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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 8 - Témoignages du 2 juin 2009


OTTAWA, le mardi 2 juin 2009

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-16, Loi modifiant certaines lois environnementales et édictant des dispositions ayant trait au contrôle d'application de lois environnementales, se réunit aujourd'hui à 17 h 7 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur David W. Angus (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, mesdames et messieurs les visiteurs qui nous regardent sur CPAC, la chaîne d'affaires publiques par câble et tous ceux qui nous suivent sur Internet, bonjour.

Nous entamons l'étude du projet de loi C-16, Loi édictant des dispositions ayant trait au contrôle d'application des lois environnementales. Nous avons le plaisir d'accueillir ce soir le ministre de l'Environnement, l'honorable Jim Prentice, accompagné de Stephen Woodworth, député de Kitchener-Centre, et du secrétaire parlementaire du ministre de l'Environnement, Mark Warawa, député de Langley (Colombie-Britannique). Nous accueillons également Renée Caron, directrice exécutive, Gouvernance législative, Environnement Canada. Soyez tous les bienvenus devant le comité.

Je tiens à préciser, aux fins du compte rendu, que cette séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles a lieu, alors que le Sénat siège en vertu d'un ordre spécial accordé cet après-midi vers 15 h 30.

Je vais maintenant, sans plus attendre, faire les présentations. Je m'appelle David Angus. Je suis un sénateur de Montréal (Québec) et président de ce comité. Je vous présente également notre estimé vice-président, le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta; le sénateur Richard Neufeld, de Colombie-Britannique; le sénateur Bert Brown, de l'Alberta; le sénateur Tommy Banks, de l'Alberta; le sénateur Gerry St. Germain, de Colombie-Britannique; le sénateur Elaine McCoy, de l'Alberta; le sénateur Pana Merchant, de la Saskatchewan et le sénateur Dan Lang, du Yukon.

Comme vous le voyez, monsieur le ministre, notre comité est assez représentatif. Vous savez sans doute que nous avons discuté de ce projet de loi et des grandes questions environnementales qui posent des défis à l'échelle mondiale. En guise d'introduction, je rappelle l'importance des efforts que vous avez déployés depuis la formation de l'actuel cabinet. Vous œuvrez non seulement de concert avec vos homologues américains du gouvernement Obama, mais également au sein du groupe de 17 pays qui s'attachent actuellement à préparer un ordre du jour pour les pourparlers qui doivent avoir lieu en décembre à Copenhague.

Vous avez convenu avec moi et mon vice-président que si nous parvenons en bon temps à achever nos délibérations sur le projet de loi C-16, vous accepterez de nous faire bénéficier de la hauteur de vos vues afin que nous soyons mieux à même de saisir pleinement toute l'ampleur des enjeux.

Le Sénat a aujourd'hui consenti à ce que nous procédions à une étude spéciale. Nous avions déjà discuté avec vous de manière informelle des paramètres d'une étude approfondie de notre politique énergétique dans le contexte des changements climatiques et de divers autres aspects de la question qui retiennent actuellement votre attention. Nous souhaitons que cette étude vous soit utile, à vous et à vos collègues et qu'elle contribue à l'action qu'appellent ces changements climatiques. Il ne s'agit aucunement de questions partisanes, car elles touchent et intéressent tous les habitants de la terre. Nous sommes, au sein de ce comité, décidés à agir de manière consensuelle et non partisane et de parvenir à des solutions intelligentes. Je répète, aux fins du compte rendu, que nous sommes, monsieur le ministre, à votre service, prêts à déblayer le terrain et à dégager les faits essentiels de la situation.

Sans plus attendre, je vous présente l'honorable Jim Prentice, de l'Alberta, ministre de l'Environnement.

L'honorable Jim Prentice, C.P., député, ministre de l'Environnement : Merci, monsieur le président. Mesdames et messieurs, bonjour. C'est avec plaisir que je prends la parole devant le comité, comme il a été convenu entre moi-même, le président et le vice-président.

Je suis accompagné de deux collègues, mon secrétaire parlementaire Mark Warawa et Stephen Woodworth qui, lui aussi, a beaucoup contribué à la rédaction de ce projet de loi. Renée Caron est directrice exécutive de la Gouvernance législative. Elle est accompagnée d'une équipe de jeunes avocats talentueux qui ont, eux aussi, contribué au texte sur lequel nous allons nous pencher. La qualité de ce projet de loi tient en partie au travail formidable qu'ils ont accompli.

Nous nous trouvons face à un éminent groupe de sénateurs et j'anticipe avec plaisir notre discussion au sujet du projet de loi C-16. Toutefois, si le comité me le permet, je vais profiter de l'occasion pour vous expliquer de manière plus générale le plan de notre gouvernement axé sur la protection de l'environnement, notamment en ce qui concerne les changements climatiques.

Comme vous le savez, monsieur le président, beaucoup d'événements au Canada et à l'étranger ont des incidences sur le legs environnemental dont la protection a été confiée à notre génération, au bénéfice de ceux qui suivront un jour nos traces.

Je reviens de réunions à Londres, Paris et Copenhague — j'ai, au cours de ce même déplacement de six jours, fait escale à Amsterdam ainsi qu'à Oslo et Bergen, en Norvège. Au cours de ce voyage de travail, j'ai discuté avec mes homologues du besoin des mesures urgentes relativement aux changements climatiques, et de ce que le Canada fait à cet égard. Il s'est agi d'un voyage passionnant non seulement en raison des réunions bilatérales avec les responsables des divers pays, mais également en raison de la deuxième réunion du Forum sur l'énergie et le climat des principales économies, le processus convoqué par le président Obama. Il s'agissait de la deuxième série de réunions dans le cadre d'un processus complémentaire et parallèle à la réunion de Copenhague.

Je sais que tous les partis s'intéressent à cette question. Je crois comprendre que certains membres de ce comité ont visité l'Ouest de l'Arctique l'an dernier, et ont ainsi pu constater les risques que posent les changements climatiques, notamment pour les populations vivant au nord du 60e parallèle.

[Français]

Monsieur le président, je partage ce désir, tout comme le gouvernement du Canada. L'augmentation des émissions de gaz à effet de serre est en train de réchauffer la planète. Il est vrai que le Canada n'est responsable que de 2 p. 100 de la production mondiale d'émissions de gaz à effet de serre. Néanmoins, à cause de notre géographie et, dans une certaine mesure, de notre économie fondée sur les produits primaires, nous sommes aujourd'hui l'une des sociétés qui consomme le plus d'énergie dans le monde et nous sommes parmi les 15 principaux producteurs de ces émissions par habitant.

C'est pourquoi nous siégeons au nouveau Forum sur l'énergie et le climat des principales économies avec les 16 autres principales économies émettrices développées et en voie de développement dans le monde.

Notre siège à cette table nous offre une occasion unique d'influencer le dialogue politique d'ici la tenue de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, qui aura lieu à Copenhague en décembre 2009.

Le Canada a un rôle important à jouer et, pour nous, la voie à suivre est toute tracée.

[Traduction]

Le Canada est, au monde, la huitième source d'émissions de gaz à effet de serre, mais il figure parmi les tout premiers si l'on se base sur le taux d'émissions par habitant. Cela est essentiellement dû à notre géographie, à notre climat et à notre économie fondée sur les produits primaires.

Il est important de noter que si notre système d'énergie électrique compte parmi les plus propres du monde pour ce qui est du rejet de gaz carbonique, nous sommes par habitant un des principaux producteurs de ces émissions.

Nous devons nous attaquer aux changements climatiques, en réduisant de manière responsable nos émissions de carbone, et ce, dans le cadre de politiques qui nous engagent à l'égard d'une action nationale, continentale et internationale. Au pays, notre but est de diminuer les émissions canadiennes de 20 p. 100 sous leurs niveaux de 2006 d'ici 2020, et de 60 à 70 p. 100 d'ici 2050. Vous souhaiterez peut-être effectuer une comparaison par rapport aux autres grandes économies, y compris aux économies de certains pays en développement.

Nous faisons cela à l'aide de politiques nationales visant toutes les importantes sources d'émissions de gaz à effet de serre au Canada. Mais il ne suffit pas de cibler l'industrie — elle ne produit qu'environ la moitié des émissions au Canada, énergie thermique comprise.

Nous avons déjà pris des mesures décisives en vue de réduire également les émissions des autres secteurs de l'économie. Dès l'an prochain, l'essence devra contenir 5 p. 100 de carburant renouvelable, et à partir de l'année modèle 2011, une nouvelle réglementation exigera que les voitures et les camions produisent moins d'émissions de dioxyde de carbone. Cela contribuera à la réduction du fardeau des émissions imposé à notre planète par le secteur des transports.

Rappelons, de manière générale, que le secteur des transports est à l'origine, au Canada, de 26 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre. Le Canada est le premier pays d'Amérique du Nord à avoir imposé des normes de contrôle des émissions d'échappement. Ces normes de rendement énergétique sont harmonisées avec celles de notre plus important partenaire commercial, les États-Unis, en partie parce que nous partageons le même espace économique, énergétique et environnemental, et en partie parce qu'il est beaucoup plus logique d'adopter une approche coordonnée pour surmonter les difficultés que nos deux pays éprouvent dans ces domaines.

Il s'agit d'un objectif que les deux pays cherchent à atteindre depuis de nombreuses années et j'ai le plaisir de pouvoir dire que nous y sommes parvenus il y a deux mois. Nous avons réussi à harmoniser les normes nord-américaines de rendement énergétique.

Il est certain que le Canada et les États-Unis doivent travailler de concert au renouvellement énergétique et économique de l'Amérique du Nord en prenant des mesures axées non seulement sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi sur une production accrue et plus propre de carburant et d'électricité. Le dialogue sur l'énergie propre fait partie de mes responsabilités. Il a été établi à la suite des réunions de cet hiver entre le président Obama et le premier ministre et s'est déjà avéré un pas crucial en avant.

Nous nous sommes engagés dans le cadre d'un mécanisme formé de trois groupes de travail qui traduisent bien le désir d'une collaboration plus poussé. Le premier groupe est chargé des recherches en matière d'énergies propres. Le deuxième, de la construction d'un réseau de distribution d'électricité plus efficace en Amérique du Nord, réseau qui intégrera les nouvelles technologies de réseau intelligent. Cela devrait conduire à de grands progrès, le principal objectif étant l'établissement d'un système commun de plafonds et d'échange de crédits en Amérique du Nord, ce qui dissiperait dans les deux pays les préoccupations liées à la compétitivité. Un troisième groupe de travail se chargera du captage et de stockage de carbone, notamment en ce qui concerne l'électricité thermique produite par des centrales à charbon.

Les collaborations que nous avons nouées avec les États-Unis ont été productives, et je m'attends à ce que cela continue. Ces groupes de travail s'annoncent, à terme, extrêmement prometteurs. Je m'attends à ce que notre collaboration avec les États-Unis renforce encore la crédibilité du Canada sur la scène internationale et nous allons nouer des collaborations avec d'autres pays encore.

Au niveau international, nous avons l'intention de présenter à Copenhague une gamme complète de politiques qui visent toutes les sources de gaz à effet de serre axées sur nos défis intérieurs. C'est l'approche qu'ont adoptée le Canada, les États-Unis, l'Australie et d'autres pays encore dans la perspective de Copenhague. Nous avons convenu qu'à Copenhague, nous serons tous en mesure d'exposer nos politiques nationales respectives à l'égard de chaque source d'émissions. D'autres pays ont pris à cet égard le même engagement que nous.

Il s'agit, comme vous le savez, d'une année charnière et le mois de décembre sera à cet égard crucial. Notre position est de proposer la négociation d'une nouvelle entente internationale fondée sur un principe d'équilibre entre la protection de l'environnement et la prospérité économique, tant pour les pays développés que pour les pays en développement.

