à huit semaines. Nous butons constamment sur ces retards qui raccourcissent le créneau et nous laissent un calendrier moins qu'optimal, alors que nous préférerions planifier plus soigneusement nos travaux. Les codes d'usage nous donneront l'assurance que nous n'aurons pas à passer par un long processus d'approbation qui bouleverse le calendrier, les ressources et la logistique.

Le sénateur Milne : La définition d'eaux navigables englobe tout plan d'eau sur lequel peut flotter une embarcation quelconque. Si le pipeline de la vallée du Mackenzie a le feu vert, vous ferez les travaux là-bas en hiver. Les rivières et les lacs qui se jettent dans le fleuve Mackenzie sont essentiellement le réseau routier du Nord durant l'hiver. La motoneige est alors le seul moyen de se déplacer. Les cours d'eau sont donc encore des voies navigables permettant à la population locale de se déplacer.

M. Miller : Absolument; nous reconnaissons et respectons cet usage et nous travaillons sur cette base depuis des décennies. Cela ne pose pas de problème. Je peux coiffer mon chapeau d'avocat et argumenter avec vous au sujet des embarcations et des définitions. Je pense qu'un tel débat ne correspond pas à l'intention de la loi. Je peux vous donner l'assurance que nous reconnaissons cette utilisation des cours d'eau et que nous en prenons acte. Cela n'a pas posé de problème dans le passé.

J'en reviens toujours au bon sens. Il n'y a pas de navigation sur un ruisseau gelé en plein hiver. C'est par contre un moyen de transport. La question est de savoir si la loi est censée régir ce transport. Est-elle censée s'appliquer aux motoneiges? Voilà la vraie question. La loi a été rédigée il y a un siècle et le législateur ne songeait donc pas aux motoneiges, mais plutôt aux traîneaux à chiens comme mode de transport — on peut donc dire que oui, la loi s'appliquait à cette utilisation.

Cependant, nous devons inscrire dans notre loi la souplesse voulue pour tenir compte de ce changement. Nous croyons que le pouvoir discrétionnaire prévu dans les modifications proposées donne cette souplesse au ministre.

Le sénateur Milne : Vous pensez que les modifications donnent la souplesse voulue?

M. Miller : Oui.

Le sénateur Milne : Monsieur Marit, je comprends le problème que peut vous poser le temps nécessaire pour obtenir l'approbation; cela peut vous faire rater votre créneau de financement, qui vient à échéance à la fin de l'année, ce qui tue dans l'oeuf le projet. Vous n'avez plus de budget pour le mener à bien.

Dans le mémoire écrit que vous nous avez remis, vous évoquez l'examen de la LPEN effectué en 2008 par la Fédération canadienne des municipalités. Vous faites trois recommandations, mais il me semble que toutes les trois ont été rendues caduques par ces modifications à la loi. Les recommandations figurent aux pages 3 et 4 du mémoire. Ainsi, vos préoccupations ont été aplanies, mais vous ajoutez ensuite que d'autres modifications accordent au ministre le pouvoir important et plutôt arbitraire de modifier ou d'annuler des approbations de projet en tout temps. Vous demeurez préoccupés par ce pouvoir arbitraire conféré au ministre. Nous avons remarqué que les modifications à la loi donnent au ministre le pouvoir d'agir sans aucun contrôle parlementaire ni la moindre surveillance, puisque le ministre peut modifier ou annuler sans avoir à se présenter devant le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation.

M. Marit : Ce pouvoir est nouveau et nous inquiète énormément. Au sujet de la première recommandation qui figure à la page 3 de notre mémoire, à propos de la définition, nous croyons qu'on n'est pas encore allé assez loin. Dans notre mémoire au Comité des transports, nous proposions une définition beaucoup plus ferme, plus claire, plus précise que la définition actuelle. Nous avions des réserves au sujet de cette définition.

Vous avez raison, nous craignons une possible ingérence du ministre, qui pourrait supprimer un projet pour des raisons qui échappent à tous les intéressés.

Le sénateur Banks : Merci pour vos excellents exposés. Monsieur Miller, vous avez parlé de bon sens. Nous adorerions tous nous occuper de bon sens, mais ce n'est pas le cas; nous nous occupons plutôt du gouvernement et de la loi. Le bon sens et le gouvernement et la loi sont parfois mutuellement exclusifs, comme vous l'avez certainement appris par expérience.

Il est important que nous comprenions tous de quoi il s'agit en l'occurrence. Nous avons affaire à une loi qui n'a rien à voir avec l'environnement — absolument rien. Nous nous occuperons peut-être d'environnement dans un autre contexte, dans une situation différente, à un autre moment. Cette loi-ci traite de la navigabilité et de rien d'autre. Ce serait bien s'il y avait un guichet unique. Si j'étais un promoteur, un exploitant ou un responsable municipal, je voudrais m'adresser à un guichet unique, mais il y a des contraintes qui empêchent cela et c'est là-dessus que je veux vous interroger.

Le président : Sénateur Banks, comme vous le dites, les modifications traitent de navigation, mais aussi de droits fondamentaux qui semblent quasiment inscrits dans notre Constitution, comme on nous l'a fait remarquer mardi soir.

Le sénateur Banks : Vous avez raison. Nous avons entendu mardi des témoignages intéressants sur cette question de la part de gens qui utilisent ces voies navigables et qui les envisagent différemment, d'une manière que nous sommes incapables d'imaginer.

Monsieur Miller, vous avez évoqué, comme nous l'avons tous fait, les chevauchements et redondances. Selon vous, les provinces ont-elles des pouvoirs quelconques dans le domaine de la navigabilité ou de la navigation, d'après le partage constitutionnel des pouvoirs? C'est le cas de l'environnement; c'est une compétence partagée dans la Constitution. La navigabilité relève-t-elle d'une manière ou d'une autre des compétences des provinces, d'après la Constitution? C'est une question pertinente à notre discussion. Vous avez évoqué l'idée de laisser les provinces réglementer la navigation. À votre avis, cette réglementation est-elle du ressort des provinces, constitutionnellement?

M. Miller : Non, je crois que la navigation relève des compétences fédérales. La navigation met en jeu la sécurité et l'accès, mais comme vous le dites, ne met pas en cause toutes les autres questions environnementales connexes.

