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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 7 - Témoignages du 28 mai 2009


OTTAWA, le jeudi 28 mai 2009

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles s'est réuni ce matin à 8 h 9 pour étudier les éléments du projet de loi C-10, Loi d'exécution du budget de 2009, concernant la Loi sur la protection des eaux navigables (Partie 7).

Le sénateur W. David Angus (le président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, mesdames et messieurs les témoins, téléspectatrices et téléspectateurs de la chaîne CPAC ainsi que celles et ceux qui suivent nos délibérations sur le web, bonjour. Il s'agit de notre huitième et dernière séance consacrée à l'étude des dispositions de la Loi sur la protection des eaux navigables inscrites au projet de loi C-10, la Loi d'exécution du budget de 2009, qui a été adoptée.

Permettez-moi, très rapidement, de faire les présentations. Je suis le sénateur David Angus, de Montréal (Québec), président du comité; voici notre estimé vice-président, le sénateur Grant Mitchell; le sénateur Richard Neufeld de Colombie-Britannique; le sénateur Bert Brown d'Alberta; le sénateur Daniel Lang du Yukon; le sénateur Lorna Milne, de l'Ontario, membre du Sous-comité directeur; le sénateur Pana Merchant, de la Saskatchewan; le sénateur Mira Spivak, du Manitoba. Nous accueillons en outre la présidente du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, le sénateur Joan Fraser, de Montréal. Il y a eu, hier, à un moment, usurpation réciproque d'identité, elle étant devenue moi et moi, elle.

Je vais, dans quelques instants, présenter nos témoins. Nous avions prévu de procéder autrement ce matin. Nous nous sommes aperçus, à la fin de notre séance de mardi soir, que, sur certains points, les membres du comité ne voyaient pas très bien les effets qu'entraînerait l'application de cette loi, ainsi que la nature et l'étendue du pouvoir discrétionnaire particulier que le texte reconnaît au ministre des Transports. Il s'agissait aussi, en ce qui concerne les ouvrages construits sur des eaux navigables secondaires, de préciser les critères devant être respectés par la personne chargée de la construction afin de ne pas avoir ultérieurement à enlever l'ouvrage édifié.

Les membres du comité tentent donc de comprendre les effets que cette loi est appelée à avoir. Nous ne souhaitons pas achever notre rapport au Sénat sans bien saisir cela. Des préoccupations à cet égard ont été exprimées par les représentants des deux parties. Notre rapport doit être remis le 11 juin. Nous souhaitons clore nos délibérations, mais non sans avoir compris les implications du texte et, donc, de concert avec le vice-président du comité et le comité de direction, j'ai pris la liberté de demander au secrétaire parlementaire de comparaître à nouveau devant le comité, accompagné de collaborateurs du ministère. Or, il n'a pas souhaité se rendre à notre invitation. Malgré la longue discussion que j'ai eue avec lui, on a fini par me faire savoir que le cabinet du ministre ne jugeait pas nécessaire qu'il comparaisse à nouveau. Je tenais à vous préciser cela.

Le cabinet du ministre nous a fait savoir que nous allons en outre accueillir ce matin des représentants d'Infrastructure Canada. C'est pour cela que vous avez été avisé de la venue de Shirley Anne Sharf, directrice générale, Direction générale des opérations des programmes; et de Keith Grady, conseiller principal, Examen environnemental et approbation, Direction de la gestion des enjeux, Direction générale des opérations des programmes. Mais ils ne sont pas ici, et il y a quelques instants, on m'a fait savoir qu'ils ne viendraient pas. C'est tout ce que je puis en dire.

Nous accueillons à nouveau, cependant, Brigit Proulx, avocate, Services juridiques, Transports Canada. Elle a notamment participé à la rédaction du texte qui retient aujourd'hui notre attention. Nous accueillons également Donald Roussel, directeur général, Sécurité maritime, Transports Canada, qui comparaît pour la quatrième fois devant le comité. À Transports Canada, M. Roussel est chargé de veiller à la bonne application de la Loi sur la protection des eaux navigables. J'espère que nos témoins comprennent les préoccupations que les nouvelles dispositions inspirent aux membres du comité et qu'ils seront en mesure de nous expliquer les points qui nous paraissent problématiques.

Nous accueillons Ann Gillen, agent de protection des eaux navigables, Exploitation et programmes environnementaux, Transports Canada. Je crois savoir que vous avez suivi nos délibérations au cours des huit séances que le comité a consacrées à cette étude.

Ann Gillen, agent de protection des eaux navigables, Direction de l'exploitation et des programmes environnementaux, Transports Canada : En effet.

Le président : Vous êtes donc bien placée pour savoir que nous avons longuement examiné la question. Nous sommes heureux que vous ayez pu venir nous aider à éclaircir un certain nombre de choses.

Mme Gillen : Merci.

Le sénateur Milne : Monsieur le président, en 14 ans de Sénat, c'est la première fois que je vois un représentant de l'administration refuser de répondre à l'invitation d'un comité. J'avoue ne pas comprendre ce qui se passe et ne pas savoir ce qui se trame, mais cela me paraît inadmissible et j'ose espérer que cela ne se reproduira pas.

Le président : Je prends note de ce que vous venez de dire. Je ne suis pas au Sénat depuis aussi longtemps que vous, mais je partage sur ce point votre sentiment.

Le sénateur Milne : Vous avez une plus longue expérience que moi et je suis bien certaine que c'est la première fois que vous voyez cela.

Le président : Vous avez manifesté votre mécontentement à cet égard et je n'ajouterai rien à vos observations. Ce que j'avais moi-même à en dire figure au compte rendu de la séance de ce matin. Un autre sénateur souhaite-t-il ajouter quelque chose avant que nous commencions?

Sénateur Fraser, c'est aujourd'hui la première fois que vous vous joignez à nous dans le cadre de cette étude. Vous représentez à cette séance le sénateur Banks qui a joué un rôle admirable et prépondérant dans l'examen article par article du texte sur lequel nous nous penchons. Il a cherché à approfondir les aspects techniques du texte afin de parvenir à comprendre quels vont être les effets des dispositions qui viennent d'être adoptées. Nous ne sommes pas ici, en effet, pour critiquer mais pour comprendre.

Nous avons demandé à des représentants du ministère de comparaître à nouveau et il conviendrait donc, je pense, d'entrer dans le vif du sujet. L'un d'entre vous, entend-il faire une déclaration d'ouverture?

Donald Roussel, directeur général, Sécurité maritime, Transports Canada : Oui, monsieur le président. Nous sommes heureux de nous retrouver ici. C'est, effectivement, notre quatrième comparution devant le comité mais, si besoin est, nous reviendrons une cinquième, voire une sixième fois. Je voudrais maintenant répondre à certaines des questions qui nous ont été précédemment posées, après quoi nous tenterons de répondre aux nouvelles questions que les membres du comité entendront nous poser.

Le sénateur Banks est revenu à maintes reprises sur la question de la latitude qu'offre la disposition concernant l'incorporation par renvoi. Il a notamment fait valoir que la loi autorise l'incorporation par renvoi de toute une gamme de normes, quelle qu'en soit la provenance, et cela avec leurs modifications successives. Le sénateur Banks nous avait demandé de préciser à l'intention du comité les dispositions qui permettraient d'encadrer l'application de ce mécanisme.

Le seul texte que nous puissions citer qui prévoie ce genre de chose est la Loi sur la marine marchande du Canada, en son article 32. Cela permet, je pense, de répondre à la question du sénateur Banks. En effet, la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada comporte une disposition consacrée à l'incorporation par renvoi. Il s'agit, en l'occurrence de « Documents externes », la disposition prévoyant à cet égard que :

Peut être incorporé par renvoi dans un règlement tout document produit par une personne ou un organisme autre que le ministre qui recommande la prise du règlement au gouverneur en conseil notamment par :

Puis, on trouve des précisions à cet égard :

a) un organisme de normalisation, notamment tout organisme agréé par le Conseil canadien des normes;

Puis la disposition en question poursuit :

b) une organisation commerciale ou industrielle; et

c) un gouvernement, un organisme gouvernemental ou une organisation internationale;

Voilà, je crois, le genre de précisions que souhaitait obtenir le sénateur Banks. Je vais vous laisser une copie de cette citation. C'est à vous qu'il appartient de formuler des recommandations, mais voici, donc, une des réponses demandées par le sénateur Banks.

