Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 7 - Témoignages du 5 mai 2009
OTTAWA, le mardi 5 mai 2009
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 10 h pour étudier le projet de loi C- 10, Loi d'exécution du budget 2009, parties 1-6, parties 8-10 et parties 13-15, particulièrement celles qui ont trait à l'assurance-emploi, et le Budget des dépenses déposé au Parlement pour l'exercice se terminant le 31 mars 2010.
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : honorables sénateurs, ce matin nous poursuivons notre de la Loi d'exécution du Budget 2009, qui a été le projet de loi C-10. En même temps, nous étudions le Budget des dépenses de 2009-2010.
[Traduction]
Nous nous sommes penchés, au cours des dernières semaines, sur des aspects précis du projet de loi C-10. Ce matin, nous allons jeter un regard plus général sur le budget de 2009. À cette fin, c'est avec plaisir que nous accueillons Jeremy Leonard, associé principal à l'Institut de recherche en politiques publiques. M. Leonard a codirigé l'ouvrage intitulé A Canadian Priorities Agenda : Policy Choices to Improve Economic and Social Well-Being, publié en octobre 2007. Il dirige actuellement les projets de recherche de l'institut axés sur l'innovation et la compétitivité.
Honorables sénateurs, M. Leonard a participé récemment à une conférence qui portait sur le sujet à l'étude. Nous sommes heureux qu'il ait accepté de venir rencontrer le Comité sénatorial permanent des finances nationales.
Monsieur Leonard, nous vous écoutons.
Jeremy Leonard, associé principal, Institut de recherche en politiques publiques, à titre personnel : Merci beaucoup, monsieur le président, de m'avoir invité à comparaître devant le comité pour discuter d'un sujet important, soit le budget de 2009.
[Français]
L'Institut de recherche en politiques publiques est un groupe de réflexion national, indépendant, bilingue et sans but lucratif situé à Montréal. L'indépendance de l'institut est assurée par un fonds de dotation établi au début des années 1970.
L'IRPP cherche à améliorer les politiques publiques canadiennes en encourageant la recherche, en mettant de l'avant de nouvelles perspectives et en suscitant des débats qui contribueront au processus décisionnel en matière de politique publique.
[Traduction]
Mon rôle, à l'institut, consiste à diriger les projets de recherche sur la politique économique. Mes propos, aujourd'hui, ne représentent pas le point de vue officiel de l'institut, mais se fondent sur les études stratégiques que nous avons publiées et mes connaissances en la matière.
L'institut publie tous les mois une revue intitulée Policy Options, que reçoivent tous les députés et sénateurs. Les numéros de février et de mars sont consacrés à la crise économique et au budget. Ils contiennent des renseignements de base utiles sur le sujet à l'étude.
Donc, notre objectif, ici, est d'examiner diverses parties de la Loi d'exécution du budget 2009, notamment les dispositions qui ont trait à l'assurance-emploi, et elles revêtent une importance capitale, vu notre position financière.
Nous pourrons, au cours de la période de questions, aborder n'importe quel aspect du budget. J'essaierai de vous répondre du mieux que je peux. Mon exposé va surtout porter sur l'assurance-emploi.
Je vais d'abord contextualiser mes propos et brosser brièvement un tableau de la situation économique actuelle. Je parlerai ensuite de l'évolution que connaîtra l'économie au cours de la prochaine année et du budget.
C'est une lapalissade de dire que nous vivons une période d'incertitude économique. La récession américaine sera probablement plus longue et profonde que celles que nous avons connues depuis la Grande Crise, quoi qu'il est trompeur et fallacieux de comparer les dommages qu'elle a causés à la calamité des années 1930.
Selon les idées reçues, la récession au Canada doit, par nécessité, être aussi intense que celle de nos voisins du sud. Nous savons tous pourquoi, les arguments étant les mêmes depuis des décennies. Le gros de nos exportations sont destinées aux États-Unis, notre part a augmenté grâce au libre-échange, ce qui veut dire que nous sommes enchaînés au cycle économique américain.
Or, nos économies sont-elles aussi étroitement liées qu'on le laisse entendre? Je n'en suis pas convaincu. En effet, l'essor des produits de base au cours des dernières années a permis au Canada de déclasser les États-Unis et d'éviter pendant plus longtemps la récession. En raison de la croissance sous-jacente de la demande en Chine et dans d'autres marchés émergents, les prévisions à moyen terme des prix des produits de base sont, en fait, assez optimistes. C'est pour cette raison que le Canada et les autres pays exportateurs de ressources naturelles, comme la Norvège et l'Australie, vont sortir en premier du marasme économique planétaire, et assez rapidement. Il est important de noter que les prix du pétrole brut, qui ont connu de sérieuses fluctuations au cours de la dernière année, demeurent deux fois plus élevés qu'ils ne l'étaient avant que l'essor des produits de base ne commence. Les prix oscillent autour de 54 $ le baril. Nous pouvons dire la même chose de nombreux autres produits de base exportés par le Canada.
En raison de cette dynamique, notre part des exportations canadiennes vers les États-Unis a reculé : elle est passée de 84 p. 100, en 2001, un niveau record, à environ 75 p. 100, ce qui est légèrement supérieur à ce qu'elle était juste avant la signature de l'accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. L'écart a été comblé par les marchés émergents en pleine croissance, qui sont de gros consommateurs de ressources naturelles.
[Français]
Si on examine le secteur résidentiel, le contraste entre le Canada et les États-Unis est plus frappant que ce que les manchettes laisseraient entendre. Les mises en chantier aux États-Unis ont chuté de près de 70 p. 100, comparativement à 25 p. 100 chez nous. Le budget 2009 a d'ailleurs souligné, avec raison, que le secteur immobilier subit un léger recul et non une crise. C'est pourquoi j'étais surpris de voir autant d'argent, soit 7,8 milliards de dollars, consacrés aux mesures pour stimuler le secteur résidentiel. À mon avis, ces fonds auraient pu être mieux utilisés.
[Traduction]
J'ai ici plusieurs diapositives qui illustrent les différences pertinentes entre les économies américaine et canadienne. Vous pouvez les examiner à votre guise. Je veux toutefois attirer votre attention sur celle qui traite de l'emploi.
[Français]
Le tableau concernant le secteur résidentiel est frappant, aux États-Unis, et les emplois sont à la baisse depuis janvier 2008. Cette chute s'est effectuée neuf mois plus tôt qu'au Canada. Nonobstant ces chiffres à la baisse depuis janvier 2009, le nombre d'emplois au Canada est toujours plus élevé qu'il y a deux ans. Par conséquent, notre pouvoir d'achat, de façon globale, est beaucoup moins réduit qu'aux États-Unis. Néanmoins, on compte aujourd'hui 330 000 chômeurs de plus qu'il y a neuf mois et ce nombre risque de s'accroître dans les prochains mois.
Les défis économiques au Canada sont donc d'un tout autre ordre que chez nos voisins. Étant donné la crise financière, nous vivons des difficultés liées au crédit. Toutefois, nous sommes les victimes et non la source du problème. Le budget 2009 contient plusieurs mesures très importantes pour faciliter l'accès au crédit.
[Traduction]
Le cadre de financement exceptionnel a pour objet de garantir les hypothèques, de fournir aux établissements financiers le capital dont ils ont besoin pour reprendre leurs activités de prêt, et de hausser le pouvoir d'emprunt des sociétés d'État, comme Exploitation et développement Canada et la Banque de développement du Canada.
J'appuie vivement ces mesures, car, à mon avis, elles brossent un tableau exact de la situation, une situation qui n'a rien à voir avec la crise financière catastrophique et très réelle qui secoue les États-Unis. Bref, notre système financier est foncièrement solide, mais notre proximité et intégration économiques avec les États-Unis exigent l'injection modeste et profitable, à court terme — pour le gouvernement —, de capital dans les marchés financiers canadiens.
[Français]
Côté cyclique, les défis sont classiques. La chute du prix des denrées et les pertes d'emplois ont réduit le pouvoir d'achat. Même si les Canadiens disposent de plus d'économies que leurs voisins du sud pour soutenir la consommation, ces épargnes ne seront pas suffisantes.
[Traduction]
Pour atténuer de manière efficace les effets du repli conjoncturel, un budget doit contrecarrer les forces négatives qui malmènent l'économie. Concernant les prix des produits de base, nous ne pouvons pas faire grand-chose pour les influencer, car ils sont fixés par les marchés mondiaux, en fonction de l'offre et de la demande enregistrées à l'échelle planétaire. Comme je l'ai mentionné, les prévisions à moyen terme sont positives, mais à court terme, la politique budgétaire canadienne ne peut avoir aucun effet sur les produits de base.
Toutefois, on peut faire beaucoup pour stimuler le pouvoir d'achat. Le budget contient, à cet égard, plusieurs exemples : baisse de l'impôt des particuliers, majoration de la prestation fiscale canadienne pour enfants, hausse de la prestation fiscale pour le revenu de travail, prestations d'assurance-emploi plus généreuses. La PFRT, la prestation fiscale pour le revenu de travail, et les mesures touchant les prestations d'assurance-emploi sont particulièrement importantes, parce qu'elles ont pour effet de mettre plus d'argent dans la poche des personnes qui sont les plus susceptibles de le dépenser — les travailleurs à faible revenu et les chômeurs. Voilà le genre de stabilisateurs automatiques dont nous avons besoin pour nous doter d'une politique budgétaire contracyclique efficace.