Le sénateur Banks : Nous avons donc cela au départ. Nous examinons des questions de navigabilité qui, constitutionnellement, relèvent du gouvernement fédéral seulement. Nous traitons de questions de navigabilité et non pas d'environnement. Ce serait bien si nous pouvions le faire, mais nous ne le pouvons pas, à moins que l'on change la Constitution ou que l'on trouve une manière de contourner ce problème.

Monsieur Marit, vous avez dit qu'il était nécessaire d'obtenir l'approbation. Vous me reprendrez si je me trompe, mais je croyais que les modifications à la loi dont nous sommes saisis n'avaient rien changé à l'exigence pour les municipalités, les promoteurs ou les compagnies de pipelines de respecter les dispositions de la loi en ce qui concerne l'obstruction de la navigation. Ce qui a changé, c'est la nécessité d'obtenir une approbation à l'avance. Est-ce le seul changement apporté par les modifications à la loi?

M. Marit : Vous avez raison. Il n'y a eu aucun changement quant à l'obstruction, et c'est ce que nous voulions. Vous pouvez vous adresser à n'importe quel responsable municipal au Canada et vous verrez que nous devons nous acquitter de la diligence requise. Nous avons affaire à une vieille loi qui date d'une époque où les voies navigables étaient un mode de transport vital. Aujourd'hui, nos modes de transport ont complètement changé et il faut changer la loi.

Le sénateur Banks : Comprenez-vous que la loi traite non seulement de commerce, mais aussi de loisirs?

M. Marit : Absolument. Nous pouvons mener à bien des projets qui ont à voir avec les loisirs. Le problème des municipalités, c'est la définition de voie navigable.

Le sénateur Banks : Parlons-en, de cette définition. Mme Kenny nous a montré une photo. Cependant, sommes- nous tous d'accord pour dire qu'il y a des ruisseaux qui sont parfois navigables et parfois non? Du point de vue d'un pagayeur, un ruisseau peut être navigable 10 jours par année et n'être pas navigable pendant les autres 355 jours, en vertu de la loi.

M. Marit : La FCM a soulevé cette préoccupation devant le Comité des transports des Communes au sujet de la définition de voie navigable. Les modifications apportées nous font faire un bout de chemin, mais ne vont pas assez loin.

Le sénateur Banks : Monsieur Marit, vous avez dit qu'une voie navigable peut être n'importe quoi, à partir d'un ruisseau de quatre pieds de profondeur. Nous avons entendu des témoins nous dire que cela peut même être un ruisseau de quatre pouces de profondeur. Que pensez-vous de cette définition?

M. Marit : C'est ce qui nous préoccupe. C'est la définition actuelle.

Nous voulons changer la définition pour que cela devienne un plan d'eau où peut naviguer une embarcation ayant un tirant d'eau d'un mètre et qui coule pendant plus de trois mois par année. Au Canada rural, on trouve beaucoup de bassins hydrographiques où la seule eau qui coule est ce que l'on appelle l'écoulement printanier, mais même ces cours d'eau sont visés par la Loi sur les eaux navigables.

Le sénateur Banks : Oui, on trouve beaucoup de cours d'eau de ce genre.

M. Marit : Nous n'avons aucune objection à ce que ce plan d'eau soit régi par Pêches et Océans Canada, parce qu'il peut être un habitat du poisson.

Je peux vous donner des exemples absurdes — c'est le mot juste — des cas réels qui ont posé des problèmes dans des municipalités au Canada. Le ministère provincial de la Voirie de Saskatchewan, devant l'insistance des défenseurs des voies navigables, a dû faire une concession et installer un téléphone public pour permettre à quelqu'un qui descend un cours d'eau en pagayant et qui veut traverser la grand-route de téléphoner au ministère des Transports, lequel enverrait quelqu'un arrêter la circulation pour permettre à cette personne de portager son embarcation à travers la route. Ce ruisseau ne coule pas toute l'année; cela a été prouvé sur de nombreuses années. Il ne coule pas plus de trois mois par an. Voilà l'absurdité de la loi.

Mme Kenny : Le ministre aurait le pouvoir de désigner des catégories d'ouvrages et de voies navigables, grâce à certaines de ces modifications. Je suis d'accord avec les observations de M. Marit, mais j'ajouterais que nous en sommes maintenant au point où nous avons la possibilité d'envisager des approches plus raisonnables. Nous pouvons travailler en collaboration avec le ministère et d'autres intervenants pour comprendre ces catégories d'ouvrages et pour nous assurer que l'on atteigne les objectifs fondamentaux de l'intérêt public d'une manière à la fois raisonnable, intelligente et efficace. Personne n'est avantagé si les employés du ministère des Transports doivent s'occuper de dossiers d'importance négligeable. Les risques inhérents à beaucoup de secteurs et d'ouvrages qui sont nécessaires pour les Canadiens sont grands.

Je renforcerais l'approche fondée sur les risques et l'utilisation intelligente de permis obligatoires. Pour revenir à ce que disait le sénateur Milne, des secteurs comme celui des pipelines sont supervisés par l'Office national de l'énergie. Outre les exigences de l'ONE, il y a des permis exigés par d'autres lois fédérales et provinciales. Nous devons mieux comprendre comment tous ces éléments cadrent ensemble et nous assurer que le poisson, les voies navigables et la qualité de l'eau soient tous protégés le mieux possible.

Mon principal argument aujourd'hui est que des permis superflus exigés par la Loi sur la protection des eaux navigables ne donnent aux Canadiens aucune assurance que ces intérêts fondamentaux sont respectés. C'est simplement pour nous une source de distraction. Nous sommes heureux des changements apportés.

Le sénateur Banks : Comme le président l'a fait observer, quand on dit qu'une affaire est d'importance négligeable, tout dépend du point de vue.

Mme Kenny : Oui; il est important de travailler en collaboration avec les gens qui utilisent ces voies navigables. Une chose est sûre : dans le cas d'un chantier de construction en hiver qui n'a aucune incidence résiduelle sur la capacité d'utiliser une voie navigable, il serait difficile de soutenir que même un canoteur aurait des raisons de s'en inquiéter.

Le sénateur Banks : Comme le président l'a dit, nous avons entendu sur cette question des témoignages intéressants de la part d'Autochtones, sur lesquels j'attire votre attention.

