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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 12 - Témoignages du 17 novembre 2009


OTTAWA, le mardi 17 novembre 2009

Le Comité permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 17 h 21 pour étudier le projet de loi S-212, Loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999).

Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bonjour à tous et bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.

Je suis le sénateur David Angus, je représente la province du Québec au Sénat et je suis le président du comité.

[Traduction]

Permettez-moi de commencer par faire les présentations : nous avons le vice-président du comité, le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta; Sam Banks et Marc LeBlanc, membres appréciés du personnel de la Bibliothèque du Parlement; les sénateurs Tommy Banks et Bert Brown, tous deux de l'Alberta; le sénateur Daniel Lang, du Yukon; Lynn Gordon, notre très compétente greffière; le sénateur Lorna Milne, de l'Ontario; le sénateur Judith Seidman, du Québec; et le sénateur Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.

En général, nous examinons les projets de loi portant sur des questions liées à l'énergie, à l'environnement et aux ressources naturelles. Ce soir, nous allons nous pencher sur le projet de loi S-212, Loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999). Comme nous le verrons plus tard, je crois qu'il trouve sa source dans un rapport que le comité a préparé après un examen de la LCPE de 1999. Le rapport a été déposé au Sénat en mars 2008, à l'époque où l'honorable sénateur Tommy Banks était président du comité. Ce projet de loi d'initiative parlementaire parrainé par le sénateur Banks constitue l'une des recommandations formulées dans le rapport.

Nous sommes heureux, sénateur, que vous soyez parmi nous ce soir. Ce n'est pas la première fois que l'on entend parler de ce projet de loi, mais je crois que c'est la première fois qu'il nous est renvoyé. Il a été présenté lors des deux législatures précédentes. Cependant, dans les deux cas, il a été lu une première fois avant de mourir au Feuilleton en raison de la dissolution du Parlement.

Ce soir, le projet de loi est ici devant nous. Sénateur Banks, souhaitez-vous venir à l'avant?

L'honorable Tommy Banks, parrain du projet de loi : Je préfère rester à ma place habituelle.

Le président : Le sénateur Banks est un membre actif de notre comité et du comité de direction et il croit en ce projet de loi. Sénateur Banks, parlez-nous de son contenu.

Le sénateur Banks : Mesdames et messieurs, avant de vous parler de la teneur du projet de loi, j'aimerais faire quelques observations à propos de la procédure. Le comité de direction a déterminé que nous entendrions aujourd'hui mon témoignage, puisque je suis l'auteur du projet de loi, et celui de la représentante d'Écojustice. Jeudi prochain, nous entendrons des fonctionnaires du gouvernement, puis nous procéderons à l'étude article par article du projet de loi. J'ai envoyé une demande au président, au vice-président et à la greffière pour que nous reportions l'étude article par article prévue jeudi prochain, car les amendements que je dois faire au projet de loi actuel sont plus complexes que prévu et chaque fois que je crois avoir terminé, je trouve autre chose qui doit être pris en considération.

J'espère que vous serez d'accord pour que nous repoussions l'étude article par article de quelques semaines. Il sera cependant utile d'entendre les représentants du gouvernement jeudi prochain. Ils pourront m'aider à établir les amendements nécessaires.

Le président : Je crois, sénateur Banks, que nous avons reçu cette demande ce matin. Je ne crois pas qu'il y ait de problème. Je tiens à informer les autres membres du comité que nous allons entendre les représentants du ministère de la Justice jeudi matin.

J'aimerais souhaiter la bienvenue aux personnes dans la salle et à tous nos téléspectateurs du réseau CPAC ainsi que du Web. Vous constaterez que nous ne suivons pas tout à fait notre procédure habituelle, puisque l'un de nos membres présente son projet de loi. Le projet de loi sera examiné de la même façon que l'aurait été le projet de loi d'un autre collègue.

Le sénateur Banks : Il y a une autre petite question de procédure que j'aimerais aborder. D'habitude, le parrain d'un projet de loi fait un discours de présentation, dans lequel il explique la teneur et les objectifs de la mesure législative. Le sénateur dispose d'au plus 45 minutes pour le faire.

À cause de quelques erreurs de procédure, je n'ai pas pu le faire pour ce projet de loi. Lorsque je me suis levé pour faire ma déclaration à l'étape de la deuxième lecture, on a dit que si je prenais la parole, cela aurait pour effet de clore le débat, ce qui est la règle habituelle au Parlement quand quelqu'un exerce son droit de réplique. Mais ce n'était pas le cas. Malheureusement, à ce moment-là, je n'ai pas eu la présence d'esprit de le mentionner, comme on pourra le constater dans le compte rendu.

Le sénateur Comeau s'est alors levé et il a dit souhaiter que le critique du projet de loi ait l'occasion d'intervenir à ce sujet; j'ai répondu — le compte rendu le montrera — que j'étais d'accord et que j'attendrais que le critique, le sénateur Lang, ait pris la parole. Je n'ai pas cessé de lui demander quand il le ferait. Un jour, il m'a dit que ce serait vers la fin de la semaine suivante, ce qu'il a fait. Je l'en remercie. Il a donc proposé, bien raisonnablement, que le projet de loi soit renvoyé au comité. C'est là où nous en sommes actuellement.

Il n'y a jamais eu de discours de présentation de ce projet de loi pour en expliquer les raisons d'être, la provenance, et cetera. Par conséquent, si vous le permettez, monsieur le président, je vais le faire maintenant pour la première fois.

Le président : Excellent.

Le sénateur Banks : Parce qu'il n'y en a pas eu.

Le président : Non. La bonne nouvelle, si je peux me permettre en tant que président, c'est que vous ne serez pas limité à 45 minutes dans ce cas-ci.

Le sénateur Banks : Je ne prendrai pas 45 minutes. Je suis bien trop affamé.

Le président : Prenez le temps qu'il vous faut.

Le sénateur Banks : Comme vous l'avez souligné, monsieur le président, selon une disposition de la Loi sur la protection de l'environnement, chaque chambre du Parlement doit en faire l'examen tous les sept ans. En mars 2008, le comité a terminé le plus récent examen qu'il avait débuté près de deux ans plus tôt, soit en avril 2006. Son rapport contenait 24 recommandations.

Le projet de loi S-212 vise à mettre en œuvre deux de ces recommandations, afin de favoriser la participation de la population à la mise en application de la loi. Les comités de la Chambre des communes et du Sénat ont reçu des témoignages indiscutables selon lesquels les dispositions d'origine de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, qui visaient à assurer la participation de la population à la mise en application de la loi, ont été — et je pèse mes mots — pour le moins inefficaces. Essentiellement, la population ne participe pas en raison des coûts afférents, qui sont trop élevés. En plus, le fardeau de la preuve et l'accès insuffisant à de l'information adéquate empêchent les intervenants privés de réussir dans leurs initiatives.

Dans cette étude, qui a duré presque deux ans, nous nous sommes concentrés sur des aspects très précis de la LCPE et nous avons également entendu d'autres témoignages. J'ai pris le temps de réfléchir à l'effet d'entraînement qu'aurait la participation privée à la LCPE, qui a toujours été prévue dans la loi — c'est une question d'efficacité.

La participation de la population à la LCPE est un élément essentiel d'une stratégie globale de protection de notre environnement fondée sur l'observation de la loi. La loi d'origine, adoptée par un gouvernement conservateur il y a deux décennies, en 1988, reconnaissait l'importance de la participation des Canadiens aux efforts d'observation et de mise en application de la loi. Ces dispositions ont été renforcées en 1999, et le Parlement a par la suite approuvé cette approche.

Dans le projet de loi actuel, je propose simplement d'améliorer les dispositions pertinentes afin qu'elles permettent davantage d'atteindre les objectifs visés par le Parlement en 1988, ainsi qu'en 1999. Comme le dit l'adage : « Il y a loin de la coupe aux lèvres », c'est-à-dire que ce qui est prévu par le Parlement ne se réalise pas toujours; parfois, il y a un affaiblissement quelque part entre l'intention du Parlement et l'application de la loi.

Comme vous l'avez mentionné, monsieur le président, le 4 mars 2008, j'ai déposé le rapport du comité au Sénat, qui l'a approuvé le 15 avril 2008, ainsi que les recommandations qu'il contenait.

Certaines de ces recommandations proposaient que des mesures soient prises par le gouvernement, ce qui a été fait en partie. Dans d'autres, on demandait des modifications à la loi, et c'est pourquoi je présente un projet de loi.

Je vais vous lire les deux recommandations de ce rapport que le projet de loi S-212 permettrait de mettre en œuvre. La recommandation 14 concerne un processus prévu par la loi, appelé « action en protection de l'environnement », et la nécessité d'examiner la charge irréaliste de la preuve, qui rend la disposition pratiquement inapplicable. La recommandation contenue dans le rapport du comité se lit comme suit :

Le comité recommande que la LCPE 1999 soit modifiée pour qu'il ne soit plus nécessaire pour un citoyen de faire la preuve d'une atteinte importante à l'environnement avant de pouvoir intenter une action en protection de l'environnement.

Ceux à qui j'ai posé la question m'ont assuré que la notion de personne ou de citoyen dans la loi, tout comme dans le Code criminel, fait référence aux particuliers et aux organisations. Quand nous disons « citoyen » et « personne », nous parlons des particuliers et des organisations, comme en droit pénal.

La recommandation 15 porte sur la facilitation des poursuites privées en permettant le partage des amendes et le recouvrement des coûts conformément au règlement qui existe depuis 30 ans dans la Loi sur les pêches. La recommandation 15 de notre rapport se lit comme suit :

Le comité recommande que le gouvernement du Canada modifie la LCPE 1999 pour permettre le partage des amendes et le recouvrement des coûts par les tribunaux dans les cas de poursuites privées.

Si vous le permettez, je vais vous donner un aperçu de ce que contient au juste ce projet de loi. L'article 1 supprime la condition selon laquelle une action en protection de l'environnement ne peut être intentée que lorsque le particulier qui l'intente peut prouver que l'infraction, et je cite la loi en vigueur, « a causé une atteinte importante à l'environnement ».

Le demandeur devrait encore en faire la preuve, mais ce projet de loi supprimerait un obstacle qui a pratiquement empêché tout particulier d'intenter avec succès une action en vertu de la loi. Il n'y en a pas eu une seule depuis 1988. L'objectif du Parlement était que l'on puisse intenter ces actions; je n'en ai jamais vu une seule.

L'article 2 est une modification corrélative. Il supprime le terme « atteinte importante », que l'on trouve déjà dans un autre article. Je vais vous en parler plus en détail un peu plus tard, quand nous examinerons le projet de loi. L'article 3 veille à ce que les limites des poursuites qui s'appliquent à la Couronne s'appliquent également dans le cas d'une poursuite privée. Ces limites incluent des dispositions qui visent à s'assurer que des poursuites frivoles ne puissent pas être intentées.