[Français]
Cela dit, le budget était, à mon avis, beaucoup trop timide dans ses mesures liées à deux domaines : 1,3 milliard de dollars de plus pour la prestation fiscale pour le revenu de travail et 1,9 milliard de plus pour l'assurance-emploi. Tel que je l'ai indiqué, ces montants sont minimes, comparés à près de 8 milliards de dollars pour le secteur résidentiel.
[Traduction]
Par ailleurs, le budget aurait dû prévoir le versement de prestations complémentaires plus généreuses. Habituellement, les États-Unis prolongent la période de prestations d'assurance-emploi de 13 semaines lorsque le pays est frappé par une récession. Celle-ci a été prolongée de 26 semaines durant la crise de 1981-1982. La prolongation de cinq semaines de la période de prestations d'assurance-emploi, annoncée dans le budget de 2009, ne tient pas vraiment compte des tendances actuelles de la durée de l'emploi. Pire encore, le public risque de percevoir cette mesure comme une mesure permanente, même si elle ne l'est pas. Elle ne fait que ramener la période à ce qu'elle était avant 1996. Cela dit, cette prolongation de cinq semaines n'est pas suffisante, compte tenu de la conjoncture économique actuelle.
À mon avis, il aurait fallu faire beaucoup plus. Par exemple, il aurait fallu profiter de cette occasion pour s'attaquer à certaines inégalités structurelles de longue date que contient le programme. Or, il n'y avait pratiquement rien à cet égard dans le budget. L'inégalité la plus flagrante est celle-ci : le nombre d'heures d'emploi requis pour être admissible aux prestations d'assurance-emploi varie considérablement d'une région à l'autre, en fonction du taux de chômage local. Par conséquent, les régions les plus durement touchées par la récession, l'Alberta et le Sud de l'Ontario, sont celles où il est le plus difficile d'avoir droit à l'assurance-emploi. Cette situation a eu pour effet de réduire le pourcentage de chômeurs qui touchent l'assurance-emploi.
En janvier 2009, moins de 30 p. 100 des Albertains et des Ontariens n'avaient déclaré aucun revenu de travail et touchaient des prestations d'assurance-emploi. Ce chiffre atteignait plus de 70 p. 100 dans les Maritimes. Ce qui veut dire qu'ils ont jusqu'ici évité le pire de la récession.
Ces subventions régionales implicites et importantes signifient que le programme d'assurance-emploi s'est éloigné de son objectif premier, qui est d'assurer un revenu d'appoint en cas de perte d'emploi imprévue. Le Canada veut peut- être maintenir les subventions au développement régional et l'aide accordée aux travailleurs saisonniers — je ne suis pas contre —, mais je crois que ces mesures devraient être dissociées du programme d'assurance-emploi et expliquées plus clairement pour que nous sachions ce que nous dépensons, et à quelle fin.
Si nous voulons ramener le programme d'assurance-emploi à sa mission de base et mettre plus d'argent dans la poche de ceux qui en ont besoin en période de ralentissement économique, nous devons adopter une règle de l'intensité fondée sur les taux de cotisation et les niveaux de prestations. Je m'explique : les entreprises qui mettent à pied moins de travailleurs devraient être tenues de verser des taux de cotisation d'assurance-emploi inférieurs. Parallèlement, les travailleurs qui présentent des demandes moins souvent devraient toucher des prestations d'assurance-emploi plus élevées. Cette formule s'apparente à celle qu'utilise le secteur de l'assurance privée, et aussi la plupart des États américains pour financer leurs programmes d'assurance-emploi.
En pratique, un programme d'assurance-emploi bonifié passe par le rétablissement et le renforcement de nombreuses dispositions qui figuraient dans la Loi sur l'assurance-emploi de 1996. Cette loi avait pour objet de faire en sorte que le programme serve non pas à suppléer le revenu régulier, mais à fournir une assurance contre toute perte d'emploi imprévue. Elle prévoyait des changements modestes à la règle d'intensité fondée sur les niveaux de prestations puisqu'elle réduisait le taux de remplacement de un point de pourcentage pour chaque bloc de 20 semaines ou plus de prestations demandées au cours des cinq années antérieures. Plus une personne présentait des demandes, moins de prestations elle recevait. Toutefois, cette mesure a été abolie en 2000. Aujourd'hui, le régime d'assurance-emploi ne prévoit aucune règle de l'intensité. La plupart des modifications dont il a fait l'objet depuis 2000 ont porté sur la majoration des prestations versées aux travailleurs saisonniers, ce qui ne fait qu'encourager le travail saisonnier et la dépendance à long terme à l'égard de l'assurance-emploi.
Si l'assurance-emploi était strictement administrée comme une police d'assurance, le régime, à la longue, se financerait de lui-même, puisque les cotisations payées seraient égales aux prestations versées. Dans les années 1990, le programme a subi des changements radicaux : les critères d'admissibilité ont été resserrés et les niveaux de prestations ont été réduits. Le gouvernement s'est retrouvé avec des surplus, qu'il a utilisés pour financer d'autres programmes. Ce geste a causé beaucoup de mécontentement sur le plan politique. Il a également eu pour effet de surtaxer le revenu d'emploi comme source de revenu pour le gouvernement fédéral.
Les taux de cotisation et les niveaux de prestations fondés sur la règle de l'intensité permettraient au programme d'assurance-emploi d'étendre sa couverture et sa portée. Si le programme s'appuyait sur de véritables principes d'assurance, les désincitatifs au travail seraient moindres, et les problèmes liés au risque moral aussi. Les entreprises y réfléchiraient à deux fois avant de mettre à pied des travailleurs parce que ces décisions auraient un impact direct sur leur situation financière. Les répercussions de la règle de l'intensité seraient plus sévères, et leurs dépenses augmenteraient à court et à moyen terme. Il serait alors logique d'augmenter le taux de remplacement des revenus au- delà du pourcentage actuel de 55 p. 100, et d'assouplir les critères d'admissibilité dans les régions qui enregistrent de faibles taux de chômage, comme je l'ai déjà mentionné. Nous pourrions, par exemple, exiger que les travailleurs accumulent 360 heures d'emploi et ce, dans toutes les régions, et non entre 420 et 700 heures, comme c'est le cas actuellement. Nous pourrions également réduire les exigences très sévères imposées aux nouveaux arrivants et améliorer l'accès à d'autres prestations et services, comme l'aide à l'emploi et à la formation et le congé parental.
[Français]
En conclusion, c'est avec grand intérêt que j'ai écouté, lors de la Convention libérale de Vancouver, les propos de Michael Ignatieff à l'égard de l'assurance-emploi. Les thèmes qu'il a évoqués ne sont pas encore assez développés pour porter jugement, mais j'espère qu'ils susciteront un débat de fond sur la mission et le fonctionnement du système d'assurance-emploi qui, à mon avis, est une importante ligne de front dans la bataille contre la récession.
[Traduction]
Mon exposé est terminé. Je répondrai volontiers aux questions qui portent sur les autres aspects du budget.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Leonard. Je suis certain que nous allons vous poser des questions sur d'autres aspects du projet de loi C-10. Il s'agit, comme vous le savez, d'un projet de loi omnibus assez volumineux. Ce que nous déplorons, entre autres, c'est que certaines dispositions n'ont pas reçu l'attention qu'elles méritent, car le projet de loi devait être examiné avec célérité.
Vous avez mentionné EDC. Pouvez-vous nous parler du mandat qui a été confié à la société au Canada, mandat que l'exécutif, le gouvernement, pourra prolonger? Est-ce que cette mesure, à votre avis, est nécessaire et souhaitable?
M. Leonard : L'idée d'utiliser des sociétés d'État pour accorder du crédit et des prêts aux entreprises qui en ont besoin est une sage décision, d'un point de vue politique. Les deux principales sociétés qui seront appelées à remplir ce rôle sont la Banque de développement du Canada et Exportation et développement Canada. Je n'ai rien contre le fait qu'Exportation et développement Canada intervienne sur le marché intérieur, à la condition que cette pratique soit temporaire.
Il est question ici de politique et non de stratégie. La décision du gouvernement d'accorder du crédit si les banques, pour une raison ou pour une autre, ne prêtent pas assez est une politique sensée. Aurait-il fallu confier cette tâche à la Banque de développement du Canada, dont la mission est de desservir surtout le marché intérieur? Peut-être. Toutefois, je ne crois pas que cette approche, en termes de processus, soit mauvaise.
Le sénateur Nancy Ruth : Merci d'être venu nous rencontrer. J'ai lu votre ouvrage sur les options politiques et je vous ai entendu à la radio, ce matin.Vous souhaitez que le Canada se démarque des États-Unis, mais vous voulez en même temps qu'il adopte certaines dispositions du régime américain d'assurance-emploi et qu'il les resserre. J'ai un peu de mal à vous suivre. Je suis heureuse de voir que vous trouvez que le budget contient des mesures positives : mentionnons la PFRT, l'augmentation du pouvoir d'achat, la majoration de la prestation fiscale canadienne pour enfants et les baisses d'impôt.
Mais revenons à l'assurance-emploi. Même si nous adoptons une règle de l'intensité et que nous espérons que le régime s'autofinance grâce aux cotisations versées par les employeurs et les employées, il restera toujours des personnes qui n'auront pas droit à l'assurance-emploi. Je songe aux plus démunis qui sont visés par les transferts sociaux. Est-ce que le programme d'assurance-emploi axé sur la règle de l'intensité auquel vous aspirez n'exclut pas un certain nombre de groupes, par exemple, les étudiants et les femmes qui doivent cumuler deux ou trois emplois à temps partiel et qui reçoivent rarement des prestations d'assurance-emploi? Si oui, comment allez-vous financer les prestations d'aide sociale qui devront être versées à un plus grand nombre de personnes parce qu'elles n'ont pas droit à l'assurance- emploi?
