Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 13 - Témoignages du 7 octobre 2009
OTTAWA, le mercredi 7 octobre 2009
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été référée la teneur du projet de loi C-50, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi et augmentant les prestations, se réunit aujourd'hui à 18 h 31 pour étudier le projet de loi.
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je déclare la séance du Comité sénatorial permanent des finances nationales ouverte. Je souhaite la bienvenue à tous les honorables sénateurs et aux témoins.
La semaine dernière, nous avons commencé notre étude préliminaire de la teneur du projet de loi C-50, dont la Chambre des communes est actuellement saisie. Au cours de la présente séance, nous continuerons l'étude préliminaire à laquelle nous procédons avant de recevoir le projet de loi. Nous connaissons le contenu du projet de loi, et l'étude préliminaire nous aide à nous préparer avant l'arrivée du projet de loi.
Il nous fait plaisir d'accueillir Mme Corinne Pohlmann, vice-présidente des Affaires nationales de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Elle est accompagnée de M. Dan Kelly, premier vice-président des Affaires législatives. Nous accueillons également ce soir M. Charles Cirtwill, vice-président exécutif de l'Atlantic Institute for Market Studies, qui est situé à Halifax, si je me souviens bien.
Pendant la seconde moitié de la séance, nous poursuivrons notre étude avec ces témoins et deux autres se joindront à nous : une représentante du Congrès du travail du Canada et une représentante du Centre canadien de politiques alternatives. Nous avons manqué de temps hier et nous n'avons pas pu leur poser toutes nos questions.
Corinne Pohlmann, vice-présidente des Affaires nationales, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante : Je vous remercie de me donner l'occasion de présenter la perspective des petites et moyennes entreprises sur l'assurance- emploi et le projet de loi C-50. Je vous présenterai des diapositives, et mon collègue, Dan Kelly, m'aidera à répondre aux questions qui seront posées.
La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, la FCEI, représente plus de 105 000 entreprises indépendantes partout au Canada. Ce sont toutes des petites et moyennes entreprises, des PME, et ensemble elles emploient environ 1,25 million de Canadiens. Elles représentent environ 70 milliards de dollars du PIB. Nos membres viennent de tous les secteurs de l'économie et sont représentés dans toutes les régions du pays.
La plupart des gens ne se rendent pas compte à quel point les PME sont importantes au Canada. À la diapositive 3, vous voyez que 98 p. 100 de toutes les entreprises au Canada comptent moins de 50 employés. Elles emploient 60 p. 100 de tous les Canadiens et représentent environ la moitié de la production économique du Canada. Elles sont également responsables de la grande majorité des nouveaux emplois créés dans notre économie. C'est tout particulièrement vrai pendant les périodes économiques plus difficiles.
Parlant de périodes économiques plus difficiles, la dernière année n'a pas été facile pour beaucoup d'entreprises, et les PME ne font pas exception. La FCEI produit un baromètre des affaires mensuel qui suit les attentes de nos membres ainsi que plusieurs autres facteurs économiques. Notre indice le plus récent, qui vient d'être publié aujourd'hui, figure à la diapositive 4 de la présentation. Il montre que les attentes des PME ont chuté considérablement au cours de la dernière partie de l'année précédente et plus tôt cette année, mais qu'elles ont progressé depuis avril. Cette tendance à la hausse s'est poursuivie jusqu'en septembre, ce qui nous porte à croire que l'économie fait ses premiers pas vers une reprise.
La bonne nouvelle, à la diapositive 5, c'est que le degré d'optimisme est élevé partout au pays, et que pour la première fois depuis de nombreuses années, nos membres en Ontario occupent la première place au pays à cet égard.
À la diapositive suivante, vous voyez que le secteur de la fabrication est également l'un des secteurs les plus prometteurs, ce qui nous incite à croire que les fabricants qui ont été en mesure de s'adapter et de survivre au ralentissement économique des dernières années commencent à s'en sortir grâce à un espoir et à un optimisme renouvelés.
Toutefois, comme vous pouvez le voir à la diapositive suivante, même si l'optimisme est en hausse, les plans d'emploi sont en suspens pour l'instant. Seize pour cent des entreprises ont l'intention d'accroître leurs emplois à temps plein et 13 p. 100 ont l'intention de les réduire au cours des prochains mois. Ces résultats ne sont pas rares lors d'une reprise économique, étant donné que les plans d'emploi ont tendance à retarder la croissance économique. Comme la croissance économique est essentielle à la reprise d'une vraie économie, nous devons faire preuve de prudence à l'égard des décisions qui pourraient empêcher la progression de la création d'emplois.
J'aimerais vous donner un bref aperçu d'un nouveau rapport sur la perspective des PME sur l'assurance-emploi. Chacun d'entre vous a reçu un exemplaire du rapport intitulé Assurer la prospérité, qui traite en détail diverses questions liées à l'assurance-emploi. J'examinerai plus particulièrement deux questions d'intérêt pour notre discussion.
En premier lieu, le sondage a été réalisé en 2007 quand l'économie se portait bien et que le taux de chômage était d'environ 6 p. 100. Même à cette époque, comme vous pouvez le constater à la diapositive 8, plus d'un propriétaire de PME sur cinq avait l'impression de faire concurrence à l'assurance-emploi pour embaucher des travailleurs et dans certaines régions du pays, cette donnée s'élevait à environ un propriétaire d'entreprise sur trois.
En second lieu, vous devez savoir que les résultats de notre sondage indiquent clairement que les propriétaires de PME appuient les principes fondamentaux de l'assurance-emploi visant à fournir une aide financière à court terme aux travailleurs qui sont entre deux emplois, et que la plupart des propriétaires étaient plutôt satisfaits des prestations régulières offertes par le programme. Par exemple, comme vous pouvez le voir à la diapositive suivante, quand on a demandé aux propriétaires de quelle manière le système pouvait être modifié afin de répondre aux besoins de leur entreprise, la plupart d'entre eux ont dit souhaiter aucun changement aux niveaux de prestations actuels ou aux périodes d'attente actuelles. En fait, la plupart souhaitent aucun changement ou des niveaux de prestations moins généreux ou des périodes d'attente moins généreuses pour l'avenir.
En conséquence, au lieu d'apporter des changements aux prestations offertes par le système, la FCEI croit que la façon la plus efficace d'aider les travailleurs de longue date, c'est de les aider à obtenir une formation et à retourner au travail dès que possible.
Selon le rapport intitulé Les pôles de formation du Canada : les PME investissent 18 milliards de dollars dans la main- d'œuvre du pays, publié par la FCEI en mai dernier, lorsqu'on calcule les coûts associés à la formation formelle et informelle, on constate que les PME investissent davantage en formation par employé que les grandes entreprises. La diapositive 10 illustre en détail cette affirmation.
Si on additionne à cela le fait que des organisations comme l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, ont constaté que les façons les plus efficaces d'aider les gens à retourner au travail consistent à leur donner des avantages de formation en cours d'emploi, nous croyons que l'offre d'un crédit de formation au titre de l'assurance-emploi aux petits employeurs serait une bien meilleure façon d'investir les fonds de l'assurance-emploi prévus pour la formation et contribuerait sans doute grandement à créer des emplois et des occasions de formation pour de nombreux travailleurs de longue date.
Notre plus grande préoccupation à l'égard du projet de loi et du système de l'assurance-emploi dans l'ensemble, ce sont les coûts supplémentaires qui s'ajoutent au programme de l'assurance-emploi, et qui feront grimper en flèche les taux de cotisations à l'assurance-emploi, juste au moment où nous sortons d'une période de récession.
Tout d'abord, comme vous pouvez le constater à la diapositive suivante, les PME ont elles-mêmes déterminé que les cotisations sociales nuiraient le plus à la croissance de leur entreprise, car l'augmentation du coût des cotisations sociales comme l'assurance-emploi dissuade l'embauche et, par conséquent, moins d'emplois sont créés.
De quel genre d'augmentation de l'assurance-emploi parlons-nous? Le gel actuel des taux de cotisations d'assurance-emploi, qui est en vigueur jusqu'en 2010, est une politique qui a été très bien accueillie et qui a permis à de nombreux propriétaires d'entreprise de garder leurs employés malgré une période économique très difficile. Cependant, il est maintenant clair que le gouvernement songe également à se faire rembourser le gel des taux de cotisations d'assurance-emploi de deux ans à partir du Compte d'assurance-emploi, ce qui obligerait le nouvel Office de financement de l'assurance-emploi du Canada, l'OFAEC, à verser de 10 à 13 milliards de dollars supplémentaires au gouvernement, ainsi que les intérêts accumulés. La seule solution consiste à augmenter les cotisations d'assurance- emploi. Comme les augmentations annuelles sont limitées à 15 cents pour les employés et à 21 cents pour les employeurs, nous prévoyons des augmentations maximales des taux de cotisations pour les employeurs et les employés pendant de nombreuses années, comme l'indique la diapositive 12.
L'adoption du projet de loi C-50 fera en sorte qu'un autre 935 millions de dollars sera ajouté au montant total que l'OFAEC s'attend à rembourser au moyen de l'augmentation des taux de cotisations pour plusieurs années à venir.
À la prochaine diapositive, vous voyez ce que cette augmentation pourrait vouloir dire pour un employeur ou un employé. Si on prend le scénario le plus pessimiste, qui est également le scénario le plus probable compte tenu de ce que nous savons actuellement, nous prévoyons qu'entre 2011 et 2015, les taux de cotisations d'assurance-emploi augmenteront de 65 p. 100. Cela nuira essentiellement à la création d'emplois au pire moment, étant donné que l'économie commencera à peine à se remettre de la forte baisse d'emplois. Ironiquement, les 935 millions de dollars prévus pour aider les travailleurs de longue durée et les prestations supplémentaires pourraient finalement contribuer à aggraver les perspectives d'emploi à mesure que les employeurs voient les coûts d'embauche augmenter et le salaire de leurs employés diminuer.
Ce qui rend tout ce scénario encore plus frustrant, c'est qu'un surplus de 57 milliards de dollars s'est accumulé dans le Compte d'assurance-emploi de 1994 à 2008, comme l'indique la diapositive suivante. Nous n'aurions aucune objection à ce que le gouvernement oblige l'OFAEC à payer des coûts supplémentaires relatifs à l'assurance-emploi en raison de la récession actuelle si le gouvernement remboursait d'abord les 57 milliards de dollars. Au lieu de cela, le nouvel OFAEC a reçu seulement 2 milliards de dollars comme réserve initiale, ce qui, compte tenu du scénario que je viens de décrire, sera facilement dépensé la première année. Nous croyons fermement que le gouvernement fédéral a l'obligation morale de rembourser le surplus provenant des employeurs et des employés en absorbant les coûts additionnels et en maintenant le gel des taux de cotisations jusqu'au remboursement complet des 57 milliards de dollars.
Enfin, nous croyons qu'aucune vraie discussion au sujet du projet de loi C-50 ne peut avoir lieu sans d'abord comprendre et régler les grands enjeux fiscaux liés au système de l'assurance-emploi.
En conclusion, selon nous il faut maintenir le gel des taux de cotisations d'assurance-emploi au-delà de 2010 afin qu'une hausse des cotisations sociales ne nuise pas à la création d'emplois à l'avenir; veiller à ce que l'OFAEC soit correctement financé de manière à pouvoir résister aux récessions et aux coûts additionnels en remboursant l'excédent de 57 milliards de dollars; éviter les changements sélectifs visant à améliorer les prestations, car ils risquent de compromettre l'équilibre financier global du système; et mettre en place un crédit de formation au titre de l'assurance-emploi qui encourage le recrutement et la formation en cours d'emploi comme solutions de rechange pour aider les travailleurs de longue date et les autres bénéficiaires de l'assurance-emploi afin qu'ils puissent obtenir une formation efficace et avoir un meilleur accès aux nouveaux emplois qui sont créés.
Le président : Merci beaucoup. Vous avez soulevé plusieurs points intéressants, et je suis certain que les honorables sénateurs voudront obtenir certaines précisions, mais d'abord je cède la parole à M. Cirtwill.
Charles Cirtwill, vice-président exécutif, Atlantic Institute for Market Studies : Je vous remercie de l'invitation à me joindre à vous ce soir. Au cours de l'étude du projet de loi C-50, nous devons d'abord examiner quel est l'objectif précis du projet de loi. Est-ce la relance ou la réforme de l'assurance-emploi? Si c'est la relance et uniquement la relance, alors elle est nettement supérieure à beaucoup d'autres aspects du Plan d'action économique du Canada jusqu'à présent. D'une certaine façon, elle satisfait à toutes les conditions de la norme or d'une bonne relance — rapide, ciblée et temporaire. Si c'est la réforme de l'assurance-emploi, au moins elle a le mérite d'être temporaire, sans équivoque. À titre de réforme de l'assurance-emploi, elle n'empire pas nécessairement la situation actuelle, en ce sens qu'elle ne semble pas augmenter inutilement les avantages négatifs actuels qui font déjà partie du système contre le travail. Dans une certaine mesure, elle retourne également aux travailleurs une partie de l'excédent d'assurance-emploi qui leur a été volé au fil des années ou, du moins, l'excédent sera retourné si nous n'avons pas recours aux augmentations éventuelles des cotisations pour payer la prolongation de la période de prestations.
Examinons d'abord la question de la relance. La norme or pour la relance, comme je l'ai dit, c'est la formule « rapide, ciblée et temporaire » souvent entendue. Selon le projet de loi C-50, les prestations sont clairement temporaires. La date limite pour présenter une demande de prestations élargies est le 11 septembre 2010. Les paiements cesseront naturellement à mesure que l'admissibilité vient à terme, et ce, jusqu'à l'automne 2011. Cependant, comme toute relance, les dépenses initiales sont peut-être temporaires, mais les coûts à long terme des dépenses ne le sont pas. Dans ce cas-ci, cela revient encore aux grandes questions sans réponse : qui paie la facture à long terme? Le coût de l'augmentation des prestations d'assurance-emploi sera-t-il pris en charge par un transfert de fonds provenant des revenus généraux, d'un retour d'une certaine partie de l'excédent de l'assurance-emploi, ou s'il sera payé par des cotisations plus élevées lorsque la récession aura pris fin et que la reprise économique commencera?