Nous insistons sur la mise en place d'un cadre assurant le maintien d'une vision à long terme, la stimulation du développement et le déploiement de technologies propres, ce cadre devant, ce qui est très important, s'appliquer aux principaux pays émetteurs de gaz à effet de serre. Si nous adoptons en matière d'émissions de carbone, un protocole international, il faut, bien sûr, que ce protocole s'applique à tous les pays qui émettent du carbone, donc, principalement, les États-Unis, source de près de 25 p. 100 des émissions de gaz carbonique, et la Chine, dont les émissions se situent à peu près à la même hauteur. Nous avons bien insisté sur le fait que ce nouveau protocole devra s'appliquer à toutes les grandes sources d'émissions.

J'ai déjà discuté de cette opinion à plusieurs reprises avec nos partenaires internationaux — et même la semaine dernière à Copenhague, lors du Sommet mondial des affaires sur le changement climatique. Je l'ai fait à Washington en avril dernier, durant la première séance préparatoire du Forum sur l'énergie et le climat des principales économies convoqué par le président Obama, et encore, la semaine dernière, à Paris.

[Français]

Notre gouvernement estime que le captage et le stockage de carbone peuvent nous aider à trouver un équilibre entre nos besoins énergétiques et la nécessité de protéger l'environnement, mais qu'il s'agit aussi de la technologie de réduction des émissions la plus viable, en ce qui concerne l'exploitation des sables bitumineux et des centrales thermiques alimentées au charbon.

Avec une combinaison adéquate de créativité, d'investissements financiers et d'ingéniosité technologique, le potentiel de progrès est clair, tout comme la possibilité que le Canada devienne un chef de file mondial en nouvelles technologies de captage et de stockage de carbone.

Dans le cadre du budget de 2009, on a affecté un milliard de dollars échelonnés sur cinq ans pour des projets de recherche et de démonstration sur l'énergie propre, précisément à titre de premier pas vers la réalisation de nos objectifs.

Ces investissements importent tout particulièrement, à mesure que nous nous engageons dans le Dialogue sur l'énergie propre avec les États-Unis et que nous collaborons à la mise au point de technologies énergétiques propres destinées à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Monsieur le président, le gouvernement du Canada s'est clairement engagé à lutter contre les changements climatiques et à réduire les émissions de gaz à effet de serre, et à mener cette action de front à l'échelle nationale, continentale et internationale.

[Traduction]

Mais notre engagement à l'égard de la protection de l'environnement ne se limite pas à la lutte contre les changements climatiques. En mars, nous avons présenté le projet de loi C-16 (projet de loi sur le contrôle d'application de lois environnementales) destiné à assurer une protection adéquate de ces ressources. Il a reçu, à la Chambre des communes, l'appui de tous les partis. Permettez-moi d'indiquer brièvement en quoi le projet de loi dépasse tout ce qui existait auparavant et pourquoi le gouvernement lui attache tant d'importance.

Il modifie neuf lois actuellement administrées par Environnement Canada et l'Agence Parcs Canada, qui relèvent également de mon portefeuille et, grâce à des mesures d'application plus sévères, il vient renforcer l'engagement de notre gouvernement à l'égard de la protection de l'eau, des terres, de l'air et des espèces sauvages.

[Français]

Je pense que vous conviendrez, monsieur le président et membres du comité, qu'il faut non seulement punir ceux qui enfreignent la loi, mais aussi leur imposer des pénalités en fonction de la gravité de leurs infractions.

C'est exactement ce que vise le projet de loi sur le contrôle d'application de lois environnementales en fournissant aux procureurs et aux tribunaux les moyens nécessaires pour l'imposition d'amendes sévères et adéquates. Nous envisageons des amendes maximales plus élevées pour les sociétés et les personnes et, pour la première fois, des amendes minimales pour les plus graves infractions relatives à l'environnement.

Le projet de loi exige des tribunaux que, lorsqu'ils déterminent des peines, ils considèrent comme circonstances aggravantes les dommages environnementaux, les comportements intentionnels ou insouciants et certains autres facteurs.

Il crée des échelles d'amendes différentes selon les catégories de contrevenants, de telle sorte que les amendes imposées soient adéquates pour chaque infraction.

[Traduction]

Il établit également des pénalités pécuniaires administratives pour les infractions environnementales de moindre importance qui font rarement l'objet de poursuites, celles-ci étant très complexes et très chères.

Il s'agit de mesures importantes qui amélioreront sensiblement la protection de l'environnement. Le projet de loi renforcera les lois actuelles de telle sorte que les peines deviennent de solides facteurs de dissuasion, dénoncent les infractions environnementales et contribuent à la restauration de l'environnement.

Ces mesures envoient un message fort et clair aux contrevenants aux lois environnementales — leur comportement aura des conséquences. Avec un plus grand nombre d'agents de l'autorité sur le terrain, grâce aux 43 millions de dollars de fonds affectés dans le cadre des budgets de 2007 et de 2008, et maintenant le projet de loi sur le contrôle d'application de lois environnementales, nous avons regroupé plus de gens, de ressources et de moyens juridiques en vue de former un régime complet, moderne et efficace pour le Canada.

Notre gouvernement estime que ceux qui enfreignent la loi doivent être punis dans toute la mesure prescrite et que ce projet de loi nous aidera à réaliser exactement cela.

Depuis trois ans que j'occupe ces fonctions, nous avons fait beaucoup de progrès en ce qui a trait aux initiatives axées sur la protection de l'eau, de l'air, des terres et des espèces sauvages. Ce projet de loi vient s'ajouter aux efforts que nous déployons actuellement en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de lutter contre les changements climatiques dans le cadre de notre action internationale. Il est clair que le gouvernement du Canada fait de son mieux pour protéger l'environnement.

Je vous remercie de m'avoir invité aujourd'hui et je répondrai maintenant volontiers à vos questions.

[Français]

Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup, monsieur le ministre. Je dois dire que votre français est très bon. C'est une inspiration pour un autre homme de l'Alberta — moi, en l'occurrence — qui essaie d'apprendre le français. Peut-être qu'à l'avenir, nous pourrons parler français ensemble en Alberta. Je l'espère.

[Traduction]

Mais pas tout de suite.

J'ai, en effet, une question que je souhaite vous poser. Mais, d'abord, je tiens à vous remercier de votre présence et de l'occasion qui nous est ainsi donnée de discuter du projet de loi C-16 et de certaines questions qui revêtent un tel caractère d'urgence.

Les Canadiens attendent depuis longtemps la prise de mesures permettant de faire face aux changements climatiques. Votre prédécesseur nous avait dit que nous pouvions nous attendre, cette année, à une réglementation sur les plafonds d'émissions. Vous nous avez vous-même dit que cette réglementation sera prête l'année prochaine et qu'elle entrera en vigueur en 2016.

Pourriez-vous nous préciser le calendrier et nous dire si nous ne pourrions pas accélérer un peu les choses? Vous avez reconnu que cela est important si nous voulons atteindre d'ici 2020 les objectifs que le Canada s'est fixés car cela laisserait à nos industries quatre ans pour s'adapter.

M. Prentice : C'est très volontiers que je réponds à votre question. D'abord, j'ai déclaré publiquement et invariablement depuis qu'on m'a confié le portefeuille de l'Environnement que nous allons devoir, à Copenhague, être en mesure d'exposer l'ensemble des politiques du Canada en ce domaine. Dès Copenhague, donc, les Canadiens vont pouvoir prendre connaissance des politiques que nous avons élaborées. C'est dire que d'ici décembre 2009, les réglementations encadrant toutes les sources d'émissions de gaz à effet de serre seront connues.

En 2010, nous achèverons le processus de réglementation, et la publication dans la Gazette de toute une série de règlements concernant notamment les types d'automobiles qui pourront être vendues, ainsi que le fonctionnement de notre réseau électrique. Tout le travail de réglementation sera achevé. Ce travail est déjà en cours et il sera très certainement achevé en 2010.

Disons, d'une manière générale, que les nouvelles mesures commenceront à s'appliquer le 1er janvier de l'année suivante, c'est-à-dire en 2011. Dans certains cas, ces mesures sont déjà en place. Dans d'autres cas, les nouvelles règles seront ultérieurement appliquées secteur par secteur.

Cette approche est conforme aux engagements pris par nos partenaires internationaux à Copenhague. Nous sommes déjà dans l'après-Kyoto. Il s'agit d'adopter une réglementation très précise pour chaque source d'émissions de gaz à effet de serre.

Voilà, donc, l'approche que nous avons retenue. Elle va nous permettre de respecter l'engagement que nous avons pris de réduire d'ici 2020 de 20 p. 100 nos émissions de gaz à effet de serre.

Je n'ai jamais dit qu'il faudrait attendre pour cela 2016. J'avais simplement laissé savoir que dans la mesure où certaines politiques et certains règlements concernent des secteurs lourdement tributaires du commerce extérieur, et donc exposés, à la concurrence et aux risques de fuites de carbone, nous ne pouvons pas faire abstraction de ce qui se fait chez notre principal partenaire commercial et dans le reste du monde. Nous veillerons donc à protéger l'investissement et l'emploi au Canada en nous tenant au courant de ce qui se fait ailleurs. Voilà, donc, le calendrier que j'avais fixé.

Le sénateur Mitchell : Ce que nous pouvons constater, tant vous que moi, à chaque fois que nous nous entretenons avec des représentants de l'industrie lourde, c'est que ses dirigeants ne sont pas des mécréants. Ils souhaitent en effet prendre les mesures qui s'imposent. Cela dit, ils doivent tenir compte des desiderata de leurs actionnaires, envers qui ils sont responsables. C'est, en définitive, un facteur de motivation très puissant. Comment peuvent-ils justifier, auprès de leurs actionnaires, la prise de mesures qui ne sont pas nécessairement conformes aux souhaits de ces derniers, sachant pertinemment que les actionnaires peuvent choisir de se détourner d'eux?

C'est là une question qu'il va falloir résoudre d'une manière ou d'une autre. Les entreprises doivent, effectivement, consentir des sacrifices, mais compte tenu de la mobilité des capitaux, il y a une limite à ce qu'on peut leur demander.

Avez-vous réfléchi à la manière d'aborder le problème des investissements dans le contexte des changements climatiques?

M. Prentice : Je dois dire, d'une manière générale, que ce n'est pas en ignorant les intéressés que l'on parvient à de bonnes politiques. Nous avons largement consulté les parties prenantes au sujet des politiques et règlements envisagés dans les divers domaines, et nous allons continuer à le faire.

Nous faisons des efforts considérables pour consulter les représentants des divers secteurs, pour discuter avec eux des incidences qu'auront les mesures envisagées et nous nous entretenons aussi avec les autres catégories de personnes intéressées. Nous agissons en cela avec beaucoup d'attention et beaucoup de prudence afin d'éviter les erreurs, d'abord au niveau des politiques, puis au niveau de la réglementation afin que les mesures adoptées soient réalistes, conformes à nos responsabilités en tant que gardiens de l'environnement et capables de réduire efficacement les émissions canadiennes de gaz à effet de serre.

J'ai pris part, en tant que représentant du Canada, à de nombreuses négociations internationales et j'ai le sentiment que notre approche retient de plus en plus l'attention de nos partenaires, qui constatent que le Canada agit avec circonspection afin d'obtenir une réduction effective des émissions et afin de respecter les engagements qu'il a souscrits.

Le sénateur Merchant : Monsieur le ministre, bienvenu devant le comité. J'aurais une ou deux questions à vous poser au sujet du projet de loi C-16.

D'abord, comment nos mesures de contrôle d'application des lois environnementales se comparent-elles à celles d'autres pays? Quelle figure faisons-nous par rapport à ces autres pays? Sommes-nous, en ce domaine, un chef de file? Y a-t-il un pays qui puisse être cité en exemple?

M. Prentice : Laissez-moi évoquer les mesures précises que nous avons adoptées au Canada ces dernières années et qui constituent un premier élément de comparaison.

