Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 7 - Témoignages du 26 mai 2009
OTTAWA, le mardi 26 mai 2009
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles s'est réuni aujourd'hui à 17 h 8 pour étudier les éléments du projet de loi C-10, Loi d'exécution du budget de 2009, concernant la Loi sur la protection des eaux navigables (partie 7).
Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonsoir, mesdames et messieurs, chers collègues et cher public qui assiste à la séance sur le réseau télévisé CPAC et sur Internet. Il s'agit d'une réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Nous en sommes à notre septième audience au sujet des modifications de la Loi sur la protection des eaux navigables prévues dans la Loi d'exécution du budget, le projet de loi C-10.
Nous avons le privilège d'accueillir ce soir un juriste canadien de premier rang dans le domaine de l'énergie et de l'environnement, M. Ron Kruhlak, associé au cabinet d'avocats McLellan Ross, à Edmonton.
Monsieur Kruhlak, je crois que vous connaissez un certain nombre des membres du comité, mais j'aimerais vous présenter mes collègues. Je m'appelle David Angus, je viens de Montréal, au Québec et j'assume la présidence du comité. Le sénateur Grant Mitchell vient de votre province et il est le vice-président du comité. Le sénateur Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique, le sénateur Tommy Banks, de l'Alberta, le sénateur Lorna Milne, de l'Ontario, le sénateur Panna Merchant, de la Saskatchewan et le sénateur Elaine McCoy, de l'Alberta sont aussi présents.
Je crois comprendre que vous allez faire quelques commentaires, puis nous passerons à la période de questions.
Chers collègues, après ce témoignage, nous allons entendre des représentants du gouvernement que nous avons invités à revenir devant le comité, puisqu'il s'agit de notre dernière réunion sur la question. Nous allons entendre les témoignages de Donald Roussel, directeur général, Sécurité maritime, Transports Canada, et de Bob Gowe, gestionnaire, Protection des eaux navigables, Transports Canada.
Vous allez probablement remarquer que David Osbaldeston est absent. On avait prévu qu'il participe à l'audience de ce soir, mais il a dû se décommander en raison d'une urgence familiale.
Je tiens à vous rappeler que bon nombre de questions ont été soulevées qui nous ont donné à penser qu'il conviendrait d'inviter ces représentants de nouveau avant de conclure nos audiences. Nous avons demandé aux représentants du gouvernement de nous fournir une quantité importante de renseignements. Nous avons reçu un mémoire de la division de Transports Canada qui traite de la Loi sur la protection des eaux navigables, que je fais actuellement distribuer à chacun des membres du comité.
Vous savez, monsieur Mr. Kruhlak, que la partie 7 de la Loi sur la protection des eaux navigables a déjà été promulguée. Dans le cadre du processus politique qui a mené à l'adoption du budget, on a convenu que différents comités sénatoriaux étudieraient des dispositions du projet de loi C-10 afin de vérifier que leurs effets correspondent à l'intention qui les sous-tend.
Nous avons tenu une série d'audiences plutôt intéressantes sur le très vaste sujet de la Loi sur la protection des eaux navigables et nous sommes résolus à faire rapport au Sénat au plus tard le 11 juin.
Ron Kruhlak, associé, Group McLellan Ross LLP : J'aimerais vous remercier de m'avoir donné l'occasion d'être ici cet après-midi et d'avoir modifié l'horaire pour moi.
Tout d'abord, je vous remercie de la présentation. Je suis un avocat en droit environnemental de l'Ouest canadien. J'interviens dans les domaines des applications en énergie, de l'exploitation minière et de l'aménagement hydraulique.
Je suis aussi membre de certains groupes de l'industrie et d'organismes sans but lucratif, et, dans le cadre de ces fonctions, j'ai interagi avec des promoteurs, des organismes de réglementation et des intervenants. En parcourant les transcriptions, je constate que vous avez reçu un certain nombre de témoins de l'Alberta. S'il est vrai que l'Alberta ne semble pas être le centre des eaux navigables, il demeure que, en raison du très important développement qui s'est déroulé sur les 10 dernières années, un grand nombre d'organismes et de personnes ont acquis une expérience importante des demandes d'aménagement, qu'elles soient présentées à l'échelon fédéral, provincial ou municipal, et ils comprennent certaines des difficultés qui en découlent.
En prévision de la séance de cet après-midi, j'ai eu plusieurs conversations avec mes collègues de l'Ouest canadien qui pratiquent le droit, ainsi qu'avec certains consultants et clients. À la lumière des transcriptions, il m'apparaît évident que le comité a cerné les principaux enjeux et s'y est attaqué dans le cadre des audiences qui ont eu lieu jusqu'à maintenant.
En ce qui concerne certains commentaires que vous ont adressés des témoins par le passé, je mentionnerais tout simplement un témoin particulier que vous avez entendu, Ron Middleton, qui joue un rôle au sein du ministère des Transports de l'Alberta. J'approuve bon nombre de ses commentaires concernant certains des enjeux, alors je vais essayer de ne pas les répéter, car je crois qu'il a bien fait le tour du sujet en répondant à vos questions.
Le président : Je suis heureux que vous ayez mentionné M. Middleton, parce que j'allais vous demander si vous le connaissiez. Je supposais que oui, compte tenu de son poste important au sein du ministère des Transports de l'Alberta et de sa connaissance des dispositions pertinentes de la loi fédérale.
Vous dites que vous avez lu et approuvé la plupart de ses propos, mais y a-t-il quelque chose d'important que vous n'approuvez pas?
M. Kruhlak : Je crois qu'il n'y a rien à ce sujet que je n'approuve pas.
Le président : Vers la fin de notre débat, nous nous étions écartés du sujet principal de son mémoire et nous nous étions adonnés à une contemplation où nous avions regardé de façon plus générale les modifications et les éléments de droit qui nous donnaient vraiment du fil à retordre; nous avions l'impression qu'il nous disait que cette loi n'était pas nécessaire du tout. Je voulais souligner cela. Si lui et vous êtes du même avis, vous nous en direz plus à ce sujet.
M. Kruhlak : Je ne suis pas certain que j'irais jusqu'à dire que nous n'avons pas besoin d'une loi, mais on pourrait certainement réviser un peu cette loi. J'aimerais aborder ce sujet dans le cadre de mon bref exposé, qui complètera en quelque sorte l'aperçu que j'ai distribué.
Premièrement, j'aimerais partager avec vous mon expérience lorsque des promoteurs qui présentent une demande pour de nouveaux projets — dans l'Ouest, à tout le moins, et j'imagine que c'est la même chose partout au Canada. Essentiellement, ils me demandent : « Quelles sont les règles? Donnez-moi une idée de ce qui se produira, une certaine confirmation qui me permettra de prendre les décisions financières qui s'imposent et de planifier les ressources dont j'aurai besoin pour mener ce projet à terme. »
Bien souvent, pour mettre en œuvre un projet, on doit obtenir l'approbation des différents ordres de gouvernement du pays. Je dois souligner, toutefois — comme on l'a fait remarquer à de nombreuses occasions —, que ces promoteurs éprouvent de la frustration à l'égard du délai pour obtenir l'approbation nécessaire aux termes de la Loi sur la protection des eaux navigables et du fait qu'ils ne soient pas certains d'avoir vraiment affaire à des eaux navigables.
J'ai récemment parlé à un consultant qui avait enfin reçu un permis pour construire un pont dans le nord de l'Alberta. Une fois que la demande a été déposée, il a fallu attendre plus d'un an pour obtenir l'approbation. Il ne s'agissait pas d'une rivière importante, selon sa description, et pourtant, le document d'approbation de deux pages contenait tout simplement sept conditions, lesquelles semblaient toutes assez normales et pas nécessairement propres à l'ouvrage de franchissement de cours d'eau en question.
Encore une fois, la préoccupation exprimée tient au fait que le processus est très long. Ce processus est nécessaire dès que le projet s'inscrit dans un projet de plus grande envergure. Cette approbation particulière avait pour but de faciliter certaines activités relatives à l'exploitation gazière et pétrolière dans le nord de la province.
J'avancerais au comité qu'il est certain que, vu la fréquence à laquelle on soulève ces préoccupations liées à la longueur du délai, n'importe quelle mesure visant à accélérer l'examen réglementaire obtiendrait un accueil favorable. Si c'est le principe qui sous-tend l'arrêté ministériel qui a été publié, soit d'exempter certains projets et certains cours d'eau du processus d'approbation, on y sera favorable. J'ignore si cela accélèrera la mise en œuvre de projets d'infrastructure destinés à stimuler l'économie, mais cette mesure permettra peut-être la réaffectation de ressources réglementaires à l'examen accéléré d'autres projets plus importants. C'est notre espoir : un règlement plus efficace qui régira ces projets particuliers où un examen aux termes de la loi s'impose.
J'ai un petit nombre de commentaires précis que j'aimerais vous adresser. Tout d'abord, en examinant les transcriptions, j'ai remarqué que beaucoup ont soulevé que — bien que je ne sois pas un spécialiste de la rédaction et de la mise en œuvre de projets de loi, mais, à titre d'observateur de l'examen des modifications, de temps à autre, surtout dans le domaine de l'exploitation des ressources au Canada — il est curieux qu'on ait même pensé à inscrire ces modifications dans le projet de loi d'exécution du budget. Je crois que cette façon d'adopter des modifications a probablement éveillé soupçons et préoccupations dans bien des cas, avant même qu'on n'ait l'occasion d'étudier ces modifications. Nous nous heurtons à ces problèmes dans le cadre de projets : il y a des préoccupations à l'égard de la transparence et de la communication d'information au public. Dès qu'on évite de communiquer directement un renseignement, on a tendance à se heurter à des problèmes, et les véritables intentions sont remises en question.
Pour faire suite à ce que j'ai dit plus tôt, je serais certainement en faveur de l'exemption de projets mineurs du processus d'approbation, et je serais en faveur de la catégorisation d'autres projets qui pourraient aussi être exemptés. La formulation de l'arrêté ministériel me donne à penser que l'organisme de réglementation en question a une vaste expérience, accumulée au fil des années, de la définition de projets particuliers à des fins d'exemption.
Toutefois, je soulignerais que je suis étonné de voir ce genre d'information dans un arrêté ministériel. Lorsqu'on a affaire à une loi de ce type, on retrouve plus souvent les dispositions de fond sur les catégories essentielles à l'application de la loi dans le règlement d'application. Cela aide peut-être à mieux comprendre, mais je constate que l'A.M., dans ce cas particulier, sera publié dans la Gazette selon les modalités décrites. Je sais que, chaque fois que vous laissez ces choses à la discrétion du ministre, de nouvelles incertitudes naissent, éventuellement, dans l'esprit des promoteurs et des intervenants, et cela se révélera aussi une source de difficultés pour le ministre lorsqu'il devra faire face aux pressions concernant l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire.
Je note qu'on a exprimé des préoccupations concernant la réduction possible des évaluations environnementales qui pourrait découler de l'élimination de l'obligation d'obtenir une approbation sous le régime de la loi. Je vous ferais remarquer que les projets que l'on retire ne donneraient pas lieu à une évaluation environnementale en profondeur, certainement pas ceux qu'on exempterait aux termes de l'arrêté ministériel. Quant aux projets plus importants, il y aurait probablement d'autres mécanismes obligatoires, et il serait plus naturel d'envisager une approbation du ministère des Pêches et des Océans pour des projets qui ont une incidence sur les voies navigables. Le genre d'évaluation environnementale effectuée par ce ministère est probablement mieux adapté aux enjeux environnementaux généraux qu'une évaluation aux termes de la Loi sur la protection des eaux navigables. Je m'attendrais à ce que les évaluations en application de cette loi soient beaucoup plus techniques, précises et restreintes, quelle que soit la portée normalement envisagée.
J'ai quelques brefs commentaires à formuler au sujet de la disposition sur les pénalités. Je crois que tout le monde est d'accord pour dire que la pénalité devrait être raisonnable, compte tenu des normes actuelles. Toutefois, d'autres lois qui régissent le bien-être public offrent souvent la possibilité d'infliger des pénalités créatives qui peuvent se révéler utiles au moment de la détermination de la peine, en plus des amendes. Lorsqu'il y a violation de la loi, le tribunal pourrait décider d'ordonner la mise sur pied de programmes de sensibilisation ou la réparation des voies navigables endommagées.
Quant à l'examen quinquennal, en plus de ce qu'on exige du ministre lorsqu'il entreprendra cet examen, il serait utile qu'il prévoie une forme de consultation plus générale. De plus, nous voudrons peut-être qu'une évaluation de l'efficacité de la réglementation soit entreprise au cours des cinq prochaines années. Le processus d'approbation a-t-il été amélioré? Le délai entre le dépôt de la demande et l'approbation s'est-il raccourci? Avons-nous besoin de la contribution de tierces parties pour assumer certaines des responsabilités qu'impose la loi?
Voilà mes brefs commentaires, monsieur le président.
Le président : Merci de l'excellente entrée en matière pour ce qui se révélera une discussion intéressante. Je vais prendre la liberté de commencer la période de questions. Le processus adopté pour approuver les modifications aurait pu éveiller des soupçons et des préoccupations chez les gens tout simplement parce que ces dispositions étaient inscrites dans un projet de loi qui portait sur le budget et sur d'autres sujets qui, du moins à première vue, n'étaient pas liés au budget. C'est ce que vous entendez, je crois, par « processus ».
M. Kruhlak : C'est exact.
Le président : Pourtant, ces préoccupations sont fondées ou ne le sont pas. Partagez-vous ces craintes?
M. Kruhlak : Certes, les personnes qui suivent de près l'évolution de cette loi s'attendent à ce que toute modification de la LPEN soit présentée dans un projet de loi indépendant. La façon dont on a mis en œuvre les modifications de la loi provoque systématiquement la crainte qu'il y ait une tentative d'adopter quelque chose en douce.
