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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 9 - Témoignages du 11 juin 2009


OTTAWA, le jeudi 11 juin 2009

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 9 h 05, pour examiner le projet de loi S-208, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (eau potable saine).

Le sénateur Grant Mitchell (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président : Mon nom est Grant Mitchell; je représente l'Alberta au Sénat du Canada. Je suis le vice-président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, mais je préside la séance d'aujourd'hui parce que notre collègue, le sénateur Angus, n'a pu se joindre à nous.

Je souhaite la bienvenue à mes collègues du Sénat, de même qu'aux membres du public ici présents et aux téléspectateurs.

Pour ceux qui l'ignorent, le comité a pour mandat d'étudier des projets de loi dans le cadre de leur adoption par le Sénat, et il entreprend également des études spéciales de temps à autre.

Aujourd'hui, nous sommes réunis pour examiner un projet de loi particulier. Je tiens à préciser, pour l'information de certains téléspectateurs qui peut-être l'ignorent, que le Parlement du Canada est appelé à se pencher sur plusieurs types de lois. Il y a entre autres les projets de loi d'initiative gouvernementale, qui sont d'abord présentés à la Chambre des communes. Il arrive parfois que ces projets de loi soient directement déposés au Sénat. Toutefois, pour avoir force de loi, tout projet de loi doit être adopté par les deux Chambres, alors, le fait qu'il soit présenté en premier à l'une ou l'autre des Chambres n'a, au bout du compte, aucune incidence sur le résultat.

En outre, des projets de loi peuvent émaner de députés du Parlement. Les parlementaires élus et les sénateurs peuvent également proposer des projets de loi. Le projet de loi que nous étudierons aujourd'hui fait partie de cette dernière catégorie.

Nous sommes aujourd'hui saisis du projet de loi S-208, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (eau potable saine), qui vise à faire en sorte que les Canadiens aient accès à une eau potable de qualité. Je vais laisser au parrain du projet de loi le soin de le décrire aux membres du comité et aux téléspectateurs.

Je crois que, depuis 2001, c'est la cinquième fois que ce projet de loi est présenté au Sénat. Il a été débattu en troisième lecture et adopté par le Sénat — en 2007, je crois —, puis il a été déposé à la Chambre des communes pour l'étape suivante, ce qui constitue une réalisation extraordinaire pour un sénateur qui parraine un projet de loi. À ce moment-là, le projet de loi est mort au Feuilleton en raison de la prorogation du Parlement.

Quoi qu'il en soit, nous sommes honorés d'accueillir aujourd'hui le sénateur Jerry Grafstein de l'Ontario, parrain du projet de loi. Il est reconnu, entre autres — et il l'a démontré dans sa cinquième présentation du projet de loi —, pour sa détermination à trouver des solutions d'intérêt public à des problèmes touchant les Canadiens et également pour son incroyable persévérance. Sur ce, j'aimerais accueillir le sénateur Grafstein et lui demander de faire quelques commentaires à l'intention des membres du comité. Ensuite, les sénateurs auront l'occasion de poser des questions.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein, parrain du projet de loi : Je vous remercie, monsieur le président, et je souhaite remercier les membres du comité. Je constate qu'il y a de nouveaux membres et des membres de longue date. Je tiens d'abord à vous remercier de votre indulgence et de votre patience. Cela fait maintenant près de dix ans que je tente de démontrer que l'eau potable est une question d'intérêt public dans notre pays. Ce projet de loi découle des préoccupations qui ont été soulevées lorsqu'est survenue cette horrible crise à Walkerton, suivie de l'incident de North Battleford.

Entre-temps, mes collègues autochtones ici présents, le sénateur Charlie Watt, doyen estimé de notre Chambre, Willie Adams, le sénateur Sibbeston et d'autres m'ont rappelé, il y a de cela quelques années, que, pendant que l'Ontario faisait face à une crise et que la ville de North Battleford vivait un incident dramatique qui révolutionnerait la façon dont la population du pays perçoit la qualité de l'eau potable, que nous tenons tous pour acquise, les collectivités autochtones n'ont toujours pas accès à de l'eau potable. J'apporterai des précisions sur cette situation. J'avais espéré que la situation s'améliore au cours des dix dernières années, mais, à certains endroits, elle s'est aggravée. Tous ces cas ont été documentés.

Avant de commencer à passer en revue les principaux points de cette mesure législative, j'aimerais que le comité présente une motion. Je ne peux la déposer, mais je propose au comité de présenter une motion prévoyant que les témoignages qui ont été livrés devant le comité au cours des examens antérieurs de ce projet de loi soient intégrés dans le dossier pour que tous ceux qui étudient le projet de loi puissent prendre connaissance de l'ensemble du dossier. J'espère que vous proposerez cette motion. Si c'est le cas, je ne ferai ressortir que les principaux points des témoignages plutôt que de les relire en entier aux fins du compte rendu.

Le vice-président : Quelqu'un peut-il présenter cette motion? Nous avons un volontaire, le sénateur Banks. Souhaitez-vous dire quelque chose, sénateur Neufeld?

Le sénateur Neufeld : Oui, je comprends l'intention du sénateur, mais je n'ai pas assisté à toutes les réunions du comité. Pour être parfaitement honnête, j'ignore les tenants et les aboutissants du dossier. J'ignore quelles ont été les discussions à cet égard. Je ne demande pas la répétition intégrale de toutes ces discussions; je crois que nous pouvons composer avec cela, mais je ne suis pas certain d'approuver l'idée d'incorporer tous les témoignages dans le dossier. Je n'étais pas là, et je sais que quelques-unes des personnes qui sont ici étaient également absentes. Peut-être que tous les autres étaient présents, mais ce n'était pas mon cas. Vous m'aiderez; je suis nouveau ici. Vous allez prendre des témoignages qui ont été produits en 2000 ou lorsque ce processus a commencé, il y a huit ou neuf ans, et vous allez les ajouter aujourd'hui au dossier? J'ai des réserves sur cette démarche.

Le sénateur Lang : Je partage son inquiétude. J'ai pris l'initiative de lire certains des « témoignages » qui ont été fournis. Sans vouloir offenser le témoin, si j'avais assisté à ces réunions, j'aurais remis en question le caractère factuel de certains de ces témoignages.

J'hésite à les considérer comme partie intégrante du dossier, car cela revient à laisser entendre que tous les gens ici présents ont participé à ces discussions. Nous sommes en 2009, et non en 2000. Les choses ont évolué, et de façon radicale dans certains cas.

D'abord, a-t-on souvent recouru à une telle approche par le passé? Ensuite, si nous optons pour cette approche, que pourrait-on en déduire?

Le sénateur Peterson : Souhaitez-vous ajouter les témoignages au dossier seulement à titre d'information? Je présume que, à ce moment-là, le comité a pris des décisions à la lumière de l'information qui lui avait été fournie. Par conséquent, il a pris en considération les éléments importants, à moins qu'il ne s'agisse que de simples renseignements. Sinon, le témoin pourrait relire le tout. Cela prendrait un certain temps.

Le sénateur Grafstein : Je ne veux pas abuser de votre patience. J'espère que les sénateurs qui n'ont pas eu l'occasion de lire les témoignages antérieurs le feront. Il existe toutefois un raccourci. Les témoins qui ont comparu devant le comité aux réunions du mardi 15 avril 2008 et du jeudi 17 avril 2008 — lesquelles ont été présidées par notre estimé collègue, le sénateur Banks — ont bien résumé le dossier. Ces réunions portaient sur le projet de loi. Le projet de loi n'a fait l'objet d'aucun amendement. Cette information est donc relativement à jour. Si vous ne pouvez l'intégrer dans le dossier, j'exhorte les sénateurs à en prendre connaissance.

Le but, sénateur Lang, est non pas de vous convaincre que les témoignages sont factuels, mais bien de vous informer sur l'ampleur de ce problème. Il s'agit de renseignements qui vous ont été transmis par moi-même et par la vérificatrice générale. Je trouvais que cette information était particulièrement pertinente. Je reviendrai sur ces aspects. Ce ne sont pas seulement les ministères qui nous transmettent de l'information; la vérificatrice générale nous donne un aperçu de l'ensemble des témoignages. Je crois que cette information est tout à fait pertinente. Le comité a reçu ces témoignages en 2008, il y a un an. Je ne veux pas obliger le comité à faire quoi que ce soit sans qu'il y ait un consensus. J'espère, alors, que les membres du comité prendront connaissance de cette information. Je ferai ressortir certains des éléments essentiels de ces témoignages aujourd'hui.

Le sénateur Banks : Je ne suis aucunement spécialiste des questions de procédure, mais je crois qu'il y a une règle — et les sénateurs la connaissent peut-être mieux que moi — qui prévoit que, lorsqu'un comité a le mandat de poursuivre une étude, souvent, au Sénat, on propose une motion qui permet au comité de tenir compte du fait qu'il s'agit de la poursuite d'une étude pour que les membres puissent avoir en leur possession des témoignages antérieurs. Je crois que c'est de cela qu'il s'agit. Je ne crois pas que l'on puisse présumer — et, sénateur Grafstein, corrigez-moi si je me trompe — que tous ici connaîtront suffisamment l'ensemble des témoignages. En l'absence d'une telle motion — je demanderais à la greffière de vérifier ce détail; toutefois, il se pourrait que la motion soit libellée autrement —, je ne crois pas que le comité pourrait avoir en sa possession les témoignages rendus au cours de législatures antérieures ou qu'il pourrait s'y référer. Est-ce que j'ai bien compris cette règle?