En terminant, je dis à M. Miller que ce qui me préoccupe au sujet de l'incorporation par renvoi et des questions que vous avez soulevées, ce n'est pas que le gouvernement perdrait le contrôle sur tout cela; je crains plutôt que ces dossiers échappent au contrôle du Parlement, ce qui est différent.

M. Miller : Oui.

Le sénateur Adams : Merci d'être venus témoigner. J'habite au Nunavut, et nos rivières ne coulent pas encore. Il y a peut-être des bancs de neige le long des routes, mais les rivières ne coulent pas encore.

Une année, il y a eu 600 demandes de permis. Si le projet de loi est adopté, il y aura encore 2 500 demandes de permis. Monsieur Miller, combien de temps faut-il habituellement pour obtenir un permis? Combien de temps faut-il pour recevoir l'approbation et terminer les travaux? Parfois, il faut déplacer du matériel.

M. Miller : D'après mon expérience, dans des dossiers qui ne sont pas controversés pour d'autres raisons, le ministère traite les demandes de manière efficiente et nous obtenons le permis en quelques jours. On fait jouer le bon sens, les connaissances scientifiques et l'expérience. Beaucoup de ces permis sont dans les catégories qu'on envisage de créer. Mme Kenny a évoqué un pont existant qu'on voulait renforcer pour y transporter du matériel lourd. On peut obtenir un tel permis en 24 heures parce que chacun reconnaît que cela ne met pas en cause les voies navigables.

Par contre, si des questions se posent au sujet de l'environnement ou des droits acquis, cela peut prendre énormément de temps. J'ai lu dans le compte rendu des exemples qu'on donnait de dossiers où il a fallu six mois ou même un an. Ces délais nous causent des difficultés parce que nous devons respecter un calendrier serré. Cependant, pour la majorité des travaux courants, on peut obtenir un permis rapidement, à moins qu'on ne bute sur d'autres difficultés.

Le sénateur Adams : Actuellement, au Nunavut, il y a deux ponts. L'un des ponts met en cause les droits de surface régis par l'Office des eaux du Nunavut. Il y a aussi l'Office des eaux du Yukon dans les Territoires du Nord-Ouest, mais c'est un peu différent. Le projet de loi C-6, Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, qui a été étudié par le Comité sénatorial de l'énergie, a été adopté il y a longtemps.

Avant qu'une demande ne soit présentée, nous obtenons l'approbation de l'Office des eaux du Nunavut. Est-il encore nécessaire de demander un permis? Comment cela fonctionne-t-il? Je sais qu'il faut de 60 à 70 jours pour recevoir la réponse du ministre aux demandes présentées par l'office des eaux. Dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut, les gens doivent d'abord s'adresser à leur office respectif. Que faut-il faire avant de présenter une demande de permis? Faut-il s'adresser d'abord au ministère ou bien à l'office des eaux?

M. Miller : Les demandes présentées aux offices des eaux mettent en cause beaucoup plus d'intérêts et d'intervenants et donnent donc lieu à un examen beaucoup plus approfondi. Une demande présentée en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables est beaucoup plus simple et c'est un processus indépendant. Les deux demandes peuvent se faire parallèlement.

Il n'y a aucun doute que les offices des eaux ont une fonction différente en ce sens qu'ils répondent à un éventail beaucoup plus vaste de préoccupations et de besoins.

Le sénateur Adams : Là où j'habite, entre Baker Lake et Rankin Inlet, nous avons beaucoup de motoneiges et autre équipement qui traversent les lacs et les rivières. En hiver, faudrait-il obtenir des permis relativement aux eaux navigables, ou bien cela s'applique-t-il seulement quand l'eau coule? Je me demande quelle sera l'incidence de ce projet de loi, tel qu'il a été adopté.

M. Miller : Je n'ai pas vu le décret sur les ouvrages d'hiver exemptés. Nous voulons prendre connaissance de cette exemption également, tout comme vous voulez que les activités de réglementation fédérale soient incluses. J'espère que cela viendra.

La LPEN traite de l'accès pour le transport et de la sécurité. Quand on est sur un chantier, nous devons permettre le passage si nous obstruons un cours d'eau pour installer un pipeline, par exemple. L'accès est prévu et nous respectons ces usages traditionnels. Nous tenons compte des voies navigables sur un lac quand nous savons que celui-ci est utilisé comme mode de transport. Je ne crois pas qu'il y ait d'inquiétude à cet égard.

Le sénateur Adams : J'ai une autre brève question. Nous traitons surtout avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien pour tout ce qui exige un permis. Faudra-t-il désormais demander des permis à Transports Canada, maintenant que le projet de loi C-10 a été adopté?

Mme Kenny : Ce changement à la loi ne touchera aucun de ces mécanismes. J'insiste sur le fait qu'en planifiant tout projet de grande envergure, en plus des mesures précises exigées par règlement, on fait une vaste consultation des collectivités locales pour répondre aux préoccupations et aux intérêts susceptibles d'être touchés par la mise en chantier du projet, que ce soit pendant la construction ou durant la vie utile de l'ouvrage. Cette question de la mobilité des populations locales dans le paysage gelé est cruciale dans l'esprit des promoteurs et l'on en tient compte de diverses manières.

Le sénateur Brown : C'est bien de savoir que la LPEN a été simplifiée et rationalisée, et c'est particulièrement intéressant d'entendre les observations de M. Miller au sujet du bon sens.

Monsieur Marit, vous êtes président de l'Association des municipalités rurales de Saskatchewan.

M. Marit : Oui.

Le sénateur Brown : Avez-vous des agents de développement dans toutes les municipalités?

M. Marit : Non, pas dans toutes.

Le sénateur Brown : Y a-t-il des bureaux dans la plupart des municipalités?

M. Marit : Oui.

Le sénateur Brown : Avez-vous des districts d'amélioration qui seraient moins réglementés? En Alberta, il y a des districts et des municipalités d'amélioration.

M. Marit : Non, mais des administrations chargées de l'aménagement des bassins hydrographiques ont été implantées dans notre province. Elles s'occupent de l'aspect environnemental.

Le sénateur Brown : Vous vous occupez à la fois de l'environnement et des eaux navigables?