Le président : On pourrait avoir cette impression à première vue, en raison de la façon dont on a procédé. Toutefois, avant de faire ce commentaire et de faire état de ces préoccupations, avez-vous pris les circonstances en considération? Autrement dit : le fait est qu'un gouvernement minoritaire fait face à une conjoncture économique particulièrement difficile où des mesures urgentes et inhabituelles s'imposent. Avez-vous pris cela en considération?
M. Kruhlak : Non, mais je reconnais les pressions qui seraient exercées sur le Parlement pour qu'il s'attaque aux problèmes en temps opportun. Je comprends qu'on a peut-être déjà tenté de modifier la LPEN par le passé. C'est tout simplement une observation connexe. Je crois effectivement qu'il faut modifier la loi.
Le président : C'était l'idée que j'essayais de faire passer. Le comité a entendu des témoignages selon lesquels ce projet est à l'étude depuis environ 15 ans, on a tenu des audiences ailleurs, et toutes sortes de modifications ont été proposées, et c'est la façon de faire qui a été retenue, vu les circonstances que j'ai décrites.
Compte tenu de ces circonstances, connaissez-vous l'expression « la politique est l'art du possible »?
M. Kruhlak : J'ai déjà entendu cela.
Le président : Vous arrive-t-il de juger que c'est raisonnable?
Je vais donner la parole au sénateur Grant Mitchell, vice-président du comité.
Le sénateur Mitchell : Monsieur Kruhlak, mes questions se rattachent à votre expérience de ce genre de processus d'examen. Vous avez parlé, dans votre exemple, d'un projet qui a été examiné pendant un an, en application de la Loi sur la protection des eaux navigables.
Tout d'abord, ce processus peut-il se dérouler parallèlement à d'autres évaluations environnementales, ou y a-t-il un ordre à respecter?
Deuxièmement, quelle est la cause du retard? Y a-t-il un nombre insuffisant de personnes pour mener l'examen? Le processus compte-t-il des étapes superflues? C'est comme un trou noir. Qu'est-ce qui peut bien se passer pendant toute une année?
M. Kruhlak : Peut-être que des représentants du ministère seraient mieux placés que moi pour expliquer ce qui se produit. Il y a des préoccupations liées à la disponibilité des ressources. Pour répondre à votre première question, dans le cadre de certaines demandes, il est possible d'entreprendre différentes activités et de présenter différentes demandes en parallèle. Bien souvent, dans certains cas, comme le développement énergétique, la demande ne vise que l'obtention des permissions générales nécessaires. Après la demande initiale, on a accès à de l'information plus détaillée, comme les caractéristiques de l'ouvrage de franchissement nécessaire. C'est alors qu'on dispose de tous les renseignements nécessaires pour demander l'approbation, même si la demande initiale a été déposée plusieurs années plus tôt à l'égard d'autres aspects régis par les lois provinciales sur l'énergie. Voilà un des problèmes. Quant à ce qui se produit, une des frustrations tient au fait que nombre de personnes qui déposent des demandes n'en savent tout simplement rien. Il y a peu de communication avec l'auteur de la demande en vue de l'informer du temps qui sera nécessaire au traitement de sa demande et de la raison de ce délai. C'est peut-être exactement comme vous l'avez dit : un peu comme un trou noir.
Le sénateur Mitchell : D'après votre interprétation du projet de loi, s'il est vrai que certains projets seront exemptés en fonction de la définition selon laquelle la voie navigable serait d'importance mineure, êtes-vous d'avis que ces dispositions, de quelque façon que ce soit, dispenseront les constructeurs du projet de leurs responsabilités? Même si le projet n'est pas assujetti à un examen, cette disposition n'affaiblit aucune règle qu'ils seraient tenus de respecter au moment de la construction dans le cadre de leur projet.
M. Kruhlak : C'est mon interprétation. Ils doivent toujours satisfaire aux exigences de la LPEN, même si le projet est visé par une exemption, car ils sont toujours susceptibles de créer un danger ou une préoccupation sur le plan de la navigation qu'ils peuvent être obligés d'éliminer.
Le sénateur Spivak : Monsieur Kruhlak, je suis un peu étonnée par deux de vos commentaires. Tout d'abord, vous avez dit que le processus adopté pour modifier la LPEN a peut-être éveillé des soupçons, mais nous parlons de la loi. Je suis certaine que vous avez vu ce qu'ont dit les représentants des peuples autochtones qui ont comparu. Ils estiment que la loi n'a pas été respectée parce qu'ils n'ont pas été consultés.
Ensuite, lorsque l'autre comité a tenu des audiences, il a dit qu'on lui avait reproché de ne pas avoir invité toute une gamme de témoins, particulièrement des gens qui utilisent les voies navigables à des fins récréatives. Il a déclaré qu'il y remédierait et inviterait d'autres témoins, mais, bien sûr, on a rapidement présenté ce projet de loi, et il était trop tard.
D'un point de vue législatif, je ne me suis pas intéressée à savoir ce qui a déclenché des soupçons. Ce n'est pas la question du débat. La question tient à votre opinion sur le processus de consultation, particulièrement en ce qui concerne les témoins autochtones que nous avons reçus et, de façon générale, même si vous dites que vous n'avez pas beaucoup d'expérience du processus législatif, au chapitre de l'introduction de lois, que pensez-vous plus précisément du processus?
M. Kruhlak : Je ne possède pas toutes les qualifications requises pour répondre à votre question concernant les consultations préalables qui devraient avoir lieu en vue de la promulgation de ce genre de lois. Je sais que les ministères ont donné une idée de l'étendue des consultations et que les représentants des Premières nations ont exprimé des préoccupations.
Je peux vous dire avec certitude que, chaque fois que nous cherchons à obtenir une approbation ou que nous nous engageons dans un processus de demande, il y a des obligations, que ce soit à l'échelon fédéral ou provincial, qui consistent à tenir des consultations avec les Premières nations touchées. Dans le contexte, cela va de soi. Je dois peser mes mots lorsque je me prononce sur les exigences qui devraient être en vigueur dans ce cas-ci.
Le sénateur Spivak : Merci. Je comprends cela.
Pour ce qui est du pouvoir discrétionnaire du ministre, l'exercice de ce pouvoir n'est d'aucune façon assujetti à l'apport parlementaire. Cela n'est pas conforme à la Loi sur les textes réglementaires ni à tout autre instrument du genre. J'imagine que le gouvernement peut proposer les lois qu'il désire. Que pensez-vous de l'omission de prévoir une surveillance parlementaire? Le ministre détermine tout simplement si l'ouvrage est mineur ou majeur, et c'est tout.
Quelle est votre opinion sur la légalité d'une telle pratique parlementaire par comparaison à un règlement qui doit être promulgué en public, ce qui donne lieu à la possibilité de faire des commentaires et de déclencher un certain processus parlementaire?
M. Kruhlak : Je comprends qu'on est sur la corde raide lorsqu'on doit composer avec un problème perçu comme étant plutôt urgent. On cherche à établir un certain équilibre. À la lumière du témoignage que vous ont livré des représentants du gouvernement, je comprends que l'adoption d'un règlement qui régirait cela prendrait du temps. C'est une partie de l'explication fournie pour justifier l'utilisation d'un arrêt ministériel pour établir ces catégories.
Je tente aussi de trouver cet équilibre. J'aimerais beaucoup voir des éclaircissements apportés à l'arrêt ministériel. De façon générale, nous devons tendre vers la certitude et la prévisibilité. Je me sentirais plus à l'aise si ce type de décision était prévu par règlement et assujetti à une loi, comme vous l'avez mentionné.
Le sénateur Spivak : D'accord. Nous commençons à parler de sentiments, et je ne veux pas vraiment m'aventurer dans cette voie.
Dans la pratique du droit, en général, quelle est l'importance de la question de l'urgence par rapport à l'application convenable de la loi? Bien souvent, les tribunaux ne veulent même pas en parler. En votre qualité d'avocat, que pensez- vous de cela? La politique et le droit ne s'entendent pas nécessairement sur la nature des enjeux qui relèvent de la compétence des tribunaux.
M. Kruhlak : Toute question de fond visée par une loi devrait être abordée par le règlement et assujettie à l'examen en profondeur et aux processus auxquels on s'attendrait.
Le sénateur Spivak : Merci. J'ai une dernière question. Êtes-vous un pagayeur, faites-vous du canot ou du kayak?
M. Kruhlak : Oui, mais je ne suis un pagayeur accompli dans aucune de ces catégories.
Le sénateur Spivak : Merci.
Le sénateur Banks : Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Kruhlak. Je suis heureux de voir un autre Albertain d'Edmonton parmi nous.
Dans vos commentaires préliminaires, vous avez parlé de l'» efficacité de la réglementation ». Permettez-moi de caricaturer les deux versions : pour l'industriel véreux, l'efficacité de la réglementation consisterait à se rendre au comptoir et à donner cinq dollars pour obtenir un permis. L'écolo à tous crins dirait : « Peu importe si cela prend cinq ans; on sauvera les arbres. »
Le sénateur Spivak : Non. C'est une exagération de la position des écolos.
Le sénateur Banks : J'ai exagéré les deux versions.
Le sénateur Spivak : Nous sommes aussi intéressés par l'efficacité.
Le sénateur Banks : J'ai dit que j'exagérais, et j'ai exagéré des deux côtés, sénateur.
Le sénateur Spivak : Très bien.
Le sénateur Banks : J'ai décrit l'autre extrême en parlant d'un industriel véreux, alors que ce n'est pas le cas. J'utilise un langage très stéréotypé.
Entre ces deux extrêmes, que signifie, d'après ce que vous comprenez, l'efficacité de la réglementation? Est-ce le bon fonctionnement ou la rapidité?
M. Kruhlak : J'aimerais mieux que le processus fonctionne bien. S'il fonctionne bien, on accorde des approbations convenables et réfléchies en temps opportun. Une approbation bâclée entraîne habituellement des problèmes plus tard. Tenter de mener un projet à terme en évitant les obstacles potentiels peut entraîner sa propre part de difficulté si le processus n'est pas suivi de façon équitable. La rapidité est assurément une partie de ce que je définirais comme l'efficacité.
Le sénateur Banks : Un délai abusif risque de faire perdre patience aux bailleurs de fonds, n'est-ce pas?
M. Kruhlak : C'est vrai.
Le sénateur Banks : Un investisseur va se demander combien de temps encore il devra attendre. L'efficacité a deux côtés, en d'autres mots. Le processus doit fonctionner, mais il doit fonctionner dans un délai raisonnable.
M. Kruhlak : Il conviendrait, avant de déposer une demande, de comprendre pourquoi le processus suppose un tel délai. Il est difficile d'accepter que le processus pourrait s'étende sur un an ou deux.
Le sénateur Banks : Vous avez dit que la Loi sur la protection des eaux navigables devrait porter sur des eaux qui sont effectivement navigables; les eaux non navigables devraient en être exclues. Nous avons vu plusieurs définitions du terme « eaux navigables ». Qu'entendez-vous par des eaux qui ne sont pas navigables?
M. Kruhlak : Cela se rattache à la difficulté se de déplacer en canot sur la voie. C'est une des difficultés liées à l'étude de cette loi; elle ne contient pas de définition claire. La définition la plus claire que nous avons vue est celle de l'arrêt ministériel.
Le sénateur Banks : Vous avez parlé des dispositions relatives aux pénalités et de l'idée d'infliger des pénalités créatives. Nous avons été saisis du projet de loi C-16. Je sais que vous ne l'avez pas encore lu, car nous venons de le recevoir. Il prévoit des pénalités minimales pour toute une gamme d'infractions environnementales. Tout le monde ici est d'accord pour dire qu'il faut prévoir des pénalités plus sévères afin qu'elles aient vraiment un effet dissuasif. Cette idée entre-t-elle en conflit, de quelque façon que ce soit, avec votre concept de pénalités créatives?
M. Kruhlak : Je m'attendrais à ce que la loi laisse aux tribunaux la discrétion de choisir le type de pénalité. Je ne suis pas certain que le tribunal ait le pouvoir de rendre une telle ordonnance en l'absence d'une disposition explicite.
Le sénateur Banks : Je l'ignore aussi.
M. Kruhlak : C'est ce que je m'attends à voir : que ce choix soit reconnu dans la loi. C'est ce que nous trouvons habituellement dans d'autres lois. Certaines lois provinciales parlent souvent d'approches novatrices de détermination de la peine, ou on peut parler de mesures de rechange dans d'autres lois.
Le sénateur Banks : Contrairement à ce que nous étudions actuellement, le projet de loi C-16 sera soumis au comité, n'est-ce pas, sénateur Neufeld? Nous l'étudierons avant qu'il entre en vigueur, afin que nous puissions tenir compte de votre recommandation.
M. Kruhlak : Cela fonctionne très bien, surtout s'il y a des préoccupations concernant le caractère adéquat des ressources au sein d'un ministère, car certaines de ces dispositions pourraient contribuer à promouvoir les activités qu'un ministère essaie de mettre de l'avant, qu'il s'agisse de sensibilisation du public ou je ne sais quoi.
Le sénateur Banks : Merci.
Le sénateur Milne : Monsieur Kruhlak, vous avez précisé, au début de vos remarques, que les gens qui mettent sur pied des projets d'envergure veulent tout simplement que les règles soient claires et ont de la difficulté à comprendre quelles sont les règles actuelles. Ils veulent seulement savoir quelles sont les règles.