Lynn Gordon, greffière du comité : Cette règle fait l'objet d'un certain débat, mais tous les témoignages et toute l'information dont parle le sénateur Grafstein sont maintenant du domaine public. Vous avez tout à fait raison : le comité peut proposer une motion de procédure portant sur l'accès aux documents et aux témoignages reçus dans le cadre de la 39e législature. Une telle motion signifie simplement que le comité a pris acte de cette information. La décision revient au comité.

Le vice-président : Merci, madame la greffière. Je sais que le sénateur Grafstein a fait cette proposition dans le but d'aider le comité. Toutefois, toute cette information est du domaine public. Cela nous rassure. À l'évidence, nous pouvons y avoir accès. Les personnes qui regardent la séance peuvent également y avoir accès en se rendant sur le site Web du Sénat; elles n'ont qu'à suivre les liens et elles obtiendront l'information.

En ma qualité de président, je m'engage à examiner cette question de procédure si nous devons trouver une façon d'officialiser notre reconnaissance de cette information et de ces témoignages sans nullement les cautionner ou nous engager à leur égard. Je vais conclure ce point en remerciant les membres du comité de leurs commentaires et je crois comprendre que nous nous entendons pour dire que nous ne voulons pas faire quoi que ce soit de façon précipitée pour l'instant. Nous allons maintenant laisser la parole au sénateur Grafstein.

Le sénateur Grafstein : Pour ceux qui ne connaissent pas très bien le projet de loi et pour ceux qui nous regardent en ce moment, ce projet de loi repose sur un concept très simple. Essentiellement, il habilite un organisme fédéral existant, l'agence d'inspection des aliments et des médicaments — en faisant intervenir le pouvoir incontesté du gouvernement fédéral en matière de droit pénal —, à faire appliquer des dispositions législatives qui se rapportent aux aliments pour protéger la santé publique. Ce projet de loi modifie la Loi sur les aliments et drogues de façon à inclure l'eau dans la définition d'aliment. Le Sénat a d'abord tenu un débat sur la question de savoir si l'eau pouvait être considérée comme un aliment. On a résolu cette question dans des témoignages précédents, lorsqu'on a expliqué clairement que l'eau est un aliment puisqu'elle contient des nutriments ou des ingrédients qui sont sains. Il ne fait aucun doute que l'eau est un aliment. Il ne fait également aucun doute que l'eau est déjà réglementée dans la Loi sur les aliments et drogues. L'eau embouteillée et les glaçons sont assujettis à la Loi sur les aliments et drogues, de même que les boissons gazeuses, qui sont composées à 99 p. 100 d'eau.

Le gouvernement fédéral établit et réglemente déjà les normes nationales qui s'appliquent à l'eau. En outre, il réglemente l'eau qui est servie à bord de moyens de transport nationaux, comme les trains ou les avions, et l'eau qui se trouve dans les parcs. L'agence d'inspection des aliments se charge déjà de faire respecter ces mesures législatives. Or, ce projet de loi assujettit l'eau potable dans les collectivités à ce même pouvoir en matière de droit pénal. Actuellement, au Canada, le gouvernement fédéral établit des lignes directrices d'application facultative qui sont adaptées ou adoptées par les provinces, les régions et les territoires.

Le sénateur Banks : Ou non.

Le sénateur Grafstein : Ou non; leur application est volontaire. En réalité, le projet de loi prévoit l'établissement de normes réglementaires qui seront exécutoires. Les lignes directrices actuelles n'ont pas force exécutoire. Les provinces peuvent ou non adapter ou adopter ces lignes directrices, car leur application est facultative. Cette question est au cœur du projet de loi. Il n'y a rien de compliqué.

Le projet de loi prévoit l'exercice de la compétence fédérale en matière pénale, car, dans les provinces, si un réseau de distribution d'eau potable n'est pas conforme à une certaine norme provinciale, comme cela s'est produit à North Battleford, à Walkerton en Ontario et dans nombre de collectivités du pays — il n'y a aucune région au pays qui n'a pas eu de graves problèmes avec l'eau potable dans les deux ou trois dernières années —, alors, en vertu de ce projet de loi, le gouvernement fédéral peut surveiller les municipalités, les régions et les provinces qui ne font pas bien leur travail.

Aux États-Unis, on a mis en place ce type de surveillance après avoir tenu un débat sur la question en 1974. Les gens demandent également que nous procédions à une analyse comparative. L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l'OSCE, et l'Union européenne ont mis en place des normes coercitives. Au Canada, il n'y a qu'un ensemble disparate de règlements et de lignes directrices facultatives. D'ailleurs, bien franchement, le Sénat semble manquer de cohérence à l'égard de cette question. Il y a quelques semaines, il a adopté un projet de loi sur les agents pathogènes humains. Il a donc décidé d'habiliter le gouvernement fédéral à exercer son pouvoir en matière pénale à l'endroit des personnes qui manipulent des agents pathogènes humains. Les sénateurs ont adopté le projet de loi à l'unanimité — le Sénat n'a mis que quelques jours pour l'adopter.

J'ai trouvé que c'était le comble de l'ironie : je parraine ce projet de loi depuis 10 ans, et un projet de loi portant sur le même principe, la manipulation d'agents pathogènes humains dans le domaine de la science, a été adopté. Si on regarde la portée de ce projet de loi, on constate qu'il traite non seulement des agents pathogènes humains, mais également des virus, des bactéries et de beaucoup d'autres contaminants d'origine humaine. Le Sénat a rapidement adopté ce projet de loi parce qu'il considérait comme une priorité nationale la question de l'incidence des agents pathogènes humains sur la santé publique.

J'exhorte les sénateurs à lire ce projet de loi. En plus du projet de loi, je crois qu'on a interdit environ 300 ou 400 virus et bactéries pour assurer la santé publique.

Le présent projet de loi porte sur l'eau potable que les gens boivent chaque jour. Selon Santé Canada, nous devrions boire jusqu'à huit verres d'eau par jour. Or, cette eau potable n'est soumise à aucune norme nationale. Toutefois, en ce qui concerne les laboratoires scientifiques, il existe maintenant une norme, car on a récemment comblé cette lacune.

Cette situation est quelque peu ironique. Nombre des contaminants qui figurent dans l'annexe font partie des contaminants qui, en réalité, ne sont pas visés par les directives qu'a établies le ministère.

Soit dit en passant, le fait que de multiples ministères y mettent leur grain de sel constitue un problème. Il n'y a aucune politique nationale sur l'eau; il s'agit plutôt de mesures disparates que se chargent de faire appliquer un certain nombre de ministères — six ou huit ministères interviennent dans ce domaine. Il y a les collectivités autochtones, bien sûr, le ministère de la Santé, le ministère des Transports et d'autres. La réglementation à cet égard est un vrai fouillis. C'est l'une des choses que nous a dites la vérificatrice générale : c'est un vrai méli-mélo.

Nous avons mis en place beaucoup de règlements, mais aucune norme nationale. Il n'existe aucune norme coercitive, à l'exception de celles prévues par la Loi sur les aliments et drogues qui s'appliquent à l'eau embouteillée et à d'autres produits à base d'eau.

L'objet même de ce projet de loi consiste à nous amener dans le XXIe siècle et à nous doter d'une norme nationale qui a force de loi, comme en Europe et aux États-Unis, car une telle norme fait défaut au Canada.

Quel est le cœur du problème? Ce sont les contaminants. Regardons les témoignages qui ont été livrés en avril 2008 : les représentants du ministère nous ont expliqué que ces lignes directrices visent environ 40 ou 50 contaminants.

Il faut lire le dernier ouvrage sur le sujet qui a été publié aux États-Unis. J'invite tous les sénateurs, s'ils sont intéressés, à lire un ouvrage intitulé Bottlemania : How Water Went on Sale and Why We Bought It. Il porte sur l'eau embouteillée, mais il présente une analyse intéressante de la façon dont l'eau embouteillée est testée aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Je vais vous en faire un bref résumé et vous donner des exemples.

Au Canada, il existe des lignes directrices d'application facultative en ce qui a trait aux contaminants. La vérificatrice générale nous a dit — et ce fait est incontestable — que nous sommes quatre ou cinq ans en retard. Les États-Unis contrôlent la présence d'environ 195 contaminants, tandis que nos analyses ne portent que sur environ 144 contaminants. En réalité, les lignes directrices ne sont pas à jour. La dernière fois que la vérificatrice générale a témoigné devant le comité, elle a clairement mentionné que les lignes directrices à ce chapitre n'avaient pas été mises à jour depuis environ cinq ans.