D'abord, nous avons augmenté les effectifs. Nous avons, en effet, doublé le nombre d'agents de l'autorité. Nous avons recruté 106 nouveaux agents et j'ai eu, à l'aéroport de Toronto, l'occasion d'en rencontrer plusieurs en cours de formation. Il s'agit d'agents de l'autorité en environnement, des biologistes souvent, qui sont chargés de faire respecter les nouvelles dispositions. Nous avons donc renforcé nos moyens d'application de la loi.

C'est logique, car si vous adoptez de nouvelles dispositions sévères, mais que vous n'avez pas les moyens de les faire respecter, vous n'atteindrez pas vos objectifs. Nous avons consacré à cela d'importants crédits. Entre le budget 2007 et le budget 2008, 43 millions de dollars ont été affectés aux moyens d'application de la loi et au renforcement des effectifs. Douze millions de dollars ont en outre été dégagés à l'intention de Parcs Canada. Au cours des trois dernières années, plus de 50 millions de dollars en nouveaux crédits ont été affectés à des mesures d'application de la loi, dont les agents de l'autorité. Le troisième élément est, bien sûr, la rédaction des textes qu'ils seront chargés de faire respecter.

Nous progressons de manière tout à fait satisfaisante. Environnement Canada, et les moyens que nous engageons afin de faire respecter les lois jouissent de l'estime des autres pays. Il ne faut en outre pas oublier que le territoire à policer est particulièrement vaste.

Le sénateur Merchant : A-t-on également envisagé des actions pédagogiques susceptibles d'encourager les éventuels contrevenants à respecter la nouvelle réglementation? A-t-on prévu une campagne d'information au sujet des nouvelles dispositions? Si oui, pourriez-vous nous dire quelque chose de ce qui est prévu?

M. Prentice : Il est clair qu'il va y avoir de la concertation au sujet de la mise en œuvre des nouvelles mesures. Cela dit, j'estime que la population comprend assez bien la teneur de ce projet de loi et nous n'allons par conséquent pas lancer une grande campagne de sensibilisation. Les entreprises de transport maritime, par exemple, sont tout à fait au courant des nouvelles mesures. Ce texte modifie, en effet, des dispositions législatives très précises et les divers secteurs de l'activité nationale qui seront touchés, que ce soit par la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs ou par un autre texte, sont parfaitement au courant des règles en vigueur. Nous estimons que la population sera au fait des dispositions en cause.

Le sénateur Banks : Merci, monsieur le ministre, merci, mesdames et messieurs, de votre présence ici.

Ce n'est pas souvent, monsieur le ministre, que je commence par des louanges, mais je dois dire qu'il s'agit, en gros, d'un bon projet de loi. Il prescrit des mesures dont nous réclamons la prise depuis longtemps déjà. Il se peut que nous ne soyons pas tout à fait d'accord sur la manière précise dont certaines choses doivent se faire, mais je dois dire que, par votre attitude, vous avez fait souffler un vent nouveau sur les sujets dont nous nous sommes entretenus plus tôt. Ce changement est tout à fait bienvenu.

M. Prentice : Je vous remercie, sénateur Banks.

Le sénateur Banks : Cela dit, il nous appartient de nous pencher sur le projet de loi. Vous venez de faire allusion à la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et à l'industrie des transports maritimes. Nous avons eu des débats intéressants au sujet de la loi en question, notamment en ce qui concerne la responsabilité particulière des transporteurs et la possibilité, par exemple, d'exposer des marins étrangers à une peine d'emprisonnement en cas de rejet d'eaux usées à minuit par temps de brouillard près des côtes de Terre-Neuve entraînant la mort d'oiseaux. Ce projet de loi consolide la réglementation en vigueur en renforçant les responsabilités spécifiques.

Aux fins de notre examen des dispositions du projet de loi concernant les responsabilités spécifiques, pourrais-je vous demander le nombre de poursuites qui ont été intentées, au titre de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et le nombre éventuel de condamnations prononcées, à l'encontre de marins, capitaines ou mécaniciens étrangers?

Monsieur le ministre, je ne m'attends pas à ce que vous puissiez nous citer à cet égard des chiffres précis, mais est-ce qu'il y a eu des poursuites intentées? Avons-nous, effectivement, mis des marins étrangers en prison pour des infractions à la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs?

M. Prentice : Deux cent quarante-six condamnations ont été prononcées au titre de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs. Je crois savoir, cependant, qu'aucune de ces condamnations n'a été prononcée à l'encontre de navires étrangers, c'est-à-dire de capitaines ou de matelots étrangers.

Le sénateur Banks : Je vous pose la question, car les transporteurs internationaux nous ont fait des commentaires très énergiques au sujet des incidences que ce projet de loi pourrait avoir sur l'industrie des transports maritimes. Ils nous ont notamment demandé si les ports et les transporteurs canadiens subiraient les conséquences de ce qu'ils considèrent comme des mesures plutôt radicales.

Est-ce exact, monsieur le président? Vous souvenez-vous de cela?

Le président : Sénateur Banks, vous avez un véritable don d'éloquence.

Le sénateur Banks : Je n'étais pas très sûr et je ne voulais pas me tromper.

Cela nous aidera à éviter de relever, dans le cadre de notre examen, des obstacles et des difficultés qui n'existent pas en fait.

M. Prentice : Franchement, cela me paraît bien être le cas. Je reconnais que le secteur concerné a fait état de ce genre de préoccupations, y compris en ce qui concerne les mesures tendant à faire respecter la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Nous savons que cette convention n'autorise pas les peines de prison pour les équipages de navires étrangers commettant une infraction au-delà des limites des eaux territoriales d'un pays; cela est entendu.

Mais le projet de loi ne contient aucune disposition contraire à la Convention sur le droit de la mer. Il nous faut tenir pour acquis que les services des poursuites dépendant du gouvernement fédéral du Canada ne requièrent pas une peine de prison dans les cas où cela serait contraire au droit international. Cela me paraît être un des aspects essentiels de ce texte de loi. Il est clair qu'en vertu du pouvoir d'appréciation qui lui est reconnu, le procureur général veillera à ce que ne soit intentée aucune poursuite contraire aux règles du droit international.

Le sénateur Banks : Je vous remercie. Cela me rassure en effet.

Ce projet de loi modifie neuf lois fédérales, mais édicte en outre une nouvelle loi, la Loi sur les pénalités administratives en matière d'environnement, texte qui précise les règles applicables aux violations.

Mme Caron sera sans doute en mesure de vous répondre sur ce point. Sans doute avez-vous reçu du ministère de la Justice les assurances nécessaires, mais, dans l'hypothèse où l'une des neuf lois modifiées se révélerait incompatible avec les dispositions de cette nouvelle loi, quel serait le texte qui l'emporte? Est-il possible d'apporter à cette question une réponse simple?

M. Prentice : Pourriez-vous nous citer un exemple?

Le sénateur Banks : À supposer qu'une des dispositions de ces neuf lois modifiées se révèle par la suite incompatible avec telle ou telle disposition de la Loi sur les pénalités administratives en matière d'environnement, quel serait le texte qui l'emporte. Je ne sais pas de quoi il pourrait s'agir, peut-être d'une incompatibilité au niveau d'une peine minimum ou des moyens d'obtenir le recouvrement d'une sanction pécuniaire. Personne n'est vraiment en mesure de prévoir de tels cas, mais ce sont des choses qui pourraient se produire. En pareille hypothèse, donc, quel est le texte qui prévaudrait?

M. Prentice : D'après moi, en ce qui concerne les pénalités administratives en matière d'environnement, c'est-à-dire les sanctions pécuniaires, ce serait le texte sur le contrôle d'application des lois environnementales qui l'emporterait étant donné qu'il est le seul à prévoir de telles sanctions. Ces sanctions, en effet, se trouvent dans les dispositions de caractère non pénal inscrites dans le texte.

Le sénateur Banks : Je relève qu'en matière de recouvrement des sanctions pécuniaires, la loi prévoit un délai de prescription de cinq ans. Or, toute personne ayant obtenu gain de cause dans le cadre d'un procès civil sait que le plus dur est d'obtenir le recouvrement des sommes allouées par le tribunal. Pourquoi ce délai de prescription de cinq ans? Ce chiffre a-t-il une signification particulière? La loi prévoit un délai de prescription de cinq ans pour le recouvrement des sommes auxquelles un contrevenant peut être condamné.

M. Prentice : Avait-on envisagé d'autres délais de prescription?

Renée Caron, directrice exécutive, Gouvernance législative, Environnement Canada : S'agit-il d'une disposition du projet de loi?

Le sénateur Banks : Oui.

Mme Caron : Vous songez aux dispositions d'un autre texte?

Le sénateur Banks : Non, je parle du paragraphe 27(2) concernant le recouvrement des pénalités, le texte prévoyant, à la page 192, que :

(2) Le recouvrement de la créance se prescrit par cinq ans à compter de la date à laquelle elle est devenue exigible.

Ah, je n'avais pas très bien saisi. C'est la procédure en recouvrement qui doit être intentée dans les cinq ans, sous peine de prescription.

M. Prentice : Ce délai de prescription de cinq ans s'applique au recouvrement de la créance. Il ne me paraît pas déraisonnable. Un tel délai est parfaitement normal en matière de réclamation contractuelle.

M. Woodworth aurait, sur ce point, quelque chose à ajouter.

Stephen Woodworth, député, Kitchener-Centre, à titre personnel : Je tiens simplement à préciser qu'il s'agit d'une disposition de la nouvelle loi sur les pénalités administratives en matière d'environnement. Il s'agit donc d'une pénalité administrative et des moyens d'en assurer le recouvrement. Dans la plupart des cas, le recouvrement de l'amende imposée se fera assez rapidement. Il serait très inhabituel en effet de voir quelqu'un attendre cinq ans. Je ne pense donc pas que cette disposition aura, en pratique, de grandes occasions d'être appliquée.

Le sénateur Banks : Je vous remercie.

Le président : Monsieur le ministre, il serait peut-être bon, maintenant que, vous expliquiez à l'intention du comité ce que vous m'avez expliqué plus tôt en particulier, à savoir que M. Woodworth a joué, en tant que député, joué un rôle particulier dans la rédaction de ce texte.

M. Prentice : M. Woodworth a récemment été élu député. Comme vous le savez tous depuis votre entrée en politique, et même avant, vous ne pouvez pas face à un texte comme celui-ci, vous passer d'un bon avocat. Mme Caron et moi avons donc sollicité M. Woodworth qui nous a très utilement épaulés au sein du comité de la Chambre des communes lors de l'étude de ce texte particulièrement dense. Nous tenons à le remercier de l'aide qu'il nous a apportée.

Le président : Je tenais à ce que cela soit précisé en raison de la réponse que vous avez apportée sur un point juridique très précis.

Le sénateur Banks : Monsieur Woodworth, à la page 189 du projet de loi, à l'article 11, sous la rubrique « règles propres aux violations », je trouve une disposition qui me semble parfaitement inédite, même dans un texte environnemental. Le texte prévoit en effet que :

11. (1) L'auteur présumé de la violation — dans le cas d'un navire ou d'un bâtiment, son propriétaire, son exploitant, son capitaine ou son mécanicien en chef — ne peut invoquer en défense le fait qu'il a pris les mesures nécessaires pour empêcher la violation ou qu'il croyait raisonnablement et en toute honnêteté à l'existence des faits qui, avérés, l'exonérerait.

Ne pensez-vous pas que cette disposition supprime de 70 à 80 p. 100 des moyens de défense susceptibles d'être invoqués?

M. Woodworth : Cette disposition a pour effet de faire des infractions administratives prévues dans cette loi sur les pénalités administratives en matière d'environnement des infractions de responsabilité stricte. Notons bien qu'il ne s'agit pas en l'occurrence d'une disposition d'application générale. Cette disposition ne s'applique en effet pas à la plupart des infractions prévues dans les dispositions ayant trait au contrôle d'application de lois environnementales. Cette disposition s'applique à des infractions mineures telles que les délais dans lesquels doivent être effectuées certaines déclarations, ou au sujet des renseignements devant figurer dans de telles déclarations, c'est-à-dire à des démarches administratives mineures. Nous tentons d'instaurer une procédure sommaire qui permettra de réprimer les infractions mineures sans entraîner pour les parties de gros frais juridiques.

