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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 15 - Témoignages du 27 octobre 2009


OTTAWA, le mardi 27 octobre 2009

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 9 h 30 pour étudier le Budget des dépenses déposé au Parlement pour l'exercice se terminant le 31 mars 2010 (sujet : Pensions).

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je déclare ouverte cette séance du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Merci à tous d'être ici. Ce matin, nous allons poursuivre notre examen préliminaire de la question des pensions. Pendant la première partfie de la réunion, nous allons entendre les représentants de Ressources humaines et Développement des compétences Canada et de Statistique Canada.

Nous sommes donc ravis d'accueillir M. Grant Schellenberg, analyste principal à la Division de l'analyse sociale et M. Ted Wannell, directeur adjoint de la Division de l'analyse des enquêtes auprès des ménages et sur le travail, tous deux de Statistique Canada.

[Français]

Au nom des Ressources humaines et Développement des compétences Canada, Dominique La Salle, sous-ministre adjoint principal par intérim, Direction générale de la sécurité du revenu et du développement social, et Philip Clarke, sous-ministre adjoint par intérim, Direction générale des opérations, Service Canada.

Bienvenue à tous. La parole est à vous, M. Schellenberg.

[Traduction]

Grant Schellenberg, analyste principal, Division de l'analyse sociale, Statistique Canada : Bonjour. Merci beaucoup de nous avoir conviés à vous rencontrer. Nous avons comparu mercredi dernier devant le Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes et, pour l'essentiel, nous allons vous fournir aujourd'hui la même information que celle que nous lui avons alors donnée. C'est pourquoi l'exposé de ce matin met nettement l'accent sur les femmes. Il va néanmoins nous fournir l'occasion d'aborder toutes les grandes questions que soulève le système de revenu de retraite.

Le dossier de présentation que vous avez sous les yeux se divise en deux grandes parties. Dans les quelques premiers transparents, nous nous intéressons aux femmes et aux hommes en âge de travailler qui font partie de la population active rémunérée et à la proportion d'entre eux qui participent à un régime de retraite offert par l'employeur ou à un régime de retraite agréé.

Aucune source de données ne fournit d'informations complètes sur cette question, et nous allons devoir recourir à trois différentes, en dégageant les tendances en matière de protection propres à chacune d'elles, pour brosser le tableau le plus complet possible.

Dans la seconde partie de notre bref exposé, nous allons passer des femmes en âge de travailler, qu'elles aient ou non un régime de retraite, à celles de 65 ans et plus, pour voir quel revenu elles touchent.

L'élément central est ici que, au cours des 25 dernières années, on a assisté à une profonde évolution de la vie active, en particulier de celle des femmes, comme l'atteste l'augmentation de leur participation à la vie active et de leurs cotisations aux régimes d'épargne-retraite. Ces changements sont manifestes quand on examine leurs revenus, et la composition de ceux-ci, pendant leurs vieux jours.

Veuillez, s'il vous plaît, vous reporter au premier transparent intitulé « Pourcentage de travailleurs rémunérés âgés de 17 à 64 ans ayant une protection en matière de pensions. » Les données sur la protection en matière de pensions peuvent venir de sources différentes, qui ont chacune leurs avantages et leurs inconvénients. Il y a donc intérêt à consulter toutes les sources possibles. Le graphique a été tracé à partir des données administratives compilées pour tous les régimes de pension agréés au Canada, et il indique la proportion des travailleurs rémunérés de 17 à 64 ans qui bénéficient de cette protection. Chez les hommes, on observe une diminution constante du taux de protection depuis 15 ou 20 ans. Il est passé de 47 ou 48 p. 100 à la fin des années 1980 à environ 38 p. 100 en 2007.

Chez les femmes, ce taux a progressé entre le milieu des années 1980 et la première moitié des années 1990. Comme vous pouvez le constater, les données montrent que, depuis 10 ans, leur taux reste à peu près stable, aux environs de 39 p. 100.

Passons au tableau suivant construit à partir de deux autres sources de données, qui permettent d'avoir un aperçu des tendances et de la protection en matière de pension. Ce sont les données fiscales et les données d'enquête sur les ménages. Je veux attirer votre attention sur les tendances à l'intérieur des groupes d'âge, et plus particulièrement sur les tendances et le taux de protection entre 1997 et 2006-2007. Pour les hommes, à la droite du tableau, les données fiscales et d'enquête confirment la tendance à la baisse du taux de protection, déjà relevée au transparent précédent. On y observe, notamment chez les 35 à 44 ans et les 45 à 54 ans, une diminution du taux de protection de quatre à six pour cent au cours de la dernière décennie. Les données de ces deux sources révèlent, à y regarder de plus près, que le taux de protection du groupe des 25 à 34 ans s'est stabilisé ou a peut-être augmenté très modestement.

Sur la gauche du tableau, les données fiscales qui portent sur les femmes font ressortir la stabilité des taux de protection chez celles de 35 à 44 ans et de 45 à 54 ans. Les données d'enquête donnent un résultat équivalent pour celles de 35 à 44 ans, alors que le groupe de celles âgées de 45 à 54 ans enregistre une légère augmentation. Cela tient peut-être au fait que les personnes qui répondent aux enquêtes sur les ménages déclarent les REER de groupe, qui sont normalement inclus dans les autres types de données sur les pensions. Enfin, le taux de protection des femmes de 25 à 34 ans augmente de quatre à six pour cent quand on tient compte des deux types de données.

Donc, dans les grandes lignes, on constate que le taux de protection des hommes diminue alors que celui des femmes augmente, même s'il est relativement stable chez les plus âgées et augmente légèrement chez les plus jeunes.

Au tableau suivant, outre les tendances et le taux de protection, les modifications dans les caractéristiques des régimes de pension ont fait l'objet d'une attention et de débats publics considérables. Ce que nous voyons ici, c'est un déplacement depuis les régimes à prestations déterminées vers les régimes à cotisations déterminées. Brièvement, dans le régime à prestations déterminées, les prestations de retraite sont calculées selon une formule prévue dans le régime, par exemple, 2 p. 100 par année de service de la moyenne des gains sur une certaine période.

Les cotisations de l'employeur à un régime à prestations déterminées ne sont pas prédéterminées, mais calculées d'après des évaluations actuarielles. Par contre, dans un régime à cotisations déterminées, les cotisations sont un montant fixe ou un pourcentage des gains de l'employé. Si le montant des cotisations est connu, celui des prestations ne l'est que lorsque l'employé atteint l'âge de la retraite, et il dépend de facteurs comme le taux de rendement.

Entre 1991 et 2007, le nombre de participants à des RPA à cotisations déterminées a plus que doublé, étant passé de 466 000 à 935 000. Ces chiffres n'englobent pas les employés payés qui ont un REER de groupe. D'après l'Enquête de 2005 sur le milieu de travail et les employés, environ 18 p. 100 des employés ont un REER de groupe, ce qui se rapproche du régime à cotisations déterminées.

De ce tableau, je retiens deux autres points. Tout d'abord, le taux de protection, sur la première ligne, varie de beaucoup entre les secteurs public et privé. Chez les employés du secteur public, 83 p. 100 des femmes et 85 p. 100 des hommes ont un régime de retraite parrainé par leur employeur. Dans le secteur privé, ces chiffres sont respectivement de 22 et de 29 p. 100.

La seconde remarque est que, dans les cas des employés qui bénéficient d'un régime de retraite, leurs types de régimes sont sensiblement différents dans le secteur public et dans le secteur privé. Nous constatons en effet que le régime de 93 à 94 p. 100 des employés du secteur public est un régime à prestations déterminées. Dans le secteur privé, parmi les employés ayant une telle protection, environ 60 p. 100 ont un régime à prestations déterminées et 26 p. 100 un régime à cotisations déterminées.

Passons maintenant au transparent suivant. Je vous invite donc à porter votre attention non plus sur les hommes et les femmes en âge de travailler, et sur leur protection en matière de retraite, mais sur les Canadiens âgés de 65 ans et plus et sur leurs revenus de retraite. Au cours des trois dernières décennies, au Canada, le revenu médian des aînés a nettement progressé. Entre 1980 et 2007, celui des couples âgés est passé d'environ 30 000 $ à 47 000 $, en dollars constants.

Chez les femmes âgées qui ne vivent pas avec d'autres membres de leur famille, le revenu médian est passé de presque 15 000 $ en 1980 à environ 22 000 $ en 2007. Chez les hommes dans la même situation, il était d'environ 25 000 $ en 2007.

La hausse de participation des femmes à l'activité rémunérée et de leurs cotisations aux régimes d'épargne-retraite, comme le Régime de pensions du Canada, le Régime de rentes du Québec, les REER et les RPA, est un facteur qui explique ces tendances. Nous tenons compte ici du rôle joué par le RPC et la RRQ.

Sur le graphique, la courbe en noir correspond au pourcentage des femmes de 65 ans et plus qui touchent des prestations du RPC ou du RRQ. Les pourcentages sont indiqués sur l'axe de gauche. Entre 1980 et 2006, la proportion des Canadiennes âgées recevant des prestations du RPC ou du RRQ a plus que doublé, passant de 35 à 84 p. 100, et pour celles qui les reçoivent, le montant médian, correspondant à la courbe en rouge, est passé de 3 100 $ à 5 500 $. Les montants sont sur l'axe de droite.

Les tendances pour les hommes sont similaires. Le pourcentage de ceux qui touchent des prestations du RPC et du RRQ a augmenté de 69 à 96 p. 100 au cours de la période, et le montant médian a enregistré une hausse de près de 3 000 $.

On constate les tendances lorsqu'on tient compte des revenus reçus des REER, des rentes et des pensions de retraite. Le tableau suivant est consacré aux femmes. La courbe en noir, celle des femmes qui touchent un revenu provenant de REER, de rentes et de pensions de retraite, montre une hausse de 20 à 55 p. 100 entre 1980 et 2006, et le montant médian reçu par les prestataires a progressé de 4 600 $ à 7 400 $.

Chez les hommes, la proportion de ceux qui touchent un revenu des mêmes sources a augmenté de 40 à 72 p. 100, et le montant médian est passé de 8 000 $ à 11 500 $.

Globalement, le revenu que les Canadiens, hommes et femmes, reçoivent pendant leurs vieux jours reflète les changements dans leur vie active et leur participation aux régimes d'épargne-retraite sous administration publique ou privée. On peut évaluer les effets globaux de ces changements sur le tableau suivant, qui donne le revenu agrégé total de toutes les Canadiennes âgées de 65 ans et plus. En 2006, ces femmes ont reçu environ 54 milliards de dollars, contre environ 20 milliards en 1980. Cela est dû à la fois à la hausse moyenne des revenus moyens reçus et au fait que, en termes absolus, il y a maintenant davantage de Canadiennes âgées.

Ce qui est plus frappant dans ce graphique, c'est la proportion croissante du revenu agrégé total reçu des régimes de pensions du Canada et du Québec, illustrée par la zone en jaune, ainsi que la proportion croissante du revenu reçu des REER, rentes et pensions de retraite, représentée par la zone en rouge.

Pour conclure, j'attire l'attention sur deux points concernant la composition du revenu des aînés. Le tableau suivant montre comment la composition du revenu des aînés varie selon la place qu'ils occupent sur la courbe de distribution du revenu. Ce tableau est extrait d'une étude récente de Statistique Canada sur les aînés qui ont eu une participation appréciable à la population active lorsqu'ils étaient plus jeunes, plus précisément ceux qui avaient des gains d'au moins 10 000 $ à 55 ans.

Ici, l'élément clé, si on examine la première colonne, est la situation de ceux qui se situaient au bas de la distribution du revenu à 55 ans. Lorsqu'ils ont atteint entre 75 et 77 ans, ils ont touché 62 p. 100 de leurs revenus de la Sécurité de la vieillesse, du supplément de revenu garanti, des prestations du Régime des rentes du Québec ou du Régime de pensions du Canada, soit 35 p. 100 plus 27 p. cent, le reste provenant d'autres revenus de sources.

Quant à ceux qui se situaient au milieu de la distribution des revenus à l'âge de 55 ans, entre 75 et 77 ans, environ 43 p. 100 de leurs revenus provenaient de la Sécurité de la vieillesse, du supplément de revenu garanti, du RPC ou du RRQ, l'autre moitié venant de rentes, de pensions de retraite, d'autres investissements et de gains en capital.

Enfin, les personnes qui se trouvaient au sommet de la distribution des revenus à 55 ans ont reçu la majorité de leurs revenus, toujours entre 75 et 77 ans, de pensions de retraite et d'autres investissements. Les revenus provenant de la SV, du SRG et du RPC ou du RRQ représentaient moins de 20 p. 100 pour eux.

Pour en terminer avec cet exposé, permettez-moi d'insister sur le fait que, bien que le nombre de personnes âgées touchant des revenus de régimes d'épargne-retraite augment, comme nous l'avons vu au graphique précédent, nombreux sont aussi ceux qui ont recours au programme de Supplément de revenu garanti. En 1981, 55 p. 100 des femmes âgées de 65 ans ou plus en bénéficiaient. En 2008, elles étaient 40 p. 100. Ce graphique permet aussi de constater que la probabilité de recevoir des prestations du programme de Supplément de revenu garanti est plus élevée chez celles âgées de 70 ans et plus, voir de 80 ans et plus, qui chez celles ayant entre 65 et 69 ans.

C'était là l'aperçu de la situation que je voulais vous donner ce matin.