L'article 4 autorise le partage des amendes, afin qu'une moitié de l'amende soit payée au poursuivant privé, comme c'est le cas dans le règlement qui régit les poursuites privées en vertu de la Loi sur les pêches. Certaines personnes — dont le sénateur Lang — ont dit craindre que les tribunaux soient inondés de requêtes frivoles qui pourraient même être motivées par les profits. Cette disposition existe depuis 30 ans dans la Loi sur les pêches, et cela ne s'est jamais produit, puisque des limites et des amendes importantes sont prévues afin d'empêcher que l'on porte des accusations frivoles en vertu de la loi sur l'environnement.

L'article 5 permet au tribunal d'indemniser le poursuivant privé et apporte une modification corrélative supplémentaire au partage des amendes. L'article 6 ajoute les poursuivants privés à la liste des personnes qui peuvent comparaître pour présenter une demande de modification d'une ordonnance du tribunal relative à une action en vertu de la loi. La capacité des poursuivants privés de présenter une telle demande est limitée aux actions qu'ils ont eux- mêmes intentées. Je vais vous parler plus en détail de cet article dans une minute.

Les articles 7 et 8 sont transitoires et portent sur l'application de la loi aux cas en instance, si le projet de loi reçoit la sanction royale.

C'est Robert Wright, qui travaillait à l'époque au Sierra Legal Defence Fund, qui nous a persuadés qu'il fallait agir. Comme nous l'avons dit, cet organisme s'appelle maintenant Écojustice. Nous entendrons le témoignage de leur représentante dans un moment.

Quand M. Wright a comparu devant nous, il nous a exhortés à rendre plus efficaces les dispositions sur la participation de la population prévues par la loi. En parlant de la LCPE, il a dit qu'il fallait :

[...] harmoniser la LCPE avec l'autre grande loi fédérale sur la prévention de la pollution, la Loi sur les pêches. Harmoniser ces deux lois et intégrer à la LCPE une disposition sur le partage des amendes encouragerait les citoyens à agir dans des affaires appropriées et raisonnables. Les dispositions en question font l'objet d'une surveillance stricte de la part du procureur général et des tribunaux[...] Cette modification serait une belle façon, une façon simple de les rendre encore plus efficaces, d'en informer le public et de permettre au public de participer à l'exercice.

Chers collègues, vous avez tous entendu parler de la souris qui rugissait. J'aimerais attirer votre attention sur un article écrit récemment par Hugh Wilkins et Elaine MacDonald, de l'organisme Écojustice, intitulé The Lion that Squeaked : CEPA, Mercury, and the Need for Better Regulation and Enforcement. L'article expose un certain nombre de problèmes concernant la participation significative du public. Par exemple, on y souligne les obstacles systémiques à l'accès du public à des renseignements détaillés, ce qui a pour effet d'empêcher les intervenants privés de s'acquitter de la charge, imposée par la loi, de prouver qu'il y a eu une « atteinte importante » à l'environnement.

Permettez-moi de citer un passage clé de cet article :

La LCPE contient des dispositions portant sur une « action en protection de l'environnement » qui, en théorie, permet aux citoyens d'intenter des poursuites pour une atteinte à l'environnement. De telles actions ne peuvent être intentées que si les citoyens ont d'abord demandé au ministre de l'Environnement de tenir une enquête à l'égard d'infractions alléguées aux termes de la loi et par la suite prouvé que le ministre n'a pas procédé à l'enquête ni établi son rapport dans un délai raisonnable, ou que les mesures que le ministre entend prendre à la suite de l'enquête ne sont pas raisonnables. Si le citoyen remplit ces conditions, il doit ensuite prouver qu'une « atteinte importante à l'environnement » a été causée. À cause de ces exigences strictes, aucune action en protection de l'environnement n'a jamais été intentée en vertu de la LCPE.

Je crois qu'il y a une seule exception.

Le bilan des actions intentées par la Couronne n'est pas encourageant non plus. Selon l'article, il n'y a eu que 34 condamnations en vertu de la loi depuis 1998, ce qui signifie soit que très peu d'infractions à la LCPE sont commises, ce qui serait formidable, soit que les mesures d'application sont inefficaces. L'article souligne également le coût élevé des actions privées et il demande la mise en œuvre du partage des amendes et du recouvrement des coûts afin que les actions privées puissent se concrétiser, comme on l'avait prévu dans la loi en 1988 et en 1999, au lieu de rester simplement une théorie.

Mesdames et messieurs, notre comité n'est pas le seul à s'être laissé convaincre par ces arguments. Le Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes a également effectué une étude, comme il le fait tous les sept ans. Dans son rapport, il approuve le renforcement des mesures de participation du public. La Chambre des communes a adopté ce rapport le 2 mai 2007.

Le comité de l'autre chambre est arrivé à des conclusions semblables aux nôtres. Il a cité le propre rapport d'évaluation du gouvernement, intitulé Évaluation formative de la LCPE 1999 : Environnement Canada. Le rapport reconnaît que :

Les dispositions relatives à la participation du public n'ont pas encore été mises en application car aucune demande d'enquête ou d'action en protection de l'environnement pertinente émanant du public n'a été reçue.

Ce n'est pas que personne n'a essayé, mais c'est devenu presque impossible de le faire pour une organisation ou un particulier.

Le comité de l'autre chambre, dans sa 28e recommandation, a demandé au gouvernement d'envisager l'adoption d'une disposition sur le partage des amendes, ainsi que d'autres mesures, afin de financer les interventions privées. La réponse du gouvernement a été déposée à l'autre chambre le 17 octobre 2007. Elle était constituée d'une seule phrase non compromettante : « Le gouvernement mènera d'autres analyses pour veiller à ce que la LCPE (1999) continue à appuyer la participation efficace du public ».

Chers collègues, je ne vois pas comment on peut poursuivre quelque chose qui n'a jamais commencé.

Mesdames et messieurs, la LCPE 1999 a été adoptée en 1988, comme je l'ai dit, par un gouvernement conservateur. Des modifications y ont été proposées en 1996, mais le projet de loi est mort au Feuilleton lors de cette session. À la session suivante, il a finalement reçu la sanction royale, en septembre 1999. L'un de ses objectifs était de renforcer le concept de participation du public qui avait déjà été inclus dans la loi en 1988 par le gouvernement Mulroney. La motivation profonde des gouvernements progressiste conservateur et libéral était de favoriser la participation du public dans la protection de l'environnement en général et dans l'application de la LCPE en particulier.

Malheureusement, nous devons reconnaître que l'objectif de donner plus de pouvoir au public a été pratiquement réduit à néant lors de la conception de la loi.

Dix ans après la mise en vigueur, en 1999, des modifications à la loi qui visaient à renforcer la participation du public, nous sommes à même de constater qu'elles n'ont pas atteint leur objectif. Pas une seule poursuite privée n'a été fructueuse.

En fait, d'après les publications gouvernementales, il n'y a qu'une seule action en protection de l'environnement qui ait jamais été intentée. Il y a plus de 20 ans, en 1988, le Parlement a adopté le principe selon lequel le public devrait avoir le pouvoir de protéger l'environnement. C'est un pilier de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement de 1988. Le Parlement a réaffirmé cet engagement à faire participer le public en 1999, mais la loi n'a jamais atteint les objectifs visés par le Parlement.

Ce projet de loi nous donne l'occasion de tout simplement mener à bien l'objectif du Parlement et de donner suite aux recommandations de votre comité, afin que la population canadienne puisse enfin participer pleinement à la protection de l'environnement. Je vous demande d'appuyer ce projet de loi.

Mesdames et messieurs, nous allons maintenant examiner le projet de loi. J'aurai bientôt terminé, monsieur le président, mais je veux que les sénateurs sachent de quoi nous parlons. Dans le projet de loi S-212, que vous avez devant vous, je l'espère, à la page 1, je veux que les paragraphes 1(1) et 1(2) demeurent tels quels dans le projet de loi.

Le président : Les mots « a... est imputée » sont soulignés.

Le sénateur Banks : Je veux qu'ils le restent. J'en arrive maintenant aux articles pour lesquels je veux proposer des amendements. À la même page, au paragraphe 1(2), les mots soulignés sont « une atteinte » et « causée par la perpétration de l'infraction[...] ». Je veux que ce paragraphe reste tel quel dans le projet de loi.

À la page 1, l'article 2 se lit comme suit :

2. L'article 29 de la même loi est remplacé par ce qui suit :

29. Dans une action en protection de l'environnement, la charge de prouver l'existence de l'infraction repose sur la prépondérance des probabilités.

Je veux que cela demeure dans le projet de loi.

Le président : Dans ce que vous venez de lire, le mot « is » est souligné dans la version anglaise. S'agit-il de la seule modification à la loi originale?

Le sénateur Banks : Non. Dans la version anglaise, le libellé original est le suivant : « The offence alleged in an environmental protection action and the resulting significant harm are to be proved on a balance of probabilities ».

Ce projet de loi vise à supprimer la charge de prouver à l'avance l'existence d'une atteinte importante à l'environnement. À l'heure actuelle, la loi exige que l'on prouve l'infraction avant d'aller au tribunal, en fait.

Passons maintenant à l'article 3, toujours à la page 1. Il nous faut le supprimer, et je vais proposer un amendement pour retirer l'article 3 du projet de loi. Je demanderai entre autres aux représentants du gouvernement quand le projet de loi C-16 pourrait entrer en vigueur. Nous l'avons adopté et il a reçu la sanction royale, mais la loi n'est pas encore en vigueur. Certaines personnes prétendent qu'il existe un conflit entre les projets de loi S-212 et C-16. Il pourrait y en avoir un si le projet de loi C-16 entre en vigueur. Ma seule consolation, c'est d'avoir réussi à rédiger un projet de loi adopté par les deux chambres du Parlement qui prévoit que s'il n'est pas en vigueur dans dix ans, il sera nul. Je ne veux pas attendre dix ans avant que le projet de loi C-16 n'entre en vigueur.

Le président : Pour dissiper tout doute en ce qui concerne le projet de loi C-16, nous en avons récemment fait l'étude. Il a dûment passé toutes les étapes et il a reçu la sanction royale, mais il n'est pas encore en vigueur. Pourquoi?

Le sénateur Banks : C'est terrible : on y mentionne à la fin que cette loi va entrer en vigueur à la date et à l'heure qui seront déterminées par le gouverneur en conseil. Il y a parfois une bonne raison de procéder de cette façon. Dans ce cas-ci, je l'ignore. C'est l'une des questions que je vais poser aux représentants du gouvernement.

Le président : Souhaitez-vous faire un rappel au Règlement, sénateur Lang?

Le sénateur Lang : Ce n'est pas vraiment un rappel au Règlement, il s'agit plutôt d'un éclaircissement. Lorsque le projet de loi a été adopté, il a été précisé qu'il n'entrerait pas en vigueur le jour de sa proclamation, car le règlement d'application devait être rédigé et certains changements opérationnels devaient être effectués afin de faciliter les modifications proposées.

Demain, on vous dira que le gouvernement a l'intention d'en présenter une bonne partie ce printemps et le reste peut-être à l'été ou à l'automne; il y aura donc un délai de 6 à 12 mois avant que le projet de loi n'entre en vigueur.

