Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 11 - Témoignages du 16 septembre 2009
OTTAWA, le mercredi 16 septembre 2009
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi S-227, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu et la Loi sur la taxe d'accise (allègements fiscaux pour les habitants du Nunavik), se rencontre aujourd'hui à 18 h 30 pour étudier le projet de loi.
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
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Le président : Je déclare la séance ouverte et je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des finances nationales.
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Ce soir, nous continuerons notre étude du projet de loi S-227 intitulé la Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu et la Loi sur la taxe d'accise (allégements fiscaux pour les habitants du Nunavik).
J'aimerais d'abord introduire nos témoins. Premièrement, le Professeur Gérard Duhaime, de la chaire de recherche du Canada sur la condition autochtone comparée, Facultés des sciences sociales, Université Laval.
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À côté de M. Duhaime se trouve Mme Rita Novalinga, directrice générale de la Fédération des coopératives du Nouveau-Québec. À côté d'elle se trouve Elaine Métras, assistante-directrice générale, de la même organisation.
Pour terminer, nous recevons Mary Simon, présidente de la Inuit Tapiriit Kanatami. Mme Simon est accompagnée de John Merritt, conseiller principal de direction pour Inuit Tapiriit Kanatami.
Nous avons toute une délégation de sénateurs avec nous aujourd'hui. Nous en sommes à la deuxième journée des audiences sur ce projet de loi d'initiative parlementaire déposé par le sénateur Watt.
Nous avons beaucoup d'information de base, et la carte distribuée hier est très utile. Elle montre la région dont nous discutons, c'est-à-dire la partie nord de la province de Québec. Environ 11 600 personnes vivent dans cette région. Le but du projet de loi est d'améliorer le pouvoir d'achat des gens qui y vivent, puisqu'ils doivent payer des prix plus élevés pour les biens et les services à cause des frais de transport des produits jusqu'à ce marché. Le projet de loi propose de rectifier la situation.
Hier, nous avons entendu des témoins du gouvernement qui ont entrepris de nous fournir des chiffres comparatifs, mais ils ne les ont pas encore éclaircis. Il y avait une grande différence entre les coûts estimés par le sénateur Watt pour son initiative, pour l'impôt sur le revenu et la taxe d'accise, et les estimations des représentants du ministère des Finances du Canada.
Le sénateur Watt a estimé que les coûts se situent entre 7 et 8 millions de dollars, alors que le gouvernement estime qu'ils se chiffreront à 15 millions de dollars, plus 15 millions de dollars, pour un total de 30 millions de dollars. Nous essayons encore de comparer leur méthodologie pour voir comment ils ont obtenu ces chiffres.
Veuillez maintenant faire vos exposés.
[English]
Gérard Duhaime, chaire de recherche du Canada sur la condition autochtone comparée, Facultés des sciences sociales, Université Laval : Je vous remercie. C'est un honneur d'être ici et un devoir. On m'a dit que j'avais une dizaine de minutes pour parler, mais vous savez qu'un professeur d'université parle d'habitude plus longtemps que cela; je vais donc essayer d'être concis.
Je vais diviser mon bref exposé en deux parties. En première partie, j'ai un message à vous transmettre de la part de la présidente de l'Administration régionale Kativik : Mme Maggie Emudluk.
Nous avons eu depuis une semaine plusieurs conversations téléphoniques au sujet du projet de loi. Mme Emudluk ou ses représentants ne pouvaient pas venir ici et elle m'a demandé de parler au nom de l'Administration régionale Kativik.
Son message est simple, mais avant de vous le livrer je dois vous dire que, depuis plusieurs années, l'Université Laval et l'Administration régionale Kativik travaillent conjointement à l'élaboration et au maintien d'un programme de statistiques pour le Nunavik. Dans le cadre de ce programme, nous avons réalisé plusieurs études. Certaines vous ont été déjà distribuées, celles sur le coût de la vie en particulier, sur le profil socio-économique de la région, sur les caractéristiques de l'économie régionale.
On a fait des études à plusieurs reprises sur les différences de prix entre le Nunavik et les autres régions du Québec, y compris la Basse-Côte-Nord, les Îles-de-la-Madeleine et ainsi de suite.
Dans ce cadre-là également, nous venons de terminer une étude exploratoire sur la pauvreté au Nunavik pour tenter de savoir quelle était l'ampleur du problème de la pauvreté dans le Nord.
À l'occasion de cette initiative qui s'appelle le Programme Nunivaat, nous avons aussi mis sur pied une banque de données disponible sur Internet, dans laquelle toutes les statistiques disponibles concernant le Nunavik peuvent être consultées directement, rapidement et facilement.
La collaboration que nous avons avec l'Administration régionale Kativik existe donc depuis de nombreuses années. C'est en vertu de cette entente que Mme Emudluk m'a demandé de transmettre au comité l'appui de l'Administration régionale au projet de loi. De l'avis des membres de l'exécutif et de Mme Emudluk en particulier, tout projet de loi qui vise à alléger le fardeau financier des gens qui résident dans le Nunavik est le bienvenu et sera appuyé par l'Administration régionale Kativik.
L'Administration régionale Kativik aurait aimé disposer d'informations additionnelles sur l'impact possible de la mise en application du projet de loi; en particulier en ce qui concerne l'impact sur la taxe d'accise, parce que la compréhension qu'on en a est que la taxe d'accise est partiellement retournée au Québec et sert à financer des projets d'infrastructures, y compris au Nunavik.
Alors, la question suivante a émergé dans ces discussions : est-ce que, si l'on réduit les revenus de la taxe d'accise, on ne va pas donner d'une main et reprendre avec l'autre main? C'est une question, mais évidemment on n'avait pas la réponse; Mme Emudluk m'a demandé de vous transmettre cette question.
En deuxième partie, je parlerai en mon nom personnel. J'ai étudié attentivement le projet de loi. Je connais bien la situation de l'économie régionale pour y travailler depuis presque 30 ans et je ne peux que soutenir le principe du projet de loi. J'ai cependant des observations à communiquer aux sénateurs concernant les caractéristiques de l'économie régionale.
La manière dont je comprends le projet de loi, c'est que l'impact du projet de loi serait diffus dans l'ensemble de la société, c'est-à-dire pour l'ensemble des résidents. En soi, c'est une approche tout à fait louable.
Toutefois, il existe une caractéristique très importante qui s'est développée graduellement, mais qui s'est beaucoup accentuée au cours des dernières décennies, c'est qu'il y a une très importante disparité dans les revenus de la population inuit.
J'ai commencé à faire des études sur l'économie du Nunavik au début des années 80. À ce moment-là, la plus grande partie de la masse salariale allait aux travailleurs non autochtones du Nunavik. Aujourd'hui, les dernières études disponibles montrent que les Inuits accaparent plus de 50 p. 100 de la masse salariale des revenus de travail. Mais le reste, c'est peut-être 45 p. 100 aujourd'hui de cette masse salariale — qui est accaparée par des résidents ou des gens qui sont de passage, qui ne sont pas Autochtones et qui représentent plus ou moins 10 ou 12 p. 100 de la population. Il y a donc une très importante disparité de ce point de vue.
À l'intérieur de ces revenus de la population dont bénéficient les Inuits du Nunavik par leur travail, il y a là aussi des écarts très importants. Il y a dans le Nunavik des gens qui gagnent de bons salaires dans la fonction publique ou dans des organisations qui sont capables de payer de bonnes rémunérations. Mais il y a aussi beaucoup de gens qui gagnent peu d'argent, qui sont près du salaire minimum dans des organisations qui ne peuvent pas faire autrement que de les payer à ce niveau-là.
Par conséquent, la majorité des Inuits qui travaillent sont ce que l'on appelle dans mon métier des « working poor ».
Les études exploratoires que nous venons de terminer démontrent avec une quasi-certitude qu'environ 30 p. 100 de la population du Nunavik vit sous le seuil de la pauvreté. Une étude récente de la Régie régionale de la santé montrait que c'était plutôt 40 p. 100. Nos chiffres sont plus conservateurs, mais nous étions dans une étude exploratoire. Au cours des prochaines années, nous essaierons d'étayer ces données plus précisément. Une portion importante de la population, entre 30 et 40 p. 100, vit près ou sous le seuil de la pauvreté.