Le président : Je vais vous citer un extrait d'un courriel qui m'a été envoyé :

À mon avis c'est trop large; dire qu'il est impossible d'incorporer par renvoi les documents de toute provenance. Cela est trop large. J'ai demandé à M. Osbaldeston de nous donner quelques exemples de ce qu'il entendait par là. Il a commencé par le faire puis a dit « Je vais vous envoyer des exemples ».

Il a ajouté : « Peut-être l'ai-je mal compris, mais j'aimerais que nous disposions de quelques exemples concrets à ce chapitre. »

Avez-vous des exemples concrets?

Le sénateur Banks nous a alors fait une démonstration par l'absurde, partant de l'idée que l'article 13 permettrait l'incorporation de n'importe quel règlement municipal, ce qui est un peu exagéré, mais traduit bien le mécontentement que nous inspire cette disposition. Jusqu'où peut aller cette incorporation par renvoi?

M. Roussel : Il est clair que le champ d'application de cette disposition est vaste. Selon l'article 5 de l'arrêté publié, les travaux doivent être conformes à la norme de la CSA pour les réseaux aériens (CAN/CSA — C22.3). Voilà un exemple de ce dont il s'agit.

Le sénateur Banks cherchait un exemple d'une disposition limitant ce qui serait, aux termes mêmes de la loi, incorporé par renvoi. Le seul exemple que nous avons pu trouver qui ait quelque rapport avec Transports Canada, est l'article 32 de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada. C'est la disposition à laquelle nous avons recours lorsque nous prenons un règlement. C'est en vertu de cette disposition que divers documents peuvent être incorporés par renvoi.

Le président : Vous parlez là de l'article 32 de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada?

M. Roussel : Oui.

Le président : Avez-vous d'autres observations à nous présenter?

M. Roussel : Non, je tenais simplement à apporter cette précision en réponse à la question qu'avait posée le sénateur Banks.

Le président : Y a-t-il des questions à cet égard?

Le sénateur Spivak : J'aurais une question à poser non pas sur ce point, mais sur un autre sujet?

Le président : C'est l'occasion de demander des précisions sur toute question qui ne vous semble pas claire.

Le sénateur Spivak : Ainsi qu'on nous l'a précisé lors de notre dernière séance, les agents d'exécution de la loi sont déplorablement peu nombreux. Aux termes des nouvelles dispositions, il n'est pas nécessaire de solliciter une autorisation, mais les normes en vigueur doivent être respectées. Pour les ouvrages secondaires, la loi ne prévoit aucun avis au public. Il appartient donc aux communautés environnantes des milliers de lacs et de rivières de veiller à ce que tout se passe correctement. Mais, à supposer qu'un projet secondaire nuise à la navigation, comment la communauté environnante en sera-t-elle informée? Quels vont être les résultats de ce régime réactif instauré par ce texte?

M. Roussel : En ce qui concerne les ouvrages secondaires?

Le sénateur Spivak : Oui.

M. Roussel : Ce sera, en cas d'obstacle à la navigation, par le dépôt d'une plainte.

Le sénateur Spivak : Je veux bien, mais dans la mesure où la construction d'un ouvrage n'exige aucun avis au public, comment les gens seront-ils mis au courant? D'après vous, c'est le dépôt d'une plainte qui permettra de retirer l'obstruction?

M. Roussel : Oui, c'est ce qui est prévu.

Le sénateur Spivak : J'ai ma réponse.

Le président : Je précise que, aux termes des anciennes dispositions, des milliers d'ouvrages secondaires de ce type relevaient de procédures que beaucoup estimaient trop lourdes et trop longues. Ce qui se passait, c'est que de nombreux projets étaient soit abandonnés, soit soumis à d'importants retards.

Si j'ai bien compris, donc, la teneur des témoignages — et il faudra que nous le précisions — le gouvernement, après avoir étudié le dossier, a décidé de prévoir, pour les ouvrages secondaires, une exemption en matière d'avis préalable et d'autorisation et, donc, de permettre la construction de ces ouvrages à condition que soient observées les règles généralement applicables. Si ces règles ne sont pas respectées, il y aura plainte et obligation d'enlever l'ouvrage.

Je crois que c'est là, essentiellement, la différence entre les deux régimes.

Le sénateur Spivak : Monsieur le président, c'est bien ce que je pensais.

Le président : Excusez-moi, vous me pardonnerez alors cette explication superflue.

Le sénateur Spivak : Pas du tout, je vous remercie de nous avoir précisé si clairement ce qu'il en est. Cela dit, c'est un régime purement réactif qui est ainsi instauré. Je ne parle pas là des millions de petites choses qui peuvent se produire dans un ruisseau. Mais, n'oubliez pas que le ministre a toute latitude pour décider de ce qui constitue un ouvrage secondaire. Comment le saura-t-on?

M. Roussel : J'ajoute qu'il n'y avait, avant cela, aucune norme applicable, aucuns arrêtés et aucune manière de savoir comment tel ou tel projet serait construit. Tout était entièrement subjectif. Or, il y a maintenant des arrêtés qui précisent très clairement les règles et critères applicables.

Compte tenu des nouvelles dispositions, les entreprises pétrolières et gazières, les propriétaires de terrains de golf, de terrains de jeux ou de terrains de camping sauront précisément ce qu'ils sont autorisés à faire. Tout cela sera maintenant connu. Ils pourront prendre connaissance des arrêtées et des normes applicables afin de savoir si, effectivement, ils sont autorisés à construire un pont au-dessus d'un ruisseau ou d'une petite rivière. Il est probable qu'ils le pourront effectivement, dans la mesure où ils respectent les règles applicables.

Le président : Le sénateur Spivak, le sénateur Lang et le sénateur Neufeld souhaitent invoquer le Règlement.

Le sénateur Lang : D'abord, nous ne sommes pas ici pour ergoter avec les témoins, qui comparaissent devant le comité afin de livrer leurs témoignages.

Deuxièmement, si j'ai bien compris, un cadre réglementaire va fixer les règles applicables, par exemple, à la construction d'un pont, et ceux qui ne respecteront pas les critères ainsi fixés s'exposeront à des sanctions.

Il s'agit, je crois, d'établir un certain nombre de critères afin que chacun sache à quoi s'en tenir et afin d'éviter aussi la nécessité d'obtenir une autorisation préalable, avec tous les retards que cela entraîne.

J'applaudis pour ma part cet assouplissement ou cette libéralisation du cadre réglementaire, car, actuellement, il est presque impossible de construire le moindre ouvrage. Actuellement, la Loi sur la protection des eaux navigables est considérée par certains comme un autre moyen d'empêcher ce qui n'a pas pu être empêché en invoquant les procédures provinciales ou fédérales en matière d'environnement.

Avons-nous la liste des critères applicables aux diverses définitions du terme « ouvrage »? Je n'en ai pas, moi-même, eu connaissance.

Le sénateur Milne : Elle ne se trouve pas dans les arrêtés.

M. Roussel : J'aimerais revenir au pont en question. Auparavant, la construction d'un pont était invariablement soumise à une procédure d'autorisation. Je parlais tout à l'heure de terrains de camping, de terrains de golf et de toutes sortes de petits ouvrages pouvant être construits ici ou là. Aux termes des nouvelles dispositions, tous ces ouvrages pourront être construits, dans la mesure où les règles et critères sont respectés.

Le président : Mais c'est justement la question. Quels sont, au juste, les critères établis? Vous avez parlé de « l'arrêté ». Mais cet arrêté me paraît tout à fait extensible, et je dois dire que les critères applicables m'échappent. N'est-ce pas plutôt que la disposition en question permet la prise de règlements que vous êtes, justement, en train de rédiger. Est-ce exact, monsieur?

M. Roussel : Les arrêtés applicables aux divers types d'ouvrages, expliquent ce qui est autorisé et ce qui ne l'est pas. J'ai pris l'exemple d'un pont. Je pourrais également citer l'exemple d'un pont de glace ou de câbles aériens. Les arrêtés se réfèrent aux normes de l'Association canadienne de normalisation en matière d'installation d'un câble aérien au- dessus d'une rivière ou d'un ruisseau.

Le sénateur Mitchell : Mais il s'agit de deux choses différentes. La première est la définition d'un ouvrage secondaire, mais il s'agit là de la définition d'une eau navigable secondaire. Ce sont deux choses différentes.