J'ai énuméré les options en terminant par la moins attrayante. À mon avis, une augmentation des cotisations est la pire option pour acquitter la facture. Les efforts particuliers pour la relance doivent être ciblés, mais ils ne sont pas censés profiter exclusivement aux entités ciblées. Les mesures de relance ont pour objectif explicite de profiter à tous, et c'est pourquoi nous devrions tous payer une partie de la facture. En effet, selon l'importance de l'augmentation des cotisations et le moment où elle sera imposée, ou encore s'il y a un retard dans la diminution attendue des cotisations, l'amortissement des coûts au moyen des cotisations pourrait en fait nuire à la reprise, comme vous venez de l'entendre, en mettant un frein au réinvestissement et en ralentissant la croissance de l'emploi et la réembauche des gens que ce projet de loi est censé aider.
La transition se fait tout naturellement vers le thème des mesures ciblées. Il ne fait aucun doute que le projet de loi C-50 vise une classe de travailleurs, les travailleurs de longue durée. Ce sont des gens qui, pour la plupart, occupent un emploi et cotisent au régime d'assurance-emploi sans toutefois y avoir recours. En toute justice, on pourrait dire qu'ils ont investi des capitaux propres dans le fonds de l'assurance-emploi et, dans des situations difficiles, ils devraient avoir le droit de les utiliser.
Cela dit, le projet de loi cible aussi, dans une certaine mesure, des régions géographiques. Cette situation est attribuable à la distribution inégale des travailleurs de longue durée dans tout le pays et aux effets disproportionnés du ralentissement économique sur certains secteurs et certaines régions. On pourrait faire valoir qu'il serait logique de cibler les employés les plus durement atteints dans les régions les plus durement atteintes ou, plus précisément, qu'il serait logique d'ajouter cette nouvelle mesure de relance à toutes les autres qui ont été prises pour venir en aide à ces personnes, à d'autres employés et aux employeurs.
Nous en venons ainsi à la question de la rapidité. La récession a véritablement frappé le Canada à la fin de 2008 ou au début de 2009, selon la personne qui fait le calcul et les éléments qui entrent dans ce calcul. Certains disent que l'économie a atteint le fond du baril, d'autres disent que le vent a tourné, et d'autres encore prétendent qu'une autre baisse est à prévoir et que la fin du monde est imminente. Toutefois, la plupart s'entendent pour dire qu'il est un peu tard pour introduire une importante mesure de relance, et peu de gens prévoient avoir besoin de cette relance longtemps après 2011. Rappelons-nous que la relance prévue par le projet de loi se poursuivra jusqu'à l'automne 2011.
Avant de dire que le projet de loi C-50 est trop généreux ou qu'il prévoit trop peu trop tard, il faut se rappeler qu'il est le dernier en ligne dans une série de modifications mineures en matière d'assurance-emploi qui portaient toutes sur la relance : la prolongation de tous les droits à prestations de cinq semaines — une offre plus avantageuse dans les régions où le taux de chômage est plus élevé —, le gel des cotisations, de sorte que les taux de 2009 s'appliqueront tout au long de 2010, et deux autres mesures précises qui visaient expressément ce groupe de travailleurs, soit l'admissibilité anticipée au bénéfice des prestations pour les gens qui utilisent leur indemnité de départ afin de financer leur formation, et la prolongation de deux ans de la période de prestations pendant le suivi de ladite formation. Il me semble que si on ajoute ces éléments dans la balance, on est à deux doigts d'atteindre l'équilibre. Peut-être même qu'on penche un peu trop d'un côté, du moins pour ce qui est de l'aide accordée aux travailleurs de longue durée.
Nous pouvons ainsi nous demander si ce projet de loi est une réforme du système d'assurance-emploi, car le défi principal que pose le système actuel est bel et bien de savoir s'il est trop généreux. Le problème, c'est que dans sa forme actuelle, le système n'encourage pas les gens à travailler. Selon une étude, terminée en 2007, qui a été financée par l'ambassade du Canada à Washington et menée par des chercheurs de l'université de la Californie à Santa Barbara, le système d'assurance-emploi du Canada permet d'expliquer environ les deux tiers de l'écart qui existe entre les hommes qui détiennent un emploi stable au Nouveau-Brunswick et ceux au Maine, son voisin. La même étude permet d'expliquer presque entièrement l'écart qui sépare les femmes de cette province et de cet État. Depuis 1990, un peu plus de 20 p. 100 des hommes qui occupent un emploi au Nouveau-Brunswick travaillent moins de 26 semaines par année, alors qu'au Maine, il s'agit de 6 p. 100. L'écart était plus élevé du côté de la population active moins instruite. Le message passé par les chercheurs est simple : les sommes d'argent versées aux gens qui ne travaillent pas sont tellement élevées qu'il devient complètement insensé pour eux de travailler. C'est particulièrement vrai lorsqu'ils peuvent combiner leurs prestations d'assurance-emploi avec un salaire saisonnier et du travail au noir; dans ces cas-là, ils s'en tirent considérablement mieux que s'ils trouvaient un emploi à temps plein et devaient acquitter des impôts sur le revenu et des charges sociales fédéraux et provinciaux.
Peut-on régler ce problème tout en s'occupant de l'autre problème, la grande quantité de chômeurs qui ne reçoivent aucune aide dans le cadre du système d'assurance-emploi actuel? Ce à quoi je réponds : bien sûr qu'on le peut. Si on parle du chômage, tout particulièrement lors d'une récession, il est capital de garder en tête qu'il en existe trois types : le chômage cyclique, le chômage structurel et le chômage frictionnel. Le chômage cyclique — le chômage qui prend des airs de cataclysme et qui va de pair avec un dicton dans le milieu de l'économie voulant qu'il y ait une destruction créative en temps de récession et d'adaptation au marché — est exactement le type de chômage qui devrait être contré par notre programme fédéral. Sans surprise, c'est exactement le type de chômage que notre système gère le moins efficacement. Remarquez le nombre de changements qui concernent l'assurance-emploi depuis que l'économie a commencé à décliner. Si le système était prêt à supporter une baisse cyclique, ce genre de modifications mineures n'auraient pas été nécessaires. Regardez également le nombre élevé de chômeurs, dont la grande majorité — pas toute — se retrouve involontairement sans emploi au cœur de la crise; ces personnes ne profitent pas du tout du régime d'assurance-emploi parce qu'elles ne peuvent y cotiser ou recevoir des prestations.
Dans un article récemment publié par l'institut, article qui a été fourni aux membres du comité plus tôt, Robin Neill, économiste à l'université de l'Île-du-Prince-Édouard et président de notre comité consultatif sur la recherche, explique que nous avons une occasion en or de faire de l'assurance-emploi le système qu'il était censé être, tout en réglant de manière efficace les problèmes qui ont été créés involontairement parce que nous avons changé la nature du système.
D'abord, il soutient que notre réponse au chômage cyclique doit être distincte de notre réponse aux chômages structurel et frictionnel. Ensuite, il indique qu'il faut financer notre réponse au chômage cyclique à même les recettes générales, et non à même les cotisations; le groupe visé par cette réponse doit être celui des personnes qui ont perdu leur emploi pendant cette période, dans la mesure où ils peuvent être repérés. Il est intéressant de noter que le projet de loi C-50 s'approche du modèle mis de l'avant par M. Neill — tant que le financement prévu ne provienne pas des cotisations.
Cela dit, il estime que nous devrions aussi profiter de l'occasion pour examiner sérieusement les chômages structurel et frictionnel et s'y attaquer par l'entremise d'un vrai programme d'assurance, qui comprendrait la fixation de taux en fonction de l'utilisation antérieure, des mesures de récompense pour les bons comportements, ce qui aurait une incidence sur les cotisations versées tant par les employés que les employeurs et sur les prestations. Dans un tel régime, aucune des personnes qui ont payé leur cotisation ne se retrouveraient sans prestations après avoir perdu leur emploi. Le montant reçu ne serait peut-être pas aussi élevé ou ne s'étendrait pas sur une aussi longue période que pour les personnes qui ont contribué davantage ou qui ont choisi des métiers moins à risques, mais une protection et des prestations seraient offertes.
Par exemple, nous avons un système d'indemnisation des accidentés du travail qui fonctionne exactement de cette façon. Les taux sont entièrement fondés sur l'utilisation antérieure. Pourquoi ne pas faire la même chose pour l'assurance-emploi?
Le président : Merci beaucoup, monsieur Cirtwill. Nous n'avons pas d'exemplaires de votre déclaration. Pourriez- vous y remédier?
M. Cirtwill : Oui.
Le président : Ça nous sera utile pour revenir sur ce que vous avez dit.
Madame Pohlmann, vous avez chiffré le coût de l'initiative qui figure dans ce projet de loi, et vous avez aussi parlé d'initiatives qui se trouvent dans d'autres textes législatifs — le projet de loi C-10, que notre comité a également examiné. Pour le projet de loi C-50, qui porte sur des travailleurs d'expérience qui n'ont pas souvent eu à faire appel à l'assurance-emploi, des représentants du gouvernement nous ont dit la semaine dernière qu'ils s'attendaient à une facture de un milliard de dollars. Vous avez donné le chiffre de 930 millions de dollars.
Mme Pohlmann : J'ai parlé de 935 millions de dollars. C'est ce que nous a dit le ministère aussi, Ressources humaines et Développement des compétences Canada, RHDCC.
Le président : Ai-je mal compris le chiffre de 1 milliard de dollars qui a été avancé, ou n'était-ce qu'une approximation?
Mme Pohlmann : À ma connaissance, ils ont arrondi.
Le président : En ajoutant 65 millions de dollars. D'accord.
Dan Kelly, premier vice-président des Affaires législatives, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante : Ce chiffre nous a été confirmé pas plus tard que ce matin.
Le président : Donc, le montant à garder en tête est celui de 930 millions de dollars.
M. Kelly : 935 millions de dollars.
Le président : J'arrondis à la baisse.
D'après mes souvenirs, il y avait dans le projet de loi C-10 une disposition précise qui prévoyait que le gouvernement devait ajouter ce qui manquait au fonds pour couvrir le coût prévu de l'initiative. J'hésite à donner un chiffre, car je ne veux pas vous induire en erreur, mais il y avait une disposition précise à ce sujet.
On ne retrouve pas une telle disposition dans ce projet de loi. Nous devons donc présumer que les rédacteurs du projet de loi partent du même principe que la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, à mon avis : ce montant devra être amorti par les cotisations des travailleurs au cours des prochaines années, quand tout aura repris.
Mme Pohlmann : C'est exact.
Le président : Monsieur Cirtwill, de l'Atlantic Institute for Market Studies, vous n'arrêtez pas de dire que c'est une excellente mesure, mais sous certaines conditions. Sur quoi fondez-vous votre hypothèse voulant que les travailleurs de l'avenir n'auront pas à amortir ce montant de 935 millions de dollars?
M. Cirtwill : D'après le projet de loi que j'ai vu, mon hypothèse est qu'ils devront l'amortir. C'est complètement inapproprié pour de nombreuses raisons, surtout si on pense à l'impératif moral lié aux 57 milliards de dollars que le gouvernement fédéral a empruntés à l'assurance-emploi et qu'il ne semble pas du tout avoir l'intention de rembourser.
Le président : Vous recommanderiez à notre comité de recommander au gouvernement d'inclure la même disposition qui se trouvait dans le projet de loi C-10, de sorte que ce soit à lui de compléter le financement de cette initiative de 935 millions de dollars plutôt que d'en faire porter le poids aux travailleurs. Est-ce exact?
M. Cirtwill : Bien franchement, je dirais que chaque fois qu'un texte législatif en matière d'assurance-emploi est soumis à votre étude, vous devriez saisir cette occasion pour encourager le gouvernement à payer ses dettes. Vous avez une telle occasion. Alors à tout le moins, cette disposition devrait être incluse dans le projet de loi, oui.
M. Kelly : Des groupes comme les nôtres ne tarissaient pas d'éloges à propos de certaines initiatives du budget portant sur ces mesures temporaires, en partie parce que le gouvernement avait pris l'engagement de payer les prestations additionnelles, celles qui sont temporaires, à même les recettes générales plutôt que d'exiger que le fonds en assume l'entière responsabilité. On disait qu'environ 2,9 milliards de dollars passeraient des recettes générales à l'assurance-emploi pour payer les prestations.
Nos préoccupations viennent du fait que, pas plus tard qu'aujourd'hui, on nous a confirmé que l'intention du gouvernement était d'exiger que le fonds débourse les 935 millions de dollars nécessaires pour financer l'initiative. Et évidemment, une fois que le gel des taux de cotisation d'assurance-emploi ne s'appliquera plus, l'utilisation accrue du régime devra aussi être prise en charge par le fonds de l'assurance-emploi, qui dispose d'un budget total d'environ 2 milliards de dollars.
À vue de nez, on peut dire que le fonds de l'assurance-emploi aura un déficit qui se chiffrera dans les milliards de dollars en 2011. C'est totalement inapproprié, surtout si on pense qu'on a enlevé 57 milliards aux travailleurs et aux employeurs au cours des 10 dernières années.
Le président : J'aimerais porter à l'attention des sénateurs que nous avions demandé à un autre groupe d'être ici ce soir, l'Association canadienne des individus retraités. Bien que ses membres ne contribuent pas au programme d'assurance-emploi ni n'en profitent, ils ont une opinion. Ils ne pouvaient pas se joindre à nous ce soir, mais ils ont préparé une lettre en date du 7 octobre 2009 qui sera distribuée sous peu à tous les sénateurs, et ce, dans les deux langues officielles.