Ma suggestion est que si nous voulons intervenir efficacement, nous devons tenir compte de ces disparités. Plutôt que d'adopter des mesures d'application universelles sous le seul fait d'être résident du Nunavik, peut-être vaudrait-il mieux agir directement sur la fiscalité et donner des compensations, par exemple, sous forme de crédits d'impôt remboursables qui soient régressifs. C'est-à-dire que plus les gens gagnent d'argent moins ils reçoivent de ces crédits et inversement, de sorte qu'on pourrait d'une pierre deux coups, premièrement combattre le coût de la vie, qui est extrêmement élevé dans le Nord et, deuxièmement, tâcher d'amenuiser par des mesures fiscales la disparité, la stratification, la différence entre les gens qui sont très nombreux qui gagnent peu d'argent et les autres.
Je sais, pour avoir étudié ces données, que le gouvernement du Québec a une mesure fiscale pour les résidents du Nord actuellement. Cette mesure coûte à peu près dix millions de dollars par année et elle est basée sur la fiscalité.
Évidemment, ces mesures ne sont pas très visibles. Elles ne sont pas aussi spectaculaires ou populaires, en particulier auprès des gens qui ne font pas eux-mêmes leur déclaration de revenus, mais qui se font aider pour le faire, qui ne comprennent pas tout à fait la mécanique. Mais au bout du compte, ils reçoivent de l'argent dans leurs poches. Cela est important. C'est probablement moins visible, mais cela pourrait être plus efficace. C'est une suggestion que j'offre à votre comité, qui pourrait éventuellement être appliquée.
La dernière chose que je voudrais dire est que le projet de loi vise le Nunavik spécifiquement. Des membres du comité ont déjà souligné qu'il y avait aussi d'autres régions qui pourraient être touchées par le même phénomène, et je suis d'accord avec cette idée, en particulier celles où les communautés ne sont pas reliées par des réseaux routiers. Elles devraient pouvoir bénéficier de ce genre de mesures. C'est vrai pour presque toutes les communautés du Nunavut. C'est vrai pour plusieurs communautés inuvialuit. C'est vrai pour la plupart des communautés du nord du Labrador.
Si le projet de loi était amendé de manière à inclure l'ensemble des populations de l'Arctique canadien, qui partagent cette condition de devoir faire face à un coût de la vie beaucoup plus élevé que celui qu'on retrouve à Ottawa, Québec, Montréal ou Vancouver, je ne pourrais qu'applaudir. Je vous remercie.
Le président : Merci, monsieur Duhaime.
[Translation]
Ensuite, nous entendrons Mary Simon.
Mary Simon, présidente, Inuit Tapiriit Kanatami : Merci, monsieur le président, et merci à tous les autres sénateurs présents, surtout au sénateur Watt.
Avant de commencer mon exposé, j'aimerais féliciter le sénateur Patterson pour sa nomination. Je pense qu'il sera un excellent sénateur. Nous avons travaillé avec vous par le passé, et nous avons hâte de travailler de nouveau avec vous.
Inuit Tapiriit Kanatami est l'organisation nationale qui représente les Inuits. Nous appelons notre territoire Inuit Nunangat. Il est composé de quatre grandes régions faisant l'objet d'accords sur des revendications territoriales qui vont de la frontière de l'Alaska au Labrador : la région Inuvialuit, le Nunavut, le Nunavik et le Nunatsiavut, c'est-à- dire le Nordlabrador.
Je voudrais d'abord faire l'éloge du sénateur Watt, qui a été le fer de lance de ce projet de loi. Je sais que le sénateur Watt s'intéresse vivement aux allègements fiscaux comme outil de développement économique et social depuis de nombreuses années. Il est encourageant de voir que ce projet de loi en est maintenant devant ce comité, qui en fera une étude plus approfondie.
Je soulignerai dès le départ que les Inuits au Canada ne profitent pas d'une exemption d'impôt générale comparable à l'exemption offerte aux habitants des réserves en vertu de la Loi sur les Indiens. Le préambule du projet de loi contient une liste pertinente des facteurs qui justifient des allègements fiscaux pour le Nunavik.
Parmi ces facteurs, citons des conditions d'affaires extrêmement difficiles pour les institutions et les entreprises du Nunavik, et des conditions de vie aussi difficiles pour les ménages du Nunavik à cause des problèmes que posent la distance, l'isolement et les coûts élevés de transport; un fardeau fiscal comparativement beaucoup plus grand pour le Nunavik lorsque l'on prend complètement en compte la différence de pouvoir d'achat par rapport au sud du Canada; et les recommandations proposant un allègement fiscal pour le Nunavik qui ont été présentées par le passé dans diverses études objectives.
Le projet de loi propose deux changements principaux au régime fiscal fédéral au Nunavik : premièrement, des modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu, qui auraient comme conséquence une augmentation significative de la valeur de la déduction pour les habitants qui s'applique au revenu des résidents du Nunavik — le nouveau niveau pour les résidents du Nunavik serait porté à 70 $ pour chaque jour de résidence dans l'année civile; deuxièmement, l'abolition de la TPS fédérale sur les biens et services au Nunavik et l'abolition d'un certain nombre de taxes semblables sur les produits pétroliers et les carburants.
Ces deux caractéristiques ont sans aucun doute été conçues pour se conjuguer afin d'offrir un certain nombre d'avantages immédiats et concrets aux Inuits et aux autres résidents du Nunavik. Un avantage clé serait la création d'une exemption personnelle d'impôt sur le revenu qui placerait les résidents du Nunavik à peu près au même niveau réel — plutôt que nominal — que les habitants du sud du Canada sur le plan du pouvoir d'achat. Un autre avantage essentiel serait la réduction du coût de la vie dans une région où le prix des biens et des services est beaucoup plus élevé que dans le sud du Canada.
Je ne vous présenterai pas ce soir des opinions sur certaines questions concernant les détails des mesures présentées dans le projet de loi, par exemple, à savoir si le montant de 70 $ par jour est le meilleur, ou quels seront les coûts projetés pour le Trésor fédéral si le projet de loi est adopté et mis en œuvre. Je laisserai ces commentaires à ceux qui sont le plus en mesure de faire ces calculs.
Je veux plutôt faire quelques observations générales sur le type de mesures proposées dans ce projet de loi par rapport à l'actuel processus d'adoption des lois et d'élaboration de politiques au Canada.
Ma première observation est qu'il est entièrement pertinent d'utiliser la politique fiscale pour promouvoir des objectifs économiques et sociaux fondamentaux au Nunavik et dans les autres régions de l'Inuit Nunangat.
Je comprends que, tout comme pour le droit criminel, il y ait une forte — et assez compréhensible — tendance institutionnelle de la part du gouvernement fédéral à rendre le droit fiscal aussi uniforme que possible dans tout le Canada. Cependant, trois arguments nous encouragent à examiner la modification du droit fiscal pour l'Arctique afin qu'il soit différent du reste du Canada.
Premièrement, l'écart qui sépare les Inuits et les autres Canadiens est si profond et durable, en ce qui concerne le bien-être social et économique de base, que le Parlement et le gouvernement doivent utiliser tous les outils disponibles pour combler ces écarts.
Je vous ai apporté des copies d'un document d'Inuit Tapiriit Kanatami, ITK, qui s'intitule « Profil statistique inuit » et qui vous sera peut-être utile.
Les outils fiscaux peuvent être aussi efficaces que les outils législatifs ou le recours au pouvoir fédéral de dépenser.
Deuxièmement, nous avons acquis beaucoup d'expérience et d'appui du public en ce qui concerne la nécessité d'affiner le droit fiscal en fonction des besoins de certaines catégories de Canadiens et d'activités commerciales dans le but de réaliser des objectifs liés à l'équité sociale et à la productivité économique.