Le président : Mais n'est-ce pas ce que l'on appelle, en droit, une inversion de la charge de la preuve?

M. Woodworth : Ce n'est pas tout à fait exact, bien que certains soient effectivement de cet avis. Le gouvernement, ou l'État, est tout de même tenu d'établir qu'il y a bien eu infraction en raison du non-dépôt d'un document ou du non-accomplissement d'une démarche. Dans ce sens-là, la preuve incombe encore à l'État. C'est simplement que l'État n'a plus à démontrer l'élément moral de l'infraction commise. Aux yeux d'un avocat, il ne s'agit donc pas à proprement parler d'une inversion du fardeau de la preuve, car il appartient encore à l'État d'établir l'existence de l'infraction.

M. Prentice : Il convient par ailleurs de noter que cette disposition ne concerne pas la très sensible augmentation du montant des amendes prévues dans le texte. Cette disposition s'applique en effet aux pénalités administratives ou pécuniaires les plus faibles et applicables à des infractions de responsabilité stricte.

Le sénateur Banks : Il s'agit donc de contraventions, plutôt que d'infractions.

M. Prentice : Il ne s'agit pas d'infractions pénales.

[Français]

Le sénateur St. Germain : Je voudrais parler en français, puisque mon collègue, le sénateur Mitchell, de l'Alberta, a pratiqué son français.

[Traduction]

Merci, monsieur le ministre, de votre présence ici ce soir et merci également, monsieur Warawa. Vous avez été, pendant des années, mon député et je tiens à le préciser, un excellent député. Monsieur Woodworth, bienvenue devant le comité. J'espère vous vois un jour siéger parmi nous en tant que sénateur. Non, n'en écartez pas l'idée.

Monsieur le ministre, j'ai une question que je tiens à vous poser. Dans votre excellent exposé, vous avez dit ceci :

Au pays, notre but est de diminuer les émissions canadiennes de 20 p. 100 sous leur niveau de 2006 d'ici 2020, et de 60 à 70 p. 100 d'ici 2050.

Nous souhaiterons peut-être, d'après vous, effectuer des comparaisons par rapport aux autres pays. Ce serait en effet intéressant en raison de la polémique qui sévit actuellement et des questions posées lors de la période des questions, tant au Sénat qu'à dans l'autre endroit. Où en sommes-nous par rapport aux autres pays? Pourriez-vous à cet égard nous citer des exemples?

M. Prentice : Ce qui me vient immédiatement à l'esprit est le caractère ambitieux des objectifs qu'envisagent de se fixer les États-Unis. On appelle cela, dans les instances internationales chargées de la question, l'atténuation des changements climatiques, mais je préfère parler en termes d'ambitions au niveau des objectifs. Nous entendons, au Canada, d'ici à 2020, diminuer les émissions de 20 p. 100 par rapport à leur niveau de 2006.

Dans ses propositions budgétaires, le Président Obama a fait part de sa volonté de ramener d'ici 2020 les émissions américaines à leurs niveaux de 1990. En effectuant le calcul par rapport aux objectifs canadiens, vous constatez que les objectifs américains correspondent à une baisse de 15 p. 100, ce qui veut dire que les objectifs que s'est fixés le Canada sont un peu plus ambitieux. Selon le projet de loi Waxman-Markey, présenté au Congrès des États-Unis, d'ici 2020, les États-Unis devront réduire leurs émissions de 20 p. 100 par rapport à 2005.

Mettons de côté l'écart entre 2005 et 2006. On voit que l'effort consenti par les deux pays est à peu près comparable. Le Congrès a ramené cet objectif à une baisse de 17 p. 100 d'ici 2020. Il s'agirait, selon certains, d'une sorte de maximum.

Il semble donc que les États-Unis soient quelque peu moins ambitieux que le Canada puisque notre objectif est de réduire les émissions de 20 p. 100 d'ici 2020.

Le sénateur St. Germain : Et comment se compare-t-on aux pays européens?

M. Prentice : On discute beaucoup en Europe des objectifs que nous dicterait la science. L'Union européenne prône d'ici 2020 une baisse des émissions de 25 à 40 p. 100 par rapport à 1990. Une partie du débat international porte sur la question de savoir si de tels objectifs sont réalisables aux États-Unis. Les États-Unis estiment que non.

Et puis il y a également la question des pays en développement. Le Brésil, la Chine et l'Inde, par exemple, n'ont pas retenu les mêmes objectifs. Ils ont simplement manifesté leur volonté d'élaborer des stratégies durables, mais sans fixer, en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, d'objectifs chiffrés.

La question se situe au cœur du débat qui a lieu dans le cadre du processus de Copenhague. Michael Martin, notre négociateur en chef et ambassadeur aux changements climatiques, qui œuvre à mes côtés, se trouve aujourd'hui à Bonn pour prendre part à des réunions. Ces diverses questions seront à l'ordre du jour.

En un mot, une diminution de 20 p. 100 d'ici 2020 nous paraît réalisable. C'est un objectif ambitieux auquel nous allons devoir nous tenir. Cet objectif, je pense, tient compte des réalités de notre pays.

Le sénateur Neufeld : Je vous remercie d'être venu ici.

Monsieur le ministre, si je ne m'abuse, les modifications que le projet de loi C-16 apporte à ces neuf lois fédérales n'en modifient aucunement les principes de base. Ce qui change, c'est le niveau de contrôle d'application, les instructions quant à la manière dont les tribunaux vont devoir contrôler l'application des lois environnementales, et l'échelle des pénalités, qui va vraisemblablement comprendre des peines d'emprisonnement. Est-il exact de dire que ces neuf lois demeurent à peu près en l'état et que les modifications en question ne concernent que les paramètres que je viens d'évoquer?

M. Prentice : Cela me semble exact. Il s'agissait d'actualiser les dispositions de contrôle d'application. Ce projet de loi ne modifie guère le détail des règles actuellement applicables et ne fait que moderniser les dispositions ayant trait au contrôle d'application. On a pour cela étudié les principes de détermination de la peine tels que la dissuasion, la dénonciation et la restauration, principes qui n'avaient pas été retenus dans le cadre des dispositions antérieures. Les neuf projets de loi constituent un recueil de textes portant sur des domaines relevant des responsabilités d'Environnement Canada. Certaines des dispositions prévoyant des amendes remontent à 1952, d'autres sont de date plus récente. Il s'agissait d'harmoniser les dispositions applicables afin d'en faire un régime cohérent.

Le sénateur Neufeld : C'est bon à savoir et il est d'après moi utile que cette précision figure au compte rendu. J'avais déjà posé la question, et reçu la même réponse.

L'industrie des transports maritimes semble davantage se préoccuper des changements qu'il conviendrait, d'après ses responsables, d'apporter aux neuf lois en question que de ce qui constitue l'objet du projet de loi C-16.

Pourriez-vous peut-être m'apporter quelques précisions concernant les préoccupations dont nous ont fait part des représentants de l'industrie des transports maritimes. J'ai reçu, en effet, une lettre de la Chamber of Shipping of British Columbia, de Vancouver. Permettez-moi, aux fins du compte rendu, de donner lecture d'un extrait de cette lettre :

Nous tenons à vous faire savoir que ce texte nuit sérieusement aux efforts d'autres ministères en faveur de l'Initiative de la porte de l'Asie-Pacifique et de la promotion de Vancouver en tant que centre maritime international. Selon un nombre considérable de membres de l'organisme de promotion de ce centre, le projet de loi C-16 est la dernière en date des mesures adoptées par le Canada dans le cadre d'efforts qui, semble-t-il, ont pour objet d'instaurer un climat défavorable aux transports maritimes internationaux. Plusieurs armateurs envisagent de mettre un terme à leurs opérations de Vancouver si ce projet de loi est adopté.

Ce genre de lettre n'a pour moi rien de nouveau. J'en ai reçu un certain nombre au cours d'une carrière précédente : si vous ne faites pas ce que je vous demande, je vais simplement mettre la clé sous la porte. Cela dit, je souhaiterais pouvoir leur répondre de manière rationnelle lorsqu'ils prendront la parole devant le comité.

Je comprends ce que nous sommes en train de faire et je sais qu'en fait cela ne les touche guère. Je dispose de solides arguments qui devraient me permettre non pas d'obtenir leur acquiescement, mais à tout le moins d'apaiser certaines de leurs préoccupations.

M. Prentice : Nous savons que le secteur des transports maritimes éprouve, effectivement, un certain nombre de préoccupations à cet égard. Nous ne sommes d'accord ni avec l'interprétation qu'ils ont faite du texte, ni avec les incidences qui, d'après eux, devraient en découler.

Les amendements qu'il est proposé d'apporter au projet de loi C-16 répond à certaines des préoccupations qu'ils ont manifestées. Ils ont, par exemple, cité le cas de Loi sur la responsabilité en matière maritime. Nous avons pu leur assurer que la Loi sur la responsabilité en matière maritime est le texte qui prévaudra.

Ils se sont, comme nous l'avons vu plus tôt, également interrogés au sujet de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. D'après nous, les dispositions inscrites dans le texte en question ne vont aucunement à l'encontre des articles de cette Convention.

Certains ont même fait valoir le caractère inconstitutionnel des infractions de responsabilité stricte prévue dans le projet de loi. Nos juristes ne sont pas du tout de cet avis et ne sont pas non plus d'accord avec l'interprétation qui est donnée du terme « responsabilité stricte ». Certains des arguments avancés concernent plutôt la notion de responsabilité absolue. Or, cette notion ne se retrouve pas du tout dans le texte. Il s'agit, plutôt, de la notion juridique de « responsabilité stricte », notion bien connue en droit canadien. Cette idée n'a rien d'exceptionnel. Il s'agit, en effet, d'un type de responsabilité qui permet d'invoquer comme moyen de défense la diligence raisonnable. Il y a d'autres dispositions encore sur lesquelles nous pourrions nous expliquer, mais, de manière générale, voilà un peu le genre de réponse que nous faisons aux préoccupations dont il a été fait état.

Le sénateur Neufeld : Je vous remercie. Cela nous sera fort utile, je pense, et je garderai mes notes près de moi lors de leur comparution devant le comité.

Le président : Oui, ou lorsqu'ils cesseront de vous inviter à prendre part à leurs croisières nocturnes à Vancouver!

Le sénateur Neufeld : Je ne sais pas, à vrai dire, si une croisière nocturne à Vancouver doit être considérée comme une partie de plaisir.

M. Prentice : Ils ont, par exemple, évoqué l'éventualité d'un pur accident. Ils pensent qu'en cas d'accident, ils ne pourront invoquer aucun moyen de défense au regard de l'infraction qui leur sera reproché. Nous ne sommes pas d'accord avec certaines des hypothèses avancées. En effet, en droit canadien, la diligence raisonnable constitue un moyen de défense.

Le président : Monsieur le ministre, est-ce à dire que vous ne vous faites aucun souci au sujet de la légalité et des fondements juridiques des dispositions en question? Ne conviendrait-il pas de rappeler que certaines de ces dispositions existent déjà — en droit américain, par exemple — et qu'il ne s'agit en fait que d'un effort d'harmonisation? Êtes-vous d'accord?

M. Prentice : Je n'entends pas me livrer à une analyse détaillée des règles de droit maritime canadien par rapport aux dispositions applicables dans d'autres ressorts. Je peux dire, cependant, que, de manière générale, nous ne faisons que reprendre des principes qui existent déjà en droit canadien. Il s'agit de notions bien connues, dont la constitutionnalité est indiscutée, et chacun reconnaît, en effet, que la diligence raisonnable constitue un moyen de défense. Il ne s'agit pas, d'ailleurs, de principes reconnus uniquement en droit canadien mais de principes généraux de droit maritime.

Le sénateur Neufeld : Je vous demande, aux fins du compte rendu, s'il n'est pas exact que, à l'autre endroit, le projet de loi C-16 a obtenu le consentement unanime?