[Français]
Le sénateur Carignan : Je vous souhaite la bienvenue au Comité des finances. Des témoins ont suggéré des modifications supplémentaires au régime d'assurance-emploi; entre autres, éliminer la période d'attente de deux semaines ou ajouter à l'effet de rétroactivité de janvier 2009, un effet rétroactif qui pourrait aller jusqu'à un an supplémentaire, soit jusqu'en 2008.
J'aimerais avoir vos commentaires sur ces suggestions. Devrait-on les considérer?
[Traduction]
M. Kelly : Je peux commencer. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a présenté certaines données provenant d'un sondage mené auprès de nos membres. C'est à la diapositive 9, je crois. Ces données proviennent de notre étude.
Les petites entreprises acceptent les principes fondamentaux qui sous-tendent l'assurance-emploi. Elles acceptent que si une personne perd involontairement son emploi, elle doit pouvoir profiter d'une forme de soutien du revenu. Lorsqu'on demande à nos membres si le système est trop généreux, pas assez généreux ou juste assez, la majorité nous répond qu'il est juste assez généreux ou qu'il pourrait même l'être un peu moins.
Nous n'avons pas à revenir bien loin en arrière — quelques années seulement, à l'époque où l'un des principaux problèmes auxquels devaient faire face les petites et moyennes entreprises était le manque de main-d'œuvre. Dans bien des cas, les membres de la fédération étaient complètement paralysés, tout particulièrement dans l'Ouest, où ils ne trouvaient pas les travailleurs dont ils avaient besoin pour mettre leurs produits et services sur le marché.
Le fait que l'assurance-emploi soit vue comme un soutien au revenu dont les gens décident de profiter plus longtemps que nécessaire inquiète bon nombre de petites entreprises. Ainsi, n'importe quelle mesure temporaire prise pour rendre le système plus généreux les préoccupe grandement.
Elles sont préoccupées par les taux, car elles savent que le prix à payer pour les prestations retombera sur les épaules des gens chargés de créer des emplois. Elles sont aussi préoccupées de voir des gens qui pourraient travailler, mais qui choisissent plutôt de recevoir passivement un soutien au revenu. Pour toutes ces raisons, nos membres sont contre l'idée de rendre le programme plus généreux.
En règle générale, les employeurs préconisent les mesures prises par le gouvernement au détriment d'autres propositions, comme celle de réduire le nombre d'heures requis pour être admissible. À notre avis, ces propositions seraient plus dangereuses que les mesures mises de l'avant, ce qui ne signifie pas que nous sommes en extase devant tous ces changements. Nous croyons seulement qu'ils sont moins dommageables que certaines des autres propositions.
J'en profite pour faire remarquer que les mesures temporaires deviennent vite permanentes, et qu'il est souvent difficile pour un gouvernement de mettre un terme à des mesures temporaires. La réduction du nombre d'heures requis pour être admissible, par exemple, nous préoccupe grandement parce qu'une fois que l'économie aura repris du poil de la bête, le gouvernement aura de la difficulté à faire marche arrière. Nous n'aimons pas vraiment que le nombre d'heures requis pour être admissible varie autant d'une région à l'autre au pays, mais il nous répugne de voir un quelconque changement venir détruire ce précaire équilibre.
Le président : Est-ce que quelqu'un d'autre aimerait s'exprimer sur cette question?
M. Cirtwill : Au sujet des changements proposés dont on parle, je dirais que tout revient à l'importance de faire la distinction entre une réaction à un problème cyclique, la récession, et les problèmes qui touchent les membres de la fédération à propos du chômage frictionnel ou structurel et de la difficulté de garder des employés à long terme. Devons-nous intervenir de manière plus incisive? Y a-t-il d'autres mesures de relance à considérer à court terme pour l'assurance-emploi? Le délai de carence est peut-être le point qu'il serait le plus raisonnable de discuter. Je le répète, c'est une question d'explicitation : combien de temps lèverons-nous cette exigence, et d'où viendront les fonds? J'appuie sans réserve M. Kelly lorsqu'il dit que le principal problème de bien des changements proposés est de savoir comment y mettre un terme après la reprise économique. Un des avantages du projet de loi C-50 est d'avoir un calendrier explicite. Les mesures qui s'y trouvent sont trop généreuses, mais au moins, elles sont explicites.
Le président : Comment mettre un terme à ces mesures à la fin de la récession est une excellente question. Comment sait-on que la récession tire à sa fin?
M. Cirtwill : Selon la définition technique, il faut avoir connu deux trimestres de croissance.
Le président : On peut donc dès maintenant y mettre un terme.
M. Cirtwill : Je vous dirais que si on attend en 2011, on aura attendu 10 ou 12 mois de trop.
Le président : Avez-vous des inquiétudes concernant le deuxième ralentissement de l'économie dont nous sommes en train de discuter?
M. Cirtwill : J'ai tendance à faire partie des esprits plus radicaux qui croient qu'il y aura un ralentissement, puis un arrêt et que rien ne bougera pendant un certain temps.
Le sénateur Mitchell : Merci pour cette présentation intéressante. Je vais mettre de côté pour l'instant la question de la dette due et de qui a payé ces 57 millions de dollars. Il est difficile d'être contre la volonté de rembourser les entreprises et les employés.
J'aimerais savoir où vous allez trouver l'argent. Suggérez-vous une augmentation des impôts? Souhaitez-vous creuser le déficit du gouvernement de 56 milliards de dollars à 113 milliards de dollars d'un seul coup? Pensez-vous faire ça petit à petit?
M. Kelly : Les 57 milliards de dollars n'ont pas été payés par les travailleurs et les employeurs du Canada d'un seul coup. Nous ne nous attendons donc pas à ce qu'ils soient remboursés d'un coup. Les gouvernements ont examiné et continuent d'examiner, durant les périodes fastes et les périodes difficiles, le système d'imposition afin de voir s'il est possible de réduire le fardeau fiscal dans différents secteurs. Nous devons nous rappeler que l'AE est une sorte d'impôt. C'est un fait qui est souvent négligé même dans les discussions actuelles. Le gouvernement s'est engagé à ne pas augmenter les impôts, il semble toutefois très peu loquace quant à ce qui va arriver aux cotisations d'assurance-emploi, dont l'augmentation est prévisible même dans leurs propres estimés qui démontrent que les cotisations d'assurance- emploi vont augmenter. Il s'agit d'une sorte d'impôt. Il n'y a aucune illusion entretenue quant à leur remboursement du jour au lendemain. C'est une des raisons pourquoi nous avons approuvé les mesures budgétaires du gouvernement : l'annonce de l'affectation de 2,9 milliards de dollars aux prestations, montant qui pourrait être plus élevé, devient en quelque sorte une forme de remboursement des surplus de l'assurance-emploi dans les fonds. Si le gouvernement, à l'aide du Trésor, assume les frais encourus par l'augmentation des prestations, cela pourrait être une autre contribution au remboursement des 57 milliards de dollars qui composaient les surplus.
Nous aimerions que le gouvernement investisse assez d'argent pour se prémunir contre ce type de récession à l'avenir. Nous pensons que s'il investit au moins de 10 à 15 milliards de dollars dans les fonds de l'AE pour commencer, au lieu des 2 milliards de dollars proposés, cela nous permettrait de traverser les périodes sans avoir à augmenter les cotisations et ainsi nuire à la création d'emplois.
Le sénateur Mitchell : Sans cela, et vous savez que ça n'arrivera pas, notre gouvernement est prêt à augmenter les impôts afin de rendre ce programme fonctionnel. Les impôts des petites et moyennes entreprises seront augmentés ainsi que ceux des travailleurs.
M. Kelly : C'est difficile à défendre. À moins que quelque chose arrive dans les prochains mois, il semble que le gouvernement va augmenter les charges sociales. Tel que nous l'avons dit dans notre présentation, les charges sociales sont le pire type d'impôt à augmenter dans une période où l'on dépend des employeurs pour la création d'emploi.
Le sénateur Mitchell : C'est bien ce que je crois avoir entendu le premier ministre dire, mais il persiste.
J'ai beaucoup de difficultés à croire cette étude générale et le changement de 46 p. 100 à 6 p. 100 au Nouveau- Brunswick. J'aimerais bien avoir sous les yeux une copie de ce rapport et l'analyser si vous pouviez m'en donner une copie, monsieur Cirtwill. Je ne crois pas que l'assurance-emploi, à raison de 1 400 $ par mois — soit 350 $ par semaine — pousse les gens à ne pas travailler. J'aimerais voir les preuves qui soutiennent vos commentaires à l'effet que les gens ne reçoivent pas uniquement 350 $ par semaine de l'assurance-emploi, mais également de l'argent provenant du travail au noir. Je trouve que c'est une argumentation assez radicale qui, je l'espère, s'appuie sur des faits tangibles parce qu'il s'agit là d'arguments tout à fait nuisibles à un débat politique sain. Avez-vous des preuves que les personnes qui reçoivent de l'AE reçoivent également de l'argent de travail au noir? Si oui, pourriez-vous nous donner leurs noms? Nous aimerions les dénoncer.
M. Cirtwill : Laissez-moi vous dire ceci : Premièrement, les chiffres exacts sont 20 p. 100 et 6 p. 100 — une différence de 14 points. Deuxièmement, ce n'est pas qu'ils ne travaillent pas, c'est tout simplement que cela leur permet de prendre un travail saisonnier. Vous ne pouvez pas voir cela comme un remplacement de revenu c'est seulement un supplément pour compléter un revenu. Pour ce qui est du marché noir et des activités en dehors du contexte fiscal et du milieu de l'emploi, il y a un grand nombre d'études qui pourront vous donner des estimés de la taille de cette économie au Canada. Quand à l'implication de prestataires réguliers d'AE, je ne peux vous donner de noms précis.
Le sénateur Mitchell : C'est bien ce que vous avez prétendu.
M. Cirtwill : Non, monsieur, ce n'est pas ce que j'ai dit.
Le sénateur Mitchell : Au cours de la discussion sur l'AE, vous avez dit qu'ils retiraient de l'argent au noir. C'est très offensant.
M. Cirtwill : Sénateur, j'ai dit que dans un contexte où vous pouvez combiner des prestations de l'AE, un emploi saisonnier ainsi que la chance de faire de l'argent au noir, cela vous permet d'être en meilleure position que si vous occupez un emploi à temps plein. Le fait est qu'il existe une économie souterraine assez importante au Nouveau- Brunswick. Pouvez-vous me garantir qu'aucun des prestataires de l'assurance-emploi ne participe à cette économie? Ce débat ne mène nulle part.
Le sénateur Mitchell : Ce n'est pas moi qui ait fait cette déclaration, c'est vous. Et cela soulève une autre question. Et si nous n'avions pas l'assurance-emploi?
M. Cirtwill : Les gens travailleraient.
Le sénateur Mitchell : Et qu'arriverait-il des postes saisonniers?
M. Cirtwill : La plupart des emplois saisonniers cesseraient.
Le sénateur Mitchell : Et qu'arriverait-il des entreprises et des commerces saisonniers?
M. Cirtwill : Ils feraient banqueroute.
Le sénateur Mitchell : Vous souhaitez donc que les industries des pêches, des forêts et de l'agriculture s'effondrent?
M. Cirtwill : Non. Soyons clairs. Un grand nombre d'entreprises saisonnières peuvent se servir dans le même bassin d'employés, ce qui, à la fin, leur permet de les employer pendant toute l'année. Il y a de nombreuses entreprises de pêche et entreprises d'agriculture qui fonctionnent tout au long de l'année. De dire que des industries entières dépendent complètement des capacités saisonnières est tout à fait ridicule. Je ne comprends pas du tout pourquoi vous soutenez cet argument.
Les pêches de Terre-Neuve n'ont pas disparu. Elles sont toujours là et encore renouvelables. Les entreprises qui ont réussi à passer au travers sont encore meilleures et plus fortes aujourd'hui justement à cause de l'absence d'investissements perpétuels et de soutien venant des personnes ici présentes et d'autres responsables du gouvernement.
Le sénateur Mitchell : Il est important d'être en mesure de se mettre à la place d'une autre personne. Si vous étiez une autre personne, que vous aviez perdu votre emploi, que vous aviez deux enfants et étiez incapable de trouver un emploi, que feriez-vous? C'est là la raison d'être de l'AE. Il s'agit de soutenir les économies comme l'économie qui vous soutient vous et votre emploi, cher ami, parce qu'elles paient des impôts.
M. Cirtwill : Est-ce que j'ai dit que personne ne devrait recevoir de prestations d'assurance-emploi? Est-ce que vous m'avez entendu dire ça?
Le sénateur Mitchell : J'ai l'impression que c'est la conclusion logique de votre argumentation.
M. Cirtwill : Eh bien vous avez tort, et clairement votre logique est faussée.
Le président : C'est assez clair. Nous allons poursuivre.
Le sénateur Eggleton : Je n'ai rien à redire au projet de loi C-50. Je crois que le projet de loi C-50 est une excellente disposition. Ce qui me préoccupe c'est ce qu'il ne fait pas : plus de la moitié des Canadiens sans emploi ne sont pas admissibles à des prestations d'assurance-emploi. Certaines de ces personnes ont cotisé au système d'assurance-emploi, alors qu'un grand nombre d'entre elles ne sont pas admissibles pour diverses raisons.
Durant cette récession, un grand nombre de personnes qui souffrent ne peuvent bénéficier des prestations. Même pour les personnes qui peuvent en bénéficier, il y a des périodes d'attente et des changements d'une région à l'autre en terme du nombre de semaines qui sont requises. Le niveau des prestations est beaucoup moindre que ce à quoi ils sont habitués en termes de revenu, et c'est là un lourd fardeau pour plusieurs. À part le projet de loi C-50, que faites-vous pour corriger ce problème?
Monsieur Cirtwill, je vous ai entendu discuter du critère à utiliser pour ce type de mesure visant une relance. Je vous ai aussi entendu parler de fixation de taux particuliers. Vous devez avoir des idées concernant la réforme de l'AE? Que feriez-vous pour améliorer ce régime? Est-ce que vous augmenteriez les cotisations ou augmenteriez-vous les recettes fiscales? Que feriez-vous au sujet des nombreuses personnes qui actuellement ne sont pas admissibles aux prestations d'assurance-emploi?