À votre avis, comment réagiraient les gens qui veulent construire un ouvrage considéré comme mineur sur des eaux considérées comme mineures? Qu'est-ce qu'ils penseraient de règles dont ils ignorent complètement l'existence et ne savent même pas quelle source consulter pour déterminer si des règles sont en vigueur? Peuvent-ils aller quelque part pour s'enquérir des règles éventuelles en vigueur?
M. Kruhlak : Je crois que vous avez raison. Nous avons connu des problèmes découlant de la frustration des gens, souvent dans l'industrie agricole. Un agriculteur qui veut apporter des améliorations à sa terre et modifier un marécage ou peut-être une voie navigable se heurte souvent à des difficultés de taille lorsqu'il tente de satisfaire aux exigences d'une législation donnée, qu'elle régisse les eaux navigables ou la pêche. Je ne crois pas qu'il y ait une solution facile. Habituellement, ces personnes doivent trouver de l'aide, probablement pour ce qui est de communiquer avec des représentants du ministère, à condition qu'on les oriente dans cette direction assez tôt.
Le sénateur Milne : C'est toute une condition, surtout si la personne ne fait que prolonger son quai.
M. Kruhlak : C'est vrai.
Le sénateur Milne : À mon avis, c'est un gros problème. Ensuite, lorsque je regarde l'interprétation du terme » eaux navigables », dans l'arrêté qu'a publié le ministre, si vous regardez l'endroit où on parle des petits quais et des remises à embarcations, dans la catégorie d'ouvrages, ils sont établis comme une catégorie d'ouvrages pour l'application du paragraphe 5.1(1) de la Loi si... et l'ouvrage doit, entre autres, être situé à une distance d'au moins 10 mètres d'un petit quai, d'une remise à embarcations ou d'une autre structure qui sont situés, en totalité ou en partie, dans les eaux navigables, sur celles-ci ou au-dessus de celles-ci.
Bien des lacs de villégiature exploités depuis longtemps en Ontario sont entourés de terrains plus étroits que — si votre chalet est au milieu de votre terrain — 10 mètres de chaque côté. Nombre de ces terrains sont plus étroits que cela. Ainsi, chacun des propriétaires contrevient à la loi et devra retirer son ouvrage.
Au prochain alinéa, on ajoute que l'extrémité des ouvrages au large doit être à une distance d'au moins 30 mètres de tout chenal de navigation. Lorsque le Québec a été colonisé, les rivières faisaient office de voies publiques. Chaque lot original au Québec a été subdivisé entre les enfants des générations suivantes, et ces bandes minces naissent aux abords de rivières étroites. Je crois comprendre que pratiquement toutes les fermes, tous les chalets et n'importe quelle structure qui longe une rivière au Québec seront visés par la loi. Ces rivières n'ont pas 60 mètres de largeur. J'envisage de vrais problèmes lorsque les Canadiens ordinaires tenteront de respecter la loi, tout en ignorant complètement si la loi les vise vraiment.
M. Kruhlak : Je ne crois pas que les dispositions de l'arrêté ministériel constituent la dernière clarification qu'on aura à ce sujet.
Le sénateur Milne : J'imagine que ce sera le cas, peut-être, pour les cinq prochaines années. Le comité d'examen de la réglementation n'étudiera jamais ce document, parce que la loi lui retire cette compétence. Les parlementaires ne l'étudieront jamais et n'auront pas la possibilité de mesurer l'incidence de cette loi sur les gens de leur région.
M. Kruhlak : Je n'ai pas de commentaires à formuler à ce sujet. Vos observations me semblent justes, dans la mesure où cela créera des problèmes pour d'autres catégories de projets qui ne sont pas visées.
Le sénateur Milne : Je n'ai pas d'autres questions.
Le sénateur Neufeld : Je viens du nord de la Colombie-Britannique. Je peux comprendre certaines des choses dont vous parlez, comme la construction de ponts ou d'ouvrages de franchissement qui enjambent ce que certains considèrent comme des eaux navigables, qui ne coulent qu'une partie de l'année, pendant le ruissellement. Quant à votre réponse sur la définition du terme « eaux navigables », on n'a toujours pas déterminé ce que signifie vraiment ce terme. Chacun semble avoir sa propre définition des eaux navigables.
J'aimerais revenir à une question qu'a posée le sénateur Mitchell. Je vais utiliser votre exemple de l'attente de un an pour obtenir un permis d'enjamber une rivière ou un cours d'eau, peu importe de quoi il s'agissait. La question était la suivante : croyez-vous qu'il manque de personnel pour traiter ces demandes? C'est une chose qui m'a frappé, lorsque le ministre est venu ici et nous a parlé du fait que — je vais utiliser des chiffres ronds — 70 personnes et environ 40 inspecteurs y travaillent. Je crois que c'était quelque chose dans ces eaux-là; ne me demandez pas de répondre du nombre exact. Ce sont ces gens qui s'occupaient de toutes les eaux navigables et étaient chargés d'appliquer cette loi d'un bout à l'autre du Canada, et je sais que cela est impossible. Il faut faire quelque chose pour déterminer comment effectivement s'occuper de ces questions.
En Colombie-Britannique, parfois, lorsque le processus était un peu lent, nous avions de la peine à embaucher des gens, en raison de contraintes budgétaires, et l'industrie — minière, pétrolière et gazière, la production d'électricité ou ce genre de choses — proposait en fait au gouvernement de payer des frais beaucoup plus élevés pour que l'argent demeure entre les mains du ministère, des responsables, afin qu'on puisse vraiment embaucher les gens — pas pour chaque projet, mais pour traiter les demandes et accélérer le processus. J'ai souvent l'impression que ce n'est pas une mauvaise idée, parce que, comme l'a dit le sénateur Banks, on peut perdre l'argent ou l'investissement très rapidement. Je sais que, si on parle du type d'investissement consenti dans le secteur pétrolier et gazier, cet argent peut aller ailleurs assez rapidement si on n'arrive pas à mener le processus à terme.
Avez-vous une opinion sur la possibilité que le gouvernement se dirige dans cette voie et perçoive cela comme un moyen raisonnable de composer avec certains des problèmes qui découlent de cette loi? Je sais qu'il faut mettre en place certaines règles. Je comprends cela, mais la réglementation doit être raisonnable. Lorsqu'on commence à parler de ces choses, on touche à un tabou; la personne qui projette d'enjamber un cours d'eau est mise au ban. Le cours d'eau sera changé à jamais, mais nous devons tout de même le faire dans certains cas afin d'obtenir des services. Est-ce quelque chose qui serait faisable, selon vous?
Mon autre brève question tient au fait que je n'ai jamais été partisan des solutions universelles. En fait, même dans la province de la Colombie-Britannique, une solution universelle ne saurait s'appliquer à tout le monde. Lorsque nous regardons l'ensemble du Canada et que nous tentons de concevoir une description universelle, cela devient impossible.
Je me suis toujours rallié à l'idée selon laquelle il faudrait peut-être décomposer certaines de ces choses et charger les provinces de certains de ces services. Peut-être que les voies navigables internationales ou les fleuves et rivières de taille importante, ce genre de choses, devraient être régis par la Loi sur la protection des eaux navigables, évidemment, mais il y a beaucoup de questions qui pourraient relever des provinces, à mon avis, ce qui permettrait à celles-ci de procéder à leur façon, sur leur propre territoire.
J'ai souvent affirmé — je ne veux pas froisser les représentants d'Ottawa — que je n'ai aucun intérêt à voir quelqu'un d'Ottawa arriver en Colombie-Britannique pour décider comment nous allons enjamber un petit cours d'eau dans le nord de la Colombie-Britannique afin qu'une petite société pétrolière et gazière puisse se mettre au travail; je préférerais qu'un britanno-colombien, qui vit dans cette province, s'en charge.
Je suis intéressé par votre opinion. Nous sommes intéressés par les idées d'un Albertain à ce sujet.
M. Kruhlak : En Alberta, il y a eu des tentatives d'harmonisation entre les gouvernements fédéral et provincial. Par le passé, on a délégué des pouvoirs à des représentants provinciaux en vertu de la Loi sur les pêches. Cela ne se fait plus. Je ne constate pas une amélioration des relations fédérales-provinciales aux fins de la mise en œuvre de certaines de ces fonctions. Je n'ai pas vu de tentative plus poussée de la province d'utiliser les ressources, alors, j'ignore si cela est possible.
Pour ce qui est des commentaires touchant les ressources et la dotation en personnel limitées au ministère des Transports en ce qui concerne les eaux navigables, c'est une préoccupation exprimée par d'autres organismes de réglementation. Il va sans dire que l'Alberta doit constamment composer avec des faits nouveaux. Le ministère de l'Environnement de la province a fait face à des difficultés semblables et a tenté, à ce qu'il dit, de prendre des règlements plus judicieux, de trouver les aspects susceptibles d'amélioration ou, dans certains cas, il a réduit les processus d'approbation des codes de pratique lorsque les procédures sont bien établies et que les retombées sont plus faciles à définir.
En Alberta, on a tellement fait de chemin à l'égard de l'examen des évaluations environnementales que le processus est presque devenu un système de gestion de listes d'attentes. Si un de ces grands promoteurs de projets d'exploitation de sables bitumineux veut que sa demande soit traitée constate que les examinateurs doivent traiter neuf autres évaluations avant lui, le ministère lui offre la possibilité de dire : « Nous allons donner ce projet en sous-traitance à des sociétés privées pour la critique initiale, mais vous devrez payer le prix », qui est souvent très élevé.
En vue de poursuivre leurs activités selon une cadence raisonnable, nombre de sociétés ont adopté ce processus. Encore une fois, c'est l'organisme de réglementation qui a tenté de trouver des ressources supplémentaires qu'il ne pouvait pas embaucher autrement, alors il a procédé ainsi, afin de faire avancer certaines de ces demandes.
Il existe une diversité de solutions pour combler la demande lorsque l'organisme de réglementation ne dispose pas des ressources nécessaires.
Le sénateur McCoy : Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Kruhlak. C'est un plaisir de vous revoir. Nous avons partagé beaucoup de dossiers et beaucoup d'intérêts par le passé.
Pour revenir à certaines de ces questions, à la lumière de votre expérience du Programme de protection des eaux navigables et des approbations qui s'y rattachent, je crois que l'une des choses que vous voulez qu'on accomplisse est de communiquer le temps que prendra l'approbation.
Voici ma première question : y a-t-il une disposition de la nouvelle loi qui vous donne cette assurance?
M. Kruhlak : Je n'en ai pas vue, madame le sénateur.
Le sénateur McCoy : Un autre des critères que vous avez énoncés pour un processus de réglementation efficace, il me semble, touchait le degré de certitude qui, certes, lorsque je pratiquais ou que j'administrais le droit réglementaire, consistait à connaître les critères qui seraient appliqués pour rendre une décision favorable.
Y a-t-il une disposition dans la nouvelle loi qui vous donne une quelconque idée des critères qui seront appliqués dans le cadre du Programme sur la protection des eaux navigables en vue de rendre une décision menant à l'approbation ou au rejet d'une demande?
M. Kruhlak : Je ne crois pas que les modifications sont assez précises pour donner ce genre d'assurance. Certains des consultants avec lesquels j'ai collaboré ont expliqué : « Si vous me dites simplement, pour ce type d'ouvrage de franchissement, quelles sont les composantes que vous vous attendez à voir pour déterminer qu'il est approprié, alors nous concevrons un projet qui s'y conforme clairement dès le début. » Encore une fois, le ministère est peut-être en mesure de fournir certaines analyses techniques. Pour les auteurs de demandes, les consultants qui conçoivent le tout, la chose a tendance à relever davantage du domaine technique que du domaine juridique, mais je n'ai pas de telles de lignes directrices claires.
Le sénateur McCoy : Votre témoignage corrobore celui d'un autre intervenant du côté technique, à savoir M. Middleton, du ministère des Transports de l'Alberta.
Par contre, il y a une distinction entre une loi — ou même un règlement — et la façon dont elle est appliquée. J'ai dirigé des ministères, comme d'autres personnes ici présentes, et je sais que la façon dont on administre le programme a presque autant d'incidence que le libellé de la loi. Certaines choses me donnent à penser qu'on ne vous donne pas ce genre d'aide.
Nous avons tous reçu un exemplaire du manuel pratique sur l'inspection des eaux navigables, document qu'utilise le ministère, je crois, pour guider ses agents de protection des eaux navigables. Je vais vous lire un passage de ce document :
La politique nationale consiste à ne pas répondre aux questions relatives à la navigabilité en l'absence d'une demande écrite et d'un projet d'ouvrage. Les questions relatives à la navigabilité ne déclenchent pas l'application de la LPEN, les demandes, si. Nous ne sommes pas tenus de répondre aux questions des cabinets d'avocats en ce qui concerne l'incidence de la navigabilité des ruisseaux et des cours d'eau qui traversent le terrain sur une vente, une division ou une cession.
Est-ce que cela reflète votre expérience?
M. Kruhlak : Les rares fois qu'une demande a été présentée au sujet de la navigabilité, c'est le genre d'indications que nous avons reçues. D'un côté, je peux comprendre que les représentants du ministère hésitent à faire des commentaires, que ce soit de façon hypothétique ou au sujet d'une situation qui n'a pas été examinée en profondeur, en raison des difficultés qu'ils doivent surmonter quand vient le temps de rendre une décision, alors ce type d'instruction n'est probablement pas étonnant.
Le sénateur McCoy : Non, et c'est quelque chose que vous avez vécu. Plus loin, le document porte sur le rapport de navigabilité, et ce rapport vise en partie à déterminer si le cours d'eau est effectivement navigable. En voici un passage :
Le premier examen aura lieu sur le site de l'ouvrage érigé ou proposé [...]
Dans certains cas, si l'agent connaît bien le cours d'eau en question il n'est pas nécessaire qu'il se rende sur les lieux du site.