M. Marit : Oui.

Le sénateur Brown : Je ne sais pas ce qu'il en est dans toutes les provinces du Canada, mais je sais qu'au Manitoba, des agents d'aménagement s'occupent de cela. Je trouve encourageant de vous entendre dire que cette loi est meilleure qu'auparavant, parce que si nous continuons de créer au niveau fédéral des lois de plus en plus contraignantes, le danger est de créer des bureaucraties qui deviennent monstrueuses sur le plan de la taille et des coûts. Dans presque tous les dossiers, il faut à un moment donné qu'une décision soit prise sur place, au niveau municipal. Dans toutes vos activités, je vous encourage à continuer de travailler avec les municipalités. J'ai fait beaucoup de travail dans ce domaine quand je siégeais au Conseil du district d'irrigation de l'Ouest.

Le président : Sénateur Brown, avez-vous une question?

Le sénateur Brown : Oui, j'ai posé ma question. J'ai une brève observation sur les eaux navigables. Il y a 14 districts d'irrigation en Alberta. Cela fonctionne à plein temps durant l'été. Dès qu'il tombe ne serait-ce qu'un demi-pouce de précipitations, la pluie crée des eaux navigables dans ce qu'on appelle des bassins de trop-plein dans chacun de ces 14 districts. Les eaux navigables peuvent durer d'une heure à trois jours. Ces bassins seraient considérés comme des eaux navigables six ou huit fois par année, mais pendant peu de temps à chaque fois, et il faut donc faire appel au bon sens dans ces dossiers.

Le sénateur Raine : M. Marit a dit qu'il fallait redéfinir les « eaux navigables ». Est-ce faisable d'inclure dans la définition à la fois l'eau gelée et l'eau courante, pour tenir compte de l'hiver, saison pendant laquelle ces plans d'eau sont navigables en motoneige?

M. Marit : Il faudrait englober dans la définition les motoneiges et même les traîneaux à chiens. Quand on parle d'un plan d'eau, il peut être formé d'eau, de neige ou de glace, mais je ne serais pas aux commandes d'une motoneige s'il n'y avait pas de neige ou de glace. La motoneige me donne aussi la possibilité de me déplacer à l'extérieur du plan d'eau s'il y a un autre chemin pour atteindre ma destination.

La définition d'» eaux navigables » doit être claire et concise et préciser le type de navigation envisagé, par exemple pour les loisirs. Il n'est pas nécessaire d'inclure dans la définition la superficie ou la profondeur du plan d'eau, mais il faut préciser la période pendant laquelle l'eau coule.

Le président : Je remercie les témoins d'avoir comparu aujourd'hui. Comme vous le savez, nous ferons bientôt rapport au Sénat de nos conclusions. Y a-t-il un point précis que vous voudriez voir figurer dans notre rapport? Je n'irai pas jusqu'à dire que vous avez démoli les modifications sous couvert de les louanger, car j'ai entendu chacun d'entre vous se féliciter des amendements apportés à la loi, mais il y a quand même des critiques.

Ne vont-elles pas assez loin pour éliminer tout ce qui n'est pas pratique en 2009?

Mme Kenny : Je me félicite grandement des modifications telles quelles. Elles représentent un grand pas en avant et nous montrent le chemin à parcourir. Certaines complications dont on vous a parlé aujourd'hui mettent en cause d'autres lois et ne peuvent pas être réglées de toute façon au moyen de la Loi sur la protection des eaux navigables.

Nous accueillons très favorablement les efforts déployés pour progresser dans ce dossier et nous croyons que les modifications représentent une bonne manière de continuer intelligemment à améliorer la réglementation au Canada.

M. Miller : Je suis d'accord avec ce qu'on vient de dire et je trouve encourageantes les déclarations des fonctionnaires du ministère qui disent être favorables à un examen quinquennal et qui se disent ouverts aux commentaires et observations. Nous sommes en train d'établir ce processus et de faire entrer une vieille loi dans le monde moderne et nous allons donc dans la bonne direction.

Je voudrais faire une observation. Je suis déçu qu'on n'ait pas parlé de la tempête dans un verre d'eau, des questions controversées. Ces audiences sont essentielles pour que le gouvernement manifeste sa volonté de transparence et d'ouverture; elles donnent aux intervenants la possibilité de faire connaître leurs préoccupations au public et d'obtenir qu'on y donne suite. Ce processus établit la confiance entre les parties. Il ouvre le dialogue dans un cadre amical et il est préférable à des litiges devant les tribunaux. Cette audience est un élément crucial et essentiel de notre processus politique. Je suis reconnaissant au comité d'avoir tenu ces audiences et nous avoir tous rencontrés.

Le président : À cet égard, presque tous les témoins que nous avons entendus à ce jour ont dénoncé le fait qu'eux- mêmes ou leurs groupes n'ont pas été consultés par les fonctionnaires. Or je vous entends dire que notre étude remplace quasiment ce processus, d'une certaine manière; elle fournit une manière transparente, pour reprendre votre propre terme, de présenter l'information.

M. Miller : Oui; on n'a pas fini d'entendre des préoccupations relatives à la consultation et on n'en aura jamais assez, mais nous consultons dans toute la mesure du possible. J'ai entendu le gestionnaire du programme expliquer les instructions qu'on leur a données et les mesures qu'ils ont tenté de prendre étaient positives. Comme j'ai essayé de l'expliquer en comparant les deux lois, cette loi-ci offre davantage de protection; elle ne diminue ni n'amoindrit les droits. Je n'ai pas le sentiment que la question à l'étude et les mesures qui ont été prises dans ce projet de loi rendaient obligatoire la vaste consultation publique que l'on a réclamée, mais cela dit, nous croyons au processus de consultation publique. Cependant, dans ce cas-ci, je ne crois pas que cette critique soit justifiée parce que les changements qui ont été apportés protègent encore mieux la navigation et peut-être aussi l'environnement et l'intérêt public.

Le président : Monsieur Marit, avez-vous une observation?

M. Marit : En terminant, je veux vous remercier ainsi que les membres du comité d'avoir entendu la FCM. Nous aimons les modifications qui ont été proposées et adoptées. Nous avons des préoccupations relativement à l'une d'elles et nous allons nous en occuper.