Le président : Je vous remercie, M. Schellenberg. J'aimerais vous demander de préciser quelques éléments qui devraient nous permettre de mieux comprendre les documents que vous venez de passer en revue. En présentant un transparent, vous avez évoqué les revenus que touchent les femmes du Régime de pensions du Canada et du Régime des rentes du Québec, ainsi que de REER, et leurs revenus de pension. Ensuite, vous avez traité du même sujet pour les hommes, mais nous n'avions pas le transparent. Pourriez-vous, s'il vous plaît, le remettre à notre greffier pour qu'il nous en donne des copies.

M. Schellenberg : Tout à fait.

Le président : Le troisième transparent à partir de la fin est consacré au revenu total agrégé des femmes âgées de 65 ans et plus, par source de revenu.

M. Schellenberg : Oui.

Le président : On voit, en haut de ce transparent, la mention « Constant 2007 $ x par 1 000 000 ». Lorsque vous avez parlé des chiffres de gauche du graphique, vous nous avez dit que le montant de 20 000 $ signifie ici 20 milliards de dollars. Est-ce exact?

M. Schellenberg : Ce sont effectivement des milliards. Si vous regardez les chiffres de 2006, ce sont bien 54 milliards de dollars que les femmes âgées de 65 ans et plus ont reçus. En 2006, on comptait environ 2,5 millions de femmes; si vous divisez le montant de 54 milliards de dollars par ces 2,5 millions, cela donne un revenu moyen tout juste supérieur à 22 000 $ par personne. Je peux vous fournir également le transparent sur les hommes.

Le président : Je vous remercie. C'est précisément ce que me demandait l'un de mes collègues.

Le sénateur Gerstein : Avez-vous bien dit que ces transparents tiennent compte de l'inflation?

M. Schellenberg : Oui.

Le président : Sur le second transparent, « Pourcentage de travailleurs rémunérés ayant une protection en matière de pensions, selon le sexe », les REER de groupe ne sont pas pris en compte.

M. Schellenberg : C'est exact.

Le président : Quelles seraient les répercussions si vous incluiez les REER de groupe, et pourquoi ne le sont-ils pas?

M. Schellenberg : Ces données sont extraites de la base de données élaborée pour l'étude intitulée « Régimes de pensions du Canada ». Cette base de données est compilée par Statistique Canada, avec l'apport des responsables fédéraux et provinciaux de la surveillance des régimes de retraite, ainsi qu'avec l'aide de l'Agence du revenu du Canada. Tous les régimes réglementés, et ceux du secteur public, figurent dans cette base. Les REER de groupe ne relèvent pas du mandat de la base de données sur les régimes de retraite du Canada parce qu'ils ne sont pas réglementés par les mêmes autorités de surveillance.

L'apparition des REER de groupe pose de nouveaux défis importants à la collecte des données pour obtenir une vision unique et complète des montants que les Canadiens épargnent sur leurs revenus. C'est pourquoi ils ne sont pas pris en compte ici.

Le sénateur Mitchell : Mais ces données comprennent les régimes de retraite à cotisations déterminées, qui sont pour l'essentiel des REER, n'est-ce pas?

M. Schellenberg : Ils comprennent effectivement les régimes de pension à cotisations déterminées.

Le président : J'aimerais vous demander des précisions sur le transparent suivant, intitulé « Caractéristiques des pensions de travailleurs rémunérés âgés de 17 à 64 ans selon le secteur et le sexe ».

M. Schellenberg : Oui.

Le président : Je vois dans la colonne de gauche « Prestations déterminées puis « Mélangé ». Est-ce que la catégorie « Mélangé » comprend les REER?

M. Schellenberg : Non, ce n'est pas le cas. Ce qui se produit est que certains employeurs offrent un régime de retraite dans lequel certains de leurs employés ont des prestations déterminées et d'autres des cotisations déterminées. Voilà un exemple de ce qu'on peut appeler un régime « mélangé », soit un seul régime offert par un employeur.

On voit apparaître des régimes purs, c'est-à-dire qui sont exclusivement à prestations déterminées ou à cotisations déterminées. Nous voyons aussi des régimes comportant des éléments de risque assumés à la fois par les employés et par les employeurs. Il ne s'agit pas là de régimes purs, à prestations ou à cotisations déterminées, mais plutôt de régimes d'un type hybride. C'est pourquoi, à compter de 2005, Statistique Canada a commencé à classer de tels régimes comme des régimes mélangés, non pas parce que les employés adhèrent à deux régimes distincts, mais parce que les caractéristiques mêmes du régime composent une sorte de mélange.

Le président : Quelqu'un d'autre a-t-il des précisions à demander avant que je donne la parole à M. La Salle?

[Français]

Dominique La Salle, sous-ministre adjoint principal par intérim, Direction générale de la sécurité du revenu et du développement social, Ressources humaines et Développement des compétences Canada : Monsieur le président, je tiens d'abord à vous remercier de votre invitation. Je suis sous-ministre adjoint principal par intérim au sein du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences.

[Traduction]

Mon collègue, Philipp Clark, se joint à moi. Il est sous-ministre adjoint à la Direction générale des opérations de Service Canada.

[Français]

Je suis responsable de la sécurité du revenu et du développement social, volets principaux des politiques et programmes sociaux destinés aux familles, aux aînés et aux personnes handicapées qui doivent relever des défis sociaux.

Le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences est un ministère qui touche directement la vie quotidienne des Canadiennes et des Canadiens. Nos programmes, nos politiques et nos partenariats appuient les gens qui traversent une période difficile, aident les Canadiens à créer leurs propres possibilités et offrent des avantages sociaux aux habitants de l'ensemble du pays. En fait, nous permettons aux Canadiens de faire des choix qui les aideront à mener une vie productive et gratifiante. Évidemment, c'est un processus qui est toujours en évolution. Nous savons que nous devons en permanence adapter nos approches afin de répondre aux besoins changeants des Canadiens.

On m'a demandé de vous parler du système de revenus de retraite du Canada.

[Traduction]

Je vais vous parler du volet public de notre système, qui est administré par le ministère dans lequel je travaille. Je m'en remettrai à mes collègues du ministère des Finances pour discuter...

[Français]

... les enjeux qui sont au-delà de nos programmes. Permettez-moi d'abord de vous donner un aperçu du système de revenus de retraite du Canada.

[Traduction]

Le système de revenus de retraite du Canada vise en premier lieu à offrir aux Canadiens âgés un revenu à la fois adéquat et stable pour leur retraite. Il vise deux objectifs clés : éviter que le revenu des Canadiens de 65 ans et plus soit trop bas et les aider au besoin; et aider les Canadiens à éviter une baisse importante de leur niveau de vie au moment de leur retraite.

Le système de revenus de retraite du Canada repose sur trois piliers. Le premier, qui est la Sécurité de la vieillesse (SV), est un régime de pension non contributif universel, offert à 98 p. 100 des Canadiens âgés de 65 ans ou plus. En 2008, 4,4 millions d'aînés ont touché des prestations de la SV. Les pensionnés de la SV qui ont des revenus limités ou n'ont pas de revenu du tout sont également admissibles au Supplément de revenu garanti (SRG). En 2008, 1,6 million de personnes ont bénéficié du SRG. Pour un particulier, la pension de base de la SV est de 517 $ par mois et la prestation mensuelle maximale du SRG est de 652 $.

Plus précisément, les prestations de la SV visent à offrir une sécurité du revenu partielle aux aînés canadiens, en reconnaissance de la contribution qu'ils ont apportée à la société et à l'économie canadienne. Étant donné que les antécédents de travail ne constituent pas un facteur d'admissibilité, les personnes qui ont peu travaillé ou n'ont jamais effectué de travail rémunéré ont droit à ces prestations. Toutes les prestations sont indexées chaque trimestre; cela garantit le maintien de leur valeur avec le temps.

Le Régime de pensions du Canada (RPC) et le régime de rentes du Québec (RRQ) constituent le deuxième pilier de notre système de revenu de retraite. La cotisation à ces régimes est obligatoire pour toutes les personnes occupant un emploi; les régimes sont financés à parts égales par les employés et les employeurs. Ils couvrent les travailleurs de tous les secteurs de l'économie, incluant ceux qui travaillent dans le cadre de contrats non conventionnels et les travailleurs autonomes.

Le RPC offre aux cotisants et à leur famille un revenu de base lorsqu'un travailleur salarié prend sa retraite, devient invalide ou décède. L'an dernier, les dépenses totales du régime se sont élevées à 28,9 milliards de dollars. Il y a 3,6 millions de bénéficiaires du RPC et près de 800 000 prestataires d'une rente de conjoint survivant. Plus de 12 millions de travailleurs cotisent au RPC.

Dans le cadre de la couverture qu'il offre aux cotisants, le RPC tient compte des besoins des familles grâce à plusieurs dispositions : la clause d'exclusion générale, la clause d'exclusion pour élever les enfants, le partage des crédits, le partage des pensions et la rente de conjoint survivant.

Ces deux piliers du système de revenu de retraite, la SV et le RPC, génèrent un revenu modeste à partir duquel les individus peuvent ajouter des revenus. Lorsqu'on les combine, le RCP et la SV correspondent au maximum à 40 p. 100 du salaire moyen dans l'industrie. On attend des Canadiens qu'ils complètent ce revenu par d'autres moyens.

Le troisième pilier du système de revenu de retraite du Canada, lequel est volontaire, comprend principalement les régimes de pension agréés (RPA) et les régimes enregistrés d'épargne-retraite (REER). Aujourd'hui, je parlerai uniquement du régime de retraite public du Canada.

Celui-ci a cinq caractéristiques qui se sont révélées efficaces pour nous. Notre régime public est diversifié, adapté aux besoins des citoyens, viable, responsable et dynamique.

Plusieurs acteurs participent au régime de retraite : les particuliers et les familles, les gouvernements et les employeurs. Le rôle du gouvernement fédéral consiste principalement à administrer le régime public et à superviser le régime de soutien privé réglementé par les autorités fédérales.

Au fil des ans, les politiques relatives à la SV et au RPC ont évolué pour répondre aux besoins des aînés. Lorsque c'était nécessaire, nous avons travaillé fort pour étendre la portée de l'admissibilité ou modifier celle-ci afin de tenir compte de l'évolution de la société.

Par exemple, le Canada a modifié la loi relative aux pensions afin de permettre aux conjoints touchant leur pension de retraite de payer moins d'impôt sur le revenu en partageant une partie des prestations de retraite. Nous avons modifié le RPC de manière à ne pas réduire les prestations des parents qui restent à la maison pour élever leurs enfants de moins de sept ans. Nous avons instauré le partage des crédits entre conjoints en cas de divorce ou de séparation, en reconnaissance du fait que les couples ont acquis leurs biens ensemble durant leur période de vie commune, et nous avons étendu les prestations de conjoint survivant aux conjoints de même sexe (vivant en concubinage ou mariés). Nous avons augmenté les prestations grâce à des programmes fondés sur le revenu comme le SRG, afin de porter le revenu de la plupart des bénéficiaires à un niveau supérieur au seuil de faible revenu.

Les finances du RPC sont viables en grande partie parce que les gouvernements fédéral et provinciaux ont pris des mesures appropriées et au bon moment pour le bénéfice des futures générations. La contribution combinée des employeurs et des employés a augmenté au rythme régulier de 9,9 p. 100 en 2003 et les années suivantes. De plus, nous avons créé un fonds de réserve surveillé par un office d'investissement indépendant, afin d'absorber l'arrivée massive des baby-boomers à l'âge de la retraite. Ainsi, le RPC est passé d'un régime uniquement financé par répartition à un régime partiellement capitalisé.

L'Office d'investissement du RPC a pour mandat d'investir le fonds de réserve afin de servir au mieux les intérêts des cotisants et des bénéficiaires — et de maximiser ainsi le rendement des investissements sans risque de perte excessif. En juin 2009, la valeur nette du fonds de réserve était de 116,6 milliards de dollars, ce qui représente trois années complètes de prestations.

Par rapport à la plupart des autres pays, le Canada est dans une position enviable, étant donné que le RPC n'aura pas besoin de faire d'investissements pendant encore dix ans pour pouvoir verser des prestations, ce qui laisse le temps aux sommes déjà placées de fructifier à nouveau. Vous serez heureux d'apprendre que notre régime de retraite est analysé tous les ans par l'Actuaire en chef qui a estimé, lors de ses trois derniers examens, que ce régime sera viable pour les 75 prochaines années.

Le quatrième pilier de notre SRR tient au fait que ses administrateurs rendent rigoureusement des comptes à tous les Canadiens. Le fait que les gouvernements fédéral et provinciaux gèrent conjointement le RPC le protège efficacement contre les changements à court terme qui pourraient menacer son intégrité ou sa viabilité.

En outre, l'Office d'investissement du RPC constitue un modèle de gouvernance qui crée un juste équilibre entre indépendance et obligation de rendre des comptes. D'une part, l'Office fonctionne indépendamment du gouvernement, et un conseil d'administration indépendant supervise sa gestion. D'autre part, il doit quand même rendre des comptes aux ministres des Finances fédéral et provinciaux. En bref, nous avons atteint un équilibre satisfaisant entre la responsabilité de diligence raisonnable et la marge de manœuvre nécessaire pour répondre aux besoins des Canadiens, aujourd'hui et à l'avenir.

Enfin (et c'est également très important), nous avons réalisé que nous devions conserver une longueur d'avance en surveillant les tendances sociales et en nous y adaptant le plus rapidement possible. Par nature, notre système de revenu de retraite offre une certaine marge de manœuvre. Par exemple, la loi exige que les pensions soient indexées selon l'inflation une fois par an pour le RPC et quatre fois par an pour les prestations de la SV. En outre, les Canadiens ont la possibilité de choisir quand ils veulent prendre leur retraite et recevoir leurs prestations du RPC. Le RPC est révisé tous les trois ans afin de s'assurer qu'il demeure solide financièrement et que sa structure s'adapte aux changements de société.