Je prie les honorables sénateurs de bien vouloir prendre connaissance du rapport de la vérificatrice générale. Il est absolument clair que les ministères qui ont mis en place des normes volontaires traînent de la patte. Loin de moi l'idée de reprocher entièrement aux ministères d'avoir opté pour des lignes directrices facultatives.

On a demandé aux provinces ce qu'elles en pensaient. Nous avons entendu la dernière fois des représentants de Terre-Neuve-et-Labrador, et cette province a fait des progrès, mais je vais vous expliquer pourquoi cela ne suffit pas. Actuellement, au XXIe siècle, il y a encore un certain nombre de collectivités à Terre-Neuve qui n'ont pas accès à de l'eau potable. Le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador — province riche en pétrole — a instauré une multitude d'excellentes mesures pour améliorer son réseau d'alimentation en eau potable. Or, des représentants du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador ont expliqué au comité que leur gouvernement avait réellement amélioré le réseau de la province et que, désormais, il analysait l'eau régulièrement — parfois une fois par mois.

Comparons maintenant cette fréquence d'analyse à ce qui se passe aux États-Unis. La Ville de New York seule analyse chaque jour toutes les sources d'alimentation en eau qui se trouvent sur son territoire. Un groupe de scientifiques et divers laboratoires de recherche situés à New York — l'une des plus grandes villes de l'Amérique du Nord — s'occupent d'analyser l'eau chaque jour. Ils l'analysent directement à la source, dans la région de l'Hudson, dans l'État de New York, à même les aquifères, et cetera.

En outre, parce que cette méthode n'est pas parfaite, ils analysent également l'eau une fois par semaine dans chacun des quartiers de New York. Pourquoi le font-ils? Ils veulent être certains de la qualité de l'eau à la source, mais ils veulent également s'assurer que l'eau qui sort du robinet, après avoir circulé dans les canalisations, est encore saine.

Certaines villes sont chanceuses, comme Toronto. Elle est bordée par un lac. Sa population a accès à de l'eau potable de qualité. De fait, l'eau potable de Toronto est parfois de meilleure qualité que l'eau embouteillée. Je ne vais pas entrer dans le débat portant sur la question de savoir si l'eau embouteillée est bonne ou non. Lorsque j'assiste à des soirées caritatives à Toronto, je trouve toujours amusant de voir une bouteille d'eau de Fidji sur ma table plutôt que l'eau du robinet de Toronto, qui est de bien meilleure qualité.

Nous n'avons pas été très intelligents à ce chapitre. D'une certaine façon, on confère à l'eau embouteillée une aura de pureté qui nous donne l'impression qu'elle est meilleure. Je ne critique pas l'eau de Fidji, mais elle est vendue 4,50 $ la bouteille. Dans les bars, on la vend 8 $ la bouteille. Ce produit représente un chiffre d'affaires de six milliards de dollars; pourtant, les gens soutiennent qu'il n'y a pas suffisamment d'argent pour offrir un accès à l'eau potable à tous les Canadiens qui n'ont pas les moyens d'acheter de l'eau embouteillée. Cette situation a quelque chose de paradoxal.

Je vous invite à vous pencher sur la situation liée aux contaminants, et vous constaterez que nous n'égalons pas les normes qui ont été adoptées aux États-Unis, même si l'on tient compte des lignes directrices volontaires. Actuellement, les États-Unis contrôlent la présence d'environ 185 contaminants dans l'eau, alors que, au Canada, les analyses, qui sont facultatives, portent probablement sur tout au plus 140 contaminants. Il n'y a aucun doute sur cette situation. Je tire cette information de données scientifiques probantes.

Permettez-moi de vous exposer d'abord le pire des cas, puis je passerai à des scénarios encore pires. Sans conteste, ce sont les collectivités autochtones qui se trouvent dans la situation la plus tragique. Je suis ravi que le sénateur St. Germain soit ici. Il a entrepris un excellent travail en examinant cette question avec des représentants des collectivités autochtones.

Or, il en est arrivé à la même conclusion que moi : la situation est désastreuse. Si on croit à la Charte — et je suis un défenseur de la Charte; j'y crois fermement —, j'estime que chaque Canadien a droit à un traitement équitable et à un accès équitable à l'eau potable, particulièrement les collectivités autochtones.

Tout juste la semaine dernière, au Sénat, des témoins nous ont parlé du manque d'accès à l'eau potable dans les collectivités autochtones. Ce fait est indéniable. Mary Simon, du Nunavut, était présente. Le sénateur Sibbeston la connaît bien, comme nous tous d'ailleurs. Je lui ai demandé ce qu'il en était de l'accès à l'eau potable dans sa région. Que nous a-t-elle répondu? Elle s'est pratiquement effondrée et a déclaré que les choses n'allaient pas très bien.

Je prie les honorables sénateurs qui ont assisté à cette séance en comité plénier de relire son témoignage, qui a été reçu la semaine dernière. Des représentants de collectivités autochtones ont livré des témoignages semblables devant divers comités.

Soit dit en passant, je tiens à féliciter le ministre Strahl et le gouvernement. Le gouvernement a réalisé des progrès en ce qui concerne les collectivités autochtones. Nous avons appris que la proportion de collectivités à risque, lesquelles, à une certaine époque, représentaient près de 80 ou 90 p. 100 de l'ensemble des collectivités autochtones, est maintenant moindre. Actuellement, seul le tiers des collectivités présenteraient un risque élevé; seulement le tiers.

Il y a d'autres données probantes à ce chapitre. Je ne vais pas les exposer en détail, mais elles sont formelles : le nombre de collectivités autochtones dont le réseau d'alimentation en eau présente un risque élevé est passé de près de 200, en mars 2006, à 97. Cette information provient de l'article paru dans l'Ottawa Citizen en 2008, et, depuis, il y a eu d'autres améliorations.

La mauvaise nouvelle, c'est qu'il y a très peu de différence, à la lumière de données récentes, entre une collectivité à risque élevé et une collectivité à risque moyen. Nous avons appris que le niveau de risque du réseau d'alimentation en eau d'une collectivité peut rapidement passer d'élevé à moyen, puis revenir à élevé le temps d'une fin de semaine parce qu'il n'y a ni analyse ni surveillance constante de l'eau.

Essentiellement, ce projet de loi oblige le gouvernement fédéral à assumer de nouvelles responsabilités. On pose alors toujours la question suivante : sénateur, combien cela coûterait-il?

Laissez-moi vous parler d'argent. À Toronto — et la ville dispose d'un bon réseau de distribution —, on perd le tiers de l'eau potable en raison des canalisations qui fuient. On paie la totalité de l'eau, mais on n'en reçoit que les deux tiers parce que le tiers se perd dans de vieilles conduites qui sont là depuis 100 ans.

Cette situation tient au fait que la population n'exerce aucune pression; la Ville de Toronto ne se voit pas forcée d'améliorer son réseau d'alimentation en eau. Dans le cadre de son plan de relance, le gouvernement fédéral met des fonds à la disposition de toute municipalité qui souhaite moderniser son réseau d'alimentation en eau. La Ville de Toronto n'a pas demandé d'argent pour son réseau. Elle a demandé des fonds pour le secteur de l'automobile. Il y a un manque flagrant de cohérence.

J'aimerais aborder l'aspect essentiel de la question des coûts : les problèmes de santé. L'Association médicale canadienne, dans ses rapports, et des scientifiques canadiens soutiennent tous que le Canada ne s'est pas doté d'une bonne politique sur l'eau potable. Des dizaines de rapports critiquent la politique canadienne sur l'eau potable. Je ne blâme pas seulement le gouvernement actuel. Il s'agit d'un problème systémique qui existait sous le régime des gouvernements précédents et qui n'a jamais été corrigé.

Honorables sénateurs, vous savez que j'ai entrepris cette démarche lorsqu'un gouvernement libéral était au pouvoir. J'ai obtenu autant satisfaction de ce gouvernement que j'en reçois du gouvernement actuel. Ce projet de loi n'a aucune motivation partisane.

M. Schindler, l'un des grands spécialistes de la santé publique, a témoigné devant le comité. Je lui ai expliqué que j'avais besoin d'aide pour déterminer le coût que représente pour le système de santé public la consommation d'une eau de mauvaise qualité. Nous avons entendu parler de ce qui s'est passé à Battleford, en Saskatchewan, et à Walkerton, en Ontario, où 17 000 personnes seront malades pour le restant de leur vie parce qu'elles ont consommé de l'eau provenant d'un réseau inadéquat. Pensez à combien il en coûte aux contribuables. Nous assumons ce coût. Il y a un prix à payer dans cette histoire.

Lorsque des personnes tombent malades et sont atteintes d'affections touchant tout l'organisme, tous les contribuables paient pour les soins dont elles ont besoin. Dans un sens, ce projet de loi est de nature budgétaire, car il vise à nous faire économiser de l'argent à long terme. Il s'agit d'une mesure prophylactique qui nous permet d'économiser de l'argent et d'axer nos efforts sur la prévention et non sur le traitement. Tout le monde connaît ce proverbe vieux comme le monde : mieux vaut prévenir que guérir.