Nous espérons qu'il y aura d'autres consultations, et il y en aura, sur la définition, comme je l'ai dit ce matin, car cela nous préoccupe. En fait, notre principale préoccupation, au niveau municipal, a toujours été la lourdeur administrative et les efforts pour éviter les dédoublements. Tout cela a une incidence énorme sur les municipalités en termes de dépassements de coûts et de retards dans l'achèvement des projets. Dans beaucoup de régions du pays, notre saison est courte pour mener à bien les projets. Si nous ratons ce créneau, il s'ensuit un retard et un énorme dépassement de coûts.

Je remercie le président et les membres du comité de nous avoir entendus. Les modifications nous plaisent. Nous comptons poursuivre nos efforts dans le dossier de la définition.

Le président : Merci à vous tous. Je vais suspendre la séance pendant une minute, pour permettre aux témoins suivants de prendre place.

J'ai le plaisir d'accueillir nos témoins suivants qui représentent la Clinique de droit environnemental de l'Université d'Ottawa, nommément William Amos, conseiller juridique, et Yolande Saito, assistante à la recherche.

Bienvenue à tous les deux. Nous aurons peut-être des contraintes car le comité des banques se réunit après nous, mais nous allons essayer de vous accorder 30 minutes. Vous avez la parole.

William Amos, conseiller juridique, Université d'Ottawa — Clinique de droit environnemental : Merci de nous accueillir. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir invités et du temps que vous consacrez à l'étude de cette question importante. Nous nous rendons compte que les modifications à la loi sont un fait accompli, mais le dossier n'est pas mort, ce qui nous donne de l'espoir.

Je suis le conseiller juridique d'Écojustice, la clinique de droit environnemental de l'Université d'Ottawa. Pour établir le contexte, Écojustice est la plus grande association défendant l'intérêt public dans le domaine du droit environnemental au Canada. Nous travaillons bénévolement dans des dossiers environnementaux; nous ne sommes pas payés et nous sommes une organisation à but non lucratif. Écojustice a 13 avocats situés d'un bout à l'autre du pays à Vancouver, Calgary, Toronto et Ottawa.

Écojustice a établi un partenariat avec la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa pour donner des cliniques à des étudiants en droit et leur expliquer en quoi consiste ce travail de conseiller stratégique auprès de groupes de citoyens et de défense de l'environnement. Mme Saito m'accompagne. Elle est l'une de nos meilleures étudiantes et connaît très bien ce dossier de la LPEN. Je ferai peut-être appel à son expertise pour répondre à vos questions les plus difficiles.

Je fais partie des 2,3 millions de Canadiens qui font du canotage. Cette question ne met pas seulement en cause l'environnement et le canotage. C'est l'identité même du Canada qui est en jeu. Je pense que c'est pour cette raison que ce dossier a pris une telle importance. C'est difficile d'établir les lignes de démarcation entre la navigation, l'environnement et les aspects socioculturels, comme vous l'avez entendu mardi de la part des témoins autochtones.

Aujourd'hui, je représente, entre autres groupes, Mountain Equipment Co-op. Cette entreprise est l'une des plus grandes organisations canadiennes qui représentent les pagayeurs, et elle est très préoccupée par ce dossier.

Je vais faire quelques observations et passer rapidement en revue les faits saillants et quelques détails avant de répondre aux questions, ce qui est le plus important aujourd'hui.

Le président : Je ne voudrais pas interrompre votre réflexion, mais vous avez déjà deux fois utilisé le mot « dossier ». Au début, vous avez dit que vous êtes content que « le dossier » ne soit pas mort et que la loi ait été adoptée. Vous venez de dire encore « ce dossier ». Pourriez-vous nous préciser en quoi consiste, à vos yeux, « le dossier »?

M. Amos : Pour moi, c'est la protection suffisante du droit des Canadiens de naviguer sur les cours d'eau.

Voici les principaux arguments que je veux vous présenter aujourd'hui. Premièrement, les changements fondamentaux qui ont déjà été apportés à la Loi sur la protection des eaux navigables ne peuvent être dissociés de ce qui se passe et continuera peut-être de se passer si le gouvernement fédéral actuel donne suite à son plan pour ce qui est du régime d'évaluation environnementale. Les deux ne peuvent pas être dissociés. Le processus de consultation qui a eu lieu doit être amélioré. Vos audiences sont un petit pas en avant, mais il faut une consultation plus étendue à l'autre endroit.

Deuxièmement, les modifications à la loi vont affaiblir le droit de naviguer des Canadiens. Cela va sacrifier des possibilités de loisirs et affaiblir le rôle joué par le gouvernement fédéral en matière d'évaluations environnementales à cause du recours à des exemptions ministérielles non transparentes.

Troisièmement, je veux discuter d'un point soulevé tout à l'heure par le sénateur Mitchell. Je veux dénoncer le mythe du chevauchement de l'évaluation environnementale provinciale. Il faut réfuter l'idée voulant qu'il y ait de la paperasse et des dédoublements partout. Certains aspects des modifications nous plaisent et sont des progrès utiles. Notre but n'est pas de mettre des bâtons dans les roues et d'empêcher l'amélioration du processus. Nous sommes ici pour veiller à ce que l'on protège absolument le droit à la navigation du grand public et qu'on réalise tout gain d'efficience possible au niveau des processus dans cette perspective.

Je vais me faire un plaisir de traiter de la distinction entre les rôles fédéral et provincial en matière d'évaluation environnementale touchant à la navigation. Il faut comprendre le contexte du débat dans l'optique du principal problème que j'ai évoqué tout à l'heure, à savoir les plans du gouvernement actuel d'une décentralisation des approbations pour l'environnement et la navigation.

Voilà le grand problème. Ces modifications visent à décentraliser, à s'en remettre aux provinces et aux municipalités. Je conviens que la plupart de ces dossiers ne sont pas locaux, mais cela ne veut pas dire que le gouvernement fédéral n'a pas un rôle à jouer. Le gouvernement fédéral a aussi une présence localement.

Quatrièmement, les modifications apportées à la Loi sur la protection des eaux navigables font disparaître certains instruments réglementaires permettant d'exprimer et de défendre le droit du public de naviguer face à d'autres priorités.

Compte tenu des contraintes de temps, je vais m'en tenir là et répondre aux questions.