Alors, je sais que vous faites partie d'un cabinet prestigieux, chef de file dans le domaine en Alberta, et je suppose que vos clients ont des projets aux quatre coins de la province, alors votre expérience a été acquise partout en Alberta. Je suppose aussi que vous présentez votre demande au bureau local de protection des eaux navigables. Vous déposez vos demandes, je crois, par l'entremise du bureau d'Edmonton. Toutefois, vous occupez peut-être un poste à un échelon si élevé que vous n'êtes plus au courant de ces détails.
Pouvez-vous confirmer cette hypothèse?
M. Kruhlak : Je crois que le traitement se fait ailleurs — l'approbation de la demande proprement dite —, mais il faudrait que je regarde où on a envoyé les dernières.
Le sénateur McCoy : Cela serait intéressant, car je regarde un organigramme pour la région des Prairies et du Nord qui nous a été fourni par le ministère. En fait, d'après ce que je peux voir, il n'y a que deux agents de protection des eaux navigables à Edmonton. Ce sont les deux seules personnes que je vois affectées à l'Alberta, et nous allons confirmer cela dans quelques instants.
Je crois qu'il arrive très rarement que l'agent connaisse la voie navigable concernée, de sorte que, aux termes du manuel, il doit se rendre sur le site dans chaque cas.
M. Kruhlak : Je crois savoir, de façon générale, que l'on procède à des visites de site.
Le sénateur McCoy : Le fait-on dans chaque cas?
M. Kruhlak : J'ignore ce qui serait considéré comme « bien connu, » à moins qu'il se trouve que la rivière, peut-être, soit située aux environs de la ville d'Edmonton.
Le sénateur McCoy : C'est la question que je pose, à la lumière de notre expérience : à savoir, si les conclusions que je tire de ce document et de certains témoignages sont exactes.
Le sénateur Merchant : Je regarde votre mémoire, et j'estime qu'on a posé beaucoup de bonnes questions. Vous avez donné des réponses intéressantes, et je suis satisfaite. Pour ce qui est de votre observation concernant l'examen quinquennal, bien sûr, nous sommes tous en faveur d'un examen et de modifications après l'examen initial, au besoin.
Ensuite, je regarde la déclaration que vous avez faite : « J'espère que le ministre entamera un processus d'examen des préoccupations qui ont été maintenant exprimées au sujet de la consultation. » Qu'espérez-vous lorsque vous déclarez cela? Si vous mettiez un processus en place ou que vous donniez des conseils au ministre pour qu'il le fasse, de quel genre de processus exactement s'agirait-il? Combien de temps cela prendrait-il? Si on mettait en place un processus aujourd'hui, comment fonctionnerait-il? Il est rassurant de croire qu'il y aura un examen et qu'on pourra apporter des modifications, mais quel genre de processus espérez-vous?
M. Kruhlak : Une personne qui entreprend une consultation peut recourir à une grande diversité de moyens. Je sais qu'il y a déjà eu des témoins devant des comités qui se sont plaints ou ont soulevé des préoccupations concernant le caractère adéquat de la consultation.
Il y a deux choses. Tout d'abord, à l'heure actuelle, il vaudrait peut-être mieux donner suite aux préoccupations liées aux consultations sur l'adoption des modifications lorsque l'examen sera effectué, mais je m'attendrais à ce qu'il y ait un délai, peut-être un an, avant l'échéance quinquennale. Habituellement, on envoie des questionnaires ou de l'information aux parties intéressées pour les informer du fait que l'on procède à cet examen, pour solliciter des réactions et recueillir de l'information et la consigner dans un rapport. On peut ensuite mettre le rapport à la disposition de ceux qui étaient inquiets de l'efficacité de la loi jusqu'à maintenant, après les modifications, ou qui avaient d'autres préoccupations qui ne faisaient pas l'objet des modifications. Il s'agissait d'une consultation active et mobilisatrice permettant de recueillir de l'information.
Le sénateur Merchant : Essayez-vous de dire, alors, que cette fois, le processus n'a pas eu lieu avant d'être prescrit par ce règlement? Doit-on comprendre par cela que vous estimez qu'il n'y a pas eu assez de consultations? Est-ce votre opinion?
M. Kruhlak : Je ne peux pas me prononcer. Je n'ai pas eu connaissance personnellement d'efforts déployés pour tenir des consultations. Je sais que des représentants du ministère, si je ne me trompe pas, ont laissé entendre qu'il y a eu des consultations, pourtant, d'autres témoins ont exprimé des préoccupations concernant le caractère adéquat de cet exercice. Je ne dispose pas de renseignements me permettant de déterminer s'il y a des lacunes à ce chapitre.
Évidemment, pour qu'il y ait de bonnes lois et qu'elles soient respectées, les gens doivent en être informés, et si on exprime des préoccupations importantes au sujet de la consultation, j'estime que l'examen quinquennal serait un bon moment pour essayer de les dissiper.
Le président : Sous la rubrique numéro trois de votre mémoire, vous avez parlé du pouvoir discrétionnaire étendu conféré au ministre, et c'est une préoccupation que tous les sénateurs du comité ont partagée au cours des audiences. Pourtant, vous avez déclaré que l'arrêté ministériel récemment publié au sujet de cet article semble juste et raisonnable. C'est votre opinion. Autrement dit, ce serait le premier grand arrêté de portée générale publié en vertu de ce nouveau pouvoir, et vous estimez qu'il ne contrevient pas aux principes fondamentaux.
M. Kruhlak : Non, il y a deux choses. Le contenu de l'arrêté ministériel semble apporter des aspects positifs, à tout le moins, du fait qu'il constitue une tentative de préciser des choses qui ne sont pas nécessairement assujetties à une approbation. Toutefois, pour ce qui est de l'idée de procéder par arrêtés ministériels, je préférerais que la chose soit régie par un règlement. Néanmoins, dans la mesure où il dissipe certaines préoccupations liées au fonctionnement et à l'application de la loi, je dirais que l'arrêté ministériel m'apparaît judicieux.
Le président : Je tiens à vous remercier beaucoup, monsieur, d'être venu.
Nous accueillons maintenant un nouveau groupe de témoins, et nous allons poursuivre l'audience et le débat concernant la Loi sur la protection des eaux navigables. Je ne crois pas que vous ayez besoin qu'on vous explique davantage la nature de nos travaux, messieurs. En fait, monsieur Roussel, en plus d'avoir participé aux séances d'information de certains membres du comité en prévision des audiences, vous avez également assisté à nos audiences pendant au moins deux jours, je crois, si ce n'est pas plus.
Je tiens à vous souhaiter la bienvenue, monsieur Roussel, ainsi qu'à votre collègue, M. Gowe. Vous travaillez tous les deux pour Transports Canada et vous participez au projet sur les eaux navigables.
Bob Gowe, gestionnaire, Protection des eaux navigables, Transports Canada : Il s'agit du Programme de protection des eaux navigables.
Le président : J'imagine que vous avez suivi attentivement nos séances, parcouru les transcriptions et remarqué que, de temps à autre, nous nous sommes proposé de rappeler les représentants ministériels pour mettre les points sur les i et nous assurer que nous comprenons ce que nous entendons et ce que nous faisons.
Merci beaucoup de cela. Vous êtes les deux derniers témoins que nous entendrons, et nous avons l'intention de préparer notre rapport et, conformément à l'échéance que le Sénat a imposée au comité, le déposer au plus tard le 11 juin.
Nous voulons nous assurer de bien faire les choses. Plusieurs de nos collègues ont des questions. Messieurs, aimeriez-vous faire une déclaration à la lumière de ce que vous avez entendu jusqu'à maintenant, en prenant soin d'anticiper, sans doute, quelques-unes de nos préoccupations, ce qui serait tout à fait juste? Nous vous en serions reconnaissants.
Donald Roussel, directeur général, Sécurité maritime, Transports Canada : Nous n'avons pas de déclaration particulière à présenter, mais nous vous avons remis des documents. Nous avons suivi les travaux en lisant la transcription et nous sommes là pour éclairer les sénateurs au besoin, en rapport avec les programmes, avec la loi elle- même et, maintenant, avec l'arrêté qui a été publié depuis le moment où nous avons entamé cet examen.
Le président : M. Gowe est-il d'accord? Vous n'avez rien dit jusqu'à maintenant.
M. Gowe : Je suis le substitut désigné de M. Osbaldeston ce soir. Je participe à ce projet depuis le début; après lui, c'est probablement moi qui suis le mieux placé pour parler de certaines des nuances techniques qui s'appliquent à l'information à donner, mais je n'ai pas de déclaration liminaire à présenter.
Le président : Vous seriez heureux que nous passions directement aux questions, tous les deux? Très bien. Sénateur Banks, j'ai pensé que vous pourriez lancer la période de questions. À quelques reprises, vous avez cherché à approfondir un point particulier que vous souhaitiez soumettre de nouveau aux messieurs que nous accueillons.
Le sénateur Banks : Merci. J'aimerais poser cette question-là. De fait, j'aimerais poser deux questions. Il est plusieurs fois question d'un arrêté dans la loi. On présume qu'il y a des fois où l'arrêté du ministre est en lui-même valide, mais qu'il y en a d'autres où il semble prendre la forme d'une disposition réglementaire. Voilà ma deuxième question : finiront-ils par avoir valeur de règlement?
Cependant, ma première question renvoie au fait que les arrêtés de ce type, qui se substituent en quelque sorte à des règlements, équivalent — je ne crois pas qu'on se trompe en le disant — à un texte réglementaire; de ce fait, ils sont soumis en principe l'examen du Comité mixte permanent sur l'examen de la réglementation, sauf que la loi elle-même précise : pour l'application de la présente loi, ce ne sont pas des textes réglementaires. Je me creuse les méninges pour essayer d'imaginer une autre raison à cela, à part celle qui vient immédiatement à l'esprit, soit que, en prenant la peine de dire : » pour l'application de la présente loi, un canard n'est pas un canard », on cherche à se soustraire à l'examen du Parlement. C'est la seule raison que j'arrive à trouver pour expliquer que cela soit dit si souvent dans la loi. Pouvez- vous penser à une autre raison?
M. Gowe : C'était essentiellement une question de rédaction et, si vous me permettez, je demanderais à Mme Brigit Proulx, qui est conseillère juridique, d'éclairer ma lanterne avant que je ne réponde.
Le sénateur Banks : Je vous en serais reconnaissant. Je nourris d'importantes réserves sur ce point si c'est effectivement pour cette raison-là que le passage existe. S'il y a une autre raison, j'aimerais bien la connaître.
Le président : En tant que président, je suis bien d'accord pour inviter Mme Proulx à la table. Vous pourrez la présenter.
M. Roussel : L'arrêté qui a été publié — et j'ai répondu à cette question-là devant votre comité — devrait servir de point de départ à une future disposition réglementaire, cela ne fait aucun doute à nos yeux. S'il n'est pas bien rédigé ou s'il doit être adapté, cela devrait faire partie du processus à l'avenir. Nous avançons en terrain inexploré à de nombreux égards.
Nous envisageons avec souplesse la façon dont il faut recourir aux arrêtés, non pas pour nous soustraire à l'examen par le Parlement, mais plutôt pour les produire et lancer les discussions. C'est tout à fait nouveau. Cette loi n'a jamais comporté le pouvoir de réglementer; les arrêtés qui y sont pris maintenant peuvent servir à l'industrie et, s'ils ne conviennent pas, nous pouvons les corriger et, bien entendu, il y a le pouvoir de réglementer. C'est la meilleure façon de procéder. Nous sommes tous d'accord sur ce point.
Le sénateur Banks : La dernière fois où il est venu témoigner ici, M. Roussel a tenu ces propos-là, et cela ne fait aucun doute dans mon esprit, les intentions sont bonnes — tôt ou tard, d'une façon ou d'une autre, par l'application d'une disposition ou d'une autre encore, elles auront valeur de règlement. En attendant, ce ne sont pas des textes réglementaires. Ce sont des arrêtés dont il est dit que ce ne sont pas des textes réglementaires; ma question demeure : la loi affirme que ce texte réglementaire n'est pas un texte réglementaire, et je présume que ce libellé-là a été inséré pour une raison. La seule raison à laquelle j'arrive à penser, c'est que c'est pour se soustraire à l'examen du Parlement. Y a-t- il une autre raison?
M. Roussel : L'avocate qui nous accompagne peut traiter de cette question-là.
Brigit Proulx, conseillère juridique, Sécurité maritime, Transports Canada : Je m'excuse, pouvez-vous répéter la question?
Le président : D'abord, nous avons entendu le nom du témoin : Brigit Proulx.
Mme Proulx : Oui.
Le président : Pouvez-vous nous dire quel poste vous occupez au ministère?
Mme Proulx : Je suis conseillère juridique en droit maritime au ministère de la Justice, et mes clients sont les gens de la Sécurité maritime de Transports Canada.
Le sénateur Banks : À plusieurs reprises, dans cette loi, c'est-à-dire dans les modifications de la Loi sur la protection des eaux navigables qui figurent dans le projet de loi C-10, il y a un passage qui traite des arrêtés pris sous le régime de la loi et qui précise que, pour l'application de la loi en question et de la loi sur les textes réglementaires, les arrêtés en question ne sont pas des textes réglementaires. Autrement dit, l'arrêté se substitue, si vous me permettez d'employer ce terme-là, au règlement dans ces cas-là. Il produit le même effet qu'une disposition réglementaire, et M. Roussel nous a dit qu'il finira probablement par avoir valeur de règlement. Toutefois, en attendant cela, c'est un arrêté qui, si ce n'était du libellé qui figure dans la loi, serait un texte réglementaire dans le cours normal des choses; cependant, la loi dit à plusieurs reprises que, aux fins de l'examen à prévoir, l'arrêté n'est pas un texte réglementaire.
