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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 13 - Témoignages du 24 novembre 2009


OTTAWA, le mardi 24 novembre 2009

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit ce jour à 17 h 15 en vue d'examiner l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada (y compris les énergies de remplacement) et d'en faire rapport.

Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je déclare ouverte cette séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, au cours de laquelle nous poursuivons notre étude de l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada.

[Français]

Bonjour à tous et bienvenue à notre réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je suis David Angus, sénateur de Montréal, au Québec.

[Traduction]

Je suis le président du comité.

Je souhaite la bienvenue à tous les honorables sénateurs, ainsi qu'aux membres du public présents dans la salle ou qui nous suivent sur le réseau CPAC ou encore sur le World Wide Web sur lequel nous sommes fiers d'être retransmis.

Sans plus tarder, j'aimerais vous présenter notre vice-président, le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta. Nous avons nos chargés de recherche, Sam Banks et M. Leblanc, de la Bibliothèque du Parlement. Nous avons le sénateur Tommy Banks, de l'Alberta, le sénateur Rob Peterson, de la Saskatchewan, le sénateur Pana Merchant, de la Saskatchewan et le sénateur Nick Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest. À ma gauche se trouve notre greffière, Lynn Gordon, et à sa gauche un sénateur que notre témoin connaît, je crois, Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique; ensuite, Judith Seidman, de Montréal, Québec; puis Bert Brown, de l'Alberta et le dernier sénateur, mais non le moindre, Dan Lang, du Territoire du Yukon.

Nous avons la chance d'avoir parmi nous ce soir Mme Carmen Dybwad. Mme Dybwad vient de Calgary, en Alberta. Elle est la vice-présidente chargée du développement et des relations extérieures de l'Institut canadien de recherche énergétique.

Avant d'entrer à l'Institut début 2009, Mme Dybwad a occupé pendant deux ans la fonction de présidente du Conseil canadien de l'énergie.

[Français]

Elle s'est jointe au conseil après avoir été membre pendant sept ans du conseil d'administration du Conseil canadien de l'énergie. Elle a également occupé des postes dans le secteur de la planification et de l'énergie chez SaskPower, Sask Tel et dans la fonction publique de la Saskatchewan.

[Traduction]

En outre, Mme Dybwad a été professeure adjointe à l'Université de Regina. Son CV est très impressionnant. En effet, Mme Dybwad est titulaire d'un doctorat en planification de la mise en valeur des ressources naturelles, ce qui est précisément le sujet de notre étude.

Nous sommes ravis que vous ayez pu vous joindre à nous ce soir. Je sais que vous connaissez le sénateur Neufeld et, je crois, d'autres membres de notre comité.

Je crois que vous avez tous le texte des remarques liminaires de Mme Dybwad, qu'elle a eu la gentillesse de nous communiquer par avance. Outre ce document, nous avons six diapositives avec des tableaux et des chiffres que le témoin va passer en revue avec nous.

Vous avez la parole pour présenter votre exposé liminaire. Je crois savoir qu'il n'y a pas lieu de prendre de gants ce soir. Vous êtes venue seule, sans chaperon, et nous aurons un excellent dialogue.

Carmen Dybwad, vice-présidente, Développement des affaires et relations extérieures, Institut canadien de recherche énergétique : Merci, sénateur Angus. Je ne sais pas trop comment réagir à cette présentation. Elle est certainement l'une des plus élogieuses qui m'ait été faite.

Honorables sénateurs, au nom de l'Institut canadien de recherche énergétique, je vous remercie infiniment de votre invitation. L'Institut est particulièrement honoré de pouvoir vous fournir des renseignements en cette phase initiale de recherche des faits de votre étude sur l'état actuel et futur du secteur énergétique canadien.

Pour nous situer, l'Institut est une organisation de recherche coopérative qui a été fondé par le gouvernement et des intervenants de l'industrie en 1975. Notre mission consiste à réaliser des recherches économiques pertinentes, indépendantes et objectives sur les enjeux énergétiques et environnementaux, et ce dans l'intérêt tant des entreprises, que des gouvernements et du public. Bien que l'Institut ne prenne pas position sur les politiques gouvernementales, il estime qu'une prise de décisions rationnelle nécessite une compréhension claire des facteurs économiques qui régissent le secteur énergétique. C'est dans cet esprit que l'Institut réalise et produit ses recherches et je suis fière de pouvoir dire qu'une bonne partie de mon propos aujourd'hui s'appuie sur les résultats que nous avons obtenus.

Je me dois de vous avertir. Je vais vous asséner une série de chiffres, mais j'espère que nous n'allons pas trop nous enliser dans les chiffres. C'est pourquoi j'ai ici mon classeur aide-mémoire. On peut facilement se perdre dans les valeurs. Parfois on parle de valeur calorique, parfois de volume, parfois de barils par seconde et parfois de barils par an et de barils par mois. On peut facilement s'y perdre.

Avec votre indulgence, pour vous situer les ordres de grandeur et les principales tendances, il faut bien comprendre que les principaux paramètres économiques sont les facteurs qui sous-tendent l'offre et la demande d'énergie. Sur cette base, nous pourrons avoir une très bonne discussion aujourd'hui. Toutefois, on ne peut faire l'impasse sur les chiffres.

Le président : Madame Dybwad, avant que vous ne vous lanciez dans votre exposé, sachez que le sénateur McCoy, que vous connaissez très bien, je crois, vient de se joindre à nous. Bienvenue, sénateur Elaine McCoy, de l'Alberta.

Le sénateur McCoy : Merci.

Mme Dybwad : Vous avez fait ressortir que je suis de la Saskatchewan. Je suis fière d'être parmi quelques sénateurs de la Saskatchewan. Allez, les Riders! Je le dis sans vouloir fâcher le sénateur de Montréal.

[Français]

Le président : Nous parlons un peu en français puisque nous sommes en minorité aujourd'hui au comité; il n'y a que moi, Marc Leblanc et Judith. Il faut donc à tout le moins nous représenter un peu.

[Traduction]

Mme Dybwad : Commençons par le survol. J'irai du général au particulier. Pour situer les choses, je parlerai d'abord de la demande globale d'énergie.

L'Energy Information Administration, qui relève du Département de l'énergie des États-Unis, a récemment publié son 2009 International Energy Outlook sur les perspectives énergétiques internationales. Cette publication prédit que la consommation mondiale d'énergie augmentera de 44 p. 100 entre 2006 et 2030.

Le Canada, qui jouit de ressources énergétiques abondantes et variées, est un exportateur net d'énergie. Cette hausse prévue de la demande énergétique sera de grande importance pour nous tous. Je suis sûre que cela n'a échappé à l'attention de personne et que c'est probablement l'une des raisons pour lesquelles votre comité a reçu pour mandat de se pencher sur l'avenir énergétique.

Cette hausse prévue de la consommation d'énergie sera généralisée. Autrement dit, on s'attend à ce que la consommation de toutes les formes d'énergie, que l'on parle de charbon, de gaz, de pétrole, du nucléaire ou des énergies renouvelables, augmentera. Cela étant, je serais ravie de vous brosser un tableau détaillé et exhaustif de la situation actuelle et future de chacune de ces sources, mais vu les contraintes de temps et mes connaissances limitées, je m'en tiendrai à l'état actuel et aux perspectives de l'industrie pétrolière canadienne. Lorsque je dis « industrie pétrolière », j'entends principalement le gaz naturel et le pétrole.

Si vous le permettez, je me propose de vous donner un aperçu de la croissance prévue de l'offre canadienne de pétrole et de gaz, du point de vue de la disponibilité. Je traiterai ensuite de l'importance du secteur pétrolier pour l'économie canadienne et ensuite j'aimerais esquisser quelques-unes des menaces et des possibilités devant lesquelles sont placés les débouchés à l'exportation du pétrole canadien.

Le président : L'offre nous intéresse grandement. Mais avez-vous quelques prévisions de demande?

Mme Dybwad : J'en ai quelques-unes pour les États-Unis et nous y viendrons. Les États-Unis étant notre principal débouché, nous en parlerons plus particulièrement dans quelques instants.

Étant donné la nature de votre étude, je suppose que vous aurez déjà entendu une partie de ce que je vais vous dire, mais malheureusement une certaine répétition est inévitable. Toutefois, j'espère qu'en attirant votre attention sur les résultats de recherches sérieuses, je pourrai vous apporter quelques renseignements nouveaux et quelques aperçus nouveaux de l'état actuel du secteur énergétique canadien et vous soumettre quelques scénarios d'avenir plausibles. Je suis pas mal sûre qu'au cours de vos délibérations ultérieures vous entendrez diverses prévisions et je veux faire en sorte que vous compreniez bien que certaines de ces projections sont plutôt spéculatives et peut-être pas tout à fait aussi réalistes qu'elles le pourraient.

Voyons d'un peu plus près le pétrole et le gaz. Je commencerai par situer le contexte de la demande mondiale de pétrole au cours des 20 prochaines années. La plupart de mes chiffres s'inscrivent dans un horizon de 20 ou 25 ans, à peu près.

D'autres témoins vous l'auront déjà dit, mais je dois rappeler que la dépendance mondiale au combustible fossile — ce qui englobe le charbon — ne disparaîtra pas dans un avenir prévisible, même avec un effort concerté à l'échelle mondiale pour accroître la part de l'électricité produite à partir de sources renouvelables.

Cela n'est ni bon ni mauvais. Ce n'est pas une affaire de bien ou de mal, c'est simplement la réalité. Nos systèmes énergétiques actuels sont le résultat de leur évolution au cours des 150 dernières années, et il se trouve que nous en sommes venus à dépendre très lourdement des combustibles fossiles. Encore une fois, cela a simplement énoncé un fait qui ne va pas disparaître de sitôt.

L'EIA, dans le rapport que j'ai mentionné, prévoit que les combustibles liquides demeurent la forme d'énergie dominante jusqu'en 2030 et fort probablement pendant de nombreuses années après.

L'organisme prévoit que la consommation mondiale de pétrole passera de 86 millions de barils par jour en 2006 à 91 millions de barils par jour en 2015 et à 107 millions de barils par jour en 2030.

C'est donc là l'augmentation totale de volume engendré par la demande. La proportion de la consommation totale d'énergie occupée par le pétrole baissera. Cette part est actuellement de 36 p. 100 et elle devrait tomber au cours de la période à 30 p. 100 environ. Au cours de la période 2006 à 2030, la part des liquides fléchira mais la quantité absolue consommée va néanmoins augmenter.

De même, la consommation mondiale du gaz naturel passerait de 104 milliards de pieds cubes en 2006 à 153 milliards de pieds cubes en 2030.

Il s'agit là des projections de l'EIA concernant la demande mondiale de pétrole et de gaz naturel et même si d'autres prévisions diffèrent, selon les hypothèses sur lesquelles elles sont fondées, à moins d'un bouleversement radical, la consommation de combustible fossile devrait continuer d'augmenter.

Comment l'offre canadienne de pétrole et de gaz est-elle susceptible d'évoluer au cours de cette période? Nous avons vu la demande, voyons maintenant l'offre. Permettez-moi de commencer par décrire schématiquement la composition actuelle de la production canadienne de pétrole brut. Il ne vous surprendra pas, étant donné la prépondérance de membres du comité venant de l'Ouest, que le pétrole brut provient très majoritairement de l'Ouest du Canada.

En 2008, sur les 2,7 millions de barils par jour produits au Canada, 2,4 millions provenaient de l'Ouest, dont 1,2 million de barils des sables bitumineux. La même année, donc en 2008, la région Atlantique produisait 342 000 barils par jour, soit environ 13 p. 100 de la production canadienne totale. Donc, la très grande majorité provient de l'Ouest canadien.

En 2006, la production des sables bitumineux — souvent appelée pétrole non conventionnel — a rattrapé pour la première fois au Canada la production de pétrole brut conventionnel. Aujourd'hui, les deux sont à peu près équivalents.

Il est prévu que la production de pétrole non conventionnel continuera d'augmenter, tandis que celle de pétrole conventionnel va graduellement baisser. Fera exception à cette tendance la production de pétrole brut léger du champ Bakken, en Saskatchewan.

Le sénateur Merchant voulait être sûr que je dise quelque chose sur la Saskatchewan, et voici donc une petite statistique, à savoir que sa production de pétrole léger va augmenter. Dans la région Atlantique, l'offre de pétrole brut devrait augmenter avec l'entrée en production du champ Hebron aux alentours de 2017.