Selon moi, la mise en place d'un programme d'assurance-emploi axé sur la règle de l'intensité va avoir pour effet d'accroître le fardeau fiscal des provinces, du gouvernement fédéral et, partant, d'alourdir les transferts sociaux. Voilà ma question.
M. Leonard : C'est une question fort intéressante. Le marché du travail a beaucoup évolué au cours des 15 à 20 dernières années. Il est vrai, comme vous le dites, qu'il y a davantage de personnes qui occupent des emplois à temps partiel ou encore qui travaillent à leur compte et qui n'ont pas droit à l'assurance-emploi. Il est vrai que la règle de l'intensité complique les choses. Le programme actuel s'adresse aux travailleurs à temps plein ou saisonniers. Or, nous devons restructurer le régime d'assurance-emploi pour tenir compte des changements observés dans le marché du travail.
Deux options s'offrent à nous. Nous pouvons continuer d'avoir un programme d'assurance-emploi qui privilégie les travailleurs à temps plein et saisonniers. Ou encore, nous pouvons regrouper tous les autres travailleurs sous le régime de l'aide sociale. Honnêtement, je ne voudrais pas d'un tel système. La règle de l'intensité doit être modulée en fonction du nombre de fois qu'une personne est mise à pied, du point de vue de l'employeur, ou en fonction du nombre de fois qu'une personne demande des prestations. Nous pourrions mettre sur pied un programme qui tient compte des travailleurs à temps partiel.Toutefois, c'est un peu délicat, car le programme d'assurance-emploi vise, en partie, à encourager davantage le travail à temps plein et la participation à la vie active.
La règle de l'intensité est complexe. Si une personne peut prouver qu'elle détient plusieurs emplois, cela peut jouer en sa faveur et être pris en considération. Une personne pourrait ainsi détenir plusieurs emplois, ce qui est le cas particulièrement des personnes seules.
Faudrait-il traiter différemment les étudiants? Voilà une question difficile à trancher sur le plan de la politique gouvernementale. Je fréquentais l'Université McGill avant la réforme. Nous aimions tous nos emplois d'assistant à l'enseignement, car lorsque nous étions mis en disponibilité, nous partions en vacances au Mexique et nos amis déposaient nos chèques d'assurance-chômage. Je devrais peut-être passer cela sous silence, mais c'est désormais chose du passé. La situation des étudiants est particulière : ils gagnent un revenu après l'année scolaire, mais certains travaillent pendant celle-ci. Sur le plan de la politique gouvernementale, il faut déterminer l'opportunité de traiter distinctement ce groupe. Nous pourrions souhaiter le faire, ce qui serait réalisable grâce à la règle de l'intensité, et je suis convaincu qu'ils devraient être traités différemment. C'est ma propre expérience qui me fait parler ainsi.
On peut modifier la règle de l'intensité pour tenir compte de ces cas particuliers, mais il reste à déterminer si nous voulons le faire dans le cadre de la politique gouvernementale. Le régime s'autofinancera pour ceux qui y ont recours. Pour les autres, les fonds devront manifestement provenir d'une autre source. Je suis d'accord avec vous.
Le sénateur Nancy Ruth : Où trouver cette autre source? C'est là le problème. Si le régime d'assurance-emploi était modifié en ce sens, seules les personnes satisfaisant à des critères élevés en matière d'utilisation antérieure seraient admissibles, ce qui exclurait un grand nombre.
J'aimerais avoir votre avis sur une question plus générale. Je conviens avec vous que le régime d'assurance-emploi vise à offrir au prestataire un niveau de vie analogue à celui qu'il avait lorsqu'il travaillait à temps plein. Personne ne nous a parlé d'un modèle économique différent.
Il faut produire et il faut acheter. J'ai toujours cru du fond de mon cœur qu'un tel raisonnement était fallacieux, lorsque nous voyons tout ce que nous consommons. Par exemple, vaut-il la peine de taxer notre sous-sol pour en tirer telle ou telle ressource afin de pouvoir consommer davantage? Avez-vous envisagé d'autres modèles économiques qui ne soient pas axés sur la consommation?
M. Leonard : Je me suis penché assez longuement sur cette question philosophique. J'ai songé au modèle propre à la plupart des sociétés industrielles, et il m'est apparu évident que nous voulons une économie viable, peu importe ce que cela veut dire. Nous achetons des biens de première nécessité mais également des produits de luxe. La distinction entre les deux varie d'une personne à l'autre.
À court terme, nous revenons aux principes de notre ami Keynes en période de repli conjoncturel, et je ne prétends pas être un de ses disciples. Il n'en demeure pas moins que stimuler la consommation est efficace en période de repli conjoncturel. Je ne saurais dire quel genre de consommation il faudrait stimuler, mais c'est une mesure efficace pour atténuer les effets d'un tel ralentissement. En période de prospérité, il faudrait préconiser un ralentissement de la consommation afin d'éviter l'alternance de forte expansion et de récession.
Faudrait-il taxer notre sous-sol pour que nous puissions consommer davantage? C'est là une question philosophique. Je suis d'avis qu'il faudrait le faire uniquement dans la mesure où cela est viable à long terme. Je ne suis pas plus en mesure que vous de déterminer si ce que nous faisons est viable à long terme.
Le sénateur Nancy Ruth : Pour parvenir à cette « viabilité », on taxe notre sous-sol.
M. Leonard : Tout à fait. Vous abordez un autre aspect : les ressources que recèle notre sous-sol vont finir par s'épuiser, mais nous ignorons quand. À long terme, il est clair que le modèle économique du Canada devrait évoluer pour favoriser l'avènement d'une société du savoir à valeur ajoutée, dont nous avons entendu parler. On pourrait faire valoir que la prospérité du secteur des ressources a été utile sur le plan de la rentrée d'argent mais a porté préjudice à l'économie du savoir, d'après ce qui se passe en Alberta. Par exemple, on arrête ses études secondaires pour se remplir les poches dans le secteur pétrolier.
Économiser est le contraire de consommer. C'est une vertu que nous ont enseignée nos parents et nos grands- parents. En période de récession, notre instinct nous dicte d'économiser davantage, mais l'histoire nous a montré qu'agir ainsi nous enfonce davantage dans la récession.
Le sénateur Callbeck : Monsieur Leonard, je voudrais aborder votre proposition concernant le régime d'assurance- emploi. Selon vous, les entreprises qui mettent en disponibilité moins de travailleurs seraient assujetties à un taux de cotisation inférieur et les travailleurs qui demandent moins fréquemment de l'assurance-emploi recevraient des prestations supérieures.
Dans ma province, les emplois saisonniers abondent dans les secteurs du tourisme, de la pêche et de l'agriculture. L'hiver est la saison morte, mais on a besoin de travailleurs au printemps, en été et en automne. D'après votre proposition, les employeurs devraient cotiser davantage et les travailleurs recevraient des prestations moindres.
M. Leonard : C'est pourquoi j'ai indiqué que je n'assujettirais pas les emplois saisonniers au régime d'assurance- emploi, et il existe des solutions à cet égard. Je conviens que nous ne voulons pas d'un régime d'assurance-emploi favorisant une migration interprovinciale exagérée.
À cet égard, il existe une solution sur le plan de la politique gouvernementale : le montant forfaitaire versé aux travailleurs saisonniers. On ne tient pas compte de la règle de l'intensité ni du nombre d'heures travaillées. On accorde simplement un montant forfaitaire. Un tel système a la préférence des économistes puisqu'il n'incite pas les travailleurs à travailler davantage ou moins, ou encore à se trouver un emploi ailleurs. La règle de l'intensité est en vigueur aux États-Unis, et la dynamique y est différente. C'est ce dernier système que je préconiserais puisque le nôtre n'établit aucun lien entre la fréquence du recours à l'assurance-emploi et des mises en disponibilité d'une part, et les taux de cotisation et les taux de prestations d'autre part. C'est tout à fait inefficace pour un pays.
Si les travailleurs saisonniers n'étaient pas assujettis au régime d'assurance-emploi, nous pourrions tabler sur ce que les travailleurs non saisonniers feraient économiser au régime et nous attaquer au problème des premiers tout au long de l'année. À l'égard des travailleurs mis en disponibilité, ma première recommandation consisterait à leur accorder un montant forfaitaire. Il existe cependant d'autres solutions. Si les travailleurs saisonniers n'étaient pas assujettis au régime et si la règle de l'intensité ne s'appliquait pas, je pense que nous pourrions avoir le meilleur des deux mondes.
Le sénateur Callbeck : Qu'entendez-vous par paiement forfaitaire?
M. Leonard : Il s'agirait simplement d'un montant fixe. Tout travailleur saisonnier toucherait tous les ans un montant fixe établi en fonction de plusieurs facteurs, notamment le pourcentage de son revenu saisonnier moyen, et non pas en fonction du nombre d'heures travaillées ou de tout autre facteur du régime d'assurance-emploi.
Le sénateur Callbeck : En ce qui concerne les mesures visant le secteur du logement qui s'élèvent à 7,8 milliards de dollars, vous estimez que ce montant aurait dû être investi ailleurs. Où aurait-il fallu l'investir?
M. Leonard : Je m'en serais servi pour bonifier les prestations d'assurance-emploi et la Prestation fiscale pour le revenu de travail. Si les travailleurs saisonniers n'étaient plus assujettis au régime d'assurance-emploi, une partie de l'argent ainsi économisé serait affectée à cette bonification. À mon avis, il s'agit là de mesures anticycliques efficaces.