Par exemple, notre droit fiscal traite différemment des autres les personnes âgées, tout comme les gens ayant des personnes à charge, et on permet l'amortissement beaucoup plus rapide de certains investissements commerciaux. Notre droit fiscal comporte également des mesures qui encouragent les gens à faire des études et à acquérir de nouvelles compétences.
Le troisième argument qui milite en faveur d'une adaptation des dispositions fiscales générales en fonction des conditions et des difficultés propres à l'Inuit Nunangat, c'est que la déduction fédérale pour les habitants du Nord existe depuis 1987. Étant donné que cette déduction existe depuis plus de 20 ans, il est opportun que le projet de loi S- 227 pose la question à savoir si le traitement fiscal fédéral actuel du Nunavik et, de la même façon, des autres régions de l'Inuit Nunangat permet d'atteindre ses buts fondamentaux.
En préparant mon exposé pour ce soir, j'ai eu l'occasion d'examiner l'excellent document sur la déduction pour les habitants du Nord rédigé par les analystes de la Bibliothèque du Parlement en janvier 2004. J'ai noté que ce document soulignait cinq points justifiant un traitement fiscal particulier pour les régions nordiques : des raisons de souveraineté, la promotion du développement économique; les différences régionales sur les plans des salaires et du coût de la vie; les différences régionales relatives aux biens et services; et les difficultés particulièrement liées à la vie dans un environnement géographique dur.
Tous ces facteurs sont aussi pertinents aujourd'hui qu'en 2004. Certains, bien sûr, comme la souveraineté, sont des facteurs encore plus visibles et importants dans le domaine des politiques publiques.
Il semble y avoir un appui général et constant au Canada pour l'utilisation des politiques fiscales et pour un traitement fiscal différencié dans le cas de certaines catégories de Canadiens, d'activités économiques et de régions, dans le but de réaliser des objectifs d'intérêts publics légitimes et transparents. Cependant, il reste des questions : dans quelle mesure ces traitements fiscaux particuliers doivent-ils être ambitieux, ou généreux? Quelle devrait en être la portée géographique? Combien de temps ces traitements spéciaux devraient-ils durer?
Pour l'ITK, les réponses à de telles questions devraient être radicalement pratiques. « Pratiques » parce que nous avons besoin de mesures concrètes pour améliorer la vie quotidienne et l'espoir de ces collectivités, de ces ménages et de ces personnes; « radicalement » parce que l'accumulation de problèmes sociaux et économiques exige une action forte et créatrice de la part de tous et une impatience saine envers le statu quo.
J'ai eu l'occasion de réciter de nombreuses fois, devant des comités parlementaires ou à l'occasion d'autres rencontres publiques, une litanie douloureuse de statistiques qui démontrent les écarts entre les Inuits et les autres Canadiens en ce qui concerne le bien-être et l'espérance de vie. Je sais que le sénateur Watt, quand il a présenté ce projet de loi et à de nombreuses autres occasions, a également communiqué ce type d'information.
Je ne répéterai pas cette information aujourd'hui. Je dirai, cependant, que le traitement fiscal particulier des régions arctiques devrait être conçu pour amener des résultats rapides et tangibles.
Présentement, rien ne démontre que l'approche fiscale fédérale actuelle donne de tels résultats. Rien ne démontre que la situation fiscale actuelle permet d'une quelconque façon d'en arriver à une réduction mesurable des problèmes de sous-développement économique et social qui sévissent dans les régions inuites.
Par conséquent, ma première recommandation à votre comité dans le cadre de son examen de ce projet de loi est de rester ouvert à la possibilité que des modifications au régime fiscal soient nécessaires pour promouvoir le développement économique et social des régions inuites, et que ces modifications soient peut-être beaucoup plus vastes que ce que nous avons vu par le passé afin de mener à des résultats. Voilà un des messages clés de ce projet de loi.
À ce sujet, et sans vouloir minimiser les propositions contenues dans le projet de loi, je crois que votre comité devrait peut-être, un jour, songer à un allègement fiscal pour l'Inuit Nunangat qui prendrait la forme d'un crédit d'impôt remboursable pour chaque habitant. Un crédit d'impôt remboursable pour chaque résident serait particulièrement avantageux pour ceux qui ont les revenus les plus faibles et les besoins les plus pressants, y compris les ménages comptant de nombreuses personnes à charge.
Ma deuxième recommandation concerne la portée géographique des propositions fiscales du projet de loi. Les problèmes du Nunavik identifiés par le sénateur Watt sont vécus de façon semblable dans les trois autres régions inuites, et j'encourage le comité à considérer l'application de ce projet de loi aux quatre régions de l'Inuit Nunangat.
Ma troisième recommandation est que votre comité explore de façon plus approfondie le traitement fiscal des chasseurs et trappeurs du Nord comparativement à ceux qui vivent des ressources du territoire d'une façon plus conventionnelle et semblable à celle du Sud, comme les agriculteurs et les bûcherons.
Pour terminer, il est important que la politique fiscale soit suffisamment prévisible pour encourager les entreprises et les personnes à faire leurs choix et à prendre des engagements économiques avec un certain sentiment de sécurité.
Conséquemment, j'espère que tout changement favorable au traitement fiscal des régions inuites sera d'une durée suffisante pour permettre l'évaluation objective de son efficacité et pour offrir la stabilité nécessaire aux investisseurs et aux ménages.
Le président : Merci beaucoup, madame Simon. C'était très utile, et nous comprenons votre position.
Nous allons maintenant entendre Mme Novalinga.
Rita Novalinga, directrice générale, Fédération des coopératives du Nouveau-Québec : Sénateur Patterson, bienvenue, il est bon de vous voir ici. Je vous ai rencontré il y a de nombreuses années à Iqaluit.
La fédération et les coopératives du Nord sont des travailleurs de première ligne. Nous sommes en contact chaque jour avec des gens qui doivent acheter des choses expédiées par voie maritime, alors j'adopterai, dans mon exposé, le point de vue d'une Inuite du Nord.
Chaque jour, nous faisons face à de nombreux défis à cause du coût élevé de la vie au Nunavik. Je suis de Puvirnituq, une collectivité sur la côte est de la baie d'Hudson. Vous pouvez la voir sur la carte que vous avez reçue. Je suis la première directrice générale inuite de la Fédération des coopératives du Nouveau-Québec, la FCNQ, et cela fait quatre ans que j'occupe ce poste.
Les deux premières coopératives du Nunavik ont été formées, premièrement, la Kangiqsualujjuaq, qui est dans la région d'où vient Mme Simon, en 1959, et ensuite à Puvirnituq, ma collectivité d'origine, en 1960. En 1967, cinq coopératives formaient la fédération dont je suis maintenant la directrice générale.
Nous offrons une vaste gamme de services à nos membres. Toutes les coopératives sont indépendantes, c'est-à-dire que la fédération ne les gère pas. En d'autres mots, de nombreuses personnes pensent que la fédération est l'administration centrale, mais en réalité nous servons les coopératives et leurs membres. C'est très différent. Les Inuits sont nos patrons, et nous offrons de la formation, des services et la distribution.
Nous sommes le deuxième plus important employeur au Nunavik, après les organismes gouvernementaux. La fédération emploie environ 130 employés à Baie-d'Urfé, et environ 250 à 300 Inuits travaillent quotidiennement dans les coopératives des 14 collectivités.
En plus de représenter les associations de coopératives dans toutes les collectivités du Nunavik, la FCNQ gère également Art Nunavik, d'où proviennent toutes les sculptures de saponite; Artic Adventures, une agence de tourisme qui offre des services de tourisme dans le Nord; Voyages FCNQ, une agence de voyages; et FCNQ Petro et FCNQ Construction Inc.
Il y a deux ans nous avons lancé des services bancaires avec la Caisse d'économie solidaire Desjardins. Nous avons également un partenariat de transport maritime avec Desgagnés Transarctik Inc. Notre entreprise commune s'appelle Taqramut Transport Inc. Je voulais vous le dire, parce que nous offrons tous ces services dans le Nord. Nous touchons donc à la fiscalité, aux gens et à tous les aspects de la vie inuite dans le Nord.