M. Cirtwill : Afin que ce soit clair, si vous allez chercher de l'argent dans les cotisations de l'assurance-emploi, c'est une recette fiscale point à la ligne. M. Kelly a été assez poli pour dire que l'assurance-emploi était une forme d'impôt, mais c'est une forme d'impôt qui n'est pas redistribuée.
Le sénateur Eggleton : Ça ne fait pas partie des recettes générales.
M. Cirtwill : Et bien, vous l'avez traité comme une recette générale pendant très longtemps.
Retournons à la question qui traite de ce que je ferais pour améliorer l'AE en ces temps difficiles. Premièrement, ce qui m'inquiète le plus au sujet de l'assurance-emploi et de la récession est ce qui est appelé aux États-Unis « une relance sans emploi ». Tous les matins je marche pendant 30 minutes pour me rendre au bureau et je ne peux pas faire 25 pieds dans la ville d'Halifax sans voir un avis d'offre d'emploi. À la station-service il y a une affiche sur la pompe qui dit « Pas de C.V., pas de problème ».
Le problème manifeste et difficile à régler concernant les petites entreprises qui ont de la difficulté à trouver des employés et le nombre de sans-emploi qui augmente, me préoccupe. Nous devons trouver le moyen de rendre ces emplois attrayants. Cela nécessite peut-être une augmentation importante de la prestation fiscale pour le revenu gagné ou une modification de l'AE pour revenir à un système basé sur les antécédents qui permettrait aux personnes qui ne sont pas admissibles actuellement, d'accéder aux prestations plus facilement. Toutes ces choses sont sur la table et devraient faire l'objet de discussions.
Le problème actuel est que la seule conversation que nous ayons est au sujet des mesures de relance qui sont prévues à court terme pour répondre aux défis immédiats, alors que nous avons la chance de régler un problème plus grand en même temps.
M. Kelly : Personne parmi les employeurs ne valorise le fléau des sans-emploi. Personne n'est heureux lorsque quelqu'un reçoit des prestations d'assurance-emploi au lieu de travailler et personne ne croit non plus que l'on se frotte les mains en disant « Hourra, je reçois de l'assurance-emploi. Je n'ai donc plus besoin de travailler ».
Nous sommes préoccupés et nous voulons que les gens retournent sur le marché du travail. Les employeurs ont besoin d'employés. À cette étape-ci du cycle économique, nos membres ont de la difficulté à assurer la création de ces emplois et à veiller à ce que les gens reçoivent une formation et un salaire adéquats.
Plutôt que de limiter le débat à ce que nous pouvons faire en terme de soutien de revenu passif, nous devrions réorienter celui-ci et chercher à renvoyer les Canadiens aux emplois qui existent déjà, chercher à stimuler la création d'emplois dans l'économie ainsi que chercher comment améliorer la formation des gens pour les emplois qui existent aujourd'hui et ceux qui seront créés demain.
Nous avons mis de l'avant certaines approches pratiques et avons emprunté une approche du gouvernement précédent — le programme pour l'embauche de nouveaux travailleurs de l'assurance-emploi. Ce programme a eu beaucoup de succès et a permis aux employeurs de prendre congé de l'AE lorsqu'ils créaient de nouveaux emplois dans leur milieu de travail. C'était, du point de vue administratif, très simple. Nous n'avons pas eu besoin de toute une équipe de travail ni d'un délai de mise en œuvre exagéré pour faire sortir les fonds. Dans la mesure où votre masse salariale augmentait, pour quelque raison que ce soit, vous pouviez être exempté de payer des cotisations relatives au montant supplémentaire de votre masse salariale. Si vos cotisations à l'assurance-emploi étaient de 600 $ par mois et qu'après avoir embauché un certain nombre d'employés vous deviez payer 750 $ par mois, vous étiez exempté de payer le montant additionnel.
Cela constituait une économie pour les employeurs et leur permettait d'investir les sommes épargnées dans l'emploi au lieu de les verser au gouvernement sous forme de charges sociales. Nous croyons qu'une idée de ce genre pourrait être appliquée à l'embauche et à la formation. Notre étude a révélé que les petits employeurs investissent des sommes considérables dans la formation non officielle en milieu de travail, sans recevoir aucun soutien du gouvernement, alors qu'un financement important est accordé pour d'autres types de formation. Nous croyons que ce serait un moyen d'aider les employeurs à créer des emplois et à former leur personnel, en s'appuyant sur un programme que le gouvernement précédent avait institué au début des années 1990. Selon nous, des mesures de ce genre contribueraient davantage, à long terme, à réduire les problèmes liés au chômage que d'autres mesures axées sur les prestations. Cette idée n'a malheureusement pas été retenue à ce jour.
Le sénateur Callbeck : Merci d'être présents ce soir.
Dans les conclusions formulées par la FCEI, on peut lire que vous souhaitez éviter les changements sélectifs visant à améliorer les prestations. Quelle est votre position en ce qui concerne ce que les femmes entrepreneures demandent depuis des années, soit de pouvoir cotiser à un fonds afin de pouvoir toucher des prestations de maternité?
Mme Pohlmann : Vous faites référence au congé parental. Nous avons interrogé nos membres à ce sujet. Nous leur avons demandé ce qu'ils pensaient du principe défini dans le programme électoral du gouvernement conservateur, selon lequel il devrait exister un régime volontaire permettant aux travailleurs indépendants de prendre un congé parental. Dans l'ensemble du pays, une faible majorité de nos membres se sont prononcés en faveur de cette idée. Nos membres ne sont pas des fervents partisans de ce principe, mais ils sont plus nombreux à y être favorables que défavorables.
En principe, nous ne nous opposons pas du tout à cette idée et nous croyons qu'elle mérite d'être examinée. Notre préoccupation est de savoir comment cela fonctionnerait dans la réalité. Nous attendons de voir les propositions qui pourraient être faites en ce qui concerne des initiatives de ce genre avant de décider si nous les appuyons ou non. Il est difficile de savoir comment un régime volontaire pourrait fonctionner, en principe et en pratique.
M. Kelly : Une autre question se pose en ce qui touche le congé parental pour les travailleurs indépendants, soit celle de savoir qui paierait pour ces congés. Voilà la grande question. Le Québec possède actuellement un tel système, mais il est partiellement financé au moyen de l'assiette fiscale générale de l'assurance-emploi dans la province.
Si l'on instaure un régime purement volontaire, l'un des problèmes sera probablement que les seules personnes qui y contribueront seront les personnes qui s'attendent à recevoir des prestations. Dans tous les cas où seules les personnes qui s'attendent à toucher des prestations cotisent à un régime d'assurance, il faut que les cotisations soient énormes pour que le régime puisse s'autofinancer. L'autre possibilité est que le financement provienne de l'assiette fiscale générale de l'assurance-emploi, ce qui représenterait bien entendu des coûts assez importants au cours des prochaines années.
Comme Mme Pohlmann l'a dit, les travailleurs indépendants et les petites entreprises sont généralement favorables à une mesure de ce genre. Pour parler franchement, le congé parental constitue plutôt un programme social qu'une composante essentielle du régime d'assurance-emploi. À notre avis, il vaudrait peut-être mieux qu'une initiative concernant le congé parental ou le congé de maternité soit financée au moyen des recettes générales plutôt qu'à partir de l'assiette fiscale de l'assurance-emploi. En même temps, on constate qu'il y a un soutien généralisé pour les initiatives de cette nature.
Le sénateur Ringuette : Je trouve très intéressantes vos observations sur cette question. Cela présuppose qu'il n'y aurait pas de taux fondés sur l'utilisation antérieure.
M. Kelly : C'est à nous que vous parlez?
Le sénateur Ringuette : Oui. Je fais référence aux observations que vous avez faites pour répondre à la question du sénateur Callbeck.
M. Kelly : Des taux fondés sur l'utilisation antérieure pour le fonds général de l'assurance-emploi?
Le sénateur Ringuette : Oui. Je parle du congé parental pour les femmes entrepreneures. Vous avez dit qu'il faudrait que les montants proviennent du fonds général, sans quoi les coûts seraient trop élevés.
M. Kelly : Je ne prends pas position à l'heure actuelle. Nous tenons à consulter une nouvelle fois nos membres. Nous croyons comprendre que le gouvernement va probablement faire une annonce à ce sujet au cours des prochains jours. C'est ce qu'indiquaient certains reportages diffusés au cours de la fin de semaine. Nous attendons de voir ce qui va se passer. Lorsque nous connaîtrons les paramètres du programme, nous examinerons le tout en fonction des charges sociales. Je ne faisais que décrire les deux possibilités, sans vouloir sous-entendre ce que serait le point de vue de la FCEI.
M. Cirtwill : J'aimerais intervenir, si vous le permettez. Nous devons faire la distinction entre le régime d'assurance- emploi, qui concerne les travailleurs et les employeurs, et le congé parental, qui est en fait complètement étranger à l'employeur. Le congé parental est une question de société. Il est nécessaire que les familles qui constituent notre société puissent se reproduire. Il faut penser au changement démographique imminent, à la question de notre main-d'œuvre vieillissante et à la nécessité d'offrir du soutien aux familles. Nous considérons tous qu'il est important de permettre aux femmes de quitter le marché du travail pour avoir des enfants et de pouvoir bénéficier du soutien de leur conjoint, et que ce fardeau devrait être assumé par l'ensemble de la société. Si l'on adopte ce point de vue et qu'on reconnaît que le premier bénéficiaire de tout programme de congé parental est la société dans son ensemble, et non le travailleur ou l'employeur, alors la preuve est faite. D'ailleurs, il y a un argument économique théorique selon lequel le financement devrait provenir des recettes générales et non des charges sociales.
Le sénateur Callbeck : Merci de nous avoir fait part de votre point de vue.
Vous avez parlé de la situation au Nouveau-Brunswick. Je crois que vous avez dit que 20 p. 100 de la main-d'œuvre travaille moins de 26 semaines.
M. Cirtwill : C'était la situation en 1990.
Le sénateur Callbeck : Avez-vous une ventilation de ce pourcentage? Je me demande quelle proportion provient du tourisme, étant donné que les employés de ce secteur peuvent travailler pendant environ quatre mois. Que feront ces gens pendant le reste de l'année? Le travail saisonnier est très important dans notre région. S'il n'y a plus de travailleurs saisonniers, comment ce secteur pourra-t-il fonctionner?
M. Cirtwill : Comme vous le savez, l'une des choses intéressantes, en ce qui touche l'industrie du tourisme, est qu'elle constitue un reflet quasi parfait du système d'enseignement postsecondaire. Un grand nombre des travailleurs de cette industrie sont des étudiants. Sous cet angle, on peut parler d'une complémentarité assez frappante. Tous les travailleurs du secteur ne sont pas des étudiants, mais la proportion est très élevée.
Je ne vois pas de ventilation par catégorie d'industrie dans les appendices de l'étude. À la demande du sénateur Mitchell, je serai heureux de remettre au comité des copies intégrales de l'étude, puisqu'elle a été financée par les contribuables canadiens.
Le sénateur Callbeck : Merci.
Le sénateur Gerstein : Madame Pohlmann, si je me souviens bien, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a diffusé — en mai dernier, il me semble — un communiqué selon lequel le gouvernement devrait envisager d'aider les PME en facilitant l'embauche et la formation de nouveaux employés, au lieu de se pencher sur une augmentation des prestations d'assurance-emploi qui pourrait miner l'aptitude des entreprises à trouver des employés.
Mme Pohlmann : C'est exact.
Le sénateur Gerstein : La FCEI a fait cette déclaration?
Mme Pohlmann : Oui.
Le sénateur Gerstein : Diriez-vous que le gouvernement est dans la bonne voie, à la lumière des programmes de formation qu'il a mis en place? Selon ce que je comprends, 500 millions de dollars sont alloués à la formation des travailleurs de longue date et 1,5 milliard de dollars supplémentaires, à la formation des personnes qui ne sont pas admissibles aux bénéfices des prestations, en plus des 2,5 milliards de dollars qui sont disponibles chaque année. De plus, 60 millions de dollars supplémentaires sont alloués à l'Initiative ciblée pour les travailleurs âgés, car ces travailleurs possèdent des connaissances et une expérience très précieuses ainsi qu'un potentiel inestimable. Est-ce le genre d'approche que vous préconisez?
Mme Pohlmann : Cela se fondait sur un rapport que nous avons produit en mai et qui concernait la formation donnée dans les petites et moyennes entreprises du pays. Nous faisions plutôt référence au programme que M. Kelly a mentionné plus tôt, et en particulier aux mesures incitatives de l'assurance-emploi qui concernent la formation en petite ou en moyenne entreprise et qui ressortissent au programme pour l'embauche de nouveaux travailleurs. Ce qui nous préoccupe dans beaucoup de programmes mis sur pied par le gouvernement fédéral jusqu'à présent — et cela ressort très clairement du rapport Assurer la prospérité, qui vient d'être publié —, c'est que plus de 2 milliards de dollars sont actuellement consacrés à la deuxième partie, qui est entièrement axée sur la formation, du programme d'assurance- emploi. Ce montant comprend certains éléments dont vous avez parlé, mais il y a d'autres dépenses qui s'ajoutent à tout cela. Ce qui nous préoccupe, en ce qui concerne ce type de formation, c'est que les moyens d'en mesurer l'efficacité ne sont pas très élaborés. En fait, les formations de ce genre sont, pour une large part, données depuis dix ou quinze ans, et une grande partie de tout ça a été élaboré à une époque où le taux de chômage était plus élevé qu'aujourd'hui. La capacité de ces programmes à ramener les gens sur le marché du travail semble moins certaine aujourd'hui. Nous pensons qu'il faudrait peut-être modifier notre conception de l'assurance-emploi et revoir la manière dont les sommes consacrées à la formation sont investies. Nous ne sommes pas sûrs que certaines initiatives du gouvernement font l'objet de mesures adéquates, qui permettraient de voir si elles contribuent effectivement à ramener des chômeurs sur le marché du travail. À notre avis, la meilleure manière de favoriser la réintégration au marché du travail est de soutenir la formation en cours d'emploi, ce qui peut être fait grâce à des mesures incitatives au profit des employeurs.