La Prestation fiscale pour le revenu de travail permet efficacement d'affaiblir le « piège social ». Lorsque vous commencez à travailler et que vous perdez les avantages de l'aide sociale, il se peut que votre situation empire ou que votre revenu augmente à peine.
J'aurais souhaité qu'on mette moins l'accent sur le secteur du logement et qu'on accorde davantage la priorité aux stabilisateurs automatiques auxquels j'ai fait allusion, en l'occurrence la PFRT et un régime d'assurance-emploi plus généreux ainsi que la mise en œuvre de la règle de l'intensité. Augmenter les prestations et uniformiser les critères d'admissibilité dans l'ensemble du pays coûtera de l'argent à court terme.
Le sénateur Banks : Vous avez soulevé la question du développement durable. Vous avez sans doute envisagé comment les gouvernements pourraient traiter les recettes tirées des ressources naturelles.
À mon avis, tous les gouvernements, y compris le gouvernement fédéral et certes les gouvernements provinciaux, traitent comme un revenu ces recettes — ou redevances, comme nous avions l'habitude de les appeler. Je peux comprendre que ce soit le cas pour les recettes tirées de la production d'électricité. Cependant, celles tirées de ressources non renouvelables ne sont pas un revenu à mes yeux. On parle plutôt d'une conversion d'actifs en liquide, ce qui est différent.
Avez-vous songé à cette différence? Comment traitons-nous les recettes publiques tirées de ressources non renouvelables alors que, si vous exploitez une entreprise, celles-ci ne constituent pas vraiment un revenu?
M. Leonard : C'est une bonne question, sur laquelle je me suis penché. Le point que vous avez fait valoir est tout à fait juste.
D'aucuns pourraient soutenir que vous n'ajoutez aucune valeur au produit extrait du sous-sol, que vous le changez simplement de place. Il y a en fait une valeur ajoutée. Le produit est utile à l'économie du seul fait qu'il n'est plus dans le sous-sol mais dans un camion.
Le sénateur Banks : Il y a également une valeur ajoutée lorsqu'il y a fusion ou raffinage.
M. Leonard : Tout à fait.
Le sénateur Banks : Néanmoins, vous avez converti cet actif en liquide parce que des redevances sont versées non pas sur la valeur ajoutée mais sur le produit brut extrait.
M. Leonard : Je pense que « capital naturel » serait une expression plus juste pour désigner nos ressources naturelles, et c'est ce capital naturel que nous réduisons.
Sur le plan de la comptabilité publique, il faudrait mesurer la dépréciation des actifs, en comparant la valeur initiale à ce qu'on reçoit, comme on le ferait pour le capital national. La valeur ajoutée moins ce qui s'est déprécié constitue l'augmentation nette de capital.
Vous avez tout à fait raison pour ce qui se passe actuellement. Ce même principe comptable n'a pas été employé. Les économistes commencent à s'en servir en ce qui concerne les ressources naturelles.
Le graphique montrant le produit intérieur brut et le revenu national brut fait ressortir votre point, sénateur Banks. Comme nous l'avons fait au cours des cinq dernières années, nous vendons ces ressources à fort prix, ce qui nous procure des profits étant donné leur prix élevé et leur abondance. Les recettes ont atteint des centaines de milliards de dollars au cours des dernières années.
Le problème, c'est qu'une partie de ces profits aurait dû être affectée au développement durable étant donné que nous avons réduit une partie de notre capital naturel. En Alberta, tant le secteur public que le secteur privé ont dépensé en fait la plupart de ces profits. Des analyses montrent comment l'Alberta a administré cette rentrée d'argent et le Fonds du patrimoine, mais je ne possède pas les connaissances nécessaires pour aborder la question. Les recettes touchées par l'Alberta ont augmenté de façon fulgurante. Cependant, il aurait fallu effectuer la pondération comptable afin de tenir compte de la diminution du capital de base.
Le sénateur Banks : Le cas échéant, il aurait fallu penser différemment. Nous avons hérité d'une abondance de ressources, et nombreux sont ceux qui veulent se les procurer. Nous vendons à tout venant, et nous demandons un petit surplus à cause du produit fini et transformé. Mais c'est une ressource non renouvelable.
Si nous pensions ainsi, aurions-nous un point de vue différent de ce qu'est vraiment le « développement durable »? Adopterions-nous un point de vue différent et chercherions-nous prudemment à équilibrer la diminution de notre capital et sa conversion en liquidités?
M. Leonard : J'estime que oui. J'ignore dans quelle mesure, mais si vous appliquiez les principes comptables sur le capital naturel, les redevances seraient inférieures. J'ignore dans quelle mesure. Il s'ensuivrait des répercussions sur la situation budgétaire du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux, ce qui influerait les politiques publiques ainsi que la façon dont le gouvernement fédéral perçoit les impôts et dépense l'argent des contribuables.
Votre principal point est pertinent. En raison du principe comptable que nous utilisons, nous dépensons peut-être plus que ne le permet notre capital naturel, et ce sans tenir compte des principes du développement durable. Il serait utile d'essayer de corriger cette lacune.
Le sénateur Ringuette : Je ne partage pas votre opinion sur la règle de l'intensité dans le régime d'assurance-emploi. Je n'ai jamais adhéré au principe que le régime et les prestations d'assurance-emploi soient fondés sur l'encouragement à la participation au marché du travail. C'est comme si l'on disait que les travailleurs de l'automobile ontariens sont mis en disponibilité et ne participent pas vraiment au marché du travail. Ce principe est entièrement faux.
Vous avez dit que le travail saisonnier ne devrait pas être assujetti au régime et vous avez évoqué le paiement forfaitaire. Je ne suis pas d'accord avec vos observations sur les problèmes du régime d'assurance-emploi et l'opportunité d'appliquer la règle de l'intensité ou de ne pas assujettir le travail saisonnier au régime, ce qui revient au même.
Dans la foulée des propos du sénateur Nancy Ruth, je vous ferai valoir que, la dernière fois que j'ai vérifié, j'ai relevé 23 programmes fédéraux-provinciaux différents en matière d'aide financière et de redistribution. Avez-vous effectué des recherches sur le revenu minimum garanti?
M. Leonard : Oui. La présidence a fait allusion au livre intitulé A Canadian Priorities Agenda. Un chapitre porte sur l'insécurité financière, un des problèmes que nous avons examinés. Il y est proposé que le revenu minimum garanti et uniforme constituerait une solution supérieure à la mosaïque de mesures que nous avons actuellement.
Dans l'étude, nous n'avons pas envisagé la faisabilité de cette solution sur le plan politique. Il y a manifestement des problèmes d'ordre politique que je n'aborderai pas. Cependant, si nous devions créer de toutes pièces un régime de soutien du revenu, de nombreux motifs économiques valables justifieraient une telle solution. Il surviendrait naturellement des problèmes, mais je vous résumerai certains aspects de la dynamique qui en découlerait.
Une telle solution tient compte du fait que les personnes sont les mieux en mesure de savoir quoi faire de leur argent. Autrement dit, nous n'avons pas besoin de programmes de prestations en nature, dans le cadre desquels le gouvernement affirme : « Vous êtes admissible à ce programme, mais vous fournirons le service au lieu de vous donner de l'argent. » C'est le principe de base.
Le problème, c'est que cela coûte très cher. Il en coûterait beaucoup plus de fixer le revenu minimum garanti à un niveau légèrement supérieur à ceux en vigueur pour l'aide sociale, car tous seraient couverts, et non pas uniquement certaines sous-catégories comme les personnes à la recherche d'un emploi. Lorsqu'on a une mosaïque de mesures, il y a de nombreux critères d'admissibilité. Ce programme s'appliquerait à tous. Il coûterait passablement plus cher, mais son administration serait simple puisqu'elle s'effectuerait par l'intermédiaire du système fiscal. Sur le plan de l'efficience, de nombreux arguments prêchent en sa faveur.
Est-ce réalisable dans le contexte politique actuel au Canada? Je n'en suis pas convaincu. Cependant, à titre d'économiste, me tient beaucoup à cœur la notion de revenu minimum pour tous, ce qu'on appelle parfois un impôt négatif sur le revenu.
Le sénateur Ringuette : Pourriez-vous remettre au comité la recherche que vous avez effectuée sur cette question?
M. Leonard : Oui. Je remettrai le chapitre à la présidence.
Le sénateur Di Nino : Nous demandons souvent aux témoins de nous remettre des documents. Pourrions-nous consulter autrement votre document?
M. Leonard : Il n'est pas à la disposition du public.
Le sénateur Ringuette : Je me dois de remettre en cause votre déclaration selon laquelle l'économie canadienne n'est pas aussi étroitement liée à l'économie américaine. Nous exportons 80 p. 100 de nos biens et services aux États-Unis. Qu'il s'agisse de produits énergétiques, agricoles ou forestiers — mais cela ne vaut peut-être plus autant pour les produits forestiers —, comment nos économies ne peuvent-elles être aussi liées? J'arrive difficilement à comprendre votre raisonnement lorsque vous dites que l'économie canadienne n'est pas aussi liée à l'économie américaine à cause des exportations de produits de base. Pourriez-vous me donner des explications?
M. Leonard : Je me suis peut-être mal exprimé. Je ne voulais pas dire qu'elle n'était pas aussi étroitement liée, mais bien qu'elle n'était pas aussi liée que par le passé. Nos deux économies seront toujours liées dans une certaine mesure, parce que, comme vous l'avez signalé à juste titre, la majorité de nos exportations sont destinées aux États-Unis. Il faut se rappeler que nos exportations représentent le tiers de notre économie. Donc de 20 à 25 p. 100 de notre économie se retrouve aux États-Unis.