Je cherche à savoir pourquoi ce libellé a été inclus dans la loi. La seule raison à laquelle je peux penser, c'est que l'arrêté échappe à l'examen par le Parlement. J'espère qu'il y a une autre raison.
Mme Proulx : Nous avons des spécialistes du ministère de la Justice qui travaillent au service de réglementation de Transports Canada. Nous avons discuté de la question avec eux, car ce sont eux, les experts en la matière. Voici l'explication, au meilleur de ma connaissance.
Pour parler de l'article 13 — et c'est à l'article 13 qu'il est question de l'arrêté —, disons que c'était une décision stratégique. Les fonctionnaires ici présents pourraient peut-être approfondir la discussion sur ce point, à savoir si l'arrêté n'est pas assimilé à un texte réglementaire parce que cela servirait à accélérer la prise d'arrêtés. Comme nous le savons, le processus de réglementation est long, nous en avons déjà discuté.
Pour simplifier et accélérer les projets d'infrastructure, une décision stratégique a été prise : aux fins de l'article 13, c'est-à-dire là où il y a un arrêté, on procéderait ainsi.
Quant aux autres types d'ordres, je présume que vous faites allusion à l'article 6?
Le sénateur Banks : Je parle principalement de l'article 13.
Mme Proulx : Je peux vous donner d'autres précisions là-dessus. Je sais que c'est une question d'intérêt. Vous êtes nombreux à avoir posé ces questions-là. Je vais regarder mes notes pour essayer de m'assurer que je présente bien la position du ministère de la Justice.
Essentiellement, dire que ce ne sont pas des textes réglementaires, c'est dire qu'ils ne sont pas assujettis au processus habituel de réglementation. Le processus habituel de réglementation relève de la Loi sur les textes réglementaires. Il faut comprendre que la Loi sur les textes réglementaires est une loi procédurale. Le ministère responsable d'une question échafaude un projet de règlement; voilà l'essentiel du processus de réglementation. Cela comprend l'inscription du projet en bonne et due forme, sa publication et, bien entendu, l'examen par le Parlement. Nous savons cela.
Pour que ces tâches-là prennent forme, la Loi sur les textes réglementaires prévoit trois exigences principales. L'examen est la première des exigences en question. Il s'agit essentiellement de savoir que les arrêtés ou les règlements dont il est question sont pris sous le régime de la loi habilitante applicable. Ils sont pris conformément à la loi habilitante.
L'enregistrement est la deuxième exigence prévue dans la Loi sur les textes réglementaires. L'enregistrement renvoie d'abord et avant tout à une méthode de suivi, qui n'ajoute pas grand-chose à la démarche. Le cas de la publication est déjà réglé. C'est mentionné ici. La loi doit être publiée dans la Gazette du Canada. Ce qui a été fait. Il reste l'examen par le Parlement. Vous avez raison : c'est là que réside la principale différence.
À propos du contrôle parlementaire, il faut comprendre que cela se fait après coup. Après que l'arrêté ou le règlement a été pris. Il est vraiment rare que cela se fasse avant. Les fois où le contrôle est exercé avant, il porte sur quelque chose de précis, par exemple une exigence relative au dépôt, et, oui, cela se fait, mais c'est vraiment rare et ça doit se trouver dans la loi précise en question.
J'aimerais parler aussi du fait que, du point de vue des intervenants, la différence principale entre l'arrêté et le règlement réside vraiment dans la publication préalable et la possibilité de formuler des observations au préalable. Parfois, les gens se trompent sur ce point. La publication préalable est une exigence de la politique du Conseil du Trésor. Ce n'est pas une exigence juridique sous le régime de la Loi sur les textes réglementaires. La possibilité de formuler des observations au préalable vaut dans le cas de la publication préalable d'un arrêté ou d'un règlement.
Je ne sais pas si cela vous aidera à saisir les différences qui existent entre le règlement et l'arrêté.
Le sénateur Banks : Oui. Vous avez formulé mon objection. Nous ne nous attendions pas à ce que les arrêtés soient examinés avant que le ministre les prenne. Nous ne nous attendions pas à un examen préalable des arrêtés comme cela vaut pour un règlement, étant donné que le Comité mixte permanent sur l'examen de la réglementation ne procède que très rarement de cette façon, pour ne pas dire jamais. Voilà néanmoins l'effet de cette loi-là. Comme vous l'avez souligné, d'ordinaire, le Comité mixte permanent sur l'examen de la réglementation se penche sur les textes réglementaires après que ceux-ci ont été pris, pour s'assurer que le projet de règlement publié dans la Gazette du Canada est conforme à la loi, que la loi l'autorise, qu'il découle de la loi et qu'il n'est pas contraire à la loi. C'est bien cela?
Mme Proulx : Parlez-vous de l'examen fait par le ministère de la Justice?
Le sénateur Banks : Je ne parle pas de cela. Je parle du Comité mixte permanent sur l'examen de la réglementation. Il examine toujours la réglementation une fois la réglementation prise.
Cette loi l'empêche de le faire. Je crois que vous l'avez confirmé : l'inclusion de ce libellé dans la loi vise à empêcher qu'un contrôle soit exercé sur la réglementation.
Mme Proulx : Je ne crois pas que ce soit pour empêcher le contrôle parlementaire. Cela devait permettre d'éliminer le processus de réglementation, de s'en dispenser. C'est un processus qui peut prendre beaucoup de temps.
Le sénateur Banks : Je suis désolé de vous interrompre. Voici où je veux en venir : d'ordinaire, une fois publié dans la Gazette du Canada, le règlement — ou dans le cas qui nous occupe, l'arrêté — est soumis au contrôle du Comité mixte permanent sur l'examen de la réglementation, toujours, sauf que ce n'est pas le cas ici. Je suis d'accord; tout cela se fait après coup. Nous ne parlons pas d'examen préalable ou d'avis préalable, quelle qu'en puisse être la forme. Nous parlons d'un contrôle exercé après coup. Selon le libellé de cette loi, le Comité mixte permanent sur l'examen de la réglementation, si j'ai bien compris ce que vous dites, ne peut se pencher sur ces arrêtés-là, du fait qu'ils sont désignés comme n'étant pas des textes réglementaires. Je m'explique cela par le fait qu'on se soustrait au contrôle parlementaire. Ai-je raison?
M. Gowe : J'aimerais essayer de répondre à votre question.
Ce n'était pas forcément ou expressément pour échapper au contrôle parlementaire que cela s'est fait ici. Il s'agissait vraiment de s'assurer que les arrêtés entrent en vigueur dès que possible. Nous n'avons pas décidé d'inclure cette disposition-là pour contourner le contrôle, à proprement parler. Nous n'avions pas de crainte sur ce plan. Notre but consistait à accélérer les projets d'infrastructure. Nous estimions que cette supposition-là nous serait utile en ce sens.
Le sénateur Banks : Cela vous conviendrait-il donc, maintenant que le projet de loi est devenu une loi, que le texte en question, l'arrêté, soit soumis au contrôle du Comité mixte permanent sur l'examen de la réglementation?
Le président : On a dit que, maintenant qu'il y a l'arrêté, à l'avenir, tout sera fait par voie de réglementation, conformément à cet arrêté-là. C'est une mesure habilitante qui doit permettre d'édicter des dispositions réglementaires à l'avenir. N'ai-je pas raison d'affirmer cela? Autrement dit, tout ce qui se fera sous le coup de cet arrêté prendra la forme d'une disposition réglementaire et sera donc assujetti au processus habituel. C'est comme ça que j'interprète les arguments qui ont été présentés avant.
Le sénateur Banks : Est-ce bien cela?
M. Gowe : Nous pouvons ajouter des éléments au texte de l'arrêté si nous trouvons d'autres catégories d'ouvrages ou d'eaux qui, à nos yeux, devraient y figurer.
Certes, nous n'avons pas l'intention de continuer à recourir aux arrêtés. C'est une mesure provisoire qui vise à permettre au gouvernement d'atteindre son but, soit d'accélérer les projets d'infrastructure. De fait, je crois que nous l'avons dit pour le compte rendu : nous entendons mettre en place la réglementation voulue au cours des trois ou quatre prochaines années — d'ici 2012, nous l'avons dit. Nous avons déjà entamé ce projet-là. Certes, nous entendons recourir à l'arrêté à titre de mesure provisoire seulement.
Le sénateur Banks : Je crois qu'ils ne sont pas tout à fait d'accord avec ce que vous avez dit, monsieur le président. À mon avis, il y aura d'autres arrêtés, des ajouts apportés à cet arrêté-là avant qu'une disposition réglementaire ne voie le jour et ceux-là, comme celui-ci, échapperont au contrôle du Parlement.
M. Gowe : Il n'y en a pas qui soit officiellement prévu en ce moment. Il pourrait y en avoir.
Le sénateur Banks : Vous dites qu'il pourrait y en avoir encore?
M. Gowe : Oui, nous pourrions en concevoir d'autres.
M. Roussel : Si vous le permettez, je vous dirai qu'il y a un programme que nous devons administrer. Nous avons des travaux en cours. Les responsables des programmes — vous avez accueilli ici beaucoup de témoins qui ont parlé des responsables des programmes — doivent disposer des outils voulus pour faire leur travail. Dès que le projet de loi C-10 a reçu la sanction royale en mars, les arrêtés s'appliquaient. Nos gens utilisent maintenant les documents en question. Nous savons que le résultat est très imparfait, mais les gens ont besoin de cela, ils s'en servent quotidiennement pour répondre aux clients qui veulent se renseigner sur ce travail notoire qui est le mien et présenter une demande.
M. Gowe est le gestionnaire responsable de ces affaires-là en Colombie-Britannique. Déjà, il utilise, aujourd'hui même, les arrêtés en question; il transmet les demandes conformes au promoteur en disant : « Allez-y. »
Au moment de rédiger le texte de loi, c'est la réglementation que nous avions d'abord et avant tout à l'esprit, et Mme Proulx a mentionné que c'est une décision stratégique qui a été prise. Une décision stratégique qui ne visait pas à empêcher le contrôle de la part du comité mixte. Loin de là. Nous pondons une bonne douzaine de règlements par année, et nous recevons les recommandations du Comité mixte permanent. Je crois que nous en avons fait 36 l'an dernier, pour parler seulement de la sécurité maritime. Nous faisons le travail que les parlementaires nous demandent de faire. Nous avons beaucoup d'expérience en élaboration de dispositions réglementaires; en élaborant les règlements, nous savons que les Canadiens n'auront pas en main la norme qui est en train d'être conçue sous la forme d'un arrêté. Cela est clair.
Nous travaillons actuellement à l'élaboration de telles dispositions réglementaires. Nous nous engageons à élaborer le régime de réglementation, mais il faudra pour cela un an ou deux, au minimum. Nous ne pouvons affirmer que nous ne recourrons plus aux arrêtés; ce serait nous lier nous-mêmes les mains. Nous ne savons pas à quoi ressemblent les exigences particulières auxquelles il faudra répondre dans l'ensemble; nous allons peut-être vouloir en publier d'autres. Toutefois, ce n'est pas notre but pour demain. Notre but, pour demain, c'est de nous attaquer à l'arriéré, d'aller de l'avant avec les nouvelles demandes et d'accélérer l'attribution des permis dans un cadre raisonnable.
Le président : Sénateur Banks, je crois que vous avez obtenu la réponse à votre question.
Le sénateur Banks : Oui.
Le président : Cela a toujours été clair; dès le départ, il s'agissait de se soustraire au contrôle, à l'examen par le Parlement, pour mieux aller de l'avant. Les auteurs de la mesure affirment qu'une fois n'est pas coutume, qu'ils n'y recourront pas à l'avenir. Vous, vous dites que ça se trouve dans la loi et que le procédé pourrait servir de nouveau. Eux, ils disent que ça pourrait se produire, mais que ce n'était pas là leur intention.
Avez-vous une question complémentaire à poser, sénateur Spivak?
Le sénateur Spivak : Oui, je veux obtenir une précision en rapport avec les questions posées par le sénateur Banks.
Cette loi découle de procédés inhabituels. Premièrement, elle figurait dans le budget. Deuxièmement, le Sénat ne pouvait l'examiner. Troisièmement, il y a les arrêtés qui ont maintenant force de loi. Vous dites que tout cela a été fait — et je vais être très claire sur ce point — pour que les choses aillent rapidement. Voici la difficulté que cela me pose : comme le sénateur Mitchell, je demanderai combien de projets, dans le cadre du programme de relance, doivent absolument profiter d'un traitement d'urgence inhabituel, en dehors de la procédure parlementaire habituelle?
M. Gowe : Je n'ai pas les statistiques exactes, mais il y aurait certains ouvrages.
M. Roussel : Non, nous avons les statistiques, et le comité peut trouver les statistiques dans les réponses données.
Le sénateur Spivak : J'y ait jeté un coup d'œil, mais je suis désolée; je ne suis tout simplement pas...
M. Roussel : Au projet Fonds Chantiers Canada...
Le sénateur Spivak : Oui, j'ai regardé cela.
Le sénateur Milne : C'est un vieux programme. Ce n'est pas la même chose.
Le président : Excusez-moi. Une seule personne peut parler à la fois.
Monsieur Roussel, vous réagissez à l'intervention du sénateur Spivak?
M. Roussel : Oui. Nous avons envoyé ce document.
Le président : Pour le compte rendu, disons que, cette semaine, le comité a reçu, en réponse à diverses demandes de documentation complémentaire, une lettre accompagnée de plusieurs documents. La lettre est adressée à moi, président du comité. Elle provient de M. Donald Roussel, le témoin qui est devant moi en ce moment.