Le sénateur Gerstein : Vous convenez que la formation contribue à ramener les gens sur le marché du travail.
Mme Pohlmann : Absolument.
Le sénateur Gerstein : J'aimerais connaître votre opinion sur les retombées actuelles du programme de travail partagé.
Mme Pohlmann : Nous sommes de fervents partisans du programme de travail partagé. Nous en faisons vivement la promotion depuis le début de la récession. Ce programme a été simplifié au tout début du ralentissement économique, et des explications ont été données à son sujet. Nous savons qu'en conséquence de la simplification, de plus en plus d'entreprises ont bénéficié du programme et qu'elles sont capables de conserver leurs employés pendant des périodes difficiles.
M. Kelly : J'ajouterais que, selon certains commentaires que nous avons reçus, le programme est toujours hors de portée pour beaucoup de petits entrepreneurs. De nombreux appels reçus par nos bureaux nous indiquent que les tâches administratives et bureaucratiques liées au programme de travail partagé sont toujours assez considérables. On partait de loin.
Comme nous l'avons mentionné plus tôt, nous ne nous opposions pas à la majorité des mesures sur l'augmentation des prestations, prises dans le budget de janvier. Nous croyons que beaucoup de bonnes choses se passent actuellement et que les choix qui ont été faits étaient préférables à d'autres changements qu'on demandait au gouvernement. Les idées qui étaient dans l'air il y a quelque temps étaient très inquiétantes pour la FCEI. Aucune des propositions qui ont été mises en œuvre jusqu'à présent, y compris celle dont nous parlons, ne nous effraie autant que certaines des idées qui étaient véhiculées auparavant.
En ce qui concerne la formation, je dois dire que le bilan de la formation donnée dans le cadre de la deuxième partie n'est pas des plus reluisants. À cet égard, certains résultats indiquent que les bénéfices tirés des sommes investies dans la formation par l'intermédiaire du fonds de l'assurance-emploi ont, au mieux, été minimes. Actuellement, ces montants sont essentiellement remis aux gouvernements provinciaux, qui décident de la manière de les employer. Nous sommes très préoccupés par la situation, et nous proposons de ne pas allouer de montants supplémentaires à la formation donnée par l'intermédiaire du programme d'assurance-emploi, mais plutôt de réorienter certains des montants consacrés à la formation vers des initiatives nouvelles et innovatrices, comme celle que nous recommandons.
Le président : Sénateur Gerstein, si vous le permettez, nous allons maintenant accueillir de nouveaux témoins. Si vous avez d'autres questions, sénateur Gerstein, vous pourrez les poser devant notre groupe de témoins complet. Ceux qui étaient déjà présents resteront avec nous. N'ayez aucune inquiétude : ils vont tous rester et vous pourrez poser vos questions.
Chers collègues, en plus de nos témoins de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et de l'Atlantic Institute for Market Studies, nous accueillons maintenant Barbara Byers et Andrew Jackson, qui sont respectivement vice-présidente exécutive et économiste principal du Congrès du travail du Canada.
Monsieur Jackson, vous n'étiez pas ici hier soir, mais Mme Byers était présente. J'imagine qu'elle a eu l'occasion de vous dire quelques mots au sujet de notre processus. Nous tâchons d'être aussi succincts que possible pour que chacun ait la possibilité d'intervenir.
Armine Yalnizyan, du Centre canadien de politiques alternatives, a pu se joindre à nous ce soir encore. Nous la remercions d'avoir adapté son horaire au nôtre.
Le sénateur Ringuette : N'en prenez pas ombrage, mais dans mon esprit, j'en suis toujours à la première série de questions, avec nos deux premiers témoins.
J'ai écouté attentivement le débat et, en tant que Néo-Brunswickoise, je ne crois pas que les gens de ma province sont satisfaits de ne travailler que 27 semaines, ni qu'ils sont heureux de toucher 200 $ de prestations d'assurance- emploi par semaine en moyenne. Je crois qu'aucun Canadien qui se respecte ne souhaite subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille avec un revenu brut de 200 $ par semaine.
Cela m'amène à la question des impôts. J'ai écouté très attentivement lorsque vous avez parlé de votre recommandation et de la grande crainte que vous inspirent les augmentations des cotisations d'assurance-emploi. M. Harper a déjà annoncé que ces cotisations seront augmentées.
Si je considère seulement le projet de loi C-50 et les chiffres qui nous ont été fournis par les fonctionnaires du ministère, et je parle des 935 millions de dollars étant donné qu'il s'agit du groupe des travailleurs de longue date — je crois en fait que ce sera beaucoup moins que ça, mais employons ce chiffre pour les besoins de la cause —, j'estime que pratiquement tous ceux qui bénéficieront de ces 935 millions de dollars de prestations supplémentaires paieront, en moyenne, 20 p. 100 d'impôt fédéral sur les prestations qu'ils recevront.
Des 935 millions de dollars qui proviendront de la hausse des cotisations d'assurance-emploi l'année prochaine, 20 p. 100 seront recouvrés en recettes générales par le gouvernement du Canada. Croyez-vous qu'il serait indiqué de demander au gouvernement du Canada de retourner au fonds de l'assurance-emploi ces 20 p. 100 d'impôt fédéral prélevés sur les prestations d'assurance-emploi?
M. Kelly : Vous soulevez des questions très pertinentes. Merci également pour tout votre travail sur les paiements par carte de crédit et de débit.
Le sénateur Ringuette : Je vous suis reconnaissante de me donner cette possibilité, car je suis tout à fait consciente que les petites et moyennes entreprises du Canada paient actuellement des frais de 40 milliards de dollars à Visa et à MasterCard, et que, si des règles étaient édictées, il n'y aurait pas de frais pour le gouvernement du Canada, et cela permettrait de créer une foule d'emplois dans toutes les petites entreprises.
M. Kelly : Je crois que l'important, dans ce que vient de dire le sénateur Ringuette, c'est la question de savoir s'il y a des moyens qui permettraient de retourner au fonds de l'assurance-emploi une partie de l'excédent qui a été prélevé du compte de l'assurance-emploi, ou plutôt du compte théorique de l'assurance-emploi puisque ce compte n'existait pas.
De fait, il y a différentes manières d'atteindre ce résultat sans qu'on ait nécessairement besoin de recourir à l'assiette fiscale et de demander plus d'argent à la population. Nous sommes conscients que cela demandera du temps. Nous ne sommes pas utopistes au point de croire que chaque dollar sera retourné au fonds de l'assurance-emploi au cent près, mais nous souhaitons qu'une somme supplémentaire considérable soit versée dans ce fonds.
On peut accepter que le gouvernement récupère des sommes accumulées dans le fonds de l'assurance-emploi pendant les périodes de prospérité économique si ces sommes sont retournées en temps de récession.
De manière générale, il y a un point sur lequel les entreprises et la main-d'œuvre sont d'accord, à savoir que les surplus n'auraient jamais dû être prélevés par le gouvernement. Nous espérons que ces montants seront remboursés bientôt.
Est-ce que votre proposition particulière mérite qu'on l'approfondisse davantage? Peut-être que oui, mais je crois qu'il y a de nombreuses façons d'atteindre ce résultat.
Le sénateur Ringuette : En ce qui concerne cette question seulement, et en se basant sur le montant de 935 millions de dollars, un retour de 20 p. 100 au fonds de l'assurance-emploi correspondrait à 187 millions de dollars. Il y a certainement lieu d'approfondir la question, dans le but de réduire la hausse des primes que le secteur des affaires et les travailleurs devraient assumer.
M. Kelly : Encore une fois, notre message à cet égard est que le gouvernement augmenterait les cotisations au pire moment, c'est-à-dire au moment même où nous tentons de remettre l'économie sur les rails. À un moment où nous essayons de nous faire rassurants en communiquant des messages de stabilité, les travailleurs et les employeurs devraient assumer des charges sociales et un impôt fédéral plus élevés. C'est un scénario que nous devons absolument éviter.
Le sénateur Ringuette : Monsieur Cirtwill, avez-vous des observations à formuler là-desssus?
M. Cirtwill : En ce qui concerne votre proposition en particulier, ma première impression est que je n'aime guère l'idée que l'on prélève de l'argent pour un certain usage, qu'on le remette où on l'a pris, puis qu'on retourne le chercher. Je crois qu'on complique inutilement les choses.
Si nous songeons à retourner l'argent pour rendre le fonds de l'assurance-emploi plus volumineux, afin de simplifier les choses pour des personnes qui sont déjà admissibles ou pour augmenter le montant des prestations, je crois qu'il convient de revenir à un argument présenté plus tôt par Mme Pohlmann, soit qu'un grand nombre de petites entreprises ont toujours l'impression d'être en concurrence avec le fonds de l'assurance-emploi dans leur recherche d'employés. J'imagine que ce problème s'aggraverait si les prestations étaient augmentées.
Le sénateur Ringuette : Je ne suis pas de cet avis.
Le sénateur Oliver : J'ai deux petites questions à poser. La première s'adresse à Mme Pohlmann. Est-ce que le programme pour l'embauche de nouveaux travailleurs est toujours en cours? Si oui, quels changements aimeriez-vous qu'on y apporte?
Ma deuxième question s'adresse à M. Cirtwill. Certaines de vos remarques m'interpellent parce que vous décrivez bien ce qui se passe actuellement dans la société. Partout où on marche, on aperçoit une foule d'affiches « Nous embauchons ». Parallèlement, des rapports indiquent que le taux de chômage est en hausse. J'habite dans une région rurale du Canada, et l'une de nos activités économiques est la production d'arbres de Noël. Les personnes qui travaillent dans la pépinière viennent du Mexique. Quels changements aimeriez-vous qu'on apporte à notre système de fixation de taux en fonction de l'utilisation antérieure pour améliorer la situation que vous avez si bien décrite?
Mme Pohlmann : Le programme pour l'embauche de nouveaux travailleurs n'existe plus. Il a été en vigueur deux ou trois ans à la fin des années 1990. On l'avait créé pour favoriser l'embauche à l'époque. Il y avait aussi un autre programme d'embauche qui s'adressait aux jeunes du fait que le taux de chômage était très élevé. Ce programme a connu un grand succès en raison de sa simplicité sur le plan administratif et de son efficacité; il incitait les employeurs à embaucher et leur permettait de conserver une partie des revenus. Le programme a pris fin après trois années d'existence. Nous croyons que ce même concept pourrait être appliqué à la discussion d'aujourd'hui et qu'il serait tout aussi efficace.
M. Cirtwill : Quand il est question du système de fixation de taux particuliers en fonction de l'expérience, l'exemple des industries saisonnières s'impose. Quand on parle du contrôle des prestations ou des cotisations d'assurance-emploi, on pense tout de suite aux industries saisonnières. Que les entreprises et les employés saisonniers aient accès à un programme d'assurance-emploi ne me dérange pas. Ce qui me dérange, c'est qu'ils bénéficient d'un programme qui est financé par tout le monde. Une entreprise qui a l'habitude d'embaucher des travailleurs pour une courte durée devrait payer un supplément parce qu'elle en retire manifestement des avantages; l'employeur peut donc engager des gens et les garder dans la collectivité, alors qu'autrement, les employés auraient besoin de chercher du travail ailleurs. Par analogie, une entreprise dont le taux d'accident est élevé doit verser des cotisations plus élevées que les autres parce qu'elle met la sécurité de ses employés en danger. Si les entreprises saisonnières veulent garder les employés dans les collectivités où il n'y a que des emplois saisonniers, elles devraient payer une cotisation en conséquence.
Le président : Est-ce que quelqu'un a autre chose à dire à ce sujet?
Barbara Byers, vice-présidente exécutive, Congrès du travail du Canada : Les gens ne font pas le choix de ne pas travailler parce que d'autres possibilités s'offrent à eux. Ceux qui travaillent dans les industries saisonnières le font pour toutes sortes de raisons. Si on pénalisait toutes ces industries, quelles sont les conséquences qui se répercuteraient sur un grand nombre d'employés et d'employeurs? Les travailleurs ne choisissent pas d'être au chômage. C'est la réalité. Tout à l'heure, j'écoutais la discussion, assise sur ma chaise, et j'avais de la difficulté à me contenir parce que j'ai déjà été travailleuse sociale. J'ai travaillé pendant 17 ans pour l'aide sociale et auprès des enfants dans la rue. Je n'ai jamais rencontré qui que ce soit qui était au chômage ou qui bénéficiait de l'aide sociale par choix. Ces gens voulaient travailler. On ne reste pas au chômage parce qu'on croit faire la belle vie. C'est la réalité.
Nous ne croyons pas qu'il faut pénaliser les gens qui travaillent dans une industrie saisonnière. Le fait est qu'ils travaillent. Et nous ne pouvons pas les pénaliser parce qu'ils occupent un emploi qui les fait rester dans leur collectivité.
Je suppose que si notre intention est de vider de nombreuses régions rurales du Canada et de mettre fin à l'existence de ces petites collectivités, la discussion est toute autre. Mais je ne crois pas que ce soit ce que la plupart d'entre nous souhaitent pour notre pays.
J'aimerais faire un commentaire sur la question concernant l'argent dû aux travailleurs et à leurs employeurs. Nous sommes probablement d'accord avec l'industrie, à quelques petites exceptions près, c'est-à-dire que nous voulons ravoir tout cet argent, et nous voulons qu'il nous soit rendu avec intérêts. Les règles étaient ainsi. Et nous avons été raisonnables en n'exigeant pas qu'on nous remette les 57 milliards de dollars sur-le-champ. Au lieu de cela, nous avons demandé que la somme soit investie dans des programmes qui aident les gens. De cette façon, ceux qui ont besoin de l'assurance-emploi pour une courte ou une longue durée peuvent en bénéficier.