Je ne prétends pas que nos économies sont totalement indépendantes et que les deux pays vont agir tous deux à leur guise, car c'est loin d'être le cas. Cela ne le sera jamais d'ailleurs. Je voulais simplement dire que notre part d'échanges commerciaux avec les États-Unis a diminué au cours des six ou sept dernières années. Elle ne chutera probablement jamais sous les 70 p. 100, mais des économies émergentes en plein essor, notamment la Chine, prennent rapidement d'assaut ce marché. Ce sont des économies avides de ressources, particulièrement le pétrole brut et les métaux industriels et, à un degré moindre, le bois d'œuvre, car il demeure un marché d'exportation dominé par les États-Unis.
Tous ces facteurs ont aidé le Canada dans les dernières années — si on oublie la discussion que j'ai eue avec le sénateur Banks, à savoir que l'on tient compte de ce revenu supplémentaire —, et ont pour effet de nous distancier quelque peu de l'économie américaine. Au cours des derniers trimestres, les mesures de relance économique prises par la Chine ont eu pour effet d'accroître de façon exponentielle les investissements. Cette montée a eu des répercussions sur la trajectoire du prix du brut, comme nous l'avons constaté au cours des dernières semaines, ainsi que sur le prix de certains métaux industriels.
Il ne faut tout de même pas croire que notre économie connaîtra un boom tandis que les États-Unis sont plongés en pleine récession. Les choses ne se passeront pas ainsi, car nos liens commerciaux tiennent toujours. Toutefois, à mon avis, le Canada vivra une récession moins profonde et moins longue que son voisin, précisément parce qu'il entretient des relations économiques avec d'autres partenaires que les États-Unis, des partenaires qui jouent un rôle de plus en plus important au sein de l'économie canadienne, même s'ils ne prendront jamais la vedette.
Le sénateur Eggleton : Je parlerai d'abord de l'économie en général, comme vous l'avez fait dans vos remarques. Un article publié à la une du Globe and Mail de ce matin dresse une liste d'éléments qui indiquent que nous pourrions bien nous sortir de cette récession avant longtemps. Que pensez-vous de cet article?
M. Leonard : Je n'ai pas vu le Globe and Mail d'aujourd'hui, car j'ai fait le trajet depuis Montréal ce matin. J'ai toutefois lu hier soir une nouvelle très encourageante à propos du marché immobilier des États-Unis. Certains osent avancer que le marché immobilier américain pourrait avoir touché le fond du baril. La crise immobilière y est pour beaucoup si les États-Unis sont en récession aujourd'hui; tellement que le marché immobilier doit atteindre son plus bas niveau avant que l'on puisse spéculer sur l'avenir de l'économie américaine.
Pour ce qui est de l'économie canadienne, mon point de vue n'a pas changé. Je me considère comme un optimiste; je suis dans le « camp Carney », si je peux m'exprimer ainsi. Je réitère que la montée de la Chine, la trajectoire des prix des ressources naturelles et le fait que l'économie américaine pourrait bien atteindre son plus bas niveau plus tôt qu'on ne pourrait le croire, bien que rien ne nous permette de le vérifier, ne pourront qu'être profitables pour le Canada.
Le sénateur Eggleton : Vous avez dit que ce n'était pas nécessairement une bonne idée d'investir les fonds prévus par le programme de relance dans le logement. Cependant, le logement répond à un besoin fondamental, particulièrement pour les nombreuses personnes qui sont touchées par cette récession. Plus d'argent devrait être mis à la disposition de ces personnes par l'entremise de la Prestation fiscale pour le revenu de travail et le régime d'assurance-emploi. Parallèlement, investir dans le marché immobilier permet de stimuler l'industrie de la construction. Investir dans l'immobilier a un effet multiplicateur. Je me demande pourquoi vous êtes aussi pessimiste à l'égard de ce marché.
M. Leonard : Cela s'explique de deux façons : d'abord, vous avez raison de dire qu'investir dans l'assurance-emploi, la Prestation fiscale pour le revenu de travail et l'immobilier a des effets multiplicateurs. Selon la source consultée, certains rapportent plus que d'autres, mais selon moi, ils sont à peu près équivalents. J'ai surtout des réserves à l'égard du crédit d'impôt pour la rénovation, qui n'est pas la seule mesure prévue dans le programme de relance de l'immobilier. Je suis d'accord avec vous pour bien des choses, mais je crois que le secteur de l'emploi est beaucoup plus sérieusement touché que l'industrie de l'immobilier en ce moment, malgré le déclin de cette dernière. C'est pourquoi on ne s'entend pas en matière de priorités et de mesures anticycliques. Je ne suis pas persuadé que le crédit d'impôt pour la rénovation est un moyen efficace d'aider les personnes dont vous avez parlé.
Le sénateur Eggleton : Je suis d'accord.
M. Leonard : Le programme s'adresse principalement aux propriétaires d'une résidence. Je serais heureux d'apprendre l'existence d'un tel programme si j'avais déjà prévu faire d'importantes rénovations à ma maison. On me paie pour faire quelque chose que j'aurais fait de toute façon. Ce n'est pas nécessairement ce que visent à faire les mesures de logement social.
Le sénateur Eggleton : Le volet rénovation ne représente qu'un léger pourcentage du programme.
J'aime vos idées à propos de l'assurance-emploi, particulièrement celles de réduire le seuil d'admissibilité à 360 heures et de prolonger la période maximale qui est actuellement de 55 semaines. C'est particulièrement intéressant compte tenu de la conjoncture économique actuelle. Toutefois, ces changements ne viennent pas sans prix. D'abord, combien en coûterait-il pour mettre en œuvre vos idées? S'il fallait puiser dans les cotisations d'assurance-emploi, de combien celles-ci augmenteraient-elles? Je comprends que vous proposez de fixer les taux de cotisation autrement, ce qui s'avère une solution intéressante. Si l'on n'optait pas pour la fixation de taux particuliers, à combien s'élèveraient les cotisations dans le cadre du régime actuel?
Deuxièmement, beaucoup de gens sont oubliés par le régime actuel d'assurance-emploi. Quelques-unes de vos idées permettraient à ces gens d'être admissibles aux prestations. J'ai entendu dire que seuls 46 p. 100 des cotisants reçoivent des prestations d'assurance-emploi; le gouvernement affirme cependant que 80 p. 100 d'entre eux y sont admissibles. Vos idées contribuaient à remédier à cette situation, mais encore bien des gens ne font même pas partie du régime d'assurance-emploi, comme les travailleurs autonomes. Beaucoup de travailleurs autonomes n'ont pas d'autre choix, car ils ne peuvent pas trouver d'emploi permanent dans un domaine précis, une situation qui touche particulièrement les femmes. Que feraient ces personnes? Chose intéressante, vous avez parlé des travailleurs saisonniers et avez proposé d'établir un fonds distinct pour ces derniers. Que feriez-vous pour les autres catégories de travailleurs?
Vous avez répondu à une question du sénateur Ringuette en disant que vous aviez travaillé sur un régime d'impôt négatif sur le revenu, un régime de revenu annuel garanti et d'autres mesures de ce genre. En fait, je crois que le sénateur Segal, qui est en faveur de l'établissement d'un régime de revenu annuel garanti et d'un régime d'impôt négatif sur le revenu, a rédigé un article dans votre publication qui s'intitule Policy Options; mais je réserverai cette discussion pour un autre jour.
Que recommanderiez-vous pour protéger les gens et les former afin de les ramener sur le marché du travail et d'éviter qu'ils se retrouvent sur l'aide sociale, une situation que la plupart de ces personnes ne veulent pas vivre? Beaucoup auront besoin de plus de 55 semaines pour se trouver un emploi, et beaucoup auront besoin de formation. Comment pouvez-vous aider tout le monde dans le cadre de ce régime et les ramener sur le marché du travail?
M. Leonard : Merci de me poser la question. Pour ce qui est de savoir combien coûterait la mise en œuvre de certaines de mes idées, les estimations les plus exactes que j'ai vues tournaient autour d'un milliard de dollars par année, à supposer que le seuil passe à 360 heures. C'est beaucoup d'argent. C'est pourquoi je préférerais que l'argent voué au crédit d'impôt pour la rénovation serve plutôt à une initiative de ce genre. À long terme, si nous adoptons un régime de fixation de taux particuliers, on pourrait s'attendre à ce que le programme se finance de lui-même.
En ce qui a trait aux taux de cotisation, si nous passions à un régime de fixation de taux particuliers, ceux-ci seraient rajustés en fonction de différents paramètres, comme la fréquence d'utilisation. Si nous décidions de ne pas adopter de régime de fixation de taux particuliers, les cotisations devraient augmenter, mais je ne sais pas de combien.
Il a aussi été question des personnes qui sont négligées par le régime actuel d'assurance-emploi, vous avez parlé des travailleurs autonomes qui ne sont pas admissibles et qui ne contribuent ainsi pas au régime. Vous avez également parlé de ceux qui n'ont pas accumulé suffisamment d'heures de travail pour être admissibles aux prestations.
Le sénateur Eggleton : Cette catégorie comprend aussi les personnes qui quittent leur emploi, et la question qui se pose à ce moment, c'est de déterminer si elles ont quitté volontairement leur travail et si elles étaient fondées à le faire.
M. Leonard : Pour régler un tel problème, il faut prendre une décision d'ordre politique. Si le but de l'assurance- emploi est de ne nous protéger contre le manque de travail inattendu, la ligne est parfois mince entre un départ volontaire et une mise à pied. C'est là où la fixation de taux particuliers entre en jeu. En l'absence d'un tel régime, les gens ne sont pas nécessairement portés à s'entendre avec leur employeur, plutôt que de quitter volontairement leur travail.