M. Prentice : C'est exact. J'insiste sur le fait que nous tentons, avec ce projet de loi, de faire œuvre utile. Vous souhaiterez peut-être, dans le cadre d'une séance informelle, vous entretenir avec Mme Caron et M. Woodworth au sujet de certaines des hypothèses avancées par des représentants du secteur des transports maritimes. C'est très volontiers qu'ils s'entretiendront avec vous de cela.

Le président : Monsieur le ministre, je crois savoir que vous allez peut-être devoir bientôt prendre congé de nous. J'espérais, justement, que vous nous diriez que vos deux collaborateurs accepteront de demeurer après votre départ. Je sais qu'il y en a sept ou huit, y compris Mme Caron, qui pourraient rester afin de répondre aux autres questions que nous aurions à poser. Seriez-vous d'accord?

Le sénateur Neufeld : Pourriez-vous nous dire quelque chose de cette baisse de 20 p. 100 d'ici 2020 par rapport au niveau de 2006, et des mécanismes de plafonds et d'échange de crédits applicables à l'industrie lourde.

J'imagine que vous pouvez pouvoir obtenir, des principales sources d'émissions, une baisse suffisante pour atteindre cet objectif d'ici 2020. Je vais prendre l'exemple de la Colombie-Britannique. Vous nous avez dit, je crois, que, au Canada, 26 p. 100 des émissions proviennent des transports. Je crois pouvoir dire qu'en Colombie-Britannique cette proportion atteint 39 ou 40 p. 100.

La Colombie-Britannique a tenté, de diverses manières, de réduire ses émissions. Certaines des mesures qu'elle a adoptées sont analogues à celles que vous avez vous-mêmes proposées — l'adjonction d'éthanol dans l'essence et de biocarburant dans le carburant diesel. J'emploie moi-même le gaz naturel pour chauffer ma maison et j'en suis très content. Mais ces divers carburants sont néanmoins des sources de gaz à effet de serre. S'agit-il donc, simplement, de réduire les émissions des principales sources, le reste de la population pouvant continuer comme avant, ou est-ce qu'il y a quelque chose que je ne parviens pas à saisir?

M. Prentice : Décomposons les sources de nos émissions de gaz à effet de serre. Au Canada, environ 30 p. 100 des gaz à effet de serre proviennent d'industries qui dépendent de notre commerce extérieur. Je ne vais citer que des chiffres approximatifs et ne m'en voulez donc pas, mais je crois pouvoir dire qu'encore 20 p. 100 de nos émissions proviennent des centrales à charbon et autres centrales énergétiques qui émettent du carbone. Il y a, ensuite, 25 p. 100 d'émissions provenant des transports et puis une autre tranche de 25 p. 100 provenant d'autres sources. Il s'agit aussi bien de l'édifice dans lequel nous nous trouvons actuellement, que de votre maison et de toutes sortes d'autres installations, y compris les décharges.

Je disais, un peu plus tôt, que d'ici Copenhague, nous aurions exposé les politiques du gouvernement à l'égard des diverses sources d'émissions. Cela fait actuellement l'objet de discussions aux États-Unis. Il ne s'agit pas en effet de simplement se préoccuper des sources industrielles, car notre cadre d'action va englober toutes les sources d'émissions.

Un effort analogue est actuellement mené dans les autres pays. Ainsi, par exemple, une des premières politiques que nous avons annoncées, il y a deux mois, concernait les nouvelles normes concernant les émissions d'échappement applicables aux automobiles. Cela va permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre au Canada.

Le sénateur Neufeld : Est-ce la même norme que celle qui a été adoptée en Californie?

M. Prentice : Nous avons été les premiers à adopter la principale norme fédérale d'Amérique du Nord. Depuis, les États-Unis ont décidé de resserrer cette norme. Nous allons agir de manière à actualiser chaque année la norme applicable afin que le Canada et les États-Unis, qui se partagent l'industrie et le marché de l'automobile, appliquent d'une année à l'autre les mêmes normes. J'insiste bien sur le fait que ces normes vont entraîner une baisse de nos émissions de gaz à effet de serre.

Il s'agit de procéder scientifiquement et d'intervenir secteur par secteur et source par source.

Le sénateur McCoy : Monsieur le ministre, c'est toujours avec plaisir que l'on vous rencontre et c'est un plaisir aussi de vous entendre prendre la parole avec autant d'éloquence.

J'aurais trois questions à vous poser dont une concernant le Fonds de recherche pour l'énergie propre. J'aimerais cependant, avant cela, vous remercier publiquement des mesures annoncées la semaine dernière, en faveur de la piste cyclable dans le parc national de Banff. J'ai présidé la stratégie visant à optimiser la circulation régionale dans le corridor de la Bow et je dois dire que depuis longtemps nous souhaitions la mise en place de cette infrastructure. L'appui que vous avez donné à ce projet est hautement apprécié dans les diverses régions de l'Alberta. Cette piste revêt un réel intérêt sur le plan environnemental. Nous apprécions hautement les nombreuses mesures que vous avez prises en faveur de l'environnement, même si nous reconnaissons que vous n'avez pas toujours une grande marge de manœuvre n'est pas toujours très importante.

En ce qui concerne le 1 milliard de dollars du Fonds de recherche pour l'énergie propre, plusieurs d'entre nous ont déjà posé la question que je vais vous poser maintenant, mais nous ne sommes pas jusqu'ici parvenus à saisir ce qu'il en est au juste. Nous savons qu'il y a un mois on a annoncé que 141 millions de dollars seraient affectés à divers projets de captage et de stockage du carbone. Le gouvernement de l'Alberta a affecté 2 milliards de dollars à des projets pilotes dans ce domaine. Nous sommes nombreux à souhaiter que le gouvernement fédéral en fasse autant et nous nous demandons où le gouvernement envisage d'affecter les 850 millions de dollars restants.

M. Prentice : C'est très volontiers que je réponds à vos questions sur ce point. D'abord, je tiens à vous remercier de vos aimables propos concernant la piste cyclable de Canmore, à Banff. Il s'agit, pour Parcs Canada, d'un investissement relativement modeste mais son annonce a contenté de nombreuses personnes car il s'agit d'un projet qui bénéficiait du soutien de l'ensemble de la communauté et qui avait suscité beaucoup d'enthousiasme. Les habitants de ces régions montagneuses s'intéressent de près à l'écologie et je n'oublierai jamais l'atmosphère entourant cette annonce.

En ce qui concerne le million de dollars affecté au Fonds pour l'énergie propre, je dois préciser que les crédits en question ne sont pas administrés par Environnement Canada, mais par Ressources naturelles Canada. Pour ce qui est des divers détails de ce programme, il vous faudrait plutôt vous adresser à la ministre Raitt, ce que vous ne manquerez certainement pas de faire.

Ce fonds constitue également un des éléments du dialogue que nous avons engagé avec les États-Unis en matière d'énergie propre, car les Américains procèdent actuellement à des investissements analogues en matière de technologie et de science, et plus précisément dans le domaine du captage et du stockage du carbone. Ce n'est pas une panacée cependant, car, bien sûr, le monde continuera à émettre du carbone tant qu'il emploiera le charbon.

Au cours des 20 prochaines années, environ 2 000 centrales thermiques au charbon vont être construites, à raison d'à peu près 100 centrales par an. La seule technologie que nous puissions envisager actuellement est celle de la séquestration du carbone. En effet, tant que vous brûlerez du charbon, vous aurez une cheminée qui émet du carbone.

Il s'agit, selon la communauté scientifique des Nations Unies, d'une technologie clé et, en ce domaine, le Canada fait figure de précurseur. Le monde compte actuellement quatre gros projets de séquestration du carbone. Quarante pour cent du carbone stocké dans le monde l'est en Saskatchewan, où il est stocké dans le cadre du projet Weyburn lancé par EnCana. En ce domaine, les Norvégiens et les Canadiens sont en tête. De nombreux pays s'adressent à nous et veulent savoir ce que nous avons fait, comment nous l'avons fait et se tenir au courant des avances en ce domaine.

Le milliard de dollars en question ne va pas être exclusivement consacré à ces investissements technologiques, mais ceux-ci comptent pour une large part. La ministre Raitt s'attache actuellement à peaufiner ce projet et elle sera en mesure de vous en livrer les détails.

Le sénateur McCoy : Auriez-vous l'amabilité de lui demander de nous en faire part dès qu'elle les aura?

J'ai lu avec plaisir que, aux États-Unis, le Council on Foreign Relations a récemment publié un rapport qui aboutit à des conclusions plus équilibrées concernant l'exploitation des sables bitumineux. Selon cet organisme, en effet, les sables pétrolifères sont non seulement moins polluants que certains l'avaient affirmé, mais présentent de multiples avantages pour les États-Unis. Je crois que, selon ce rapport, non seulement les sables bitumineux constituent-ils pour les États-Unis une source sûre d'approvisionnement, mais, il serait, sur le plan économique, plus avantageux aussi de s'approvisionner au Canada qu'au Venezuela, par exemple.

Je suis sûre que cette question est évoquée dans le cadre de votre dialogue avec les États-Unis. Je souhaiterais vous entendre nous en dire davantage sur ce point étant donné que nous devons bientôt entamer notre étude du dossier énergétique. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à cet égard?

M. Prentice : L'étude du Council on Foreign Relations que vous venez d'évoquer revêt effectivement une grande importance, car il s'agit d'un document qui a fait l'objet d'une réflexion approfondie. Le Council on Foreign Relations est un organisme unanimement respecté, dont les analyses font autorité. Ce document est très persuasif et il soulève bon nombre de points qui revêtent actuellement une importance particulière.

Alors que les États-Unis tentent de préciser les dispositions qu'ils entendent adopter en matière de plafonds et d'échange de crédits, nos deux pays ne doivent pas perdre de vue que nous occupons un même espace économique, un même espace énergétique, un même espace environnemental et aussi, que nous constituons le plus grand marché de libre-échange énergétique de la planète.

Le rapport du Council on Foreign Relations est un des premiers documents à attirer l'attention sur certaines des conséquences que cela entraîne au niveau continental. Il renforce, sur plusieurs points, la position des États-Unis, y compris à l'égard de la norme pour le carburant à faible teneur en carbone qui, selon son rapport, ne serait utile ni au Canada, ni aux États-Unis. Plusieurs autres idées émises dans ce document contribuent très utilement au débat.

Le sénateur Lang : Monsieur le ministre, nous avons également parlé de contrôle d'application et d'agents de l'autorité. Quelles sont, aux termes des diverses lois, les règles applicables aux agents de l'autorité en matière d'emploi d'une arme à feu?

M. Prentice : Je crois me souvenir que les nouvelles recrues sont formées à l'emploi des armes à feu, mais qu'elles ne sont pas toutes armées. Je crois savoir, en effet, que les agents ne seront dotés d'une arme à feu que dans certains cas seulement. Je sais que dans les parcs nationaux, on a beaucoup débattu de la question de savoir quels sont les agents qui, en tant qu'agents de l'autorité, seront dotés d'une arme à feu. Les nouvelles dispositions ne vont apporter en cela aucun changement, car elles ne portent pas sur l'emploi des armes à feu.

Nous pourrions peut-être vous faire parvenir une réponse plus détaillée sur la question.

Le sénateur Lang : Vous avez évoqué plus tôt le cas de la Chine, de l'Inde et du Brésil, le débat international sur les plafonds et échange de crédits, ainsi que divers autres aspects du dossier qui retient actuellement notre attention. La Chine, l'Inde et le Brésil participent-ils à ces discussions? Ces trois pays sont-ils prêts à souscrire en ce domaine à un certain nombre d'engagements?