Le président : Vous avez un mémoire complet et détaillé qui nous a été remis et qui sert de complément à votre exposé.

M. Amos : Nous avons aussi remis une analyse article par article qui, je crois, aidera le comité dans son analyse. Je vais en passer en revue quelques faits saillants.

Nous sommes conscients que, dans la conjoncture, il est nécessaire d'accélérer les travaux d'infrastructure pour stimuler l'économie. Cependant, cela ne peut servir de prétexte pour transformer à long terme le régime fédéral de protection de la navigation pour remédier à un problème à court terme.

Le président : Espérons-le.

M. Amos : Il doit y avoir un autre moyen. Le pendule oscille actuellement beaucoup trop en direction de l'intérêt des promoteurs. Je ne dis pas les intérêts économiques, et pour cause : d'importants intérêts économiques sont associés à la navigation. C'est l'une des raisons pour lesquelles les groupes d'écotourisme, les communautés de pêcheurs à la ligne et notre client, Mountain Equipment Co-op, se sont intéressés au dossier.

La Loi sur la protection des eaux navigables crée des pouvoirs extraordinaires conférés au Cabinet ou au ministre, leur permettant d'exempter de vastes catégories de voies navigables sans aucun critère objectif et sans qu'il soit nécessaire de consulter les Canadiens ou le Parlement. Aucune exemption décrétée par le Cabinet ou le ministre ne ferait l'objet d'un contrôle du Parlement. Nous ne croyons pas que cette situation soit propice à la défense de l'intérêt public. L'article 5.1, l'article 12 et l'article 13 créent de nouveaux pouvoirs permettant de créer des catégories d'ouvrages et des catégories de voies navigables exemptées, par décret, par règlement ou par arrêté ministériel. Les arrêtés, en particulier, sont très inquiétants parce qu'ils sont assortis d'exigences minimales en fait de transparence et de reddition de comptes.

Nos inquiétudes face à ces pouvoirs d'exemption absolus sont justifiées par les récents événements. Le 9 mai, l'Arrêté sur les ouvrages et les eaux secondaires a été publié dans la Gazette du Canada. D'après les fonctionnaires de Transports Canada avec qui nous nous sommes entretenus lors d'un briefing le 30 avril, cette liste initiale de catégories exemptées a été établie il y a de nombreux mois, de concert avec des groupes comme ceux que j'ai énumérés.

Les communautés de défense de l'environnement, du canotage de loisir et de l'écotourisme n'ont pas été consultées; on ne leur a pas téléphoné, et l'on ne m'a pas appelé moi non plus. Je m'occupe de ce dossier depuis quelques mois. Un lien de confiance a été brisé. Nous estimons que le processus de consultation ne fonctionne pas pour les communautés qui sont conscientes de la problématique du dédoublement des efforts et des exigences trop lourdes en matière de permis. Cependant, nous sommes également préoccupés par le droit du public de naviguer. Nous ne croyons pas que les consultations publiques reflètent adéquatement ces groupes d'intérêt.

L'emplacement des ouvrages définis dans cet arrêté va probablement causer de l'obstruction pendant les travaux, ainsi que des dommages environnementaux encore indéterminés, en particulier si aucune évaluation environnementale n'est exigée en application de la LPEN. Je veux répondre tout de suite à la question du sénateur Mitchell qui demandait si un projet donné serait examiné dans le cadre d'un processus provincial si la Loi sur la protection des eaux navigables ne déclenche pas le processus d'évaluation. En bref, la réponse est : pas nécessairement. Souvent, le projet sera visé ou examiné, mais c'est un fait que la navigation, comme l'a d'ailleurs signalé le sénateur Banks, relève purement des compétences fédérales. Quand il s'agit d'évaluer l'incidence d'un projet sur la navigation, seul le gouvernement fédéral peut s'en charger.

Il y aura des projets, par exemple un pont construit sur un petit cours d'eau navigable, qui déclencheront l'évaluation non seulement en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables, mais aussi de la Loi sur les pêches, parce que le projet pourrait causer une interruption potentiellement nuisible ou même la destruction de l'habitat du poisson. Il y a deux éléments déclencheurs fédéraux en pareil cas.

Quand une évaluation fédérale est déclenchée par la Loi sur les pêches, cela ne veut pas nécessairement dire que le projet sera examiné par le gouvernement fédéral. Selon la politique de Pêches et Océans Canada, s'il n'y a pas perte nette d'habitat, le projet ne déclenche pas d'évaluation environnementale. Dans certains cas, la construction d'un pont pourra être compensée par ailleurs, mais elle pourrait nuire à la navigation. Dans ce cas, il n'y aura pas d'évaluation environnementale. Je ne peux pas donner un exemple précis d'un projet particulier. En tant qu'avocat, je travaille souvent sur le plan théorique et non pas pratique. La réalité est qu'il est possible que rien ne déclenche une évaluation environnementale fédérale.

Il est important de noter que ce débat sur la Loi sur la protection des eaux navigables est le point de départ d'une discussion plus vaste et plus fondamentale sur l'élaboration du régime canadien d'évaluation environnementale. La LPEN est un portail qui ouvre sur cette discussion, car elle déclenche l'évaluation environnementale. Le gouvernement fédéral a établi clairement qu'il veut transformer ce régime et il a pris deux règlements qui vident essentiellement le régime de toute substance. Je pèse mes mots. Écojustice a demandé un contrôle judiciaire de ces deux règlements parce que nous estimons qu'ils sont anticonstitutionnels.

Le président : Êtes-vous en train de dire que vous avez intenté une poursuite pour faire déclarer les règlements anticonstitutionnels? Ils se trouvent dans le document que nous avons vu l'autre jour, dans le premier arrêté que le ministre Baird a pris en application de la LPEN modifiée.

M. Amos : Je ne suis pas certain que nous parlions des mêmes règlements. Je songe en particulier aux règlements sur l'adaptation pris en application de la Loi sur l'évaluation environnementale. Ce n'est pas cette loi-ci, mais le règlement en question s'inscrit dans la même problématique.

Le président : Nous ne voulons pas que les tribunaux usurpent notre fonction.

M. Amos : Je ne suis pas intéressé à discuter de l'équilibre entre les pouvoirs judiciaires, exécutifs et législatifs, mais M. Miller a dit tout à l'heure qu'il y a de la part de l'industrie un certain désir de voir ces discussions prendre place au niveau politique.