Je croyais avoir compris, l'autre jour, qu'à partir du moment où une eau navigable est considérée comme secondaire, les ouvrages qui y sont construits ne sont soumis à aucune norme. La construction d'un tel ouvrage est donc affranchie des normes autrefois applicables aux ouvrages construits sur la voie d'eau en question.

Mais il s'agit d'une question autre que celle de la hauteur d'un câble puisque, à partir du moment où une eau navigable est classée comme secondaire, il n'y a plus de critères définissant la hauteur nécessaire du câble, ou du pont, ou la largeur des pylônes.

Ne mélangeons pas. C'est justement la question, et c'est ce que cherchait à élucider sénateur Spivak.

Le sénateur Spivak : Il ne m'a pas laissé terminer.

Le sénateur Mitchell : Vous laissez entendre que si je construis quelque chose sur ce qui serait dorénavant considéré comme une eau navigable secondaire, et que si, pour telle ou telle raison, le sénateur Spivak souhaite déposer une plainte à ce sujet — elle fera peut-être valoir qu'il s'agit en fait d'une eau navigable puisqu'elle avait l'habitude d'y faire du canoë, ou bien qu'elle estime que la construction envisagée est à déconseiller. Il n'y aura, dans ces conditions-là, pas de critères ou de normes qu'elle pourra invoquer à l'appui de sa plainte, étant donné que vous avez déjà décidé que ces normes ne s'appliquent pas aux eaux secondaires.

Comment pourra-t-elle faire voir qu'elle avait l'habitude de faire du canoë sur ce plan d'eau, mais qu'elle ne pourra, dorénavant, plus en faire? Vous lui répondrez simplement que c'est regrettable, mais que la construction du pont n'était pas soumise à autorisation.

Deuxièmement, qui va décider que la rivière en question constitue une eau navigable secondaire? Dois-je demander une exemption pour la rivière en question? Dans ce cas-là, comment peut-on dire que les nouvelles dispositions vont permettre d'accélérer les choses?

N'est-il pas logique de dire que si je n'ai aucune demande à présenter pour obtenir que la rivière en question soit classée comme voie d'eau secondaire, comme vais-je savoir qu'il s'agit effectivement d'une voie d'eau secondaire? Lorsque le sénateur Spivak viendra porter plainte, faisant valoir qu'elle souhaite pouvoir continuer à y faire du canoë et qu'elle ne considère pas du tout qu'il s'agit d'une voie d'eau secondaire, allez-vous lui répondre une fois construit le pont, qu'il s'agit effectivement d'une voie d'eau secondaire et qu'il est infiniment regrettable qu'elle ne puisse plus faire de canoë?

Vous voyez où je veux en venir? C'est tout un engrenage.

M. Roussel : Oui, je comprends tout à fait.

Mme Gillen : Tentons d'y voir clair. Les critères, les termes et les modalités applicables sont énumérés dans l'arrêté, tant pour les ouvrages secondaires qu'en ce qui concerne les eaux navigables secondaires. La différence est qu'il existe des critères précis applicables aux divers types d'ouvrages secondaires, qu'il s'agisse d'une prise d'eau, d'un pont de glace, ou quoi que ce soit. Puis, il y a les critères applicables aux eaux navigables secondaires, chaque type de cours ou de plan d'eau se voyant appliquer des critères adaptés à ses caractéristiques particulières.

Permettez-moi de rappeler l'exemple cité ici il y a quelques semaines par Mme Kenny, représentant l'Association canadienne des pipelines de ressources énergétiques. Elle a fourni plusieurs excellents exemples du genre de voies navigables qu'envisage le texte. Dans l'arrêté, ces eaux sont définies en fonction de divers critères très caractéristiques. Nous ne permettons pas la construction de structures sur des rivières ou sur de grands lacs. Des agents de programme vont se rendre sur les lieux et voir quelle est la situation des eaux en question. Ils ne peuvent pas se prononcer sur l'ouvrage envisagé, puisqu'il n'existe pas encore, mais ils se prononceront sur ce qu'ils peuvent voir, c'est-à-dire les eaux en question. La navigabilité de ces eaux est jaugée en fonction de critères précis, qui s'inscrivent dans le cadre de toute une méthode.

Le sénateur Mitchell : Une telle approche est-elle prévue dans la nouvelle loi?

Mme Gillen : Elle l'est dans l'arrêté. Le classement repose en effet sur une approche méthodique.

Le sénateur Mitchell : Mais, il faut tout de même, alors, qu'il y ait une inspection préalable?

Mme Gillen : Non. L'entreprise qui envisage de construire quelque chose va simplement agir en fonction des critères définis. Il s'agit d'un mélange de science, de connaissances spécialisées et de bon sens. Les organisations en question, celles qui proposent la construction d'un ouvrage, et nos agents et cadres qui ont 25 ou 30 années d'expérience en ce domaine, vont, en appliquant les méthodes et les critères que nous avons retenus, s'assurer que les eaux en question appartiennent bien à la catégorie des eaux secondaires.

Le sénateur Mitchell : Et ce sera la tâche de votre inspecteur?

Mme Gillen : Oui, mais pas nécessairement notre inspecteur. En effet, auparavant, nos inspecteurs se rendaient sur place afin de voir si, au vu des critères et des méthodes applicables, il s'agissait effectivement d'eaux secondaires. Nous avons, de concert avec les proposeurs, établi les critères et les méthodes qui vont dorénavant s'appliquer.

Le sénateur Mitchell : Ainsi, le proposeur n'aura pas à déposer de demande; il lui suffira de décider de construire un ouvrage.

Mme Gillen : Oui, mais dans le respect des critères applicables.

Le sénateur Mitchell : Bon. Si, par conséquent, le sénateur Spivak se plaint que l'ouvrage construit — qui pourrait être un ouvrage majeur et non un ouvrage secondaire — l'empêche de passer, chaque année, trois mois à faire du canoë, pourra-t-elle, à l'appui de sa plainte, invoquer certains critères? Ou est-ce, au contraire, que dans la mesure où les eaux en question ont fait l'objet d'une exemption, une plainte à cet égard serait irrecevable? En pareille hypothèse, le système fondé sur le dépôt d'une plainte ne va pas fonctionner.

Mme Gillen : S'il y a des raisons de penser que les eaux en question étaient en fait navigables et que quelqu'un a commis une grossière erreur, nous réexaminerons la chose et procéderons à un nouveau classement. Nous dirons qu'effectivement, l'ouvrage en question relevait d'une autre catégorie et nous lui appliquerons la procédure qui convient.

Ce qu'il faut comprendre, c'est que la décision de classer telle ou telle voie d'eau dans la catégorie des eaux secondaires est basée sur une approche très méthodique. Il n'est pas question de construire n'importe quoi sur un plan d'eau. Il est clair qu'on ne devrait pas construire de gros ouvrages sur des voies secondaires, parce que, justement, les eaux en question ne peuvent pas accueillir un important trafic. On n'y verra donc pas construire un grand pont.

Le sénateur Mitchell : La différence ne provient pas du fait qu'on a établi de nouveaux critères. Les nouvelles dispositions prévoient effectivement des critères, mais la différence provient du fait que ce n'est pas l'inspecteur, mais le proposeur qui décidera si les critères en question s'appliquent à la situation en cause.

Mme Gillen : C'est cela.

Le sénateur Mitchell : Il ne reste alors que la possibilité de déposer une plainte.

Mme Gillen : Je tiens à préciser, aux fins du compte rendu, que le classement d'un cours d'eau dans la catégorie des eaux secondaires est effectué par des spécialistes qui ont recours, pour cela, à des méthodes éprouvées. Il s'agit de quelque chose que nous prenons tout à fait au sérieux. Il n'est pas question de permettre la construction de n'importe quoi sur des eaux hautement navigables ou là où s'imposent des considérations environnementales. Nous examinons, bien sûr, tous les facteurs pertinents.

L'arrêté comprend une liste de critères, de conditions et de modalités. Je comprends, cependant, que cela puisse prêter à confusion, car une simple lecture de la liste ne laisse pas apparaître les méthodes employées pour les définir. C'est pour cela que nous publions un certain nombre de brochures explicatives.

Le sénateur Spivak : Je tiens à dire que nous comprenons fort bien la nécessité de parvenir à un équilibre entre les impératifs du développement et ce très ancien droit à la navigation, qui, au Canada, revêt une importance particulière. Je ne souhaite aucunement, sénateur Lang, ergoter avec nos témoins, si c'est ce que vous me reprochiez. Ma préoccupation ne se situe pas au niveau de la plainte ou des méthodes employées, mais au niveau de l'application de la loi.