M. Schindler et moi-même avons mis au point une formule logarithmique. Les ministères fédéral et provinciaux de la Santé ne consignent pas le nombre de cas de maladies, d'heures de travail perdues ou d'emplois perdus attribuables à la consommation d'eau de mauvaise qualité. Certains organismes procèdent à ce genre de suivi, mais ne répertorient pas les données de façon systématique. À mon avis, cette lacune traduit une négligence bienveillante. Les ministères de la Santé ne veulent pas faire de suivi parce que, s'ils le faisaient, ils devraient prendre des mesures pour régler le problème. Alors, ils diraient qu'ils ne peuvent rien faire en raison de contraintes budgétaires.

C'est un cercle vicieux. En proposant ce projet de loi, nous tentons de trouver une solution, d'aller au cœur du problème et de mettre en pratique ce que les experts et moi-même considérons comme nécessaire au XXIe siècle : un accès à l'eau potable pour tous les Canadiens.

Nous avons utilisé deux modèles. M. Schindler a mentionné que, selon les formules logarithmiques qu'il a préparées, il en coûte de deux à cinq milliards de dollars par année pour traiter les personnes qui se rendent à l'hôpital ou à d'autres établissements de santé après avoir consommé de l'eau de mauvaise qualité. Toutefois, l'Association médicale canadienne et d'autres organismes ont déterminé au moyen d'une autre formule qu'il y a environ 32 millions de cas de maladies attribuables à la consommation d'eau de mauvaise qualité chaque année au Canada. Personne n'a tenté de quantifier ce problème, quoique j'ai moi-même essayé, en communiquant avec des responsables de la santé publique. En tout, le coût se chiffre dans les milliards de dollars. Il s'agit non pas de gaspiller de l'argent que nous possédons, mais bien d'économiser de l'argent si nous faisons notre travail.

Le sénateur Lang et d'autres ont laissé entendre que cette question ne relève pas du gouvernement fédéral. Certains ont affirmé que les provinces et les municipalités font déjà un excellent travail à ce chapitre et ne voient donc pas pourquoi le gouvernement fédéral devrait intervenir.

Le sénateur Lang devrait lire les propos des Pères de la Confédération et la Constitution. Dans la Constitution, il est précisé que le gouvernement fédéral a le mandat de non seulement légiférer dans les domaines de compétence fédérale, mais également de faire en sorte que les lois provinciales soient mises en œuvre de façon adéquate pour que la population, qui reste la même sous les deux ordres de gouvernement, soit traitée équitablement par les deux.

Est-il important que le gouvernement fédéral exerce une surveillance dans notre pays? Oui, c'est important. Un tel mécanisme sera-t-il coûteux? Je ne crois pas qu'il le sera, à long terme. Disposons-nous des fonds de relance nécessaires pour nous attaquer dès maintenant à cette question? Oui, nous avons les fonds nécessaires. Le gouvernement du Canada se préoccupe-t-il de la santé publique? Oui, il s'en préoccupe. Adopte-t-il des lois qui interdisent l'utilisation de certains contaminants? Oui, il l'a fait. C'est la dernière partie de l'exposé, et j'arrive à ma conclusion retentissante, si vous le permettez, sur la rareté de l'eau.

Au Canada, nous accordons très peu d'attention à l'eau parce que nous croyons — et c'est ce que nous avons appris à l'école — que l'eau est une ressource inépuisable. Or, ce n'est pas le cas. La semaine dernière, j'ai rencontré des personnes très intéressantes qui travaillent pour Canards Illimités Canada et qui font des recherches sur les bassins hydrographiques et sur les sources d'eau. On étudie actuellement un autre projet de loi qui porte non seulement sur les eaux en aval, comme dans le cas du présent projet de loi, mais également sur la préservation des eaux en amont. Le projet de loi sur les bassins hydrographiques — que je parraine également — est étudié en ce moment par le Sénat. Des spécialistes du ministère ont déclaré que nous devions adopter une approche holistique et nous occuper à la fois des eaux en amont et des eaux en aval, ce que nous permettront de faire ces deux projets de loi.

Nous découvrons que, bien que 8 p. 100 des réserves mondiales d'eau douce se trouvent au Canada, une grande partie de cette eau est polluée. Toutefois, nous ignorons dans quelle proportion. Dans les collectivités autochtones, la situation est désastreuse. Personne ne peut me convaincre que nous avons fait du bon travail dans ces collectivités. En revanche, nous avons fait de grandes réalisations en Irak et en Afghanistan, où nous avons expédié des systèmes mobiles de distribution d'eau, mais il n'y a pas eu de telles réalisations au Canada.

Ce que je veux dire, c'est que, dans chaque région du pays, il y a un problème grave, et je ne m'engagerai pas dans un débat sur la question des avis d'ébullition d'eau. Nous ne faisons pas le suivi de ces avis, et le comité a tenu un débat sur cet aspect la dernière fois. L'un des sénateurs m'a dit que les avis d'ébullition étaient une bonne chose, car cela démontre que nous effectuons un suivi. Souvenez-vous : nous ne faisons pas le compte de tous les avis d'ébullition d'eau qui sont émis dans le pays, mais nous savons que les collectivités autochtones reçoivent des avis d'ébullition d'eau chaque semaine, ce qui signifie que la qualité de l'eau est mauvaise.

J'aimerais souligner deux derniers points : d'abord, des représentants de Canards Illimités Canada ont déclaré que, parce que nous n'avons pas préservé nos milieux humides, il y a aujourd'hui 20 p. 100 de moins de milieux humides qu'il y a 20 ans. Les ressources en eau diminuent. Nous devons donc protéger davantage les ressources hydriques existantes.

Ensuite, un article publié la semaine dernière dans le Toronto Star précisait la quantité d'eau utilisée pour produire une bouteille de boisson gazeuse. Huit litres d'eau sont nécessaires pour produire une seule bouteille de boisson gazeuse. Nous consommons de l'eau à un rythme effroyable, et, pourtant, nous ne préservons pas ni ne protégeons l'eau qui est essentielle à notre santé, les huit verres d'eau que nous devons boire chaque jour.

Ici, nous avons accès à de l'eau potable de qualité chaque jour, et nous nous portons bien. Toutefois, les membres de certaines collectivités autochtones et d'autres collectivités importantes ne peuvent être persuadés en tout temps que l'eau qu'ils boivent sera bonne pour eux. Ils ne peuvent être certains que l'eau ne contient plus aucun contaminant. Il s'agit d'une crise majeure qui s'aggravera au lieu de s'améliorer, à moins que le Sénat du Canada intervienne dans ce dossier.

Le vice-président : Sénateur Grafstein, votre exposé a été des plus instructifs.

Le sénateur Merchant : Sénateur Grafstein, je sais que ce sujet vous passionne. Je prends acte de vos commentaires précédents concernant notre utilisation de l'eau potable saine. J'arrose ma pelouse plusieurs fois par semaine et je fais ma lessive avec de l'eau potable saine. Y a-t-il une façon, pour nous, d'utiliser moins d'eau? Est-ce que cela permettrait de protéger la ressource?

Le sénateur Grafstein : Vos questions touchent une question plus générale. Nous avons tendance à croire, dans notre pays, que nous avons accès à une quantité illimitée d'eau. Je vis au bord d'un lac, en Ontario. Il y a, juste au nord, des centaines de lacs, mais un certain nombre d'entre eux sont pollués. Nous agissons tous de la même façon. Par exemple, j'ai une piscine et j'arrose ma pelouse, ce qui signifie que je ne suis pas aussi soucieux de la conservation que je pourrais l'être.

En ce qui concerne l'eau potable, j'ai toujours ce grand débat avec ma femme. Je lui dis que je ne veux pas acheter d'eau embouteillée parce que l'eau potable est bonne. Quand je vais au restaurant, je demande toujours le « Château Robinet ». Je veux de l'eau du robinet.

Je me concentre plus particulièrement sur ce projet de loi. J'ai constaté que, plus une personne se concentre sur quelque chose de précis, plus elle réussit. La question que nous étudions est précise et limitée. La conservation de l'eau est une question tout à fait distincte. J'espère m'en occuper grâce à mon autre projet de loi. Je ne crois pas que la conservation de l'eau est pertinente dans le contexte du présent projet de loi. L'enjeu du projet de loi actuel, c'est de nous assurer que, une fois que nous avons l'eau, celle-ci est saine et que nous pourrons la boire dès qu'elle sort du robinet.

Le sénateur Merchant : C'était seulement un aparté. Ma question concernait les données de 2008, quand la Fédération canadienne des municipalités comparaissait devant vous. Les responsables de la Fédération semblaient dire que des règlements supplémentaires ne pouvaient venir à bout d'un problème qui était attribuable, en fait, à des capacités et à des ressources financières utilisées à l'extrême. Selon eux, il ne servait à rien d'avoir d'excellentes normes et lignes directrices si l'on n'a pas les ressources humaines ou financières pour les respecter.

Vous avez discuté avec les représentants des municipalités. Est-ce que certains d'entre eux vous soutiennent? Où en sont rendues ces discussions?