Il ne faudrait pas laisser entendre que le gouvernement n'a pas l'intention de mettre en œuvre l'ensemble de mesures qu'il a proposées. Toutefois, il lui faut du temps.

Le président : Je pense que vos deux positions sont claires.

Le sénateur Banks : Cela nous amène à nous demander quand et à quelle fréquence nous devons adopter des lois- cadres, mais nous en parlerons le temps venu. C'est une autre question.

En supposant que le projet de loi C-16 entrera en vigueur dans un avenir assez rapproché, je vais présenter un amendement au projet de loi S-212 afin de supprimer l'article 3, à la page 1.

Le président : Il s'agit de l'article qui commence par les mots « Le paragraphe 275(1)[...] ». Il sera supprimé en entier.

Le sénateur Banks : Oui, parce que je présume que la loi entrera en vigueur et c'est un projet de loi récent.

Je tiens à rappeler aux sénateurs que le projet de loi S-212 a été rédigé et présenté au Parlement il y a quelque temps. Le projet de loi C-16 a été présenté par la suite. Certaines choses sont incluses dans le projet de loi C-16, y compris celle-ci, et il est inutile d'essayer de refaire une mesure législative qui a récemment été adoptée. Je proposerai que nous supprimions cela du projet de loi.

Le sénateur Milne : Lorsque vous dites vouloir supprimer l'article 3, vous parlez de l'article au complet, y compris les huit premières lignes de la page 2?

Le sénateur Banks : Oui, l'article 3 au complet sera supprimé.

Les deux dernières lignes de la page 1 et les huit premières de la page 2 seraient supprimées. Je vais le proposer dans les amendements, mais je vais le faire avec soin, en tenant compte de l'autre projet de loi.

Pour l'article 4, à la page 2, je vous proposerai un amendement dans les prochaines semaines afin de l'adapter à l'autre projet de loi, car l'article 4 du projet de loi S-212 entre en quelque sorte en contradiction avec certains aspects du projet de loi C-16 et de plusieurs autres mesures législatives. Je proposerai un amendement à cet article.

À l'article 5, page 2, je propose un nouveau sous-alinéa. L'article ne modifie rien, il ajoute tout simplement un élément. Je veux que cela demeure dans le projet de loi.

Le paragraphe 5(2), à la page 2, modifie l'alinéa 291(1)m) de la loi. Je préparerai un amendement pour supprimer ce paragraphe, parce que l'une des dispositions du projet de loi C-16 visait à modifier la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999) en supprimant l'alinéa 291(1)m). Il n'existe plus, et nous ne pouvons donc pas modifier la partie d'une loi qui n'existe plus. Par conséquent, je proposerai un amendement à cet égard.

En ce qui concerne l'article 6, à la page 3, on a attiré mon attention sur le fait que dans la version actuelle du projet de loi S-212, la formulation suivante n'est pas claire :

[...] après avoir entendu les observations du contrevenant et du procureur général ou celles du contrevenant et du poursuivant privé, selon le cas [...]

Dans cet article, j'ai l'intention d'inclure le poursuivant privé, et non d'exclure le procureur général. L'amendement que je proposerai aura pour objet de s'assurer que dans le cas d'une poursuite privée, le tribunal peut, sur demande du contrevenant, entendre les observations du contrevenant, du poursuivant privé et du procureur général. Le libellé actuel donne à penser que c'est exclusif, mais je veux que ce soit inclusif.

À tous les autres égards, chers collègues, le principe de base, qui est de favoriser les poursuites privées en vertu de la LCPE en diminuant les coûts et en aplanissant les difficultés, doit être conservé afin que le projet de loi soit efficace.

Le président : Cela inclut-il l'aspect du partage des amendes?

Le sénateur Banks : Comme je l'ai dit, je proposerai un amendement pour rendre cela plus cohérent. À mon avis, la disposition actuelle ne pourra pas être conservée telle quelle, en raison des changements apportés ultérieurement à l'autre projet de loi, alors je vais la réécrire et essayer de la rendre cohérente par rapport à l'autre projet de loi.

Le président : Si je comprends bien, si vous me permettez le calembour, vous modifiez et notifiez.

Le sénateur Banks : Je porte à votre attention.

Le président : Et vous félicitez le gouvernement d'avoir pris certaines mesures.

Le sénateur Banks : Exactement. Depuis que j'ai présenté ce projet de loi, le gouvernement a fait des choses qui nous plaisent, et ce projet de loi doit maintenant être adopté afin d'en tenir compte.

Le sénateur Neufeld : Sénateur Banks, préférez-vous entendre le témoignage des représentants du ministère avant ou après avoir rédigé vos amendements?

Il devient un peu difficile de comprendre ce que contiendra au juste le projet de loi. Je me demande s'il ne serait pas préférable de leur poser des questions au préalable. Qu'en pensez-vous?

Le sénateur Banks : Je préférerais faire les deux. J'aimerais avoir l'occasion de rencontrer les membres du comité et d'entendre les représentants du ministère de la Justice pour leur poser certaines questions au sujet de la cohérence, puis de rédiger mes amendements, car cela me permettrait d'obtenir des informations et de mieux les rédiger. Nous pourrions vouloir, selon ce que nous penserons des amendements, entendre de nouveau les représentants du ministère de la Justice, et je suis sûr qu'ils seront très heureux d'accepter encore une fois notre invitation.

Le sénateur Neufeld : Cela me semble logique également. Il est difficile de débattre ou de discuter en détail de ce projet de loi ce soir. Nous devrions attendre de leur parler.

Le président : Nous avons un autre témoin qui nous en dira plus.

Le sénateur Lang : J'aimerais faire une observation, et c'est en tout respect. Nous débattons d'un projet de loi qui a été renvoyé au comité par la Chambre, et d'importants amendements pourront ensuite être proposés. J'ai un peu de difficulté à comprendre, parce que nous savons qu'un projet de loi a déjà été promulgué et qu'il entrera en vigueur dans les 6 à 12 prochains mois.

Le président : À ce propos, je crois que les termes exacts sont que le projet de loi a reçu la sanction royale, mais qu'il n'a pas encore été promulgué. Lorsqu'il le sera, il entrera en vigueur.

Le sénateur Lang : Je suis désolé pour la terminologie. Je suis conscient du travail qui a été fait, mais je crois que nous devrions tous prendre un peu de recul et comprendre qu'un nouveau projet de loi a été présenté aux deux chambres. Ce projet de loi figure au Feuilleton depuis trois ans, et de toute évidence, il n'est pas rédigé de la façon dont il le devrait, à la lumière de la nouvelle mesure législative. Il serait préférable d'examiner le nouveau projet de loi et ensuite, si nécessaire, nous pourrions adopter des amendements.

Le sénateur Banks : C'est exactement ce que je propose. Ce projet de loi a préséance sur le projet de loi du gouvernement.

Le sénateur Lang : Monsieur le président, je comprends. Ce que je dis, c'est que j'aurais préféré que ce projet de loi soit mis à jour pour qu'il reflète les changements qui ont déjà eu lieu, plutôt que nous ayons à rédiger une nouvelle version du projet de loi en comité.

Le président : Si je puis me permettre, le sénateur Banks a présenté ses excuses. Il ignorait jusqu'à aujourd'hui que tant d'amendements seraient nécessaires en raison de l'interaction du projet de loi C-16, entre autres. Le sénateur Banks reconnaît que cela rend les choses plus compliquées. Le sénateur Neufeld est du même avis. Nous avons pris note de votre observation, et nous allons entendre l'autre témoin.

Le sénateur Banks : À ce sujet, comme l'a dit le président, je savais que des amendements devaient être apportés, mais je pensais qu'ils seraient assez simples. J'ai constaté, quand j'ai commencé à y réfléchir, que c'était très complexe et que les amendements n'étaient pas aussi simples que prévu. J'aurais pu les apporter aujourd'hui, parce qu'ils sont prêts depuis quelques semaines, mais nous aurions dû faire le travail ici. Je propose de présenter au comité des amendements qui seront plus simples à débattre, parce que nous n'aurons pas à les modifier, puisqu'ils tiendront compte des choses que j'ai constatées.

Le président : J'aimerais préciser une chose, si je puis me permettre, en tant que président. Nous courons le risque de rendre les choses trop complexes. Je crois que dans le Beauchesne, qui énonce les règles régissant la procédure, on indique que pour supprimer tout un article, ce qui est l'objectif de deux amendements, il n'est pas nécessaire d'utiliser un amendement, car on peut le faire à l'étape de l'étude article par article. C'est ce que dit Beauchesne, au paragraphe 698(6). Cela simplifierait sûrement les choses.

Le sénateur Banks : Quand nous en serons à l'étude article par article, nous voterons tout simplement contre l'article 3. Il ne s'agit pas d'un amendement en soi. Les seuls amendements sont ceux que j'ai décrits et que je vais préparer.

Le sénateur Mitchell : À la lumière de ce que j'ai pu suivre du débat, ce que proposent les sénateurs Neufeld et Lang aurait pour résultat de retarder le processus. Le sénateur Banks aimerait que nous puissions poursuivre sur notre lancée. Je suis d'accord avec lui; j'estime important de maintenir le rythme. Les projets de loi comme celui-ci demeurent au Feuilleton pendant des années sans jamais être adoptés notamment en raison d'élections et de prorogations; une partie seulement du processus est mené à terme, puis il faut tout recommencer à zéro. La situation devient frustrante pour celui ou celle qui est à l'origine de ces propositions législatives et nous allons sans doute tous être confrontés à des difficultés semblables au fil de notre mandat ici.

Nous devons trouver le moyen de mener à terme ce processus. Nous pouvons collaborer avec le sénateur Banks pour aplanir quelques-unes des difficultés et continuer à aller de l'avant. Si les problèmes deviennent insurmontables, tant pis, mais je ne crois pas qu'on en arrivera là. Nous pouvons compter sur de formidables ressources et sur notre volonté de travailler ensemble au sein de ce comité pour faire progresser les choses.

Le président : Si je peux me permettre un rappel, le sénateur Banks a proposé ce projet de loi afin de simplifier la tâche des citoyens voulant intenter des poursuites en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.

En application de la loi en vigueur, le fardeau de la preuve est très onéreux et, si je ne m'abuse, c'est essentiellement à ce chapitre que le sénateur Banks souhaite faciliter les choses au moyen de ce projet de loi. Il nous parlera d'ailleurs des dispositions touchant sa mise en application. Nous avons convenu de reporter l'étude article par article; nous ne retardons toutefois aucunement le reste du processus. Nous allons entendre les témoins que nous accueillons aujourd'hui et nous recevrons jeudi ceux qui représentent le ministère. Ils nous diront s'ils sont tous en faveur des modifications proposées. Nous entendrons leurs arguments qui réussiront peut-être à nous convaincre. Il est également possible que nous les convoquions de nouveau dans quelques semaines. Je pense que le processus doit suivre son cours.