Les aînés à faible revenu ont signifié au gouvernement que les règles applicables au SRG constituaient un obstacle pour ceux qui souhaitent travailler. En réaction à ces commentaires, l'an dernier, le gouvernement du Canada a augmenté l'exemption de gains consentie dans le cadre du SRG, qui est passée de 500 $ à 3 500 $. Cela signifie que les aînés à faibles revenus qui choisissent de travailler peuvent maintenant conserver une part plus importante de leurs prestations du SRG.

Par ailleurs, RHDCC continue de conclure des accords sur la sécurité sociale avec d'autres pays. Grâce aux 50 accords déjà en vigueur, il est plus facile pour les aînés, les personnes handicapées et les conjoints survivants de recevoir leur pension au Canada et dans le pays partenaire. De plus, nous cherchons à conclure ces accords en tenant compte du profil de l'immigration, qui a considérablement changé. Ces dernières années, la plupart de nos accords étaient conclus avec des pays d'Europe de l'Ouest. Aujourd'hui, ils visent également les Caraïbes, ainsi que l'Europe de l'Est, l'Amérique du Sud et l'Asie. Nous envisageons de conclure des accords avec d'autres pays d'Asie et d'Afrique qui reflètent notre actuelle population d'immigrants.

[Français]

En conclusion, si l'on se fie à la plupart des indicateurs socioéconomiques, le Canada s'en sort bien. Par rapport aux générations précédentes dans notre pays, les Canadiens vivent plus vieux et ont un niveau de scolarité plus élevé. Un plus grand nombre de femmes travaillent et gagnent leur droit à une pension. Le nombre d'aînés à faible revenu a fortement baissé. Notre régime de retraite public a livré des résultats fort impressionnants en ce qui a trait à la réduction de l'incidence des faibles revenus parmi les aînés depuis 1980.

[Traduction]

En 1980, le pourcentage de personnes âgées vivant en dessous du seuil de faible revenu, le SFR, était de 21,4 p. 100. En 2007, il était tombé à 4,8 p. 100, une chute très marquée, et l'un des meilleurs résultats dans le monde.

[Français]

Jusqu'à maintenant, le système de revenus de retraite du Canada a atteint ses principaux objectifs d'améliorer la sécurité de la retraite pour tous les aînés. Au cours des 20 dernières années, et surtout depuis les réformes de 1998, ces éléments positifs ont permis au système de répondre aux besoins de 4,5 millions de Canadiens âgés de 65 ans et plus. Ils vont nous aider à nous préparer à l'arrivée de la prochaine génération de retraités dont le nombre va presque doubler pour atteindre 9 millions au cours des 25 prochaines années, soit le quart de la population, et ils vont nous permettre de demeurer attentifs à la situation des jeunes Canadiens et à la façon dont cela va influer sur nos politiques dans le futur.

Monsieur le président, mesdames et messieurs membres du comité, voilà qui conclut mes observations préliminaires.

[Traduction]

Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions dans les deux langues officielles.

[Français]

Le président : Merci beaucoup, monsieur La Salle. Nous allons commencer la période de questions avec un sénateur de l'Alberta, le sénateur Mitchell.

[Traduction]

Le sénateur Mitchell : Je vous remercie, messieurs. Je suis fort intéressé par la comparaison entre la situation des personnes qui ont un régime de retraite, de quelque nature que ce soit, et celle des millions de Canadiens qui n'en ont aucun.

M. Schellenberg, votre premier transparent montre que moins de 40 p. 100 des Canadiens âgés de 17 à 64 ans sont protégés par un régime de retraite; ils ne sont en moyenne que 39 p. 100 à en avoir un. Parmi ceux-ci, lorsqu'on consulte la page suivante, il semble que pour l'ensemble hommes-femmes, environ 20 p. 100 aient des régimes à cotisations déterminées, qui sont en réalité desREER, et qui n'offrent donc pas de garanties de paiement. Cela entraîne donc, dans une certaine mesure, des risques plus importants. Certains de ces régimes de retraite axés sur les prestations sont manifestement des régimes d'entreprise, ce qui constitue en soi un risque additionnel.

Vous pourriez donc dire qu'à peine plus de 30 p. 100 des Canadiens ont effectivement un régime de retraite à prestations déterminées. Est-ce bien exact?

M. Schellenberg : Si vous vous reportez au graphique donnant la décomposition entre le secteur privé et le secteur public, vous y verrez les chiffres. Prenons, par exemple, les femmes du secteur privé ayant entre 17 et 64 ans. Il faut se souvenir qu'on trouve aux dénominateurs des adolescents et des personnes au début de la vingtaine, ainsi que des gens de 65 à 74 ans, dont beaucoup ont des régimes de retraite et qui peuvent avoir déjà pris leur retraite. Ce serait bien de disposer de ce graphique pour la tranche d'âge des 25 à 64 ans, mais nous n'avons pas les données.

Je voulais attirer votre attention sur le fait que, si nous prenons les femmes du secteur privé, nous avons un taux de protection de 22 p. 100 et que, parmi elles, 59 p. 100 ont un régime à prestations déterminées. Si nous multiplions ces deux chiffres, nous obtenons le pourcentage des femmes du secteur privé qui sont dotées d'un régime à prestations déterminées, qui est de 13 p. 100. Parmi les 29 p. 100 d'hommes travaillant dans le secteur privé qui bénéficient d'un régime de retraite, 63 p. 100 ont un régime à prestations déterminées. En faisant ici aussi la multiplication, nous obtenons un taux de protection par des régimes à prestations déterminées de 18 p. 100.

Le sénateur Mitchell : Cela s'applique au secteur privé. La situation est donc encore plus tranchée que je ne le pensais en soulevant mon premier point.

M. Schellenberg : Oui monsieur. Lorsque nous examinons les chiffres agrégés, du point de vue de la sécurité financière de tous les Canadiens, il est important de tenir compte du secteur public, du niveau élevé de protection et de la nature des régimes de retraite qu'on y retrouve. En revenant en arrière et en examinant les tendances qui se dégagent au sein du secteur privé, les taux respectifs de couverture de 13 et de 18 p. 100 par des régimes à prestations déterminées sont ceux à retenir.

Le sénateur Mitchell : Ils le font en effet. La situation désavantageuse des femmes est même plus marquée. Si on ne tient plus compte de la couverture assurée par les régimes à prestations déterminées, le problème est encore plus aigu, à mon avis, en ce qui concerne la différence de couverture par des RER entre les hommes et les femmes.

Il y a un point que j'aimerais éclaircir rapidement. Je conclus de tout cela qu'un pourcentage très élevé de nos concitoyens, largement majoritaire ou, pour le moins, dépassant les 50 p. 100, devra s'en remettre à des REER et à d'autres formes d'épargne personnelle pour prendre sa retraite. J'ai l'impression que les gens ne réalisent pas de combien d'argent ils auront réellement besoin pour prendre leur retraite. Si vous avez investi 500 000 $ dans votre REER, ce qui est beaucoup d'argent, vous aurez de la chance, avec les taux d'intérêt actuels, si vous retirez des revenus de 20 000 $ par année de façon régulière.

Savez-vous quel est le pourcentage de Canadiens qui ont des REER? Savez-vous quel est le montant moyen d'épargne accumulé dans ces REER? Disposez-vous de moyens pour calculer comment la situation évoluera d'ici l'âge de la retraite, si vous voyez ce que je veux dire? Savez-vous quel est le montant moyen des cotisations annuelles versées dans ces REER?

M. Schellenberg : Nous avons les réponses à certaines de ces questions, mais pas à toutes. Ce sont les déclarations de revenus que les gens transmettent chaque année à l'Agence du revenu du Canada qui constituent notre principale source d'informations dans ce domaine. Elles nous permettent de savoir, chaque année, si les contribuables cotisent ou non à leurs REER. Pour ceux qui le font, nous y trouvons le montant précis de leurs cotisations.

Nous ne pouvons pas, par contre, faire la distinction entre ceux qui participent à un REER de groupe et ceux qui n'y participent pas. Ces chiffres sont cependant pris en compte dans les cotisations à des REER, ainsi que dans leurs revenus.

Nous pourrions cumuler, année après année, les cotisations annuelles d'une personne à son REER, et nous pourrions également déduire tous les fonds qu'elle a retirés de son REER et sur lesquels elle a été imposée. Cependant, au fur et à mesure que ces épargnes s'accumulent dans les REER, elle génère des rendements sur le capital investi et les avoirs de la personne augmentent, mais nous n'avons pas de données sur la valeur réelle des REER à un point donné dans le temps.

Statistique Canada a réalisé en 1999 et en 2005 une enquête sur la fortune dans laquelle elle demandait cette information aux gens. En 2005, il y a eu environ 6 000 ou 7 000 répondants. Ce n'est pas un échantillon très important pour une enquête. Si vous voulez utiliser celle-ci pour connaître la situation des personnes âgées de 45 à 60 ans qui vivent en Alberta, vous n'allez peut-être disposer que de quelques centaines de personnes, ce qui ne vous permettra pas de générer des évaluations fiables. Dans le cas des données sur la fortune que vous évoquez, nous souffrons donc d'un manque.

Le sénateur Mitchell : J'ai beaucoup de questions à vous poser, mais je sais que nous ne disposons que de peu de temps.

Le président : Si je me permets ici de rappeler à tous que nous tentons ici d'obtenir un aperçu de la situation pour comprendre tous les problèmes, ou autant de problèmes que nous le pouvons, afin de déterminer si ce comité doit aller plus loin et réaliser sa propre étude des pensions de retraite.

Le sénateur Eggleton : Le second graphique permet de constater que le groupe d'âge le plus jeune, celui des personnes âgées de 25 à 34 ans, enregistre une hausse aussi bien pour les hommes que pour les femmes, mais plus marquée pour les femmes, alors que ce n'est pas le cas des autres groupes. À quoi l'attribuez-vous?

M. Schellenberg : Notre analyste à Statistique Canada a étudié les variations de couverture par des régimes de retraite dans le temps, soit entre 1987 et 1997 et entre 1997 et 2007, et a tenté d'expliquer qu'elle pourrait être la cause de la diminution chez les hommes et de l'augmentation chez les femmes, et dans les divers groupes d'âge.

Lorsque nous examinons la situation des hommes en 1987, en 1997 et en 2007, nous constatons qu'il y a eu des départs des industries dans lesquelles les taux de couverture étaient traditionnellement élevés, en particulier du secteur manufacturier, mais je crois que c'est encore plus marqué dans les domaines de l'éducation et de l'administration publique, dans lesquels le nombre d'hommes employés est plus faible. Nous avons aussi observé une diminution du nombre de syndiqués au cours des 20 dernières années, et la couverture par des régimes de retraite a tendance à être plus élevée dans les organismes ou les travailleurs sont syndiqués. C'est là la principale cause de diminution chez les hommes.

Les caractéristiques de la situation des femmes ont beaucoup évolué. Elles ont progressé sur la courbe de la distribution des revenus, qui est directement corrélée au niveau de couverture des régimes de retraite. Elles ont fait des études plus poussées qu'il y a 10 ou 20 ans, et cela est aussi directement corrélé au niveau de couverture des régimes de retraite.

Dans le cas des caractéristiques du groupe d'âge des 25 à 34 ans, une translation vers le haut de la courbe de la distribution des revenus en est partiellement responsable. Elles ont de meilleurs emplois qu'il y a 10 ou 20 ans.

Le sénateur Eggleton : Pour l'instant, le but essentiel de notre exercice est de voir si la situation est adéquate. Disposez-vous de statistiques, que vous pourriez nous remettre, sur l'adéquation des régimes de pension? Une fois encore, nous nous intéressons aussi bien au secteur public qu'au secteur privé.

M. Schellenberg : C'est une question difficile. Une étude réalisée par statistique Canada traite de façon explicite des taux de remplacement, définis au sens large. Elle compare les revenus totaux après impôts que les gens avaient à l'âge de 55 ans avec ceux dont ils disposaient à l'âge de 70 ou de 75 ans, en mettant l'accent sur les personnes qui avaient eu des liens prolongés avec la main-d'œuvre rémunérée dans la cinquantaine.

L'une des conclusions importantes de cette étude a été que, pour les personnes qui se trouvaient au milieu de la courbe de distribution des revenus à l'âge de 55 ans, le taux médian de remplacement se situait entre 70 et 75 p. 100. Cette étude a également permis de constater que, chez les personnes âgées se trouvant au milieu de la courbe de distribution des revenus, environ un quart avait un taux de remplacement inférieur à 60 p. 100. Cela ne signifie pas que nous jugeons que cela est assez; c'est inadéquat, mais c'est le seuil que nous avons retenu de façon arbitraire. Une personne sur quatre se trouvait en dessous de ce seuil.

Le sénateur Eggleton : Monsieur La Salle, vous parliez des investissements. Vous nous avez dit que, par comparaison à la plupart des autres pays, le Canada se trouve dans une situation enviable, mais je crois savoir que le taux moyen brut de remplacement dans les pays de l'Organisation de coopération et de développement économique, l'OCDE, est de 58,7 p. 100 alors qu'il est d'environ 40 p. 100 au Canada. Pourquoi notre taux est-il si faible?

M. La Salle : Il faut se pencher sur la pérennité de ces taux de remplacement. Nombre des pays membres de l'OCDE ont visé des taux de remplacement élevés, mais ils se retrouvent dans une situation difficile quand ils doivent, par exemple, réviser l'âge de la retraite.

Il est donc important d'examiner le caractère durable de l'engagement qui a été pris avec les personnes. Il peut s'agir d'une question de méthodologie, qui ne relève pas de mon domaine de compétences, mais que je me ferai un plaisir d'examiner.