Les coopératives sont nées d'un travail acharné et d'une vision. Lorsque je pense aux Inuits, comme mes parents, ceux de Mme Simon et du sénateur Watt, ils ont épargné cinq sous pour chaque dollar qu'ils gagnaient. Ils avaient un rêve et ont travaillé pour l'atteindre. Ils avaient une vision, et, par conséquent, nous avons aujourd'hui une entreprise de plusieurs millions de dollars. C'est une histoire que personne ne devrait oublier.
Il n'y a aucune route qui fait le lien entre le sud du Québec et le Nunavik, et c'est le facteur déterminant qui explique le coût élevé de la vie au Nunavik. Toute la marchandise est transportée par navire pendant la saison de navigation ou par avion à longueur d'année. Nous parlons de tous les biens de consommation, de la nourriture aux meubles, y compris tous les matériaux de construction. Cette situation n'est pas facile à gérer, et nous devons continuellement réviser nos procédures pour trouver la façon la plus économique de transporter toutes les marchandises vers les 14 coopératives. Je vais vous donner quelques exemples.
Un contenant de jus d'orange Oasis de 960 millilitres coûte 1,69 $ à Montréal. Au Nunavik, nous devons payer 3,69 $. Pour un jus de fruit — il y en a différentes sortes — qui n'est pas subventionné par Affaires indiennes et du Nord Canada, nous devons payer 8,19 $ alors qu'au sud, vous payez 1,89 $.
Pour 454 grammes de beurre, au sud, on paie 3,49 $; dans le Nord, nous payons 8,49 $. Pour le beurre d'arachide Kraft — si vous avez des enfants, tous les enfants aiment le beurre d'arachide — un bocal de 500 grammes coûte 3,99 $ à Montréal; dans le Nord, c'est 6,49 $. Pour des biens de la vie quotidienne comme le papier de toilette, ici, on paie 5,99 $ pour 24 rouleaux. Dans le Nord, nous devons payer 12,99 $ pour ces mêmes rouleaux.
Comme vous pouvez le voir grâce à mes exemples, le prix du panier d'épicerie du Nord correspond à 116 p. 100 du prix de celui de Montréal et des régions environnantes. La vie dans le Nord est très chère.
La façon la moins coûteuse d'envoyer de la marchandise dans le Nord, c'est par bateau — par transport maritime — pendant l'été, mais la saison est courte. Nous essayons de faire venir autant de biens que possible par bateau afin de limiter le plus possible nos coûts. Toutefois, il y a des produits périssables qui ont une date d'expiration. Bien que certains produits d'épicerie soient envoyés par bateau, la plupart le sont par avion, tout simplement parce que nous voulons les avoir aussi frais que vous au sud. Cela signifie donc un coût plus élevé pour le consommateur.
Le prix de certains produits essentiels périssables ou non périssables est présentement subventionné en partie par le Programme d'approvisionnement alimentaire par la poste géré par AINC. Nous vous remercions beaucoup pour cette subvention, parce que nous ne pourrions pas nous payer quoi que ce soit sans ce programme. C'est la FCNQ qui a fait des pressions afin d'obtenir cette subvention, dont le Nord profite maintenant depuis les années 1970. Nous sommes ceux qui ont depuis le début exercé des pressions pour obtenir un coût de la vie moins élevé.
Cependant, le ministère de M. Strahl révise présentement ce programme. Nous demandons que les subventions soient offertes directement aux détaillants, c'est-à-dire nous, afin de réduire le nombre d'intermédiaires. Présentement, le gouvernement fédéral donne le contrat à Postes Canada. Postes Canada, à son tour, fait affaire avec la ligne aérienne pour fixer les frais d'envoi. On peut éliminer ces intermédiaires pour réduire le coût de la vie dans le Nord.
Présentement, au Nunavik, qui est la région dont on parle, il n'y a qu'une ligne aérienne. Sans concurrent, vous pouvez bien comprendre la situation. Nous n'avons pas un mot à dire, malgré le Programme d'approvisionnement alimentaire par la poste.
J'aimerais aussi vous dire que la fédération et les coopératives subventionnent également certains biens essentiels. Voici quelques exemples : nous avons besoin de pain chaque jour, et les coûts de transport réels pour 10 kilogrammes de farine sont de 8,75 $. Cependant, parce que nous sommes des distributeurs, la FCNQ charge aux coopératives 6,19 $; nous perdons 2,56 $ par unité.
Tout le monde utilise du sel. Les coûts réels de transport pour un kilo sont de 1,55 $. La FCNQ charge 37 ¢ à la coopérative, c'est-à-dire une perte de 1,18 $. Il y a le programme fédéral, mais la FCNQ et les coopératives elles-mêmes subventionnent les subventions. Vous devez comprendre ce point. Nous sommes chanceux d'avoir les coopératives, parce que si c'était une entreprise privée, elle demanderait le prix régulier.
Les coûts de transport réels de quatre kilogrammes de sucre sont de 3,95 $. La FCNQ demande 3,77 $ à la coopérative, une perte de 18 ¢ par unité. Conséquemment, nous perdons encore de l'argent. Nos membres sont convaincus qu'avec nos 42 années d'expérience dans le mouvement coopératif, ils sont plus que compétents pour bien gérer cette subvention.
Vous devez aussi connaître les avantages liés au transport de marchandises. Comme je l'ai dit plus tôt, le gouvernement a le plus grand nombre d'employés dans le Nord et offre actuellement aux fonctionnaires des avantages liés au transport de marchandises. Comme M. Duhaime l'a dit plus tôt, nous avons des professionnels dans le Nord. L'avantage lié au transport de marchandises ne nous aide pas à réduire le coût élevé de la vie parce qu'il crée deux niveaux de services. Premièrement, les subventions du Programme d'approvisionnement alimentaire par la poste nous sont données à nous, la population générale. Deuxièmement, les fonctionnaires peuvent commander directement de la nourriture des entreprises du Sud, contournant ainsi les détaillants qui offrent ces services à la population générale dans le Nord.
Si vous retirez cet avantage, cela permettrait aux détaillants d'avoir de plus grandes occasions de placer des commandes en gros afin de réduire les coûts. Le plus important, c'est que cela réduirait de façon draconienne la consommation d'alcool dans le Nord. Une caisse de 24 bières coûte à vous et moi, en tant que contribuables, 80 $ pour l'envoyer à Kuujjuaq. Pour l'envoyer à Salluit, qui est la collectivité la plus au nord dans le Nunavik, cela nous coûte 130 $. De nombreux biens essentiels devraient être subventionnés, mais je ne crois pas que l'alcool en soit un.
Le coût élevé des voyages est un aspect qui surprend toujours les Canadiens du Sud. Un voyage aller-retour entre Montréal et ma collectivité de Puvirnituq me coûte 3 575,69 $. J'ai une fille de sept ans. Si elle voyageait avec moi, cela me coûterait 5 408,73 $. Un voyage aller-retour entre Salluit, une des collectivités les plus au Nord, et Montréal coûte 3 894,80 $. Certains d'entre vous ont peut-être entendu parler du célèbre cratère à Kangiqsualujjuaq, ou George River, à propos duquel nous avons fait beaucoup de publicité touristique. Un voyage aller-retour pour aller voir ce cratère vous coûtera 3 045,29 $.
En tant que directrice générale de la coopérative, j'envoie deux de mes employés en Chine afin de magasiner en gros pour les coopératives parce qu'il faut trouver des façons d'économiser. Un voyage aller-retour pour Montréal coûte 2 452,12 $, et bien sûr, la Chine est de l'autre côté de la planète.
La FCNQ gère également une division qui s'appelle la FCNQ Construction Inc. Cette division gère la construction de tous les édifices de nos coopératives, de même que d'autres édifices au Nunavik. Les coûts de construction sont de 50 p. 100 plus élevés au Nunavik qu'à Montréal à cause des frais de transport et d'hébergement pour les gens de métier spécialisé; une saison de construction plus courte qui amène des salaires plus élevés à cause des heures supplémentaires; le coût de transport des matériaux de construction, les garanties et autres frais afférents. Vous pouvez vous imaginer les coûts de construction.