Le sénateur Grafstein : Non, je crois que j'ai essayé d'expliquer la situation aux municipalités. Ma propre ville, la Ville de Toronto, doit rénover son réseau d'alimentation en eau pour en garantir l'excellence. Elle n'a pas encore entrepris ces rénovations. En fait, la Ville de Toronto n'a présenté aucune demande à cet effet dans le contexte des dépenses à prévoir pour les mesures de stimulation. Il existe des critères qui permettent à chaque municipalité de demander de l'argent au gouvernement fédéral. Je sais que cela viendra, si la demande est faite. La Ville de Toronto a présenté, dans le cadre de la ronde actuelle, une demande pour des tramways. Ce n'est pas un problème de nature financière puisqu'il y a, actuellement, de l'argent disponible pour rénover le réseau, si la ville le souhaite.

La véritable question, c'est de savoir si le gouvernement fédéral est prêt à faire plus d'efforts sur le plan scientifique pour être certain de pouvoir fournir les résultats des examens en direct et en temps opportun. Nous avons actuellement un organisme qui s'occupe de santé publique à Winnipeg. Si la Ville de New York peut fournir des scientifiques pour effectuer les examens, il n'y a aucune raison pour que nous ne réussissions pas à effectuer ces examens partout au pays.

Nous sommes sur le point d'approuver le projet de loi sur les Cris, et j'ai parlé avec les chefs cris, hier. L'eau saine est une de leurs priorités. Ils estiment qu'ils pourront avoir le financement requis. Ils craignent toutefois de ne même pas avoir les mécanismes de formation appropriés ou les examens pertinents. Il n'y a pas que le coût du réseau de distribution d'eau en tant que tel; il y a aussi les coûts d'entretien et de fonctionnement en permanence du réseau.

Nous pouvons le faire. Il n'y a pas de nouveaux fonds à investir. Au bout du compte, je crois que cela nous permettrait d'épargner de l'argent, du temps et de l'énergie. Il faut inclure les problèmes de santé dans les coûts. Si vous réalisez le tout de la façon dont M. Schindler l'a décrit, il y aurait un ratio coûts-avantages. Il incombe aux ministères de s'en occuper, mais c'est un sujet courant à l'heure actuelle.

Le vice-président : Il y a encore sept personnes qui doivent parler, et nous souhaitons terminer à 10 heures.

Le sénateur Grafstein : Je vais être plus bref.

Le sénateur Neufeld : Je vais essayer d'être bref aussi, monsieur le président.

Au sujet de l'eau embouteillée à Toronto, je dirais, pour être tout à fait honnête, que, même si le gouvernement fédéral crée des normes, il y aura toujours de l'eau embouteillée à Toronto. Les gens aiment l'eau embouteillée, pour quelque raison que ce soit.

Si l'on devait décider de bannir entièrement le plastique à un moment ou à un autre, il y aurait peut-être moins d'eau embouteillée, ou les bouteilles seraient peut-être en verre. L'eau embouteillée est consommée partout au pays, partout en Amérique du Nord et partout dans le monde. Cette situation ne changera pas, quels que soient les règlements en vigueur. Je reconnais que le projet de loi n'aborde pas la question de la surutilisation.

Vous avez parlé des bandes des Premières nations. Je ne nie pas le fait qu'il y a des problèmes. Nous avons, ici, un membre des Premières nations qui comprend bien la situation. Toutefois, je ne crois pas que ce soit toutes les réserves qui ont de la mauvaise eau.

Je vais parler de la circonscription dans laquelle je vis. Je ne la connais pas parfaitement, mais j'y ai vécu toute ma vie. On y trouve sept bandes. J'ai eu, au cours des nombreuses années pendant lesquelles j'ai occupé le poste de député à l'Assemblée législative de cette circonscription, de nombreux contacts avec les chefs et les conseillers. Je ne me souviens pas qu'ils m'aient jamais dit que leur eau était polluée. Ils vivent au sein d'un vaste territoire, en Colombie- Britannique. C'est pour cette raison que je ne crois pas que toutes les réserves des Premières nations aient des problèmes d'eau.

Je veux revenir au rôle du gouvernement fédéral. On dit que, tant qu'il adopte des règlements, le monde sera un endroit sûr. Je ne crois pas beaucoup à cela, et je vais vous dire pourquoi. Je vis à Fort Nelson, en Colombie- Britannique, depuis 19 ans. Le gouvernement fédéral a installé un réseau d'égout et de distribution d'eau. Quand le réseau a été installé, la collectivité n'était pas constituée en société. Pour l'égout, ils ont utilisé un bassin de sédimentation, et l'émissaire coulait dans la rivière Muskwa, en amont des chutes. Je ne crois pas que le gouvernement fédéral soit toujours en mesure de prendre les décisions les plus sages pour le peuple.

Vos données sont peut-être exactes. Vous prétendez que le Canada possède 8 p. 100 de l'eau de la planète et qu'une majeure partie de celle-ci est polluée. Y a-t-il des statistiques absolues qui confirment vos dires? Parfois, de l'eau est polluée même si aucun être humain n'y a déjà touché. Il s'agit là d'un fait connu. De telles affirmations suscitent de la peur chez les gens. Le problème de Walkerton a réveillé bien des gens partout au Canada.

Je crois que nous avons un très bon réseau en Colombie-Britannique. Est-ce qu'il est parfait? Non. Est-ce qu'il serait parfait s'il relevait du fédéral? Non. Il y aurait simplement une autre série de règlements qui viendraient s'ajouter aux règlements provinciaux déjà en vigueur. Les provinces et les municipalités collaborent très bien.

L'exemple que vous donniez au sujet de Toronto, qui ne présente pas de demande de financement de stimulation de son réseau de distribution d'eau, est intéressant puisqu'on se retrouve avec un représentant du gouvernement fédéral — un sénateur — qui commence à parler de ce que Toronto devrait faire avec l'argent destiné à des mesures de stimulation. C'est pour cette raison que nous élisons des conseils. Je ne sais pas pourquoi Toronto n'a pas présenté de demande pour avoir ces fonds, mais, de toute évidence, la ville avait d'autres priorités. J'imagine qu'on estimait que le réseau d'eau était convenable, sinon, on aurait fait quelque chose. Cet exemple prouve que, à l'échelon fédéral, nous affirmons parfois que, si une idée vient de nous, elle est bonne.

Je crois qu'il faudrait maintenir l'état actuel des choses. Je ne suis pas en faveur de l'adoption d'autres règlements. Comme l'a dit le sénateur Merchant, de nouveaux règlements ne garantiront pas que nous aurons une bonne eau saine simplement parce que nous aurons plus de règlements. Je crois que les provinces ont des responsabilités qu'elles doivent assumer, et je crois qu'elles le font. Je ne crois pas que vous pourriez trouver un membre de la classe politique provinciale qui pourrait vous dire qu'il ne se préoccupe pas de l'eau potable saine. Ce serait faux que de le prétendre. Chacun d'eux est comme nous.

Je vais revenir à la question des réserves des Premières nations. Le gouvernement fédéral a des responsabilités envers elles. Pourquoi la situation est-elle si terrible? C'est peut-être par cette question que nous devrions commencer. Pourquoi ne commencez-vous pas par répondre à cette question?

Le sénateur Grafstein : Je crois en l'égalité. Le problème n'existe pas seulement au sein des réserves. Je ne connais aucune province qui n'a pas des problèmes avec l'eau en région urbaine et dans des collectivités plus petites.

Vous avez soulevé deux enjeux auxquels j'aimerais réagir. D'abord, il ne s'agit pas d'une autre série de règlements. Le gouvernement fédéral fournit déjà des lignes directrices de nature volontaire que les provinces adaptent pour en faire des normes. La vérificatrice générale soutient qu'elles forment un ensemble disparate à l'échelle du pays et qu'elles ne sont pas conformes aux règles de l'art. Les lignes directrices et les règlements que le gouvernement fédéral fournit aux provinces pour qu'elles élaborent leurs lignes directrices sont dépassés.

En conséquent, les lignes directrices dont vous parlez, qui sont en vigueur dans votre province, sont dépassées. Il se trouve que l'agente de santé publique de Vancouver fait partie de ma famille. C'est une femme exceptionnelle. J'ai discuté du problème avec elle. Je ne peux pas citer ses paroles, mais je peux vous dire que la Ville de Vancouver a procédé, une fois, à une analyse pendant une durée d'un an, et a découvert que 17 000 personnes avaient été malades parce qu'elles avaient bu une eau potable de mauvaise qualité dans la Ville de Vancouver. Sénateur, j'espère que vous retournerez en Colombie-Britannique, à Vancouver et à Fort Nelson et que vous demanderez le nombre d'avis d'ébullition de l'eau en vigueur dans votre province à ce moment.