Il n'y a, par exemple, que six agents de la navigation pour les régions de l'Ouest et de l'Arctique. Cela veut dire que l'application de la loi revêt un caractère essentiellement réactif. Il pourrait ainsi se passer dans des eaux secondaires toutes sortes de choses dont on n'aurait connaissance qu'après coup. L'ouvrage en question peut, par exemple, avoir déjà endommagé la voie d'eau lorsque la plainte est déposée. Ce genre d'application réactive de la loi est un grand changement par rapport à ce qui se faisait auparavant.

Je ne doute aucunement qu'il ait effectivement fallu réformer le système puisqu'auparavant la construction du moindre petit ouvrage exigeait le dépôt d'un dossier. Il s'agit, effectivement, de parvenir à un équilibre, mais ma question concerne, justement, le nécessaire équilibre au niveau de l'application de la loi.

M. Roussel : Nous l'appliquerons partout où il y a lieu de l'appliquer.

Le sénateur Spivak : Et comment ferez-vous cela?

M. Roussel : Nous avons les moyens d'assurer l'application de la loi. J'ai déjà eu l'occasion de préciser, à l'intention des membres du comité, que le programme que nous avons instauré dans le cadre de la Loi sur la protection des eaux navigables emploie environ 65 personnes dans les diverses régions du pays. Environ 40 d'entre elles sont des agents. Nous avons en outre dit au comité que nous allions procéder à une augmentation de 10 p. 100 des ressources affectées à ce programme. Nous allons notamment insister sur la sensibilisation et la pédagogie.

Au pire, nous pourrions faire appel à nos spécialistes dans la région de l'Atlantique, ou renforcer leurs effectifs. Nous intenterions une action en justice contre les indésirables qui agiraient ainsi au détriment de l'intérêt des Canadiens. Nous appliquons la Loi sur la protection des eaux navigables et nous appliquons aussi la Loi sur la marine marchande du Canada. La Sécurité maritime est un organisme qui comprend 650 personnes. Je peux vous assurer que lorsqu'il s'agit de faire respecter les lois et réglementations en vigueur, nous ne nous laissons pas intimider. C'est notre métier et je vous assure que vous pouvez compter sur moi.

Mme Gillen : Permettez-moi d'ajouter que dans une certaine mesure, la notion d'ouvrages secondaires n'est pas nouvelle.

Le sénateur Spivak : Nous parlions d'eaux secondaires.

Le président : Ce sont deux choses différentes.

Mme Gillen : Oui. Je parlais des exceptions qui, effectivement, ne sont pas quelque chose de nouveau. Le paragraphe 5(2) de l'ancienne loi s'appliquait en effet, aux mêmes types d'ouvrages et ordres ministériels.

Le sénateur Milne : Ma question a justement trait à cela. Je ne vois dans l'arrêté aucune définition de ce qu'on entend par ouvrages secondaires. La question est entièrement laissée à l'appréciation du ministre.

Le président : Les définitions figurent non pas dans l'arrêté, mais dans le corps de la loi.

Le sénateur Milne : Le dispositif de la loi contient-il effectivement une définition?

Mme Gillen : L'arrêté énumère huit catégories d'ouvrages secondaires. Si une structure ne figure pas parmi celles-ci, il ne s'agit pas d'un ouvrage secondaire.

Le sénateur Milne : Je n'ai vu aucune disposition intitulée « ouvrages secondaires ». Ah bon, j'ai trouvé « ouvrages et eaux secondaires ».

Le sénateur Milne : Un quai ou une remise à embarcations ne sont pas nécessairement des ouvrages secondaires.

Mme Gillen : C'est vrai.

Le sénateur Milne : Où va-t-on tracer la ligne? Je disais hier à quelqu'un au sujet de la définition de « eaux navigables », qu'un quai ou une remise à embarcations doit être construit à plus de 15 mètres de la limite du lot. Or, sur bon nombre de nos lacs, beaucoup de lots ne mesurent pas 30 mètres de large. Ainsi, sur le lac Simcoe, tout ce qu'on pourrait construire devant un chalet, se trouverait à moins de 15 mètres des voisins et constituerait donc, aux termes de cette définition, un ouvrage interdit. Cela veut dire que tous les quais construits sur le lac Simcoe, se retrouvent tout d'un coup en situation irrégulière. Songez à la manière dont s'est effectué le peuplement du Canada français. Les rivières étaient les axes de transport. Chaque propriétaire foncier a reçu une certaine étendue riveraine et, à chaque génération, cette étendue a été divisée. Aujourd'hui ces bandes de terrain qui donnent sur la rivière peuvent n'avoir que 10 ou 15 mètres de large. Or, selon le texte qui nous a été remis, l'ouvrage doit se trouver de 30 à 50 mètres de tout chenal de navigation alors que beaucoup de ces rivières n'ont même pas 100 mètres de large.

Mme Gillen : En matière d'ouvrages secondaires, nous attachons davantage d'importance aux caractéristiques de l'ouvrage qu'à celle des eaux. Si quelqu'un construit un quai, par exemple, il faut que cette construction réponde aux critères figurant à la rubrique « Petits quais et remises à embarcations ». On peut donc construire un quai sur un lac, mais il faut faire en sorte de ne pas gêner la navigation. Voilà le genre de quai que —

Le sénateur Milne : Et selon la définition, un tel quai ne peut pas être construit à moins de 15 mètres de la limite du lot.

Mme Gillen : C'est exact.

Le sénateur Milne : Mais que faire si le lot n'a que 15 mètres de largeur? Peut-être qu'un quai se trouve déjà là et qu'il s'agit simplement de l'agrandir un petit peu. Il faut alors une demande d'autorisation.

Mme Gillen : Dans ce cas-là, la procédure d'autorisation s'applique.

Le sénateur Milne : J'espère que vous allez lancer une grande campagne d'information, car vous entendez appliquer de nouvelles mesures, mais je n'ai pas eu le moindre écho d'une campagne d'information, M. Roussel.

Mme Gillen : Les gens aiment beaucoup les petits quais et les remises à embarcations. Nous avons assisté à des salons nautiques et à des salons professionnels et nous avons pu voir qu'il s'agit d'un sujet très populaire. Nous n'avons éprouvé aucun problème de ce côté-là. Je dirais même que les gens sont plutôt contents qu'on ait adopté des critères en ce domaine.

Le sénateur Milne : Qu'entendez-vous par « populaire »? Est-ce une question qui préoccupe la population?

Mme Gillen : Il s'agit de construire un quai qui ne gêne pas la navigation. Les propriétaires sont donc heureux de pouvoir construire un quai sur leur propriété sans avoir à engager une lourde procédure. Ce programme est appliqué depuis maintenant deux ans et donne de bons résultats.

Le sénateur Milne : À supposer que je sois propriétaire d'un chalet sur le lac Simcoe et que mon terrain mesure 20 mètres de large. À certains endroits, les chalets se trouvent effectivement les uns sur les autres. À supposer que mon quai soit tombé en ruine et qu'il faille le remplacer. Dois-je demander l'autorisation?

Mme Gillen : Pourriez-vous répéter votre question?

Le sénateur Milne : Quel que soit l'emplacement que je choisis, ce sera à moins de 15 mètres de mon voisin. Disons que j'ai récemment acheté un chalet, que le quai est tombé en ruine et que je souhaite le remplacer. Dois-je solliciter une autorisation?

Mme Gillen : S'agit-il d'un ouvrage secondaire? S'agit-il d'un quai pour la construction duquel vous avez déposé une demande? Celle-ci a-t-elle été approuvée?

Le sénateur Milne : C'est justement ce que je vous demande.

Mme Gillen : Le quai avait-il été autorisé à l'origine?

Le sénateur Milne : Qui sait? Disons que je viens d'acheter le chalet.

Mme Gillen : Cela va dépendre. Si l'ouvrage est manifestement irrégulier, et qu'il a besoin d'être reconstruit, il vous faudra déposer une demande. Mais s'il s'agit d'un ouvrage secondaire, vous pourrez le réparer dans la mesure où vous respectez les critères.

Le sénateur Milne : Je ne pense pas que ces précisions seront très utiles aux propriétaires de chalets.

Mme Gillen : Si l'ouvrage n'est pas conforme aux critères, il faudra le refaire. Sans cela, il vous faudra suivre la procédure prévue.