En conclusion, j'espère que j'ai pu vous communiquer, dans ce bref exposé, l'urgence de la situation résultant du coût élevé de la vie au Nunavik. Merci beaucoup de m'avoir donné la possibilité de présenter nos préoccupations. Comme vous êtes les décideurs au Canada, nous osons espérer que, dans un avenir prochain, vous trouverez la meilleure solution pour améliorer la qualité de la vie de mon peuple dans le Nord de sorte qu'elle corresponde au niveau de vie dont jouit chaque Canadien dans ce pays qui est le nôtre.
Le président : Madame Novalinga, merci beaucoup. Nous verrons si les gens ont des questions à la suite de vos commentaires.
[English]
Le sénateur Rivard : J'ai été très impressionné par la dernière présentation, celle de Mme Novalinga. On se rend compte que la situation dans le Nord n'est pas celle du Sud.
Je voudrais également souhaiter la bienvenue à M. Duhaime, à qui s'adresse ma première question.
Dans votre profil socioéconomique du Nunavik de 2006, vous indiquez que les revenus des résidants du Nunavik sont beaucoup plus faibles que ceux des résidants du Québec. Croyez-vous que les mesures proposées dans le projet de loi S-227 auront un impact fiscal important?
M. Duhaime : Si on parle d'une réduction de la TPS, évidemment, cela n'agit pas sur les revenus directement, mais plutôt sur le fardeau de dépenses; il est certain que cela ne peut avoir que des effets bénéfiques.
Le sénateur Rivard : On augmente la mesure fiscale pour les résidants, est-ce que cela pourrait avoir un effet significatif?
M. Duhaime : Cela aurait un effet très important, surtout s'il n'y a pas de limite. Je n'en ai pas vu dans le projet de loi, mais s'il n'y a pas de plafond autre que les 70 $ par jour, il est certain que cela aura un effet immédiat, en particulier pour les ménages les moins bien nantis. On parle de 20 000 $ et plus et il y a actuellement, par exemple, des ménages de personnes âgées, qui ne reçoivent que la pension fédérale. Ils ont pour tout revenu annuel 10 à 12 000 $, ce qui est deux à trois fois sous le seuil du faible revenu. Si on était capable, par une mesure comme celle-là, d'accroître leur revenu d'une façon significative, cela aurait certainement un impact très important pour la région.
Le sénateur Rivard : À la fin de votre présentation, je pense que vous étiez conscient que le projet de loi ici porte sur le Nunavik, et on établit, au ministère des Finances, que le coût de cette mesure serait de 30 millions par année. Si on l'étend à tout ce qui est au nord de l'Arctique, on parle de 300 millions. Donc, donner suite strictement au projet de loi S-227, est-ce que vous trouvez que ce serait équitable?
M. Duhaime : Mon avis sur ce point est net; ma réponse est oui. À cause des arrangements constitutionnels au Canada actuellement, les régions nordiques — le Nunavik au premier chef, mais c'est aussi vrai au Nunavut — ne retiennent pas directement les bénéfices de l'exploitation des ressources naturelles. Il s'agit de montants d'argent très important. Si les arrangements constitutionnels étaient différents au Canada, une région comme le Nunavik pourrait à peu près se payer tous les services publics dont elle a besoin — si elle retenait les bénéfices de l'hydroélectricité par exemple, ce qui n'est pas du tout le cas. C'est la même chose au Nunavut.
Tant qu'on n'a pas une situation dans laquelle on aura une dévolution au point que les territoires auront la même juridiction que les provinces sur les ressources naturelles, les paiements de transfert vont demeurer importants.
Il est entendu que si on compare ces sommes avec ce qui sort de la région, on dit : mon Dieu que cela coûte cher! Mais si on réalise l'importance de la richesse créée dans ces régions, on parle de chiffres tout à fait différents.
Dans les Territoires du Nord-Ouest, en ouvrant une seule mine, on a dépassé la valeur de la production minière de l'Alaska.
Il y a beaucoup de production de richesse dans ces régions, malheureusement, les régions n'ont pas la capacité constitutionnelle de retenir ces richesses pour se payer elles-mêmes ces services.
Si on disait « oui », cela coûterait 300 millions. C'est énorme! Je suggère qu'il faut comparer cela avec ce que le Canada retire par l'exploitation des régions nordiques.
Le sénateur Rivard : Je vous remercie, c'est très clair.
[Translation]
Le sénateur Di Nino : Monsieur Duhaime, il se peut que j'aie mal compris. La déduction pour les habitants de régions éloignées est une déduction relative au revenu. Lorsque vous avez dit tout à l'heure que 70 $ par jour pour les familles à faible revenu et les personnes âgées serait très utile, je n'ai pas très bien suivi cette discussion. Selon une des préoccupations exprimées hier lors des audiences, cette disposition particulière du projet de loi ne serait vraiment avantageuse que pour les résidants du Nunavik ayant un revenu plus élevé, parce qu'il s'agit d'une déduction. Si vous ne faites pas beaucoup d'argent, vous ne profiterez pas beaucoup de cette disposition. Par exemple, les aînés sont à 15 p. 100 ou peu importe le montant où ils se situent, et je pense que les familles à faible revenu sont à environ 40 ou 42 p. 100, selon ce que le sénateur Watt nous a dit dans son discours au Sénat. J'ai peut-être mal compris ce que vous avez dit. Est-ce cela que vous avez essayé de nous expliquer?
M. Duhaime : Dans mon exposé, j'ai entre autres suggéré de changer la perspective qui est adoptée dans le projet de loi et d'opter plutôt pour un crédit d'impôt remboursable. De cette façon, vous pourrez rejoindre les ménages les plus pauvres.
Le sénateur Di Nino : Je voulais tout simplement m'assurer que M. Duhaime parlait d'autres choses que des dispositions du projet de loi.
Le président : C'est exact. Nous comprenons qu'il s'agit d'une recommandation visant un crédit d'impôt remboursable, mais qu'il n'en est pas question dans le projet de loi à l'étude.
Le sénateur Banks : Je ne suis pas un membre habituel de ce comité, et je m'excuse monsieur le président et chers collègues si cette question a déjà été posée et si on y a déjà répondu. Si une réponse a été donnée aujourd'hui et que je l'ai ratée, je m'en excuse également.
Est-il possible de faire une distinction entre les difficultés que vous avez décrites et auxquelles doivent faire face les personnes qui vivent au Nunavik en particulier, et les difficultés similaires qui existent comme nous l'avons appris dans d'autres endroits dans les trois territoires que vous avez mentionnés, madame Simon? La situation est-elle pire, différente, moins pire, ou plus ou moins semblable? Pouvons-nous raisonnablement extrapoler ce coût, le multiplier par la population et dire que c'est ce qu'il en coûterait dans le Nord, ou bien y a-t-il une distinction à faire?
Mme Simon : Je n'ai pas les chiffres à l'appui, mais je dirais que c'est à peu près pareil.
Le sénateur Watt : Sauf dans le Nord du Labrador et du Nunavik, il y a trois niveaux d'imposition. Dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut, il n'y a qu'un niveau d'imposition.
Le sénateur Banks : Pouvez-vous donner des précisions à ce sujet pour que nous comprenions clairement?
Mme Simon : C'est en raison des régimes fiscaux fédéral et provinciaux. Au Nunavik, nous payons les impôts fédéral et provincial, ainsi que la TPS. Dans les Territoires, ils ne paient que l'impôt fédéral.
Le sénateur Patterson : Selon la politique gouvernementale, il n'y a pas de taxe de vente au Nunavut ni dans les Territoires. Il n'y a pas de taxe provinciale ni territoriale.
Mme Simon : Il n'y a pas de taxe de vente.
Le sénateur Banks : Y a-t-il un impôt sur le revenu?
Mme Simon : Oui. Les Inuits sont tous des contribuables.