L'un ne va pas sans l'autre. Est-ce que les personnes qui quittent volontairement leur emploi sont négligées par le régime d'assurance-emploi? Lorsque le programme a été mis en place, au milieu des années 1990 et peut-être avant, il avait été décidé que les personnes qui quittaient volontairement leur emploi ne devaient pas être admissibles aux prestations d'assurance-emploi. On pourrait croire que ces personnes sont négligées par le régime, mais il s'agit simplement d'une des conditions du programme d'assurance-emploi.
Le sénateur Eggleton : Beaucoup de zones grises entourent le terme « volontairement ».
M. Leonard : Je recommanderais de créer des fonds distincts et autofinancés pour les travailleurs saisonniers, comme on l'a fait en France. Il serait ainsi possible de profiter des avantages que procure la fixation de taux particuliers en l'appliquant aux catégories de travailleurs qui sont les plus appropriées.
Le sénateur Mitchell : Monsieur Leonard, tout cela est très intéressant. J'ai quelques questions sur les répercussions que pourraient avoir les politiques environnementales sur le programme de relance économique.
D'abord, pour ce qui est des crédits et des déductions échangeables, il est faux de croire que l'argent va aller directement aux entreprises qui investissent dans des technologies environnementales, et c'est encore moins certain dans le cas des déductions. Compte tenu de cette réalité, croyez-vous que les mesures incitatives auront un impact notable par rapport à chaque dollar investi?
M. Leonard : Oui, les crédits et les déductions échangeables récompenseront les entreprises qui investissent activement dans les nouvelles technologies écologiques. Si vous voulez parler d'un impact sur l'ensemble de l'économie, il y aurait certainement un effet positif. Toutefois, je ne suis pas certain que le nombre réel de crédits accordés soit assez important pour avoir de grandes répercussions, quoique ce pourrait bien être le cas en Alberta. Je n'ai pas de statistiques avec moi et je ne peux pas vous donner de chiffre exact. Par contre, il est vrai que ce sont les entreprises qui déploient le plus d'efforts qui profiteraient surtout de ces mesures incitatives.
Le sénateur Mitchell : On ne peut nier qu'il serait plus difficile d'attirer des investissements dans un projet environnemental ou technologique — par exemple dans une usine produisant de l'éthanol à partir du fumier de bovins —, même s'il permettrait autant de stimuler l'économie que la construction d'une nouvelle route; un tel projet offrirait par ailleurs un potentiel économique à plus long terme.
M. Leonard : Vous avez raison. On en vient aux retombées économiques des dépenses en infrastructures. Si votre intention est de créer de l'emploi, peut-être que ce genre de projet environnemental aurait un impact moindre, si l'on pense que certaines de ces technologies vertes impliquent moins de travailleurs et plus de laboratoires. Je ne peux vous le certifier, puisque je ne suis pas un technicien spécialiste en environnement. Il se pourrait qu'il y ait des écarts. Toutefois, pour ce qui est de brasser des fonds et de stimuler l'économie, il ne devrait pas y avoir une énorme différence. Il faut voir à long terme, et c'est une excellente question que vous me posez, mais je n'ai malheureusement pas la réponse. Un des enjeux à long terme qui touchent le Canada porte sur le taux de croissance de notre productivité et de notre industrie manufacturière, de même que sur notre compétitivité par rapport à nos voisins américains. C'est une question sur laquelle je me penche à l'institut. Il s'agit d'un enjeu à long terme. En fait, il est extrêmement important d'investir dans les routes et l'infrastructure, entre autres, pour maintenir cette compétitivité.
Un autre filon est beaucoup plus incertain, car nous ne savons pas trop où les choses vont nous mener. Je parle ici des nouvelles technologies vertes. Nous entrons dans un paradigme qui semble vouloir nous diriger vers un monde économe en carbone. Qu'on le veuille ou non, c'est ce qui nous attend. La compétitivité et les investissements sont fondamentaux. Lequel est le plus important ou certain à court terme, je l'ignore. Il est cependant évident que les deux sont essentiels.
Pour ce qui est de la création d'emplois à court terme, il faut vraiment y aller projet par projet : Combien d'emplois va-t-il créer? S'agit-il d'un travail de laboratoire ou d'un travail manuel? Cela variera d'un projet à l'autre, et je ne crois pas qu'il soit possible de faire des prévisions générales.
Le sénateur Mitchell : En ce qui a trait aux impôts, vous avez mentionné que les personnes ayant un revenu élevé et qui profiteront d'un tel avantage fiscal auront généralement tendance à épargner cet argent ou à s'en servir pour rembourser des dettes. Est-ce qu'aider la population de rembourser ses dettes permettra de relancer l'économie?
M. Leonard : Le remboursement de dettes ne stimule pas l'économie à court terme. Il peut avoir des effets très positifs à long terme, mais il ne permet pas de résoudre cette quadrature du cercle. Nous l'observons davantage aux États-Unis parce que les niveaux d'endettement sont plus élevés là-bas.
Le remboursement des dettes réduit l'activité économique à court terme, mais c'est dans l'avenir qu'il aura un effet sur l'économie ou la consommation. De quelle manière? En créant davantage de ressources disponibles pour des investissements de toutes sortes, qui vous permettront ensuite de faire croître votre économie dans une proportion bien plus importante que vous n'auriez pu le faire autrement.
Le sénateur Mitchell : Bien sûr, on pourrait soutenir que c'est également l'effet des investissements verts. Même s'ils n'ont pas un impact aussi important — bien que je sois d'avis que c'est le cas —, ils auraient à coup sûr des effets à long terme.
M. Leonard : Oui, c'est juste.
Le sénateur Mitchell : S'il en est ainsi, revenons à votre argument selon lequel les personnes à faible ou à moyen revenu qui obtiennent des allégements fiscaux sont plus susceptibles de dépenser l'argent ainsi obtenu. Quel est le montant moyen des allègements accordés aux personnes à faible ou à moyen revenu en vertu de ce programme? Est-ce 160 $ par année, 200 $ par année? Dans ce cas, si nous réduisions ce montant au lieu de baisser l'impôt des personnes à revenu élevé, nous augmenterions en réalité l'effet stimulant, car ce groupe de gens serait plus susceptible de dépenser cet argent.
M. Leonard : Ce principe que vous venez de mentionner est absolument exact. Je n'ai pas lu le budget depuis la semaine dernière, alors je suis désolé de vous dire que j'ignore quels sont les chiffres. Mais je puis certainement vous les fournir.
Le sénateur Mitchell : Si vous le pouviez, ce serait formidable.
M. Leonard : Oui, je pourrai le faire.
[Français]
Le sénateur Nolin : Monsieur Leonard, je voudrais vous amener sur le terrain de la microéconomie plutôt que de la macroéconomie, pour intéresser des gens qui sont propriétaires ou employés de petites et moyennes entreprises et qui fournissent des biens et des services au gouvernement du Canada.
Cela affecte beaucoup les gens de la région de la capitale nationale, qui, par la force des choses, fournissent à un, ou sinon le plus gros donneur de travail de la région, le gouvernement du Canada, directement ou via des agences et des sociétés de la Couronne qui opèrent dans la région.
Je vous pose la question en ayant à l'esprit ce qui m'a été raconté par un entrepreneur de la région. Et si vous n'avez pas la réponse, j'espère que les officiers du ministère pourront nous offrir une réponse parce que cela m'apparaît assez important.
La crise du crédit commercial préoccupe les banques et les petits fournisseurs de l'État. Vous travaillez à l'Institut de recherche en politiques publiques sur un programme qui examine l'innovation et la compétitivité, alors vous allez comprendre mon point. Plusieurs petites entreprises ont développé des façons de faire pour servir l'État et l'État a reconnu cela en accordant des contrats à une myriade de ces petites entreprises qui ont prospéré dans cet environnement.
Dans le passé, tout allait bien. Ces petites entreprises obtenaient un contrat, présentaient le contrat à leur banquier qui leur offrait une marge de crédit pour qu'elles acquièrent les biens et retiennent les services pour être en mesure de remplir leur contrat. L'entreprise remboursait la banque lorsque l'État payait et tout le monde était heureux.
Aujourd'hui, la crise du crédit fait en sorte que les banques demandent des garanties qui sont excessives et qui empêchent ces fournisseurs de services d'accepter ces petits contrats. Ce que l'on constate aujourd'hui, c'est que ce sont de plus grandes entreprises qui obtiennent le crédit plus facilement et qui éliminent les petites entreprises de la région au détriment des travailleurs qui sont, eux, à la merci d'un employeur qui n'a pas les reins solides pour attendre les jours meilleurs.
Que peut-on faire du point de vue législatif pour remédier à ce type de problème?
M. Leonard : C'est une bonne question. Je suis tout à fait d'accord avec votre diagnostic en ce qui concerne l'importance des petites et moyennes entreprises.
Le sénateur Nolin : C'est le nerf de l'économie canadienne.
M. Leonard : Malheureusement, ce sont souvent les premières touchées par n'importe quelle crise de crédit parce qu'elles sont petites.
Le sénateur Nolin : Je vous dirai tout de suite que je ne suis pas un membre régulier du comité, donc je n'ai pas examiné chacune des sections et des articles du projet de loi, mais je remarque, dans le résumé législatif qu'on nous fournit, qu'il est question de modifier la Loi sur le financement des petites entreprises au Canada. Cette loi légifère tout ce qui concerne les prêts aux petites entreprises.