Étant donné que la majeure partie de la production canadienne de pétrole proviendra des sables bitumineux, je vais me concentrer sur les prévisions de l'offre de cette provenance. Pour prédire les volumes de production de pétrole des sables bitumineux et du pétrole brut synthétique, ou PBS, l'Institut s'est basé sur tous les projets annoncés et sur diverses hypothèses concernant les calendriers de réalisation des projets, les retards, les technologies et l'état d'avancement des travaux.

La méthode utilisée pour prévoir les temps de réalisation des projets ou le rythme auquel est atteinte l'étape de la production est fondée sur l'expérience de l'Institut, lequel a suivi l'évolution de divers projets d'exploitation des sables bitumineux.

Pour notre perspective/mise à jour sur la production des sables bitumineux de 2009, que nous avons publiée il y a tout juste deux semaines, nous avons analysé quatre scénarios. Le premier est ce que nous avons appelé le scénario sans contrainte, dans lequel tous les projets d'exploitation des sables bitumineux sont réalisés conformément aux échéanciers et aux plans. C'était essentiellement un scénario utopique car, bien entendu, rien ne se déroule jamais complètement comme prévu. Ce scénario a été jugé non plausible. Je décrirai un peu tout à l'heure à quoi nous aboutirions si tous les projets annoncés étaient menés à bien.

Les trois scénarios plausibles sont ceux de la sécurité énergétique, du réalisme et d'un ralentissement prolongé. Dans celui de la sécurité énergétique qui représente, grosso modo, la deuxième projection la plus optimiste, les États-Unis tendraient fortement à accroître leurs importations en provenance du Canada, pour toutes les raisons inscrites dans l'optique de la sécurité énergétique. Nous sommes une source politiquement sûre, nous sommes proches et nous avons des pipelines qui sont un moyen de transport beaucoup plus sûr que les pétroliers et d'autres moyens. Nous avons la stabilité politique. Le scénario réaliste est celui d'une économie solide, où toutes les pièces tombent en place. Celui d'un ralentissement prolongé donne les chiffres de production probables si le marasme économique actuel persistait.

La figure 1, que je vous ai remise, donne les prévisions de production de bitume pour ces trois scénarios. La ligne supérieure en bleu représente la sécurité énergétique. La ligne rouge au milieu est le scénario réaliste et le ralentissement prolongé est représenté par la ligne verte au bas.

Dans le scénario réaliste, la production culminerait en 2015 à environ 1,7 million de barils par jour, comparé à 1,2 million aujourd'hui, et à 4,5 millions de barils par jour en 2030. Si vous allez jusqu'au bout de la courbe, aux alentours de 2040 ou 2041, la production réaliste serait légèrement supérieure à 5 millions de barils par jour. Si le scénario de la sécurité énergétique se réalisait, elle serait d'environ 6,4 millions de barils par jour. Avec un ralentissement prolongé, elle se situerait à environ 3,6 millions de barils par jour.

J'ai mentionné plus tôt que si tous les projets annoncés étaient réalisés sans rencontrer aucune entrave, nous serions plus proches de 7,2 millions de barils par jour. Cela n'est pas réaliste. Ce niveau de production déclencherait en fait de nombreuses contraintes au niveau des ressources. Une telle expansion se cannibaliserait probablement elle-même.

Voila donc les chiffres de production des sables bitumineux que prévoit l'Institut.

La production et l'exportation de gaz naturel comptent également pour beaucoup dans la combinaison énergétique canadienne. La demande à l'exportation de gaz naturel a augmenté de 153 p. 100 de 1990 à 2008. Pendant la même période, la demande intérieure augmentait de 33,6 p. 100. La production annuelle commercialisée a augmenté de 64,6 p. 100 de 1990 à 2008, mais il faut signaler qu'elle a atteint son apogée en 2001. Pendant ces 18 années, la hausse de la production occasionnée par l'augmentation de la demande a entraîné une baisse de 40 p. 100 des réserves commercialisables de gaz conventionnel connues.

Je peux ajouter que tel était l'état du marché canadien du gaz lorsque j'étais en fonction à l'Office national de l'énergie. Les réserves avaient atteint un plateau et les nouveaux forages ne faisaient que compenser l'épuisement des réserves et préserver le niveau de production.

Cela dit, comme dans le cas du pétrole, l'avenir du gaz naturel canadien doit être qualifié de non conventionnel car le scénario a évolué ces derniers temps.

En effet, comme c'est le cas pour le pétrole conventionnel, la production de gaz naturel conventionnel dans l'Ouest du Canada est en recul. Cela ne fait aucun doute. Heureusement, cette baisse peut potentiellement être compensée par une nouvelle forme de gaz, soit le gaz de shale. La plus grande réserve de gaz de shale au Canada se trouve dans le nord-est de la Colombie-Britannique, et le sénateur Neufeld le sait très bien. Les plus gros gisements sont ceux de Montney et de Horn River, et je crois que celui de Cordova en est un autre qui sera probablement exploité.

Nous pouvons certes nous réjouir de l'existence de ces réserves, mais il faut savoir que notre principal acheteur de gaz naturel, les États-Unis, possède des réserves encore plus importantes de gaz de shale et est plus avancé dans la mise en production. En bref, la dynamique du marché nord-américain du gaz naturel change rapidement et les conséquences pour le Canada restent encore incertaines et feront certainement l'objet de quelques études sérieuses.

Les États-Unis sont le pays qui a connu la plus forte expansion de sa production de gaz naturel au cours des deux dernières années, selon le BP Statistical Review of World Energy de 2008. Il est sûr que le marché potentiel de notre gaz n'est plus aussi grand qu'il l'a été.

Pour ce qui est de l'acheminement à partir des gisements, le transport du gaz de Montney et de Horn River en Colombie-Britannique coûtera probablement plus cher, et le réseau de gazoducs est moins développé que celui des gros champs gaziers des États-Unis. L'on n'envisage probablement pas d'accroître sensiblement l'offre dans un avenir proche, et certainement pas au prix actuel du gaz naturel.

Quelle place le pétrole occupe-t-il dans l'économie? C'est réellement là le nœud du message que je veux vous transmettre aujourd'hui, message qui sera certainement différent de ce que d'autres pourront vous dire.

Outre les facteurs évidents que sont la sécurité énergétique et les services directs fournis aux Canadiens par l'industrie pétrolière et gazière, cette dernière nous apporte également la sécurité économique. Comme je l'ai déjà indiqué, pour favoriser des décisions et des attitudes rationnelles à l'égard de l'industrie pétrolière, les décideurs, les chefs d'entreprise et les Canadiens en général doivent avoir une vision claire de la valeur et de la contribution de l'industrie pétrolière à notre économie. Effectivement, il importe que soient bien compris les effets de la mise en valeur des hydrocarbures sur les principales variables macroéconomiques que sont le PIB, l'emploi et les recettes publiques dans chaque province ou territoire.

Pour cela, l'Institut a récemment achevé une évaluation exhaustive du rôle de l'industrie pétrolière dans les économies nationale et provinciales jusqu'en 2033. L'étude a chiffré l'impact économique des types d'énergie suivants dans les provinces et territoires suivants. En Alberta, nous avons examiné le pétrole conventionnel, le gaz conventionnel, le méthane de houille, les sables bitumineux, et les grands équipements que sont les usines de valorisation et cette sorte de choses.

En Colombie-Britannique, nous nous sommes penchés sur le pétrole conventionnel, le gaz conventionnel, le gaz de shale ou gaz avare et les grands projets d'équipement. En Saskatchewan, nous avons examiné le pétrole et le gaz conventionnels. Au Manitoba, nous avons examiné le pétrole conventionnel, car on en trouve dans cette province. Au Québec, nous avons examiné les grands projets d'équipement. En Nouvelle-Écosse, nous nous sommes penchés sur le gaz conventionnel et, dans les Territoires du Nord-Ouest, sur les grands projets d'équipement, c'est-à-dire principalement le pipeline de la vallée du Mackenzie.

Faute de données, il n'a pas été possible d'analyser plusieurs sources d'énergie, comme les sables bitumineux de la Saskatchewan qui diffèrent de ceux de l'Alberta de par leur géologie. Nous n'avons pas non plus examiné le gros potentiel de production de gaz de shale au Québec, qui est pourtant bien réel.

Le tableau 1 résume l'impact économique global de l'industrie pétrolière au Canada. Ce tableau donne les incidences sur le PIB des activités d'amont liées au pétrole et au gaz, ainsi que les impacts liés à d'autres grands projets d'équipement, tels que l'oléoduc Northern Gateway d'Enbridge, qui relierait les sables bitumineux à la côte Ouest, le projet d'usine de liquéfaction de Kitimat LNG Inc., le terminal de regazéification de GNL au Québec, le pipeline de la vallée du Mackenzie et le projet de mise en valeur du gisement extracôtier Deep Panuke en Nouvelle-Écosse.

Les colonnes du tableau 1 donnent les impacts sur le PIB de toutes les provinces résultant des investissements dans le pétrole et le gaz réalisés dans la province désignée. En ce qui concerne les colonnes, il s'agit de tous les investissements effectués en Alberta, en C-B, au Manitoba et ainsi de suite, de gauche à droite.

Les rangées indiquent l'impact sur le PIB de la province dont le nom figure dans le titre de la rangée. Vous voyez donc les investissements réalisés dans chaque province ainsi que les retombées sur d'autres provinces. Je prendrai encore une fois comme exemple ma province, la Saskatchewan. Allez les Riders!

L'ensemble des activités pétrolières et gazières en Saskatchewan entraîne des retombées de 14 milliards de dollars en Alberta. Si vous allez en Saskatchewan et que vous regardez au loin l'Alberta, vous voyez 14 milliards de dollars. Toutes les activités pétrolières et gazières réalisées en Saskatchewan entraînent un impact de 14 milliards de dollars sur l'Alberta. Si vous descendez la liste, vous voyez qu'elles ont un impact de 16 milliards de dollars en Ontario. L'éléphant dans la salle, c'est l'Alberta, qui a des retombées de 116 millions de dollars en Ontario. Les activités pétrolières et gazières en Colombie-Britannique enclenchent un impact total sur le PIB de 13 milliards de dollars en Alberta. L'impact global sur le PIB national de tous les investissements analysés dans cette étude frôle les 3,6 billions de dollars sur une période de 25 ans. C'est ce que le pétrole et le gaz vont probablement signifier pour l'économie canadienne, étant donné les projections que j'ai mentionnées au départ, sur les 25 prochaines années, mais le PIB ne représente qu'un aspect parmi d'autres.

De même, le tableau 2 et le tableau 3 résument respectivement les incidences de l'industrie pétrolière sur les recettes fiscales fédérales et provinciales. Ce sont les activités pétrolières et gazières réalisées en Alberta qui ont la plus grande incidence sur les recettes fiscales fédérales, suivies par les activités de la Colombie-Britannique et de la Saskatchewan. L'ordre est le même pour l'incidence sur les recettes fiscales provinciales.

Le tableau 4 indique les créations d'emplois causées par les investissements dans les activités d'amont et d'autres projets d'équipement analysés par l'Institut. Sur les 25 années de l'étude, l'emploi supplémentaire calculé en années- personnes sera de 24 millions.

Les redevances sont importantes également. Les redevances payables aux provinces où les ressources sont exploitées totaliseront 429 milliards de dollars sur les 25 années, soit environ 17 milliards de dollars par an.

Le président : Si je puis vous interrompre, vous avez dit qu'il existe de nombreuses sources différentes d'énergie et que vous vous êtes concentrés aux fins de ces illustrations sur le pétrole et le gaz. Notre étude déborde de ce cadre et j'aimerais savoir où nous pouvons nous procurer certains renseignements.

Le Québec n'a pas d'industrie pétrolière et gazière, mais il a une énorme source d'énergie autre, l'hydroélectricité. Est-ce que votre institut possède une documentation similaire sur ces autres sources?

Mme Dybwad : Non, mais nous aimerions beaucoup faire une modélisation pour vous, si vous payez le prix. Il s'agissait là d'un modèle d'intrants-extrants que nous avons mis au point spécifiquement pour l'industrie pétrolière, et c'est donc basé sur les relations à l'intérieur de ce secteur. Les données proviennent du système canadien de comptes économiques nationaux. Pour analyser l'impact de la construction d'un barrage au Québec ou d'une centrale nucléaire en Ontario, il faudrait prendre les comptes existants et les relations à l'intérieur de ces secteurs industriels, puis construire un modèle à partir de là. Nous n'avons pas fait ce travail.