Certains pays promettent à leurs retraités un ensemble assez généreux de prestations, mais il faut lire attentivement les petits caractères. C'est ainsi que, en théorie, la France assure une pension de retraite complète à l'âge de 60 ans. Elle est la seule à le faire. C'est très généreux. Par contre, lorsque vous lisez le texte en petits caractères, vous constatez qu'il faut avoir cotisé pendant X années et que, au bout du compte, très peu de personnes retirent réellement une pension complète à l'âge de 60 ans.

Le sénateur Eggleton : Avez-vous d'autres exemples de ce que des pays ont dû faire pour obtenir ce taux de 58,7 p. 100, qui est un taux de remplacement beaucoup plus réaliste? Je réalise que cela concerne les régimes publics par opposition aux régimes privés, mais de nous découvrons que ces derniers n'offrent pas grand-chose à quelque 5 millions de Canadiens.

Avez-vous des exemples d'autres pays dans lesquels l'obtention de ce chiffre a été coûteuse pour les contribuables?

M. La Salle : Chaque pays a un système différent de ceux des autres. Certains se sont dotés de systèmes très complexes, comme le Royaume-Uni. Vous pourriez rédiger une thèse de doctorat rien que sur ce système. Il est modifié tous les quatre ou cinq ans et est complexe. Je ne peux pas commencer, monsieur le sénateur, à vous expliquer chacun de ces systèmes.

Le sénateur Ringuette : Monsieur Schellenberg, au sujet du transparent de la page 2 et de l'explication différente que vous nous avez donnée pour la question des sexes, n'auriez-vous pas dû tenir compte de ce qui s'est produit sur le marché du travail au cours de la dernière décennie, soit d'une plus forte hausse du travail autonome chez les hommes que chez les femmes, pour expliquer que la protection de ces hommes par des régimes de retraite est plus faible?

J'imagine que, lorsque vous êtes un travailleur autonome, nous voulez probablement investir vos économies pour développer votre entreprise et favoriser sa croissance plutôt que de les verser dans un régime de retraite.

M. Schellenberg : Oui, tout à fait. Vous soulevez là une question très importante. Toutes les données dont j'ai fait état en matière de couverture par des régimes de retraite concernent des employés rémunérés.

Je crois que les travailleurs autonomes ont de nombreuses caractéristiques qui leur sont particulières et qui en font un cas à part. L'une de celles-ci est que c'est dans la quarantaine et dans la cinquantaine que les gens deviennent le plus souvent des travailleurs autonomes, ou qu'il est probable qu'ils le deviennent, alors qu'ils ont acquis les ressources humaines et financières nécessaires pour lancer leurs entreprises. On pourrait faire l'hypothèse que ces travailleurs autonomes ont de faibles taux de protection par des régimes de pension, même si nous constatons au Canada une croissance très forte du nombre de régimes à prestations déterminées regroupant deux ou trois adhérents. Le nombre de ces régimes a augmenté de façon remarquable depuis peu. Cela pourrait être le fait de certains travailleurs autonomes constitués en personne morale, mais cela ne représenterait probablement qu'un faible sous-ensemble de la population totale des travailleurs autonomes.

Le sénateur Ringuette : Êtes-vous en train de nous dire que nous n'avons aucune donnée concernant les régimes de pension des travailleurs autonomes?

M. Schellenberg : Nous pourrions approfondir l'étude de cette question et extraire des données dont nous disposons celles qui sont pertinentes. Cela n'a pas été fait jusqu'à maintenant.

L'autre élément à prendre en compte est que les travailleurs autonomes ont, en général, constitué entre 12 et 15 p. 100 de la population active totale au cours des 10 ou 15 dernières années. Ce pourcentage n'a pas augmenté de façon marquée, il est resté relativement stable.

Dans la mesure où les travailleurs autonomes n'ont pas de régimes de pension agréés, ce pourcentage est probablement resté relativement stable dans le temps. C'est l'hypothèse de travail que je ferais actuellement. Nous n'avons pas étudié la mesure dans laquelle ils accumulent des avoirs sous forme d'édifices, d'investissements ou d'autres choses dont ils pourraient tirer des revenus à la fin de leur vie.

Le sénateur Ringuette : Avez-vous l'intention d'étudier cette question?

M. Schellenberg : Oui, c'est le cas. Nous avons un plan de travail, et cette question y figure.

Le sénateur Ringuette : Lorsque vous aurez obtenu quelques résultats, pourriez-vous en informer ce comité?

M. Schellenberg : Tout à fait. Ce comité a-t-il l'intention de recommander d'en faire une priorité?

Le président : Je dirais que oui. Nous serions très désireux de connaître la situation dans le secteur privé.

Ted Wannell, directeur adjoint, Division de l'analyse des enquêtes auprès des ménages et sur le travail, Statistique Canada : Je peux vous donner un chiffre approximatif qui provient de l'étude sur la fortune dont M. Schellenberg a fait état précédemment. Quand vous étudiez la situation de toutes les familles et faites le total des fortunes de toutes, celles dans lesquelles le travail autonome génère un revenu important ne représentent qu'un pourcentage relativement faible, comme l'a indiqué M. Schellenberg, de l'ordre de 15 p. 100. Toutefois, les capitaux propres investis dans l'entreprise de la personne représentent 30 p. 100 de la richesse. Cela n'est pas rien et représente même une part relativement importante de cette richesse. Si vous ramenez cela à la proportion réelle de personnes ayant investi dans leur propre entreprise, cela donne un chiffre passablement élevé.

Le sénateur Ringuette : J'ai deux questions à poser à M. La Salle.

Le président : Il ne nous reste pas beaucoup de temps. Essayez de poser deux questions en une.

Le sénateur Ringuette : Non.

Le président : Alors, vous ne poserez qu'une question.

Le sénateur Ringuette : Puisque c'est ainsi, Monsieur La Salle, j'aimerais beaucoup vous rencontrer pour vous demander des renseignements additionnels. Si nous pouvions nous voir dans mon bureau, je vous en serais très reconnaissante.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je ne sais pas si vous avez cette information. Quel est le pourcentage de personnes qui ont un résiduel de régime de retraite ou de REER à leur décès? Et quel est le niveau de ce résiduel?

[Traduction]

M. Schellenberg : Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question.

[Français]

Le sénateur Carignan : Est-ce possible d'obtenir cette information? Est-ce que des sondages peuvent être faits? Le taux que l'on utilise dans nos REER est une chose. Si on le retient de façon spéciale, justement en prévision, et qu'un jour on décède, donc quel est le pourcentage qui se transmet aux générations futures? Il serait intéressant d'avoir cette donnée pour voir le potentiel.

Deuxièmement, est-ce que vous avez des statistiques pour mesurer l'ampleur du pourcentage d'augmentation des revenus disponibles occasionnés par les récents changements en matière de loi fiscale? Vous avez dit qu'au cours des dernières années, le gouvernement a accordé des avantages fiscaux, entre autres pour pouvoir partager l'exemption de base avec le conjoint et également pour exempter le supplément de revenu garanti pour un travailleur occasionnel. Est- ce que vous avez l'impact sur le revenu disponible en pourcentage sur les individus de ces nouvelles mesures fiscales?

M. La Salle : Non, je n'ai pas ces données. Je crois que les mesures sont assez récentes alors il est peut-être difficile d'avoir un impact là-dessus. L'impact, c'est après que les gens aient fait leur déclaration de revenus. Cela prend un certain temps. C'est un point intéressant que l'on retient.

[Traduction]

Le sénateur Callbeck : Je vous remercie. J'ai deux ou trois brèves questions à vous poser.

Monsieur La Salle, dans votre exposé, vous avez donné le pourcentage de personnes âgées vivant sous le seuil de faible revenu, en précisant qu'il avait été réduit de 21 à 4,8 p. 100. Beaucoup de progrès ont donc été réalisés. Êtes-vous en mesure de nous donner la répartition entre les hommes et les femmes de ce 4,8 p. 100.

M. La Salle : Je n'ai pas cette ventilation, mais l'incidence des faibles revenus est plus élevée chez les femmes seules. Cela ne fait aucun doute.

Le sénateur Callbeck : Puis-je avoir ces chiffres?

M. La Salle : Tout à fait.

M. Schellenberg : Je pense avoir ces chiffres pour 2006. Pour l'ensemble des hommes, le SFR après impôt était de 4,4 p. 100 à 65 ans et plus, alors qu'il était de 8,6 p. cent pour l'ensemble des femmes. Dans le cas des hommes de 65 ans et plus qui ne vivaient pas avec d'autres membres de leur famille, des personnes sans attache, ce taux était de 13 p. 100 alors qu'il était de 18 p. 100 pour les femmes.

Le sénateur Callbeck : Il est donc de 18 p. 100 pour les femmes seules. Je vous remercie.

Monsieur La Salle, vous avez parlé du Régime des rentes du Québec et du Régime de pensions du Canada. Quelqu'un a-t-il réfléchi à la possibilité de rendre les deux régimes similaires en ce qui concerne la rétroactivité? Comme vous le savez, au Canada, si vous présenter une demande alors que vous avez 72 ans, vous ne pouvez remonter en arrière que d'un an, alors qu'au Québec vous pouvez remonter jusqu'à l'âge de 70 ans. La période de rétroactivité est donc beaucoup plus longue au Québec.

M. La Salle : Oui, c'est vrai dans certains cas qui sont, en vérité, définis très étroitement. Je pourrais vous communiquer cette information. Je sais que vous vous intéressez beaucoup à la question de la rétroactivité. Nous l'avons étudiée. Nous nous permettons une rétroactivité illimitée en cas d'erreurs administratives ou de conseils erronés. Étant donné les montants en jeu, il serait extrêmement coûteux d'élargir les dispositions sur la rétroactivité.

En ce qui concerne le Régime des rentes du Québec, je l'ai analysé et les dispositions sur la rétroactivité ne s'appliquent que de façon très étroite. Je pourrais vous fournir de plus amples informations à ce sujet, mais vous les trouverez en lisant le texte en petits caractères qui accompagne cette mesure qui, si vous me le permettez, ne s'applique pas exactement comme on le croit.

Le sénateur Callbeck : J'aimerais avoir cette information.

J'ai encore une question à vous poser. Votre dernier graphique traite du Supplément de revenu garanti. La courbe descend avec le temps, montrant que le montant que les gens reçoivent diminue. Par le passé, les gens devaient en faire la demande tous les ans. Les modalités ont-elles été modifiées?

M. La Salle : Oui, c'est bien ça.

Le sénateur Callbeck : Je sais que des gens qui ont cotisé au Régime de pensions du Canada ne reçoivent aucune prestation, tout simplement parce qu'ils ignorent qu'ils doivent en faire la demande. Cela concerne en particulier des femmes qui ont été sur le marché du travail quand elles étaient plus jeunes, qui ont donc cotisé au Régime de pensions du Canada, puis se sont mariées et ont élevé des enfants sans jamais retourner travailler. Quand elles atteignent l'âge de 65 ans, elles ne pensent pas à faire de demande au Régime de pensions du Canada.

Le gouvernement sait-il combien de personnes sont actuellement admissibles au Supplément de revenu garanti?

M. La Salle : Le gouvernement en a une bonne idée. Pour être admissible au Supplément de revenu garanti, vous devez d'abord être admissible à la Sécurité de la vieillesse. Pour être admissible à la sécurité de la vieillesse, il y a des critères de résidence à respecter, mais ils ne sont pas enregistrés par l'ARC, qui fournit les données.

Toutefois, c'est le niveau de revenu de la personne qui permet de déterminer si elle est admissible au Supplément de revenu garanti, et nous pouvons donc évaluer le nombre de personnes concernées. Nous avons automatisé ce processus dans une certaine mesure. La présentation annuelle de demande de SRG n'est plus exigée. Vous n'avez à faire la demande qu'une fois dans votre vie. Tant que vous produisez votre déclaration de revenus, vous recevrez le paiement.

Nous ne disposons pas pour l'instant de toute l'information nécessaire pour automatiser pleinement ce processus. En d'autres termes, si nous parvenions à avoir accès à certaines bases de données du gouvernement, dans lesquelles l'information sur la résidence se trouve, nous pourrions probablement automatiser le traitement pour la vaste majorité des gens. Nous cherchons activement à y parvenir, parce que le nombre de personnes âgées va beaucoup augmenter et il va en être de même de notre charge de travail. Nous avons besoin d'améliorer notre efficacité dans ce domaine.

La situation est un peu différente dans le cas du RPC parce que les gens doivent prendre une décision. Il leur incombe de décider à quel âge ils veulent prendre leur retraite : à 60 ans, à 61 ans, à 62 ans, à 69 ans, à 70 ans, et cetera. La situation est donc légèrement différente. Il y a des gens qui ont dépassé les 70 ans et qui ne retirent pas de prestations du RPC. Vous avez tout à fait raison à ce sujet, sénateur.

Nous nous efforçons d'entrer en relation avec ces personnes pour les informer. Pour un grand nombre d'entre elles, le montant serait très faible, ne donnant droit qu'à quelques années. Il se peut qu'un certain nombre l'aient complètement oublié, ou veulent l'oublier. Cela dit, Service Canada fait beaucoup d'efforts pour entrer en relation avec ces personnes.

Le sénateur Callbeck : Je veux être claire. En ce qui concerne le Supplément de revenu garanti, vous savez combien de milliers de personnes y sont admissibles, et vous savez combien de milliers de personnes le touchent.

M. La Salle : Je n'ai pas les chiffres ici, mais je peux vous dire que les tendances sont encourageantes. Il ira toujours des gens qui, tout simplement, ne veulent pas des prestations parce que cela les obligerait à remplir une déclaration de revenus. Je ne crois pas que nous ne parvenions jamais à une couverture de 100 p. 100.