Je pense qu'il y a déjà une préoccupation au niveau des petites entreprises, mais le scénario que je vous ai dépeint m'apparaît tellement odieux que je me demande vraiment ce qu'on peut faire.
M. Leonard : Je ne suis ni législateur, ni avocat.
Le sénateur Nolin : Nous on l'est!
M. Leonard : En principe, ce que le gouvernement a essayé de faire avec le budget, c'est d'inciter les banques à prêter, et si elle ne prêtent pas, d'avoir d'autres véhicules pour le faire. Comme je l'ai mentionné, la Banque d'exportation du Canada et la Banque de développement du Canada sont infusées avec de nouveaux capitaux.
Je n'ai pas lu à la lettre le projet de loi portant exécution du budget, mais je ne vois pas pourquoi les PME n'auraient pas accès à ces fonds. C'est clair qu'il y aura certaines garanties de remboursement, mais étant donné que c'est une compagnie de l'État, les règles peuvent être assouplies.
Le sénateur Nolin : Est-ce que les lois empêchent l'État de payer à l'avance un bien ou un service?
M. Leonard : Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question.
Le sénateur Nolin : Merci, nonsieur Leonard.
[Traduction]
Le sénateur Di Nino : Je voudrais faire une observation. Je ne me souviens pas du terme exact que vous avez utilisé pour décrire ces gens qui économisent, mais cela m'est apparu — en tant que personne venant d'un milieu où l'épargne était essentielle pour pouvoir vivre demain, si l'on n'avait pas d'emploi — comme un équilibre entre la consommation de ces biens dont on a besoin et un plan permettant de s'autoassurer en prévision d'éventuels besoins. Je pense qu'il faut le préciser, car je ne crois pas que ce soit tout à fait le message que vous avez exprimé. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation?
M. Leonard : Je reconnais que l'épargne personnelle est absolument essentielle pour assurer sa viabilité financière au cours de la vie.
Le sénateur Di Nino : J'apprécie cette précision. Je tiens également à vous féliciter pour votre confession quant à ce recours abusif aux prestations d'assurance-emploi qui vous a permis d'aller au Mexique, ce qui illustre les préoccupations de certains relativement à certaines utilisations de l'assurance-emploi qu'on peut faire de nos jours. Tant mieux pour vous; c'était un commentaire éclairant.
J'aimerais discuter de quelques autres questions qui ont fait partie de la discussion aujourd'hui. Il y a eu, certainement du ministre des Finances et d'autres intervenants dans le monde, une inquiétude quant au fait que les programmes de relance qu'on a mis en œuvre, et qu'on continue de mettre en œuvre partout dans le monde, pourraient avoir dans l'avenir des impacts, des conséquences inattendues, l'inflation étant assurément du nombre.
Avez-vous eu l'occasion d'examiner envers quoi le Canada devrait être prudent, et à quoi nous devrions prêter attention pour être en mesure de réduire ces éventuelles conséquences négatives imprévues?
M. Leonard : Les mesures de stimulation fiscale peuvent avoir des effets inattendus, et c'est particulièrement vrai pour les plans de relance très ambitieux. Dans le cas du Canada, je dirais qu'en ce qui concerne nos moyens financiers et la taille de notre économie, notre plan de relance est très modeste, surtout en comparaison avec celui de nos amis américains.
Pour en revenir aux circonstances imprévues, vous avez évoqué l'inflation en tant que problème potentiel. Cela m'inquiète beaucoup. Les économistes savent que l'inflation est immanquablement un phénomène monétaire. On a adopté des politiques monétaires très souples partout dans le monde, et on a de bonnes raisons de le faire. C'est justifié en ce moment. Nous avons des problèmes de liquidités.
Toutefois, les prévisions qu'on établit à propos de l'inflation peuvent changer. Les autorités monétaires devront être prudentes lorsqu'elles géreront l'inflation, ce qui aura probablement lieu lorsque la reprise s'amorcera. D'après notre expérience des années 1970, nous avons appris que le fait de ne pas gérer l'inflation était coûteux pour l'économie. Je partage cette préoccupation, et nous devons nous en soucier.
Une deuxième préoccupation concerne les devises. On en revient aux États-Unis; pour vous donner une idée, les dernières estimations relatives au déficit budgétaire fédéral aux États-Unis tournent autour de 11 p. 100 du PIB. Au Canada, cette proportion est d'environ 2 p. 100 du PIB. Nous parlons d'un déficit budgétaire de plus d'un billion de dollars là-bas.
Il y a quelques semaines, le premier ministre chinois a soulevé l'interrogation à savoir si les États-Unis pourraient être en mesure de garantir l'exécution de leurs obligations. Comme nous le savons, la Chine envoie beaucoup d'argent pour financer la dette du gouvernement américain. Le fait qu'il ait déclaré cela publiquement m'a fait sourciller. Cela a envoyé le signal que les Chinois étaient légèrement préoccupés par la situation financière globale des États-Unis. S'ils devaient le devenir encore plus et se mettre à sortir leurs capitaux des États-Unis, cela aurait de graves répercussions sur le dollar américain, puis sur notre devise.
De manière plus importante, je n'irais pas jusqu'à dire que le rôle du dollar américain en tant que devise mondiale est menacé, mais c'est quelque chose que nous devons surveiller. C'est une question sur laquelle les Américains devront se pencher tandis qu'ils tâcheront de déterminer comment redresser leur économie sans contracter des niveaux de dette insoutenables.
Il s'agit d'une préoccupation connexe, dont on parle moins — le rôle du dollar en tant que devise globale, et la valeur intrinsèque du dollar. Nous savons que celle-ci n'est pas fondée sur l'étalon-or. La valeur du dollar repose sur la confiance qu'on accorde à la stabilité financière des États-Unis. C'est une préoccupation supplémentaire qui pourrait apparaître sur mon écran radar.
Le sénateur Di Nino : Qu'en est-il des conséquences sociales?
M. Leonard : C'est un peu hypothétique. D'un point de vue économique, je réfléchis à la manière dont les forces économiques pourraient intervenir, et aux conséquences sociales susceptibles d'en découler.
Dans le monde industrialisé, cela dépendrait de l'efficacité du plan de relance et de la durée de la récession. Si ces facteurs rendent la récession plus courte qu'elle ne le serait autrement, il est clair que cela aura des conséquences sociales.
Pour ce qui est du monde en développement, je n'entrerai pas là-dedans, car je n'ai pas suffisamment étudié la question.
Le sénateur Di Nino : Moi non plus, mais j'ai des craintes. Merci de votre réponse.
Le monde a dû faire face à de grandes difficultés, qui ont été créées par des mesures et des prises de position de bien des gens dans le monde. Avons-nous apporté des changements structurels qui pourraient nous tranquilliser un tant soit peu — car, non pas à court terme, mais à long terme, ces problèmes pourraient resurgir? Oublierons-nous que nous devons mettre en place certaines règles pour nous gouverner? Apportons-nous les changements structurels nécessaires pour garantir que ces mêmes éléments, ou du moins ces mêmes règles qui nous ont causé des ennuis, ne seront plus là lorsque la situation reviendra à la normale? Prenons-nous des mesures du genre au Canada et dans le monde?
M. Leonard : Au Canada, il est clair que les mécanismes de réglementation en place nous ont très bien servis pour traverser cette crise. Comme je l'ai déjà dit, je crois que ce resserrement du crédit auquel nous assistons au Canada est en grande partie un effet négatif de la crise aux États-Unis.
Nous pourrions peut-être voir certaines petites mesures d'ajustement au Canada. Cependant, les plus importants changements qui pourraient ou non se produire seront à l'échelle planétaire. Nous avons découvert que la mondialisation des finances comportait de grands risques, et nous avons assisté à l'internationalisation d'une crise ayant pris naissance aux États-Unis.
C'est l'un des rares aspects de la mondialisation qui ne faisaient pas consensus chez les économistes; ceux-ci ne s'entendaient pas quant au fait qu'il s'agissait d'une bonne chose. Si nous parlons d'échanges commerciaux et de mouvement des marchandises, des services et des personnes, il n'y a pratiquement pas de désaccord. En revanche, pour ce qui est de l'aspect financier, c'est précisément le genre de choses qui soulevait bien des inquiétudes. On est synchronisé; on entretient des liens entre pays; il est difficile de suivre lequel présente tel risque.
La question consiste alors à savoir si nous devons opter pour un modèle international de gouvernance s'appuyant sur des règles mondiales normalisées, ou pour un modèle de réglementation nationale accompagné d'une surveillance par des groupes internationaux comme le G20 et le Forum sur la stabilité financière. Compte tenu que nous avons bien des choses utiles à apprendre les uns des autres, je pense qu'on a beaucoup d'enseignements valables à tirer du Canada. Je suis davantage partisan du modèle de réglementation nationale faisant appel à une surveillance internationale. J'aime à penser que c'est l'expérimentation provinciale au sein de la fédération canadienne qui nous aide à en apprendre beaucoup au sujet des politiques sociales, de même qu'à mettre au point de meilleures politiques.
Oui, je pense que des changements se préparent. Ils n'ont pas été apportés, et j'estime qu'ils sont nécessaires.
Le sénateur Gerstein : Monsieur Leonard, vous avez dit, dans vos remarques préliminaires, que le Canada avait surclassé les États-Unis en raison de l'essor des produits de base. Dans votre article paru dans Policy Option, vous déclarez que le problème fondamental du Canada est « [...] l'érosion structurelle de notre compétitivité à long terme [...] » Auriez-vous l'obligeance d'élaborer là-dessus, en nous parlant peut-être également de l'industrie automobile?