Le sénateur Milne : Il n'est manifestement pas conforme aux critères, car c'est impossible qu'il le soit.

Le président : C'est pour cela que nous avons prévu un examen quinquennal des dispositions de la loi. Ce n'est que dans quelque temps que nous saurons si le nouveau régime donne les résultats voulus.

Le sénateur Lang : Je tiens à préciser que l'une des principales dispositions du projet de loi concerne les sanctions. Or, nous semblons tous avoir oublié cela. Si j'ai bien compris, jusqu'ici en acquittant une amende de 5 000 $, j'étais autorisé à faire presque n'importe quoi. Un agent d'application se présentait chez moi, m'imposait une amende de 5 000 $ et je pouvais continuer comme avant. Or, il me semble que la sanction est maintenant portée à 50 000 $ et je suis passible de cette amende pour chaque journée où je persiste dans mes travaux. J'insiste sur le fait qu'il s'agit là d'un changement très important dans l'application des règles concernant les eaux navigables.

La lecture du texte et les explications fournies par M. Roussel me donnent l'impression que le ministère semble être parvenu à concerter son action avec celle des entreprises intervenant dans ce domaine. Je cite à cet égard l'exemple des entreprises gazières et pétrolières de l'Alberta qui comprennent qu'elles peuvent éviter les lenteurs et lourdeurs procédurales tant qu'elles respectent les critères applicables. J'ai une certaine expérience professionnelle de la construction des ponts. Tout retard dans la construction d'un ouvrage public sur les eaux secondaires expose à des pénalités. Les nouvelles dispositions seront utiles aux petits entrepreneurs de construction qui seront ainsi fixés sur les modalités des projets de construction sur des eaux navigables secondaires. Je précise que ce terme est, effectivement, défini.

J'estime qu'il nous faut faire confiance aussi bien au ministère qu'aux secteurs concernés, qui vont dorénavant savoir quelles sont les règles applicables et les lourdes sanctions auxquelles ils s'exposent en cas d'inobservation.

Le sénateur Neufeld : Lorsqu'il s'agit de changer les règles ou règlements applicables afin d'actualiser une loi qui remonte à 1882, chacun, bien sûr, s'interroge afin de voir quels pourraient être les inconvénients des nouvelles dispositions. Toutes les questions posées sont donc utiles.

Plusieurs personnes, dont moi, ont soulevé la question de l'importance des équipes affectées à la mise en application des lois et règlements, et je n'insisterai donc pas sur ce point. Ces 10 dernières années, 70 personnes environ étaient affectées à cette tâche. Ces effectifs ont-ils beaucoup augmenté au cours des cinq dernières années?

M. Roussel : C'est une question qu'on peut légitimement poser. Les équipes du programme de la LPEN restent stables. L'évolution de nos effectifs se situe dans la moyenne du renouvellement des personnels de la fonction publique, avec une réduction naturelle d'environ 5 p. 100 par an. Je veux dire, d'une manière générale, que nos effectifs sont stables depuis au moins 10 ans. Certains travaillent au programme de la LPEN depuis 20 ou 25 ans.

Le sénateur Neufeld : Je pense que c'est quelque chose qu'il ne faut pas perdre de vue. Il ne s'agit donc pas d'un phénomène nouveau, car des spécialistes s'occupent de la question depuis de nombreuses années déjà. Il s'agit d'éviter autant que possible les lourdeurs administratives, tant dans l'optique des gens du ministère que dans l'optique des utilisateurs, et de concentrer l'attention sur ce qu'il convient de surveiller de plus près. Je suis tout à fait partisan de ce type de réglementation. Il est préférable de sanctionner sévèrement les fautifs que de compliquer la vie de tout le monde.

Je souhaite maintenant revenir à la question des petits quais et des remises à embarcations. Que se passait-il avant cet arrêté ministériel? Que se passait-il avant les nouvelles dispositions adoptées? Existait-il une réglementation; ou chacun pouvait-il faire comme bon lui semblait? Chacun pouvait-il installer un quai ou construire une remise à embarcations là où il le voulait, où y avait-il tout de même une réglementation comparable à cet arrêté?

Peut-être ne devrais-je pas demander cela. Je vais m'en tenir à ma première question.

Mme Gillen : Les deux sont vrais. Les quais, les remises à embarcations et autres ouvrages pouvaient relever du paragraphe 5(2), ce qui veut dire qu'ils pouvaient être construits dans la mesure où ils ne gênaient pas sérieusement la navigation.

Et puis, il y a également les gens qui élèvent des ouvrages sans tenir aucun compte des critères de construction et, dans ce cas-là, nous en ignorons l'existence tant que personne n'a déposé de plainte ou l'on en prend connaissance à l'occasion d'une évaluation.

Le sénateur Neufeld : Cela étant, les changements apportés ne sont pas radicaux si ce n'est que, comme M. Roussel nous le disait tout à l'heure, dans les quelques années qui suivent, il va s'agir d'édicter des règlements qui rendront superflus les arrêtés ministériels. J'en comprends d'ailleurs la raison. Il y a sans doute des millions de rivières, cours d'eau et lacs dans notre pays et il doit en effet être très difficile d'élaborer une réglementation qui englobe une telle diversité.

Je suis satisfait, monsieur le président, des réponses qui m'ont été données. J'estime que les gens du ministère font exactement ce que prévoit la loi, ce qui n'est d'ailleurs pas tellement différent de ce qui se faisait jusqu'ici. Évitons de critiquer systématiquement, car si nous ne prenons pas le risque de commettre quelques erreurs, nous n'avancerons pas et nous manquerons l'occasion d'apporter des changements qui sont dans l'intérêt général. Nous devrions, au contraire, être contents que l'on cherche à améliorer une loi qui remonte à 1882, étant donné l'évolution des besoins.

Je n'entends nullement par cela qu'il faille construire un barrage sur chaque rivière, mais il faut bien trouver la voie moyenne qui nous permette tout de même de progresser. J'estime qu'ils tentent de faire évoluer les choses de manière rationnelle sans aller trop vite. Ils pourraient se presser d'élaborer une réglementation, mais je ne pense pas que cela nous satisferait. Laissons-les donc poursuivre leurs efforts en concertation avec les usagés afin que nous puissions aboutir à un système qui sera dans l'intérêt de tout le monde.

Mme Gillen : Merci, sénateur. Vous avancez un excellent argument. Dorénavant, la construction d'ouvrages secondaires est soumise à un certain nombre de conditions, alors que sous le régime du paragraphe 5(2), ce n'était pas le cas. Ce simple changement a notamment amélioré la sécurité. Cela me paraît important.

Le sénateur Lang : Je vais maintenant changer de sujet. Sous la rubrique « Câbles aériens — Énergie et télécommunications » de l'arrêté sur les ouvrages et les eaux secondaires, il est question de plans d'eau navigables cartographiés. Avons-nous une liste de ces plans d'eau navigables?

Mme Gillen : Le Service hydrographique du Canada a répertorié ces plans d'eau dans sa banque de données.

Le sénateur Lang : Le nombre de rivières cartographiées s'élèverait-il à 200 000?

Mme Gillen : Tous les plans d'eau sont répertoriés sur leur site Internet qui peut être très utilement consulté.

Le sénateur Lang : Cette banque de données permet-elle à un proposeur de savoir si tel ou tel plan d'eau constitue des eaux navigables secondaires ou des eaux navigables plus importantes?

Mme Gillen : Oui, cette banque de données serait pour cela un bon point de départ.

Le sénateur Mitchell : Avez-vous constaté, après la prise de mesures de relance économique, une augmentation du nombre de demandes? Avez-vous, tout d'un coup, été inondés de nouvelles demandes de construction?

Mme Gillen : Ce n'est pas vraiment mon domaine de compétence. Je pense que nous en sommes encore aux débuts. Cela n'a pas été facile, mais nous assistons actuellement à une montée en puissance avec des mesures en faveur des infrastructures et le Bureau de gestion des grands projets. Ce n'est pas tellement l'augmentation du nombre de demandes, mais plutôt l'accélération du processus. Pour l'instant, nous sommes dans une sorte de période d'adaptation.

M. Roussel : Les chiffres changent d'un jour à l'autre. Le comité nous avait demandé de lui remettre un échantillon de projets d'infrastructure susceptibles d'être affectés par les modifications apportées à la LPEN. Vous nous aviez demandé des exemples précis des avantages que les nouvelles dispositions procureraient à certains projets et nous avons pu vous les fournir.