C'est Statistique Canada qu'il calcule la tendance; elle doit donc être exacte. Pour le SRG, le taux de participation était de 87 p. 100 en 2000 et de 89,9 p. 100 en 2006. On entend par là le pourcentage de personnes admissibles qui retirent des prestations. Comme vous l'avez rappelé, nous avons automatisé les processus et il n'y a plus qu'une demande à faire pendant toute sa vie; j'imagine donc que ces chiffres vont continuer à s'améliorer. Nous faisons beaucoup d'efforts à Service Canada pour rappeler aux gens de demander ces prestations.

Nous faisons également beaucoup de travail de sensibilisation auprès des organismes communautaires. Ils constituent ce que nous appelons une population prioritaire. Les autres populations prioritaires sont, entre autres, les sans-abri, les peuples autochtones et les nouveaux immigrants. Il peut s'agir de gens qui ne figurent pas dans les bases de données de nos amis de Service Canada, mais qui peuvent s'adresser à des prestataires de services au niveau communautaire. C'est la raison pour laquelle nous travaillons beaucoup avec ces organismes communautaires. Cela vient en sus de nos tentatives de rejoindre ces personnes par voie postale, par la publicité, et cetera.

Le président : Je suis navré. Nous avons épuisé le temps dont nous disposions. Si les sénateurs ont d'autres questions auxquelles RHDCC ou Statistique Canada pourrait chercher les réponses et nous les transmettre, ils peuvent peut-être les poser. Une fois encore, il s'agit ici pour nous de parvenir à avoir un aperçu de la situation et non pas d'entrer dans les détails.

Je vous remercie beaucoup de votre présence et de nous avoir permis de mieux comprendre votre rôle dans ce domaine très complexe. Si nous devions décider de pousser plus loin notre étude de ces questions, nous aurions peut- être encore à vous demander de venir nous rencontrer pour nous fournir de plus amples détails.

Nous poursuivons notre étude sur les pensions. Il s'agit pour nous d'un examen préliminaire de la question des pensions qui retient beaucoup l'attention ces jours-ci. Le ministre des Finances a annoncé récemment qu'il présentera certains projets de loi en la matière d'ici Noël. Nous ne savons pas avec certitude de quoi ils traiteront. Nous serons cependant prêts à les étudier maintenant que nous avons fait un certain travail préliminaire sur ces questions.

Je suis maintenant ravi d'accueillir le second groupe de témoins comparaissant ce matin devant le comité sénatorial permanent des finances nationales. Ce sont, de Towers Perrin, James Pierlot, conseiller en chef, et Steve Bonnar, principal.

[Français]

Et de l'Institut C.D. Howe, Alexandre Laurin, analyste principal de la politique.

On pourrait commencer avec M. Laurin?

Alexandre Laurin, analyste principal de la politique, Institut C.D. Howe : Merci Monsieur le président et honorables sénateurs.

[Traduction]

Je suis ravi de discuter avec vous des questions concernant les pensions, qui ont beaucoup retenu notre attention au cours des trois dernières années à l'Institut C.D. Howe. Je vais commencer par un bref exposé préliminaire dans lequel je vous ferai part de mon point de vue sur les grandes questions auxquelles sont confrontés les régimes de retraite des secteurs public et privé au Canada.

En termes simples, le principal problème est le manque de couverture adéquate des régimes de retraite du secteur privé et l'absence d'épargne au moyen de ces régimes, ce qu'on appelle le troisième pilier des revenus de retraite, ce qui conduit à craindre que les revenus soient inadéquats lors de la retraite. C'est ainsi qu'une étude récente de Statistique Canada a montré que, en 2006, seul un employé sur quatre du secteur privé était couvert par un régime de retraite parrainé par son employeur.

Qu'en est-il de ceux qui ne sont pas couverts par un régime de retraite? Une personne gagnant le taux moyen de rémunération devrait épargner au moins 10 p. 100 de ses gains pendant 35 ans pour pouvoir prendre sa retraite avec des revenus décents, correspondant à environ 70 p. 100 de ses revenus alors qu'elle travaillait. Un coup d'œil rapide au taux d'épargne personnel de ces dernières années devrait suffire à amener les responsables de la politique à douter sérieusement que les gens épargnent suffisamment d'argent pour leur retraite.

L'érosion du modèle traditionnel de régime à prestations déterminées d'un seul employeur, les régimes DB, inquiète tout particulièrement. On observe une évolution importante de l'interprétation que fait le secteur privé de ces régimes à prestations déterminées. Il suffit de mentionner quelques noms comme AbitibiBowater, Air Canada, Alcoa, Avon Canada, Banque Laurentienne, Bell, Bombardier, CN, CP, Domtar, Falconbridge, le Globe and Mail, Hewlett Packard, la Compagnie de la Baie d'Hudson, IBM, Manulife, Noranda, Nortel, Pepsi, Pétro-Canada, la BRC, Quebecor, Sears, Standard Life, Les Ciments du Saint-Laurent, la Sun Life, TÉLUS et la Société du Crédit Agricole. Toutes ces entreprises relativement importantes ont, d'une façon ou d'une autre, abandonné au cours des dernières années, les régimes à prestations déterminées au profit de régimes à cotisations déterminées. Ce qui est peut-être encore plus important est qu'on constate que très peu de nouveaux régimes à prestations déterminées sont créés.

Lorsqu'on examine les statistiques, le ratio des employés du secteur privé couverts par un régime à prestations déterminées a diminué de 26 p. 100 en 1991 à 17 p. 100 en 2006, alors que le ratio des employés du secteur privé couverts par un régime à cotisations déterminées a presque doublé, passant d'environ 4 p. 100 en 1991 à 7 p. 100 en 2006. Cela s'est produit avant la crise actuelle des marchés financiers. Le résultat net est qu'il y a plus grand nombre de régimes à prestations déterminées qui disparaissent que de régimes à cotisations déterminées qui sont créés. Dans un document publié l'an dernier par l'Institut C.D. Howe, James Pierlot a mis en évidence les nombreuses entraves réglementaires qui vont que le contexte est moins favorable aux régimes à cotisations déterminées qu'aux régimes à prestations déterminées.

[Français]

Le déclin des régimes à prestation déterminée n'est pas passé inaperçu. Quelques gouvernements provinciaux — l'Ontario, la Nouvelle-Écosse, l'Alberta et la Colombie-Britannique — ont récemment complété un examen de leur loi respective régissant les régimes de pension pendant que nous attendons les résultats de l'examen fédéral et du groupe de travail fédéral-provincial nouvellement formé pour examiner dans quelles mesures les revenus de retraite sont ou seront suffisants.

[Traduction]

En règle générale, ces examens gouvernementaux visent à rendre les régimes à prestations déterminées traditionnels plus attrayants en recommandant des modifications législatives et réglementaires, comme une meilleure protection de l'accès aux excédents par le parrain, en appliquant des limites et des règles plus souples en matière d'investissement pour financer les déficits, en relevant le plafond fédéral sur le financement et, dans certains cas, en harmonisant les règles et la réglementation provinciales. En ce qui concerne l'examen du gouvernement fédéral, les règles de financement des manquements à la solvabilité et le calcul même de la solvabilité sont importants.

Si importantes que soient les modifications proposées à la réglementation, il s'agit essentiellement, à notre avis, et selon certains documents publiés récemment par l'Institut C.D. Howe, de corrections à court terme à un problème plus fondamental : les régimes à prestations déterminées sont devenus trop coûteux à conserver.

Le fait que, au début des années 2000, les normes comptables aient tenu davantage compte des principes de la valeur juste, c'est-à-dire d'enregistrer les éléments d'actifs à leur prix de vente et les éléments de passif à ce qu'il en coûterait pour s'en débarrasser, et la diminution des taux d'intérêt à long terme ont conduit aux difficultés financières et à la hausse des coûts assumés par les cotisants aux régimes. Par-dessus tout, cela a contraint à réaliser qu'il était impossible de réduire les coûts de garantie des promesses de retraite. Le fait d'enregistrer la valeur des éléments d'actif et de passif des régimes de pension à leur juste valeur a également entraîné davantage de volatilité et une hausse des risques.

Il est manifeste que les régimes de retraite à prestations déterminées offrent moins de garanties que les participants avaient été incités à le croire, et que leurs coûts sont plus élevés, ce qui a causé une diminution de la couverture des régimes à prestations déterminées du secteur privé. Combiné à des épargnes privées insuffisantes pour la retraite, à des risques qui ont fait apparaître un important problème de politique pour l'avenir, à générer un environnement dans lequel les employés du secteur public bénéficient de généreux régimes de retraite financés par les contribuables alors que les retraités du secteur privé sont dans une large mesure mal desservis par leur propre régime.

Il s'agit d'un problème de responsabilité. Les régimes de retraite du secteur public ne sont pas, en règle générale, confrontés aux mêmes exigences de financement que ceux du secteur privé et n'ont pas à respecter les mêmes exigences comptables de valeur juste. Aussi, les mêmes manifestations de risque et les dépenses qui ont éloigné le secteur privé des régimes à prestations déterminées n'ont pas, en général, modifié les perceptions des régimes de retraite du secteur public. Ce n'est qu'en déterminant la valeur des éléments d'actif et de passif des régimes de retraite à leur valeur juste que les parrains et les participants réaliseront les coûts et les risques réels de leurs régimes.

Quelles seraient les répercussions d'une comptabilisation à la valeur juste des régimes de retraite dans les états financiers du gouvernement canadien? Les gouvernements sont des employeurs importants, et leurs régimes de retraite fournissent en général des prestations qui sont généreuses en regard de celles du secteur privé, avec, par exemple, la pleine indexation pour tenir compte de l'inflation et des préretraites. Les répercussions pourraient donc être importantes.

Une étude récente du Comité/britannique et nord-américain de l'Institut C.D. Howe, utilisant des hypothèses normalisées pour un grand nombre de régimes de retraite de travailleurs des gouvernements, est arrivée à la conclusion que l'actualisation de leurs obligations en utilisant les rendements sur les obligations gouvernementales indexées au taux d'inflation ferait plus que doubler la valeur du passif net des régimes de retraite du secteur public canadien. Dans une annexe à l'évaluation de 2005 de l'actuaire en chef du régime de retraite de la fonction publique fédérale, il a calculé que si les promesses de ce régime étaient adossées au rendement réel d'obligations du fédéral plutôt qu'à un portefeuille auquel on prête un rendement plus élevé, ce ne sont pas les 18 p. 100 des gains annuels donnant droit à pension qui ont été enregistrés qu'il en coûterait, mais près de 33 p. 100, soit presque le double. L'ébauche d'une étude dont je suis l'auteur avec Bill Robson, que nous espérons publier dans quelques semaines, va montrer que le passif actuariel des régimes de retraite dépasserait, en 2007-2008, d'environ 50 milliards de dollars le montant enregistré dans les livres.

Que devrions-nous faire? En bref, au lieu d'essayer de copier le modèle des régimes à prestations déterminées du secteur public, les responsables de la politique devraient se concentrer sur les défis à long terme auxquels sont confrontés les régimes à prestations déterminées traditionnels. Nous devrions faciliter par des solutions novatrices la modernisation des régimes actuels ou la conception de nouveaux, mais des innovations à grande échelle, comme des régimes hybrides combinant des caractéristiques des régimes à cotisations et à prestations déterminées doivent être accompagnés d'une plus grande souplesse de la législation.

[Français]

Aussi, en l'absence de solutions issues du secteur privé qui seraient viables à long terme, plusieurs se demandent si la solution ne se trouve pas du côté des gouvernements. Ainsi, certains voudraient étendre la couverture du RPC jusqu'à des niveaux de revenus encore plus élevés.

[Traduction]

Keith Ambachtsheer a rédigé un document pour l'Institut C.D Howe dans lequel il envisage une autre solution : un nouveau régime supplémentaire de retraite du Canada, avec des fonds de retraite s'accumulant dans des comptes individuels, qui deviendraient une solution volontaire par défaut pour toute personne ne bénéficiant pas d'une autre entente. Les gouvernements devraient mettre en œuvre les deux propositions et investir dans celles-ci.

[Français]

Je me demande si l'on devrait aller aussi loin. Par exemple, la pension de vieillesse fédérale ainsi que le supplément du revenu garanti, combinés aux revenus du RPC, offrent un support raisonnable pour les personnes aux revenus modestes. Nous ne devrions pas les forcer à épargner plus qu'il serait raisonnable. De plus, nous avons maintenant le CELI qui offre la possibilité d'épargner à l'abri de l'impôt à partir de revenus ayant déjà été imposés. Pour plusieurs, cette option est fiscalement plus avantageuse que d'investir dans un régime de retraite à impôt différé comme les REER et autres régimes enregistrés.

Ceci conclut ma présentation, monsieur le Président, je suis à votre disposition si vous avez des questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Laurin. Est-ce qu'il serait possible d'avoir un exemplaire de votre présentation plus tard, s'il vous plaît?

M. Laurin : Oui.

Le président : Merci.

[Traduction]

James Pierlot, conseiller en chef, Towers Perrin : Nous aimerions vous donner un bref aperçu de quelques-unes des questions qui nous paraissent reliées aux problèmes essentiels des régimes de retraite, soit leur couverture, qui en bénéficie, leur adéquation, qui a épargné suffisamment et la sécurité des prestations. Je vais aborder brièvement l'inadéquation des couvertures alors que mon collègue, M. Bonnar, parlera de la sécurité des prestations. Nous allons être brefs afin de pouvoir passer rapidement aux questions et réponses.