Le sénateur McCoy : Est-ce que ces chiffres comprennent les redevances?

Mme Dybwad : Les redevances sont des chiffres distincts que je peux communiquer au comité. Les redevances ne sont payables qu'à la province où se situe la ressource et sont donc propres à chaque province. Des redevances sont générées en Saskatchewan, en Colombie-Britannique et en Alberta, mais pas au Québec.

Je vais poursuivre et parler des marchés. Notre plus gros et unique débouché est aux États-Unis. Lorsque je m'y trouve, je leur dis que je les aime beaucoup parce qu'ils paient nos factures. Ils sont un bon marché.

Il est bien connu au Canada, mais moins aux États-Unis, que nous sommes le plus important exportateur de produits pétroliers vers les États-Unis. Par exemple, selon les statistiques sur les importations de l'Energy Information Administration, les États-Unis ont importé 2 007 000 barils de pétrole brut par jour du Canada. Arrivent au deuxième rang les importations en provenance du Mexique, avec 1 057 000 barils par jour, suivi des importations en provenance du Venezuela, du Nigeria et de l'Arabie saoudite, dans cet ordre. De nombreux Américains pensent que leur principale source de pétrole importé est l'Arabie saoudite, mais elle figure au cinquième rang. En tout cas, le Canada est en première position. Pour ce qui est des importations totales de pétrole, soit les huiles brutes, les condensats de concession, les produits raffinés et les gaz résiduels des usines de liquéfaction des États-Unis, le Canada est encore au premier rang. Les États-Unis ont importé 2 524 milliers du barils de produits pétroliers par jour du Canada et 1 159 milliers du barils de produits pétroliers par jour du Mexique. En 2008, le Canada a exporté plus de 1,9 million de barils par jour aux États-Unis, soit l'équivalent de près de 19 p. 100 des importations américaines totales. La demande américaine de pétrole canadien devrait atteindre 2,9 millions de barils par jour en 2015.

De toute évidence, le Canada joue un rôle essentiel pour la sécurité énergétique des États-Unis. Cependant, l'industrie pétrolière canadienne contribue aussi largement à l'économie américaine. L'Institut a effectué une étude des impacts de l'exploitation des sables bitumineux canadiens sur l'économie des États-Unis — une étude similaire à celle effectuée pour mesurer les impacts de l'industrie pétrolière sur l'économie canadienne mentionnés ci-dessus. Selon les résultats de cette étude, du fait que le Canada et les États-Unis sont d'importants partenaires commerciaux, les États- Unis retirent des avantages économiques importants de l'accroissement de l'activité dans le secteur des sables bitumineux. À mesure que les investissements et les activités de production dans le secteur des sables bitumineux augmentent au Canada, le rythme de l'activité économique s'accélère et la demande de biens et de services provenant des États-Unis s'accroît rapidement. En conséquence, on estime à 343 000 le nombre de nouveaux emplois qui seraient créés aux États-Unis entre 2011 et 2015. L'augmentation de la demande de biens et de services provenant des États- Unis se poursuivrait tout au long de cette période, ajoutant un montant estimatif de 34 milliards de dollars US au PIB américain en 2015, 40,4 milliards de dollars US en 2020 et 42,2 milliards US en 2025. Il faut souligner que ces données concernent les sables bitumineux exclusivement. Si l'on tenait compte de l'ensemble de l'industrie pétrolière canadienne, les montants seraient bien plus élevés.

Je signale en passant que si les États-Unis représentent le principal marché d'exportation du Canada — et de très loin car les exportations canadiennes vers d'autres destinations ne sont que de 24 000 barils par jour, nous sommes de plus en plus intéressés à diversifier nos débouchés, notamment en Chine et dans d'autres économies asiatiques. La raison en est double. Premièrement, il y a lieu de croire que la demande américaine, en particulier celle d'essence, stagnera; deuxièmement, il y a le risque que les politiques américaines en matière de changement climatique menacent les importations de bitume en provenance du Canada. Cela dit, la question des préoccupations environnementales et de leurs incidences sur les marchés pétroliers est importante et j'en parlerai plus en détail dans un moment.

La présence croissante d'intérêts asiatiques dans le secteur des sables bitumineux — Chine, Corée et Japon — ainsi que les projets d'accroissement de la capacité des pipelines, soit par augmentation de la capacité existante soit par la construction de nouveaux pipelines vers la côte Ouest, sont le signe d'une mise en place des bases de la diversification future des marchés. La possibilité de nouveaux marchés pour le bitume canadien fait l'objet d'un suivi actif de la part de l'Institut.

Que signifie tout cela? Outre la sécurité énergétique que l'industrie pétrolière offre au Canada — en fait à toute l'Amérique du Nord — les retombées économiques de la mise en valeur sont considérables et de vaste portée. Les avantages du développement des ressources pétrolières du Canada ne retombent pas sur une seule industrie ni sur une seule région du Canada mais se répartissent largement entre de nombreux secteurs industriels et régions, tant au Canada qu'aux États-Unis. L'exploitation des ressources pétrolières canadiennes, notamment celles associées aux sables bitumineux, exigera des investissements de centaines de milliards de dollars au cours des prochaines décennies. Ces investissements entraîneront une longue période de croissance économique robuste au Canada et va engendrer une activité économique accrue dans de nombreux secteurs dans toute l'Amérique du Nord.

Cependant, il y a un « mais », comme toujours, n'est-ce pas?

Qu'en est-il des préoccupations environnementales? Aucune analyse économique ne serait complète si elle ne couvrait pas les inconvénients du développement, en sus des avantages, ce que nous avions l'habitude d'appeler l'analyse coût-avantage. Tout développement engendre une externalité négative sous forme d'impacts sur l'environnement. Ce qui compte, dans un premier temps, c'est de reconnaître ces impacts, et, ensuite de prendre activement des mesures pour les réduire ou les atténuer.

L'impact environnemental de l'industrie pétrolière, particulièrement celui des sables bitumineux, est devenu la bête noire qui nuit à la réputation internationale du Canada. Dernièrement, les préoccupations environnementales associées à l'exploitation des sables bitumineux se sont intensifiées non seulement au niveau de l'industrie mais aussi des pouvoirs publics. Si les efforts continus de promotion de l'industrie énergétique canadienne connaissent le succès, nous encaissons aussi un choc en retour croissant lié au pétrole sale.

Quelle est la part de la réalité et celle de la fiction et que fait-on pour réduire les impacts? Ce sont des questions importantes car, si elles restent sans réponse, la mise en valeur continue de nos ressources pétrolières sera mise en péril du fait que l'accès au marché de nos produits sera menacé.

L'une des préoccupations environnementales majeures concerne l'utilisation de l'eau dans les sables bitumineux. L'Institut travaille actuellement à une évaluation détaillée et un rapport qui chiffreront de manière objective les besoins réels en eau et d'autres enjeux concernant les sables bitumineux. Bien que le rapport final ne sera pas prêt avant la fin de l'année, notre analyse préliminaire indique que pour obtenir un baril de bitume brut, il faut en moyenne 1,154 baril d'eau.

Pour ce qui est des produits commercialisables — nous parlons donc de bitume et de pétrole brut synthétique — la moyenne est de 1,164 baril d'eau par baril de produit commercialisable. Cela indique que les chiffres souvent cités voulant que les sables bitumineux requièrent de deux à quatre barils d'eau par baril de bitume pourraient être surestimés. Cela tient au fait que ces chiffres utilisent les valeurs réglementaires concernant les allocations d'eau et non pas l'eau d'appoint, qui reflète plus fidèlement les quantités d'eau réellement utilisées en régime continu.

Il convient de noter que ce rapport de l'Institut analysera aussi les technologies susceptibles de faire baisser sensiblement la consommation d'eau pour l'extraction du bitume. Parmi ces technologies on peut citer l'extraction par injection de vapeur, l'injection d'air par dispositif horizontal et vertical, le stripping dynamique électrothermique, le DGMV optimisé, le DGMV avec solvant, le procédé par solvant à froid, la valorisation sur place, l'extraction améliorée par solvant et les puits horizontaux de récupération.

Non seulement ces technologies d'extraction du bitume peuvent-elles entraîner une diminution de la consommation d'eau, mais elles réduisent également la consommation de gaz naturel ainsi que les émissions de gaz à effet de serre provenant de la combustion du gaz naturel et, en conséquence, une réduction du coût total de production.

Si je puis mettre l'accent sur une chose, c'est sur la technologie, la technologie, la technologie, la technologie. C'est la technologie qui a réellement permis la mise en valeur des sables bitumineux et c'est à elle que nous ferons appel pour l'avenir. Nous aurons besoin de technologies pour réduire nos impacts sur l'eau. Ces technologies améliorées vont aussi grandement réduire nos émissions de GES.

Le président : Puisque vous vous êtes écartée de votre texte pour faire ce commentaire et que j'ai remarqué que vous avez besoin d'une gorgée d'eau, soufflez donc un peu.

Technologie, technologie, technologie. J'ai l'impression, suite à un voyage que le sénateur Banks et moi et d'autres membres du comité avons effectué il y a quelques années, qu'une grande partie de la technologie a été ou est en train d'être découverte et mise au point, mais elle est cachée dans les laboratoires et non pas appliquée sur le terrain. C'est quelque chose que j'ai du mal à expliquer à mes homologues aux États-Unis, au Royaume-Uni et ainsi de suite.

Mme Dybwad : Je vais m'écarter très loin de ma spécialité. Vous devrez certainement prendre l'avis de ceux qui savent comment les technologies et les innovations sont mises en pratique.

Je pense qu'il existe cette chose merveilleuse que l'on appelle « vallée de la mort », le laps de temps entre le moment où une technologie est inventée et le moment où l'on peut la mettre en place et la commercialiser. Cela exige pas mal d'argent, comporte un certain risque et appelle aussi certains encouragements.

Vous avez tout à fait raison : plusieurs de ces technologies attendent probablement d'être mises en application et commercialisées. Cependant, cela exige beaucoup de temps et pas mal d'argent.

Le président : Il faut aussi de la volonté. Je mentionne cela uniquement parce que, comme vous l'avez dit, nous sommes dans le collimateur et la réputation du Canada est peut-être injustement entachée. C'est ce que vous avez donné à entendre. On nous a comparés aux grandes compagnies pharmaceutiques qui attendent de tirer le maximum de profits du Vioxx avant de mettre en marché un autre médicament qui est déjà tout près et attend en laboratoire.

Je ne sais pas quelle est la part de réalité et la part de fiction, mais sachez que nous serions intéressés à en entendre davantage sur ce sujet.

Mme Dybwad : Ceux qui pourraient vous renseigner sont probablement ceux qui savent comment les innovations sont mises en pratique. Il existe probablement pas mal d'experts de l'industrie qui aimeraient vous parler des encouragements qui existent sous forme d'allègements fiscaux pour ce genre de choses. Il est probable qu'il existe toute une gamme de soutiens que l'on pourrait offrir pour faciliter ces choses.

Prenez le captage et stockage du carbone et le temps qu'il faut pour le mettre en place. Mes amis d'EnCana vous diront que cette technologie est appliquée commercialement dans le sud de la Saskatchewan, dans les gisements Weyburn; mais elle n'est pas universellement acceptée contrairement à ce que l'on pourrait attendre. Cela fait une vingtaine d'années que l'on en parle. Je me souviens que l'on en parlait déjà à l'époque où je travaillais chez SaskPower, et c'était en 1988.

Il faut beaucoup de temps pour que ces choses se concrétisent et souvent ce n'est même pas seulement un problème technologique. Il y a beaucoup d'autres facteurs. Quelles sont les responsabilités? Qui est propriétaire de l'espace interstitiel? Il se pose beaucoup de questions théoriques et il y a beaucoup de considérations légales.

C'est la technologie, la technologie, la technologie et peut-être y a-t-il aussi un pendant qui est davantage de votre ressort et qui est le papier : les mots et les textes de loi font aussi une différence.

Je reprends : nous allons diminuer le coût total de production à partir des sables bitumineux. Bien entendu, si l'on peut réduire les coûts de production, cela va aussi faciliter l'exploitation.