Selon notre échantillon de 438 projets, environ 160, c'est-à-dire 35 p. 100 du total seront touchés par la LPEN. Nous n'avons pas de détails plus précis, car il faut laisser aux fonctionnaires le temps d'étudier les dossiers. Je crois pouvoir dire que les mesures de relance de l'économie sont à l'origine d'environ 700 dossiers qui nous sont parvenus.

Le sénateur Mitchell : À la suite de...

M. Roussel : Non pas en raison des modifications apportées à la loi, mais en raison des mesures prises par le gouvernement et des divers projets d'infrastructure.

Le sénateur Mitchell : Un des arguments avancés à l'appui de ces modifications est que cela va simplifier le processus d'approbation afin que rien ne vienne bloquer les nombreux projets d'infrastructure lancés dans la foulée des mesures de relance de l'économie décrétées par le gouvernement.

Avez-vous reçu de nombreuses nouvelles demandes?

M. Roussel : Nous avons, effectivement, reçu des demandes. La loi modifiée et les arrêtés ministériels étant de date récente, nous recevons toutes sortes de demandes que nos équipes doivent trier et renvoyer aux proposeurs. Nous vous avons fourni des exemples précis de cela et, en consultant le tableau qui se trouve à l'annexe B de la documentation que nous vous avons remise le 26 mai, il y a, en Ontario, environ 60 ponts dont on va refaire le tablier. Dans la mesure où les entrepreneurs ou les gouvernements peuvent nous assurer qu'ils respectent les dispositions de la LPEN, cela nous évite d'avoir à consacrer une partie de nos ressources à cet aspect de la question, et nous permet d'affecter ces ressources à d'autres tâches.

Le sénateur Mitchell : Vous nous avez fait état d'une augmentation de 10 p. 100 de vos personnels. Cela donne-t-il environ 70 personnes?

M. Roussel : J'ai parlé des huit postes créés pour l'exercice financier en cours. Nous analyserons nos besoins en cours d'année et nous pourrons probablement effectuer le recrutement l'année prochaine.

Le sénateur Mitchell : Seront-ils tous des inspecteurs?

M. Roussel : Il y aura à la fois des agents et du personnel de soutien pour faciliter la mise en place du nouveau régime.

Je profite de l'occasion pour répondre au sénateur Milne au sujet des efforts de sensibilisation et de pédagogie menés auprès des intéressés. Chaque année, la Sécurité maritime organise deux forums internationaux, sous l'égide du Conseil consultatif maritime canadien, le CCMC. En mai dernier, presque 400 personnes y ont assisté. Les divers comités permanents ont attiré un grand nombre de personnes.

Deux CCMC régionaux ont lieu chaque année dans les cinq régions de notre pays et des représentants du programme de la LPEN y prennent part. Ainsi que Mme Gillen nous l'a dit tout à l'heure, nous participons également à la plupart des salons nautiques. Des représentants de nos services prennent également contact avec des associations de municipalités, des entreprises des secteurs pétroliers et gaziers, ainsi qu'avec divers groupes qui nous demandent d'assurer des séances d'information. Nous ne négligerons pas l'aspect sensibilisation et pédagogie. Nous savons combien cela contribue à l'efficacité des dispositions législatives.

Le sénateur Lang : Je souhaiterais revenir sur un ou deux points. D'abord, sur ce chiffre approximatif de 700 demandes qui vous auraient été transmises suite à l'annonce des mesures de relance économique. Je crois qu'hier, au Sénat, le débat a porté sur la question de savoir si les projets envisagés allaient être lancés suffisamment vite pour qu'ils aient justement, cet effet de relance. Il est encourageant de voir que les choses avancent effectivement.

Selon vous, serait-ce environ les trois quarts de ces 700 demandes qui ont trait aux dispositions concernant les eaux navigables secondaires, ou s'agit-il de 700 demandes de plus?

M. Roussel : Selon les documents que nous vous avons remis, environ 30 p. 100 des demandes sont concernées par les dispositions de la LPEN. Il faudra attendre que les 700 dossiers aient été traités pour en connaître la répartition. Pour l'instant, il s'agit simplement d'une pile de dossiers. Comme nous vous l'avons précisé dans notre réponse du 26 mai, à en juger par le passé, environ 38 p. 100 des demandes sont concernées par la LPEN.

Mme Gillen : Permettez-moi d'ajouter une précision au sujet des eaux et ouvrages secondaires. Certains des grands projets d'infrastructure impliquant une traversée d'eau qui ne correspond pas nécessairement aux ouvrages figurant sur la liste, seraient cependant susceptibles de relever de l'arrêté sur les eaux secondaires.

Le président : Je passerai à la deuxième série de questions après avoir obtenu quelques éclaircissements sur un ou deux points. Je vous remercie de comparaître à nouveau.

Une des questions qui a été soulevée mardi à plusieurs reprises concernait l'emploi du terme « politique ». À plusieurs reprises, M. Roussel, vous avez appuyé les modifications apportées à la loi par des considérations de politique générale.

Il y a le cabinet, et il y a, aussi, le cabinet du ministre, mais je crois savoir qu'à Transports Canada et au Programme de protection des eaux navigables, il y a un processus d'élaboration des politiques. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à cet égard et préciser ce que vous entendiez par cela?

En réfléchissant à tout cela après notre séance, j'en suis arrivé à me demander s'il ne faudrait pas inviter les ministres à nous expliquer comment sont, justement, élaborées ces politiques.

M. Roussel : La notion de politique a un sens large et on l'emploie parfois abusivement.

J'avais expliqué au comité les notions de direction fonctionnelle et de direction opérationnelle. Nous avons également expliqué que nous avons, dans le cadre de notre politique générale, édité des brochures qui récapitulent les arrêtés ministériels pris jusqu'alors. Ce faisant, nous prenons un certain nombre de risques et nos conseillers juridiques nous ont fait savoir que l'on peut, effectivement, le faire, mais que cela n'entre pas vraiment dans nos compétences. Cela dit, ça facilite notre travail.

C'est pour cela que nous l'avons fait. Ce n'est pas, pour les fonctionnaires, une solution de facilité, mais nous avons tout de même décidé de prendre le risque.

Or, à un certain point, il faut bien chercher à atténuer ce risque en modifiant les dispositions applicables afin, si vous voulez, de confirmer la décision prise au titre de la politique du ministère. Nous avons alors décidé que cet ensemble de mesures disparates devait être refondu et nous avons, par conséquent, décidé de publier les mesures décrétées et de leur donner la base juridique qui convient. Cela décharge les fonctionnaires en inscrivant les mesures en question dans le cadre juridique qui convient.

C'est ce que je voulais dire, quand je disais que nous avions agi en fonction de notre « politique ». À partir de 2006, en effet, nous avons élaboré un certain nombre de politiques, auxquelles nous nous sommes d'ailleurs tenus étant donné qu'elles donnaient de bons résultats. Après avoir mis ces politiques à l'essai, nous en avons fait la base d'un certain nombre d'arrêtés ministériels. Nous les avons ensuite regroupées et, maintenant, la prochaine étape consistera à voir si nous pouvons les reprendre dans le cadre d'un règlement. Cela dit, ces politiques sont stables et n'auront donc pas besoin d'être mises au point. Voilà comment nous entendons employer ces politiques.

Le président : Votre question porte-t-elle sur le même sujet, sénateur Spivak? Il y avait plusieurs autres sujets que je souhaitais aborder. L'un d'entre eux vous fera, j'en suis sûr, plaisir.

Le sénateur Spivak : Ma question porte sur cette même question.

Le président : Je souhaiterais, si vous le voulez bien, en finir avec les trois points que je souhaitais soulever.

Le sénateur Spivak : Je vous en prie.

Le président : Le sénateur Banks avait évoqué une autre question prêtant à confusion. Il m'a dit ultérieurement avoir peut-être mal compris la question du droit constitutionnel des peuples autochtones à être préalablement consulté. On vous a demandé si, effectivement, vous aviez consulté certaines personnes et si, à votre avis, vous n'auriez pas trahi leur confiance. Nous ne pouvons pas laisser en suspens dans le procès-verbal, la question de savoir si les personnes intéressées ont effectivement été consultées, ou si certains de leurs droits sacrés n'auraient pas été enfreints. Que pouvez-vous nous dire à cet égard?