Le président : Y a-t-il un impôt territorial en plus d'un impôt sur le revenu fédéral?
Mme Simon : Je ne sais pas.
Le sénateur Patterson : Oui.
Le président : Par conséquent, il n'y a pas de différence.
Le sénateur Nancy Ruth : Est-ce qu'on produit une déclaration de revenus, laquelle est redirigée vers le territoire ou la région?
Le sénateur Banks : J'aimerais reformuler cette partie de la question. Tout le monde au Canada que je connais produit une déclaration de revenus ou deux déclarations de revenus, selon la province où ils vivent. Dans ma province, je produis une déclaration de revenus, mais dans cette déclaration, je paie un impôt fédéral sur le revenu, ainsi qu'un impôt provincial sur le revenu. Les habitants des Territoires du Nord-Ouest, il me semble, produisent une déclaration de revenus, mais par le fait même, ils paient un impôt fédéral sur le revenu, ainsi qu'un impôt territorial sur le revenu, et c'est sans compter la TPS. Ne tenons pas compte de la TPS, parce que tout le monde la paye. Je suppose que les gens du Nunavik contribuent également à deux régimes fiscaux : ils paient un impôt provincial, plutôt qu'un impôt territorial, et un impôt fédéral sur le revenu, peu importe la distinction ou les différences entre les divers niveaux d'imposition autres que l'impôt fédéral.
J'habite en Alberta, et nous contribuons à l'impôt sur le revenu de l'Alberta, qui est très faible. Même si le taux d'imposition a déjà été moins élevé, il ne le sera plus. Ça fait partie de ma question, ainsi que les autres facteurs de coût, parce que les trois autres territoires que vous avez mentionnés, Mme Simon, ont tous, du moins dans certaines régions, les mêmes problèmes de transport. Il n'existe pas de route tous temps pour Tuktoyaktuk. Lorsque les routes de glace sont fondues, ce qui se produit maintenant plus souvent qu'autrefois, le coût du transport d'une livre de beurre vers Tuktoyaktuk monte en flèche.
Je me demande tout simplement s'il existe une distinction particulière au Nunavik, par rapport aux quatre autres territoires inuits.
Mme Simon : Je pense qu'il n'y a pas de différence, parce que le coût de la vie est très élevé partout dans l'Arctique. Aucune route ne mène au Nunavik, au Nunavut, ni au Nordlabrador; c'est comme vous le dites, semblable à l'Arctique de l'Ouest. Comme nous utilisons le même type de mode de transport, le niveau de coût est comparable partout dans l'Arctique. Ça varie quelque peu d'une collectivité à l'autre, selon l'endroit où elle se situe, mais en général, c'est comparable.
Le président : Merci pour cette question. Ça clarifie les choses.
Le sénateur Neufeld : Monsieur Duhaime, vous avez dit que de 30 à 40 p. 100 de la population vit sous le seuil de la pauvreté. D'abord, j'aimerais dire que j'apprécie ce qu'a dit Mme Novalinga. J'ai également vécu dans le Nord. Il ne s'agit pas du Nord où vous avez vécu, mais bien du Nord de la Colombie-Britannique. Nos coûts sont également plus élevés qu'à Vancouver, alors je peux comprendre ce que vous dites.
Quel est le seuil de la pauvreté? Je pense qu'au Canada il se situe à 12 000 $. Est-ce que c'est le montant que vous avez en tête lorsque vous dites que les gens vivent sous le seuil de la pauvreté?
M. Duhaime : C'est exactement le genre de questions auxquelles nous essayons d'obtenir des réponses ces jours-ci. La principale échelle de mesure de la pauvreté au Canada ne tient pas compte des prix élevés dans le Nord. Nous avons fait une étude préliminaire et dressé la liste de toutes les méthodes de mesure utilisées au Canada ou dans la province de Québec pour essayer d'établir le seuil de la pauvreté. Nous avons conclu que, si nous appliquons des seuils semblables à ceux qui sont utilisés à Montréal ou à Ottawa, les statistiques sur la pauvreté sont plus élevées que dans le Sud, mais pas aussi élevées que ça. Toutefois, ça ne tient pas compte du fait qu'une livre de beurre est deux ou trois fois plus chère qu'à Montréal.
Dans cette étude préliminaire, qui s'est fondée sur des études antérieures, nous en avons tenu compte pour hausser le seuil et avoir une idée générale. Nous avons été très conservateurs pour ne pas créer une image exagérée. Nous voulions obtenir l'estimation la plus conservatrice possible, en fonction des données disponibles. Lorsque je dis 30 p. 100 je suis certain qu'il s'agit d'une sous-estimation.
Nous avons commandé au Bureau de santé et de services sociaux régional du Nunavik une autre recherche selon laquelle le taux se situe plus près de 40 p. 100. Au cours des prochaines années, notre groupe, en collaboration avec le gouvernement régional de Kativik et la Corporation régionale inuvialuite, réalisera une enquête spéciale pour essayer de déterminer quels sont les véritables chiffres.
Le sénateur Neufeld : Je comprends ce que vous dites. Et je ne suis pas en désaccord avec vos justifications. J'essayais de comprendre à quoi renvoyaient vos chiffres lorsque vous avez dit que 40 p. 100 des Inuits vivent sous le seuil de la pauvreté. Je pense que c'est ce que vous avez dit. Lorsque vous avez dit de 30 à 40 p. 100 j'aimerais savoir quels étaient les chiffres que vous aviez en tête.
M. Duhaime : Je peux vous donner un exemple.
Le sénateur Neufeld : Dites-moi un montant, que ce soit 10 000, 12 000 ou 15 000 $.
M. Duhaime : En général, dans les zones rurales du Québec, nous nous servirions d'un revenu de 29 000 $ pour une famille de quatre. Si nous utilisions ce montant au Nunavik, d'emblée environ 25 p. 100 de la population se trouverait sous ce seuil. Si nous multiplions ce nombre par un facteur qui tient compte du coût élevé de la vie dans le Nord, par exemple 44 p. 100, alors nous n'utiliserions plus 29 000 $, mais plutôt 35 000 $ ou un montant semblable.
Le sénateur Neufeld : Quel nombre aviez-vous en tête lorsque vous avez dit que 30 à 40 p. 100 de la population vit sous le seuil de la pauvreté? S'agissait-il alors de 40 000 $ ou de 30 000 $? C'est la question que je vous pose.
M. Duhaime : Je ne puis vous le dire, mais je peux vous faire parvenir l'étude que nous avons diffusée qui contient les chiffres précis. C'est environ 35 000 $, soit un revenu plus ou moins égal à celui d'une personne vivant dans le Sud. C'est l'équivalent d'environ 30 000 $ en pouvoir d'achat.
Le sénateur Neufeld : Vous avez dit que bien des aînés dans le Nord auront un revenu de 12 000 $ provenant du Régime de pensions du Canada, de la pension de la sécurité de la vieillesse, de la prestation de retraite supplémentaire et ainsi de suite. Comment cela se compare-t-il au chiffre de 35 000 $?
Vos chiffres me laissent perplexe. J'essaye de comprendre comment, en réalité, vous aidez les personnes qui se trouvent dans la fourchette de revenu la plus faible. À mes yeux, le gouvernement a déjà augmenté les déductions pour les habitants de régions éloignées de 10 p. 100 cette année. Elle se situe maintenant à plus de 6 000 $, et chaque particulier a droit à un montant X sur lequel il ne paie pas d'impôt. C'est là où je veux en venir.
Les personnes qui sont bien rémunérées s'en tirent probablement bien, mais si on augmente considérablement la déduction pour les habitants de régions éloignées, est-ce que ça permet réellement d'atteindre les personnes que vous visez, ou bien est-ce qu'on inclut toute la population, et uniquement dans une région? J'ai de la difficulté à comprendre comment vous allez gérer cela uniquement dans une région du Canada. Ça me pose problème. Je ne nie pas le fait que les coûts sont astronomiques, ce sont des choses pour lesquelles je n'ai pas de point de repère. Je n'essaye pas de dire que les prix ne sont pas élevés. J'essaye de déterminer si on aide vraiment les gens en augmentant le montant à 70 $ par jour, c'est-à-dire, est-ce qu'on aide les gens les plus pauvres qui en ont réellement besoin. C'est un des problèmes que nous avons en tant que groupe, soit d'essayer de comprendre la situation. Merci.