Cela m'amène à la question suivante, soit les GES — quelles sont les perspectives de réduction des émissions en provenance des sables bitumineux. En 2008, l'Institut a produit une série de rapports révélateurs portant sur la viabilité économique de divers combustibles pouvant être utilisés pour l'extraction du bitume. Ces options étaient considérées comme une façon pour l'industrie d'acquérir une image plus écologique en réduisant ses émissions et en ne produisant plus de pétrole sale. À cette fin, l'Institut a créé l'expression « bitume vert » pour désigner les procédés et les techniques d'extraction du bitume qui ne produisent pas plus de GES que les méthodes de production du pétrole conventionnel.

Le rapport « Green Bitumen » publié en 2008 est un document de haut niveau dont l'objectif était de déterminer les coûts relatifs associés à l'utilisation continue du gaz naturel dans l'industrie des sables bitumineux comparé à un passage à l'énergie nucléaire, à la gazéification avec captage et stockage du carbone, ou le maintien du recours au gaz naturel avec CSC. La conclusion du rapport était que, d'ici 2030, l'industrie des sables bitumineux pourrait réduire spectaculairement ses émissions jusqu'à des niveaux inférieurs à ceux de la production de pétrole conventionnel au Canada, mais à un coût substantiel. Il y a toujours un coût. Bien entendu, celui-ci dépend du type de technologie employée et du prix potentiel du carbone.

Un résumé des conclusions du rapport est présenté au tableau 2, dont la lecture n'est pas nécessairement très facile et je vais donc vous en résumer les points saillants. La ligne verte représente la production commercialisable à partir des sables bitumineux, qui augmentent avec le temps, comme nous l'espérons. La ligne pointillée en haut indique les émissions totales associées à cet accroissement; lorsque la production augmente, les émissions totales augmentent aussi si l'on ne fait rien pour les réduire.

Les coins représentent les divers types de technologies ou techniques que nous avons envisagés, et chacun de ces coins réduirait les émissions par rapport à la ligne pointillée de la largeur du coin. Le captage et stockage du carbone, s'il était largement adopté, produirait un gros effet. Si vous introduisiez certaines technologies nucléaires dans les sables bitumineux, vous obtiendriez une autre réduction. Si vous utilisiez la gazéification du charbon — autrement dit du gaz naturel synthétique — vous obtiendriez une autre baisse encore. La barre grise au bas indique les émissions totales que vous obtiendriez si vous mettiez en place certaines de ces autres techniques. C'est très considérable.

Ce qui est à retenir de tout cela c'est qu'il est effectivement possible de réduire la quantité d'émissions provenant des sables bitumineux. On peut utiliser ces techniques — la gazéification du charbon ou l'énergie nucléaire — ou, comme je l'ai mentionné plus tôt, certaines de ces autres techniques, qu'il s'agisse de l'injection d'air par dispositif horizontal et vertical ou de l'extraction par vapeur, où l'on utilise des solvants pour réduire la viscosité du bitume. Tout ce qui réduit la consommation de gaz naturel va réduire la quantité d'émissions. Les possibilités sont grandes.

En fin de compte, toutes ces méthodes coûtent cher et tout va probablement dépendre de ce que sera le prix du carbone. Plus le prix du carbone sera élevé, et plus sera grande l'incitation à mettre en place ces technologies de réduction des émissions. C'est à peu près là le fin mot de l'histoire.

Aucun plan complet de mise en valeur des sables bitumineux n'a été annoncé, mais l'on constate un désir de mieux comprendre certaines des options d'extraction des sables bitumineux et l'impact que la technologie pourrait avoir sur les émissions de GES et d'autres polluants atmosphériques. À cette fin, l'Institut mène actuellement une nouvelle étude au cours de laquelle nous allons partir du rapport « Green Bitumen » de 2008 et analyser de manière approfondie les facteurs économiques et les émissions associés à diverses techniques d'extraction et déterminer de combien les émissions peuvent être réduites encore.

Les conclusions de cette étude arriveront à point nommé, étant donné que l'économie mondiale commence à montrer des signes de reprise. Il en résultera un redémarrage de la demande de produits de base qui en fera grimper les prix. Mais cette reprise ne va pas ralentir le mouvement d'opposition à l'exploitation des sables bitumineux.

Même si le gouvernement américain a reconnu la nécessité de l'exploitation des sables bitumineux et des produits qui en proviennent et a même accéléré le processus d'agrément du pipeline Clipper, qui permettra d'acheminer davantage de produits pétroliers aux États-Unis, il ne faut pas pour autant que l'industrie des sables bitumineux et les décideurs baissent la garde. Au contraire, l'industrie doit examiner toutes les options possibles pour se débarrasser de l'image du pétrole sale et le gouvernement doit comprendre le rôle que le prix du carbone pourrait jouer en faveur de l'accélération du mouvement vers le « bitume vert ».

Je pense que c'est un bon endroit pour clore mon exposé. Sénateurs, je vous remercie de votre attention et me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Madame Dybwad, merci de cet impressionnant exposé. Collègues, je pense que vous conviendrez qu'il est en plein dans notre sujet. C'était l'explication la plus idéale de la situation telle qu'elle se présente et de l'urgence de modifier la façon dont les choses sont faites.

Le sénateur Mitchell : Merci, madame Dybwad. C'était pratiquement là une table des matières pour notre étude.

Vous avez fait quelques évaluations très intéressantes de la valeur économique pour le pays de la production pétrolière. Je crois qu'elle totalise 3,5 billions de dollars de PIB au cours des 25 prochaines années, soit à l'horizon 2033 ou 2034. Je crois que nous aurons un PIB total de quelque 50 billions de dollars à ce moment-là au Canada. Par conséquent, cela représente moins de 7 p. 100 de notre PIB total. C'est intéressant, car j'aurais cru que c'était plus.

Mme Dybwad : Vous avez fait les calculs, pas moi. Je dois reconnaître que, en dressant ce tableau, je me disais qu'il serait merveilleux de faire cela pour les divers secteurs. Je ne sais pas combien représentent l'agriculture ou l'exploitation forestière, par exemple. Nous n'avons fait ce travail que pour le secteur pétrolier et gazier. Cela n'englobe pas le charbon. Ainsi que le sénateur Angus l'a fait remarquer, cela ne comprend pas non plus l'électricité ni aucune des autres énergies. L'énergie en général, bien entendu, représentera une proportion beaucoup plus importante. Il ne s'agit là que du secteur pétrolier et gazier.

Le sénateur Mitchell : Je ne veux pas minimiser son importance, car 3,5 billions de dollars, ce n'est pas rien. Si le secteur était touché, cela ferait mal. Cependant, ce n'est pas 30 p. 100 de l'économie nationale, et c'est intéressant.

Cela m'amène à ma prochaine question. Il semble que vous n'ayez pas encore achevé ces études sur le bitume vert, mais avez-vous quelques évaluations de la contribution de ce secteur au PIB si certains niveaux de réduction d'émissions étaient atteints d'ici 2020, par exemple? Il circule toutes sortes de chiffres.

Mme Dybwad : Non, nous n'avons pas encore fait ce travail. Nous allons examiner les conséquences sur certaines des technologies : si le prix du carbone est de 50 $ la tonne, plutôt que de 120 $ la tonne, quelle sorte de technologies feront surface?

Nous n'avons pas encore calculé quel serait l'impact sur l'économie d'ensemble. Je crois que vous allez entendre les représentants de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie. Je soupçonne qu'ils sont mieux renseignés à ce sujet et ont fait quelques études. Cependant, je ne veux pas anticiper ce que dira M. Page à ce sujet.

Le sénateur Mitchell : Je sais que nous voulons les inviter et nous serons intéressés de lire votre étude, car vous abordez les choses selon un angle différent, selon l'optique énergétique. Il est intéressant de noter que toute réduction des émissions de carbone dans le secteur énergétique exigera des technologies.

L'investissement stimule le PIB. Comment se fait-il que l'investissement dans la technologie de réduction des émissions de carbone ne stimule pas le PIB?

Mme Dybwad : C'est probablement à cela que songe le président Obama lorsqu'il parle d'« emplois verts ». Tout ce qui conduit à un accroissement de l'investissement produit certainement des retombées.

Le sénateur Mitchell : Il se pourrait même que le PIB ne baisse pas.

Mme Dybwad : Ce rapport est censé être achevé fin mars.

Le sénateur Mitchell : Vous avez mentionné le système d'injection d'air par dispositif vertical et horizontal. Il m'intéresse pour de nombreuses raisons mais principalement parce que les gaz restent sous terre et ne sont jamais émis dans l'atmosphère. C'est excellent pour la réduction des émissions de carbone et c'est un excellent argument à employer lorsque nous cherchons à vendre la production de nos sables bitumineux aux États-Unis.

Avez-vous fait le point de la situation à cet égard? Je sais qu'au moins une compagnie utilise le système.

Mme Dybwad : Je crois que Petrobank utilise le système. Je prends des risques. J'en entendrai parler si ce n'est pas la bonne compagnie.

Non, je ne sais pas exactement où en est ce procédé ni dans quelle mesure il est commercialisable ou si les premiers résultats sont connus.

Le sénateur Mitchell : Considérez-vous le changement climatique comme un problème urgent?

Mme Dybwad : Sénateur, vous me placez dans une situation difficile.

Le sénateur Mitchell : Ce n'est pas mon intention et je peux retirer la question.

Mme Dybwad : Ce pourrait être dangereux. Je ne plaisantais pas. Je fais ce travail depuis très longtemps. Je me souviens d'une réunion en 1988 lorsque je travaillais pour SaskPower. Nous y avons commencé à parler de captage et séquestration du carbone. À l'époque, nous parlions de la séquestration biologique dans les matières ligneuses. C'était il y a 21 ans. La même question reste posée aujourd'hui. À cette réunion, la question était comment savoir quoi faire, parce que nous ne connaissions pas le prix du carbone. Vingt et un ans plus tard, c'est toujours le même débat.

Pour répondre à votre question, je ressentais un grand sentiment d'urgence il y a 21 ans. Plus le temps passe, et moins j'ai un sentiment d'urgence, probablement parce que je ne suis pas sûre que nous puissions revenir en arrière assez vite.

Le président : Vous n'êtes pas sûre de quoi?

Mme Dybwad : Je ne suis pas sûre que nous puissions réduire les émissions de carbone assez vite pour obtenir un effet global. Je pose le postulat que le dioxyde de carbone anthropique exerce un impact. Je pense qu'il ne reste probablement plus que l'adaptation.

Le sénateur Mitchell : C'est terrifiant.

Le sénateur Lang : Quelles hypothèses formulez-vous concernant le prix d'un baril de pétrole? À l'heure actuelle, nous en sommes à environ 80 $ le baril.

Au cours de la dernière récession, le prix est tombé à un peu moins de 40 $ le baril. On prévoit qu'il va continuer d'augmenter. Le prix du pétrole va manifestement jouer un rôle majeur dans votre étude.

Mme Dybwad : Je pense que nous avons simplement postulé un prix moyen de 100 $ le baril sur les 25 années, avec un dollar à parité avec celui des États-Unis.

Le sénateur Lang : Votre étude est pratiquement fondée sur la demande américaine et nos exportations vers les États-Unis, qui sont notre principal client. On commence à s'interroger davantage sur les réserves précises disponibles. Quelles sont les réserves exploitables?

Quelle est la position de votre institut concernant certaines projections indiquant que nous avons atteint le pic de production, surtout au prix actuel? Qu'est-ce que cela signifie pour nous?

Mme Dybwad : Le sénateur Angus a signalé que j'ai un doctorat en planification de l'exploitation des ressources, mais je suis principalement économiste. Permettez-moi de vous donner une réponse d'économiste. Nous ne serons jamais à court car le prix va continuer à augmenter jusqu'à un point où il deviendra trop douloureux. À ce stade, nous trouverons un substitut au pétrole.

Comme vous le savez, le Canada possède les réserves de pétrole les plus importantes du monde après l'Arabie saoudite. Allons-nous en manquer prochainement? Non, mais le prix du pétrole va continuer d'augmenter en même temps que la demande. À quelle vitesse et jusqu'où? C'est la conjecture à laquelle tout le monde se livre. De temps en temps quelqu'un lance une fléchette et touche la cible, mais le plus souvent en regardant dans le rétroviseur.

Je ne sais pas jusqu'où va aller le prix ni quand nous atteindrons le point de rupture où le prix du baril de pétrole deviendra intolérable. Certains pensaient que ce serait 140 $ le baril, mais cela a provoqué à peine un soubresaut.