Je crois que nous admettrons tous que c'est un peu plus compliqué que ce que vous prévoyiez ou que ce que j'aurais voulu en raison de ces amendements, mais il n'y a pas à en sortir. Nous ne cherchons pas à retarder quoi que ce soit. Nous connaissons le fond de la question. Le sénateur Lang nous a présenté une savante allocution à ce sujet; j'ai le texte devant moi. Nous connaissons maintenant exactement les lacunes que vous voyez dans ce projet de loi, un avis que d'autres partagent peut-être.

Je crois que les questions posées par les sénateurs Neufeld et Lang portaient sur des éléments procéduraux. Vous êtes toujours sur la liste. Vouliez-vous interroger le sénateur Banks au sujet de l'essence du projet de loi?

Le sénateur Neufeld : Je crois que vous avez très bien résumé la situation, monsieur le président. Je n'essayais pas de retarder le processus, mais plutôt d'obtenir des éclaircissements auprès du sénateur Banks quant aux mesures à prendre relativement à la difficulté qu'il a soulevée. Je suis tout à fait d'accord pour que nous procédions de cette manière; cela ne me pose aucun problème. En fait, comme le disait le sénateur Mitchell, j'estime que nous devrions poursuivre nos discussions afin d'en arriver à une forme acceptable pour servir de base à la suite de nos travaux. Je pense que c'est tout à fait normal et cela me convient.

Le président : Vous n'avez aucune question pour le sénateur Banks concernant la teneur du projet de loi?

Le sénateur Neufeld : Non.

Le président : Sénateur Lang, avez-vous des questions portant sur le fond?

Le sénateur Lang : Comme nous accueillons un témoin, je voudrais que nous poursuivions avec ce témoin.

Le président : Je vais faire d'abord un tour de table.

Le sénateur Banks : Je suis moi-même un témoin.

Le président : Le sénateur Banks est le témoin. Vous avez maintenant la chance de le soumettre à un contre- interrogatoire.

Le sénateur Neufeld : Nous pourrons le faire une fois que le projet de loi sera modifié.

Le sénateur Lang : Comme ce sont des changements de fond, nous pourrons poursuivre nos travaux en conséquence lorsque nous connaîtrons la teneur exacte du projet de loi. Il s'agit ici de questions de principe. Nous pourrons alors discuter de ces principes en essayant, par exemple, de déterminer si nous sommes d'accord avec le partage du produit des amendes. C'est un point extrêmement important. Quels sont les effets sur le fonds pour le développement durable? Tous ces éléments entrent en jeu. Nos autres témoins vont sans doute apporter également des éclaircissements et nous pourrons alors en discuter.

Le sénateur Brown : Je crois que les sénateurs Neufeld et Lang partageaient mon opinion quant aux passages supprimés. Ce qui était facile à lire au départ le devenait beaucoup moins une fois que différents passages ont été enlevés. Alors, si vous pouvez me fournir une copie propre, je ne vois rien d'autre pouvant nous empêcher d'aller de l'avant avec les éléments fondamentaux de ce projet de loi.

Le président : Sénateur Mills, vous aviez des questions?

Le sénateur Milne : Non.

Le président : Vous n'avez pas à vous retirer. Plutôt que d'interrompre nos travaux, je vais simplement demander à notre prochain témoin, Mme Marlene Cashin, représentant Écojustice, de se joindre à nous. Cashin est un patronyme célèbre à Terre-Neuve. Il faudra voir s'il s'agit de la même branche.

Bonsoir, madame Cashin. Bienvenue à cette séance du Comité permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Comme vous étiez déjà dans la salle, vous êtes au courant de la teneur de nos délibérations. Vous n'êtes pas tenue de prendre en compte mes commentaires concernant votre nom de famille. C'est à vous d'en décider.

Marlene Cashin avocate-conseil, Écojustice : Merci beaucoup. Je crois que vous avez raison. À Terre-Neuve, tout le monde se connaît. Je fais probablement partie de ces Cashins dont vous parlez.

Le président : Vous connaissez Richard Cashin?

Mme Cashin : Je crois que nous sommes des cousins éloignés, même s'il prétend ne pas me connaître.

Le président : Je suis persuadé que c'est la même chose pour vous.

Je peux vous dire qu'Écojustice, anciennement le Sierra Legal Defence Fund, est le principal organisme sans but lucratif au Canada pouvant compter sur une équipe d'avocats et de chercheurs œuvrant pour la protection de l'environnement.

Madame Cashin, je crois que vous travaillez pour Écojustice Canada depuis novembre 2007. Auparavant, vous avez été avocate pendant un certain temps pour l'Association canadienne du droit de l'environnement.

Mme Cashin : Merci beaucoup. Je vous présente les mémoires conjoints d'Écojustice Canada et de l'Association canadienne du droit de l'environnement que je désignerai ci-après par le sigle ACDE, comme c'est le cas dans la présentation écrite.

Écojustice Canada est un organisme indépendant sans but lucratif qui a l'appui de 30 000 Canadiens. Nous avons une équipe d'avocats et de chercheurs offrant des services aux citoyens et aux groupes œuvrant pour l'amélioration des lois sur l'environnement. Depuis sa création en 1990, le travail d'Écojustice a, pour l'essentiel, porté sur la réforme du droit et les litiges touchant la protection de l'environnement.

L'ACDE est un groupe juridique d'intérêt public créé en 1970 pour utiliser et améliorer les lois afin de protéger la santé publique et l'environnement. Financée à titre de service d'aide juridique spécialisé en droit de l'environnement, l'ACDE représente des particuliers et des groupes de citoyens devant les tribunaux et les cours de justice sur une vaste gamme de questions liées à l'environnement, notamment dans les cas touchant la prévention de la pollution.

Le président : Sans vouloir vous faire perdre le fil de votre pensée, il serait peut-être bon de mettre ce dernier commentaire en perspective. Le sénateur Banks nous disait que personne n'intente de poursuite environnementale parce que le processus est trop complexe. Selon ce que vous venez de nous dire, il semble évident que de nombreuses actions en justice sont effectivement entreprises.

Mme Cashin : C'est vrai, mais très peu ont été entreprises en vertu de la LCPE. Peut-être que quelques-unes étaient en application de la Loi sur les pêches, dont je parlerai tout à l'heure.

Le président : Ou de la Loi sur la marine marchande du Canada?

Mme Cashin : Et devant les tribunaux également. Il y a beaucoup de travail à faire.

Écojustice et l'ACDE appuient le projet de mesures législatives par lesquelles la LCPE serait modifiée en vue de supprimer l'obligation incombant aux particuliers de démontrer que la prétendue infraction à la loi a causé une atteinte importante à l'environnement. Je vais vous en parler brièvement, mais j'aimerais mettre l'accent sur trois autres aspects. Ces commentaires pourraient évoluer en fonction des amendements mentionnés par le sénateur Banks. Comme je ne connais pas exactement la teneur desdits amendements, je vais m'en tenir aux considérations d'ordre général.

Je voulais également vous entretenir des poursuites privées coûteuses, de la distribution du produit des amendes dans les poursuites privées et des délais de prescription, mais cela ne sera peut-être pas nécessaire.

Premièrement, on envisage dans le projet de loi S-212 de supprimer l'obligation incombant aux particuliers de démontrer, en vue d'intenter une action en protection de l'environnement, que la prétendue infraction à la loi a causé une atteinte importante à l'environnement. Comme l'indiquait le sénateur Banks, Écojustice et l'ACDE, de même que d'autres avocats spécialisés en droit de l'environnement, estiment depuis longtemps que cette obligation de démontrer une « atteinte importante à l'environnement » avant de pouvoir aller de l'avant constitue un obstacle à la participation du public, des citoyens et des groupes environnementaux.

Le président : Sur ce sujet également, j'espère que vous allez donner plus de détails. Certains membres du comité ont une expérience juridique; le vice-président et moi-même pratiquons toujours le droit. On ne voit pas clairement au premier coup d'œil pour quelle raison cela ne constituerait pas un obstacle.

Il connaît tellement de choses que, pour moi, c'est comme s'il pratiquait le droit.

Le sénateur Mitchell : Je vous remercie.

Le président : Le simple citoyen ou le profane pourrait simplement se demander pourquoi quelqu'un voudrait intenter des poursuites s'il n'y a pas atteinte ou risque important pour l'environnement. Si tel est effectivement le cas, les faits parlent d'eux-mêmes, res ipsa loquitur. Nous devons savoir pour quelle raison cela constitue un obstacle aussi insurmontable. Je suis convaincu que vous pouvez nous le dire.

Mme Cashin : C'est exactement ce qui nous préoccupe. Nous sommes d'avis que la LCPE est une loi importante et sérieuse. La prévention de la pollution est un objectif primordial en soi.

En notre qualité d'avocats, nous présumons que toute infraction à la LCPE est grave et a causé une atteinte importante à l'environnement. Il est entendu que c'est une infraction sérieuse. Cette restriction imposée au départ peut dissuader un citoyen d'aller de l'avant avec une poursuite privée, surtout s'il ne bénéficie pas des conseils d'un avocat. Il est ainsi possible qu'une personne fournisse simplement des renseignements sous serment sans vraiment profiter de conseils juridiques. C'est ce que permet la loi.

Cependant, cette disposition leur indiquerait qu'ils sont tenus de démontrer dès le départ qu'il y a eu atteinte importante à l'environnement. Je pourrais vous citer des cas particuliers dont m'ont parlé certains clients et certains dossiers relevant de l'application de la loi ontarienne sur l'environnement qui comporte une disposition similaire. Personne n'a intenté de poursuite en invoquant une atteinte importante à une ressource publique. C'est déjà une indication.

Le président : Je préférerais éviter cela parce qu'il n'y a pas tellement d'articles dans le projet de loi. Est-ce le terme « importante » qui cause problème? À mon sens, s'il y a atteinte à l'environnement, le cas est plutôt évident. Qu'entend- on par atteinte importante? Jusqu'où va la précision? Peut-être pourriez-vous nous en dire plus long. S'il y a pollution, empoisonnement par le mercure ou quoi que ce soit, il me semble que les faits parleront d'eux-mêmes.

Mme Cashin : Il y a des obstacles plus imposants que celui-ci. Toutefois, tous les obstacles doivent être surmontés dans l'esprit des gens ou du point de vue financier. Il faudrait éliminer tout ce qui entrave la conviction d'un simple citoyen qui souhaite participer à la protection de son environnement. À moins que cela ne soit essentiel pour une raison tout autre, c'est un petit changement auquel nous pourrions procéder rapidement afin qu'il ne soit pas nécessaire de déterminer en quoi consiste une atteinte importante.

La deuxième question est celle des poursuites privées qui sont coûteuses. À notre avis, les poursuites privées sont des procédures importantes permettant au public de participer directement à la protection de l'environnement. Les lois fédérales et provinciales comportent des dispositions touchant la possibilité d'intenter une action privée et autorisant le procureur général à intervenir et à ordonner un sursis. Toutefois, dans les actions en violation des lois sur l'environnement, nombre d'obstacles inhérents à ces types de poursuites doivent être surmontés. Les commentateurs ont constamment affirmé que les poursuites privées sont coûteuses, difficiles et semées d'embuches. L'un d'eux a noté qu'il faut être très motivé, ou sinon, ne même pas essayer.