La lettre est datée du 26 mai et m'est adressée à moi. Elle provient de M. Roussel, qui y dit :
Pour donner suite à la réunion du Comité permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles du Sénat, tenue le 23 avril 2009, je suis heureux de vous faire parvenir les documents ci-joints en réponse aux questions soulevées par quelques membres du Comité.
C'est le document auquel le témoin faisait allusion et c'est le document que vous avez entre les mains, sénateur Spivak.
Le sénateur Spivak : Oui. Puis-je creuser ce sillon un peu plus?
Le président : Un peu plus.
Le sénateur Spivak : Vous dites que parmi 431 projets, il y en a 163 qui devraient bénéficier de ce traitement en accéléré inhabituel au Parlement — et vous dites que c'était une décision stratégique?
M. Roussel : Non, ce n'est pas ce que nous disons. Nous disons que la modification apportée à la loi est utile à ces projets-là. Cette loi-là sera utile à ces projets-là.
Est-ce que nous rattachons des projets particuliers à des sections particulières de la loi? Oui, nous avons une liste de projets qui ont droit aux avantages particuliers découlant de la loi.
Le sénateur Spivak : Mais ce n'est pas la liste ici?
M. Roussel : Ce sont les chiffres.
Le sénateur Spivak : Les chiffres?
M. Roussel : Ce n'est pas le projet A, B, C et D.
Le sénateur Spivak : Encore une fois...
M. Roussel : Laissez-moi finir. Le ministère en reçoit des douzaines tous les jours, maintenant. Demain, nous pouvons dresser une autre liste, puis, chaque semaine par la suite, une autre liste encore, étant donné que les municipalités et les provinces proposent leurs projets. Nous en constatons l'utilité dans l'immédiat.
Le sénateur Spivak : Ce sont des projets d'envergure qui ne sont pas assujettis maintenant...
M. Roussel : Ce ne sont pas forcément des projets d'envergure.
Le sénateur Spivak : Ce sont des projets secondaires?
M. Roussel : Ce sont des projets au sens général du terme.
Le sénateur Spivak : Monsieur le président, il s'agit là d'une question clé. Le traitement accéléré, le traitement urgent était-il nécessaire pour échapper aux contrôles parlementaires habituels?
J'aimerais obtenir d'autres renseignements là-dessus. Vous n'avez pas à me donner tous les éléments d'information. Donnez-nous quelques exemples de ce dont vous parlez.
M. Roussel : Je peux.
Le sénateur Spivak : Attendez un peu. Je n'ai pas terminé, et le président va m'arrêter d'une minute à l'autre.
Vous dites que les arrêtés ne sont pas censé être applicables à jamais et qu'il y aura encore une réglementation, mais ce n'est pas une exigence selon la loi, n'est-ce pas?
M. Gowe : Que ça devienne des arrêtés, voulez-vous dire?
Le sénateur Spivak : Que ça devienne des dispositions réglementaires. Sinon, un ministre ou un sous-ministre peut-il envoyer au comité une lettre pour affirmer que cela s'est souvent fait par le passé, donner la période applicable et signifier l'intention de transformer l'arrêté en dispositions réglementaires, de sorte que le processus parlementaire pourrait s'appliquer?
M. Roussel : Ce sont des questions particulières auxquelles je ne saurais répondre; c'est le ministre qui décide de la façon dont il recourra aux arrêtés qui doit y répondre.
Le président : Le sénateur Spivak a demandé si vous pouviez fournir une lettre d'intention.
M. Roussel : Nous laissons aux autorités appropriées du ministère le soin de répondre à cela.
Le président : Vous allez vérifier ça, autrement dit?
M. Roussel : Oui.
Le président : Merci.
M. Roussel : Je dois répondre aux questions du sénateur Spivak à propos des projets particuliers qu'il y a.
Dans le document que nous vous avons remis hier, à la question 4, il y a l'annexe B. Vous trouverez à l'annexe B les fameux projets particuliers qui relèvent de sections particulières d'une loi qui sont utiles aux projets. Les éléments de la liste sont ventilés par région.
Le sénateur Spivak : Je m'excuse. Comme nous venons de recevoir ce document, personne n'a eu l'occasion d'y jeter un coup d'œil.
M. Roussel : Ce n'est pas grave. La réponse à votre question se trouve dans la documentation.
Le sénateur Spivak : Merci.
Le sénateur Banks : Durant son témoignage précédent, M. Osbaldeston s'est engagé à donner des exemples qui devaient nous aider à comprendre la question que je m'apprête à soulever.
Selon la loi, le ministre peut incorporer par renvoi dans un arrêté tout document, quelle que soit sa provenance. C'est l'incorporation dynamique de documents provenant de n'importe quelle source, c'est-à-dire que si la source modifie les précisions données, quelles qu'elles soient, les modifications en question, qui peuvent avoir été faites en Lituanie — je donne un exemple absurde —, deviennent partie intégrante du règlement et partie intégrante de la loi.
À mon avis, c'est trop large; dire qu'il est possible d'incorporer par renvoi les documents de toute provenance : cela est trop large. J'ai demandé à M. Osbaldeston de nous donner quelques exemples de ce qu'il entendait par là. Il a commencé à le faire, puis a dit : « Je vais vous envoyer des exemples. » Peut-être l'ai-je mal compris, mais j'aimerais que nous disposions de quelques exemples à ce chapitre. De cette façon, nous allons pouvoir essayer, dans la mesure où le comité décide de le faire, de proposer des façons de circonscrire la situation quelque peu, pour que le ministre ne dispose pas d'un pouvoir sans limites en ce sens.
M. Gowe : J'ajouterais seulement que l'exemple qu'il a fourni, c'est celui du dégagement prévu par CSA International pour les lignes de transport d'énergie électrique. Certes, c'est la norme à laquelle nous pouvons souvent recourir. De temps en temps, elle est modifiée; alors, reproduire le règlement ou l'arrêté... la difficulté, c'est que les gens ont tendance à garder les documents dans un tiroir quelque part. S'ils ne reçoivent pas le nouveau document, ils utilisent une information périmée. C'est pourquoi nous avons voulu incorporer cela par renvoi. Il y a d'autres normes qui existent, par exemple des normes techniques, qui s'appliquent ici.
Le sénateur Banks : Je comprends pourquoi il faut ces changements-là. Je le comprends.
Ce que je voudrais recevoir — et ce que j'ai demandé à M. Osbaldeston de nous donner au moyen d'exemples, si c'était possible, et j'ai peut-être mal compris ce qu'il s'était engagé à faire et, le cas échéant, je vous serais reconnaissant de prendre la tâche en charge vous-même —, c'est une liste des documents à titre d'exemple : voici les documents que nous aimerions incorporer, puis il faudrait trouver une formule pour élargir cela d'une certaine manière, mais, en même temps, en délimiter les contours pour que nous sachions que vous n'allez pas incorporer par renvoi les lois environnementales de la Bordurie orientale.
Le président : Attendez-vous une réponse à ça, sénateur Banks? Vous venez de faire une déclaration.
Le sénateur Banks : C'était une déclaration. Je me demande si nous pourrions recevoir de tels exemples, pour pouvoir les étudier au moment de formuler nos recommandations, si le comité décide de le faire, et dans la perspective de recommander que, d'une manière ou d'une autre, on définisse et on délimite la capacité d'importer de tels documents par renvoi, pour que ce ne soit pas si ouvert. Dans la mesure où vous pouvez nous aider, il vaudrait peut- être mieux que vous proposiez une façon de procéder, plutôt que de nous laisser le soin de l'imaginer.
Le président : À cet égard, s'il est possible de le faire, selon votre champ de responsabilité, monsieur Roussel, j'inviterais la greffière ou notre attaché de recherche de la Bibliothèque du Parlement, M. Marc Leblanc, qui travaille à notre rapport, à communiquer avec vous. Notre délai approche à grands pas.
M. Roussel : Très bien.
Le président : Soit que ça existe, soit que ça n'existe pas. Si vous pouvez nous fournir ces informations-là, nous vous en serions reconnaissants. Sinon, c'est très bien aussi.
M. Roussel : Je crois que nous avons donné quelques exemples et, habituellement, nous citons en exemple la CSA ou d'autres normes reconnues à l'échelle internationale.
Si je me souviens bien, j'ai déjà expliqué au comité que nous ne pouvons nous reporter à des normes que nous n'aidons pas à élaborer, de manière générale. C'est là une règle lorsque nous créons un règlement. Par exemple, nous devons faire partie de l'ISO; nous devons faire partie de la CSA; et nous devons avoir des gens qui travaillent à l'élaboration de ces normes-là. Nous devons avoir notre mot à dire.
Le sénateur Banks : Cette description-là serait parfaite.
M. Roussel : Je crois que l'établissement des renvois relève des procédés que nous employons pour élaborer les règlements. Je ne suis pas avocat; je ferai attention à ce que je dis.
Le sénateur Milne : Monsieur Roussel, vous avez parlé de cette liste — je vous remercie de l'avoir produite —, des projets ainsi financés grâce au Fonds Chantiers Canada et des éléments communautaires qui le composent. Dans 163 cas, c'est à 30 mètres de l'eau. Vous vous attaquez visiblement à votre arriéré, mais vraiment, étant donné que les projets communautaires associés à Chantiers Canada faisaient partie d'un budget antérieur et relevaient d'un programme antérieur. Combien des projets en question sont vraiment en cours en ce moment?
M. Roussel : Je ne peux répondre à cette question-là.
Le sénateur Milne : Pourquoi?
M. Roussel : Parce que je ne fais pas partie de la division des programmes qui distribue les fonds en question. Nous nous occupons du volet réglementation de Transports Canada. Nous ne sommes pas les pourvoyeurs financiers. C'est le programme qui est responsable de cela, pas Transports Canada.
Le sénateur Milne : Vous ne pourrez donc répondre à ma question suivante non plus. Dans ce budget, c'est le plan de relance qui est à l'origine de la décision, de l'idée d'un arrêté pris pour que les choses avancent plus rapidement. Vous n'aurez pas la moindre idée du nombre de projets en cours ou du nombre qui a vraiment été approuvé?
M. Roussel : Non, je n'ai pas cette information-là, mais vous pouvez l'obtenir du ministère.
Le sénateur Milne : Y a-t-il une façon pour nous d'obtenir cette information-là, monsieur Roussel?
M. Roussel : Nous pouvons vérifier cela au ministère.
Le sénateur Milne : Je dois vous remercier pour cela tout au moins, je suppose.
D'après l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, la Couronne doit consulter les groupes autochtones là où il y a un empiètement possible sur les droits que leur confèrent les traités — et le droit de navigation figure parmi les droits issus des traités. Pourquoi le ministère n'a-t-il pas consulté les Canadiens de souche autochtone? Nous avons accueilli leurs témoignages un soir, témoignages très convaincants.
M. Roussel : Je crois que M. Gene est venu témoigner devant votre comité. Il a donné la liste des personnes appelées à témoigner devant votre comité et nommé celles qui ne se sont pas présentées.
Le sénateur Milne : Elles ne se sont peut-être pas présentées, monsieur Roussel, mais la Couronne a l'obligation de les consulter.
M. Roussel : Je ne le nie pas.
Le sénateur Milne : Elles n'ont pas été consultées.
M. Roussel : Je ne peux...
Mme Proulx : Je crois que M. Gene en a déjà parlé, dans le sens où la Loi d'exécution du budget ne prévoyait pas de consultation. C'était une décision gouvernementale. Encore une fois, je ne suis pas spécialiste du droit des Autochtones, mais je peux vous donner quelques éléments d'information.
Pour ce qui est de la modification de la LPEN, elle ne devrait pas empiéter sur les droits des Autochtones. La question de la consultation n'est pas prévue dans la loi, et on me dit qu'elle n'est habituellement pas prévue dans les lois. Au meilleur de ma connaissance, il n'y a aucune loi fédérale qui mentionne la consultation des Autochtones. Le ministère a mis en place des procédés pour déterminer les cas où les affaires de la Couronne peuvent entraîner l'obligation juridique de consulter des groupes autochtones.
Le sénateur Milne : Êtes-vous en train de me dire que leur seul recours, c'est de traduire le gouvernement devant les tribunaux?
Mme Proulx : Non, ce n'est pas ce que je dis. Je voulais ajouter que l'intention est d'en arriver à une réglementation supposant aussi que les groupes autochtones soient consultés.
Le sénateur Milne : Tout de même, il n'y a pas de réglementation; il y a un arrêté.
Mme Proulx : Oui, mais Transports Canada a l'intention de...
Le sénateur Milne : À un moment donné, à l'avenir?
Mme Proulx : Je ne saurais dire à quel moment la réglementation sera élaborée, mais c'est là l'intention, comme nous l'avons dit auparavant, du point de vue des orientations gouvernementales... Je crois que M. Roussel pourrait peut-être ajouter quelque chose à cela.
M. Roussel : Oui. Nous allons procéder à des consultations, comme nous le faisons, auprès des groupes autochtones. Nous consultons des groupes autochtones à propos de chaque projet qui nous est présenté là où il faut le faire, et il y a toute une équipe qui se charge de cette tâche-là.
M. Gowe peut parler des différents projets qu'il y a, en Colombie-Britannique, où il faut consulter des groupes autochtones. La loi est une chose, le règlement en est une autre, mais à propos de chacun des projets particuliers présentés, vous pouvez être assuré de ce fait : ils sont consultés.
Le sénateur Milne : Eh bien, il est bien d'entendre cela, et je suis certaine qu'ils seront heureux d'entendre cela aussi. Pourquoi n'avez-vous pas dit ça au début, monsieur Roussel?