Le projet de loi n'est pas un règlement superflu; il améliore la norme de réglementation pour les provinces, pour le gouvernement fédéral et pour les collectivités autochtones. Il y a un problème en Colombie-Britannique. La meilleure façon de le savoir, c'est de découvrir le nombre d'avis d'ébullition de l'eau. Le problème, c'est que la Colombie- Britannique, comme les autres provinces, d'ailleurs, ne publie pas les avis d'ébullition de l'eau de façon régulière. Aux États-Unis, les gens peuvent composer leur code 905 et accéder aux avis d'ébullition de l'eau les plus récents émis par le gouvernement fédéral, pour la semaine en cours dans leur collectivité. Ils peuvent décider si, cette semaine-là, leur eau potable est saine pour leurs enfants. C'est ce que le gouvernement fédéral a fait, et nous pouvons le faire grâce à la technologie haute vitesse très simple à utiliser.

En Colombie-Britannique, le problème ne touche pas seulement les collectivités autochtones. En passant, nous savions qu'il y avait un problème au sein des collectivités Nisga'a parce que nous en avions discuté au moment où le projet de loi a été adopté. Les collectivités avaient un véritable problème et ont dit qu'elles s'en occuperaient. Elles ne l'ont pas fait. Fort Nelson avait un problème avec l'eau potable. Il y avait des avis d'ébullition de l'eau à Fort Nelson. Je ne sais pas à quel point les données sont à jour.

À Vancouver, dès qu'il y a une tempête ou de la pluie, il y a un problème avec l'eau potable. Le problème, c'est qu'il n'y a aucun groupe intéressé à dénoncer la situation sur la place publique.

Le sénateur Neufeld : Je n'ai pas dit que le réseau est parfait, sénateur Grafstein. J'ai dit qu'il y avait des problèmes et qu'il y a des avis d'ébullition de l'eau. Quel que soit le type de règlements ou de normes que nous mettrons en vigueur au Canada, il y aura toujours des avis d'ébullition de l'eau.

Le sénateur Grafstein : Ce n'est pas faux.

Le sénateur Lang : Il y a une chose que j'aimerais mentionner aux fins du compte rendu. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé de moi et vous avez dit que je devrais lire la Charte et la Constitution et vous avez mentionné qu'elles visent à garantir un traitement équitable à tous. Oui, elles visent à garantir un traitement équitable à tous, mais je viens de l'Ouest et j'ai connu le Programme énergétique national. Je peux vous assurer que nous n'étions pas traités de façon équitable.

Le sénateur Grafstein : Ce n'est pas faux, non plus.

Le sénateur Lang : Il y une autre chose que j'aimerais voir figurer dans le compte rendu. Je suis conscient de l'enthousiasme et de l'engagement dont fait preuve le sénateur envers cette cause, mais, selon mes recherches, et pour le compte rendu, la question de l'eau ne constitue pas une crise ni un problème majeur au Canada. Il y a des problèmes, et il faut les régler, mais je crois qu'il faut corriger le compte rendu au sujet de la vérification à laquelle, je crois, vous avez renvoyé, dans le Rapport de la commissaire à l'environnement et au développement durable de 2005. Un autre rapport a été publié depuis. Dans le rapport, on mentionnait deux aspects concernant les améliorations apportées. On y disait que le gouvernement disposait maintenant d'un processus lui permettant de déterminer les priorités, y compris les plans et les délais pour la mise à jour fréquente des lignes directrices concernant la qualité de l'eau potable au Canada et l'élaboration de nouvelles lignes directrices, au besoin.

Dans le rapport le plus récent, on dit aussi que le processus permet de rattraper le retard concernant l'examen des anciennes lignes directrices, retard qu'a mentionné le sénateur Grafstein; d'ailleurs, le ministère a mis à jour un bon nombre de lignes directrices depuis 2005.

Il est important de souligner, pour le compte rendu, qu'il y a des améliorations qui sont apportées. La grande question à laquelle nous devons répondre est la suivante : devrait-on mettre sur pied un organisme fédéral? Il faut aussi déterminer les coûts associés à cet organisme et se demander s'il permettrait d'améliorer la situation actuelle. Il faut bien le dire : même si les normes varient d'une région à l'autre du pays, j'ai entendu dire — et je n'ai aucune raison d'en douter — que les normes en vigueur au pays sont parmi les plus strictes au monde. Il faudrait reconnaître le mérite des provinces et des territoires.

Le sénateur Neufeld a soulevé un point pertinent quand il a parlé des réserves du pays. Il n'y a aucun doute : la situation, dans certaines de ces régions, est bien triste. Cependant, comme l'a dit le sénateur Neufeld, et comme je le souligne aussi — cela concerne l'hypothèse du sénateur Grafstein selon laquelle si le gouvernement fédéral agit, cela réglera le problème — le fait est que le gouvernement fédéral a été responsable de ces réserves depuis le tout début, depuis leur création. Si quelqu'un, ici présent, est prêt à dire que le gouvernement fédéral a fait du bon travail, je veux l'entendre.

Pendant ce temps, l'an dernier, le gouvernement du Canada — et il faut que ceux qui nous observent en soient conscients — a investi 330 millions de dollars dans le traitement de l'eau et dans d'autres aspects pour mettre à niveau les réserves. Cette année, on a prévu 500 millions de dollars — un demi-milliard de dollars — qui seront investis au cours des deux prochaines années dans les collectivités autochtones partout au pays. Une partie de cette somme sera consacrée au traitement de l'eau, au besoin.

Des pas sont faits dans cette direction. En outre, le gouvernement fédéral collabore avec les Premières nations pour mettre en œuvre une politique en matière de lignes directrices pour le traitement de l'eau dans les réserves partout au pays. Des mesures sont prises.

Est-ce qu'un nouvel organisme fédéral permettrait d'améliorer la situation? Au bout du compte, nous disposons de réseaux qui, d'après ce que j'en sais, fonctionnent, et je crois que c'est en partie grâce au sénateur Grafstein puisqu'il a souligné l'importance du problème.

Ma question est la suivante : comment pouvons-nous aller de l'avant et adopter cette mesure législative sans l'approbation des provinces? Je sais que nous pouvons dire que nous avons des responsabilités constitutionnelles, mais les provinces ne sont pas en faveur d'un organisme fédéral. Pourquoi devrions-nous créer un autre conflit avec les provinces alors que nous sommes actuellement en récession? Pourquoi déciderions-nous d'aller de l'avant sans le consentement des provinces?

Le sénateur Grafstein : Nous l'avons déjà fait, la semaine dernière. Le réseau de services de santé et de services scientifiques relève essentiellement du provincial. Cependant, de toute évidence, pour protéger la santé publique à cause des agents pathogènes humains, le gouvernement fédéral a déterminé que les recherches effectuées par les provinces au sujet de ces agents pathogènes humains n'étaient pas adéquates. Nous l'avons déjà fait.

Je vous remercie du compliment. Le comité a fait un travail considérable d'éducation du gouvernement fédéral, mais aussi du grand public, à propos de l'importance d'une eau potable saine. Le comité a joué un rôle par la télévision et par d'autres moyens. En passant, cet organisme fédéral n'est pas nouveau. C'est ce qu'il faut comprendre. Il s'agit de l'organisme fédéral qui s'occupe déjà de la réglementation de l'eau embouteillée et de la glace. Il n'y a pas de différences entre la glace et l'eau; la glace, c'est de l'eau gelée. Nous avons un règlement sur la glace, mais nous n'avons pas de règlement sur l'eau potable saine. Nous réglementons les boissons gazeuses, mais pas l'eau potable saine. Nous réglementons l'eau potable dans les parcs, mais il n'y a pas de règlement exécutoire qui s'applique à l'eau potable dans les collectivités autochtones; dans les parcs nationaux, d'accord, mais pas dans les collectivités autochtones.

En ce qui concerne la version la plus récente du rapport, il est vrai que les lignes directrices se sont améliorées. Il n'y a pas de doute à ce sujet. Oui, il y a eu d'importantes améliorations, mais, d'un point de vue statistique, celles-ci sont, de loin, insuffisantes. Oui, dans certaines régions du pays, il y a d'excellentes normes. Je ne le nie pas.

Je représente l'Ontario. J'adore ma province, et je crois que nous avons fait du bon travail dans de nombreux secteurs, mais pour ce qui est de l'eau potable, je ne crois pas que nous avons fait du bon travail, à ce jour. Au bout du compte, le sénateur et moi sommes à peu près du même avis à ce sujet. Il s'agit seulement de trouver une façon d'accomplir le travail qu'il reste à faire. Ce projet de loi ne constitue pas une nouvelle série de règlements.

Le sénateur Lang : Ce qui me préoccupe, dans le cas présent, ce sont les termes employés : c'est un problème majeur; c'est une crise dans tout le pays. Je pense aux gens qui nous écoutent. S'il y a une crise partout au pays, pourquoi n'y a- t-il que le sénateur Grafstein qui en parle? Je n'ai pas entendu de représentants des provinces ou des municipalités parler de cette crise, et pourtant, ils sont responsables de l'eau potable saine.