M. Prentice : C'est, bien sûr, une des grandes questions du jour. Le Forum sur l'énergie et le changement climatique des principales économies, convoqué par le Président Obama, constitue, par rapport au processus lancé à Copenhague par les Nations Unies, un processus complémentaire ou parallèle qui regroupe les 16 principales économies du monde, plus le Danemark, puisque ce pays est, à Copenhague, le pays hôte. Ces 16 pays sont à l'origine de près de 80 p. 100 des émissions de carbone. Ensemble, ils sont donc responsables de 80 p. 100 des émissions, et de 100 p. 100 des solutions éventuelles. Or, la Chine, le Brésil, l'Indonésie, l'Afrique du Sud et l'Inde prennent part à ces pourparlers.

Dans le cadre de ce forum des Nations Unies, les pays en développement font valoir que les pays développés ont « saturé », pour reprendre le terme qu'ils emploient, l'atmosphère avec du dioxyde de carbone. Ils estiment donc injuste qu'on entende aujourd'hui restreindre leur capacité de développement et leur capacité de fournir à leurs populations du courant électrique simplement parce que le monde développé a saturé l'atmosphère. Ces pays estiment qu'il va falloir procéder à des accommodements. C'est l'argument qu'ils font valoir et ils hésitent beaucoup pour cela à s'engager sur des objectifs précis, préférant invoquer plus généralement la durabilité de leurs plans de développement et les engagements pris à l'échelle nationale. La question se situe au cœur même des pourparlers de Copenhague.

Les pays développés demandent de plus en plus aux pays en développement de se fixer en ce domaine des objectifs précis. Tout cela est en rapport avec les ambitions affichées en la matière par les États-Unis, et maintenant par la Chine.

Le sénateur Lang : J'ai lu plusieurs études sur le système de plafonds et d'échange de crédits et je remarque que le premier ministre d'Australie a dû, pour l'instant du moins, revenir sur l'engagement qu'il avait pris, en attendant de mettre sur pied un programme. J'ai appris, par contre, qu'en Europe, le programme de quotas et d'échange de crédits de carbone fonctionne déjà et suscite de nombreux changements économiques.

Plusieurs articles s'interrogent cependant quant à l'efficacité d'un tel système. Si le Canada entend s'engager dans cette voie, quel modèle va-t-il adopter pour éviter de faire fausse route?

M. Prentice : La prudence s'impose, en effet. Il existe, en matière de politiques publiques, plusieurs mécanismes qui peuvent être retenus pour faire face aux changements climatiques. On peut, en effet, choisir entre un système de quotas et d'échange, une taxe sur le carbone, ou la réglementation.

Mais, en définitive, peu importe le mécanisme retenu, l'important étant d'étalonner de manière très précise les mesures que l'on met en œuvre, et de veiller à la concertation avec les parties prenantes et l'ensemble des secteurs concernés afin de connaître à l'avance quelles seront les incidences du régime mis en place. Nous avons, pour notre part, opté pour la réglementation. Nous avons, en effet, fait clairement savoir que nous n'entendons pas instaurer de taxe sur le carbone. Nous avons plutôt opté pour une approche réglementariste, ce qui est également l'approche retenue par les États-Unis. Cette approche comprend un système de quotas et d'échange. Nous avons manifesté la volonté d'étudier à fond de telles mesures, dans l'idée d'aboutir à un système qui donne les résultats voulus et aboutit, en définitive, à un régime applicable à l'ensemble de l'Amérique du Nord.

Il faut, cependant, agir avec prudence. Le gouvernement australien avait, en effet, adopté en ce domaine un texte de loi qu'il a, cependant, dû reprendre en raison de l'accueil que lui a réservé le public. L'Australie n'est d'ailleurs pas le seul pays où cela se soit produit. Je dirais que cela pourrait même arriver aux États-Unis où le gouvernement va devoir étalonner de manière très précise le projet de loi Waxman-Markey afin de l'adapter aux divers secteurs concernés. Ce travail exige une grande précision.

Je tiens à dire que, en ce domaine, le Canada a déjà fait une grande partie du travail. Nous nous penchons sur la question depuis plusieurs années déjà. Nous avons procédé à de nombreuses consultations et nous sommes un peu mieux fixés sur les incidences économiques de ce genre de mesures. Au niveau des analyses détaillées, nous sommes à maints égards en avance sur nos voisins américains.

Le sénateur Lang : Pourriez-vous nous dire où en sont les diverses provinces, car, en ce domaine, une grande partie des responsabilités leur incombent, directement ou indirectement. Se joignent-elles à vos efforts en ce domaine?

M. Prentice : Je suis heureux que vous me posiez la question. Nous travaillons en étroite collaboration avec les provinces. Ainsi, après avoir assumé mes fonctions, je me suis, auprès des autres ministres de l'Environnement, engagés à les consulter avant de me rendre à Copenhague. C'est ainsi que, avant de participer à ces réunions internationales, nous nous réunissons. Notre ambassadeur aux changements climatiques, M. Martin, les rencontre également et leur fait part de ce que nous faisons, des arguments que nous faisons valoir. Nous sollicitons en cela leur avis. Ils participent pleinement à ce qui se fait en ce domaine. Ils participent pleinement au dialogue et aux discussions détaillées que nous avons au sujet des actions à mener. Je dois dire, d'une manière générale, que les efforts des six derniers mois se sont déroulés sous le signe de la coopération. L'Ontario et le Québec ont tous deux récemment présenté des projets de loi sur un système de quotas et d'échange, ce qui signifie que ces deux provinces sont prêtes à adopter un tel régime. Nous y voyons une contribution constructive de leur part.

J'estime, en effet, qu'il nous faut adopter une politique nationale compatible avec les politiques nationales des États-Unis et que, cela étant, on ne saurait envisager l'adoption de normes sous-nationales.

Le sénateur Mitchell : Merci, monsieur le ministre. Cela est du plus grand intérêt. Ainsi que vous pouvez le constater, nous avons ici un comité au sein duquel il fait bon travailler.

Pour atteindre les objectifs définis à Kyoto, il nous faudrait réduire nos émissions d'environ 250 mégatonnes. Or, si l'on prend notre objectif d'une réduction de 20 p. 100 d'ici 2020, et que, comme vous le disiez, les efforts en ce sens ne commenceront pas avant 2016, enfin disons 2013 ou 2014, on vise en fait une réduction sensiblement supérieure à 250 mégatonnes. Et pourtant, de nombreuses personnes, y compris au sein de votre parti et du gouvernement, avaient affirmé qu'on ne pourrait jamais parvenir à cette baisse de 250 mégatonnes prévue dans le Protocole de Kyoto. Pourtant, vous allez maintenant exiger une baisse plus importante dans un laps de temps relativement court, c'est-à-dire entre 2013 ou 2014 et 2020 ou, disons entre 2015 et 2020.

Qui donc est à l'origine de cette décision du gouvernement puisqu'il n'y a pas très longtemps, celui-ci se montrait inflexible à l'égard de Kyoto alors que les objectifs définis dans cet accord étaient finalement moins ambitieux que ceux que vous vous êtes maintenant fixés? Comment pensez-vous y parvenir?

M. Prentice : Il nous faudra peut-être avoir une discussion plus détaillée à cet égard en nous munissant pour cela de tableaux et de graphiques détaillant les mégatonnes afin d'effectuer une comparaison entre ce que prévoyait le Protocole de Kyoto et les mesures que nous envisageons actuellement.

Je dois dire, cependant, que d'après nous, on peut effectivement obtenir d'ici 2020, une baisse de 20 p. 100 par rapport à 2006. Dans le Protocole de Kyoto, l'année de référence était 1990. Les objectifs que nous avons définis peuvent être atteints à condition, bien sûr, que nous mettions en œuvre les politiques qui conviennent.

Nous abordons d'ailleurs la période post-Kyoto, c'est-à-dire ce qu'on appelle le « deuxième exercice réglementaire » qui commencera après 2012, et qui entraînera la mise en œuvre de toutes les décisions prises à Copenhague.

Voilà l'orientation que nous avons prise et nous pensons être en mesure d'y parvenir. C'est très volontiers que je reprendrai ultérieurement avec vous une discussion plus détaillée de la question.

Le sénateur Mitchell : Je me suis penché sur les chiffres et je crois que les objectifs que vous avez évoqués entraîneront une baisse de plus de 250 mégatonnes, mais je ne suis pas certain de cela.

Le programme défini par le président Obama comprend des objectifs très importants en matière d'énergies de substitution et d'énergies renouvelables. Allez-vous adopter, dans le cadre du programme canadien, des objectifs analogues? Avez-vous déjà décidé dans quelle mesure le recours à des énergies de substitution va contribuer à la baisse des émissions?

M. Prentice : Oui. La question est très importante, car le secteur canadien de l'électricité se trouve dans une situation tout à fait différente de celle du secteur américain. On pourrait même dire que les deux secteurs sont, dans une certaine mesure, radicalement opposés. D'après nous, les énergies renouvelables peuvent utilement contribuer à une baisse des émissions. Nous avons, en effet, adopté des politiques très précises en matière d'énergies hydroélectrique, éolienne, solaire et autres.

On peut dire, d'une manière générale, que notre secteur de l'électricité est un des plus propres du monde. À 73 p. 100, en effet, il n'émet pas de gaz à effet de serre, alors que, à l'inverse, 75 p. 100 du système américain est source de telles émissions. La différence est donc de taille. C'est d'ailleurs pourquoi les Américains sont, en matière d'énergies renouvelables, soumises à des impératifs différents.

Un aspect particulièrement avantageux de notre situation est le fait que nous avons d'abondantes ressources naturelles. Dans plusieurs provinces, nous allons pouvoir augmenter très considérablement notre production hydroélectrique et, au cours des 25 prochaines années, peut-être accroître notre capacité de 25 000 mégawatts. Cela contribuerait énormément au virage écologique du système électrique, non seulement au Canada, mais aussi aux États-Unis. Nous avons donc des objectifs analogues, mais la situation du Canada est, à cet égard, très différente de celle des États-Unis.

Le président : Monsieur le ministre, nous vous sommes particulièrement reconnaissants d'avoir pris le temps de nous entretenir de ces importantes questions qui retiennent notre intérêt et alimentent nos discussions sur l'environnement, les changements climatiques et l'énergie.

Acceptez-vous de nous laisser vos collaborateurs?

M. Prentice : Volontiers.

Le président : Monsieur le ministre, je vous remercie et je vous souhaite bonne chance dans vos pourparlers avec le groupe des 17.

Nous allons maintenant avoir la chance de nous entretenir, dans le cadre de notre étude du projet de loi C-16, Loi édictant des dispositions ayant trait au contrôle d'application de lois environnementales, avec Mark Warawa, député de Langley, (Colombie-Britannique) et secrétaire parlementaire du ministre de l'Environnement. Nous vous remercions, monsieur Warawa, de bien vouloir poursuivre la discussion. Nous accueillons également M. Stephen Woodworth, député de Kitchener-Centre. M. Woodworth, qui est avocat, a contribué étroitement à la rédaction du projet de loi C-16.

La séance se poursuit, car d'autres sénateurs ont encore des questions à poser au sujet de ce projet de loi. Que personne, cependant, ne se pense obligé de poser une question.

Outre les trois témoins que je viens de nommer, nous accueillons également d'Environnement Canada, Mme Renée Caron et Mme Sarah Cosgrove, gestionnaire, Unité des conseils législatifs; Darlene Pearson, Législation et politiques, de Parcs Canada des et Linda Tingley, avocate-conseil au ministère de la Justice, qui s'intéresse en particulier, aux aspects constitutionnels du texte et notamment à la question de la limite des pouvoirs conférés.

Le sénateur Banks : J'aurais, monsieur Warawa, une question simple à vous poser. Je revendique avec fierté la paternité de la Loi sur l'abrogation des lois. Ce qui m'intéresse en l'occurrence, ce sont les dispositions de ce projet de loi concernant son entrée en vigueur. La Loi sur l'abrogation des lois tire son origine du fait que j'étais tombé sur plus de 50 articles de diverses lois fédérales, tous ayant été promulgués, mais aucun d'entre eux n'étant entré en vigueur. Ils remontaient tous à plus de 10 ans, et certains remontaient même à plus de 25 ans.