Le président : En toute justice, si vous me le permettez, je dirai, à propos du sénateur Milne, qu'elle est très futée. Nous sommes nombreux à nous méprendre sur le sujet. Avant que vous disiez ce que vous venez de dire, à l'exemple du sénateur Milne, je croyais que vous n'alliez pas consulter les gens comme le veut la loi. En fin de compte, vous dites que, dans chaque cas où il faut le faire selon la loi, il y aura une consultation en bonne et due forme. C'est bien ce que vous dites?
M. Roussel : Monsieur le président, si vous me le permettez, nous parlions de lois et de règlements. Maintenant, nous en sommes à chacun des projets particuliers qui est présenté, et le processus est exhaustif.
Le sénateur McCoy : Une précision là-dessus : vous dites « qui est présenté », mais vous avez éliminé la nécessité de présenter toute une catégorie d'ouvrages. Les projets qui sont dispensés selon la LPEN ne seraient pas présentés. C'est bien cela?
M. Roussel : Oui. Ils ne seraient pas présentés, mais ils sont aménagés d'après les normes. À mon avis, ça ne libère pas les gens de l'obligation de s'assurer de ne pas empiéter sur les droits des Premières nations
Le sénateur McCoy : C'est la Couronne qui exerce une obligation fiduciaire, pas les gens. Je ne veux pas parler plus à fond de cette question-là. J'essaie de souligner que personne ne devrait être trop rassuré pour l'instant.
Le sénateur Adams : J'ai une question complémentaire à la question du sénateur Milne. Je m'excuse d'être arrivé en retard. Nous avons trois groupes autochtones reconnus : les Premières nations, les Métis et les Inuits. De quel groupe parlez-vous? Des trois? Parlez-vous de l'APN et des Inuits? Nous avons réglé notre revendication territoriale, ce qui comprend les droits de récolte, au Nunavut. Êtes-vous en train de dire que nous n'aurons plus les droits de chasse en question? En ce moment, notre chasse ne fait pas l'objet de restrictions saisonnières. Vous avez le droit de prendre trois poissons par jour, mais, moi, j'habite au Nunavut, où je ne suis soumis à aucune limite du genre.
On dit que les Autochtones n'ont pas le droit de dire quoi que ce soit et qu'ils auront des frais à acquitter. Est-ce vrai?
Mme Proulx : Non, ce n'est pas ce que nous disons.
Le sénateur Adams : Qu'en est-il de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982?
M. Roussel : Sénateur Adams, le projet de loi a été adopté le 12 mars 2009. Nous ne parlons pas de chasse et de pêche. Nous parlons de l'aménagement de projets. Le sujet était la consultation des Autochtones. Les trois groupes que vous avez mentionnés sont à consulter au besoin. Nous allons les consulter dans la mesure où le projet les touche. C'est la seule chose que nous pussions dire.
Le sénateur Adams : Je m'excuse. Je suis arrivé en retard et j'ai seulement entendu le sénateur Milne dire que ces gens-là n'avaient pas le droit d'être consultés une fois le projet de loi adopté. Ça ressemblait à ça.
L'accord sur nos revendications territoriales nous confère des droits. Le gouvernement a signé l'accord. Maintenant, il présente un nouveau projet de loi où il est dit que tous ceux qui passent par la rivière devront acquitter des frais.
Le président : Nous avons accueilli les représentants de l'Assemblée des Premières Nations à une autre séance. Nous ne discutons de la question qu'à titre de suivi ce soir. Avec tout le respect que je vous dois, je dois dire qu'il ne nous reste que quatre minutes. Vous savez que je vais vous donner autant de temps qu'il vous faut, mais nous devons nous en tenir au sujet. J'insisterai là-dessus.
Le sénateur Merchant : Monsieur Roussel, je vous renvoie à votre lettre à l'intention du président du comité. Je note une question à la page trois :
Question 3 — Fourniture de statistiques au sujet des plaintes : Quel est le taux d'approbation résultant de plaintes par rapport aux approbations résultant des inspections?
Vous répondez que, malheureusement, ces statistiques ne sont pas disponibles. Pourquoi?
M. Roussel : Nous ne les avons pas.
Le sénateur Merchant : Vous ne tenez pas ce genre de statistiques?
M. Roussel : Non.
Le sénateur Merchant : Qu'est-ce que vous allez examiner au juste au moment de l'examen quinquennal? N'allez- vous pas regarder les plaintes que vous aurez reçues? Vous n'aurez aucune statistique à ce sujet.
M. Gowe : Je pourrais peut-être répondre à la question. En ce moment, la façon dont les plaintes sont enregistrées diffère quelque peu d'une région à l'autre, étant donné que notre base de données permettait une trop grande marge de manœuvre individuelle. Nous en sommes au dernier mois de l'établissement d'une nouvelle base de données qui nous permettra de recueillir ce genre d'information avec beaucoup plus d'efficacité. Vérifier manuellement chacune des entrées faites dans la base de données pour déterminer si c'est inscrit comme plainte ou dans une autre catégorie, voilà un travail titanesque.
En disant « malheureusement, ces statistiques ne sont pas disponibles », nous voulions dire que nous n'en disposons pas sous une forme qu'il est facile d'exploiter pour l'instant. Certes, nous allons améliorer notre collecte de données et notre capacité de produire des rapports sur diverses catégories de statistiques au cours des 12 à 24 prochains mois.
Le sénateur Merchant : L'examen auquel vous allez procéder ne sera pas fondé sur les plaintes présentées. Vous ne dites pas comment vous allez organiser l'examen en question ni ce que vous allez utiliser comme référence pour en arriver à votre conclusion.
M. Gowe : Nous recevons bel et bien des plaintes. Chaque région reçoit diverses plaintes, qu'il s'agisse d'ouvrages ou d'obstacles à la navigation, sinon c'est la couleur de la maison du voisin qui ne plaît pas aux gens. Le ministère reçoit toutes sortes de plaintes. Nous faisons le tri pour déterminer quelle plainte s'inscrit dans notre mandat et prenons des mesures correctives au besoin.
Le hic, c'est que nous n'arrivons pas très bien à les enregistrer de manière à pouvoir, par la suite, faire une recherche dans notre base de données et récupérer le dossier en étant parfaitement sûrs. Nous avons admis que ce problème-là existait et nous avons essayé d'améliorer le système. L'information n'est pas accessible aujourd'hui.
Le sénateur Merchant : C'est bien, merci.
Le sénateur Milne : J'ai une petite question complémentaire qui s'apparente davantage à une observation qu'à une question. À partir de maintenant, la démarche sera toujours fondée sur une plainte là où il s'agit d'ouvrages ou d'eaux secondaires. Sincèrement, j'espère que, à partir d'aujourd'hui, vous allez enregistrer ces plaintes-là et en assurer le suivi, étant donné qu'elles sont encore plus importantes à l'avenir.
M. Gowe : Oui.
Le sénateur Banks : Vous allez peut-être vouloir adresser votre réponse par écrit à la greffière, étant donné que nous manquons de temps.
Les arrêtés ministériels établissent les catégories d'ouvrages secondaires et de grands ouvrages. Dans l'arrêté ministériel qui nous occupe, les critères qui caractérisent les ouvrages secondaires sont exposés clairement et de façon détaillée. L'arrêté dicte les normes de construction des divers ouvrages qui y sont définis. Toutefois, en ce qui a trait aux critères que doivent respecter les ouvrages construits sur des eaux navigables secondaires pour être conformes à la loi, l'arrêté est muet. Comment une personne qui construit de tels ouvrages sur des eaux navigables secondaires fera-t- elle pour savoir si les ouvrages en question sont en conformité avec la loi? A-t-on mis en place des lignes directrices à cet égard? Prendra-t-on un arrêté ministériel pour énoncer ces critères de conformité avec la loi? Ces critères sont-ils définis ailleurs? J'ignore si vous pouvez répondre maintenant à cette question ou si vous souhaitez faire parvenir votre réponse par écrit à la greffière. La décision vous revient, monsieur le président.
M. Gowe : J'allais souligner que l'exclusion vise en fait le cours d'eau, de sorte que, lorsque nous avons exclu certains ouvrages construits sur des eaux navigables et certaines eaux secondaires, nous n'avons pas pris en considération les types d'ouvrages qui pourraient se construire sur les eaux secondaires qui font l'objet d'une exclusion. Nous n'avions pas l'intention de limiter le genre d'activités qui se dérouleraient sur les eaux exclues.
Le sénateur Banks : Peut-être que je ne comprends pas très bien la réponse. Si je construisais un ouvrage sur un cours d'eau secondaire, comment pourrais-je savoir si l'ouvrage en question est en conformité avec la loi?
M. Gowe : Si le cours d'eau sur lequel vous envisagez de construire cet ouvrage répond aux critères, alors il n'y a pas lieu de présenter une demande d'approbation de l'ouvrage.
Le sénateur Banks : Je le sais.
Le président : Il se demande comment il pourrait savoir que son ouvrage est conforme à la loi. Nous avons eu une discussion à ce sujet. Il doit bien y avoir une source à laquelle il pourrait se référer. Prenons, comme quelqu'un l'a dit, l'agriculteur qui n'aurait pas accès à tous les ouvrages de droit et documents législatifs : comment saurait-il que son ouvrage satisfait à ces critères?
M. Gowe : Même s'il s'agit d'un ouvrage secondaire?
Le sénateur Banks : Non, pas un ouvrage secondaire; un ouvrage qui serait construit sur un cours d'eau secondaire. Le terme « ouvrage secondaire » est clairement défini. Je sais que je n'aurais pas besoin de présenter une demande d'approbation, mais je sais également que mon ouvrage devrait respecter certains critères de conformité. Si je construisais un ouvrage sur un cours d'eau secondaire, comment pourrais-je savoir qu'il est en conformité avec la loi?
M. Gowe : Nous ne tentons pas de définir ce qui se construirait sur un cours d'eau secondaire. Nous excluons les cours d'eau secondaires.
Le sénateur Banks : Je pourrais donc construire ce que je voudrais sur ce cours d'eau?
M. Gowe : En effet.
Le sénateur Milne : On pourrait construire une autoroute à quatre voies sur un ruisseau qui coule un peu au printemps, mais qui est à sec le restant de l'année?
M. Gowe : Du point de vue de la navigation, oui. Certes, il y aurait d'autres lois qui s'appliqueraient. En qualifiant ces cours d'eau « de secondaires », nous n'essayons pas de décider de ce qui se construira sur ces eaux. Si une personne souhaite construire un ouvrage secondaire sur un grand cours d'eau navigable, elle doit respecter les critères qui ont été clairement établis.
Le sénateur Banks : Je voudrais confirmer ce que vous venez de dire, à savoir que je peux construire ce que je veux sur un cours d'eau qualifié de « secondaire » dans un arrêté ministériel?
M. Gowe : Oui, pourvu que ce cours d'eau réponde aux critères définissant les eaux secondaires dans l'arrêté ministériel.
Le sénateur Banks : Je pourrais donc entraver la navigation sur un cours d'eau secondaire?
M. Gowe : L'idée d'exclure ces eaux secondaires tenait au fait que, logiquement, il est impossible de naviguer sur ce type de cours d'eau. C'est le principe sur lequel repose la politique relative aux eaux secondaires.
Le sénateur Mitchell : On les décrit pourtant comme des « eaux navigables secondaires ». Par conséquent, ce que vous dites, c'est que, dès qu'un cours d'eau est déclaré « secondaire », quiconque peut alors y construire ce qu'il veut — au-dessus ou en dessous, —, sans tenir compte un tant soit peu des normes qui autrement devraient être respectées aux termes de la Loi sur la protection des eaux navigables. En fait, en excluant les eaux secondaires, qui pourraient bien être navigables, on exclut l'application de normes qui autrement seraient appliquées?
M. Gowe : Exactement.
Le sénateur Mitchell : Non seulement on n'a pas besoin de présenter une demande d'approbation, mais on peut également construire ce que l'on veut.
M. Gowe : C'est exact.
Le sénateur Mitchell : Voilà le cœur du problème.
Le sénateur Banks : Oh.
Le sénateur Mitchell : Nous pensions qu'il en était autrement; nous vous remercions de cette précision.
Le sénateur McCoy : Permettez-moi d'abord, monsieur Roussel, de vous féliciter pour votre patience et votre bonne humeur indéfectibles.
Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Gowe, et j'ose espérer que vous serez impatient de revenir nous voir, et que ce sera également le cas de Mme Proulx.
J'aurais trois questions à vous poser, dont l'une porte sur votre organigramme. Nous vous l'avions demandé, et vous nous l'avez soumis aujourd'hui; je vous en remercie beaucoup.
Je constate, monsieur Roussel, que votre poste figure dans le troisième encadré de la page 1. Il y a d'abord le sous- ministre, puis on voit le sous-ministre adjoint, Sécurité et sûreté, et, ensuite, il y a vous, directeur général, Sécurité maritime. Je présume que le poste de M. Osbaldeston apparaît deux encadrés plus bas, puisqu'il est le gestionnaire du Programme de protection des eaux navigables, et vous travaillez tous à Ottawa.
Monsieur Gowe, si j'ai bien compris, vous êtes originaire de la Colombie-Britannique?
M. Gowe : Oui, c'est exact. Je suis le gestionnaire de la protection des eaux navigables.
Le sénateur McCoy : Si je vais à la page 4, il y a l'organigramme de la région du Pacifique. Vous êtes le gestionnaire de la protection des eaux navigables, de sorte que vous relevez du directeur régional, Marine; du directeur général régional, Pacifique; et du SMA, Sécurité et sûreté, qui est à Ottawa?
M. Gowe : C'est exact.
Le sénateur McCoy : Par conséquent, vous ne relevez pas de M. Osbaldeston?
M. Gowe : Non.
Le sénateur McCoy : Pas plus que vous ne relevez de M. Roussel, ou par l'intermédiaire de M. Osbaldeston?