Divers auteurs ont traité de la nécessité de la rigueur au niveau de l'application des règles et de la tolérance zéro concernant les infractions aux lois sur l'environnement. John Swaigen, par exemple, disait que l'on n'avait pas suffisamment recours aux poursuites et il insistait sur ce qui suit :

[...] poursuivre ceux qui contreviennent de façon flagrante aux lois sur l'environnement est également la chose à faire. Il est probable que chaque poursuite a un effet d'entraînement dans l'ensemble de l'industrie et qu'une seule poursuite a beaucoup plus d'effet dissuasif sur les autres contrevenants potentiels que les recours administratifs.

Peu importe qui les intente, les poursuites entraînent des coûts considérables.

Dans le projet de loi S-212, on envisage, dans le cas des poursuites privées, une disposition sur la répartition des amendes, selon laquelle toute amende obtenue à la suite d'une poursuite privée serait partagée également entre le poursuivant et le ministre de l'Environnement ou encore, le gouvernement provincial, dans les cas où ce dernier a assumé les frais engagés dans la poursuite. On y propose également d'autoriser le tribunal à ordonner aux contrevenants d'indemniser le poursuivant des coûts engagés pour intenter l'action en justice.

Le lourd fardeau que constituent les coûts élevés d'une poursuite privée peut être allégé dans une certaine mesure par l'introduction de dispositions comme celles envisagées dans le projet de loi sur le partage de l'amende. Comme je l'ai mentionné précédemment, on a recours à des dispositions analogues à celles du règlement pris en vertu de la Loi sur les pêches qui encouragent le public à participer à la protection des ressources communautaires. L'intégration d'une disposition semblable à la LCPE, dans le cadre de poursuites privées, a une fonction similaire en incitant les citoyens à intenter des poursuites dans les cas de ce type.

Parmi les critiques fréquemment formulées à l'égard des particuliers et des groupes environnementalistes qui intentent des poursuites privées, il y a celle voulant qu'ils jouent le rôle de chasseurs de primes qui participent aux procédures pour en tirer quelque profit ou gain fortuit. Cette description des poursuivants privés dans les affaires touchant l'environnement illustre très mal la réalité de la situation, tout au moins d'après ce que nous en savons.

Il est important de souligner que le temps nécessaire et les coûts à engager pour intenter des poursuites privées sont des plus considérables. Outre les frais juridiques liés aux procédures, il faut assumer les coûts des enquêtes privées sur l'infraction. Dans un article publié récemment dans un bulletin sur le droit de l'environnement, Dianne Saxe indique le temps et le nombre de comparutions en cour nécessaires dans une poursuite type :

En moyenne, à Toronto, une poursuite nécessite maintenant 239 jours après le dépôt des accusations et 11,7 comparutions en cour, selon le ministère du Procureur général. Fait non étonnant, les causes se déroulent un peu plus rapidement à l'extérieur de Toronto. Dans la région d'Ottawa, par exemple, l'accusation est, en moyenne, réglée en 193 jours, après 8,7 comparutions en cour. Ces données statistiques touchent toutes des affaires pénales; les accusations en matière d'environnement prennent souvent plus longtemps que la moyenne.

Les allégations voulant que les dispositions sur la distribution du produit des amendes pourraient inciter les citoyens à entreprendre des poursuites futiles dans l'espoir d'en tirer profit ne rendent pas compte de la réalité sur le terrain. Ceux qui formulent ces critiques négligent de tenir compte des énormes ressources nécessaires pour amorcer une enquête et une poursuite privée et des risques d'échouer ou d'aboutir à un sursis de la poursuite et de ne recevoir aucune indemnisation quelle qu'elle soit.

Je peux vous citer quelques exemples. Dans l'arrêt bien connu R. c. Sault Ste. Marie, la poursuite en vertu de la Loi sur les ressources en eau de l'Ontario qui était au départ une poursuite privée a été reprise ensuite par la Couronne. Cette affaire est un exemple évident confirmant ce que nous disons, à savoir que les poursuites privées ne sont ni frivoles ni vexatoires.

Dans un autre exemple, Fletcher c. Kingston, il s'agissait du déversement de lixiviats toxiques d'une décharge dans une voie navigable. Cette affaire est considérée comme l'une des poursuites privées au succès le plus éclatant; des amendes totalisant 120 000 $ ont été imposées à la ville de Kingston. Malgré cette victoire, le fardeau financier des procédures sur les citoyens était énorme. Après neuf ans d'enquêtes et de poursuites, ce qui comprend les appels subséquents, les particuliers qui avaient intenté les poursuites étaient à bout de ressources et ont été obligés de consentir à un règlement.

En plus de verser aux citoyens qui ont intenté une poursuite privée une indemnité à l'égard de leurs efforts dans une action en matière d'environnement, les ordonnances de distribution du produit des amendes peuvent également avoir comme effet de veiller à ce que les infractions futures fassent l'objet de poursuites. À titre d'exemple, dans l'arrêt R. c. The Corporation of the City of Hamilton, Lynda Lukasik, une simple citoyenne, a déposé une accusation contre la ville de Hamilton pour avoir laissé des lixiviats toxiques s'infiltrer dans le port de Hamilton à partir d'une décharge.

Elle a obtenu 150 000 $, la moitié d'une amende de 300 000 $, en vertu des dispositions de distribution du produit des amendes sous le régime de la Loi sur les pêches. Sa part du produit de l'amende a permis d'absorber les coûts de l'enquête et de la poursuite, le reste allant aux activités locales de protection et de défense de l'environnement. L'argent reçu a ainsi servi à créer un organisme sans but lucratif, Environment Hamilton. Il reste un montant modeste, dans un fonds pour la justice environnementale, constitué pour aider financièrement les membres de la collectivité de la région de Hamilton qui, par exemple, peuvent s'en servir pour retenir les services d'un spécialiste en jurisprudence de l'environnement ou envoyer des échantillons à un laboratoire pour les faire analyser.

Nous aimerions formuler une très brève observation sur la question de la réglementation. Même si la LCPE permet la prise de mesures réglementaires précisant à qui et de quelle façon le produit des amendes peut être distribué, ce pouvoir réglementaire n'a pas encore été exercé. À notre avis, il n'y a pas conflit d'exécution entre ce projet de loi et les dispositions actuelles de la LCPE concernant la prise de règlement à cet effet.

Comme je l'ai indiqué précédemment, je suppose que tous ces éléments seront définis par les amendements.

Mon dernier point concerne la période de prescription. À l'étape de la deuxième lecture du projet de loi, le sénateur Lang a exprimé sa préférence à ce sujet pour la modification prévue au projet de loi C-16, qui fixe une période de cinq ans comme limite absolue en matière de prescription sous réserve de renonciation à la prescription par le procureur/ défendeur.

ÉcoJustice et l'ACDE privilégient l'approche préconisée dans le projet de loi S-212, établissant que la période de prescription de deux ans ne commence que lorsque le ministre ou le poursuivant prend connaissance des faits importants concernant la présumée infraction à la LCPE.

En Ontario, ce principe du moment où le préjudice aurait pu être découvert est bien connu. Avec les modifications prévues au projet de loi C-16, le délai est plus long, mais la période fixe est arbitraire ce qui, selon nous, a l'effet pervers d'inciter les défendeurs à dissimuler l'infraction pour la durée de la période de prescription. Tant que le défendeur peut tenir cinq ans plus un jour, il ne peut être poursuivi en vertu de la LCPE.

Deuxièmement, nous estimons totalement irréaliste de s'attendre à ce qu'un défendeur bien informé renonce volontairement à la défense par prescription, particulièrement eu égard aux fortes pénalités, comme les amendes et les périodes d'emprisonnement importantes, prévues à la LCPE. Nous estimons que l'approche la plus équitable et la mieux équilibrée, davantage conforme à l'objet global de la LCPE, est celle suivie en Ontario en vertu de la Loi sur la protection de l'environnement. Ainsi, si le principe de la possibilité de découvrir la preuve fonctionne en Ontario, où les poursuites en matière d'environnement sont plus fréquentes que ce qui a été constaté dans le cas de la LCPE, il ne semble y avoir aucune raison pour que cela ne puisse fonctionner dans le cadre du projet de loi S-212.

En conclusion, comme nous l'avons mentionné précédemment, il existe déjà une mesure réglementaire sur la répartition du produit des amendes en vertu de la Loi sur les pêches. L'existence de cette mesure législative, qui est maintenant en place depuis une trentaine d'années, n'a pas généré un flot de poursuites privées nombreuses ou frivoles, comme le soulignait le sénateur Banks.

À notre avis, sans mécanisme facilitant les poursuites privées, il est moins probable que de telles poursuites soient intentées contre ceux qui font du mal à l'environnement. De même, les objectifs de société que sont la sanction, la réadaptation et la dissuasion de ces personnes sont moins susceptibles d'être atteints, particulièrement lorsque les poursuites fédérales en vertu de la LCPE se font de plus en plus rares.

L'Association canadienne du droit de l'environnement et Écojustice croient fermement qu'il faudrait renforcer la capacité d'application de la LCPE d'Environnement Canada et du public et amender le projet de loi S-212 pour qu'il comporte des moyens d'éliminer les obstacles empêchant une action en protection de l'environnement.

Le sénateur Brown : Dans votre premier exposé, vous avez utilisé le mot « empêcher » l'atteinte à l'environnement. Je me demande comment il est possible de l'empêcher. Je comprends que l'on peut la sanctionner dans l'espoir qu'elle ne survienne pas de nouveau, mais je doute que la loi l'empêche. La plupart du temps, l'atteinte à l'environnement est d'abord accidentelle. Je m'interroge donc sur l'utilisation du terme « empêcher ». À mon avis, dans la plupart des cas, il s'agit davantage d'un accident.

Vous avez parlé de certaines villes où s'est produit un déversement d'eaux usées. D'après moi, il s'agit d'un geste délibéré, car elles savaient que c'était mauvais. Des accidents se produisent également. Tout récemment, il y a eu un déversement de 5 000 gallons d'essence, mais il a été causé par un accident de la route. Faites-vous la distinction entre accidentel et délibéré?

Mme Cashin : À mon avis, l'aspect préventif de la LCPE et les poursuites en vertu de cette loi sont des moyens de dissuasion. Si une entreprise sait qu'elle peut être pénalisée et que, régulièrement, elle et ses voisins se font imposer des amendes, font l'objet de poursuites ou sont déclarés coupables d'infractions à la LCPE, les entreprises et certains secteurs feront probablement beaucoup plus attention à leurs activités quotidiennes.

Certaines infractions liées à l'environnement sont effectivement des accidents, mais l'imprudence est aussi la cause d'accidents. L'argent est roi : si l'on impose une amende aux sociétés, qu'on intente une poursuite contre elles et que l'on crée une certaine honte, on peut s'attendre à obtenir des résultats.