Lorsque le Parlement accorde au gouvernement ce genre de pouvoir discrétionnaire, il confère au gouverneur en conseil le pouvoir discrétionnaire de décider de la date d'entrée en vigueur d'une loi, mais non pas de décider s'il convient ou non de la mettre en vigueur. Au terme de la Loi sur l'abrogation des lois, toute disposition qui n'est pas entrée en vigueur dans les 10 ans suivant la sanction royale est automatiquement abrogée.

Il y a, j'en suis sûr, de bonnes raisons de prévoir pour chaque loi une date d'entrée en vigueur. En l'absence d'une telle date, la loi entrerait en vigueur le jour de la sanction royale. En fonction de quoi, le gouverneur en conseil décidera-t-il de décréter l'entrée en vigueur de cette loi? Y a-t-il, pour l'entrée en vigueur de ce texte, une date butoir?

Mark Warawa, député, secrétaire parlementaire du ministre de l'Environnement : Je remercie le sénateur Banks du travail qu'il a accompli, mais plus encore de l'obligation que lui doit le gouvernement de rendre compte devant la Chambre des communes et du Sénat des progrès accomplis en matière de développement durable. Je rends hommage à vos efforts en faveur de l'environnement.

Mme Caron : Il restera du travail à faire même si ce projet de loi finit par être adopté et reçoit la sanction royale. Environnement Canada et Parcs Canada continueront à œuvrer afin d'actualiser nos politiques respectives en matière d'application de la loi, afin de les aligner sur les exigences du projet de loi. Il faudra, en outre, élaborer de nouveaux règlements.

Cela vaut notamment pour la Loi sur les pénalités administratives en matière d'environnement, qui ne peut pas entrer en vigueur avant que ne soit adopté un régime de réglementation. Je ne suis pas en mesure de préciser le calendrier de ces travaux, mais cela prendra deux ou trois ans, car il va falloir procéder, dans le cadre de l'élaboration des nouvelles politiques et des règlements, à des consultations. Il va donc falloir au moins deux ou trois ans avant que toutes ces dispositions puissent entrer en vigueur.

Le sénateur Banks : Pensez-vous que toutes ces dispositions entreront en vigueur en même temps, ou que certaines parties, les amendements à certaines lois, par exemple, pourraient entrer en vigueur avant ce délai d'environ deux ans que vous venez d'évoquer?

Mme Caron : Il est tout à fait possible que tout entre en vigueur en même temps. Cela dit, personne n'est en mesure de prévoir ce qui va se passer. Nous allons œuvrer en étroite collaboration avec Parcs Canada, mais les diverses lois relèvent de deux organisations distinctes. En effet, Environnement Canada administre six des lois, et Parcs Canada les trois autres. Cela pourrait expliquer certaines différences.

Le sénateur Banks : J'ai étudié le texte et je ne trouve rien qui empêcherait de faire, des règlements que vous venez d'évoquer, des textes réglementaires. Ai-je raison de supposer qu'aux fins de leur examen, il s'agira effectivement de textes réglementaires?

Mme Caron : Oui, ces règlements relèveront en effet de la Loi sur les textes réglementaires.

Le président : Lorsque nous nous sommes penchés sur le projet de loi C-15, qui faisait partie des dispositions-cadres applicables à ce texte-ci, j'avais cru comprendre qu'un protocole d'entente était intervenu entre Environnement Canada et Transports Canada au sujet du contrôle d'application des lois environnementales. Dans le cadre de nos examens, nous avons recueilli de nombreux renseignements concernant, par exemple, lequel des deux ministères seraient le premier à intervenir. Nous avions, par exemple, demandé qui serait le premier à intervenir en cas de déversement de pétrole en haute mer mettant en péril des oiseaux migrateurs. Nous avons posé la question de savoir, dans l'hypothèse où le problème tardait à être réglé, quel serait le ministère qui engagerait l'action en justice. Je crois avoir vu une version préliminaire de ce protocole d'entente.

Qu'est-il prévu en pareille hypothèse, la question se posant avec d'autant plus d'acuité que les nouvelles dispositions prévoient un renforcement très sensible des sanctions avec des amendes très lourdes et même des peines d'emprisonnement?

Mme Caron : Environnement Canada et Transports Canada ont effectivement, à l'été 2006, conclu un protocole d'entente. Je crois pouvoir dire qu'il existait déjà un protocole d'entente applicable à la région de l'Atlantique, mais que depuis 2006, ce protocole d'entente s'applique sur l'ensemble du territoire national. Ce projet de loi est l'occasion d'examiner à nouveau les termes de ce protocole afin de s'assurer qu'il est adapté aux changements introduits par ce projet de loi.

En ce qui concerne la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, je crois savoir qu'en cas de déversement de pétrole, c'est dans la plupart des cas, Environnement Canada qui portera plainte au titre de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs. À l'occasion, les accusations pourraient être portées en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, parfois de la Loi sur les pêches, mais, la plupart du temps, les accusations seront portées au titre de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs. En ce qui concerne Transports Canada, les accusations éventuelles seront en général portées en vertu des dispositions de la Loi sur la marine marchande du Canada.

Je crois pouvoir vous dire en outre que, dans les cas où plusieurs accusations sont portées en même temps, c'est sur le fondement de la Loi sur la marine marchande du Canada qu'elles sont retenues, car l'auteur d'une infraction ne peut pas, me semble-t-il, être déclaré coupable au regard de deux textes de loi différents. C'est donc généralement la plainte fondée sur la Loi sur la marine marchande du Canada qui est retenue par les tribunaux, mais des accusations peuvent être portées au titre de ces deux lois dans le cadre d'une action intentée conjointement par Transports Canada et Environnement Canada.

Le président : J'ai été assez surpris par la réponse que le ministre a donnée plus tôt au sénateur Banks qui lui demandait combien de poursuites avaient été intentées aux termes des dispositions de ces divers textes de loi. Il a répondu que 246 condamnations avaient été prononcées, mais n'a pas précisé au cours de quelle période. Est-ce le nombre de condamnations intervenues depuis le début, ou simplement depuis l'adoption du projet de loi C-15 il y a deux ou trois ans?

Mme Caron : Il s'agit des 246 condamnations prononcées au cours des cinq dernières années au titre des dispositions de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs.

Je pense que la question visait plus précisément le nombre de condamnations à une peine de prison d'un membre d'équipage d'un navire étranger en infraction. Le nombre cité ne concerne pas le nombre de peines d'emprisonnement prononcées à l'encontre de membres d'équipage d'un navire étranger puisqu'il n'y en a pas eu.

Le président : Est-ce à dire qu'aucune peine de prison n'a été prononcée et qu'aucune poursuite n'a été intentée?

Mme Caron : Si, des poursuites ont été intentées, mais je crois qu'elles l'ont été de concert avec les services d'application de Transports Canada, les poursuites étant également intentées sur la base de la Loi sur la marine marchande du Canada. Lorsque deux accusations sont portées aux termes de deux lois différentes, c'est celle qui repose sur les dispositions de la Loi sur la marine marchande du Canada qui est retenue, mais des poursuites ont également été intentées au titre de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs.

Le président : Si nous nous interrogeons à cet égard — et je pense, monsieur Warawa et monsieur Woodworth, que tous mes collègues sont d'accord sur ce point — c'est parce qu'il nous a été dit, que dans l'autre chambre, ce texte avait reçu l'aval de tous les partis. Les questions que nous soulevons à cet égard nous sont également inspirées par les très vigoureux efforts de lobbying du secteur concerné. J'ai en effet été contacté par la Chamber of Shipping of British Columbia et le Conseil maritime baltique international, une organisation internationale analogue à la Chamber of Shipping. Cet organisme suit de près tout ce qui concerne les transports maritimes et on nous a fait savoir que le secteur des transports maritimes internationaux voit ces dispositions d'un assez mauvais œil. Puis, il y a également l'International Maritime Centre of Vancouver, organisme créé afin d'encourager les entreprises de transports maritimes à venir s'établir au Canada. Il a été décidé d'accorder, en Colombie-Britannique, un certain nombre d'exonérations fiscales aux entreprises de transport maritime qui créent, à Vancouver, une infrastructure et y montent un bureau. L'État du Connecticut et divers autres ressorts en ont fait de même. De telles mesures font partie de la concurrence.

Ces intervenants se plaignent, donc — et j'imagine que mes collègues ont, eux aussi, fait l'objet de tels efforts de lobbying — estimant que ces mesures opèrent une discrimination à l'encontre des transports maritimes et vont à l'encontre des mesures prises à Vancouver. Ils estiment que le gouvernement fédéral ne défend pas assez leurs intérêts et que la mesure en question va finir par faire fuir les entreprises de transport maritime. Une des entreprises intéressées nous a même dit : si ces mesures sont adoptées, nous quitterons tout simplement Vancouver.

Je dis simplement cela en guise de préambule. Je vous interroge à ce sujet, car c'est là que semble se situer la principale difficulté.

Il y a, en outre, la Fédération internationale des ouvriers du transport, c'est-à-dire la Fédération des gens de mer. Les membres de cette fédération craignent de se retrouver en prison pour des choses qu'ils n'ont pas faites ou dont ils n'étaient même pas au courant. Cela les inquiète beaucoup. Voilà un peu les arguments qu'on nous a fait valoir.

Il est clair que nous ne souhaitons pas nous aliéner ces groupes, qu'ils soient de Colombie-Britannique ou d'ailleurs. Il nous faut donc disposer d'un certain nombre d'éléments permettant de répondre à leurs objections. Certains de ces groupes vont comparaître devant le comité la semaine prochaine, mais le ministre a indiqué qu'il souhaite que le texte de ce projet de loi ne soit pas modifié. Il vous faut donc nous donner des munitions.

M. Warawa : La question se justifie entièrement. Lors de nos réunions, nous avons recueilli les propos des représentants du ministère et le seul secteur économique qui soit intervenu était le secteur des transports maritimes. Nous étions donc au courant des inquiétudes que ce texte a suscitées dans ces milieux. Ils nous ont fait part de leurs préoccupations et, comme le ministre nous l'a dit tout à l'heure, leur principal souci concerne la question de la responsabilité stricte ou objective.

Nous avons tenu compte dans le texte, de certaines de leurs recommandations ainsi que des éclaircissements qu'ils souhaitaient voir apporter aux nouvelles dispositions. Le projet de loi a été amendé en conséquence et c'est pour cela que nous avons, au sein du comité, bénéficié d'un appui unanime. Les représentants du secteur des transports maritimes ont cependant fait savoir que le texte continue à les inquiéter. Un des témoins, qui travaille dans les transports maritimes depuis des années, a même dit qu'il conseillerait à ses enfants et à ses petits-enfants de changer de métier, en raison justement des dispositions instaurant des infractions de responsabilité stricte.

Il a été répondu à ce témoin que le projet de loi modifie neuf autres lois et touche tous les secteurs de la vie économique canadienne, pas seulement les transports maritimes. Afin de mieux protéger l'environnement, tous les pans de l'activité nationale vont être en effet être sollicités. Je ne sais pas si cela l'a rassuré, mais nous avons voulu qu'il sache que les transports maritimes ne sont pas le seul secteur touché.

Une des questions qui nous a été posée concerne le genre d'infraction qui serait reprochée à un transporteur maritime qui déverse du pétrole en mer. Qu'il s'agisse d'un navire qui déverse du pétrole en mer, ou d'une usine responsable d'un déversement analogue dans une rivière, les résultats sont essentiellement les mêmes, l'ensemble des secteurs économiques étant avertis du besoin impératif de protéger notre environnement et des conséquences se rattachant à toute inobservation de la réglementation applicable. Il y aura, en effet, des conséquences qui ne pourront pas simplement passer en frais généraux.

M. Woodworth : Je suis, monsieur le sénateur, heureux moi aussi d'avoir l'occasion de prendre la parole à ce sujet et d'essayer de vous fournir des éléments de réponse. Je m'en tiendrai à trois points, dont un qui a déjà été évoqué par M. Warawa.