Pour ce qui est des réserves totales, le prix va continuer d'augmenter et les réserves vont continuer d'être exploitées. L'ère du pétrole bon marché est-elle révolue? Oui. Toutes les réserves que nous avons aujourd'hui sont plus difficiles à exploiter. C'est aussi un pétrole plus lourd, enfoui sous beaucoup d'eau et plus acide; autrement dit, il contient davantage de soufre. Ce n'est plus du pétrole léger non sulfuré. Il reste très peu de celui-là dans le monde. Tout le reste est simplement beaucoup plus coûteux à extraire.

Les estimations de la quantité d'huile de shale présente dans la formation Bakken divergent radicalement. Si vous pensez que les sables bitumineux produisent du pétrole sale, l'huile de schiste est encore pire. La question est simplement de savoir à quel point vous y tenez et quel prix vous êtes prêt à payer.

Le sénateur Lang : Vous avez mentionné le gaz de schiste principalement en évoquant le nord de la Colombie- Britannique, où il semble exister en grande quantité. On ne sait pas exactement combien, mais il est là. On en découvre partout aux États-Unis. Vous avez mentionné le coût de production de ce gaz. Quel est le coût comparatif de la production aux États-Unis et dans le nord de la Colombie-Britannique? En avez-vous idée?

Mme Dybwad : Ce sont des chiffres approximatifs. Chaque gisement est différent, si bien que le coût de la mise en production de chacun va différer. Tous ces chiffres sont à manier avec beaucoup de prudence.

J'ai entendu des chiffres allant, restons prudents, de 2 $ par million de pieds cubes aux États-Unis à probablement 5 $ ou 6 $ par million de pieds cubes à Montney et Horn River. Je crois que le sénateur Neufeld sait probablement cela aussi. C'est considérablement plus cher aujourd'hui.

Le problème tient en partie à ce que le nord-est de la Colombie-Britannique ne possède pas l'infrastructure qui existe aux États-Unis. Non seulement ont-ils des gisements importants, mais ils sont aussi situés dans des lieux raisonnablement bien desservis. Par conséquent, il y existe déjà des gazoducs et toute cette sorte de choses. Cela réduit le coût, selon le côté de la frontière que l'on regarde. Pour ce qui est de l'acheminement, les bassins du nord-est de la Colombie-Britannique ne seront pas exploités aussi rapidement que ceux des États-Unis parce que le coût sera supérieur de plusieurs dollars par million de pieds cubes.

Le sénateur Lang : Vous n'avez pas mentionné le gazoduc de l'Alaska comme ressource pour les Américains. Est-ce à cause du gaz de schiste?

Mme Dybwad : Il est difficile de spéculer, mais oui. Encore une fois, la découverte du gaz de schiste est nouvelle. Cela cause de l'inquiétude non seulement en Alaska mais aussi chez les producteurs de gaz naturel du Nord qui se demandent quand il va être exploité.

Des prix bas joints à des péages relativement importants sur le gazoduc amènent à s'interroger sur la rentabilité commerciale.

Le sénateur Merchant : Merci des renseignements que vous nous avez apportés aujourd'hui.

Je vais parler en tant qu'originaire de la Saskatchewan. Notre gouvernement provincial et notre premier ministre craignent qu'une province à forte croissance comme la Saskatchewan soit injustement punie parce que nous voulons exploiter nos ressources. Le ministre Prentice a déclaré :

L'approche canadienne doit refléter la diversité du pays et l'immensité du territoire, ainsi que les caractéristiques économiques et la structure industrielle très différentes à travers le pays.

Pensez-vous que des objectifs d'émissions nationaux soient une solution praticable pour ce pays?

Mme Dybwad : Puis-je m'abstenir de répondre à cette question? C'est probablement une question politique à laquelle je suis mal placée pour répondre.

Si l'on va fixer un prix du carbone, il faudra probablement le déterminer sur une échelle plus grande que les poches individuelles.

Je m'abstiendrai respectueusement de répondre aux questions politiques, si vous me permettez.

Le sénateur Merchant : C'est une préoccupation que nous avons en Saskatchewan.

Mme Dybwad : Certes. Si nous avions l'occasion d'analyser les conséquences d'une politique donnée, je serais beaucoup plus à l'aise pour répondre à cette question. Cependant, n'ayant pas fait ce travail, je ne souhaite pas spéculer.

Le sénateur Merchant : Merci. Je comprends.

Étant donné que nous approchons de décembre et que nous avons tous les yeux tournés vers Copenhague, pourrais- je vous poser une question à ce sujet, ou bien est-ce aussi trop politique?

Mme Dybwad : Posez votre question et je vous le dirai.

Le sénateur Merchant : Il semble maintenant qu'il ne nous sera pas possible d'en arriver à un accord contraignant. Nous attendons de voir ce que feront d'autres pays et ce que feront les États-Unis. Pensez-vous que le Canada devrait attendre ou bien que nous devrions être un leader en la matière? Cette question est-elle, elle aussi, trop politique?

Mme Dybwad : Les cibles gravées dans la pierre posent toujours problème. J'ai évoqué le fait que nous avons sans doute dépassé le stade auquel il aurait été possible de réduire massivement nos émissions. Mon sentiment est que ce que vous devriez rechercher dans une politique est un degré élevé de flexibilité. Fixez les objectifs en vue d'assurer une réduction des émissions, mais il importe de laisser à chacun l'occasion de trouver la meilleure voie pour l'avenir. Ce qui fonctionnera au Québec en matière de réduction d'émissions sera très différent de ce qui fonctionnera en Saskatchewan, et vous voulez assurer à chacun ces options et cette flexibilité. C'est là la façon de procéder la plus simple.

Bien qu'un objectif en matière d'émissions soit une bonne chose, un objectif en matière d'énergies renouvelables peut être contre-productif, si vous exigez, par exemple, que 20 p. 100 de l'énergie soit fournie par des parcs éoliens. Les particularités du système énergétique propre à une région dicteront ce qui est raisonnable et ce qui ne l'est pas, et peut- être que des parcs d'éoliennes ne seront pas la solution dans certains cas. Peut-être que dans un endroit, la meilleure solution serait la conservation, alors qu'ailleurs ce pourrait être la capture du carbone.

Vous voulez offrir aux gens une certaine flexibilité. Vous voulez avoir un objectif. Il est question ici de réglementation axée sur des objectifs. N'imposez pas la façon dont l'objectif devrait être atteint. Fixez l'objectif et laissez les intervenants trouver la meilleure solution pour eux. Je vais m'en tenir à cela.

Le sénateur Merchant : Je vais arrêter de poser des questions, car je pense que je suis en train de devenir un petit peu trop politique.

Le président : Vous avez fait une belle tentative de faire indirectement ce que vous ne pouviez pas faire directement. Je félicite tant la questionneuse que le témoin.

L'intervenante suivante est le sénateur McCoy. Nous allons vous confronter l'une à l'autre et voir ce que nous obtenons.

Le sénateur McCoy : Sans nul doute, comme à l'habitude, l'édification de tout le monde autour de la table.

Mme Dybwad : C'est mon sentiment.

Le sénateur McCoy : J'ai remarqué que vous avez dit dans votre introduction que l'ICRE a pour habitude de ne pas se prononcer sur les orientations, sans parler de la politique, mais vous faites un grand nombre d'analyses économiques et autres, et c'est là qu'a résidé votre force. Je suis sensible à la difficulté de votre situation.

Permettez que je commence par vous poser une ou deux questions de nature factuelle. Vous nous avez indiqué tout à l'heure quelle était la demande prévue à l'échelle mondiale; or, les États-Unis comptent pour près de 100 p. 100 de notre marché externe, et nous avons les yeux fixés sur le marché asiatique.

Auriez-vous des chiffres qui seraient compatibles sur les plans temps et terminologie et ainsi de suite pour le marché américain, le marché chinois, et peut-être le marché asiatique plus large, mais englobant en tout cas la Chine? Le Japon et la Corée sont peut-être d'autres cibles à envisager. Disposez-vous de ces projections également?

Mme Dybwad : Je me rends compte que j'ai sans doute obscurci certaines des déclarations que je vous ai faites. Il y aura une demande de produit, qu'il s'agisse de pétrole, de carburant diesel, d'essence ou autre. Cependant, lorsque vous regardez la demande quant au produit en provenance des sables bitumineux, le facteur limitant est ce que les raffineries peuvent absorber, car c'est vraiment là que se situe la demande.

Par exemple, les États-Unis ont une forte demande d'essence et de carburant diesel, et ainsi de suite. Dans le cas du bitume, que l'on parle de bitume ou de pétrole brut synthétique, nous n'affichons pas autant d'activité côté produits finis, mais ces produits sont livrés aux raffineries. L'élément déterminant est ce que les raffineries peuvent absorber.

Il y aura une importante croissance en ce qui concerne la Chine, mais il nous faut déterminer si les raffineries chinoises ont la configuration requise pour pouvoir accepter le genre de produit que nous expédions. La nature de notre pétrole requiert des raffineries sophistiquées.

Nos produits sont pour la plupart expédiés au Midwest américain, le PAD 2. Vous avez des antécédents dans l'industrie de l'énergie, alors vous savez ce que cela veut dire. Ce n'est que tout récemment que nous avons commencé à nous rendre compte que nous devrions peut-être envoyer le produit aux raffineries de la côte du golfe du Mexique.

Il manque un peu de clarté. Nous avons une forte demande de produits énergétiques, mais lorsque nous parlons des produits que nous vendons, nous les vendons essentiellement aux raffineries. Les raffineries doivent être en mesure de traiter le produit, et toutes les raffineries ne sont pas égales entre elles. Cela répond-il à votre question?

Le sénateur McCoy : C'est là une très bonne réponse contextuelle. Disposez-vous des faits? Avez-vous ces projections?

Mme Dybwad : Comme je le disais, nous nous attendons à ce que nous livrions environ 2,9 millions de barils au cours des cinq prochaines années environ. J'ai fait allusion à la prise de marchés de bitume, et il s'agit là en ce moment d'une question énorme en Alberta. Nous sommes en train d'affermir du travail avec le gouvernement de l'Alberta en vue de nous pencher précisément sur cette question. Il s'agit d'une grosse préoccupation, car nous parlons de l'accroissement de l'offre. Il nous faut examiner ce qui pourrait raisonnablement être vendu au marché américain et déterminer s'il y a place à une augmentation. Nous allons également examiner les marchés asiatiques.

Je m'efforce toujours de donner des réponses précises aux questions. Ce qui aura une incidence sur notre capacité de vendre sur ces marchés, ce sont les raffineries et l'origine des produits pétroliers qu'elles traitent déjà. Si nous prenons le golfe du Mexique, il s'agira d'y déloger les gros joueurs vénézuéliens, mayas ou mexicains, car l'offre y est encore moindre. Pour ce qui est de la demande totale, nous pourrions peut-être pénétrer ce marché. Il s'agit d'un marché de déplacement.

Le marché asiatique serait un nouveau marché auquel nous ne nous sommes pas encore attaqués. Bien sûr, il nous faut les pipelines pour nous y rendre. Le pipeline Kinder Morgan transporte environ 300 000 barils par jour, ce qui n'est pas si énorme que cela, et le gros va aux États de l'Ouest.

Pour ce qui est de ce que l'on compte sera une demande accrue, près de 3 millions de barils par jour aux États-Unis, une partie de cela sera le fait de déplacement. Une augmentation de ce côté-là serait probablement le fait du déplacement de gros joueurs d'autres pays, auxquels viendraient s'ajouter de nouveaux marchés, qui seraient des marchés asiatiques. L'importance de ces marchés alimente conjectures et analyses prévisionnelles.

Le sénateur McCoy : Vous dites que vous commencez tout juste à étayer le détail de cette étude. Ai-je bien compris?

Mme Dybwad : Oui.

Le sénateur McCoy : Ces renseignements seront-ils à un moment donné à notre disposition?

Mme Dybwad : Pour ce qui est du détail de l'étude, ce travail pourrait sans doute être terminé d'ici fin mars.

Le sénateur McCoy : Nous pourrions peut-être vous revenir pour un suivi.

Mme Dybwad : Absolument.

Le sénateur McCoy : Il est essentiel pour nous de comprendre tant le marché asiatique que le marché américain, et je suis ravie du contexte dans lequel cela s'inscrit.

Le sénateur Lang : J'aimerais poursuivre la discussion au sujet de la question de la diversification de la clientèle, dans le cas tout particulier des sables bitumineux. Il s'est bien évidemment opéré un changement majeur cette année sur le plan de la propriété, avec l'investissement par les Chinois.