Imaginons que vous payez des primes d'assurance habitation et d'assurance automobile, puis que votre maison est la proie d'un incendie et que vous faites un accident de voiture. Vous faites une réclamation auprès de votre compagnie d'assurance, mais elle vous répond ceci : « Nous ne vous avons pas averti? Nous avons déjà dépensé l'argent. Désolé, il n'en reste plus pour vous dédommager. » Je me demande combien d'entre vous penseraient que la compagnie d'assurance était en droit d'utiliser les primes d'assurance à d'autres fins. Il s'agit de l'argent des travailleurs et des employeurs. Il devrait servir à des programmes qui viennent en aide aux personnes au chômage.
Le président : C'est une question rhétorique.
Andrew Jackson, économiste principal, Congrès du travail du Canada : En ce qui concerne la comparaison entre le Maine et le Nouveau-Brunswick, j'aimerais souligner que le taux de pauvreté du Maine est élevé pour l'Amérique du Nord. Quiconque a déjà parcouru l'État du Maine sait que les régions rurales sont très peu peuplées. Dans la région de l'Atlantique du Canada, le régime d'assurance-emploi assure la survie des industries saisonnières qui n'existent pas dans le Maine, aux États-Unis. Ces petits groupes qui habitent dans le Maine doivent subvenir à leurs besoins à même des revenus grandement inférieurs à ceux des habitants des régions rurales de l'Atlantique. Avec un tel argument, il y aurait beaucoup moins de personnes qui vivraient dans la pauvreté si on abaissait l'assurance-emploi.
M. Kelly : La plus récente recherche de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, menée à l'époque où l'économie était plus florissante, présentent des données qui pourraient être contestées par certains. Vingt-deux pour cent des membres ont indiqué qu'ils avaient de la difficulté à embaucher parce que les personnes susceptibles d'être engagées préféraient avoir recourus à l'assurance-emploi plutôt que de travailler. Fait encore plus inquiétant : 16 p. 100 des employeurs ont déclaré que des employés leur avaient demandé d'être licenciés pour pouvoir toucher des prestations d'assurance-emploi. C'est troublant.
Armine Yalnizyan, économiste principale, Centre canadien de politiques alternatives : Merci, monsieur le président. Parfois, la discussion s'embourbe dans les détails. Je tiens à rappeler à tous que nous connaissons actuellement une récession d'une ampleur inégalée depuis les années 1930. C'est aux gouvernements qu'il revient d'intégrer des mécanismes de stabilisation automatique au système. Lorsque les exportations et les investissements commerciaux chutent et que les consommateurs ne font plus de dépenses parce qu'ils n'ont plus de travail, la seule solution qui reste consiste à stimuler le pouvoir d'achat par le biais de programmes de soutien du revenu. Si on ne le fait pas, l'économie ralentira davantage pendant une trop longue période, ce qui entraînera une récession grave qu'elle n'aurait dû l'être.
Nous parlons du régime d'assurance-emploi comme s'il s'agissait d'un régime d'assurance pur et simple. On a créé le régime dans les années 1940 afin de disposer d'un mécanisme de stabilisation automatique de l'économie, ce qui diffère nettement des régimes privés d'assurance.
Nous devons nous rappeler que ce programme vise à réduire le plus possible l'instabilité de l'économie. Comme 56 p. 100 de notre économie repose sur les dépenses des consommateurs, il faut être en mesure de maintenir la demande lorsqu'aucun autre facteur n'est en croissance. La baisse de nos dépenses présente un grave problème pour ce qui est des signes de relance et de la reprise de l'embauche par les entreprises. On n'engage pas de travailleurs si les gens n'achètent pas nos produits.
Si on en venait à privilégier le système de fixation de taux en fonction de l'utilisation antérieure, il est possible qu'on hausse les taxes applicables aux industries qui connaissent habituellement une période creuse à certaines saisons. Si on hausse les taxes, logiquement, ces industries auront plus de difficultés à embaucher, et elles pourraient connaître des baisses réelles et avoir à réduire leurs effectifs.
Si la solution consiste à laisser ces industries à leur sort et à laisser les gens aller là où il y a du travail, essentiellement, nous disons que les travailleurs devraient être nomades et se rendre par exemple en Alberta lorsqu'il y a du travail, et soudainement revenir à Terre-Neuve lorsqu'il n'y en a plus. Mais ensuite, il n'y aura plus de travail à Terre-Neuve. Il ne s'agit pas là d'une stratégie viable pour la plupart des gens ou des collectivités, sans parler des familles.
Le sénateur Oliver a souligné la présence d'une disparité au niveau des compétences, à savoir qu'on voit des affiches « Nous embauchons » alors que le taux de chômage grimpe. Je trouve déroutant que nous fassions appel à des travailleurs de l'étranger pour répondre à nos besoins en main-d'œuvre alors que le nombre de chômeurs augmente. Cela dit, il faut comprendre ce qui se passe pendant les périodes où le taux de chômage grimpe : les gens perdent des emplois bien rémunérés, dont le salaire était de 30 $ de l'heure, et on leur demande d'accepter des emplois au salaire minimum — car c'est le salaire qu'offre ce type d'emplois. Les gens en viennent alors — et c'est tout à fait justifié — à se demander si c'est tout ce qu'ils peuvent faire.
Nous avons oublié quelle est la cause de cette crise et nous jetons le blâme sur les travailleurs, qui s'attendent à toucher un certain salaire. Tout le monde semble s'attendre à ce que les gens acceptent à tout prix n'importe quel emploi, où qu'il soit, ce qui déstabiliserait grandement l'économie. Je ne connais pas la réponse au problème. Mais il s'agit là d'une des raisons qui expliquent pourquoi l'histoire comporte deux versions.
Le président : Sénateur Oliver, avez-vous une autre question?
Le sénateur Oliver : Non, mais je remercie Mme Yalnizyan pour son explication, qui m'a été utile.
[Français]
Le sénateur Chaput : Ma question s'adresse à M. Charles Cirtwill. Si je comprends bien, vous représentez ce soir Atlantic Institute for Market Study, n'est-ce pas?
M. Cirtwill : Oui
Le sénateur Chaput : Quelle est la mission, le mandat de cette institution? Votre témoignage a été très fort et intriguant. J'essaie de comprendre le fonctionnement de votre institution. Avez-vous un comité de chercheurs? Est-ce que l'institut est un organisme à but non lucratif, enregistré au Canada et aux Etats-Unis? Votre équipe de chercheurs est-elle formée de gens du Canada et des États-Unis? Comment arrivez-vous à produire des documents et à écrire pour des publications citant l'approche de votre institution? Comment cela fonctionne-t-il?
[Traduction]
M. Cirtwill : L'Atlantic Institute for Market Studies est un organisme de bienfaisance à vocation pédagogique qui est enregistré au Canada et aux États-Unis. Nous sommes reconnus comme un centre indépendant de recherche en politique publique. Nous faisons appel à des chercheurs non seulement du Canada et des États-Unis, mais aussi des quatre coins du monde, qui se penchent sur des sujets qui présentent un intérêt particulier pour nous. Quiconque souhaite consulter nos publications peut le faire gratuitement. Un comité consultatif sur la recherche examine l'information et les idées présentées. Toutes nos recherches sont évaluées par au moins deux spécialistes du domaine avant leur publication. Le conseil de l'institut est régi par un règlement officiel qui lui interdit d'influencer l'orientation ou les conclusions des recherches effectuées par le personnel ou les chercheurs. Aux termes des contrats que nous signons avec nos auteurs, je n'ai pas le droit d'exercer une influence ou d'avoir mon mot à dire quant aux conclusions des recherches.
Le sénateur Chaput : Recevez-vous des dons? D'où provient votre financement?
M. Cirtwill : Environ 60 p. 100 de notre budget provient d'organisations caritatives comme la Fondation Max Bell et la Fondation canadienne Donner, 30 p. 100 vient d'entreprises ou de particuliers, et le reste est recueilli à l'occasion d'activités spéciales et par le biais de la vente de nos publications. Nous ne sommes aucunement financés par le gouvernement, mais à l'occasion, il se peut que nous vendions des places dans le cadre d'un événement si le gouvernement veut entendre un conférencier. Nous ne permettons pas non plus aux entreprises d'investir de l'argent dans des études particulières. Une compagnie pharmaceutique n'aurait pas le droit de financer d'étude sur une politique concernant les médicaments et une école privée ne pourrait pas financer nos travaux sur l'éducation.
[Français]
Le sénateur Carignan : Ma question s'adresse à Messieurs Kelly et Cirtwill. Hier, nous avons entendu les témoignages de Mesdames Byers et Yalnizyan et elles catégorisaient ou voyaient une catégorisation dans le fait que l'on aidait les travailleurs de longue durée. Elles mentionnaient que le projet de loi faisait une sanction entre le bon chômeur et le mauvais chômeur et qu'il favorisait le bon chômeur.
Quant à vous, vous avez mentionné, si je comprends bien, que le projet de loi ciblait les employés de longue date, que c'était un projet de loi qui atteignait bien la cible parce que la répartition géographique des travailleurs de longue date se situait dans les régions et dans le type d'industries les plus touchées par la crise. Ai-je bien compris? Comment voyez-vous la question du bon ou du mauvais chômeur? Avez-vous des statistiques de répartition des travailleurs de longue date sur le plan géographique et si oui, est-ce possible de les avoir?
[Traduction]
M. Cirtwill : Les statistiques dont je dispose sont celles de Statistique Canada, qui sont accessibles à tout le monde. Ces statistiques montrent les régions où le taux de chômage a atteint des sommets pendant la récession, les secteurs manufacturiers qui ont été tout particulièrement touchés et les industries qui n'ont pas subi d'importantes répercussions. On constate par exemple une hausse considérable du taux de chômage dans le secteur manufacturier du Sud de l'Ontario, et des répercussions considérables au Québec et en Alberta. La seule industrie qui a poursuivi sa croissance tout au long de la récession est le secteur public, qui semble être invulnérable aux récessions.
On a fait la distinction entre bon et mauvais chômeur, mais je ne souscris pas à cette caractérisation. Par contre, je conviens que ce projet de loi cible précisément un groupe de chômeurs qui a déjà reçu de l'aide de plusieurs sources. Je ne saurais dire pourquoi le gouvernement a décidé de concentrer ses efforts sur ce plan. Mais je soupçonne qu'il tente de cibler les employés sur qui, selon lui — quelle que soit l'analyse sur laquelle il a fondé sa perception —, les effets du ralentissement se feront sentir le plus rapidement.
Cela dit, ce qui m'inquiète surtout, c'est de ne pas être tout à fait certain d'en avoir fait assez pour toutes les autres personnes sans emploi. Il y a des choses auxquelles nous devrions réfléchir, et peut-être devrions-nous en faire beaucoup plus sans tarder. Quoi qu'il en soit, je partage les craintes de M. Kelly pour ce qui est du fait qu'il s'agit d'un terrain glissant. Nous devons agir avec prudence et faire attention à la façon dont nous payons les prestations.
Bien sûr, il a été suggéré plus tôt de renoncer à l'application du délai de carence de deux semaines pour toutes les personnes sans emploi. C'est une solution très sensée en période de ralentissement économique.
L'une des raisons pour lesquelles je préconise la fixation de taux en fonction de l'utilisation antérieure est que, comme Mme Byers, je vois un gros problème dans le fait que les gens paient des cotisations à l'assurance-emploi, qu'ils perdent leur emploi directement ou indirectement à cause de la récession et qu'ils ne sont pas en mesure par la suite de toucher des prestations. Il est tout à fait inacceptable de demander aux gens de cotiser à l'assurance-emploi et de ne pas leur permettre d'en bénéficier.
Par ailleurs, de nombreux groupes de travailleurs ne sont tout simplement pas admissibles au régime; nous devons trouver un moyen de les y intégrer.
M. Kelly : À cela, madame le sénateur, j'ajouterais que nous ne sommes pas convaincus que ce texte de loi est requis à ce moment-ci. Je le répète, nous étions davantage en faveur de certaines des mesures que le gouvernement a annoncées dans le budget au début de l'exercice, selon lesquelles l'application de certaines prestations allait être élargie pour englober tous les travailleurs canadiens. Je n'irais pas jusqu'à dire que ce projet de loi crée des catégories de bons et de mauvais travailleurs, comme on l'a peut-être laissé entendre plus tôt.
Au titre de ce projet de loi, il serait possible de recevoir de l'assurance-emploi assez souvent et d'y être toujours admissible. En fait, je crois que, pour bénéficier de la prolongation maximale du versement des prestations sur une période de 20 semaines, il faudrait compter 12 années de travail au cours des 15 dernières années. Cela signifie que pendant cette période vous pourriez ne pas avoir travaillé pendant trois ans, que vous ayez été en congé parental ou que vous ayez reçu de l'assurance-emploi ou peut-être une autre forme de soutien du revenu.
Le projet de loi n'entraîne pas la création de ces deux catégories de travailleurs parce qu'il permet aux gens qui ont demandé de l'assurance-emploi de recevoir quand même cette aide additionnelle. Nous nous demandons surtout si les gouvernements ont fait les meilleurs choix pour favoriser la création d'emplois et la formation des travailleurs aujourd'hui, pour les aider de cette façon plutôt qu'en recourant à la méthode passive qu'est le soutien du revenu.
Le président : Monsieur Kelly, vous avez sauté les deux autres critères. Pour pouvoir bénéficier des 20 semaines, vous ne pourriez pas avoir touché des prestations pendant plus de 35 semaines, et c'est cumulatif, et vous devez avoir cotisé au régime en versant au moins 30 p. 100. Il s'agit aussi de deux critères d'admissibilité.