Le secteur des transports maritimes est le seul à nous avoir fait part de ce genre de préoccupations, alors que le texte en question touche tous secteurs de l'économie nationale, tels que l'industrie minière, l'industrie de l'électricité, les pêches et autres secteurs que leurs activités mettent en contact avec l'environnement. Les transporteurs maritimes sont les seuls à nous avoir fait part de ce genre de préoccupations et à demander à bénéficier d'un régime spécial.

Le président : Ils font essentiellement valoir qu'on leur applique déjà un régime spécial défavorable en l'occurrence aux transporteurs étrangers étant donné la mobilité des éléments d'actif qui servent, de façon permanente, à l'exploitation de leurs entreprises. Je me trompe peut-être, mais je ne pense pas en fait que ces entreprises demandent à bénéficier d'un traitement particulier. C'est simplement qu'elles souhaiteraient être traitées comme tout le monde.

M. Woodworth : Mais elles sont déjà traitées comme tout le monde. C'est ce que je souhaite justement faire comprendre. Les compagnies minières, par exemple, qu'elles soient domiciliées au Canada ou qu'elles exercent simplement ici une partie de leurs activités, devront, elles aussi, respecter la législation sur l'environnement. Le secteur minier n'a, cependant, demandé à bénéficier d'aucune exemption. Il s'agit en effet, de dispositions d'application générale qui s'appliqueront aussi bien aux Canadiens qu'aux non-Canadiens.

Deuxièmement, ces dispositions s'appliqueront à toute entreprise faisant affaire au Canada, quel que soit son domicile d'origine. Il ne suffira donc pas à une entreprise de déplacer son siège social, car pour éviter que cette loi ne lui soit appliquée, il lui faudra éviter entièrement les eaux canadiennes. Je ne pense pas, tout de même, que les dispositions en questions porteraient les entreprises à faire cela.

Troisièmement, devant le comité de la Chambre des communes, nous avons entendu plusieurs témoins avancer des conceptions erronées. Certains pensaient, par exemple, que les dispositions concernant les pénalités administratives s'appliquent à tout, ce qui n'est pas exact. Certains pensaient que les peines de prison qui sont prévues sont vraisemblablement contraires à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, alors que la politique en matière de poursuites engagées au titre de la Loi sur la marine marchande du Canada et d'autres lois est de ne pas requérir de peines d'emprisonnement contre les membres d'équipage d'un bateau étranger.

Il y avait donc un certain nombre de conceptions erronées que les séances du comité auront peut-être permis de rectifier. J'ai demandé à ces témoins de contacter leurs homologues au sein d'entreprises internationales, et d'essayer de corriger les fausses idées que certains se sont faites. J'espère qu'ils le feront et que cela permettra de dissiper certaines de leurs inquiétudes à cet égard.

M. Warawa : Il y a deux autres points que je souhaite aborder. D'abord, l'industrie des transports maritimes s'était déjà, en 2005, opposée au principe de la responsabilité objective. Les transports maritimes ont été constants dans leur opposition, estimant que de telles règles sont inconstitutionnelles. Les tribunaux ne leur ont pas donné raison, mais ils continuent néanmoins à résister.

Le président : Nous ne sommes au courant d'aucune contestation judiciaire visant ce genre de dispositions, ni d'ailleurs de jugement confirmant leur constitutionnalité. Si vous avez en main de tels éléments, il nous serait utile de les avoir aussi.

Mme Caron : Monsieur le président, je crois que M. Warawa se réfère à l'arrêt R. c. Wholesale Travel Group. Cet arrêt, le premier de trois portant sur la question, a été rendu à une majorité de cinq voix contre quatre. C'est peut-être pour cela que certains ont cru que la Cour suprême pourrit un jour revenir sur sa décision. Le principe a depuis été confirmé par trois fois.

Le président : Bon. Voilà, donc, pour la question de la responsabilité stricte. La loi à laquelle le sénateur Banks et moi avons tous deux consacré beaucoup d'efforts n'a donc pas, à ma connaissance, été contestée en justice.

Mme Caron : Pas que je sache, monsieur le président.

M. Warawa : Et puis, enfin, il y a l'appui unanime apporté au projet de loi C-16 tel que modifié, qui a pu ainsi être déposé devant le Sénat. La question s'est posée de savoir, cependant, pourquoi la Loi sur les espèces en péril ne figure pas parmi les lois modifiées par le texte qui retient actuellement notre attention. Je précise que la Loi sur les espèces en péril fait actuellement l'objet d'un examen législatif de la part du Comité permanent de l'environnement et que c'est pour cela qu'il ne figure pas parmi les lois modifiées par le projet de loi C-16.

Le sénateur Banks : Monsieur Woodworth, n'est-il pas exact que, dans certains cas, la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs prévoit des peines d'emprisonnement pour des membres d'équipage d'un navire étranger?

M. Woodworth : Plusieurs lois environnementales prévoient, en effet, la possibilité d'imposer une peine de prison dans de telles circonstances. C'est, par exemple, le cas de la Loi sur la marine marchande du Canada, qui n'est pas une loi environnementale et qui ne figure pas dans le projet de loi C-16. Cela dit, le gouvernement du Canada ne fera rien qui soit contraire à une convention internationale à laquelle il est parti, et c'est pourquoi il a donné pour instruction aux services des poursuites de ne pas requérir de peine d'emprisonnement lorsque l'imposition d'une telle peine serait contraire à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.

Si j'ai bonne mémoire, le projet de loi C-16 améliore la Loi sur la marine marchande du Canada, car dans cette loi, la politique en matière de poursuites fait l'objet d'une simple directive. Je crois pouvoir dire qu'aux termes du projet de loi C-16, la poursuite devra préalablement demander l'autorisation du procureur général du Canada avant de requérir, à l'encontre d'un membre d'équipage d'un navire étranger, une peine d'emprisonnement. Cela me paraît de nature à rassurer ceux qui s'inquiéteraient à cet égard.

J'espère ne pas me tromper en disant cela. Peut-être s'agit-il simplement d'une différence par rapport à la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs...

Le sénateur Banks : En effet.

M. Warawa : ... qui, elle, n'exigeait pas l'intervention du procureur général — oui, effectivement, excusez-moi. Eh bien, cette règle s'appliquera dorénavant dans tous les cas.

Le sénateur Banks : N'est-il pas exact que, de toute manière, aucune poursuite ne peut être intentée en pareil cas sans l'autorisation du procureur général.

M. Woodworth : Je ne pense pas. Je pense qu'il s'agit d'une exigence supplémentaire applicable dans ce genre d'affaires.

Le président : Lorsqu'un traité international est impliqué, c'est alors qu'il faut en référer au procureur général, mais, dans les autres cas, des poursuites peuvent être intentées par les autorités locales.

Le sénateur Banks : Avons-nous adopté une loi, en l'occurrence la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, contenant des dispositions qui vont à l'encontre de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer? Nous répugnons à adopter des lois qui ne sont pas susceptibles d'être appliquées. Avons-nous effectivement adopté une loi incompatible avec la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, même si nous estimons que ce n'est pas tellement grave, dans la mesure où le procureur général ne permettra pas que des poursuites soient intentées au titre de cette loi?

Le président : Est-ce bien cela que vous dites?

M. Woodworth : Je ne dirais pas qu'il s'agit d'une loi contraire la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Il s'agit d'une loi, donc d'un texte d'application générale, applicable à tous ceux qui l'enfreignent, mais la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer constitue une exception et le gouvernement du Canada ne requerra pas en effet de peine de prison au titre des dispositions ayant trait au contrôle d'application des lois environnementales. Le texte de la loi n'est pas en lui-même contraire aux dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, mais le gouvernement du Canada s'est engagé à ne requérir à l'encontre d'un navire étranger aucune mesure qui risquerait d'être contraire aux dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.

Le sénateur Banks : Je pense alors que nous aurions dû, par principe, modifier le projet de loi

Le président : Je pensais que c'est effectivement ce que nous avions prévu de faire jusqu'au moment où, un soir, nous avons entendu retentir la sonnerie d'appel.

Le sénateur Banks : Merci.

Le président : Voilà qui élucide la question. De nombreux témoins ont, en effet, affirmé que ce texte est incompatible avec la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Nous ne savions pas, cependant, ou du moins je ne savais pas qu'en matière de poursuites, une politique avait été adoptée qui remédiait en quelque sorte à la situation. Je ne suis pas certain, par contre, que cette politique ait force de loi. Quoi qu'il en soit, elle existe.

Mme Caron : Je tiens à rappeler que je ne suis pas ici en tant qu'avocat-conseil. Je ne suis pas, en effet, membre du barreau et il ne m'appartient donc pas de donner d'avis juridique, mais je souhaite être, dans toute la mesure du possible, utile au comité.

Permettez-moi, donc, de citer l'article 13 de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs dans sa version actuelle, disposition qui ne se trouve pas dans le projet de loi. Comme M. Woodworth le disait tout à l'heure, il s'agit d'une disposition d'application générale.

Voici ce que prévoit l'article 13 :

Commet une infraction la personne ou le bâtiment qui contrevient :

a) à la présente loi ou aux règlements;

b) à toute obligation ou interdiction découlant de la présente loi ou des règlements;

c) à tout ordre donné en application de la présente loi;

d) à toute ordonnance ou décision judiciaire rendue en application de la présente loi.

Voilà ce qu'il faut entendre par disposition d'application générale. Comme vous le voyez, cette disposition ne vise pas particulièrement les navires étrangers. Elle ne vise même pas particulièrement les navires; il s'agit d'une disposition qui précise les faits constitutifs d'une infraction aux termes de la loi.

Voici pourquoi cette disposition n'est pas, en soi, contraire à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Toute poursuite intentée contre un navire étranger en application de cette disposition serait, dans la mesure où la poursuite requerrait une peine d'emprisonnement, contraire aux dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Mais, comme nous l'avons dit plus tôt, ce n'est pas en pratique comme cela que sont menées les poursuites, puisque, en pratique, rien n'est fait qui soit contraire à nos obligations internationales.

Le président : Nous comprenons cela, mais, d'après moi, le sénateur Banks estime, et la présidence est probablement en accord avec lui sur ce point, que cette clause d'application générale serait peut-être en l'occurrence plus utile si on y ajoutait, par exemple, « Dans la mesure où elles ne vont à l'encontre d'aucune obligation incombant au Canada en vertu d'un traité international ». La disposition ne contient pas une telle formule, mais on nous dit qu'une politique a été adoptée à cet égard. Je pense, personnellement, que l'industrie des transports maritimes peut se tenir pour rassurée et c'est d'ailleurs pourquoi nos discussions ici sont si utiles, car elles permettent que l'historique du texte soit consigné au compte rendu.

Le sénateur Mitchell : Je souhaiterais maintenant revenir à la question des changements climatiques. Monsieur Warawa, est-ce un sujet que vous voulez bien aborder?

M. Warawa : Nous préférerions nous en tenir, si possible, au projet de loi C-16.

Le président : C'est ce qui a été convenu. Le ministre s'est longuement prononcé sur la question et c'est pour cela que j'ai demandé à ses collaborateurs du ministère de rester après son départ. Avez-vous des questions à poser au sujet du texte même du projet de loi?

Le sénateur Mitchell : Non, le projet de loi C-16 ne m'inspire aucune préoccupation, mais j'éprouve de graves préoccupations, par contre, à l'égard des changements climatiques.

Le président : C'est vrai du monde entier, mais nous allons œuvrer de concert et de manière non partisane afin de tenter de régler les problèmes qui en découlent.

Nous allons maintenant clore cette séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je souhaite remercier nos deux collègues de la Chambre des communes de leur présence ici. Vos propos ont été à la fois utiles et pertinents et nous vous en remercions, comme nous vous remercions, mesdames, des très utiles éléments que vous avez contribués à nos délibérations.

La séance publique est donc suspendue et le comité poursuit sa réunion à huis clos

(Le comité poursuit sa séance à huis clos.)


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