Mme Dybwad : Par les Coréens également.

Le sénateur Lang : Les Japonais ont eux aussi consenti un important investissement. C'est là le fondement du changement pour ce qui est de l'évolution de ce marché.

Si un pipeline était construit entre la région de Fort McMurray et Kitimat, la raffinerie dont vous avez parlé serait- elle construite en Chine, prenant en compte le transport du produit pour ensuite en assurer le raffinage en Chine?

Mme Dybwad : Cela nous ramène encore une fois à la question du marché. Le marché demandera-t-il du produit raffiné? Dans l'affirmative, il vous faudrait faire le raffinage en Alberta. S'il y a un marché moindre pour les produits raffinés mais un marché plus important pour le pétrole brut, vous livreriez alors du pétrole brut aux raffineries en Chine. La Malaisie compte elle aussi un nombre important de raffineries.

Le sénateur McCoy : Originaire que je suis de l'Alberta et ayant fait carrière là-bas, je peux vous dire que l'industrie gazière et pétrolière — c'est-à-dire celle des combustibles fossiles — est énorme et omniprésente. Lorsque je prends un peu de recul et me penche sur les chiffres globaux, même ceux du Canada, pour ce qui est du pétrole, nous ne produisons qu'environ 3 p. 100 de la ressource mondiale. Cela ne correspond pas à la superpuissance énergétique que nos ego nous poussent parfois à clamer. Vous êtes en train de faire signe de la tête. Êtes-vous d'accord?

Mme Dybwad : Je suis en fait en train de rire en silence. Pendant que je me rendais ici à pied, je songeais aux questions qu'on me poserait peut-être. Il est amusant que vous disiez cela, car nous nous classons au 15e rang pour ce qui est de nos exportations d'énergie. Nous exportons à un marché. Vous avez tapé dans le mille. Nous n'exportons pas des quantités énormes. L'Arabie saoudite est au premier rang et la Russie au deuxième. Je pense que nous nous classons au 15e rang.

Le sénateur McCoy : Nous sommes un super fournisseur du point de vue américain, ce qui est merveilleux. Il ne me faut pas vendre plus que ce que j'ai. Ce n'est pas un problème.

Mme Dybwad : Vous avez tout à fait raison. Nous ne sommes pas une superpuissance sur ce plan-là.

Le sénateur McCoy : Oui, dans le contexte mondial.

Mme Dybwad : Nous sommes bien loin d'être dans la même ligue que la Russie.

Le sénateur McCoy : Pour le pétrole et pour le gaz naturel également.

Quel pourcentage du marché américain total nous revient à l'heure actuelle?

Mme Dybwad : Nous comptons pour 19 p. 100 des importations américaines.

Le sénateur McCoy : Oui, des importations américaines.

Le sénateur Banks : De pétrole.

Mme Dybwad : Oui, de pétrole. Nous avions autrefois une plus grosse part pour ce qui est de l'électricité, mais cette part a sensiblement diminué ces derniers temps. C'est pourquoi j'ai le gros livre avec moi.

Le sénateur Banks : Nous avons également une dette.

Mme Dybwad : Notre part pour le gaz est d'environ 15 p. 100, mais elle est en ce moment en péril. Étant donné le nombre de pipelines qui ont transporté davantage de gaz jusqu'aux marchés de l'Est des États-Unis, d'importantes quantités de gaz naturel albertain et canadien ont été écartées. Je ne saurais cependant vous donner des chiffres, car j'aurais peur de me tromper.

Le sénateur McCoy : Il me semble que les États-Unis assurent 40 p. 100 de leurs propres besoins en pétrole. Est-ce bien cela?

Mme Dybwad : Je n'en suis pas certaine.

Le sénateur McCoy : Ce qui représenterait peut-être le tiers de leurs besoins. Vous pourriez peut-être nous fournir ce renseignement plus tard.

Mme Dybwad : Je le pourrai. Je n'ai pas en tête tous les chiffres américains.

Le sénateur McCoy : C'est bien. Vous nous fournirez cela ultérieurement.

Passons maintenant au tableau 2 et aux émissions totales. Le coin en jaune pâle représente les émissions capturées. De quoi s'agit-il exactement?

Mme Dybwad : Il s'agit des émissions capturées à l'unité de gazéification. Ce sont les émissions rattachées au gaz synthétique et qui ont été capturées.

Le sénateur McCoy : Qu'entend-on par « émissions réduites par le GNS »?

Mme Dybwad : Il s'agit du gaz naturel synthétique, en provenance de la gazéification du charbon. Il s'agit de la production de gaz à partir du charbon, par opposition au gaz naturel.

Le sénateur McCoy : Je suis confuse.

Le sénateur Mitchell : Cela n'a pas encore commencé.

Le sénateur Angus : Cela commencera en 2017.

Mme Dybwad : Je vais sortir mon livre. L'on capturera une certaine quantité d'émissions lors de la production de gaz synthétique. Le plus gros morceau correspond à ce qui se passera si le gouvernement albertain et le gouvernement canadien vont de l'avant avec une adoption généralisée de la capture et du stockage de carbone. En d'autres termes, vous pouvez capturer une certaine quantité à la centrale, et, avec un programme de CSC de bien plus grande envergure, 60 p. 100 proviendraient des sables bitumineux. C'est là le gros volume de CSC que vous voyez. L'autre partie est le simple fait de la gazéification du charbon pour les sables bitumineux.

Le sénateur McCoy : Oui, et les émissions réduites du fait du gaz naturel synthétique, le GNS.

Mme Dybwad : La petite partie en bourgogne.

Le sénateur McCoy : Est-on en train de mener 36 conversations ici à la fois? Je ne parviens pas à vous entendre.

Mme Dybwad : C'est la petite ligne en bourgogne. Elle est minuscule.

Le sénateur McCoy : Pour ce qui est de la ligne jaune, vous dites que vous capturez du CO2 dans le cadre de la production de gaz naturel synthétique.

Mme Dybwad : Voilà. Si vous aviez un plus gros programme de CSC, la part qui serait le fait des sables bitumineux serait d'environ 60 p. 100. C'est là la bande plus grosse.

Le sénateur McCoy : Oui, je la vois.

Je m'excuse de vous bousculer, mais nous sommes assujettis à certaines contraintes.

Mme Dybwad : C'est bien.

Le sénateur McCoy : Vous avez dit que tout cela coûte beaucoup d'argent.

Mme Dybwad : Oui.

Le sénateur McCoy : Je ne vois indiqué ici aucun coût, à moins que j'interprète mal ce tableau.

Mme Dybwad : Non. Je vous ai simplement donné la version abrégée. J'ai le rapport tout entier, avec tous les coûts correspondants à chaque cas de figure. Si le prix d'une tonne de carbone atteint tel seuil, voilà ce que cela donne. Bien franchement, c'est une énorme pile de tableaux et ainsi de suite. Je veillerai à ce que Mme Gordon en reçoive copie, et vous pourrez parcourir la chose.

Le sénateur McCoy : Nos attachés de recherche apprécieront beaucoup.

Mme Dybwad : J'avais simplement pensé qu'il y avait là trop de détails, mais j'ai tout cela ici, si vous voulez. Je me ferai un plaisir de vous remettre le document.

Le sénateur McCoy : Je cherche une courbe de réduction pour le Canada. Je suis en fait à la recherche d'environ une dizaine de courbes régionales de réduction pour le Canada, car je ne saurais être davantage d'accord avec vous. Chaque profil énergétique est régional, alors cela varie d'un bout à l'autre du pays. Les courbes de réduction devraient en conséquence faire de même.

Jusqu'ici, ce que nous avons qui se rapproche le plus d'une étude d'impact régional crédible est le rapport parrainé par le Groupe Financier Banque TD, la David Suzuki Foundation et le Pembina Institute. Ceux-ci ont chargé M.K. Jaccard and Associates Inc. d'effectuer une étude approfondie. Cependant, je n'ai pas vu de courbe de réduction.

La Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie a ces coins. Cela est implicite dans les études Jaccard, qui ont été faites pour le Canada, l'Alberta et la Colombie-Britannique, et maintenant, à l'intention du grand public, par l'intermédiaire du Groupe Financier Banque TD. Cela est par ailleurs implicite dans votre étude des différentiels.

Mme Dybwad : Oui.

Le sénateur McCoy : Premièrement, avez-vous jamais vu une courbe de réduction? Je ne sais pas s'il me faut poser la question suivante; je suis convaincue que vous êtes compétente. Vous auriez pu demander à déposer ces choses.

Mme Dybwad : J'ai mentionné le fait que nous œuvrons à un nouveau rapport sur le bitume vert, et je vais donc vous citer des extraits du rapport au sujet des livrables. L'un des livrables ici est une courbe des coûts de réduction pour chacune des options technologiques applicables aux sables bitumineux. Nous en aurons une pour les sables bitumineux, mais non pas pour chaque région du pays.

Le sénateur McCoy : Ce serait utile. Cette image n'a pas été largement diffusée, et je crois que cela aide à visualiser la tâche qui nous attend.

Mme Dybwad : Vous parlez du rapport McKinsey.

Le sénateur McCoy : Oui, je parle de la courbe de réduction McKinsey.

Mme Dybwad : Elle ressemblera un petit peu à cela, et ce sera pour les technologies applicables aux sables bitumineux.

Le sénateur McCoy : Oui, exactement, cela sera pertinent dans le contexte de nos données, plutôt que des leurs.

Le sénateur Neufeld : Vous avez parlé de l'augmentation de la consommation de pétrole. Le gros de votre rapport traite du pétrole, mais pas beaucoup du gaz naturel. Dans la région d'où je viens, nous ne produisons pas beaucoup de pétrole, mais nous produisons beaucoup de gaz naturel.

Vous prévoyez une croissance de 25 p. 100 pour le pétrole d'ici l'an 2030. Vous dites également dans votre mémoire que la croissance pendant la même période pour le gaz naturel sera de 50 p. 100, soit le double.

La Colombie-Britannique n'est pas en déclin; l'Alberta est en déclin, et je ne sais trop ce qu'il en est pour la Saskatchewan. La Colombie-Britannique est la seule province qui ait, au cours des huit dernières années, augmenté en même temps sa production et ses réserves.

Où va ce gaz? Vous dites qu'il ne s'en vendra pas forcément beaucoup aux États-Unis. Ce gaz va certainement quelque part. Pourriez-vous nous éclairer en la matière?

Mme Dybwad : Ce serait tellement mieux que Hal Kvisle, de la TransCanada Corporation, soit ici, car il pourrait vous dire exactement ce qui se passe. Le gros de ce gaz va aux sables bitumineux, et des volumes importants sont destinés à des clients réguliers à l'échelle du pays, alors il en est livré en Alberta, en Saskatchewan et ainsi de suite.

Sénateur, vous avez mis dans le mille. C'est une question de demande. C'est sans doute une bonne chose que cela n'ait pour l'instant pas été bien défini, car il se pratique à l'heure actuelle beaucoup de stockage en puits. En d'autres termes, les exploitants n'y puisent pas du fait que le marché ne soit pas là. L'on relève à l'heure actuelle une forte poussée en vue d'augmenter la demande. Nombre des gros joueurs se consacrent à essayer d'augmenter la demande de gaz naturel, car c'est là l'issue de secours. Il n'y a pas beaucoup d'incitation à l'exploitation à l'heure actuelle, vu le prix du gaz, alors les intervenants cherchent à augmenter la demande afin de pouvoir forer et mettre la nouvelle production sur le marché.

Le marché du gaz naturel est en fluctuation constante. Les prix sont bas à l'heure actuelle, et les intervenants espèrent une augmentation dans les marchés. Il sera très intéressant de suivre l'évolution de la situation, étant donné les quantités de gaz de shale qui existent à l'heure actuelle aux États-Unis, et, sénateur, vous avez vraiment mis dans le mille. Nous sommes inondés de gaz naturel, alors qu'il ne semblait pas que ce soit le cas il y a de cela quelques années.

Le sénateur Neufeld : Je conviens qu'il y a énormément de gaz de shale, et lorsque vous parlez du dernier pipeline du Nord, je ne pense pas qu'il s'agisse de rumeurs. Je crois que ce gaz va demeurer là-haut pendant longtemps avant que d'arriver sur le marché, du simple fait de l'accès aux autres sources de gaz.

Cela fait huit ans qu'il y a du gaz de shale de Barnett. C'est de là que vient la technologie utilisée pour le gisement de Horn.