Le sénateur Grafstein : Ce n'est pas moi. Tout ce que je fais, c'est répéter les opinions exprimées dans le rapport de Walter Gordon, dans le rapport de la vérificatrice générale et par les scientifiques. Deux cents scientifiques ont récemment publié un rapport sur l'eau potable. Ce n'est pas moi. Le problème, c'est que le message n'a pas été entendu. Le gouvernement fédéral a décidé qu'il s'agissait d'un problème qu'il ne peut régler parce qu'il s'occupe de beaucoup d'autres questions. Franchement, les provinces sont fières des progrès qu'elles ont accomplis depuis Walkerton. À mon avis, Terre-Neuve-et-Labrador ne respecte pas les normes minimales en matière d'examen, mais sa situation s'est nettement améliorée. La province est passée de rien du tout à un peu mieux, mais sa situation devrait être bien meilleure. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'une question de santé publique.

Le sénateur Brown : Sénateur Grafstein, je me souviens des discussions que nous avons eues l'an dernier à propos de Terre-Neuve-et-Labrador. Nous avions accueilli, si je me souviens bien, la commissaire de l'eau, qui nous avait dit que, si sa province est celle qui compte le plus d'avis d'ébullition de l'eau, c'est simplement parce qu'elle tire essentiellement son eau de puits. Quand il pleut, les sédiments que contiennent ces puits atteignent un niveau qui dépasse celui d'une eau considérée comme potable. En conséquence, on recommande aux gens de faire bouillir leur eau.

Quand nous avons demandé à la commissaire la raison pour laquelle la province n'adoptait pas des règlements plus sévères au sujet du chlore, elle a répondu que les habitants de Terre-Neuve-et-Labrador n'aimaient pas le chlore et préféraient faire bouillir leur eau que d'y ajouter du chlore. Cette réponse vient dissiper mes préoccupations.

En ce qui concerne l'Alberta, bien que des villes comme Calgary et Edmonton aient d'excellents réseaux de filtration d'eau, ceux-ci peuvent être engorgés par d'importantes pluies pendant moins de 24 heures. Il y a tout juste quelques années, il a plu pendant presque 24 heures sur trois jours à Calgary. Le réseau de distribution d'eau ne parvenait absolument pas à filtrer toute cette eau excédentaire, ce qui fait que la ville a dû limiter la quantité d'eau que les gens pouvaient utiliser. Ils ne pouvaient pas laver leur voiture, arroser leur pelouse, et cetera. Les pelouses étaient probablement saturées, de toute façon. C'est de cette façon que la ville a réagi en attendant d'être en mesure de réduire la quantité de sédiments et de filtrer toute l'eau. Toutefois, personne n'est tombé malade à Calgary à cause de cette situation.

Ce genre de situation se produit un peu partout au pays, je crois. Chaque fois qu'il y a des pluies inattendues, les réseaux de distribution d'eau connaissent des difficultés. Les gens qui se trouvent au point où l'eau quitte l'usine sont responsables.

Dans le cas de Walkerton, les personnes responsables n'étaient pas responsables. Certaines d'entre elles ont été accusées au criminel parce qu'elles ne s'étaient pas occupées adéquatement du traitement de l'eau et que des personnes étaient mortes à Walkerton. Je crois qu'il y avait incontestablement là un problème.

Tout ce que je dis, c'est que 99 p. 100 de nos réseaux de distribution d'eau, au Canada, sont surveillés adéquatement par les personnes chargées de le faire. S'il y a un réseau qui fonctionne mal, n'êtes-vous pas d'accord pour dire que c'est le réseau que nous trouvons dans les collectivités autochtones? C'est ce que nous entendons constamment. Nous en entendons parler depuis des années.

Pourquoi le projet de loi ne mettrait-il pas l'accent sur les peuples autochtones, là où le gouvernement fédéral a plus de contrôle qu'ailleurs, et pourquoi ne déciderions-nous pas d'appliquer la Loi aux peuples autochtones afin de nous assurer qu'ils ont accès à des méthodes appropriées de purification et de filtration de l'eau, quel qu'en soit le coût, et pourquoi n'agissons-nous pas?

Il s'agit d'une petite partie du réseau de distribution de l'eau du pays. Je crois que nous pourrions facilement nous permettre de le faire et d'appliquer cette loi à la Loi sur les Autochtones, ou à la Loi sur les Indiens, quel que soit le nom qu'elle portera. Nous pouvons appliquer le règlement à cette source et, si nous découvrons que l'eau est constamment mauvaise dans d'autres régions, nous pourrons aussi appliquer le règlement dans ces régions. Je vois mal, cependant, comment nous pourrions mettre en œuvre une loi réglementaire qui s'appliquerait à tout le pays à cause d'une seule situation.

Le sénateur Grafstein : Je suis plutôt d'accord avec la plupart des affirmations du sénateur Brown. Prenons l'exemple de Calgary et d'Edmonton. Je suis d'accord avec vous quand vous dites que le problème est parfois attribuable à la météo et qu'il y a parfois des avis d'ébullition de l'eau. Je ne suis toutefois pas d'accord avec vous quand vous dites que cette situation, qui dure deux ou trois jours, n'entraîne pas de problèmes de santé puisque bon nombre de personnes prennent la situation à la légère et ne s'en occupent ou ne signalent pas les cas de maladie. C'est exactement ce que disait M. Schindler et ce que disent d'autres spécialistes : nous n'effectuons pas de suivi de ces cas, et il en résulte des risques pour la santé.

Il y a des enjeux qui sont soulevés en raison de l'engagement du gouvernement fédéral au sujet de Calgary, d'Edmonton, de Winnipeg, de Moncton et de Vancouver, et des ressources en eau douce et des systèmes de filtration qui varient d'une collectivité à une autre puisque les ressources géographiques varient. Une initiative du gouvernement fédéral, comme ce projet de loi, forcerait les municipalités à examiner les sources d'eau et à les protéger de façon plus stricte. Si un problème lié à la météo devait se répéter, elles sauraient qu'elles doivent s'occuper de ce problème en priorité.

La Loi ne vise pas nécessairement à punir les gens. Elle les oblige à faire plus attention. Ce qu'on a constaté, aux États-Unis, c'est que, une fois que le gouvernement fédéral s'est engagé, toutes les municipalités ont dû examiner de nouveau leurs sources d'eau et se dire : « Maintenant que le gouvernement fédéral s'occupe de la question, nous devons nous assurer que nos sources d'eau sont plus sûres et plus saines. »

La Ville de Vancouver a un problème avec la météo et un problème de source. Dans la Ville de Calgary, il y a un problème lié à la météo et un problème de source. Calgary a un problème de source, mais je ne m'étendrai pas sur cette question. Allez parler avec des représentants de la Colombie-Britannique. Si vous étudiez la question, vous constaterez qu'il y a un désaccord sur le plan scientifique au sujet de cette question.

Ce que je veux dire, c'est que la loi fédérale vise à attirer l'attention non seulement sur l'aval, mais aussi sur les sources de l'eau dans chaque collectivité afin de garantir que des mesures sont prises pour contrebalancer les conditions météorologiques normales. Il y a des mesures qui peuvent être prises. Ce qu'il faut déterminer, c'est comment s'assurer qu'elles sont prises et que la question de l'eau figure à l'ordre du jour? La façon d'y parvenir, c'est d'adopter une loi fédérale.

Le sénateur Peterson : Merci, sénateur Grafstein. Vous avez mentionné North Battleford. Ce que je comprends de cette situation, c'est ce qu'en a dit le sénateur Neufeld : l'émissaire d'évacuation était situé en amont de la prise d'eau. Dans les collectivités des Premières nations, le problème est, le plus souvent, un manque de personnel qualifié pour faire fonctionner les usines de traitement de l'eau. J'aimerais savoir de quelle façon votre projet de loi permettra des améliorations à ces sujets ou mettra l'accent sur ceux-ci?

Le sénateur Grafstein : J'ai lu tous les témoignages formulés dans le rapport de 700 pages provenant de l'Ontario. À North Battleford, le problème concernait, essentiellement, les activités, la supervision et les examens. Les réseaux de distribution de l'eau ne faisaient pas l'objet d'examens adéquats ou n'étaient pas supervisés de façon adéquate, et les superviseurs n'étaient pas, eux-mêmes, bien supervisés. Il y avait une faille dans le réseau. Comme l'a déjà dit Harry Truman : « Quel est le travail du président des États-Unis? C'est de s'assurer que les gens font le travail pour lequel ils ont été embauchés au départ. »

Le projet de loi aborde la question du pouvoir en matière criminelle, et il s'agissait du problème, en Ontario, en ce qui concerne l'application de la loi aux superviseurs. Les autorités ne pouvaient utiliser la menace du droit criminel pour évoquer des normes plus sévères, ce qui fait qu'ils ont fini par s'engager dans un procès long et alambiqué. C'est pour cette raison que la Loi sur les aliments et drogues a été adoptée, au départ : pour garantir, hors de tout doute, la salubrité et la sécurité des aliments au pays. Notre pays a une bonne réputation. Les industries alimentaire et pharmaceutique ont une réputation d'excellence à l'échelle mondiale. Tout ce que j'essaie de faire, c'est d'utiliser tous les pouvoirs de l'organisme actuel et de les élargir pour qu'ils s'appliquent à l'eau potable de façon à forcer les provinces et les municipalités à s'assurer que l'eau fait l'objet d'examens plus fréquents et respecte des normes plus sévères.