M. Gowe : Peut-être pas de façon directe.
M. Roussel : Je peux vous expliquer ce qui en est. Encore une fois, vous posez une excellente question, sénateur McCoy.
Il y a deux notions dont il faut tenir compte ici. Dans un premier temps, la fonction publique est une autorité fonctionnelle. Les autorités fonctionnelles sont celles qui élaborent les politiques, les procédures et les directives relatives au travail, et toutes ces activités sont effectuées à l'échelon national. Je suis le directeur général fonctionnel à l'échelon national, et M. Osbaldeston est le gestionnaire fonctionnel national.
Viennent ensuite les autorités hiérarchiques, dans les régions, à des fins opérationnelles. Il y a des directeurs généraux régionaux. Il y a le directeur régional de la Sécurité maritime, et le gestionnaire régional, en l'occurrence M. Gowe. Il exécute le programme de façon à ce qu'il soit mis en œuvre dans une perspective fonctionnelle. Toutefois, dans l'ensemble, sur le plan de la sécurité maritime, je suis responsable du budget global, tant fonctionnel que hiérarchique, et, au bout du compte, nous relevons tous des sous-ministres à Ottawa.
Le sénateur McCoy : Oui. Loin de moi l'idée de faire des plaisanteries, mais, comme je viens de l'Alberta, l'une des régions, ou une partie d'une région, chaque fois qu'un fonctionnaire d'Ottawa dit, d'un ton légèrement condescendant, « dans les régions », cela nous agace quelque peu, alors pardonnez ma susceptibilité pour la suite des questions.
L'une des régions dans l'organigramme est la région des Prairies et du Nord. Cette région comprend-elle le Manitoba, la Saskatchewan, l'Alberta, les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon?
M. Roussel : Oui.
M. Gowe : Et le Nunavut.
Le sénateur McCoy : Et le Nunavut? Il y en a six : trois provinces et les trois territoires. L'organigramme montre que cette région — et, si cela ne vous dérange pas, nous dirons simplement « à l'échelon régional » — compte un surintendant et six agents responsables de la protection des eaux navigables. Il est indiqué que l'un des agents est à Edmonton, mais un autre agent est désigné par la mention « Ed », et je présume qu'il s'agit de l'abréviation d'Edmonton. Je suppose donc qu'il y a deux agents de la protection des eaux pour l'ensemble de l'Alberta. Ai-je raison de tirer cette conclusion à la lecture de votre organigramme?
M. Roussel : Oui, vous avez raison. La région des Prairies et du Nord est très vaste. Le bureau de Winnipeg est l'administration centrale de la région. Il compte une équipe, et il y a une autre équipe à Edmonton. Il y a deux employés à Winnipeg, mais le gestionnaire est à Edmonton.
Le sénateur McCoy : Il se passe beaucoup d'activités dans la province. Cette situation explique peut-être en partie pourquoi le gouvernement de l'Alberta fait continuellement des observations à l'égard de l'application de la Loi sur la protection des eaux navigables. La pièce jointe B donne des exemples de projets qui feront l'objet d'un traitement accéléré grâce aux modifications qui sont apportées à la loi. J'ai été très déçue de constater que l'Alberta n'apparaît nulle part dans les exemples. Par conséquent, vous allez peut-être continuer de vous attirer les foudres des Albertains qui s'intéressent à ce dossier.
Pendant un certain temps, vous avez appliqué la loi en disant aux gens que, s'ils souhaitaient construire un ouvrage secondaire, tant que l'ouvrage en question respectait certaines normes de construction, ils n'avaient pas besoin d'approbation. Vous procédiez de cette façon depuis un bon bout de temps lorsque les modifications sont entrées en vigueur. N'est-ce pas?
M. Roussel : Nous avons rédigé une brochure qui visait différents types d'ouvrages et qui était fondée sur les politiques. Je crois que nous en avons fait mention au comité. Lorsqu'on s'appuie sur des politiques, ce sont les fonctionnaires qui prennent le risque, car ils ne peuvent appuyer leurs décisions sur un cadre législatif. Nous n'aimons pas évoluer dans un tel contexte, car nous pouvons alors faire l'objet de poursuites.
Le sénateur McCoy : Depuis combien de temps appliquiez-vous la loi de cette façon?
M. Gowe : Les politiques étaient en place depuis deux ans.
Le sénateur McCoy : Votre site Web était très bien documenté, et l'information qu'il présentait était claire. Tous les exemples que M. Osbaldeston nous avait donnés lorsque je l'ai rencontré à une réunion du comité des finances étaient tous suivis.
M. Roussel : Ils ont inspiré les premiers arrêtés qui ont été publiés. La brochure s'appuyait sur les politiques plutôt que sur les arrêtés définitifs. Nous avons dû modifier considérablement la brochure pour qu'elle comprenne les arrêtés. Toutefois, les politiques sont l'inspiration première.
Le sénateur McCoy : Est-ce que des fonctionnaires ont fait l'objet de poursuites en raison d'une décision fondée sur les politiques?
M. Roussel : À ma connaissance, aucun n'a été poursuivi. Nous nous estimons chanceux.
M. Gowe : Aucune plainte n'a été formulée.
Le sénateur McCoy : Il est tout à fait légitime de votre part de prendre des décisions en vous appuyant sur des politiques. Rien dans la loi ne vous empêchait de le faire. Je ne vous le reproche pas. Je veux seulement souligner le fait que vous aviez la possibilité de procéder de cette façon avant qu'on apporte des changements à la loi.
Ma dernière question se rapporte également à l'Alberta. On nous a relaté un cas où il s'est écoulé deux ans et demi entre la présentation d'une demande d'approbation pour la construction d'un déversoir à Calgary et l'obtention de l'approbation.
Monsieur Gowe, je suis persuadée que votre homologue albertain est heureux que vous vous soyez porté volontaire pour venir témoigner ici. Je ne voudrais pas vous mettre sur la sellette, mais je souhaiterais attirer l'attention sur cette question, car, en examinant ce dossier, je peux m'imaginer ce à quoi vous devez faire face.
J'ai déjà demandé à des fonctionnaires de concevoir des programmes administratifs semblables. J'ai parlé à d'autres membres de la fonction publique fédérale qui ont fait de même. Avez-vous fixé des normes applicables aux délais de réponse dans le cadre de l'établissement de vos procédures, ou avez-vous l'intention de le faire?
M. Gowe : Cette option a été envisagée au cours de nos travaux sur les politiques. Mais elle n'a tout simplement pas été retenue pour cette série de modifications.
Le sénateur Mitchell : Je sens que le président est tendu et je sais à quel point il fait preuve d'indulgence.
Monsieur Roussel, en ce qui a trait au tableau que nous avons vu plus tôt, vous dites que les modifications s'appliqueraient à ce genre de projets. Êtes-vous en train de me dire que, parmi les 431 projets du plan Chantiers Canada, il y en a 163 qui se trouvent à moins de 30 mètres d'un plan d'eau, de sorte que ces ouvrages seraient tous visés directement par le projet de loi, ou le projet de loi toucherait-il seulement une partie de ces 163 projets?
M. Roussel : Nous disons que ces modifications profiteront d'une manière ou d'une autre à ces 163 projets.
Le sénateur Mitchell : Chaque projet qui se situe à moins de 30 mètres d'un plan d'eau est concerné par les modifications?
M. Roussel : Oui.
Le sénateur Mitchell : Je croyais que le projet de loi n'aurait une incidence que sur les ouvrages qui étaient à plus de...
M. Roussel : Nous disons que 163 projets ont tiré avantage des modifications. Je n'ai pas les détails sur les répercussions. Nous ne vous avons pas fourni les détails concernant chacun des projets.
Vous aviez deux questions. Vous nous avez demandé de vous fournir le nombre de projets qui profiteraient des modifications de la loi. Nous vous avons donné cette information. Puis vous nous avez demandé de vous expliquer quelle était l'incidence précise des modifications sur certains des projets — pas l'ensemble, mais certains des projets. Nous vous avons transmis ces deux documents. L'un vous fournit une réponse générale, tandis que l'autre vous donne une réponse plus précise.
Le sénateur Mitchell : Cela signifie qu'il y a au total 431 projets nationaux, dont aucun n'a de conséquence sur les plans d'eau. Il y a 163 projets qui se trouvent à moins de 30 mètres d'un plan d'eau, et vous dites qu'ils sont tous visés par les modifications apportées à la loi. J'ai besoin de vous parler après la séance pour obtenir des précisions à cet égard.
Enfin, même si ce projet de loi simplifie la procédure ou exclut certains types d'ouvrages — ce qu'il fera sans aucun doute —, il n'y a encore que 42 analystes ou agents dans tout le pays. Même s'il y a cet effort considérable — comme il se doit — visant à mettre en œuvre ces projets en vue de stimuler l'économie, et même si le projet de loi permettra de simplifier la procédure, il n'en demeure pas moins que 42 personnes subiront encore des pressions énormes. Si le gouvernement injecte des milliards de dollars dans des projets d'immobilisations, ne croyez-vous pas également qu'il serait raisonnable qu'il embauche à court terme 20, 30 ou 40 personnes de plus pour vous aider à faire votre travail? Une telle mesure serait-elle utile?
Le sénateur McCoy : Je tiens à ce que cette question figure dans le compte rendu; elle est excellente.
M. Roussel : Mes déclarations ont été citées devant le comité, et elles le seront de nouveau. J'ai dit au comité qu'on avait approuvé l'augmentation de 10 p. 100 de l'effectif du ministère.
Le sénateur Mitchell : Cela fait quatre personnes.
M. Roussel : Non, cela fait huit personnes pour l'ensemble du pays. Elles aideront M. Osbaldeston et son équipe à mettre en place des choses comme des bases de données, des politiques et des procédures et à donner l'aval à des projets de construction et à d'autres travaux dans les régions. Nous croyons que cette augmentation devrait être suffisante pour l'exercice en cours et probablement pour le prochain exercice. J'ai également mentionné au comité que nous prévoyons une diminution de 15 p. 100 du nombre de demandes. Notre objectif cette année consiste à réduire l'arriéré, à faire avancer les nouveaux projets et à rajuster le programme à mesure que nous irons de l'avant. Non, vous ne me ferez pas dire que nous avons besoin de sommes astronomiques. Nous devons d'abord voir comment fonctionnera tout cela.
Le sénateur Mitchell : Il ne nous reste plus de temps. Ne devons-nous pas faire démarrer tous ces projets? Bien sûr, seuls 6 p. 100 ont été menés à terme jusqu'à maintenant; c'est bon.
Le président : Vous n'êtes pas capable de vous en empêcher.
Le sénateur Mitchell : Non, je sais. Je suis désolé. Merci.
Le président : Chers collègues, ces personnes sont venues ici ce soir pour que nous puissions poser d'autres questions et obtenir des précisions. J'ai l'impression qu'il y a certains aspects qui ne sont pas encore tout à fait clairs. Il y aura une autre audience jeudi matin, à 8 h, et je vous demanderais de rester disponibles au cas où nous aurions besoin de vous à ce moment-là, et je demanderais aux sénateurs Milne et Mitchell d'être disponibles à un moment donné demain, car nous tiendrons une discussion pour déterminer s'il faudrait que ces personnes comparaissent de nouveau. Les autres membres du comité devront communiquer avec l'un ou l'autre des sénateurs.
Cela nous donne au moins l'occasion de réfléchir à ce que nous avons entendu ce soir. Je ne suis pas très chaud à l'idée de laisser le sénateur Mitchell discuter avec le témoin après la séance pour obtenir des précisions. Nous pouvons rester ici toute la nuit. Diverses personnes me disent qu'il serait temps que nous terminions cette partie des travaux. Sénateur, je sais que vous ne pouvez vous en empêcher, alors je vous donne la parole.
Le sénateur Spivak : Pour ce qui est de savoir si nous devrions les faire témoigner de nouveau, je crois que certaines des questions qui sont soulevées ici concernent les politiques, de sorte qu'elles devraient être répondues par les responsables de l'application des politiques, qu'il s'agisse du secrétaire parlementaire ou du ministre. Ce sont des questions de politiques. Il n'est pas juste que ces personnes soient ici pour mettre en œuvre la politique. Peut-être que nous n'aimons pas la façon dont ils procèdent, mais c'est ce qu'on leur demande de faire.
Le président : Merci de votre commentaire, et, encore une fois, j'essaie de faire en sorte que nous disposions autant que possible des outils qui nous permettront de rédiger un bon rapport sur cette question.
Monsieur Roussel, resterez-vous disponible en attendant la décision du comité directeur? J'aimerais vous remercier tous les trois d'être venus ici ce soir. Je crois que vous savez quels sont les aspects qui préoccupent les membres du comité, et j'estime que vous avez fourni les meilleures réponses possibles, vu votre situation délicate, mais, dans certains cas, elles ne sont peut-être pas assez détaillées pour les membres.
À mon avis, la dernière question est évidente. Tout le monde sait qu'il serait préférable qu'il y ait davantage d'inspecteurs et nous comprenons cela. Il n'y en a manifestement pas assez. La réponse était évidente.
Nous nous demandons entre autres quelle est l'incidence réelle de ces arrêtés et quels sont les critères associés à l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire. Vous nous écrirez une lettre à cet égard pour nous rassurer, pour que nous sachions si le ministre prendra d'autres arrêtés et à quel moment il le fera. Cela nous préoccupe beaucoup et soulève ce genre de questions. Nous communiquerons avec vous à ce sujet, monsieur Roussel, et il se pourrait très bien que nous nous revoyions jeudi matin.
Je demanderais à tous les sénateurs de rester ici. La séance est levée.
(Le comité se poursuit ses travaux à huis clos.)