M. Kelly : Je suis désolé; j'ai ces critères dans mes notes. Ce système s'appliquerait quand même à un grand nombre de travailleurs canadiens. Je pense qu'on estime qu'environ 190 000 personnes bénéficieraient de cette mesure; c'est beaucoup plus que le nombre de personnes qui seraient admissibles aux prestations au titre du régime actuel. Ce n'est pas le pire programme que j'aie vu. Il y a des façons plus dangereuses d'augmenter les prestations d'assurance-emploi que ce qui est proposé, mais il y a d'autres solutions stratégiques que nous pourrions privilégier.
Le président : Est-ce que quelqu'un voudrait ajouter quelque chose?
Mme Yalnizyan : Comme je l'ai mentionné hier dans le cadre de mon témoignage, Ressources humaines et Développement des compétences Canada affirme que le tiers des chômeurs de longue date seront admissibles à ce programme. Ce groupe englobe les personnes qui ont été mises à pied depuis janvier. Cela signifie que les deux tiers des personnes qui ont été mises à pied depuis janvier ne seront pas admissibles; et cela n'englobe pas les personnes qui ont été mises à pied et ont constitué les « troupes d'assaut » de la récession, les personnes qui ont été mises à pied au cours des premiers mois de la récession, que l'on compte par centaines de milliers.
Mesdames et messieurs les sénateurs, nous examinons une mesure destinée à faire face au fait que, dans les prochains mois, des centaines de milliers de personnes ne recevront plus de prestations. Nous nous trouvons devant une reprise très fragile de l'économie et la possibilité d'une récession à double creux. Si des centaines de milliers de personnes devant subvenir aux besoins de leurs familles n'ont plus de soutien du revenu quel qu'il soit, on peut facilement s'attendre à une vague de bouleversement économique d'une ampleur que nous n'avons pas vue depuis des décennies, parce que ces personnes n'auront aucun recours autre que leurs amis et leurs familles.
J'ai aussi mentionné hier que le niveau de soutien de l'assurance-emploi couvrait à peu près moins de la moitié des personnes qui sont sans emploi actuellement, un niveau que nous n'avons pas vu depuis les années 1940. Nous avons besoin d'aide, et toute mesure que le gouvernement choisit de prendre est la bienvenue, quelle qu'elle soit. Toutefois, le projet de loi C-50 est loin d'être suffisant compte tenu de l'ampleur du problème que nous examinons actuellement.
Je pense que je ne suis pas la seule à dire que ce n'est pas un jeu, que nous avons besoin de l'aide du gouvernement pour rétablir la force du système et en faire un stabilisateur automatique; et, oui, cela serait temporaire. Nous pouvons nous pencher sur les réformes à long terme, mais nous sommes aux prises avec un problème d'une ampleur considérable sur le point de créer une situation à laquelle personne ne s'est préparé. Nous ne sommes pas prêts à faire face à un ralentissement aussi important. Nous savions depuis plus d'une décennie que nous n'étions pas à l'abri des récessions, et nous nous interrogeons à savoir si cela est suffisant pour un groupe de chômeurs en particulier. Oui, ces mesures vont aider quelqu'un. On peut rédiger un projet de loi qui aiderait une seule personne, et ce serait une amélioration. Vous avez ciblé 190 000 personnes ou une partie de ce nombre — c'est une goutte d'eau dans l'océan de ce qui doit être fait — et vous savez que vous pouvez remédier à la situation. Vous avez les outils pour le faire, et je vous demande instamment d'examiner comment il vous est possible, au moyen de votre rapport, de dire à vos collègues des deux Chambres du Parlement qu'ils peuvent le faire, c'est-à-dire prendre les mesures requises pour éviter que la récession que nous connaissons ne s'éternise.
M. Jackson : Nous avons distribué le résumé d'une étude réalisée cet été au sujet de certaines collectivités canadiennes qui ont été particulièrement touchées par la récession; je vous invite à y jeter un coup d'œil. Il va sans dire que, sur le terrain, nous avions l'impression que bien des gens allaient avoir épuisé leurs prestations cet automne; si la durée moyenne des prestations était d'environ sept ou huit mois, toutes les personnes qui ont perdu leur emploi à la fin de 2008 et au début de 2009 sont sur le point de ne plus en recevoir. À notre avis, la prolongation du versement des prestations arrive à point nommé, et nous pouvons discuter de l'ampleur du problème.
Du point de vue de ces collectivités, la prolongation du versement des prestations d'assurance-emploi cible directement les victimes de la récession dans les collectivités les plus durement touchées au pays. On ne peut pas en dire autant de la majeure partie du plan économique, et à juste titre. Je ne suis pas certain de vouloir défendre l'idée que le financement de projets d'infrastructure devrait privilégier les collectivités qui ont été très durement touchées.
Prenons par exemple les collectivités de Welland, Campbell River, Sault Ste. Marie et Oshawa, qui ont toutes été très durement touchées. Grâce à ce programme, les gens vont pouvoir tenir le coup à l'hiver et au printemps. Il est à espérer que nous allons sortir de la récession et que les gens vont retrouver leurs emplois, mais nous savons que l'attente sera longue, et je pense que le gouvernement l'a bien compris. Nous pouvons discuter de l'ampleur du problème et chercher à déterminer si le verre est au quart plein ou s'il est aux trois quarts vide, mais l'urgence sera bel et bien présente sur le terrain dans de nombreuses collectivités.
[Français]
Le sénateur Carignan : Ma question porte sur les statistiques. Vous avez dit tantôt qu'il n'y avait pas de corrélation entre les nombreux emplois disponibles actuellement et les individus qui sont à la recherche d'un emploi, et que cela pouvait contribuer à l'augmentation du taux de chômage.
Pourriez-vous fournir aux membres du comité des statistiques concernant les emplois disponibles?
[Traduction]
M. Cirtwill : J'aurais des statistiques qui proviennent de mon institut, mais je peux vous fournir une série d'études réalisées par Statistique Canada de même qu'une étude effectuée depuis bon nombre d'années par une entreprise locale du Canada atlantique qui s'appelle InNOVAcorp; cette étude porte sur l'exode des cerveaux et le manque de compétences professionnelles.
Je ne me rappelle pas si la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante mène ce genre d'études ou non, mais il me semble que la dernière fois que j'ai consulté toutes ces études, c'était pour la plupart il y a quatre à six mois, aucune ne faisait état d'une diminution importante du temps moyen pour pourvoir un poste ou, en d'autres mots, combien de temps un poste reste vacant avant qu'un postulant y soit nommé. En fait, la tendance est principalement à la hausse, c'est-à-dire que les postes restent vacants plus longtemps, même si le taux de chômage atteint des niveaux jamais vus en 40, 20 ou 10 ans, selon la personne qui parle.
[Français]
Le sénateur Carignan : Pouvez-vous nous faire parvenir vos propres études? Celles qui sont issues de nos engins de recherche sont assez accessibles, mais les vôtres sont peut-être plus difficiles à obtenir. Si vous pouviez nous les transmettre, ce serait apprécié.
[Traduction]
M. Cirtwill : Il me faudra peut-être quelques jours, mais je vais les envoyer au comité.
Le président : En fait, pourriez-vous les envoyer à notre greffier, qui veillera à ce que tous les sénateurs en reçoivent une copie dans les deux langues officielles?
Mme Pohlmann : J'aimerais poursuivre sur le sujet des statistiques. Nous sondons régulièrement nos membres pour savoir quelles sont les grandes priorités de leur entreprise. Ce que nous appelons la « pénurie de main-d'œuvre qualifiée » ressort de ce sondage depuis 25 ou 30 ans, et nous regroupons les données recueillies tous les six mois. Réalisé en face- à-face, ce sondage repose généralement sur 20 000 réponses.
Le sondage le plus récent que nous avons mené couvre la période de janvier à juin 2009, et 42 p. 100 de nos membres affirment toujours avoir un problème lié à la pénurie de main-d'œuvre qualifiée au Canada. Cette proportion a diminué un peu. Elle s'élevait à près de 55 p. 100 ou 58 p. 100 il y a un an, mais on parle tout de même de 42 p. 100 aujourd'hui, ce qui est de beaucoup supérieur à la proportion enregistrée dans les années 1990 alors que le taux de chômage était beaucoup plus élevé. À l'époque, cette proportion était de 25 p. 100. Un grand nombre de nos membres sont toujours à la recherche de main-d'œuvre qualifiée.
M. Jackson : J'essaie de me retenir. En ce qui concerne la présumée pénurie de travailleurs, il ne faut pas oublier quels salaires les employeurs sont prêts à verser. Il arrive très souvent que par « pénurie de travailleurs » on entende une pénurie de travailleurs qualifiés disposés à accepter un emploi au salaire minimum ou à un salaire à peine supérieur. On ne peut pas parler de pénuries de main-d'œuvre sans savoir ce que les gens sont prêts à payer.
M. Kelly : Certainement pas. Les petites entreprises ne se font pas l'illusion qu'elles versent les mêmes salaires que les gros employeurs. Il y a des emplois à tous les niveaux de l'échelle salariale dans cette catégorie. En fait, moins de 10 p. 100 des postes vacants dans les petites entreprises offrent un salaire se situant à moins de 10 p. 100 du salaire minimum. Dans cette catégorie, la grande majorité des emplois offre un salaire qui se situe à au moins 10 p. 100 au-dessus du salaire minimum.
Est-ce qu'un travailleur automobile qui a été mis à pied et qui touchait un salaire annuel de 70 000 $ ou de 80 000 $ par année veut travailler dans une petite ville de l'Alberta pour un salaire horaire de 10 $ ou 12 $? Je reconnais que ce serait tout un défi pour cette personne de s'adapter à une telle situation. Nous ne devons pas oublier qu'il y a des tonnes d'emplois dans chaque région du pays aussi bien en période d'abondance que lorsque l'économie va mal et que les travailleurs en font souvent abstraction. Les petites entreprises procurent aussi une stabilité qui est souvent absente dans les grandes entreprises.
Bien que nous encouragions les gouvernements à examiner des projets de loi comme celui-ci afin de déterminer quel type de soutien du revenu est nécessaire en période de crise économique, nous ne devons pas oublier qu'à la fin de la récession nous devrons être prêts à faire face aux pénuries de main-d'œuvre qualifiée auxquelles nous étions confrontés il y a seulement quelques années. Compte tenu de la réalité démographique du Canada, il sera difficile de pourvoir tous les postes dont les Canadiens ont besoin pour l'avenir.
Le sénateur Ringuette : Vous venez tout juste de mettre en lumière l'élément central. Que nous soyons du milieu politique, du milieu des affaires ou du milieu syndical, nous devons reconnaître que notre pays ne dispose d'aucune stratégie en matière de ressources humaines. C'est là l'essentiel du problème. C'est pourquoi nous avons maintenant un projet de loi qui touche seulement 3,5 p. 100 des chômeurs au pays. Nous discutons d'une démarche ponctuelle qui ne tiendra compte que de 3,5 p. 100 des Canadiens sans emploi.
Madame Byers, vous nous avez dit hier qu'il était impossible pour votre organisation d'obtenir des chiffres de Ressources humaines et Développement des compétences Canada. J'ai de la difficulté à accepter cela. Nous discutons de ressources humaines et de dépenses qui s'élèvent à des milliards de dollars, que ce soit notamment pour de la formation, pour des prestations d'assurance-emploi ou pour des congés parentaux. Nous pouvons dépenser des milliards de dollars, mais sans orientation, nous n'avons aucune stratégie pour gérer la situation actuelle et les suites de la récession.
Monsieur Kelly, j'examine les statistiques de la page 8 de votre sondage effectué en 2007, alors que l'économie canadienne était en pleine croissance. La question posée est la suivante : « Au cours de l'année dernière, votre entreprise a-t-elle eu des difficultés à embaucher des employés car ces derniers préféraient bénéficier de l'AE? » Vingt- deux pour cent ont répondu oui. Toutefois, il n'y avait pas tant de prestataires de l'assurance-emploi. Il y avait 247 000 travailleurs étrangers titulaires de visas temporaires au Canada, dont la moitié n'avait aucune qualification et dont aucun ne payait d'impôts pour financer les programmes sociaux et acheter des produits et des services à long terme.
Le plus clair de tout cela, c'est que nous n'avons aucune stratégie des ressources humaines dans ce pays et que nous sommes dans le pétrin.
M. Kelly : Monsieur le sénateur, l'une des plus grandes carences, je le reconnais, est que nous ne serions pas plongés dans la crise que nous traversons en ce moment si les gouvernements n'avaient pas prélevé ces 57 milliards de dollars à même le compte d'assurance-emploi au cours des 10 à 15 dernières années. Il y aurait toutes les ressources dont nous aurions besoin dans le compte d'assurance-emploi pour verser des prestations supplémentaires si c'était nécessaire sans avoir besoin d'augmenter le montant des cotisations par suite d'une augmentation du taux de chômage. Jusque-là, je suis d'accord avec vous. Pendant des années, les déficits du gouvernement fédéral ont été épongés à l'aide des cotisations à l'assurance-emploi, l'une des plus importantes sources de rentrées pour atteindre cet objectif. Si on avait laissé l'argent dans le compte d'assurance-emploi, nous serions en bien meilleure posture aujourd'hui. Nous n'aurions pas à nous inquiéter de la perspective d'augmenter les cotisations. À cet égard, employeurs et employés sont sur la même longueur d'onde. Maintenant que c'est fait, que pouvons-nous faire sinon engager un débat, un vrai? Tout le monde conviendra, je crois, qu'avec les sommes supplémentaires, nous serions en bien meilleure posture aujourd'hui.
Le sénateur Ringuette : Reconnaissez-vous que le fond de la question est que le projet de loi C-50 concerne 3,75 p. 100 des sans-emplois du Canada et que c'est un processus fait au petit bonheur parce que nous n'avons pas de stratégie nationale en matière de ressources humaines?
M. Kelly : Les mots que nous avons utilisés dans nos recommandations sont « éviter les changements sélectifs visant à améliorer les prestations ». Ce que vous dites, c'est que nous procédons au coup par coup.