Vous avez évoqué les recettes provenant des ressources naturelles. Je ne connais pas très bien le système du Québec, mais je crois que ce sont des recettes provinciales et non fédérales. Il y a probablement une certaine partie de recettes fédérales sous la forme de l'impôt sur le revenu des sociétés, selon la province dans laquelle les entreprises déclarent leurs revenus. Si elles les déclarent à l'extérieur du Québec, le gouvernement du Québec ne reçoit pas l'impôt sur le revenu des sociétés. Toutefois, c'est lui et non le gouvernement fédéral qui toucherait les recettes des ressources naturelles. Vous êtes d'accord?
M. Duhaime : Oui.
Le sénateur Neufeld : Je me suis entretenu de cette question quelque peu hier, avec le sénateur Watt. Le gouvernement du Québec devrait participer à la recherche de solutions à ces problèmes, parce que c'est lui qui touche les recettes, pas le gouvernement fédéral. Êtes-vous d'accord? Le gouvernement fédéral devrait toucher une partie de ces revenus.
Le président : Voulez-vous répondre?
M. Duhaime : Nous avons réalisé une enquête pour connaître la situation des aînés. Environ la moitié d'entre eux ne touchent que les prestations du Régime de pension du Canada, parce qu'ils n'ont pas ou ont peu contribué au régime propre au Québec, la Régie des rentes. Ce sont les personnes les plus pauvres. À mon avis, la meilleure façon de rejoindre ou d'aider ces aînés, qui sont les plus démunis, serait le crédit d'impôt remboursable.
Pour ce qui est de la participation du Québec, avec mon équipe et d'autres membres des autorités du Nunavik, nous examinons en ce moment ce que font les gouvernements pour réduire le coût de la vie. Mme Novalinga a mentionné les mesures fédérales, c'est-à-dire le Programme d'approvisionnement alimentaire par la poste; le gouvernement du Québec lui, consacre environ 40 millions de dollars, sous différentes formes et par différents moyens, par réduire le coût de la vie dans la région.
Le sénateur Neufeld : Quand vous parlez du crédit d'impôt remboursable, j'imagine que vous parlez de la déduction pour les habitants de régions éloignées. Est-ce bien le cas? Les aînés dont le revenu est inférieur à 12 000 $, c'est-à-dire inférieur aux prestations du RPC, ne paient pas d'impôt sur le revenu au départ. Si on ajoute l'exemption de base de 6 000 $, ils ne paient pas d'impôt de toute façon. Je pense qu'il faut creuser davantage la question pour savoir comment procéder. Je comprends les coûts que les résidents du Nord doivent assumer, non seulement au Nunavik, mais dans d'autres parties des Territoires du Nord-Ouest et dans tout le Nord du Canada, alors que beaucoup d'autres gens n'ont pas à assumer ces coûts.
Madame Novalinga, vous avez dit que les fonctionnaires qui travaillent dans la région ont droit à des avantages liés au transport de marchandises. Ai-je bien compris vos propos? Avez-vous dit qu'ils obtiennent un montant de 80 $ du gouvernement fédéral pour chaque caisse de bière qu'ils commandent?
Mme Novalinga : Je n'ai pas dit du gouvernement fédéral; quand je parlais des fonctionnaires, je parlais de ceux qui travaillent pour le gouvernement fédéral et pour le gouvernement provincial. Ils ont effectivement des avantages liés au transport de marchandises. Si vous êtes embauché pour enseigner dans le Nord, par exemple, cette mesure fera partie de vos avantages sociaux. Ainsi, vous pouvez faire vos achats où vous voulez. Vous pouvez téléphoner au magasin que vous voulez, IGA par exemple, et faire une commande. Si vous voulez des oranges, des pommes et de la bière, il suffit de les commander directement au magasin et vous recevrez le tout le lendemain.
Le sénateur Banks : Sans payer quoi que ce soit?
Mme Novalinga : Absolument. C'est un avantage qui vous est accordé si vous êtes enseignant.
Le sénateur Neufeld : L'enseignant ne paie rien, mais ce sont tous les autres contribuables du Canada qui paient la facture.
Mme Novalinga : C'est bien ce que j'ai dit. J'ai dit que nous autres, les contribuables, nous payons pour ce bénéfice.
Le sénateur Neufeld : Je voulais mieux comprendre de quoi il s'agit.
D'après mes notes, lorsqu'il s'agit de taxes sur les carburants, on n'impose aucune taxe d'accise fédérale pour le carburant s'il sert à produire de l'électricité ou à chauffer les résidences. Ai-je raison? Cette taxe a disparu depuis longtemps.
Peut-être que le sénateur Watt pourrait répondre à cette question. Votre projet de loi porte sur la taxe d'accise.
Le sénateur Watt : Je sais tout simplement que je paye une taxe vicinale alors que je n'ai pas de routes. Ceci n'est qu'un exemple parmi d'autres.
Le sénateur Neufeld : Est-ce que vous payez une taxe vicinale au gouvernement provincial?
Le sénateur Watt : Je la paie au gouvernement fédéral.
Le sénateur Neufeld : Le gouvernement fédéral n'a pas de taxe vicinale.
Le sénateur Watt : C'est ce que je pensais. Néanmoins, on m'a quand même dit que la taxe vicinale était une taxe fédérale.
Le sénateur Neufeld : Quand il s'agit de chauffer une résidence ou de générer de l'électricité, on ne paye pas de taxe d'accise.
Le président : Nous avons réglé ce problème hier avec les fonctionnaires du gouvernement : il n'y a pas de taxe fédérale vicinale pour l'essence.
Le sénateur Neufeld : Vous avez raison.
Le sénateur Watt : Non, pas pour l'essence.
Le sénateur Neufeld : Cela fait partie des recettes générales.
Le sénateur Watt : Je ne voudrais pas vous donner la fausse impression qu'il s'agit seulement du Nunavik. Nous avons parlé du Nunavik et des Territoires du Nord-Ouest.
Le sénateur Di Nino : Madame Simon, pourriez-vous m'aider un peu avec les statistiques que nous venons d'entendre? M. Duhaime a parlé de la disparité entre ce que gagne un Autochtone et ce que gagne un non Autochtone. On nous a aussi parlé des fonctionnaires, à comparer avec ceux qui ne sont pas fonctionnaires. Les membres de la fonction publique sont-ils surtout non autochtones, ou bien y a-t-il aussi des Autochtones? Avons-nous des statistiques qui nous donnent les proportions?
Mme Simon : En réponse à votre première question, il y a des renseignements dans le dossier que nous vous avons donné.
Le sénateur Di Nino : Le public n'a pas accès à ces documents, c'est pourquoi je veux que l'information figure dans le procès-verbal.
Mme Simon : Il s'agit d'un recensement réalisé en 2001. Je crois que c'est le dernier qui a donné lieu à des statistiques. Du point de vue de la géographie, par exemple, à Terre-Neuve-et-Labrador, le revenu moyen d'un adulte canadien est de 22 620 $, tandis que l'adulte inuit gagne en moyenne 17 809 $. Au Québec, le revenu moyen en 2001 était de 27 125 $. Dans les communautés inuites, le revenu est de 19 054 $. Cela vous donne une idée de la fourchette. C'était en 2001, alors j'imagine que les chiffres ont changé de façon spectaculaire depuis ce temps. En moyenne, l'Inuit gagne beaucoup moins.
Le sénateur Di Nino : Je voudrais me concentrer sur le Nunavik, la région dont nous parlons dans ce projet de loi.
Mme Simon : C'est bien ce que je disais. Au Québec, selon les chiffres de l'année 2001, le revenu moyen était de 27 125 $; au Nunavik, l'adulte inuit gagne en moyenne 19 054 $.