M. Roussel : Si j'ai bonne mémoire, M. Jean faisait lui aussi partie de ce comité. Il a dit alors qu'au cours d'une séance du Comité permanent de la Chambre des communes de transports, de l'infrastructure et des collectivités, il avait été demandé aux Premières nations de présenter leur position, ce qu'elles n'ont pas fait.

Nous entretenons ces dernières années un dialogue avec plusieurs représentants des Premières nations. Lorsqu'est venu le moment de modifier la loi, nous avons sollicité des avis juridiques. Brigit Proulx a, lors de notre dernière comparution, exposé au comité la teneur des avis que nous avions reçus. Je n'entends pas reprendre ici ce qu'elle vous en a dit, mais, enfin, elle vous a exposé les avis qui nous avaient été transmis à cet égard.

Cela dit, nous avons toujours considéré que, les Premières nations doivent, effectivement, être consultées. Elles doivent notamment être consultées à chaque fois qu'une modification de la loi va les toucher. J'ai eu l'occasion de dire au comité que pour chaque projet qui nous est proposé, il nous faut étudier le dossier afin de voir si, par tel ou tel aspect, il touche des collectivités autochtones. Il y aura donc, effectivement, des consultations à chaque fois qu'un projet touche une population autochtone.

Le président : Je vous remercie. Voilà qui éclaircit la question. Je crois me souvenir que le sénateur Neufeld m'en avait lui aussi parlé. Êtes-vous satisfait?

Le sénateur Neufeld : Oui, cela me semble être la bonne manière de procéder.

Le président : C'est ce que j'ai toujours pensé. J'avais compris. Je ne pense pas que nous aurions pu écrire dans notre rapport que nous avions porté atteinte à un principe fondamental.

Le sénateur Fraser : Pourrais-je, en raison de ma profonde ignorance de ce domaine, poser une question supplémentaire?

Le président : Allez-y.

Le sénateur Fraser : Ce projet de loi comporte-t-il une disposition de non-dérogation?

M. Roussel : Je ne saurais vous le dire, car je ne suis pas avocat.

Mme Proulx : Non, le texte ne comporte aucune telle disposition.

Le sénateur Fraser : Pourquoi pas?

Mme Proulx : Qu'entendez-vous, au juste, par disposition de non-dérogation? Quelle sorte de mesures vous attendriez-vous à trouver dans les modifications apportées à la loi?

Le sénateur Fraser : Comme vous le savez, une disposition de non-dérogation préciserait que ce projet de loi ne dérogera aucunement aux droits que la Constitution reconnaît aux peuples autochtones. Il me semble que l'inclusion d'une telle clause dans ce texte offrirait davantage de garanties.

Mme Proulx : Je rappelle que je ne suis pas une spécialiste du droit des Autochtones. Nous avons, au ministère de la Justice, des juristes spécialisés dans ce domaine. Je n'étais pas sûre si vous vouliez parler d'une clause de non- dérogation s'appliquant particulièrement aux Autochtones. Les amendements à la LPEN n'en contiennent pas, mais je ne suis pas en mesure de vous en dire plus à cet égard.

Le président : Vous allez voir, je pense, que ce texte s'inscrit dans un ensemble plus vaste de dispositions législatives. N'hésitez pas à nous dire si vous souhaitez ajouter quelque chose sur ce point.

Je reviens maintenant, M. Roussel, à la question que le sénateur Spivak vous avait posée, au sujet d'une lettre qu'elle souhaitait que vous obteniez du ministre ou du sous-ministre, pour préciser à l'intention de notre comité, le fait que cette procédure a déjà été souvent employée, et confirmant l'intention du ministère de transformer ces arrêtés en règlement et indiquant dans combien de temps cela devrait se faire afin que la procédure parlementaire puisse reprendre son cours normal. Nous nous préoccupons, d'une manière générale, du fait que de telles mesures puissent être prises par arrêté ministériel sans être, par conséquent, soumises à examen parlementaire. Nous avons longuement discuté de cela et vous nous avez expliqué pourquoi il a été décidé de recourir à de simples arrêtés. Vous nous avez expliqué qu'il avait fallu procéder ainsi parce qu'il y avait urgence, et cetera, et que tout était parfaitement régulier. Cela dit, nous nous préoccupons du caractère non limitatif de ces arrêtés ainsi que des principes qui seront appliqués à l'avenir.

Nous aurions souhaité être rassurés à cet égard. Vous nous avez alors dit ne pas être en mesure de répondre à ces questions précises et que ce serait au ministre qu'il conviendrait de demander comment ces arrêtés seront appliqués.

Je vous ai alors dit : « Le sénateur Spivak a demandé si vous pouviez fournir une lettre d'intention ».

Vous avez répondu que : « Nous laissons aux autorités appropriées du ministère le soin de répondre à cela ».

Je vous ai alors demandé « Vous allez vérifier ça, autrement dit? » et vous avez répondu « Oui ».

M. Roussel : La réponse n'est pas compliquée. Il faut que le comité demande au ministre de lui donner sur ce point, une réponse précise. C'est à lui qu'il appartient de décider de la réponse qu'il convient de donner au comité. Je ne peux pas répondre à sa place.

Le président : Mais vous pouvez vous enquérir au sein du ministère, non, et demander à votre sous-ministre s'il ne serait pas possible de nous transmettre une lettre d'intention?

M. Roussel : Oui.

Le président : Cela se fait couramment, au lieu de demander au ministre de comparaître devant le comité.

M. Roussel : Oui, nous nous enquerrons. Il n'est pas nécessaire d'inviter le ministre à comparaître devant vous pour répondre, et nous préférons que vous le précisiez dans votre rapport.

Le président : Je vois. Une lettre en ce sens nous serait utile. Je vous demande cela en raison de la préoccupation que cela inspire au sénateur Spivak.

M. Roussel : Nous sommes conscients des préoccupations qu'éprouvent les membres du comité. Elles sont très nettes. Nous sommes également conscients du caractère particulier des arrêtés et du soin avec lequel ils doivent être appliqués. Tout cela relève du ministre des Transports, de l'infrastructure et des collectivités et c'est donc à lui de vous expliquer l'emploi qu'il entend faire des arrêtés en question.

Le président : Je vous remercie de vos réponses.

Le sénateur Milne : Cette question complémentaire a été soulevée par des organisations de canotage qui ont pris la parole devant le Comité. La rivière Credit, qui se trouve à quelques kilomètres de chez moi, est navigable sur toute sa longueur sauf au point où elle est traversée par un barrage. Or, le propriétaire des terrains situés des deux côtés du barrage refuse aux canotiers la permission de portager sur ses terres afin de contourner le barrage. Il leur faut, par conséquent, remonter la rivière, faire plus d'un mille à pied jusqu'au prochain chemin de concessions, faire encore un mille et demi à pied avant de pouvoir reprendre l'eau.

Lorsque je me suis penchée sur la question, j'ai découvert que le propriétaire en question peut invoquer un « privilège d'usine », droit issu de l'ancienne common law. Dans le cours supérieur de la rivière Credit, se trouve la petite ville d'Alton, où le ruisseau qui se verse dans la rivière Credit fait l'objet de sept ou huit privilèges d'usine. Êtes-vous à même de nous dire combien il y a au Canada d'eaux navigables qui peuvent ainsi être bloquées parce que les propriétaires des terrains situés sur les deux côtés de la rivière jouissent d'un privilège d'usine?

M. Roussel : Non, je n'ai aucun renseignement sur ce point.

Mme Gillen : Moi non plus.

Le sénateur Milne : N'avez-vous jamais entendu parler de cela?

Mme Gillen : Je n'en ai moi-même jamais entendu parler, si ce n'est que le sujet a été évoqué ici il y a quelques semaines?

Le sénateur Milne : Nous n'en savons toujours rien.

Le président : Le sénateur Milne s'intéresse à la question. Nous tâcherons de nous renseigner.

Le sénateur Milne : Bien.

Le sénateur Spivak : Nous ne vous demandons pas de répondre à l'instant, mais peut-être pourriez-vous nous préciser ultérieurement pourquoi ce texte ne comprend pas de disposition de non-dérogation. Est-ce parce que les modifications sont insérées dans la Loi d'exécution du budget?

M. Roussel, selon plusieurs des témoins entendus par le comité, les amendements dont nous discutons aujourd'hui ont très sensiblement sapé les mécanismes qui, aux termes de la Loi sur la protection des eaux navigables, étaient censés déclencher une évaluation environnementale. Dans le cadre des discussions que vous avez eues lors de l'élaboration des politiques dont vous nous parliez tout à l'heure, cet aspect de la question a-t-il été examiné?