Le sénateur Ringuette : Oui.
M. Kelly : Il faut que les gouvernements réagissent en fonction des circonstances qui sont là.
Le sénateur Ringuette : Et c'est ce que le projet de loi C-10 faisait.
M. Kelly : Je comprends que le gouvernement revient de loin. Ce qu'il importe de faire ressortir, c'est qu'une personne peut avoir cotisé au régime pendant des années et se retrouver en fin de compte sans revenu pour subvenir à ses besoins. C'est, à mon avis, ce genre de raisonnement qui était à l'origine du projet de loi. Nous pouvons comprendre pourquoi tel était le cas. Les employés méritent d'avoir l'assurance qu'ils disposeront d'un revenu conséquent dans les périodes comme celle-ci. Parallèlement, il ne faut pas perdre de vue l'avenir et c'est là le point faible de cette mesure et d'autres mesures également.
Mme Yalnizyan : En réfléchissant à la conversation de ce soir, deux choses me frappent. La première est la nécessité d'agir, que ce soit au niveau de la formation, de la création d'emplois ou de l'aide aux chômeurs de longue date. Les chômeurs de longue date représentent grosso modo 25 p. 100 du nombre total des sans-emplois et ce nombre augmentera comme cela a été le cas à chaque récession que nous avons connue. Pendant une récession, le groupe formé par les chômeurs de longue durée parmi les sans-emplois augmente toujours. Ou bien une mesure est en place ou il doit y avoir d'autres suggestions. Dans tous les cas, il faut de l'argent. Nous nous soucions tous de la provenance de cet argent. L'excédent de 57 milliards de dollars est une somme que nous devrions avoir ou que nous aurions pu avoir, mais tel n'est pas le cas. Si on veut vraiment s'attaquer au problème, il faut injecter davantage d'argent dans le système et prendre toutes les mesures comptables nécessaires pour regarnir le fonds d'assurance-emploi ou quoi que ce soit d'autre. Il faut plus d'argent et pourtant, le gouvernement s'inquiète, avec raison, de l'ampleur du déficit cette année.
Nous avons instauré un système d'assurance-chômage dans les années 1940. Nous avons augmenté les programmes de formation en 1985, dans la foulée des stratégies d'emploi du gouvernement Mulroney. Nous avons instauré ces choses sans avoir l'argent nécessaire, parce que c'était la bonne chose à faire.
Les questions auxquelles il faut répondre aujourd'hui sont les suivantes : quel est le problème et comment pouvons- nous le régler? Il faut répondre à ces questions avant même de déterminer comment soutenir financièrement le régime. Nous en avons les moyens. Notre économie est d'environ cinq ou six fois ce qu'elle était dans les années 1950. Si l'argent était le problème, le régime n'aurait pas encore vu le jour. L'argent n'est pas le problème.
Que faisons-nous pour éviter de déraper, pour empêcher l'économie de stagner à long terme et pour nous préparer à faire face à ce qui commence à poindre à l'horizon, c'est-à-dire le manque de main-d'œuvre dont nous parlons depuis tout à l'heure? Nous ne sommes pas prêts à affronter l'avenir et ne voyons pas plus loin que le prochain rapport trimestriel; nous ne nous demandons pas, par exemple, quelle est l'ampleur de notre déficit annuel ou encore de notre surplus annuel.
Nous avons besoin d'une stratégie à long terme pour composer avec ce qui se passe en ce moment même, pour nous préparer aux périodes de ralentissement — qui surviendront, je vous le garantis, mais qui sont prévisibles —, et pour nous assurer que les stabilisateurs automatiques s'actionnent d'eux-mêmes et ainsi éviter de perdre du temps à nous demander en séance de comité si nous en avons fait assez, au bon moment, pour les bonnes personnes. Nous savons comment concevoir des stabilisateurs automatiques. Nos parents l'ont fait avant nous. Le Canada compte certainement assez de gens brillants pour être en mesure de déterminer comment empêcher une telle situation de se produire de nouveau et comment se préparer à l'avenir, comme l'ont fait nos parents.
Je ne crois pas que ce soit une question d'argent. Essentiellement, c'est une question de volonté. Sommes-nous prêts à travailler ensemble? Serait-il possible de concevoir, à cette table et ailleurs au pays, une stratégie qui nous préparerait face à l'avenir d'une manière qui convient à tous? Les gens semblent déjà assez bien s'entendre, mais les réductions d'impôts ne sont pas la solution au problème.
Le président : Madame Byers, êtes-vous d'accord avec ces propos?
Mme Byers : Oui, je suis d'accord avec tout ce que vient de dire Mme Yalnizyan. Tout est question de volonté politique. Je pense également que tout ce débat se rattache à la grande question d'une stratégie industrielle nationale. Le Congrès du travail du Canada réclame une telle stratégie depuis longtemps. J'ai tenté de consulter M. Jackson pour déterminer qui était premier ministre lorsque nous avons commencé à le faire. Il y a longtemps que le Canada n'a plus de stratégie industrielle nationale qui rassemble acteurs politiques et partenaires sociaux, comme nous les appelons à l'Organisation internationale du travail, c'est-à-dire une stratégie qui réunit le milieu des affaires et le secteur de la main-d'œuvre afin d'examiner le problème et d'y trouver une solution.
La réalité est différente pour tous. La question de la formation a été soulevée. À cet égard, je serais tentée de dire aux employeurs, qui, par ailleurs, n'ont offert aucune formation pendant près de vingt ans : « Vous manquez de main- d'œuvre compétente? Vraiment? N'avez-vous pas pensé, lorsque vous avez omis pendant vingt ans de former les gens, qu'il y aurait toutes ces années plus tard une pénurie de main-d'œuvre qualifiée lorsque vos employés prendraient leur retraite? » Cela ne règle pas le problème, mais fait ressortir toute l'importance de mettre en place des mesures permanentes. Nous réclamons depuis longtemps une taxe de formation comme il existe au Québec. Ce genre de mesure nous conviendrait. Il faut discuter de cette question.
Nous avons demandé aux employeurs s'ils croyaient que les gens refusaient des emplois parce qu'ils s'en tiraient mieux avec l'assurance-emploi. Je poserais pour ma part la question suivante à nos membres : « Seriez-vous prêts à renoncer à l'assurance-emploi si vous pouviez vous assurer d'obtenir un salaire vital et une certaine sécurité pour votre famille, ou seriez-vous prêts à changer d'emploi si on vous offrait un emploi assorti d'une certaine sécurité? » Le portrait serait beaucoup plus rose si les gens pensaient bénéficier d'une sécurité d'emploi.
Madame Yalnizyan a raison. Nous nous sommes concentrés ces derniers temps sur un projet de loi, le projet de loi C-50, tandis qu'il faudrait en réalité déterminer ce que nous ferons à la place. En décembre 2003 ou 2004, je ne me souviens pas exactement, un comité multipartite des ressources humaines avait été mis sur pied pour examiner le régime d'assurance-chômage. Ce comité a formulé 28 recommandations, qui ont toutes été approuvées par les libéraux, le Bloc et le NPD; si je ne m'abuse, les conservateurs, en dépit de certaines réserves, ont donné leur appui à 25 ou 26 d'entre elles. Ces recommandations formaient la base d'un document utile qui, à l'époque, indiquait la voie à suivre dans le dossier de l'assurance-chômage. Toutes les questions que nous débattons actuellement étaient abordées dans le document, notamment l'égalité d'accès à l'assurance-chômage, le niveau des prestations et quoi faire à ce chapitre.
Peu importe qu'on parle des personnes ou encore d'emplois ou de formation, ceci est vrai : les gens n'iront pas suivre une formation si elle ne débouche pas sur un emploi. Les gens ne cherchent pas forcément de garanties, mais veulent savoir qu'ils ont espoir de décrocher un emploi à l'issue de leur formation, plutôt que de devenir prisonniers en quelque sorte d'un cycle de formation sans fin. Ils doivent également sentir qu'ils jouiront d'une certaine sécurité d'emploi. Pour la plupart des gens, travail à temps partiel signifie pauvreté à temps plein. Voilà la réalité. Si les gens ne sont pas d'avis que tel ou tel emploi leur procurera le soutien financier dont ils ont besoin du point de vue personnel, familial et collectif, il sera difficile de motiver les gens en ce sens.
Maintenant, je me dois également de commenter la question du secteur public. Dans mon ancienne vie, je travaillais dans le secteur public. Nous nous inquiétons de ce qui s'annonce dans le secteur public maintenant que les gouvernements disent avoir d'importants problèmes budgétaires et devoir supprimer des emplois. Vous ne verrez pas de ministères entiers disparaître, mais les gouvernements fédéral et provinciaux et les administrations municipales s'abstiendront de combler les postes laissés vacants. Ils confieront à une seule personne les tâches de trois et je ne sais quoi encore. On ne verra pas les gouvernements mettre un gros cadenas sur la porte, comme il se fait dans le secteur industriel, mais il y aura des pertes d'emploi. Cette situation ne fera qu'ajouter à tout ce problème auquel nous devons faire face; le secteur public fait définitivement partie de notre stratégie industrielle nationale et nous avons besoin de lui pour passer à l'action.
J'aurais un dernier point à aborder, c'est-à-dire la question des gens qui contribuent à la caisse sans jamais rien pouvoir en retirer. Il y a des gens à qui ça arrive. Le saviez-vous? C'est pourquoi nous avons proposé le seuil de 360 heures. Cette donnée équivaut à douze semaines de travail de 30 heures, ce qui correspond à la semaine moyenne de travail. Il y a des gens, principalement des femmes, qui contribuent à l'année longue au régime d'assurance-emploi sans jamais pouvoir en bénéficier parce qu'ils habitent une région où ils ne pourront jamais accumuler le nombre d'heures requis. C'est pourquoi nous soutenons qu'il devrait y avoir un seul seuil d'admissibilité pour tous, qui serait le même au Nouveau-Brunswick, en Saskatchewan, en Colombie-Britannique et partout ailleurs au pays.
Le sénateur Callbeck : Pour en revenir au document circulé par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, en particulier au baromètre des affaires, je présume qu'on a posé la question suivante aux gens : « Êtes- vous optimiste quant aux perspectives de votre entreprise au cours des trois à quatre prochains mois? », parce que voilà de quoi dépend la situation d'emploi, n'est-ce pas?
Mme Pohlmann : Je crois que la question était ainsi formulée : « Vous attendez-vous à ce que votre entreprise connaisse une période de croissance au cours des trois ou quatre prochains mois? »
Le sénateur Callbeck : Si vous regardez le baromètre des affaires, tout cela paraît optimiste. Les prévisions d'emploi, elles, ne le sont pas. Cela signifie-t-il que nous aurons une relance sans création d'emplois?
Mme Pohlmann : Je crois que les gens acceptent assez largement le principe voulant que la relance économique précède habituellement celle de l'emploi, donc nous ne sommes pas surpris de constater que les petites entreprises semblent être au point mort en ce moment, en attendant que la situation s'améliore. Les petites entreprises tendent à fixer leurs attentes en fonction de l'état de la situation, donc elles attendent que les choses prennent du mieux. Nous sommes encouragés par le fait que les petites entreprises, depuis quelques mois déjà, se montrent de plus en plus optimistes face à l'avenir et nous espérons par conséquent qu'elles gagnent suffisamment en confiance pour procéder de nouveau à des embauches au cours des prochains mois. Nos données indiquent que 16 p. 100 de ces entreprises prévoient augmenter leurs effectifs, tandis que 13 p. 100 prévoient les réduire; globalement, 87 p. 100 de ces entreprises prévoient ou bien accroître leurs effectifs ou bien maintenir les niveaux actuels.
M. Kelly : Pour le compte rendu, nous aimerions également préciser que les petites entreprises font souvent les choses plus lentement que les plus grandes sociétés, notamment pour ce qui est des embauches, mais que contrairement à ces plus grandes sociétés, les petites entreprises attendent plus longtemps avant de se départir de leurs employés, ce qui confère une certaine stabilité à l'effectif. Il est très encourageant de constater que 16 p. 100 des petites entreprises prévoient procéder à de nouvelles embauches, mais il ne fait pas de doute que nous devrons attendre encore un certain temps la création de nouveaux emplois.
Le sénateur Callbeck : L'autre question que je voulais poser se rapporte à la page 11, en ce qui concerne les types d'impôt qui nuisent le plus à la croissance des entreprises. Le tableau indique que ce sont les cotisations sociales; toutefois, plus de 50 p. 100 des entreprises dont il est question n'ont pas de régime de cotisations sociales.
M. Kelly : Parlez-vous des travailleurs autonomes?
Le sénateur Callbeck : Oui.
M. Kelly : La majorité des membres de la Fédération qui ont répondu à cette question n'ont pas le statut de travailleur autonome. Vos propos sont justes si vous parlez de l'économie en général. Les travailleurs autonomes composent une partie importante du tableau. Toutefois, strictement parmi nos membres, ils sont moins nombreux, ce qui fait en sorte que les cotisations sociales sont encore aujourd'hui un assez lourd fardeau pour de nombreuses petites entreprises. Bien entendu, les cotisations sociales n'englobent pas que l'assurance-emploi, comme l'indique le document.
Le sénateur Callbeck : Ce sondage date-t-il vraiment d'octobre 2009?
M. Kelly : Celui-là, oui.
Le sénateur Callbeck : Et les données du baromètre?
Mme Pohlmann : Le sondage a été fait il y a à peine deux semaines.
Le président : Merci, sénateur Callbeck. Notre temps est écoulé. Je sais que cette discussion pourrait se poursuivre encore longtemps.
Cette discussion a été très intéressante. J'aimerais remercier M. Cirtwill, Mme Pohlmann, M. Kelly, Mme Byers, Mme Yalnizyan et M. Jackson d'avoir été des nôtres aujourd'hui et de nous avoir aidé à mieux comprendre le projet de loi C- 50. J'espère que nous aurons de nouveau le plaisir de vous accueillir parmi nous.
(La séance est levée.)