Le gaz de Montney est du gaz de formation imperméable, auquel les intervenants s'intéressent depuis fort longtemps, alors il s'agit de strates tout à fait différentes, de Horn jusqu'à Montney, et qui s'étendent jusqu'en Alberta. Cela existe depuis longtemps. Soit dit en passant, le Québec compte beaucoup de réserves de gaz de shale, prouvées et soupçonnées.

Le gros de ce gaz de shale se trouve dans des États qui sont très peuplés. Le gaz de shale requiert des techniques de forage différentes de celles utilisées pour le gaz conventionnel, et si vous installiez un appareil de forage tout à côté de New York, vous y seriez peut-être accueilli par un groupe de personnes différent de ce que vous verriez dans une ville du Texas.

Vous parlez de l'augmentation de la consommation de gaz naturel de 1990 à 2008, mais vous ne m'avez pas donné les chiffres pour le pétrole. Je n'ai pas besoin de ces renseignements tout de suite. Vous pourrez les remettre à la greffière, afin que je puisse faire cette comparaison. D'après ce document, nous allons, au cours des 30 prochaines années, enregistrer une augmentation de 50 p. 100. Du côté du pétrole, l'augmentation sera d'environ 25 p. 100. J'aimerais avoir confirmation de ces chiffres.

Mme Dybwad : Je m'engage à vous les fournir.

Le sénateur Neufeld : Vous avez également les barils par jour, et vous indiquez ce que les Américains ont importé du Canada, plus précisément de l'Alberta et de la Saskatchewan, ainsi que du Mexique. Vous n'inscrivez nulle part de chiffres pour le Venezuela, le Nigeria et l'Arabie saoudite. Pourriez-vous nous fournir également ces chiffres-là?

D'après ce que je comprends, le pétrole brut vénézuélien — mais je peux me tromper — est du pétrole « sale », et je n'aime pas employer ce terme. Je crois qu'il s'agit de pétrole lourd, et, bien qu'il ne provienne pas forcément de sables bitumineux, il s'agit de pétrole lourd. Est-ce bien le cas?

Mme Dybwad : Oui, c'est ce produit dont j'ai dit qu'il serait peut-être abandonné par les raffineries du golfe du Mexique, auquel cas nous pourrions combler le vide.

Bien que j'aie déclaré que je ne dirais rien de politique, je ne peux parfois pas m'en empêcher. Du fait que le Canada soit une démocratie ouverte et transparente, nous sommes très exposés aux critiques à l'égard de nos processus de production pétrolière et, bien sûr, ceux-ci sont considérés comme étant sales. Acceptons le fait que cela n'existe pas, le pétrole propre. Pourtant, nous avons les meilleures pratiques. Je devine que les gens seraient mortifiés s'ils tentaient de se rendre en Azerbaïdjan et y visitaient les champs pétrolifères, et qu'il en serait de même s'ils visitaient les champs pétrolifères de M. Chavez.

Même si nous avons encore beaucoup à faire pour améliorer les choses, ces pratiques sont sans doute les meilleures au monde, et vous pouvez vous présenter sur les lieux, constater l'état des choses et prendre des photos.

Le sénateur Neufeld : J'ai vu des photos et le processus est époustouflant.

Lorsque la ministre Raitt a comparu devant nous, je l'ai interrogée au sujet du pétrole sale, et celui-ci arrive du Venezuela. Le gouvernement fédéral, le gouvernement de l'Alberta, voire ceux de toutes les provinces, doivent avoir une stratégie en ce qui concerne les chiffres en matière de PIB que nous voyons dans vos graphiques. Cela a une incidence sur toutes les régions du Canada, et pas seulement l'Alberta. Il s'agit d'un montant d'argent énorme. Il nous faut faire aux États-Unis un meilleur travail que celui que nous avons fait jusqu'ici. Il nous faut essayer de faire comprendre que ce pétrole n'est pas sale, comparativement à celui des autres. Peut-être que nous devrions commencer avec le positif, en soulignant les choses que nous faisons pour nettoyer la capture et le stockage du carbone, et ainsi de suite.

Convenez-vous avec moi qu'il nous faut une stratégie, autre que celle de l'Alberta?

Mme Dybwad : En un mot, oui, absolument, mais je ne m'arrête jamais à un seul mot. Vous apprenez cela très tôt lorsque vous dites que quelqu'un fait quelque chose, et vos parents vous demandent « S'il saute d'un pont, vas-tu le faire toi aussi? » Nous ne devrions jamais nous comparer aux autres et dire « Nous sommes tellement meilleurs par rapport à tous les autres ». L'histoire devrait être que nous savons ce que nous avons. Nous faisons des efforts; et, nous voulons certainement être en la matière un partenaire avec les Américains, étant donné que je pense qu'ils ont consacré beaucoup d'argent à des technologies qui pourraient être appliquées. Nous pourrions forger énormément de partenariats. Je pense que le président Obama nous a fait des ouvertures pour nous aider à mieux présenter les choses. Comme vous l'avez souligné, les retombées économiques sont conséquentes pour les États-Unis. Plus les Américains s'investissent dans des technologies pouvant être appliquées aux sables bitumineux, plus les retombées économiques augmenteront.

Je vais répondre à votre autre question : le Canada, 2 007 milliers de barils par jour, et, le Mexique, 1 057 milliers de barils par jour. Vous avez demandé ce qu'il en était pour le Venezuela, et c'est 1 000 barils par jour de moins que le Canada. C'est 1 007 milliers de barils par jour. Pour le Nigeria, c'est 877 000 milliers de barils par jour, et pour l'Arabie saoudite, c'est 745 000 milliers de barils par jour. Voilà quels sont les chiffres pour août. Je pourrai vous fournir les chiffres après cette période.

Le sénateur Neufeld : Vous avez parlé de la capture et du stockage de carbone. Je considère en fait que la capture et le stockage du carbone, le CSC, est une façon dont nous pourrons dans une certaine mesure réduire les GES. Quant à savoir à combien cela se chiffrera en bout de ligne, je ne sais pas.

En Colombie-Britannique, nous faisons cela par inadvertance depuis longtemps, mais nous commençons à en voir les avantages. Spectra Energy participe à un vaste projet. La société a foré les puits et cherche à déterminer combien il lui en coûtera pour stocker le carbone des installations à Fort Nelson qui desserviront Horn River. Ce travail est en cours depuis quelque temps déjà. La Norvège pratique la chose depuis des décennies. Nous ne l'avons pas fait car nous n'avons pas décidé de le faire. Pendant les 20 années dont vous avez parlé, tout le monde a reculé du fait que cela coûtait trop cher. Nous aurions dû réfléchir différemment à ce qu'il aurait fallu faire il y a 20 ans. Je pense que cela va venir. Ce que je dis là est davantage une déclaration qu'une question.

Le 8 juillet 2008, vous avez présenté un mémoire au sujet de la stratégie énergétique du Canada au Comité des sciences et de la technologie à l'occasion d'une réunion de l'Association des Parlementaires de l'OTAN tenue à Ottawa. J'aimerais beaucoup avoir le texte de ce mémoire, car, pour parler franchement, je ne connais pas très bien la stratégie du Canada. Je sais quelle est la stratégie dans ma province, mais je ne peux définitivement pas vous dire quelle est la stratégie au Canada. Si je pouvais avoir copie de ce texte, j'aimerais bien le lire.

Mme Dybwad : Je pense que c'était moins une stratégie et davantage un plaidoyer quant à la nécessité que nous ayons une stratégie.

Le sénateur Neufeld : Je veux bien, mais j'aimerais pouvoir lire le texte.

Mme Dybwad : Il me faudra vérifier mon ordinateur à la maison et voir si j'ai conservé ce document; si je l'ai, je vous le ferai parvenir, à vous ou à la greffière.

Le président : C'est ce sur quoi porte notre étude, alors ce serait formidable.

Le sénateur Banks : Vous ai-je bien entendu dire que les chiffres dont vous parliez relativement aux autres pays...

Mme Dybwad : Ils correspondent aux importations.

Le sénateur Banks : Nous n'en avons pas besoin tout de suite, mais il y a ensuite un deuxième jeu.

Mme Dybwad : Oui, ces chiffres correspondent aux importations aux États-Unis.

Le sénateur Banks : Merci. Je ne vais pas vous poser de questions politiques. Je ne vais vous poser que des questions économiques. Vous êtes économiste, économiste de l'énergie.

Conviendriez-vous qu'en ce qui concerne les projections historiques en matière de ressources limitées, et plus particulièrement le pétrole, elles sont toujours et ont toujours été erronées? J'ai une liste de sept occasions auxquelles il a été dit que les ressources mondiales s'épuisaient, la plus récente remontant à l'année 1970, liste que je vais apporter à une réunion future du comité. Nous avons produit beaucoup plus que les quantités auxquelles avaient à l'époque été évaluées les ressources mondiales, et nous sommes loin de les avoir épuisées.

Le président : Vous voulez dire le monde?

Le sénateur Banks : Oui. Pour illustrer ma question, dans les années 1960, lorsque nous parlions des ressources énergétiques connues du Canada, nous n'y avions pas inclus le pétrole en provenance des sables bitumineux. Ai-je raison de dire que toutes les prévisions ont été erronées? D'autre part, lorsque nous parlons de projections quant au moment où nous manquerons de pétrole et où donc l'offre aura une incidence sur la demande et, partant le prix, il nous faut toujours garder à l'esprit le fait que nous parlons des réserves connues. Ces renseignements ne tiennent pas compte, par exemple, de tout le pétrole du versant est des Rocheuses dans l'État du Colorado, ni du champ pétrolifère renfermant 60 milliards de barils sous la ville de Paris. Ai-je raison?

Mme Dybwad : Oui. C'est pourquoi vous voyez souvent la mise en garde « économique » ou « sur la base des technologies existantes », car, vous avez raison, qu'il s'agisse de sables bitumineux, de gaz ou de pétrole ou autre qui requièrent une fracturation, tout cela n'était auparavant pas à notre portée. Vous avez raison, c'est une combinaison de facteurs économiques qui déterminent quand le produit devient suffisamment précieux...

Le sénateur Banks : C'est ce que vous avez dit, que cela dépend du degré auquel nous en avons besoin.

Mme Dybwad : Ingéniosité et innovation. L'ingéniosité humaine est une chose absolument incroyable. J'espère certainement qu'elle interviendra face à nombre des autres questions dont nous devrons traiter, que notre capacité d'arriver juste à temps pour ce qui est de nos innovations et de notre ingéniosité interviendra.

Si vous prenez les réserves économiquement exploitables d'il y a 20 ans, la situation est tout à fait différente aujourd'hui, avec les techniques et technologies différentes.

Le sénateur Banks : Parlant de cela et de la séquestration, dont vous avez fait état dans le cas de Weyburn, avec ce qu'y fait EnCana, ai-je raison de penser que le fait qu'il se fasse là-bas de la séquestration est accessoire à la raison pour laquelle on injecte du CO2 dans les puits?

Si vous aviez examiné la récupération projetée pour ces puits avant qu'EnCana ne commence à y injecter du CO2, ces puits étaient finis. L'intérêt de l'injection de CO2 est que cela permet de dégager davantage des 30 ou 40 p. 100 de pétrole conventionnel dans un puits qui ne peut pas en être extrait autrement. Est-ce bien cela?

Mme Dybwad : C'est exact. Le gros de la capture de carbone résulte de la RAH, c'est-à-dire la récupération assistée des hydrocarbures. Vous avez tout à fait raison. Bien sûr, pour en revenir à l'aspect économique, ces activités sont entreprises en premier lieu du fait d'un rendement économique avec la récupération assistée des hydrocarbures, qui n'existe pas dans le cas de la simple séquestration.

Le sénateur Banks : Cela nous ramène à ce que vous avez dit au sujet de l'importance qu'aura la technologie dans la résolution de ces problèmes. J'espère que nous allons à un moment donné entendre M. Newell au sujet du fonds de technologie. J'ai mentionné cela au président et au vice-président, car M. Newell connaît bien cette question.

Vous avez dit penser que nous en sommes sans doute arrivés au point où nous ne pourrons plus faire grand-chose pour réduire encore le CO2, et qu'il nous faudra plus ou moins nous limiter aux mesures d'adaptation.

Mme Dybwad : Il s'agit là d'un niveau de connaissance scientifique que je ne possède sans doute pas, mais je veux bien prendre mon courage à deux mains et hasarder une réponse.