M. Leonard : Vous avez raison. Je n'ai pas parlé de ce problème structurel à long terme dans mes remarques.
Il est évident, dans toutes les données que vous vous donnerez la peine de consulter, que la capacité de production de notre économie en général a accusé un retard par rapport aux États-Unis pendant des années. En particulier, j'ai étudié le cas du secteur manufacturier, car c'est un élément important de notre relation commerciale avec les États-Unis. Il devient plus coûteux de produire des marchandises similaires, car nous ne pouvons le faire de manière aussi efficace que les autres.
Il y a une foule de raisons à cela; elles ont habituellement à voir avec l'insuffisance des investissements en matière de ressources humaines, avec un taux plus faible d'innovation et, dans certains cas, avec le manque de demande pour des produits innovateurs. Nous pourrions passer toute une séance à parler de ce seul sujet. J'achève présentement une étude là-dessus, et je serais heureux de la distribuer aux membres du comité.
Le secteur manufacturier est en crise. Nous sommes au beau milieu d'une crise cyclique où la majorité de nos exportations manufacturées vont aux États-Unis. Nous sommes dans une situation où les États-Unis connaissent un ralentissement économique, et où le secteur canadien de l'automobile sera frappé durement. En fait, les secteurs automobile et manufacturier du Canada étaient en déclin de manière générale. La production du secteur avait commencé à diminuer il y a environ trois ans, alors que le reste de l'économie canadienne connaissait un essor et que l'économie américaine était dans un état respectable.
Pourquoi en était-il ainsi? C'était en partie dû à l'appréciation du dollar canadien. La hausse du coût des marchandises canadiennes a exposé cette insuffisance sur le plan des investissements et de l'innovation, qui sont au cœur de la viabilité et de la prospérité à long terme du secteur.
C'est ce que j'entendais en parlant du problème fondamental de l'industrie manufacturière canadienne. Lorsque nous subissons des fluctuations cycliques, il y a d'autres problèmes qu'on doit régler, et auxquels on s'attaque en fonction de la situation actuelle. Une fois que la crise sera derrière nous, ces problèmes fondamentaux causant l'érosion de la création d'emplois, des ressources et des augmentations de salaire ne disparaîtront pas au sortir de l'actuel cycle économique. Il faudra les régler au moyen de politiques à long terme sur l'investissement et l'innovation.
Le sénateur Gerstein : Merci. Je serais intéressé à ce que vous fassiez parvenir au greffier vos futurs écrits sur le sujet.
M. Leonard : Cela devrait être prêt dans deux semaines, environ.
Le président : Merci de nous préciser le délai.
Le sénateur Oliver : Merci pour votre excellent exposé, monsieur Leonard. Je crois que le fait de pouvoir partir travailler chaque jour apporte une certaine dignité à un travailleur.
La réponse que vous avez donnée au sénateur Callbeck sur vos idées concernant l'assurance-emploi et les changements qu'il faudrait y apporter me dérange un peu. Elle vous a demandé votre définition du montant forfaitaire. Cela m'effraie un peu parce que vous avez dit qu'il ne dépendait pas du nombre d'heures ou de semaines travaillés. C'est simplement un montant d'argent global, illimité et sans condition.
Si une personne pêche le homard dans l'Atlantique pendant trois mois et gagne 45 000 $, vous allez lui donner un montant forfaitaire pour le reste de l'année en fonction de l'argent qu'elle a gagné pendant ces trois mois. Supposons que vous lui donniez un chèque de 45 000 $. Cette personne est-elle libre d'aller se prélasser sur la plage aux Barbades ou de se trouver un emploi ailleurs et de faire 50 000 $ de plus le restant de l'année?
Croyez-vous vraiment qu'il soit dans l'intérêt des contribuables canadiens d'accorder un montant forfaitaire de la sorte sans condition? Si vous êtes d'accord pour dire que ce n'est pas dans l'intérêt des contribuables canadiens, quelles conditions imposeriez-vous?
M. Leonard : C'est une excellente question que les économistes se posent souvent quand ils parlent des montants forfaitaires.
Je pense qu'il y a certains paramètres à considérer pour établir s'il faut mettre des conditions. Vous avez mentionné une possibilité qui va à l'encontre de ce que nous jugeons acceptable. L'avantage des paiements forfaitaires, c'est qu'ils ne changent en rien la décision des gens d'accepter ou non un autre travail.
Prenons quelques secondes, je suis d'accord avec vous qu'avec le travail vient la dignité. Si pour un emploi donné, il n'y a pas de travail pendant une partie de l'année, je ne considère pas que la personne ne travaille pas. Les travailleurs saisonniers travaillent pendant la saison. Ce doit être bien clair.
Pour ce qui est des paiements forfaitaires, il pourrait y avoir des paramètres à respecter pour déterminer si une personne peut accepter un autre travail. Cela peut fonctionner en théorie en économie. Dans la pratique, pour que le programme soit financièrement durable et qu'il produise les résultats escomptés, il doit s'assortir de certaines contraintes.
Le sénateur Oliver : Y a-t-il des contraintes auxquelles vous avez réfléchi?
M. Leonard : Non, pas en détail. Je pense qu'il faudrait notamment tenir compte du travail pendant la saison morte. Je n'ai pas réfléchi aux rouages précis d'un tel programme.
Le président : Pouvez-vous me dire s'il y a une formule magique qui permet d'établir qu'il faut travailler 360 heures pour être admissible à l'assurance-emploi, comme vous l'avez dit dans votre exposé? D'où vient ce chiffre, qu'on trouve à la page 6 de votre mémoire?
M. Leonard : Oui, je l'ai mentionné parce que c'est une proposition qu'envisage M. Ignatief. C'est un exemple; il n'y a rien de magique dans ce chiffre. C'est une question d'incitatifs. Si la période d'admissibilité est très courte, il sera moins tentant de rester sur le marché du travail. Si elle est trop longue ou s'il y a une restriction, peu de gens seront admissibles. On pourrait évoquer la possibilité de 420 heures, soit le nombre minimal d'heures requises en ce moment pour être admissible au Canada.
Cette question s'adresserait surtout à ceux et celles qui comprennent bien les incitatifs et l'équilibre qu'il faut viser pour faciliter l'admissibilité tout en incitant les gens à travailler.
Le président : La difficulté, c'est qu'une fois qu'on a choisi un chiffre, il est parfois difficile de le changer.
M. Leonard : C'est juste.
Le sénateur Nancy Ruth : Vous avez laissé entendre à deux reprises que les travailleurs autonomes n'étaient pas admissibles à l'assurance-emploi. Êtes-vous au courant que le gouvernement Harper s'est engagé à modifier les règles pour que les femmes, en particulier, aient accès à des prestations de maternité, entre autres, si elles sont travailleuses autonomes?
Voici ce que vous avez dit dans votre exposé :
L'inégalité la plus flagrante est celle-ci : le nombre d'heures d'emploi requis pour être admissible aux prestations d'assurance-emploi varie considérablement d'une région à l'autre, en fonction du taux de chômage local. Par conséquent, les régions les plus durement touchées par la récession, l'Alberta et le Sud de l'Ontario, sont celles où il est le plus difficile d'avoir droit à l'assurance-emploi.
J'ai deux questions à poser en lien avec cette observation. Saviez-vous que le nombre d'heures d'emploi requis change fréquemment, soit tous les mois, où qu'on vive au Canada? En fait, dans la région de Golden Horseshoe, aux environs de St. Catharines, d'où je viens, le taux de chômage varie actuellement entre 8,8 et 9,6 p. 100. Au Nouveau- Brunswick, à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse, il oscille entre 6,3 et 7,4 p. 100. Il est donc plus facile de recevoir de l'AE si l'on vit dans la région de Golden Horseshoe que si l'on vit dans le Maritimes, en vérité.
Le sénateur Callbeck : J'ai une question. Dans vos observations, vous avez parlé du pouvoir d'achat. Vous avez dit qu'il y avait beaucoup de mesures possibles pour l'augmenter et vous avez donné quelques exemples, donc les baisses d'impôt des particuliers, l'augmentation de la prestation fiscale canadienne pour enfants et la hausse de la prestation fiscale pour le revenu de travail.
Dans le budget de 2009, à la page 268, on trouve un tableau des mesures les plus susceptibles de stimuler l'économie. L'impôt sur le revenu des particuliers figure en queue de liste. Pourquoi avez-vous pris cet exemple?
Le président : Monsieur Leonard, si vous ne pouvez pas répondre brièvement aux questions des sénateurs Nancy Ruth et Callbeck, vous pouvez faire parvenir une réponse détaillée par écrit au greffier du comité. Libre à vous.
M. Leonard : Brièvement, je reconnais que les chiffres de l'assurance-emploi changent tous les mois.
Les baisses d'impôt des particuliers mettent de l'argent dans les poches des Canadiens. J'ai bien vu ce tableau moi aussi. C'est la raison pour laquelle je mets l'accent sur les deux derniers éléments. L'effet multiplicateur des investissements dans le logement est beaucoup plus grand que celui des baisses d'impôt des particuliers. En ce moment, toutefois, le plus grand problème au Canada est la perte de pouvoir d'achat et non le logement. C'est en gros pourquoi je l'ai souligné dans ma déclaration.
Le président : Monsieur Leonard, je vous remercie d'avoir comparu aujourd'hui. Nous vous sommes très reconnaissants du travail que vous accomplissez à l'Institut de recherche en politiques publiques. Nous allons continuer de suivre vos travaux de près. Nous avons bien hâte de recevoir les documents que vous avez promis de nous envoyer.
M. Leonard : Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.
(La séance est levée.)