À l'occasion d'un forum sur les régimes de retraite qui se tenait hier sur la Colline parlementaire, j'ai abordé les questions d'adéquation et de sécurité des couvertures. Vous avez tous une copie de cette présentation. Je suis sûr que vous avez tous entendu parler de l'origine des retraites versées au Canada, ce qu'on appelle les trois piliers, soit les régimes de retraite non financés du gouvernement, la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti; les régimes gouvernementaux partiellement financés, comme le Régime de pensions du Canada; et enfin le pilier du secteur privé qui comprend les régimes de retraite parrainés par l'employeur et les REER.

Nous avons beaucoup entendu parler du Régime de pensions du Canada et de son excellent financement. Les gens n'ont toutefois pas une bonne compréhension de ce qu'ils retireront des programmes gouvernementaux. Si vous obtenez le maximum, ce sera moins de 20 000 $ par année et, si vous avez la moyenne, ce sera entre 15 000 $ et 17 000 $ par année. Quelles que soient les mesures raisonnables qu'on utilise, cela ne constitue pas un revenu de retraite suffisant. Même si nos programmes gouvernementaux sont bien gérés, une partie importante de ceux-ci est exposée à des risques parce que le SRG et la SV sont financés à même les recettes fiscales générales. Le Régime de pensions du Canada, qui pourra probablement se maintenir pendant une longue période à la suite de l'examen réalisé au milieu des années 1990, ne verse pas aujourd'hui de prestations supérieures à 11 000 $ par année. Les pensions gouvernementales ne suffiront pas.

J'imagine que vous avez déjà entendu parler de la répartition des régimes de pension. 85 p. 100 des travailleurs du secteur privé adhèrent généralement à d'excellents régimes à prestations déterminées qui versent des prestations de retraite atteignant le maximum permis par les règles fiscales, ou s'en approchant. Cela concerne environ 2,8 millions de travailleurs. Vingt-cinq pour cent des travailleurs du secteur privé sont couverts par un régime. Toutefois, moins de 20 p. 100 des travailleurs du secteur privé adhèrent à un régime de retraite à prestations déterminées.

Dans le secteur privé, tous les régimes de retraite à prestations déterminées ne sont pas égaux, et la plupart versent des prestations qui sont moins généreuses que celles des régimes du secteur public, et dans de nombreux cas nettement inférieures. Environ 11 millions de travailleurs du secteur privé n'ont pas de couverture en la matière, ne peuvent adhérer à un régime de retraite à prestations déterminées ou de profiter des avantages du regroupement des actifs ou des risques qui définissent les offres des régimes de retraite à prestations déterminées. Une université de Waterloo indique qu'il est probable, en 2030, qu'environ le tiers des retraités canadiens n'ait pas suffisamment épargné pour leur retraite pour leur permettre de vivre de façon satisfaisante. C'est le problème de la couverture.

La plupart des Canadiens n'ont probablement pas une bonne idée du montant dont ils ont besoin pour prendre leur retraite à l'âge habituel de 60 ou 65 ans. Dans le secteur privé, l'âge moyen de la retraite est d'environ 62 ans. Il est un peu plus élevé pour les travailleurs autonomes. Dans le secteur public, il est de 58 ans. La question qui se pose en la matière est de savoir combien vous devrez avoir épargné pour bénéficier d'une retraite décente, et combien cela va vous coûter en pourcentage de vos revenus.

M. Laurin a évoqué un taux de cotisation de 10 p. 100 sur 35 ans. Il est certain que les Canadiens n'épargnent pas 10 p. 100 de leur salaire tous les ans pendant 35 ans.

Si vous voulez savoir combien coûte un revenu de retraite, vous allez devoir utiliser un facteur d'actualisation. Si je m'adresse à une compagnie d'assurance pour acheter une retraite, combien cette retraite va-t-elle me coûter? Par exemple, si je veux prendre ma retraite à 60 ans, sans que celle-ci soit indexée et qu'elle s'accompagne de prestations au survivant, je devrai verser à la compagnie d'assurance 15,63 $ pour 1 $ de pension. Si je veux que cette retraite soit indexée, il m'en coûtera 21 $.

Veuillez s'il vous plaît passer maintenant à la diapositive 8. Celle-ci indique les montants dont vous aurez besoin dans votre REER ou dans votre régime de retraite pour disposer d'un revenu de retraite décent à 60 ans. Si vous voulez une retraite annuelle de 20 000 $, qui soit indexée, vous devrez avoir économisé 422 000 $ dans votre REER. Si vous voulez une retraite de 80 000 $, il vous faudra 1,7 million de dollars. Je crois que nous pouvons tous convenir que les gens n'ont pas épargné de tels montants.

Les données dont nous disposons sur les montants à épargner par les gens ne sont pas très bonnes. Les meilleures de Statistique Canada que j'ai pu trouver, mais peut-être en connaissez-vous de meilleures, sont que les familles canadiennes dans lesquelles le principal pourvoyeur de revenu est âgé entre 55 et 64 ans ont épargné environ 250 000 $ dans leurs régimes de retraite et dans leurs REER. C'est le montant à épargner pour la retraite d'une famille. Dans un régime de retraite du secteur public, une personne qui prend sa retraite à l'âge moyen de 58 ans en ayant 30 ans de service disposera, à titre personnel, d'environ 550 000 $ épargnés dans son régime de retraite. Nous voyons donc que les montants accumulés dans les régimes de retraite du secteur public peuvent être quatre, cinq, six ou sept fois supérieurs à ce qu'ils sont dans le secteur privé.

À mes yeux, il n'a jamais s'agit d'éliminer les prestations de retraite du secteur public, mais plutôt de chercher comment permettre aux employés du secteur privé de bénéficier des mêmes possibilités. Notre système fiscal rend concrètement impossible aux personnes qui travaillent dans le secteur privé, en particulier à celles qui économisent dans un REER et dans des régimes de retraite à cotisations déterminées, d'accumuler le même niveau de prestation que ceux que l'on retrouve régulièrement dans les régimes de retraite du secteur public.

Il s'agit là d'une inégalité qui a été institutionnalisée par le système fiscal depuis les années 1990, et qui est imputable à la façon dont les épargnes sont égalisées entre les régimes à prestations déterminées et les régimes à accumulation de capital, comme les REER et les régimes à cotisations déterminées. Si vous voulez permettre une meilleure couverture dans le secteur privé, il faut faire disparaître l'inégalité. Cela ne suffira toutefois pas parce que les gens n'épargnent pas autant qu'ils le devraient. C'est là un problème d'éducation. Il n'y a pas suffisamment de possibilités d'adhérer à de grands régimes de pension collectifs, qui vous permettent en général de tirer parti d'économies d'échelle et de bénéficier de conseils financiers sans parti pris pour vous permettre d'obtenir un meilleur rendement sur votre investissement que celui que les gens obtiennent généralement.

Dans le secteur privé, les régimes à cotisations déterminées ou les REER sont très coûteux avec des frais de 2,8, 2,5 ou 1,4 p. 100 par année. Dans la vaste majorité des cas, ces frais d'investissement sont facturés pour l'obtention de résultats qui ne dépassent même pas les indices du marché.

Par contre, si vous prenez un important régime de retraite à prestations déterminées, comme un régime de la fonction publique, qui est en général très bien géré, l'ensemble des coûts de fonctionnement est de 0,25, 0,3 ou 0,35 p. 100. Le problème dans le secteur privé est que les gens ne peuvent adhérer à d'importants régimes de retraite collectifs.

La conclusion que j'en tire est que si vous vous fiez aux prestations des régimes publics de retraite, vous serez pauvres. La plupart des Canadiens ne sont pas préparés pour leur retraite. Ils ne savent pas combien d'argent ils doivent épargner. Ils ignorent comment investir et on ne saurait les blâmer parce qu'il est difficile de bien investir. Un plus grand nombre de Canadiens doivent également avoir accès à de bons régimes de retraite et avoir économisé suffisamment d'argent pour leur retraite en bénéficiant de report d'impôt pour accumuler des retraites décentes.

Je donne maintenant la parole à M. Bonnar.

Steve Bonnar, principal, Towers Perrin : Jusqu'à maintenant, nous avons parlé de la couverture des prestations des régimes de retraite et de leur adéquation. Je tiens maintenant à consacrer quelques moments à la sécurité des prestations des régimes de retraite actuels.

Nous avons au Canada un système de retraite qui, selon les mesures de base utilisées, est environ financé à 80 p. 100. Nous pouvons discuter pour savoir si c'est précisément 75 ou 85 p. 100, mais ce qui compte est qu'il est actuellement gravement sous-financé.

C'est la seconde année au cours de cette décennie que le gouvernement fédéral a pris des mesures spéciales pour alléger les exigences de cotisation dans les régimes de retraite. Il me semble que si vous devez procéder de cette façon deux fois pendant une décennie, il se peut que les règles soient inadaptées.

Je prétends que les modalités actuelles de financement des régimes de retraite ainsi que les parrains des régimes allaient financer aux niveaux minimaux. Dans le contexte qui est le nôtre, le commanditaire d'un régime se perçoit comme le propriétaire du déficit. Des déficits apparaissent et il faut les payer.

Si des surplus apparaissent, ils n'en retirent pas nécessairement les avantages. Oui, ils peuvent suspendre temporairement les cotisations, et il y a d'autres choses qu'ils peuvent faire avec ses surplus, mais ils ne sont manifestement pas considérés comme valant la totalité de leur montant. Je collabore beaucoup avec les parrains des régimes, et nous avons des débats pour déterminer si chaque dollar de surplus vaut effectivement 80 cents, 50 cents ou 20 cents. Par contre, personne ne nie qu'il vaut moins de 100 cents pour un dollar.

Cela n'aide personne à long terme. Le fait d'avoir un contexte dans lequel les parrains sont incités à s'en tenir au niveau de financement minimum n'aide pas les participants au régime. À long terme, cela n'aide pas non plus les parrains, parce que si les niveaux minimums de cotisations ont pour effet de reporter les cotisations le plus tard possible, cela instaure également le modèle de cotisations le plus volatile.

C'est en ayant cela à l'esprit que Towers Perrin a décidé, il y a un an et demi de préparer le document que vous avez tous, un livre blanc. Je ne vais pas vous le présenter en détail, mais j'aimerais aborder, d'un point de vue conceptuel, les approches permettant éventuellement d'éliminer les mesures tendant à décourager les cotisations additionnelles à des régimes de retraite.

À un niveau très agrégé, lorsque l'on fixe les cotisations minimales pour des régimes de retraite, on procède à deux évaluations différentes. La première consiste à déterminer si le régime est de nature permanente et l'autre si, de par sa nature, le régime sera liquidé. Pour l'essentiel, vous allez devoir financer la plus coûteuse de ces deux approches. Cette modification des exigences législatives concernant le financement minimal est apparue à la fin des années 1980. Le moment a varié selon les provinces, mais ce fut pour l'essentiel à la fin des années 1980. Auparavant, il n'était pas nécessaire de procéder à l'évaluation du régime à sa liquidation, au moins pour des fins de financement.

Cette solution laisse entendre que les cotisations nécessaires pour assurer la pérennité du régime soient versées dans la fiducie de pension qui existe actuellement, que les cotisations additionnelles nécessaires dans l'hypothèse d'une liquidation du régime soient versées dans une fiducie distincte, indépendante de l'employeur, et jusqu'à ce que cet argent ne s'avère plus nécessaire à l'avenir pour verser les prestations. Sous réserve des approbations nécessaires, accordées par les responsables fédéraux et provinciaux de la supervision, il pourra alors revenir au parrain à condition que ce soit effectivement lui qui ait versé cet argent. Une fois encore, il faudrait pouvoir mettre en place des règles de gouvernance limitant davantage l'accès à ces surplus, tout en instaurant un contexte dans lequel les parrains ne craignent plus de cotiser à des niveaux supérieurs au minimum, parce qu'ils savent que, de la même façon qu'ils auront à combler les déficits, ils pourront réellement profiter des surplus.

C'est là une description très synthétique, mais je m'en tiendrai là. Vous trouverez une description passablement détaillée dans le document que vous avez. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Un certain nombre de sénateurs aimeraient discuter de ces questions avec vous.

Le sénateur Ringuette : Je vous remercie tous deux d'être parmi nous. Ma première question s'adresse aux deux organisations. Avez-vous étudié les répercussions des pertes sur les fonds des fiducies de revenu? Je vous ai entendu parler d'une catastrophe annoncée, mais vous n'abordez pas cette question dans ce document.

M. Pierlot : En effet, elle n'y est pas mentionnée.

Le sénateur Ringuette : Avez-vous étudié les répercussions sur le fonds de fiducie de revenu?

M. Bonnar : Non. Pour être honnête, la question des fiducies de revenu n'est pas propre aux régimes de retraite.

Le sénateur Ringuette : Ils étaient tous retraités.

M. Bonnar : Oui, mais les effets sur les régimes de retraite, en y réfléchissant, étaient davantage liés au rendement du fonds de fiducie de revenu. L'annonce des modifications aux règles fiscales a bien évidemment eu des effets à court terme, mais nous n'avons procédé à aucune analyse plus précise sur cette question.

M. Pierlot : C'est avant tout sur les personnes qui avaient des fiducies de revenu comme investissement de base dans leurs fonds enregistrés de revenu de retraite.

Le sénateur Ringuette : C'est-à-dire sous forme de fonds de retraite.

M. Pierlot : Oui. La réponse est tout simplement non; nous n'avons pas étudié cette question.

M. Laurin : C'est un problème de rendement sur investissement qui ne s'est pas manifesté à cause de toutes ces pertes. Le point essentiel du problème lié à la dépendance apparente envers les régimes à cotisations déterminées ou à l'épargne privée est que vous ne saurez jamais combien vous obtiendrez avant que vous ne l'obteniez. Il faut pour cela que les rendements sur investissement se concrétisent. C'est l'un des problèmes qui a été relevé par le passé, le principal problème des régimes à cotisations déterminées. Je pourrais me contenter de cette réponse, mais des pertes ont été enregistrées et il s'agit du principal investissement dans un régime de retraite.