Le sénateur Neufeld : J'aimerais revenir au terme « importante », car il me pose certains problèmes. Je ne suis pas si certain que le mot « importante » est inapproprié. Le fait d'avoir une inculpation futile pourrait même être utile si un grand groupe accuse un pauvre individu qui, par accident, a posé un geste qui a porté atteinte à l'environnement. Cependant, conformément à la LCPE, le ministère peut en fait s'en occuper en imposant une amende si un geste est posé volontairement.

J'ai presque tendance à penser qu'utiliser « importante » protège les grandes entreprises. Je crois que l'utilisation de ce terme empêche le commun des mortels d'être inculpé d'une infraction involontairement commise. Qui donc va déterminer ce qui caractérise une atteinte « importante »? La tâche est ardue. Qui plus est, qui va déterminer ce qui n'est pas « important »? Autant se questionner sur le sexe des anges!

On peut faire valoir les deux arguments, mais j'aimerais en savoir un peu plus quant à la raison pour laquelle vous croyez qu'il faut absolument éliminer cet adjectif et aux répercussions sur le particulier. Oublions les grandes entreprises qui ont des sommes d'argent faramineuses parce que c'est ce que croient certaines personnes. Songeons aux particuliers. Prenons l'exemple d'un agriculteur qui exploite une ferme près de milieux urbains sur des terres agricoles. Un habitant de la région qui n'aime pas ce que fait cet agriculteur pourrait intenter une poursuite contre lui. Il peut rapidement y avoir intimidation par rapport à l'agriculture.

En Colombie-Britannique, il a fallu adopter un projet de loi, la Farm Practices Protection (Right to Farm) Act, en raison de l'empiètement des villes sur la superficie agricole, même si nous avons la Agricultural Land Commission. Il est difficile d'exclure des terres des réserves de terres agricoles en Colombie-Britannique. Je peux vous le garantir. En fait, le nombre d'hectares est environ le même que lorsque les réserves de terres agricoles ont été créées dans les années 1970. Cela prouve que le système demeure, mais l'empiètement continue de se produire. Ces personnes n'aiment pas les agriculteurs.

Je ne veux pas m'en prendre à l'agriculture, car la question touche une foule d'autres secteurs.

Mme Cashin : Il existe suffisamment de systèmes et de protections pour empêcher les poursuites futiles. Le procureur général a le pouvoir d'intervenir et d'ordonner la suspension d'une instance. Il examine toutes les affaires qui lui sont présentées. Si vous voulez déterminer si un geste a eu un impact, je propose que vous regardiez le prononcé de la sentence. Il y a une responsabilité absolue dans de nombreuses dispositions du Code criminel. S'il y a eu voies de fait ou non, ce n'est pas grave; si c'est le cas, il est établi qu'il y a eu voies de fait, et s'ensuit la détermination de la peine.

S'il est tout de suite question d'une « atteinte importante », l'affaire est pratiquement déjà établie d'avance, ce qui fait porter un lourd fardeau au prévenu. Comme je l'ai mentionné, il y a de plus grands obstacles à la participation du public, mais je doute que cette suppression ait de graves répercussions.

Le sénateur Neufeld : Je doute que le procureur général se penche sur l'ensemble de ces affaires comme vous l'entendez. Les procureurs généraux ont beaucoup de travail à faire. Ils sont assez surchargés en Colombie-Britannique et en Alberta. J'ignore s'ils peuvent s'y consacrer pour appuyer simplement une affaire futile.

En ce qui concerne « atteinte importante à l'environnement », je n'y vois aucun problème parce que les particuliers peuvent faire appel aux fonctionnaires du ministère qui sont effectivement responsables de l'exécution de la LCPE, de la Loi sur les pêches et les lois sur la protection de l'environnement dans l'ensemble des provinces, des territoires et des autorités. Si quelqu'un se présentait à un agent et que l'affaire était assez claire et nette, cet agent pourrait difficilement ne pas la présenter. En fait, ce serait presque impossible, car cet agent pourrait être accusé de négligence dans le cadre de ses fonctions. Je doute qu'un agent veuille se trouver dans cette position. Nous pourrions sans doute discuter longtemps du terme « importante », mais c'est ce que je pense.

J'ai une dernière question sur le partage d'amendes. Je ne suis pas certain d'être d'accord. Il pourrait revenir au tribunal de décider comment les répartir, car différents montants peuvent être attribués, selon les coûts. En outre, dans le projet de loi C-16, il est notamment question de réserver l'argent pour un fonds administré pour assainir l'environnement, au lieu de l'affecter au Trésor public, où ils tombent habituellement dans un trou noir et ne sont jamais assignés là où il se doit.

Êtes-vous en train de dire qu'il vaudrait mieux ne pas l'avoir? Devrions-nous dire au gouvernement d'inclure les fonds dans les recettes générales? Devrions-nous laisser le particulier décider? Qu'en est-il des nouveaux groupes qui émergent en raison du partage d'amendes? Des personnes comme vous incitent déjà les gens à rester vigilants. Nous pouvons financer des centaines de groupes grâce à ces amendes et ne pas nous occuper de l'environnement, ce que nous devrions faire avec ces montants ou une partie d'entre eux. La loi doit encore être promulguée. Ce sont les modifications qui ont été mises de l'avant. La loi n'a pas été édictée.

Mme Cashin : Je m'oppose à ce que les fonds issus de ce genre d'affaires soient inclus dans les recettes générales. Cela ne plairait pas à l'Association canadienne du droit de l'environnement et à Écojustice. Le partage d'amendes, que la Loi sur les pêches autorise, est un facteur qui a influencé la participation du public aux actions liées à l'environnement. Je le crois, car j'en ai vu des exemples sur le terrain. Nous avons participé à des affaires où cela s'est avéré. Si un client vient nous voir et qu'il est au courant d'une infraction quelconque ou d'un problème de pollution, nous examinons presque invariablement le dossier pour voir s'il y a une infraction à la Loi sur les pêches plutôt qu'à la LCPE parce que la Loi sur les pêches permet aux gens de participer. Il est coûteux pour un particulier ou une organisation d'intervenir. Comme vous le savez, les honoraires de services juridiques ne sont pas abordables. De plus, les enquêtes et l'échantillonnage dans les affaires liées à l'environnement coûtent cher.

Les juges ont l'autorité d'attribuer les dépens à divers endroits. Il y a longtemps, dans l'affaire R. c. Bata Industries, une partie de l'amende a été attribuée à une organisation locale. Les juges le font lorsqu'ils déterminent la peine ou qu'ils rendent leur décision; cela fait partie du pouvoir judiciaire discrétionnaire.

Dans le projet de loi C-16, les amendes présentées au procureur général ou à Environnement Canada ne seraient plus directement affectées au Fonds du revenu consolidé du Canada. Il s'agit là d'une bonne amélioration. Il se peut que ces deux projets de loi n'entrent pas autant en conflit que vous le croyez.

Le sénateur Lang : J'aimerais officiellement obtenir une précision. Les organisations que vous représentez s'entendent sur la prémisse du Fonds pour dommages à l'environnement qui a été mis en œuvre pour l'application de la LCPE. Les sommes d'une amende sont versées dans ce fonds en fiducie et sont utilisées pour assainir l'environnement. Est-ce exact?

Mme Cashin : Oui, nous aimerions que ces fonds soient affectés à un fonds environnemental pour assainir l'environnement. Il y a cependant quelques problèmes parce que l'argent est directement attribué à une collectivité qui a peut-être besoin d'assainissement, mais il se peut que les particuliers ne puissent pas engager des poursuites futures ou intervenir davantage, par exemple.

Le sénateur Lang : J'aimerais une autre précision pour qu'elle figure au compte rendu. Corrigez-moi si je me trompe, car j'y vais de mémoire, et vous baignez tout le temps là-dedans. Dans la dernière loi, l'amende pour une infraction contre l'environnement était minimale. Si je ne m'abuse, le maximum était fixé à 10 000 $. Depuis lors, avec les modifications qui ont été présentées, les amendes en cas d'infraction ont considérablement augmenté. Le minimum est de 5 000 $, mais l'amende peut aller jusqu'à six millions de dollars selon l'ampleur et l'étendue des dommages environnementaux. J'ai bien raison là-dessus, non?

Sachant cela, puisque nous ne parlons maintenant plus de 10 000 $ aux fins du partage d'amendes, mais de 4 millions de dollars, une poursuite privée réussie rapporte 2 millions de dollars. Tout d'un coup, l'idée devient très intéressante, selon la situation et ce qui est présenté. Ce que je veux dire, c'est qu'en ce qui concerne le partage d'amendes, nous ferions mieux d'en comprendre les répercussions lorsqu'il est question de poursuites privées éventuelles.

Reconnaissez-vous qu'il pourrait être intéressant d'intenter une poursuite s'il y a 4 millions de dollars en jeu, compte tenu notamment du fait que le tribunal peut également assigner les frais si ce projet de loi est adopté?

Mme Cashin : Le montant de 6 millions de dollars est vraiment hors de la fourchette des amendes reçues jusqu'à maintenant, et il est probable que les amendes imposées à l'avenir n'atteignent jamais un montant si élevé. Je vais vous donner un exemple récent. Nous venons d'avoir une amende dans l'affaire Suncor. British Petroleum en est une autre. Ces amendes ont été fixées à un montant beaucoup plus bas. S'il y avait eu des procureurs privés dans ces affaires, les frais n'auraient pas diminué. Le coût pour porter l'affaire devant le tribunal reste le même, quelle que soit l'amende en fin de compte.

En vertu de la Loi sur les pêches, qui n'est pas visée par les amendements au projet de loi C-16, d'après ce que je comprends, nous n'avons jamais eu de cas futiles. Sans aucune preuve, il s'agit d'une simple hypothèse que d'affirmer que des groupes ou des particuliers vont faire la queue pour protéger leur environnement parce qu'une amende sera plus élevée, particulièrement pour des motifs exceptionnels. Ce n'est tout simplement pas encore arrivé. C'est tout ce que je peux dire.

Le sénateur Lang : Nous n'avons jamais vu, non plus, des amendes aussi élevées dans une mesure législative, et elles n'entreront pas en vigueur avant l'adoption de la loi. J'aimerais faire remarquer aux sénateurs que ce point mérite notre attention.

Je tiens à souligner que je ne suis pas en train de dire que toute poursuite privée serait nécessairement et délibérément frivole. Je tiens à le préciser. Je voulais voir comment le système fonctionne. En somme, si je suis un poursuivant privé, je peux intenter une poursuite. Si je comprends bien, si le procureur général s'occupe d'un dossier et obtient gain de cause, alors le poursuivant qui a initialement déposé la plainte, même s'il n'a pas porté lui-même l'affaire devant les tribunaux, aurait droit à 50 p. 100 des amendes, du seul fait qu'il a formé une demande en justice.

Mme Cashin : Plusieurs scénarios sont possibles. Une infraction peut être portée à l'attention du procureur général. Celui-ci peut se saisir de l'affaire et la porter devant les tribunaux; le cas échéant, le dénonciateur privé se retire de l'affaire, ou bien on l'informe que le procureur général prendra la relève. Autre possibilité : le procureur général peut se saisir de l'affaire et ordonner un sursis pour essayer d'en arriver à une sorte de mesure corrective ou décider avec l'entreprise des mesures à prendre; parfois, il peut imposer une amende d'un certain montant ou ordonner l'assainissement d'un site, etc.