Nous savons que les normes et les lignes directrices du gouvernement fédéral ne sont pas aussi sévères qu'elles pourraient l'être. Ce projet de loi permet d'améliorer le réseau en entier.

Le sénateur Callbeck : Merci beaucoup. J'admire votre passion pour le sujet. Comme vous le savez probablement, je ne fais pas partie du comité, ce qui signifie que je n'ai pas entendu les autres témoins.

En ce qui concerne les lignes directrices provinciales facultatives, élaborées par le gouvernement fédéral, par les provinces et par les territoires, j'ai cru comprendre que certaines provinces avaient adopté ces règlements. Si le projet de loi devait être adopté, est-ce que cela signifierait que nous aurions, par exemple, en Ontario, des règlements provinciaux et des règlements fédéraux?

Le sénateur Grafstein : Non. Nous avons eu ce problème au sujet des taxes. Nous avions une taxe de vente et une taxe fédérale, et la province de l'Ontario a finalement — comme bon nombre de provinces — harmonisé les deux taxes.

Si une norme fédérale plus sévère est adoptée, comme je l'espère, je m'attends à ce que toutes les provinces finissent par harmoniser leurs règlements. On doit pouvoir compter sur des chefs de file pour appliquer la norme. Ce projet de loi vise à faire du gouvernement fédéral ce chef de file.

Je ne crois pas du tout qu'il y aura dualité puisque les lignes directrices facultatives ne peuvent être moins strictes. Le projet de loi ouvrira la porte aux provinces et municipalités afin qu'elles puissent aller au-delà des normes fédérales ou provinciales. Certaines dépassent déjà ces normes. Bien honnêtement, les lignes directrices facultatives qui existent à l'heure actuelle sont simplement ineptes. Nous voulons renforcer toutes les normes.

Si le projet de loi est approuvé par le comité et franchit les autres étapes, je crois que vous verrez que les provinces s'empresseront d'harmoniser leurs lois avec celles-ci. Je ne crois pas qu'il y aura de duplication. La nouvelle loi obligera la création de normes exécutoires plus strictes.

Le sénateur Callbeck : Si les normes sont harmonisées, est-ce que le gouvernement provincial ou le gouvernement fédéral les appliquera?

Le sénateur Grafstein : Actuellement, les provinces appliquent le droit criminel. La loi relève du fédéral, mais les policiers, dans des endroits comme Toronto et Fort Nelson, appliquent la loi fédérale. Cette loi serait une loi fédérale appliquée par les autorités locales. Il n'y aurait pas de processus supplémentaire d'exécution de la loi, mais, si une municipalité ne respectait pas une norme d'ordre criminelle, elle serait tenue responsable sur le plan criminel. C'est là toute la question. C'est toute la question du projet de loi sur les carcinogènes : obliger, par une loi fédérale, les scientifiques, les médecins et les hôpitaux à respecter une norme plus sévère en matière de santé. C'est à cela que sert la loi.

Le sénateur Sibbeston : J'ai la possibilité de donner le point de vue du Nord et de décrire la situation dans cette région. Le Nord est perçu, à juste titre, comme une terre de neige, de glace et d'eau; pourtant, la question de l'eau potable demeure l'un des plus importants problèmes de la région. Quand j'étais ministre au sein du gouvernement local, nous consacrions une grande part des fonds destinés à l'infrastructure à l'eau potable. Bien souvent, la solution consiste à creuser de grands trous dans le sol, à les recouvrir de plastique et à laisser l'eau s'accumuler. Ensuite, le réseau de distribution d'eau consiste à utiliser des camions-citernes qui emportent l'eau à chaque maison. Nous ne pouvons pas avoir de réseau d'égout à cause du pergélisol.

Bien souvent, pour rendre l'eau potable, on ajoute du Perfex ou du Javex dans les réservoirs d'eau, puis on distribue l'eau aux gens. Cela tue les bactéries, mais l'eau a un goût affreux. On a peut-être tué les bactéries, mais les gens ont probablement les entrailles décolorées.

Ce matin même, quand j'ai bu de l'eau chez moi, de l'autre côté de la rivière, j'ai trouvé qu'elle goûtait les produits chimiques. Je me suis toujours demandé d'où venait ce goût. L'eau contient peut-être moins de bactéries, mais quels sont les effets des produits chimiques sur notre organisme?

Il y a une autre chose que j'aimerais dire : vous êtes une personne rationnelle et convaincante. Cela me pousse à me demander pourquoi le projet de loi n'est pas présenté par le gouvernement et est présenté par quelqu'un comme vous?

Le sénateur Grafstein : La bonne nouvelle, c'est que, depuis que j'ai soulevé cette question, chaque gouvernement a fait, dans chaque discours du Trône, une déclaration au sujet de l'eau; nous ferons quelque chose au sujet de l'eau. Cependant, nous faisons face à une bureaucratie, ce qui fait que toute réforme prend du temps. Toute bureaucratie suppose des débats, des guerres intestines et ce genre de choses. Certains organismes aimeraient prendre les commandes des examens.

Nous avons remarqué le problème quand il y a eu le projet de loi pour mettre sur pied un responsable de la santé publique à Winnipeg. Il y a eu tout un débat au sujet de l'endroit où devrait se trouver le responsable. Il y a aussi toute une léthargie rattachée à la bureaucratie, des guerres intestines, des responsabilités, des redditions de comptes et des budgets. « Je veux un budget qui correspond à mes objectifs ».

Le présent projet de loi vise l'exécution des priorités. Nous connaissons tous bien le gouvernement. Certains d'entre nous ont été élus et certains d'entre nous ont participé à des activités locales et municipales; je suis engagé depuis presque un demi-siècle. Ce que je trouve le plus difficile, c'est de motiver les gens à faire ce qui doit être fait, selon vous et selon tout le monde. Nous disons une chose, le Parlement dit une chose et — je suis d'accord avec les honorables sénateurs à ce sujet —, la bureaucratie dit autre chose.

Ce qu'il faut, c'est exercer une pression constante sur le gouvernement. C'est pour cela que nous avons une Loi sur la responsabilité. Il nous a fallu plusieurs mois pour que le projet de loi soit adopté de façon à ce que les ministères soient obligés de rendre plus de comptes au sujet de leurs responsabilités. Le présent projet de loi n'est donc pas bien différent.

La question a été mise en veilleuse. C'est pourquoi il y a de nombreux rapports rédigés par d'anciens employés. Le dernier a été rédigé par d'anciens responsables du ministère, qui voulaient faire part de leurs préoccupations.

Le sénateur Banks : Nous avons dépassé de beaucoup le temps qui nous était alloué. Je manque de temps, et je suppose que nous ne procéderons pas maintenant à un vote sur chaque disposition du projet de loi.

Le vice-président : Non, nous ne le ferons pas.

Le sénateur Banks : Je vais ajourner la séance parce que je n'ai pas d'autres questions particulières à poser au sénateur Grafstein qui pourraient alimenter notre discussion, pour l'instant.

Le sénateur Lang : J'aimerais souligner une chose à l'intention du grand public, afin que les gens aient plus d'information sur cette question en particulier. Je veux parler de la question de la reconnaissance des aquifères partout au pays. Vous avez abordé la question rapidement.

Il est important que les gens comprennent que le gouvernement fédéral collabore avec les provinces à ce sujet. Ils ont prévu un budget de plus de trois millions de dollars par année. Je crois qu'il y a environ 30 aquifères principaux partout au pays; 12 d'entre eux sont connus. On a accéléré le programme de façon à ce que nous possédions, d'ici cinq à huit ans, toute l'information sur l'eau souterraine qui présente un intérêt et à ce que nous en dressions l'inventaire.

Je veux qu'il soit écrit, dans le compte rendu, que des mesures sont prises et que l'eau constitue une préoccupation pour chacune des personnes présentes, de même que pour les provinces et les municipalités.

Je conclus en disant que je crois que, heureusement, nous ne vivons pas une crise. Je crois qu'il s'agit d'une situation dont les provinces et les municipalités doivent s'occuper. La responsabilité du gouvernement fédéral se situe du côté de la recherche. Je crois que les administrations et les gouvernements font ce qu'ils ont à faire.

Le sénateur Grafstein : Rapidement, j'aimerais dire que le projet de loi n'a pas été recommandé au comité, mais qu'il reste à régler des questions constitutionnelles, qui seront réglées, je l'espère, par le Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. S'il y a d'autres commentaires, ils seront transmis au comité. Je réagirai aux préoccupations du sénateur Lang et présenterai aussi des témoins indépendants pour y réagir.

Le vice-président : Sénateur Grafstein, merci de votre exposé.

Le sénateur Grafstein : Merci à tous de faire preuve de patience et d'avoir posé des questions. Je crois que nous sommes tous d'accord pour dire que nous essayons d'agir dans l'intérêt supérieur de tous les Canadiens.

(La séance est levée.)


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