Le sénateur Banks : Je ne parle que de l'aspect économique.

Mme Dybwad : Pour ce qui est des concentrations, avec les quantités que nous déversons et notre capacité de stopper et de renverser nos rejets dans l'air de tonnes de dioxyde de carbone, la tâche est monumentale. Peut-être que cela va à l'encontre de ce que j'ai dit au sujet de l'ingéniosité et de l'innovation humaines.

Le sénateur Mitchell : Je mise sur l'ingéniosité humaine.

Mme Dybwad : Il nous faudra très vite devenir très intelligents. Je ne sais pas comment nous ferons pour remanier les systèmes énergétiques existants. Cela demandera très longtemps pour renverser la situation.

Le sénateur Banks : Tout comme la demande et les pénuries influent sur le prix, lorsque le prix devient suffisamment fort, vous vous intéressez aux sources les plus difficiles à exploiter. L'inverse est également vrai, n'est-ce pas? En d'autres termes, si nous voulions dire que la conservation et que l'efficience font partie de l'adaptation dont vous faites état, si nous voulions être certains qu'il y ait un prix pleinement internalisé — si l'ensemble des coûts véritables étaient internalisés dans le coût au consommateur, pensez-vous que cela aurait un effet salutaire sur la conservation et l'efficience?

Mme Dybwad : Les économistes ont, selon un rapport de deux pour un, dit qu'une taxe sur le carbone est le mécanisme à retenir. Que l'on intervienne sur le plan du prix, car les gens réagiront comme il se doit aux prix. Ce n'est pas là une réponse politique.

Le sénateur Banks : Non, ce ne l'est pas. C'est une réponse économique.

Mme Dybwad : Cela n'a pas la cote, même pas du côté de l'industrie. Si vous discutez avec l'industrie, on vous dira « Donnez-nous un prix et une taxe afin que nous sachions ce qu'il en est, et nous ferons le nécessaire à partir de là ».

Le sénateur Banks : Étant donné que vous traitez avec l'industrie, aurions-nous raison de supposer que l'industrie accepte qu'il faille que cela arrive, que cela fait partie des mécanismes d'atténuation devant intervenir, et que l'industrie souhaite seulement qu'on lui dise quelles sont les règles?

Mme Dybwad : Vous parlez là de principes économiques de base. Cela nous ramène à Keynes, lorsqu'on parlait de taux d'intérêt. Des taux d'intérêt élevés ne sont pas un problème; des taux d'intérêt faibles ne sont pas un problème. C'est la volatilité entre les deux, et le fait de ne pas savoir, qui sont le problème. Quel que soit le taux d'intérêt, vous pouvez vous y adapter. Il en est de même dans le cas du prix du carbone. Qu'il soit élevé ou qu'il soit faible, nous nous adapterons. Dites-moi simplement ce qu'il sera.

Le sénateur Banks : Merci.

Mme Dybwad : Pour revenir à vos consommateurs, il vous faut vous rappeler que les plus importantes émissions proviennent du transport, et non pas de la production de pétrole et de gaz naturel. Est-ce Winnie l'ourson qui a dit « J'ai vu l'ennemi, et c'est nous »? Si vous voulez vraiment réduire le volume des émissions, cela doit se faire du côté de la consommation, un point c'est tout.

Le sénateur Banks : C'était là l'objet de ma question au sujet de l'internalisation des coûts véritables.

Le sénateur McCoy : Une part importante des coûts s'inscrivent du côté de la consommation, du camionnage, par exemple.

Le sénateur Brown : Merci beaucoup de votre exposé. Les billions de dollars dont nous parlons et l'incidence de la production de pétrole et de gaz naturel me fascinent.

Si nous fermions tout de suite l'industrie pétrolière et gazière, quelles industries continueraient de tourner? Les industries liées au transport, à l'agriculture, à la construction, au transport aérien, à la fabrication, au tourisme, à l'électricité et à l'exploitation minière continueraient-elles de tourner? Resterait-il quoi que ce soit que nous faisions autrefois à la sueur de notre front, mais qui dépend aujourd'hui de l'énergie?

Mme Dybwad : Je ne pense pas que j'aie de réponse à cette question.

Le sénateur Brown : Quelle part de notre économie est touchée par l'énergie que nous produisons? Je pense que cela doit avoisiner les 100 p. 100.

Le président : Je pense qu'il s'agit là d'une question rhétorique.

Mme Dybwad : Je suis en train de me dire la même chose. L'essentiel est que la consommation d'énergie augmente au même rythme que la population et le PIB, et plus une population est avancée, plus elle dépend d'énergie artificielle, par opposition à l'énergie solaire.

Le sénateur Banks : Dans la situation que vous évoquez, l'on constaterait une augmentation énorme du côté du stockage de racines et de légumes.

Mme Dybwad : Vous constateriez également très rapidement une réduction marquée de la population, et ce ne serait pas une réduction agréable.

Le sénateur Sibbeston : Ma question concerne le pipeline du Mackenzie. Dans les Territoires du Nord-Ouest, la perspective d'un gazoduc a été examinée au début des années 2000, et les Autochtones, surtout ceux de la région du delta du Mackenzie, ont constaté qu'il existait pour eux une vraie possibilité de participation. Ils ont créé un groupe autochtone, qui a participé aux côtés des grosses sociétés qui ont fini par proposer en 2003, je pense, le pipeline pour le gaz de la vallée du Mackenzie.

Depuis, la situation a beaucoup changé en ce qui concerne la disponibilité du gaz naturel, le gaz shale dans d'autres régions du pays, et le prix du gaz a peut-être reculé. Ces facteurs ont-ils une incidence sur la possibilité que ce gazoduc devienne un jour réalité?

Mme Dybwad : Sénateur, je ne peux faire que dans la conjecture, mais je ne vois pas d'autre solution. Je devine que, advenant que le permis soit accordé par la commission mixte d'examen et l'Office national de l'énergie, il reviendra aux promoteurs de décider quel sera selon eux le prix du gaz à l'avenir et, compte tenu du temps qu'il leur faudra pour construire ce gazoduc, si les prix du gaz auront suffisamment repris d'ici là. Nous avons déjà vu des bulles de gaz. Les gens croyaient que le prix du gaz n'allait jamais rebondir, mais il a rebondi. Je pense que la réponse est oui. Je pense que s'ils consultent leur boule de cristal et jugent que le prix du gaz sera suffisant pour que ce soit rentable qu'ils aillent de l'avant, alors c'est ce qu'ils feront. Pourrait-il s'écouler encore 30 ans, comme cela a été le cas entre le rapport Berger et l'actuel examen au sujet du pipeline? Cela pourrait-il attendre encore 30 ans? Je ne sais pas.

Le sénateur Sibbeston : Il y a quelques années, lorsque le projet a été proposé, ils étaient très intéressés et convaincus des mérites du pipeline. Ces dernières années, il semble qu'il y ait eu certains doutes, même du côté du gouvernement fédéral. Il y a eu un rapport disant que celui-ci ne semblait aucunement vouloir y participer. D'après vous, qu'est-ce qui a amené ces doutes?

Mme Dybwad : Il y a deux choses. Le prix du produit a chuté, et celui du projet est élevé. J'imagine que les redevances qui seraient requises pour récupérer ces coûts seraient considérables. Lorsque vous ajoutez le prix de la marchandise et le prix des redevances, cela donne un prix très élevé pour le gaz produit, ce qui nous ramène, encore une fois, à des considérations économiques. Pourquoi est-ce que je paierai 6 $ le million de pieds cubes pour du gaz du Mackenzie alors que je peux en obtenir pour 2 $ le million de pieds cubes de partout ailleurs?

Le sénateur Sibbeston : La même chose vaut-elle pour le gazoduc de l'Alaska?

Mme Dybwad : Oui, il sera lui aussi coûteux, car le prix du produit ne tient aucunement compte de son origine. C'est la même chose partout. Il n'y a pas de différentiel dans le cas du gaz, comme il y en a dans le cas du pétrole brut. Vous payez simplement les coûts du transport, et ce seront des pipelines très coûteux.

Le sénateur Sibbeston : Vous avez parlé du gaz de shale qui est présent aux États-Unis et dans certaines régions du Canada. Le gaz de shale est-il facilement exploitable? Dispose-t-on de la technologie pour l'extraire du sol et le mettre sur le marché?

Mme Dybwad : Comme l'a dit le sénateur Neufeld, cela est nouveau, mais les choses progressent. Chaque plaque de shale est différente, et requiert donc une technologie légèrement différente, mais les intervenants sont en train d'apprendre au fur et à mesure.

Le président : Madame Dybwad, je tiens à vous remercier au nom de mes collègues, membres du comité. Nous avons bénéficié d'un exposé très instructif et d'une merveilleuse approche à la question. Je pense que vous nous avez dit être d'accord pour nous fournir davantage de renseignements, par l'intermédiaire de la greffière.

Mme Dybwad : Absolument.

Le président : S'il nous était possible de vous revenir dans le courant de notre étude, cela nous ferait bien plaisir.

Mme Dybwad : Tout le plaisir serait pour moi. Si vous avez d'autres questions, mes collègues sont beaucoup plus calés que moi, et si je ne connais pas la réponse, nous nous efforcerons certainement de vous la trouver. S'il vous fallait d'autres études ou renseignements, nous serons certainement à votre disposition.

Le président : J'avais une centaine de questions environ, mais je vais m'abstenir d'en poser d'autres, sauf aux fins de contexte. Je crois comprendre que votre organisation est sans but lucratif. Vous inscririez-vous sous l'étiquette « laboratoire d'idées »?

Mme Dybwad : Certains de mes collègues font de l'urticaire dès qu'on leur parle de « laboratoire d'idées ». Oui, nous sommes en gros un laboratoire d'idées.

Le sénateur McCoy : Préférez-vous que l'on vous appelle institut de recherche?

Mme Dybwad : Oui.

Le président : Avez-vous des attaches particulières avec les grandes sociétés pétrolières?

Mme Dybwad : Non, nos partenaires sont le gouvernement fédéral, par le biais de RNCan, le gouvernement albertain par le biais du DOE, le gouvernement de la Saskatchewan par le biais du CIC, et la B.C. Utilities Commission est elle aussi membre. Nous comptons parmi nos adhérents des gouvernements, et nous avons également, bien sûr, des membres du secteur gazier et pétrolier, la Banque du Canada, et plusieurs institutions financières, dont Deloittes, EPCOR et Enmax. Nous couvrons le front d'eau.

Le sénateur McCoy : Vous avez effectué d'importantes études sur l'électricité.

Mme Dybwad : En effet. Compte tenu des fluctuations en matière d'expertise au sein de toute organisation, nous ne jouissons sans doute plus du niveau d'expertise en matière d'électricité qui était le nôtre auparavant. J'aimerais beaucoup récupérer ce que nous avions; vu mes antécédents chez SaskPower, j'aime l'électricité. Lorsque vous commencez à parler de systèmes énergétiques, l'électricité devient extrêmement importante. Comme je l'ai dit, cela n'est plus tellement notre rayon. Compte tenu de la fluctuation sur le plan de l'expertise que nous possédons, nous sommes en ce moment beaucoup plus axés sur les sables bitumineux et le gaz naturel, avec un petit élément nucléaire.

Le président : Vous avez un petit élément nucléaire?

Mme Dybwad : Est-ce possible d'avoir un petit élément nucléaire?

Le sénateur McCoy : Peut-être un petit élément radioactif?

Le président : La seule référence que j'aie vue en matière d'énergie nucléaire concernait la réduction des émissions nucléaires dans l'exploitation des sables bitumineux ou du bitume, mais nous ne nous sommes pas intéressés au nucléaire en tant que source énergétique primaire.

Mme Dybwad : Nous avons un attaché de recherche, ou peut-être un et demi, qui bricole dans ce domaine, plutôt que ce soit son domaine d'intérêt principal.

Le président : L'Association nucléaire canadienne est-elle semblable à votre institut, mais avec un intérêt particulier pour le nucléaire?

Mme Dybwad : Elle ressemble davantage à l'Association canadienne des producteurs pétroliers. Il s'agit d'un groupe de lobbying. Nous avons fait du travail par le passé et continuons de travailler pour l'Association nucléaire canadienne, comme nous le ferions pour l'ACPP ou n'importe qui d'autre.

Le président : Collègues, y a-t-il d'autres questions?

Encore une fois, merci beaucoup.

(La séance est levée.)


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