Le procureur général a donc beaucoup de poids, dès le début, quant au déroulement des choses une fois que le dénonciateur est assermenté. Toutefois, même à la fin du processus, lorsqu'une infraction est confirmée et qu'une amende est imposée, le juge aurait quand même des discussions avec le procureur général et le dénonciateur privé, aux termes du projet de loi S-212, à moins que le règlement précisant comment l'argent sera distribué fasse l'objet de cette disposition. Si le règlement est assujetti à la disposition selon laquelle la première moitié doit être versée au poursuivant privé, alors ce sera différent.

Le sénateur Lang : Nous avons convenu que la prémisse du Fonds pour dommages à l'environnement est un bon principe, et c'est d'ailleurs sur le point d'être établi. Le produit des amendes serait versé à ce fonds, plutôt qu'au Trésor. Si nous partageons le produit des amendes, d'après ce que je crois comprendre — et vous pourriez peut-être apporter des précisions là-dessus —, 50 p. 100 de l'argent serait versé au poursuivant privé et 50 p. 100, au ministre. Autrement dit, l'argent irait dans les recettes générales, et non pas dans le fonds fiduciaire.

Mme Cashin : Je ne pense pas que ce soit nécessairement le cas. Je ne crois pas que l'argent alimente un fonds général consolidé uniquement parce que le procureur général a participé à la poursuite. Si le projet de loi C-16 est appliqué comme il se doit, cela ne se produira pas. L'argent sera versé au fonds environnemental.

Le sénateur Lang : Avez-vous examiné cet aspect particulier?

Mme Cashin : Oui, brièvement. Je ne me suis pas penchée sur les modifications à apporter pour s'assurer que les deux n'entrent pas en conflit.

Le sénateur Lang : Si nous procédons au partage des amendes et que nous acceptons cette prémisse — j'ai beaucoup de mal avec le principe, que ce soit en vertu de la Loi sur les pêches ou de la LCPE, mais c'est là une autre paire de manches —, bref cela affaiblit la prémisse du projet de loi initial qui a été adopté par la Chambre des communes et le Sénat en juin dernier et selon laquelle les sommes provenant des amendes seraient versées au Fonds pour dommages à l'environnement. Dans cette perspective, n'amputerions-nous pas le fonds de sommes importantes qui seraient versées ailleurs? Compte tenu des amendes qui ont été adoptées et qui entreront en vigueur, il s'agit là d'importantes sommes d'argent.

Mme Cashin : J'aborde cette question d'un point de vue différent. Au fond, ce qui m'intéresse, c'est de savoir comment on peut s'y prendre, dans les limites de la LCPE, pour encourager la participation du public. Nous avons vu, dans le cadre de la Loi sur les pêches qui autorise la distribution du produit des amendes, que les gens s'impliquent. Les citoyens dénoncent des cas importants. Parfois, les procureurs généraux prennent ces affaires à leur compte et les portent devant les tribunaux. Parfois, les entreprises plaident coupables et d'autres fois, elles subissent un procès. Quoi qu'il en soit, les choses bougent et les citoyens s'impliquent. Je pense que nous nous en sortons mieux grâce à cette intervention.

En tant qu'avocate, je devrais peut-être davantage me préoccuper de toutes les questions liées au rapprochement entre ce projet de loi et le projet de loi C-16, mais je pense que s'il y a de la volonté, ces choses pourront se faire. Selon moi, une disposition sur la distribution du produit des amendes dans la LCPE encouragerait la participation du public. Je ne pense pas que cela incite un tas de gens à intenter des actions frivoles dans le simple but de faire de l'argent. Si c'est le cas, je crois que les procureurs généraux exerceront leur droit de suspendre les poursuites, de négocier ou de faire ce qui s'impose. Je ne pense pas qu'une telle disposition entraîne un plus grand nombre de poursuites que ce qui a été le cas avec la Loi sur les pêches.

Le sénateur Lang : Je remercie le témoin de ses observations. Je veux réitérer la réalité des amendes qui seront imposées et le montant des amendes, et je ne suis pas nécessairement d'accord pour dire qu'elles n'inciteront pas les gens à intenter des actions.

Je n'ai pas pu m'empêcher de penser que ce projet de loi est probablement conçu pour le Sud, où les gens sont avertis et sont capables d'intenter des actions. Toutefois, dans les régions plus éloignées du pays, je suppose que les fonctionnaires d'Environnement Canada et du MPO s'occupent de l'intérêt public. S'ils constatent quelque chose d'anormal, s'ils prennent connaissance de toute activité polluante, c'est le gouvernement qui passe à l'action.

Quelle est votre expérience à cet égard? Trouvez-vous qu'il y a une dichotomie entre le Sud et les régions plus éloignées? Je n'ai jamais entendu de cas où un habitant du Nord a intenté une poursuite, et je ne peux pas imaginer ces gens le faire parce qu'ils n'ont vraiment pas les moyens d'entreprendre des poursuites. Ils ne connaissent pas le système; personne ne sait qu'il peut intenter des poursuites. Avez-vous des observations à faire là-dessus ou sur votre expérience dans ce domaine?

Mme Cashin : Je dirais que certaines des personnes qui participent à des poursuites privées sont des gens avertis, comme vous l'avez dit. D'autres ne le sont pas du tout. Ce sont juste des gens ordinaires, qui ne vivent pas toujours en milieu urbain, mais qui ont remarqué un gros problème et qui ont décidé de ne pas se laisser faire.

Cela coûte beaucoup d'argent puisqu'il faut embaucher des avocats et mener une enquête. Toutefois, plus on facilite le processus par lequel les gens peuvent intenter des poursuites privées — en l'occurrence, grâce à un peu d'incitatifs pour peut-être rembourser leurs frais —, plus on les encouragera à participer. Cela n'a rien à voir avec leur lieu de résidence.

Le sénateur Sibbeston : Votre organisation est-elle suffisamment connue partout au Canada pour que les gens pensent tout de suite à faire appel à vous dès qu'ils constatent une activité polluante qu'ils n'estiment pas correcte? Quelle est votre clientèle? Qui aidez-vous vraiment? S'agit-il surtout des gens du Sud? Avez-vous eu des poursuites dans le Nord?

Mme Cashin : Écojustice étend ses services dans différentes régions. Nous avons récemment ouvert un bureau en Alberta. Une des premières affaires dont s'est occupé le bureau de l'Alberta, c'était d'aider des clients privés à présenter des renseignements — et je ne suis pas sûre si c'était en vertu de la Loi sur les pêches, désolée. L'affaire portait sur le pétrole synthétique et ses effets mortels sur les oiseaux. Le gouvernement de l'Alberta a pris la poursuite à son compte et a porté l'affaire devant les tribunaux.

Notre organisation couvre le pays autant qu'elle peut. Les gens de toutes les régions peuvent communiquer avec nous. Les activités de l'ACDE, pour le compte de laquelle je témoigne également, se limitent en général à la province de l'Ontario, sauf pour ce qui est de la réforme du droit, parce qu'elle constitue un service d'aide juridique en Ontario; mais nous recevons tous les jours des demandes et des appels téléphoniques de partout.

Le sénateur Lang : En ce qui concerne les amendes, on vient juste de me transmettre des renseignements qui devraient être consignés au compte rendu. Je veux tout simplement vous donner un exemple des changements apportés à la structure des amendes. Cette information n'est pas seulement pour notre intérêt, mais aussi pour celui des téléspectateurs. Prenons les amendes minimales pour certaines infractions — dans le cas de la navigation, en cas de récidive, c'est une amende minimale et non pas maximale. En cas de récidive, il s'agit d'une amende d'au moins de 200 000 $, et elle peut monter, selon le cas, jusqu'à 8 millions de dollars, au lieu de 6 millions de dollars. Les montants augmentent de plus en plus.

Je n'insinue pas que c'est nécessairement ce qui va se passer, comme vous le dites. Toutefois, je pense que nous devons tenir compte de cet aspect parce que les choses changent radicalement à la suite de la modification apportée à la LCPE, dans le cadre du projet de loi que nous avons présenté au printemps — et les choses continueront de changer.

Le président : Voulez-vous une réponse du témoin ou non?

Mme Cashin : Je crois que les amendes sont une bonne chose.

Le sénateur Sibbeston : Ma question porte sur la sensibilité des fonctionnaires ou leur volonté de s'occuper de questions qui doivent être réglées. Ces dispositions qui permettent à des citoyens privés d'intenter des poursuites sont un peu inhabituelles puisqu'en réalité, c'est au gouvernement que revient cette tâche. Il y a des fonctionnaires sur le terrain.

Quel est le motif de la disposition visant à donner aux citoyens la capacité d'intenter des poursuites? Est-ce parce que les fonctionnaires ne peuvent pas voir ou savoir tout ce qui se passe? Est-ce tout simplement parce que l'environnement, de par sa nature, est un domaine qui préoccupe les citoyens privés et qui les amène à passer à l'action?

Du point de vue des habitants du Nord, c'est tout à fait inhabituel. Nous n'avons aucune mesure législative qui permette aux membres des collectivités d'intenter de telles poursuites. Porter des accusations contre des gens, c'est une affaire très sérieuse. Seule la GRC porte des accusations; c'est notre expérience dans le Nord. Il est très inhabituel d'accuser quelqu'un, et en particulier de très grandes sociétés puissantes qui ont beaucoup d'argent.

Qu'est-ce qui a motivé l'ajout d'une disposition visant à donner aux citoyens la capacité d'intenter des poursuites de ce genre dans le domaine de l'environnement?

Mme Cashin : Bien qu'il soit inhabituel pour les citoyens de participer, la capacité est bel et bien prévue dans les lois fédérales et provinciales. En vertu de la Loi sur les pêches, par exemple, tout citoyen peut intenter une poursuite.

Selon moi, toute l'idée derrière les recommandations qui proviennent des rapports du comité et qui ont été mentionnées tout à l'heure, c'est que les deux recommandations relatives à la participation du public faisaient justement partie des 24 recommandations. Elles s'inscrivent dans cette foulée. La tâche d'appliquer les lois en matière d'environnement n'appartient pas uniquement au gouvernement ou à une province donnée. Nous avons tous la capacité d'y contribuer.

Ces modifications et d'autres mesures législatives qui ont été présentées dernièrement — et en particulier la Loi sur les pêches — sont autant de tentatives pour encourager la participation du public. Les gens doivent s'impliquer. Ils ne peuvent pas se croiser les bras et s'en remettre au gouvernement.

Le gouvernement est surchargé. Peut-être qu'il fait du bon travail ou peut-être que non, mais les ressources étant ce qu'elles sont de nos jours, je crois que nous devons tous contribuer à la protection de l'environnement.