Ce qui nous intéresse, c'est de veiller à ce qu'un régime d'évaluation environnementale efficace permettant au gouvernement fédéral d'assumer entièrement ses responsabilités soit établi et maintenu. À nos yeux, la Loi sur la protection des eaux navigables n'est que l'un des mécanismes qui pourraient déclencher moins souvent une évaluation environnementale. Nous constatons le même problème dans les deux règlements qui ont été adoptés il y a un mois et demi en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Ces modifications à la loi s'inscrivent dans un scénario plus vaste de réexamen de l'évaluation environnementale. J'espère élargir quelque peu la discussion pour que l'on comprenne bien que cette loi ne met pas seulement en cause la navigation; elle est manifestement une source de vive inquiétude.

Je signale également que la LPEN modifiée adopte une approche consistant à réparer les dégâts après coup, ou une approche ex post facto, en matière de protection de la navigation. Il y a des dispositions renforcées pour l'application de la loi et les amendes maximales sont augmentées. On a prévu des dispositions pour révoquer un permis ou en modifier les conditions, si c'est dans l'intérêt public. Ce sont de bonnes mesures, mais elles témoignent d'une approche plus générale qui consiste à laisser faire au départ et à réparer plus tard, si jamais il y a un problème. Nous ne croyons pas que ce soit efficient du point de vue environnemental, social ou économique.

Nous savons qu'il y a un processus d'examen quinquennal de la loi, mais nous ne croyons pas que ce sera suffisant. Nous voulons que votre comité rédige un rapport recommandant fermement que le gouvernement reconsidère les modifications à la loi. Les modifications les plus profondes apportées depuis des décennies au droit du public à la navigation ont été faites dans le cadre du processus budgétaire. Nous pensons que ce changement a été un tour de passe-passe et que c'est toxique pour la démocratie.

Sachant que ces modifications sont maintenant inscrites dans la loi, je fais les recommandations suivantes dans le but d'atténuer les lacunes existantes sur le plan de la transparence, de la responsabilité et de l'efficacité. Premièrement, il doit y avoir des critères objectifs pour déterminer quels ouvrages nuisent sérieusement à la navigation. Actuellement, il n'y a aucun critère objectif, situation qui ouvre la porte toute grande aux abus du pouvoir discrétionnaire. Deuxièmement, il nous faut des critères objectifs pour guider la création de catégories exemptées, ce qui est évidemment une question cruciale pour nous.

Le président : Je vous rappelle qu'il est 10 heures. Vous avez la parole depuis 17 minutes, ce qui vous a probablement semblé deux minutes, mais vous vouliez laisser du temps pour répondre aux questions. C'est à vous d'en décider.

M. Amos : Je vais terminer mon exposé le plus vite possible. Il faut freiner les élans des avocats trop loquaces. Merci, monsieur le président.

Nous devons intégrer dans toutes les décisions en matière d'approbation et d'exemption les principes du développement de la navigation et du développement durable. Cette nécessité devrait être un élément de départ. Les modifications à la LPEN représentent l'abandon partiel du rôle du gouvernement pour ce qui est de protéger le droit du public à la navigation, en faveur de la défense des intérêts d'une certaine forme de développement.

Je vous remercie de m'avoir donné la parole et j'apprécie la volonté du comité de s'attaquer à ce dossier.

Le sénateur Banks : Je ne suis pas avocat et je m'apprête à en faire la preuve une fois de plus en traitant de cette loi. Votre argument, dans votre exposé, est que le ministre a maintenant le pouvoir extraordinaire d'exempter de vastes catégories de voies navigables. Auriez-vous l'obligeance de nous dire, les exempter de quoi? On me reprendra si je me trompe, mais sauf erreur, cette exemption signifie qu'une voie navigable est exemptée du processus de demande, mais pas de la conformité aux contraintes existantes imposées par la loi pour ce qui est de ne pas nuire à la navigation. Ai-je bien compris?

M. Amos : Les changements qui ont été apportés ont fait en sorte que ce qui était auparavant un processus de demande pour des projets distincts a été remplacé par un processus d'approbation préalable. Le ministre peut exempter certaines catégories de voies navigables et certains ouvrages et ce processus d'exemption a déjà été amorcé grâce aux récents arrêtés. On y définit certains types de voies navigables, notamment des petits cours d'eau. Je peux vous les trouver, si vous voulez.

Le sénateur Banks : Permettez que j'aille droit au but. Si je construis un quai ou un déversoir sur un petit cours d'eau, je n'ai pas besoin de présenter une demande à l'avance, mais je connais les exigences de la loi. Ce que je construis pourrait être démoli par la suite si mon ouvrage n'est pas conforme aux exigences de la loi. Ai-je bien compris?

M. Amos : Oui, vous avez raison, si ce quai ou ce déversoir fait partie d'une catégorie exemptée pour certains types d'ouvrages. Un certain nombre d'ouvrages seront identifiés et exemptés au moyen d'un arrêté ministériel, par exemple.

Le sénateur Banks : Pourtant, je lis ceci au paragraphe 5.1(2) :

La construction, l'emplacement, l'entretien, l'exploitation, l'utilisation et l'enlèvement de l'ouvrage doivent être conformes aux règlements ou aux conditions visés à l'article 13, selon le cas.

Je suis peut-être exempté du processus d'approbation, mais je dois quand même construire cet ouvrage en conformité des dispositions de la loi qui m'interdisent de nuire à la navigation. Est-ce bien cela?

Yolande Saito, assistante à la recherche, Université d'Ottawa — Clinique de droit environnemental : Vous avez raison en ce sens qu'il y a différentes catégories d'exemptions. Vous avez raison; il y a une catégorie exemptée. Un ministre énonce des conditions. Si vous respectez celles-ci, vous vous conformez aux exigences de la loi.

Nous disons que nous avons perdu la consultation publique. Nous avons perdu l'évaluation environnementale. Nous avons perdu tous les éléments déclencheurs et les sauvegardes qui existaient auparavant, dans l'ancienne loi.