Le sénateur Ringuette : Ma seconde question s'adresse à vous deux. Le témoin précédent a évoqué les surintendants des caisses de retraite. Il s'agit d'une entité fédérale, et les provinces ont chacune un surintendant faisant le même travail.

Quelle vision avez-vous du rôle qu'il joue actuellement en ce qui concerne les questions de couverture, d'adéquation, de sécurité, et cetera? Quelles seraient vos recommandations concernant l'avenir de ce rôle?

M. Bonnar : De façon très générale, les surintendants des régimes de pension et leurs organisations ont pour mandat pratiquement uniforme dans l'ensemble du pays, même si ce n'est pas tout à fait uniforme, de veiller à la sécurité des prestations. C'est une question que nous n'avons pas beaucoup abordée, mais dans une certaine mesure, la couverture et la sécurité sont des objectifs conflictuels. Si vous voulez garantir les prestations, vous devez investir autant d'argent que possible. Cela n'a pas pour effet premier d'inciter les gens à offrir une prestation. Ce sont donc des objectifs conflictuels. Je sais fort bien que cela ne relève pas des pouvoirs du fédéral, mais en Ontario, où je fais l'essentiel de mon travail, le surintendant et la Commission des régimes de retraite de l'Ontario de l'époque avaient un mandat conjoint, ou une responsabilité conjointe, qui était à la fois d'assurer la sécurité des prestations et, ce n'est probablement pas la bonne formulation, de veiller à l'expansion des régimes de retraite. Ce n'est certainement pas la bonne formulation, mais c'est la meilleure qui me vient à l'esprit pour l'instant. Cet aspect a été abandonné quand la Commission des régimes de retraite de l'Ontario a été amalgamée avec la Commission des services financiers de l'Ontario.

La question qui se pose est de savoir comment ils font leur travail aujourd'hui. Je crois qu'ils le font bien en ce qui concerne la sécurité des prestations, mais j'aimerais que leur rôle se rapproche davantage de la recherche d'un équilibre entre la sécurité des prestations et la recherche de croissance des régimes de retraite. C'est peut-être là un rôle difficile, mais c'est mon opinion.

Le sénateur Ringuette : Nous ne les avons pas encore entendus. Ont-ils pour mandat de signaler les régimes de retraite qui sont sous-financés?

M. Pierlot : Le mandat est la fonction de tous les surintendants, et il y en a 10 au Canada, un dans chaque province sauf à l'Île-du-Prince-Édouard et un au gouvernement fédéral, sont de contrôler le niveau de financement des régimes de retraite et de s'assurer que les cotisations qui conviennent sont versées pour assurer la sécurité des prestations des régimes. Certains responsables de la réglementation sont plus interventionnistes que d'autres. Le responsable fédéral, le Bureau du surintendant des institutions financières, est probablement l'un des plus interventionnistes, tout comme celui du Québec.

Leurs mandats sont explicites dans ce domaine. Au Canada, les régimes de retraite sont réglementés à deux niveaux. Nous avons des règles fiscales qui découlent de la Loi fédérale de l'impôt sur le revenu, qui l'emportent sur toutes les législations provinciales dans le domaine des retraites. Dans les années 1960 et 1970, nous avons commencé à voir l'adoption de lois provinciales sur les retraites pour protéger les intérêts des employés. Les règles fiscales se comportent comme un plafond : elles limitent le montant des avantages fiscaux dont vous pouvez profiter grâce à un régime de retraite. Les règles standard sur les retraites constituent le plancher, destiné à protéger les employés.

Le problème que pose cette multitude de lois provinciales se compare à celui que l'on connaît avec la réglementation des valeurs mobilières qui relève de chaque province au lieu du fédéral.

Vous faites face à une multiplicité de pouvoirs réglementaires, ce qui fait que si vous êtes implanté dans plus d'une province, vous devez vous conformer à chacune de ces législations et de ces réglementations individuelles, entre lesquelles on relève de légères différences. Celles-ci sont liées à la forme et non pas au fond, mais elles se traduisent par l'imposition de coûts de conformité propres à chaque règle, qui ont des effets négatifs sur la couverture des régimes de retraite.

M. Laurin : J'ai indiqué dans mon exposé que quelques provinces ont révisé leur législation. Il s'agit de l'Ontario, de l'Alberta, de la Colombie-Britannique et de la Nouvelle-Écosse. Elles ont publié les résultats de leurs examens il y a un an, je crois. Elles préparent quelque chose et l'objectif essentiel et de s'attaquer à l'érosion des régimes de retraite déterminés. Elles ont cerné le problème, procédé à leurs examens et formulé des recommandations. Celles-ci varient, mais on peut dire que si elles ne s'attaquent pas nécessairement à la racine du mal, elles font quelque chose.

Le sénateur Ringuette : Pourrions-nous avoir une copie de ces rapports provinciaux?

Le président : Nous demandons justement en ce moment si nous pouvons obtenir ces rapports pour les étudier à l'interne, et cela est possible. Nous ne vous demandons pas de nous en faire parvenir des copies, mais merci de les avoir portées à notre attention.

M. Laurin : L'Institut C.D. Howe va publier sous peu un document concernant ces examens. Il va résumer les trois examens, trois parce que l'Alberta et la Colombie-Britannique ont réalité un examen conjoint.

Le président : Si vous pouviez nous inscrire sur votre liste de distribution, cela serait merveilleux.

Le sénateur Ringuette : Si certaines entreprises utilisent les caisses de retraite pour investir des capitaux, ces caisses de retraite n'auraient-elles pas alors leurs propres capitaux, par exemple dans le cas de Nortel?

M. Bonnar : En règle générale, les caisses de retraite possèdent des actions et des obligations. Celles-ci constituent le capital financier de ces organisations. Mis à part les régimes de retraite très importants, par exemple, en Ontario, le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario, et d'autres comparables, qui peuvent avoir leurs propres biens matériels, la plupart des régimes de retraite ne possèdent que des titres de valeurs mobilières, des actions, des obligations et d'autres titres du même genre. Je ne suis pas certain d'avoir répondu à votre question.

Le sénateur Ringuette : Il se peut que ma question soit trop bizarre pour vous permettre d'y répondre, mais je vais essayer à nouveau. Certains nous ont dit que, dans le cas de Nortel par exemple, des fonds qui auraient dû être versés dans le régime de retraite sur une base annuelle avaient servi à acheter des capitaux pour la société. C'est de là que vient ma question. Si l'argent a été investi dans des immobilisations pour l'entreprise au lieu d'être versé dans le régime de retraite, les régimes de retraite ne seraient-ils pas les propriétaires de ces capitaux?

M. Bonnar : Je ne connais pas les détails de ce qui s'est passé chez Nortel. Je trouve surprenant qu'au moins les cotisations minimales obligatoires n'aient pas été versées dans la fiducie de pension. Je soupçonne que la réclamation tient au fait que des déficits sont apparus dans le régime, qu'ils ont été comblés au cours de périodes d'une durée conforme à la législation, mais le déficit est encore là. Au bout du compte, davantage d'argent a été laissé dans l'entreprise, et c'est là que se trouvent les capitaux. Une fois encore, dans un fonctionnement normal, le régime de retraite n'est pas le propriétaire de ces capitaux. Il s'agit simplement d'argent qui n'a pas fini par être versé au régime de retraite.

Le sénateur Ringuette : N'aurait-il pas dû l'être?

M. Bonnar : La question qui se pose maintenant est de savoir si les exigences minimales de cotisations sont adaptées et pourquoi nous avons un ensemble de mesures incitatives rétroactives qui incitent les employeurs à ne pas cotiser aux régimes.

Le sénateur Ringuette : Nous procédons encore ainsi cette année, comme vous l'avez indiqué.

M. Bonnar : C'est à mon avis une question distincte, et intéressante, qui découle de votre question. En cas de faillite, quelle est la place dans l'ordre des priorités qui convient pour les déficits des régimes de retraite, quand il y en a? La réponse à cette question n'est pas simple. C'est une question importante, mais à mon avis la réponse à y donner n'est pas simple.

M. Pierlot : Je tiens ici à ajouter quelque chose. Une difficulté que pose le financement des caisses de retraite tient à ses normes minimales. Par exemple, si la caisse de retraite est déficitaire, la réglementation provinciale exige d'elle en général qu'elle comble ce déficit sur cinq ans.

Les règles laissent un peu de marge de manœuvre aux employés pour combler ce déficit plus rapidement, et il est bien certain que s'ils veulent s'attaquer à ce déficit de façon plus agressive, c'est-à-dire le combler plus rapidement, ils le peuvent. Malheureusement, et cela s'applique en Ontario, si vous comblez un déficit et que, tout à coup, la valeur des éléments d'actif de votre régime monte, par exemple, la bourse monte et vous détenez des actions, votre régime de retraite enregistre tout à coup un surplus. La plupart des gens s'imagineraient que c'est là une bonne chose. Toutefois, pour le parrain d'un régime de retraite, ce surplus pose un problème, parce que si la taille de l'entreprise est réduite ou que celle-ci est réorganisée au point qu'elle doive licencier 20 p. 100 de ses travailleurs, la province de l'Ontario va contraindre l'entreprise à prendre une partie du surplus et à le distribuer en dehors du régime, dans la plupart des cas aux employés probablement. Ils versent davantage d'argent dans le régime quand la situation est bonne parce qu'ils ont un déficit; puis le surplus apparaît, et ils doivent alors en céder une partie. Si, par la suite, le marché des valeurs mobilières est à la baisse ou que le rendement des obligations diminue, ils doivent alors injecter davantage d'argent qu'ils n'auraient eu à le faire si les surplus n'avaient pas été distribués. Le régime actuel de financement les contraint à payer deux fois, voire même trois, les mêmes prestations de retraite, et c'est quelque chose qu'ils n'aiment pas.

Le sénateur Eggleton : Je vous remercie beaucoup de votre exposé. Vous nous avez fourni beaucoup de statistiques, comme tout le monde, et une analyse du problème en l'état.

Je voudrais maintenant me concentrer davantage sur les solutions. J'aimerais que vous nous fassiez part de vos idées de solution, mais je souhaite également tester en partie trois solutions sur vous ici.

Le Globe and Mail a publié, l'autre jour, un article indiquant que le gouvernement allait peut-être présenter une législation, et cet article laissait entendre que celle-ci pourrait viser à relever les seuils des surplus actuels des régimes de retraite des 10 p. 100 qui sont actuellement à 20 p. 100 pour inciter davantage d'entreprises à financer leurs régimes de retraite.

À votre avis, quelles seraient les retombées de cette modification de politique? Serait-elle immédiate ou se manifesterait-elle plus tard sur le montant des prestations à venir?

En second lieu, je n'ai pas encore pu lire votre livre blanc parce que je viens de le recevoir, et il se peut qu'il fasse état d'autres réflexions à propos de mes questions sur les solutions. L'une des solutions est la question de l'expansion du RPC ou du RRQ. Certains sont allés jusqu'à proposer une deuxième version de ces régimes : au lieu d'élargir la base, vous la conservez telle qu'elle est, mais vous ajoutez un régime secondaire. Cela vous paraît-il une solution logique, et comment la verriez-vous s'appliquer. Faudrait-il conserver le même partage à parts égales des cotisations entre l'employeur et les employés? Ce régime serait-il obligatoire ou volontaire? J'ai vu brièvement certaines propositions de solution dont il est fait état dans vos graphiques.

En troisième lieu, pour en revenir à Nortel, cette question ne concerne bien évidemment que les entreprises suivant des procédures de faillite, certains des pensionnés ont affirmé qu'ils devraient avoir l'une des priorités les plus élevées comme créanciers, afin que ces gens puissent toucher de l'argent. En réalité, Nortel dispose d'un montant élevé de crédits à la recherche scientifique et au développement expérimental, et d'autres avantages fiscaux. Ces gens se disaient d'avis que ces fonds devraient être versés aux employés qui vont maintenant face à une diminution importante de leurs prestations de retraite.

Cela concernerait très précisément Nortel, et d'autres entreprises demandant la protection contre les créanciers. J'aimerais toutefois connaître vos opinions à ce sujet. Ce sont là trois idées. Dites-moi quelles réflexions elles vous inspirent ou si n'importe quelle autre solution vous paraît meilleure.

M. Bonnar : En ce qui concerne la modification du plafond des surplus, je vais devoir vous répondre en deux parties. La première porte sur le régime de retraite classique offert par un seul employeur quand une entreprise, comme Nortel ou n'importe quelle autre entreprise, promet des prestations de retraite à ses employés. Avec ce type de régime, cette modification ne fera aucune différence, que ce soit maintenant ou à l'avenir, s'il n'y a pas d'autres changements. C'est une modification nécessaire, à mon avis, mais pas suffisante, parce que dans le contexte dont nous avons tous les deux parlé, dans lequel les employeurs sont dissuadés de cotiser au-delà des minimums, peu importe quel est le plafond.

Une gamme complète d'autres régimes de retraite est soumise à des formes différentes de gouvernance et de partage des risques. Dans le cas des régimes de retraite interentreprises, comme les grands régimes de retraite ontariens, par exemple le régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario, ce relèvement de plafond est important parce qu'il les empêche de devoir réduire les cotisations ou accroître les prestations à un moment où il y aurait davantage à protéger une réserve.