Le sénateur Sibbeston : Il s'agit juste d'une observation. Il est probablement vrai que les gens du Sud se sont montrés tout à fait impitoyables envers l'environnement. Pour construire des villes, il faut s'emparer des terres, et on a besoin de beaucoup d'eau, et cetera. Pour exploiter leurs activités, les industries ont besoin d'eau, et elles finissent par causer de la pollution. En revanche, dans les régions plus éloignées du Nord, nous n'avons pas ce phénomène. Nous n'avons pas à mener cette lutte.

Dans le Nord, dans les régions éloignées du pays, on trouve encore beaucoup de terres et de cours d'eau en bon état. Par conséquent, l'enjeu entre l'industrie et les gens n'est pas aussi intense, sauf pour des régions comme Fort McMurray, où il y a des sables bitumineux. Le niveau d'activité y est vraiment énorme, ce qui nuit au sol et à l'eau. Dans les Territoires du Nord-Ouest, nous sommes préoccupés par les effets de ce développement sur l'eau.

Je crois que cela en dit long sur nos gens du Sud. Dans une certaine mesure, nous avons saccagé les terres ou nous les avons rudement exploitées. À l'inverse, dans le Nord, il reste encore beaucoup de terres et de cours d'eau. Comme nous n'avons pas d'usines, les ressources se trouvent quelque peu dans un état pur.

Le président : Pouvons-nous vous prendre au mot, sénateur Sibbeston? Venant de vous, c'est du nouveau.

Je vais laisser le mot de la fin au sénateur Banks. Il serait peut-être bon d'inclure dans votre dernière intervention l'argument que le sénateur Sibbeston a fait valoir. Selon moi, ce n'est pas une question de différence entre le Nord et le Sud mais une mentalité selon laquelle Big Brother est là pour nous protéger dans ces dossiers d'intérêt public.

Mme Cashin a mentionné des cas de dommages causés à l'environnement dans le port de Hamilton. Si un tel incident endommageait ma propriété, j'intenterais une action au civil. J'embaucherais un avocat, j'entamerais des poursuites et j'obtiendrais des dommages-intérêts. Toutefois, pourquoi est-ce que je deviendrais du jour au lendemain un soi-disant citoyen altruiste, disposé à faire le travail du gouvernement à ses propres frais? Personnellement, cela me dépasse. D'après moi, c'est ce qui frappe l'homme songeur des Territoires du Nord-Ouest.

Sénateur Banks, je crois que vous connaissez la réponse. Du moins, je l'espère parce que, sinon, j'ai un gros problème avec cette question.

Le sénateur Banks : Je vais être obligé de me fier à ma mémoire parce que cela remonte loin, et je ne connais pas les détails par cœur. En tout cas, je n'ai jamais imaginé le sénateur Sibbeston comme étant songeur.

Le président : Moi non plus, mais je le regarde sur l'écran. Il me paraît très songeur.

Le sénateur Banks : Nous nous sommes penchés sur cette question auparavant, et si ma mémoire est bonne, il existe quelques cas où des Premières nations, par exemple, ont intenté des poursuites dans le Nord en vertu de la Loi sur les pêches. En bref, la réponse à la question est qu'il y a autant de gens peu avertis dans le Sud qu'il n'y a de gens très avertis dans le Nord. Je ne pense pas que les gens dans le Nord sont le moindrement peu avertis, surtout dans le domaine de l'environnement. Si je me souviens bien, il y a eu des cas où des Premières nations ont intenté des poursuites aux termes de la Loi sur les pêches, en invoquant les dispositions dont notre invitée vient de parler. J'aurais bien voulu pouvoir vous les nommer, mais il me semble m'en souvenir.

J'ai quelques questions à poser à notre témoin. Merci beaucoup d'être des nôtres et de rester si tard. Quand on est en cour, la règle veut qu'on ne pose jamais de question dont on ignore la réponse, mais nous ne sommes pas en cour et je ne suis pas un avocat.

Le président : Ceci n'est pas un contre-interrogatoire.

Le sénateur Banks : D'accord. Ai-je raison, à votre avis, de penser qu'une poursuite déposée par le substitut du procureur général ne peut se faire sans l'autorisation du procureur général et qu'il en va de même pour une poursuite engagée par un poursuivant privé?

Mme Cashin : Oui.

Le sénateur Banks : Donc, aucune poursuite, qu'elle soit publique ou privée, ne peut se retrouver devant un tribunal sans que le procureur général de la province ou du territoire n'ait dit : « Oui, il y a vraisemblablement matière à condamnation dans ce cas. Vous pouvez donc procéder. » Est-ce exact?

Mme Cashin : Le procureur général a quelques options. Il ou elle pourrait surseoir à la poursuite...

Le sénateur Banks : D'accord.

Mme Cashin : ... procéder et prendre en mains toute l'affaire ou procéder avec le poursuivant privé.

Le sénateur Banks : D'accord.

Mme Cashin : Fondamentalement, il y a trois options.

Le sénateur Banks : Ce que je prétends, c'est qu'il m'est impossible d'avoir recours aux services d'un poursuivant privé et d'échapper à la vigilance du procureur général de la province où j'habite.

Mme Cashin : Non.

Le sénateur Banks : Est-il exact de dire que l'affaire va se retrouver devant le procureur général qui devra décider s'il faut laisser tomber, procéder ou arrêter?

Mme Cashin : Oui.

Le sénateur Banks : Merci.

Est-il possible d'avoir un aperçu de la somme qu'aurait à débourser un particulier pour intenter une poursuite de ce genre en vertu des lois sur l'environnement? Y a-t-il une réponse à cela, ou est-ce trop vague? Je cherche un coût approximatif.

Mme Cashin : Il est difficile de donner un coût approximatif. Tout dépend de l'ampleur de l'enquête. Plus vous récoltez d'échantillons et plus il y a de preuves à présenter, comme des analyses de laboratoire et d'autres choses de ce genre, plus le coût est élevé. Au cours de ma préparation, j'ai parlé à des procureurs du ministère de l'Environnement de l'Ontario.

Le sénateur Banks : Vous avez mentionné un cas qui est réglé.

Mme Cashin : Oui.

Le sénateur Banks : Parlant de ce cas, est-ce que l'entente aurait couvert le coût de l'enquête?

Mme Cashin : Dans le cas précis dont j'ai fait mention, l'enquête porterait sur tout. On trouverait des éléments de preuve et la Couronne ferait des démarches auprès de l'entreprise et dirait : « Écoutez, en vertu de la loi, vous serez mis à l'amende demain. Voulez-vous régler la question du montant de l'amende? » À ce moment-là, cela devient beaucoup plus facile et beaucoup moins coûteux.

Dans les cas où l'entreprise reconnaît les faits et accepte de plaider coupable à l'accusation à laquelle elle fait face, l'amende est appliquée. Par contre, si nous devons aller en cour et assister à plusieurs comparutions devant le tribunal après avoir complété notre enquête et avoir rassemblé nos preuves, le coût sera passablement plus élevé. J'ai mentionné cela dans l'article de Dianne Saxe, qui a reçu cette information du ministère du Procureur général de l'Ontario. Cela dépend aussi de vos avocats parce que, comme vous le savez, il y a des avocats très chers et d'autres qui ne le sont pas. Les chiffres pourraient varier énormément.

Le sénateur Banks : Parlant d'avocats, vous en avez mentionné deux : John Swaigen et Dianne Saxe. Pour le compte rendu, pourriez-vous nous en dire plus sur eux?

Mme Cashin : Dianne Saxe est une avocate spécialisée en environnement. Je crois qu'elle est reconnue à l'échelle internationale comme une spécialiste agréée en droit environnemental. Elle écrit une version annotée de la Loi sur la protection de l'environnement, je crois. Elle publie un bulletin. Elle est très informée et je crois qu'elle siège à plusieurs conseils environnementaux.

John Swaigen a été membre de tribunaux environnementaux. En fait, j'ai sa biographie, si vous voulez.

Le sénateur Banks : Je voulais qu'il soit mentionné dans le compte rendu que vous les avez citées comme sources de référence et que ce sont des personnes qui savent de quoi elles parlent.

Mme Cashin : Ce sont deux personnes très informées et très respectées.

Le sénateur Banks : Parlons de la question du délai de découverte d'une infraction. Jouons cartes sur table : je veux m'assurer que nous comprenions que si je commets une infraction et que je ne fais pas l'objet d'une accusation dans un délai de cinq ans et un jour, je m'en tire sans conséquences. D'un autre côté, si je commets une infraction — et je veux être certain de ceci — et que je suis découvert et inculpé le 365e jour de la quatrième année, je ne suis pas disculpé. L'affaire peut se poursuivre. Il y a une période de cinq ans au cours de laquelle une poursuite peut être intentée et par la suite, cette poursuite continue. Cela ne s'arrête pas à cinq ans, n'est-ce pas?

Mme Cashin : Non, en effet.

Le sénateur Banks : Le délai de cinq ans ne pose problème que pour les cas d'espèce. J'exploite une entreprise d'élimination d'acide d'accumulateurs au sous-sol de ma maison et personne n'est au courant. Je vends ma maison et, six ans plus tard, on découvre des résidus. Personne ne peut faire quoi que ce soit pour m'inculper. C'est la date limite. D'un autre côté, cependant, si quelque chose se produit, il y a une période de cinq ans au cours de laquelle la découverte peut être faite et que des actions peuvent être intentées. L'horloge se met alors en marche à partir de ce moment-là, n'est-ce pas? Je ne veux pas dire l'horloge, mais tant que cela se produit dans le délai de cinq ans, c'est bien, est-ce exact?

Mme Cashin : Oui, à condition qu'il s'agisse d'une infraction unique. S'il s'agit d'une affaire qui se poursuit — si le déversement a toujours lieu — alors c'est une affaire qui se poursuit : cela s'est produit hier. Cela peut très bien avoir débuté il y a quatre ans, mais cela se poursuit aujourd'hui.

Le sénateur Banks : Merci.

Merci, monsieur le président.

Le président : C'est tout?

Le sénateur Banks : C'est tout.

Le président : Madame Cashin, au nom du comité, je voudrais vous remercier pour le temps que vous avez consacré non seulement à parler, mais aussi à préparer, tant en anglais qu'en français, une excellente déclaration préliminaire beaucoup plus détaillée que ce que vous avez fourni pour le compte rendu ce soir. C'est très apprécié.

Merci d'être venue. Je suis certain que le sénateur Banks l'apprécie particulièrement, puisque cela appuie son projet de loi.

Mme Cashin : Merci de m'avoir reçue.

Le président : Avant de lever la séance, quelqu'un a-t-il d'autres questions ou d'autres points à soumettre au comité?

Je pense que nous savons maintenant à quoi nous en tenir en ce qui concerne la confusion qui règne au sujet des amendements. Les fonctionnaires du ministère nous feront part de leur enthousiasme — ou pas — par rapport au projet de loi, et nous devrons improviser jeudi. Toutefois, nous n'aurons pas d'étude article par article.

Le sénateur Banks : Je promets d'apporter les amendements d'ici quelques semaines.

Le président : Merci à tous. La séance est levée.

(La séance est levée.)


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