M. Miller a dit que nous pouvons nous fier au bon sens. Nous disons que le lien de confiance a été brisé. Nous ne savons pas si l'on fait preuve de bon sens. Quand les catégories exemptées sont assorties de conditions établies par un arrêté ministériel ou un décret pris par le Cabinet, sans aucun critère objectif, dans le cadre d'un pouvoir absolu, nous affirmons que nous ne savons pas si les conditions énoncées protègent le droit à la navigation. Il est vrai que des conditions s'appliquent aux ouvrages en question, mais celles-ci ne remplissent pas nécessairement les conditions de la loi, à savoir la consultation du public. Tout cela peut fort bien respecter les conditions imposées par le ministre sans pour autant respecter l'esprit de la loi.

Le sénateur Banks : Les dispositions de la loi qui m'interdisent de nuire à la navigation sur un petit cours d'eau ont- elles été changées? Je ne parle pas du processus d'approbation, mais de l'interdiction. Puis-je maintenant faire quelque chose qui nuirait à la navigation dans ce qu'on appellera désormais les eaux navigables secondaires, quelque chose que je n'aurais pas pu faire il y a deux mois?

Mme Saito : Je dirais que oui. Dans l'ancienne loi — d'après ce qu'on nous dit —, le critère de la navigabilité était qu'un canoë devait pouvoir flotter. Maintenant, il y a un débat sur la question de savoir si ce critère est acceptable. Avec l'arrêté publié la semaine dernière, on constate une exemption beaucoup plus étendue. Alors qu'il fallait auparavant faire flotter un canoë, qui a un tirant d'eau de quatre pouces, on constate maintenant que la profondeur peut être de 30 centimètres.

Le sénateur Banks : Non, la modification dit que les eaux navigables secondaires sont définies comme des plans d'eau de moins de 30 centimètres de profondeur. On ne dit pas que je peux faire moins attention de ne pas nuire à la navigation.

Mme Saito : L'arrêté énonce des conditions et, dans le cas de ces eaux secondaires, les conditions stipulent que l'on peut obstruer le cours d'eau pourvu qu'on permette le passage sécuritaire. On a le droit de construire un ouvrage sur un plan d'eau de 30 centimètres de profondeur sans même aviser le ministre, ni le public ni personne.

Le sénateur Banks : C'est-à-dire, pourvu qu'on permette le passage d'un canoë.

Mme Saito : Il s'agit du passage sécuritaire pendant les travaux. On peut maintenant obstruer ce plan d'eau. Auparavant, on ne le pouvait pas, ou bien il fallait obtenir l'approbation du ministre au préalable.

Le président : Il y a divergence d'opinions sur ce point.

M. Amos : Je peux faire une observation rapidement. Si l'on fait des travaux aujourd'hui sur une voie navigable secondaire, il faut obtenir l'approbation avant de construire, mais si le cours d'eau est assez petit, assez peu profond ou assez peu sinueux, s'il remplit les critères d'une voie navigable secondaire, le projet peut aller de l'avant sans l'approbation du ministre parce que celle-ci est réputée avoir déjà été accordée. Nous pouvons être certains, compte tenu des activités d'application de la loi aujourd'hui, que personne n'ira vérifier. Cela soulève une foule de questions relatives à la sécurité publique, mais aussi à la navigation et à l'environnement. Si personne ne vérifie, si l'on n'a pas besoin de demander la permission, les projets seront réalisés.

Le sénateur Banks : Un canoteur ne risque-t-il pas de s'y frapper?

M. Amos : Oui, c'est une inquiétude.

Le sénateur Banks : Le canoteur ne va-t-il pas se plaindre et le ministre ne dira-t-il pas alors : vous avez obstrué cette voie navigable, vous n'avez pas le droit de le faire en vertu de cette loi? N'est-ce pas ainsi que cela va se passer?

M. Amos : C'est possible. Le canoteur peut se blesser. Il n'y a pas nécessairement de portage permettant de contourner l'obstacle. Le canoteur peut traverser un terrain sans permission. Une foule de conséquences imprévues peuvent s'ensuivre.

Le président : Je précise que ce que le sénateur Banks essayait de vous faire dire, c'est qu'avec le mécanisme de l'exemption, vous n'avez pas besoin de passer par le processus de demande, avec la paperasse que cela implique, mais que vous devez quand même respecter la loi et il y a certaines choses néfastes que vous n'avez pas le droit de faire. Je tiens à ce que ce soit consigné au compte rendu.

Le sénateur Raine : Je vous entends clairement dire que vous êtes inquiet parce que les représentants des activités de loisirs sur les eaux navigables ne sont pas invités à la table. Je voudrais que cela figure dans notre rapport parce que c'est essentiel que ceux qui veulent avoir accès à nos eaux navigables à des fins de loisirs soient présents durant ces discussions. Je vous remercie d'avoir attiré notre attention là-dessus.

J'aime vous entendre dire que les eaux navigables sont un portail qui déclenche la protection en vertu du régime canadien d'évaluation environnementale. Ce portail est le seul sur lequel les défenseurs des activités de loisirs peuvent compter pour déclencher une évaluation environnementale. D'une manière ou d'une autre, nous devons aborder cette situation dans notre rapport. C'est bien que les entreprises et les municipalités soient présentes à la table et aient accès à un élément déclencheur de l'évaluation environnementale, mais il est important de tenir compte des activités de loisirs. Ai-je décrit fidèlement vos préoccupations?

M. Amos : Absolument, la consultation est importante pour nous. Ce processus est excellent. C'est un processus ex post facto. Quand nous avons vu qu'il y aurait un rapport et une étude, nous nous sommes dit que c'était bien, mais que le rapport et l'étude ne changent pas la loi. Nous sommes conscients de cette situation. Nous ne nous arrêterons pas.

Le sénateur Raine : Vous voulez suivre le dossier pendant les cinq prochaines années, de manière que, lorsqu'il y aura un examen, vous en ferez partie?

M. Amos : Nous ne voulons pas attendre cinq ans. Nous voulons que cette disposition soit changée durant la prochaine session du Parlement.

Le président : Cela pourrait être dans cinq ans.

Nous vous avons entendus très clairement. Votre documentation est complète et bien réfléchie. Vos observations seront prises en compte dans notre rapport. Il est bien possible que nous vous invitions à revenir pour nous faire part de vos réflexions de façon plus approfondie.

(Le comité se poursuit ses travaux à huis clos.)


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