Cela n'aura pas d'effet aujourd'hui, parce que leurs régimes sont sous-financés, comme tous les autres, mais c'est une modification structurelle importante. Si vous pouviez appliquer au régime courant à un seul employeur une solution comme celle présentée dans le livre blanc, ce serait alors une modification importante.

Toutefois, comme je l'ai dit, elle serait nécessaire, mais pas suffisante. Vous devez apporter d'autres modifications aux régimes de retraite d'un seul employeur.

Je vais vous répondre rapidement aux deux autres questions. L'élargissement du RPC et du RRQ, une fois encore, n'est pas une question simple. Si vous élargissez la base actuelle de ces deux régimes, vous allez accroître la charge qui incombera à nos enfants et petits-enfants pour payer nos retraites. Cela me paraît acceptable dans certaines minutes. Nous avons cependant tous des points de vue et des opinions différentes à ce sujet. Je pense, pour moi, que nous sommes à la limite du fardeau que nous pouvons accepter que nos enfants financent pour payer nos retraites.

Le second niveau, celui à cotisations déterminées, ne profiterait en rien de ce transfert. Vous disposez toutefois maintenant d'autres questions sur la conception. Je suis d'avis que, comme société, nous n'avons pas les moyens de nous doter d'un large régime s'appliquant à tous dans le cadre duquel nous permettrions aux gens de choisir comment investir l'argent de leur retraite. C'est là un point distinct, mais je crois que nous devons apporter des modifications à notre système d'éducation. Je vais vous fournir des explications à ce sujet avant de poursuivre.

D'un côté, vous pourriez concevoir un tel régime pour accorder beaucoup de choix d'investissement aux gens, ce que je ne crois pas que nous soyons capables de décider comme société, ou vous pourriez le concevoir de façon à ce que les investissements soient dirigés. Cette solution des investissements dirigés me paraît la meilleure. Toutefois, qui que soit la personne qui aura à choisir les investissements, elle se retrouvera sur la sellette de temps en temps, en particulier au cours d'une année comme la dernière quand les marchés des capitaux ont chuté. Cela peut avoir des répercussions politiques. Si vous faites reposer un tel régime sur des cotisations déterminées, dans lequel vous vous contentez de verser des fonds et de faire avec les résultats obtenus, vous compliquez de beaucoup la planification de la retraite pour les gens.

Il serait également possible de concevoir un régime aux caractéristiques hybrides plus poussées. Pour l'essentiel, il aurait l'apparence d'un régime à prestations déterminées. On y verse de l'argent, comme ce serait le cas avec ce régime supplémentaire. Vous pourriez mettre en place un type quelconque de conseils pour décider des investissements. Le régime intégrerait une formule de calcul des prestations, ces dernières constituant un objectif et non pas un engagement. Une décision lourde en termes financiers serait de savoir si les prestations offertes bénéficient d'une pleine protection contre l'inflation.

Si les résultats sont meilleurs que prévu, les gens obtiennent des niveaux plus élevés de protection contre l'inflation. Si les résultats sont moins bons que prévu, ils obtiennent alors une protection plus faible contre celle-ci. La protection contre l'inflation à laquelle je pense ici concerne à la fois les années de travail et celles des prestations. Tout le monde doit assumer sa part si la situation se dégrade. Une fois encore, ce n'est là qu'une description schématique. J'en ai de plus détaillées, mais voilà ce que je pense.

Votre question sur Nortel est difficile, parce que si vous soulevez la question de la priorité des participants à un régime de retraite en cas de faillite d'une entreprise ayant demandé la protection contre le créancier, vous devrez appliquer les mêmes règles aux entreprises qui survivent. Cela entraînera une hausse des coûts d'emprunt. La question qui se pose alors est de combien sera cette hausse et si elle sera importante. Voilà la répercussion.

Je ne crois pas que les répercussions sur les coûts d'emprunt seront énormes. J'imagine qu'elle représentera 10 à 25 points de base, soit entre 0,1 et 0,25 p. 100, ce qui semble faible, mais sur un montant de dette élevé, cela fait beaucoup d'argent. Voilà ce que j'avais à en dire.

M. Pierlot : Je vais poursuivre sur ce sujet en abordant quelques points. En ce qui concerne les plafonds imposés par les règles fiscales, l'un des problèmes soulevés par la sécurité des prestations de retraite est que, si vous voulez disposer de prestations de retraite garanties, tout en étant exposé à des risques d'investissement, comme avec des actions, la valeur de l'actif du régime va monter et descendre. Si vous tenez à assurer cette sécurité en étant exposé à cette volatilité, vous devez disposer d'une réserve. Vous devez alors viser un niveau de financement supérieur à 100 p. 100.

La modification des limites fiscales est une bonne idée parce que, actuellement, votre réserve ne peut dépasser 10 p. 100. Pour aller dans le sens de ce qu'a dit M. Bonnar, personne n'approche les 100 p. 100. Oui, c'est une bonne mesure. M. Bonnar et moi-même avons rédigé un article dans lequel nous prenons que le plafond des surplus soit porté à au moins 25 p. 100, si ce n'est pas plus. Il est certain, en ce qui concerne les régimes du secteur public, auxquels les employés et les employeurs cotisent, que les limites fiscales ont été effectivement relevées pour permettre un plafond de 25 p. 100 des surplus dans les régimes fonctionnant comme de nombreux régimes du secteur public. La plupart des gens l'ignorent. Cette modification a été apportée aux alentours de 2004, mais elle ne concerne que les régimes qui sont parrainés conjointement, comme c'est le cas de nombreux régimes du secteur public.

Au sujet de l'expansion du RPC, comme de nombreuses personnes le savent ici, au milieu des années 1990, le régime a fait l'objet d'un examen et les plafonds de cotisations ont été relevés et un autre fonds a été mis sur pied. L'un des problèmes auxquels le RPC était confronté à cette époque était que les cotisations reçues n'étaient pas suffisantes pour payer les prestations. Il a donc fallu les relever. Si vous augmentez la garantie des prestations dans le cadre du RPC, comme M. Bonnar l'a dit, vous risquez de vous exposer à une situation dans laquelle des types de subventions intergénérationnelles se poursuivront. Je crois que la solution consistant à ajouter des comptes à cotisations déterminées, comme des REER, au RPC présente beaucoup davantage. Il faudrait cependant préciser de nombreux détails, mais je suis d'avis que nombreux ceux qui conviennent que cela pourrait être un élément de la solution.

L'hypothèse d'un statut de créancier prioritaire en regard du passif d'un régime de retraite en cas de faillite présente deux facettes. Si vous parlez au groupe défenseur des employés, ils vont vous dire que s'ils sont exposés au moindre risque, ils devraient être considérés comme des créanciers, parce qu'ils assument des risques et financent donc l'entreprise. Ils devraient donc être considérés comme prioritaires. Par contre, comme l'a indiqué M. Bonnar, les défenseurs des employeurs vous diront que si vous accordez un statut prioritaire aux employés, il leur en coûtera plus cher pour emprunter de l'argent.

C'est à cela que revient réellement la décision. Je vais en rester là.

M. Laurin : La modification des règles en matière de surplus est une bonne chose à court terme, mais elle ne s'attaque pas aux défis à long terme. Les participants aux régimes de retraite à prestations déterminées s'attendent à ce que leurs prestations soient garanties. C'est là une garantie plus coûteuse à assurer qu'on ne le croyait au départ.

Ce dont nous avons réellement besoin à long terme est une formule différente de partage des risques afin que les participants sachent dès le début qu'ils n'ont pas ce type de garantie, mais également qu'il leur en coûte moins cher. C'est une solution plus abordable pour les employeurs et pour les employés. C'est la distinction qu'il y a entre le court terme, de nombreux éléments peuvent s'avérer utiles, comme relever le plafond des surplus, mais il faut se demander si cela fera une différence à l'interne pour les régimes à prestations déterminées et pour l'érosion de ces prestations déterminées. Cela reste à voir. Je ne le crois pas. Si nous ne nous attaquons pas aux défis à long terme liés à la capacité de payer, il n'y aura pas de changement. La place des régimes à cotisations déterminées continuera d'augmenter.

En ce qui concerne l'expansion du RPC, cela touche le second pilier. C'est un programme gouvernemental. Celui-ci intègre nombre de mécanismes de redistribution. Nous avons déjà parlé de celles qui se font entre générations. Il y a également celles qui interviennent entre les cotisants au RPC. Si vous décédez avant d'atteindre l'âge de 60 ans, il y a des prestations de décès, mais elles ne sont pas aussi généreuses. Il ne s'agit pas d'un compte individuel, c'est un programme gouvernemental qui intègre de nombreux éléments qui visent d'autres objets de la politique publique, pas uniquement les retraites. L'élargissement du RPC va au-delà du troisième pilier du système de retraite. Il se traduit simplement par un second pilier plus important. Qu'en est-il du troisième pilier? Qu'en est-il des comptes individuels, de l'épargne privée, des retraites privées? En ce qui concerne le volet privé, nous devons travailler sur le troisième pilier.

Certaines propositions ont été faites, qui présentent toutes des avantages et des inconvénients, et qui sont à l'étude actuellement. Certains veulent la tenue d'un sommet national sur les retraites pour étudier ces questions.

En ce qui concerne l'expansion du RPC, nous devrions peut-être réfléchir à une solution plus étroitement liée au troisième pilier et laisser le second pilier tel qu'il est.

Au sujet des faillites, vous avez là d'excellentes réponses.

Le président : Malheureusement, nous avons épuisé le temps dons nous disposions. Le sénateur Mitchell a attendu patiemment son tour. Pouvez-vous poser votre question et, les témoins pourraient s'engager à nous transmettre leur réponse plus tard ou à vous répondre très rapidement maintenant si cela s'avère possible.

Le sénateur Mitchell : J'ai beaucoup aimé vos exposés.

Si vous vous intéressez avant tout, dans une certaine mesure, aux régimes à prestations déterminées, vous avez abordé le problème, dont nous ne nous sommes pas beaucoup occupés ici, des 70 p. 100 pour cent de Canadiens qui n'ont aucun régime de retraite. Les chiffres que vous citez, à savoir qu'il faut avoir économisé 422 000 $ pour retirer une retraite personnelle de 20 000 $ sont très évocateurs.

Vous dites que la façon dont le montant que vous pouvez verser dans un régime de retraite est calculé entre les régimes de retraite de la fonction publique et les régimes à prestations déterminées est en général teinté de partialité, et je suppose qu'il en est de même pour les montants qu'une personne peut investir dans son REER personnel. Cela est-il lié à la façon dont l'ajustement actuariel est calculé? La valeur réelle du régime de retraite? J'entends par là que si j'ai un régime de retraite de la fonction publique, je ne peux réellement y cotiser avec l'employeur que jusqu'au plafond de mes cotisations de REER, mais cela présente beaucoup plus d'avantages additionnels. Est-ce ce qui se passe?

M. Bonnar : Une façon intéressante d'y réfléchir est de procéder comme ceci : l'année 2008 est maintenant terminée et nous avons vu la valeur des investissements baissée de façon importante. Si vous avez épargné uniquement au moyen de votre REER, la valeur de votre régime de retraite a baissé. Par contre, dans un régime à prestations déterminées, y compris pour celui des fonctionnaires fédéraux, les investissements ont baissé et, comme contribuables, nous sommes tenus d'y verser de l'argent pour le ramener à niveau.

Une personne qui épargne uniquement au moyen de son REER doit payer un certain nombre de fois, sans malheureusement que cela contribue à ses prestations de retraite.

M. Pierlot : J'aimerais ajouter quelque chose.

Le sénateur Mitchell : Comment corrigez-vous cela?

M. Pierlot : À la page 7 de ma présentation, ces facteurs d'actualisation, soit 15,63, 21,4, 14,18 et 18,49, sont le prix réel d'une pension de retraite aux âges de 60 et de 65 ans. La Loi de l'impôt sur le revenu dit qu'un régime de retraite à prestations déterminées a toujours une valeur de neuf dollars. Ces chiffres sont parfois plus du double de neuf dollars.

Ce que cela signifie est que nous allons prétendre que tous les régimes à prestations déterminées ont une valeur de neuf dollars et nous allons plafonner le montant maximal de cotisations à un REER sur la base de ce neuf dollars. Ce n'est pas réellement neuf dollars.

Le sénateur Mitchell : Dans le cas des adhérents à un régime à prestations déterminées qui n'ont même pas besoin d'un REER.

M. Pierlot : D'accord. Les gens touchent actuellement une prestation de retraite d'une valeur de 21 $ pour un dollar; leur régime de retraite est évalué à neuf dollars pour un dollar, et il bénéficie ensuite d'une possibilité additionnelle d'investissement dans leur REER. C'est un système manifestement injuste.

M. Bonnar : Vous avez demandé quelle est la solution. Nous pouvons vous faire parvenir, je ne sais pas exactement comment, un document qui traite de cette question.

Le président : si vous avez un document sur cette question, vous le faites parvenir au greffier qui veillera à le remettre à tous les membres du comité.

M. Bonnar : L'auteur de ce document est M. Pierlot.

Le président : Ce serait merveilleux.

M. Bonnar : Il l'a publié sous les auspices de l'Institut C.D. Howe.

Le président : Je vous remercie. Au nom du Comité sénatorial permanent des finances nationales, nous tenons à tous vous remercier infiniment d'être venus. Vous avez abordé un certain nombre de points intéressants et nous avons eu un excellent aperçu de la situation.

Le comité directeur va tenter d'analyser l'information recueillie au cours de ces deux réunions et de décider ce que nous devrions faire par la suite. Il se pourrait fort bien que nous ayons à revenir sur ces questions pour les approfondir, auquel cas nous vous serions très reconnaissants de venir témoigner à nouveau. Merci beaucoup.

(La séance est levée.)


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