M. Roussel : Vous parlez des clauses de déclenchement de la LPEN?

Le sénateur Spivak : Oui.

M. Roussel : Oui, nous nous sommes penchés sur la question.

Le sénateur Spivak : Vous l'avez examinée?

M. Roussel : Oui, mais ce n'était pas le principal objet de notre discussion.

Le sénateur Spivak : J'en suis convaincue.

M. Roussel : Permettez-moi de terminer. Cette loi porte sur la navigation.

Le sénateur Spivak : En effet.

M. Roussel : Plusieurs autres organismes officiels sont, à Ottawa, chargés des évaluations environnementales, dont Environnement Canada et Pêches et Océans, ainsi que divers ministères provinciaux. Nous voulons porter notre attention sur l'aspect navigation de la Loi sur la protection des eaux navigables, point.

Le sénateur Spivak : Je comprends fort bien que ce soit en effet votre tâche principale. J'ai, cependant, pris part aux diverses étapes de l'étude de la Loi sur les évaluations environnementales et j'ai pu m'apercevoir qu'on ne saurait séparer la Loi sur les évaluations environnementales des mécanismes de déclenchement. L'un de ceux-ci relève de Pêches et Océans Canada; un autre des provinces; et un autre est prévu dans la Loi sur la protection des eaux navigables.

Il nous serait utile de pouvoir obtenir de vous des renseignements supplémentaires concernant les discussions que vous avez eues sur ce point.

Le président : Monsieur Roussel, cette demande vous paraît-elle raisonnable?

M. Roussel : Oui.

Le président : Je vous remercie de vous être, ce matin, rendus à notre invitation, afin de nous fournir des éclaircissements sur certaines des questions qui nous préoccupent.

Je vais maintenant vous poser, collectivement, une dernière question omnibus. Vous avez suivi nos délibérations, auxquelles vous avez même participé. L'un d'entre vous souhaite-t-il nous fournir d'autres éclaircissements sur certaines questions que nous n'aurions pas, d'après vous, peut-être très bien saisies? Sans cela, nous allons clore la discussion.

M. Roussel : Le ministère est parfaitement conscient qu'il s'agit là d'une loi modifiée et non d'un texte de loi nouveau. Nous savons que la loi confère au ministre un certain nombre de pouvoirs et nous savons que les dispositions dorénavant applicables constituent une amélioration par rapport à la situation antérieure et qu'elles vont nous permettre de mieux servir la population de notre pays. La loi ainsi modifiée est-elle entièrement satisfaisante? Je dois répondre que non.

La clause prévoyant un examen quinquennal est précieuse. Il nous faudra l'employer judicieusement. Il s'agit, en effet, non seulement d'examiner la loi sous l'angle législatif, mais également sous l'angle opérationnel, aspect dont j'ai la charge. Nous veillerons avec le plus grand soin à ce que notre examen prenne en compte le rapport de votre comité et tout ce qui s'est dit au cours des huit séances consacrées à cette étude. Elles ont le caractère de séances spéciales, étant donné qu'elles ont eu lieu après que le texte a reçu la sanction royale.

Monsieur le président, honorables sénateurs, je vous remercie de ces discussions franches et des questions pertinentes que vous nous avez posées. Nous avons beaucoup à faire au cours des cinq prochaines années.

Le président : La clause de l'examen quinquennal et la manière dont vous envisagez cet examen sont propres à nous rassurer.

Je pense que le sénateur Spivak et le sénateur Brown souhaitent ajouter quelque chose.

Le sénateur Spivak : Je tiens moi aussi à vous remercier de votre présence ici ce matin. Je ne doute aucunement de votre sincérité professionnelle. Celle-ci n'est pas en cause.

Certains témoins ont formulé des recommandations tendant à l'amélioration de ces amendements. En avez-vous pris connaissance? Si oui, qu'en pensez-vous? Vous pourriez peut-être nous l'indiquer ultérieurement par écrit afin que nous ayons votre avis sur les recommandations que nous souhaiterions éventuellement intégrer à notre rapport.

M. Roussel : Vous faites appel à ma sagesse?

Le sénateur Spivak : Oui, nous souhaiterions en bénéficier.

M. Roussel : Il est trop tôt pour analyser tout ce qui a été dit au cours de ce long débat. Cela dit, vous avez en main les principaux éléments. Veiller aux intérêts des parties prenantes me paraît essentiel. Nous en avons parlé.

Il ne faut pas perdre de vue que, comme je l'ai indiqué dans ma déclaration d'ouverture, il y a au Canada six millions de plaisanciers et trois millions de propriétaires d'embarcations de plaisance. Cela représente un vaste éventail de Canadiens. C'est dire qu'il ne s'agit pas d'un texte portant sur un domaine subsidiaire, car il intéresse un grand nombre de personnes, dont beaucoup vous sont peut-être proches.

Le sénateur Spivak : Oui, en effet.

M. Roussel : On ne doit pas perdre de vue cet aspect essentiel de la question. Votre comité en est pleinement conscient et tout le monde comprend maintenant que cette législation est beaucoup plus compliquée que nous ne le pensions.

Un an ne suffira pas à étudier toutes les recommandations qui ont été formulées. C'est en effet une lourde tâche. Le territoire national est vaste et les parties prenantes sont extrêmement nombreuses. Il s'agit d'un texte unique en son genre et il ne faut pas perdre cela de vue, comme il ne faut pas non plus perdre de vue que les peuples autochtones tiennent de notre Constitution le droit d'être consultés. Tout cela est pris en compte dans l'exercice de nos activités.

Nous allons, au cours des cinq années qui viennent, suivre de près les résultats que vont donner les nouvelles dispositions et celles-ci seront adaptées en conséquence. C'est tout ce que je puis vous dire.

Le sénateur Milne : Vous avez évoqué l'examen parlementaire. La loi prévoit, hélas, un examen ministériel dont le rapport devra être déposé devant les deux chambres du Parlement. Je ne sais pas comment les choses se passent à la Chambre des communes, mais lorsqu'un document est déposé au Sénat, il n'est pas nécessairement renvoyé à un comité sénatorial, à moins que ce comité n'obtienne du Sénat l'autorisation de procéder à son examen.

Cette partie de la loi m'inspire un certain nombre de préoccupations, car ce qui est prévu est un examen parlementaire, comme il se doit, mais si le rapport de cet examen est simplement déposé, et que le Sénat ne décide pas d'y donner suite, quel est l'intérêt?

Le président : Nous ferons, dans notre rapport, état de cette préoccupation. Vous le souhaitez sans doute.

M. Roussel : En effet.

Le président : Nous avons l'esprit large.

M. Roussel : C'est ce qui caractérise le Sénat.

Le sénateur Brown : Peut-être avez-vous déjà répondu à cette question, mais je tiens à m'assurer qu'il en est fait état dans le compte rendu.

Si j'ai bien compris, dans sa nouvelle version, la Loi sur la protection des eaux navigables permet la construction d'ouvrages, dans la mesure où ils ne gênent pas la navigation. La loi prévoit, par contre, des sanctions sévères pour chaque jour où se poursuivent des travaux ayant entraîné le dépôt d'une plainte. Est-ce exact?

M. Roussel : Je n'ai pas très bien saisi la dernière partie de votre question.

Le sénateur Brown : Est-il exact que, dans sa version modifiée, la loi prévoit des sanctions sévères pour chaque jour où se poursuivent les travaux ayant entraîné le dépôt d'une plainte?

M. Roussel : Oui, l'amende maximum est de 50 000 $ par journée d'infraction.

Le sénateur Brown : Merci.

Le président : Au nom du comité, je tiens à vous remercier de votre présence ici ce matin.

Madame Gillen, nous vous remercions de votre participation à nos délibérations. Il est clair que vous avez suivi de près ce qui s'est dit ici et vos interventions ont été à la fois claires et pertinentes.

La même chose peut être dite de Mme Proulx. Je suis sûr que vous allez, en rentrant chez vous, vous pencher sur la question des dérogations et l'idée même nous rassure.

[Français]

Monsieur Roussel, vous étiez présent au cours de toutes les audiences. Nous sommes contents et vous remercions sincèrement de votre contribution.

M. Roussel : Merci beaucoup.

[Traduction]

Nous allons maintenant continuer à huis clos.

(Le comité poursuit ses travaux à huis clos.)


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