Le sénateur Di Nino : D'après les statistiques que M. Duhaime nous a données, et corrigez-moi si je me trompe, au Nunavik, il y a une disparité entre les revenus de la population locale autochtone du Nunavik, d'une part, et ceux de la population non autochtone d'autre part, c'est-à-dire les gens qui viennent travailler pour une période de temps limitée. C'est sur cela que porte ma question, et non sur la comparaison des revenus par rapport à d'autres régions du Canada. Je suis bien plus intéressé de savoir quelle est cette différence, et ensuite je poserai quelques autres questions.
Plusieurs facteurs expliquent cette disparité. Mme Novalinga a précisé quelques-uns de ces facteurs. Il s'agit des différents avantages accordés aux travailleurs qui viennent de l'extérieur de la région.
Le sénateur Di Nino : Je crois qu'il s'agit des coûts de transport.
Mme Simon : Il y a aussi l'indemnité de vie dans le Nord.
Mme Novalinga : Le logement.
Mme Simon : Oui, le logement. On n'a pas droit à un logement si on vit déjà dans la région, mais si on vient du sud du pays ou d'ailleurs, on a droit à un logement; cela fait partie des conditions d'emploi. La personne devra peut-être payer un loyer, mais ça dépend. De toute façon, le loyer, s'il y en a un, est très bas. De plus, on obtient des subventions pour tout le reste. En fait, tout est plus ou moins subventionné si une personne non autochtone ou non inuite déménage dans le Nord pour y travailler.
Le sénateur Di Nino : Je ne veux pas être pointilleux, mais si une personne autochtone quitte le Québec, l'Ontario ou la Colombie-Britannique pour aller travailler dans le Nord et que cette personne est née au Nunavik, reçoit-elle les mêmes indemnités qu'une personne née en Ontario? La personne autochtone aurait-elle droit aux mêmes indemnités?
Mme Simon : Oui, pour autant que je sache. Si une personne vit à l'extérieur de son territoire, et que cette personne obtient un emploi à l'extérieur de son territoire et doit donc déménager, je crois qu'elle a droit à des indemnités. Si une personne vit déjà là où est l'emploi, elle n'a pas droit aux indemnités.
Le sénateur Di Nino : C'est un très bon message. Pour les quelques personnes qui regardent la télévision à 3 heures ou 4 heures du matin, c'est un message important.
Mme Simon : Je dois me reprendre : cela dépend également de l'employeur. Si une organisation sans but lucratif vous embauche et que vous devez déménager, vous n'aurez pas nécessairement droit aux indemnités. Par contre, si une agence gouvernementale vous embauche, vous obtenez généralement ces avantages si vous avez été engagé à l'extérieur du Nunavik.
Le sénateur Di Nino : Cela inclut les entreprises qui font affaire au Nunavik, n'est-ce pas?
Mme Simon : Oui, précisément.
Le sénateur Di Nino : Ce projet de loi prévoit une réduction additionnelle de 70 $ par jour dans le cadre du programme des Déductions pour les habitants de régions éloignées. Quand j'ai appris cela, je me suis demandé comment cela aiderait la grande majorité des habitants du Nunavik. Si déjà 30 p. 100 des gens se situent à ce niveau, cela représente 40 p. 100 ou plus des gens qui n'auraient pas un revenu assez élevé pour que la déduction donne un résultat. Quel sera l'avantage de cette mesure pour les aînés dont nous avons parlé, ceux qui ne gagnent qu'un revenu déplorable de 12 000 $ par an, ce qui couvre à peine leurs frais de logement? C'est tellement peu. J'ai l'impression que cette disposition n'est pas adaptée aux besoins des plus nécessiteux au Nunavik ou qu'elle ne cherche pas à les aider.
Mme Simon : Puisque je ne suis pas fiscaliste et que je ne travaille pas dans ce domaine, je préfère ne pas me lancer dans une analyse de ce qui serait bénéfique ou non. Par contre, comme je l'ai mentionné plus tôt, et comme M. Duhaime l'a dit, je ne veux pas passer outre les aspects clés de ce projet de loi, mais le comité pourrait à un moment donné envisager la création d'un allègement fiscal prenant la forme d'un remboursement de taxe ou d'un crédit d'impôt remboursable. Ainsi, cette mesure s'appliquerait à chaque résident de la région, du territoire. Est-ce que le montant de 70 $ aidera les particuliers? Je ne peux répondre à cette question. Il faudrait que vous fassiez des analyses et que vous examiniez comment la mesure fonctionnerait. Nous n'avons pas entrepris ce genre de travail.
Le sénateur Di Nino : Je comprends. Je n'essayais pas de vous mettre sur la sellette; je voulais simplement connaître votre opinion parce qu'on a soulevé cet aspect du projet de loi.
Le président : À ce stade-ci, il conviendrait d'entendre le parrain du projet de loi. Le sénateur Watt a la parole. Il va clarifier certaines dispositions pour nous, soit en les expliquant lui-même, soit en posant des questions précises aux témoins.
Le sénateur Watt : Je ne veux parler que d'une chose. Je ne veux pas donner l'impression que toutes les régions ont le même problème. Nous savons tous que toutes les régions connaissent des problèmes en matière de transport, à la différence que les habitants du Nunavik paient une taxe de vente, tandis qu'il n'y en a pas au Nunavut, ni dans les Territoires du Nord-Ouest. Je veux m'assurer que tout le monde comprend bien cela.
Le président : Est-ce qu'il y a une taxe de vente provinciale?
Le sénateur Watt : Oui, il y a une taxe de vente provinciale, mais aucune taxe territoriale. Tout ce qui relève du gouvernement fédéral — les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut — ne paie pas de taxe de vente.
Le président : Je veux que chacun comprenne que, même si la taxe provinciale est un fardeau — et vous avez beaucoup parlé de fardeau —, elle ne fait pas partie de ce projet de loi, et que le projet de loi S-227 ne vise pas à traiter de cette taxe.
Le sénateur Watt : Non, la taxe n'est pas incluse dans le projet de loi car elle relève du gouvernement provincial. Il n'y a que deux régions qui subissent le même traitement fiscal, soit le Nunavik et le Nordlabrador.
Le président : Merci. Y a-t-il autre chose que vous voulez clarifier, sénateur Watt, pour toute l'équipe ici présente?
Le sénateur Watt : Je me dois de réexaminer les dispositions qui touchent les moins nantis. Est-ce que le projet de loi les vraiment? J'aimerais davantage étudier cet aspect. Nous aurons peut-être ensuite des amendements.
Le président : Nous comprenons bien la teneur du projet de loi et les difficultés de ceux qui vivent dans le Nord. Le ministère des Finances doit maintenant nous expliquer l'écart important entre le coût de cette initiative tel que calculé par le ministère et tel que calculé par le sénateur Watt. Nous n'avons pas encore reçu cette information.
Nous n'allons pas entamer l'étude article par article jusqu'à ce que nous soyons sûrs d'avoir entendu tous les témoignages. Si des sénateurs veulent entendre d'autres témoins, nous pouvons les accommoder.
Le sénateur Di Nino : Nous pourrions inviter les fonctionnaires de la province de Québec qui travaillent à ce dossier, car ce projet de loi les touche aussi.
Le président : Merci. J'en ferai la suggestion au comité directeur.
Le sénateur Watt : J'étais récemment à Montréal et j'ai eu le bonheur d'être invité à écouter l'allocution de M. Charest devant le Congrès juif canadien au sujet des occasions d'investissement dans le Nord. J'ai eu l'occasion de lui parler, et il m'a dit qu'il allait affecter un de ses fonctionnaires à ce dossier.
Le président : Nous savons vers quoi nous nous dirigeons, sénateur Watt. Vous allez discuter avec le comité directeur des prochaines étapes entourant votre projet de loi. Merci pour votre initiative à ce sujet.
Au nom du Comité sénatorial permanent des finances nationales, j'aimerais remercier tous nos témoins.
(La séance est levée.)