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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 15 - Témoignages du 28 octobre 2009


OTTAWA, le mercredi 28 octobre 2009

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 18 h 33 pour étudier le budget des dépenses déposé au Parlement pour l'exercice se terminant le 31 mars 2010 (sujets : facilité canadienne de crédit garanti/pouvoir d'emprunt; et mise à jour économique).

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, nos délibérations ont fait ressortir plusieurs questions que les membres du comité ont dit vouloir approfondir. Ce soir, nous traitons de certaines de ces questions.

Parmi les questions qui ont attiré l'attention, il y a la facilité canadienne de crédit garanti. À ce propos, nous sommes heureux d'accueillir, de la Banque de développement du Canada, Paul Buron, vice-président exécutif et chef de la direction financière; et Paula Cruikshank, vice-présidente, Titrisation

Merci d'être là. Nous avons déjà discuté quelque peu de la facilité canadienne de crédit garanti, mais il nous faut en discuter encore pour mieux saisir de quoi il s'agit.

Nous accueillons Wayne Foster, directeur à la Division des marchés financiers de la Direction de la politique du secteur financier au ministère des Finances du Canada. M. Foster prêtera assistance aux gens de la Banque de développement du Canada, au besoin, mais il parlera aussi d'une autre question ayant suscité l'intérêt, soit le recours au pouvoir d'emprunt du gouvernement.

Les honorables sénateurs se rappelleront que, il y a quelques années de ça, une loi d'exécution du budget comportait un article sur le pouvoir d'emprunt. Depuis, nous n'avons pas beaucoup entendu parler du pouvoir d'emprunt. Jadis, le Parlement devait traiter de la question et autoriser les emprunts, mais nous avons accordé depuis au gouvernement l'autorisation générale d'emprunter sans devoir consulter le Parlement. Nous allons entendre un exposé sur le fonctionnement de cette facilité et sur les comptes rendus à cet égard.

[Français]

M. Foster est accompagné de Mme Marie-Josée Lambert, chef, Section de la gestion de la dette intérieure, Division des marchés financiers au ministère des Finances Canada.

[Traduction]

Nous n'avons qu'une heure à consacrer à ce bloc, honorables sénateurs. La brièveté habituelle de la période de questions aidant, espérons que nous allons pouvoir couvrir le plus vaste terrain possible en une heure.

Paul Buron, vice-président exécutif et chef de la direction financière, Banque de développement du Canada : Nous sommes heureux d'être là ce soir pour traiter avec vous de la façon dont la facilité canadienne de crédit garanti, la FCCG, a atteint ses objectifs.

En me reportant à la diapo trois de la présentation que vous pouvez suivre, je dirai quelques mots sur la conjoncture économique qui existait au moment où la FCCG a été créée et sur la façon dont celle-ci a été créée. Puis ma collègue, Mme Cruikshank, traitera de la première allocation et des derniers développements sur la facilité.

[Français]

Si vous vous souvenez, à la fin de 2008, je réfère à la page 5 de la présentation, la crise de crédit s'intensifiait et le Canada plongeait rapidement vers une récession. Les ventes de véhicule automobile étaient sévèrement impactées par ces deux phénomènes comme nous le constatons sur le graphique que vous avez devant vous. Les ventes de véhicule automobile aux usagers étaient financées sous forme de prêts et de location et les constructeurs ont fait appel, au cours des dernières années, à la titrisation pour financer leurs ventes.

[Traduction]

Le secteur de l'automobile comptait sur le marché des TACM, les titres adossés à des créances mobilières. Cela demeure vrai aujourd'hui. De fait, en juillet 2007, les actifs en véhicules et en matériel comptaient pour 27 p. 100 du marché des TACM au Canada. Avec le resserrement du crédit et l'effondrement du marché du papier commercial adossé à des actifs, les fabricants éprouvent de plus en plus de difficultés à financer la vente de véhicules et d'équipement.

De fait, entre juillet 2007 et janvier 2009, la valeur des TACM en circulation pour le financement des actifs en véhicules et en équipement a diminué de 16 milliards de dollars, ce qui représente près de 40 p. 100 de l'ensemble. Cette réduction était attribuable à la diminution de l'activité sur le marché et de la disponibilité du crédit.

Pour aider les consommateurs et les entreprises à traverser les difficultés économiques, le gouvernement a annoncé la création de la FCCG dans le cadre du budget de janvier 2009. La facilité visait deux objectifs : stimuler l'économie canadienne en soutenant la vente de véhicules et de matériel au Canada au moyen du rachat de TACM à terme et favoriser le rétablissement de la participation et de la confiance des investisseurs dans le marché canadien des TACM.

Peu après l'annonce, la Banque de développement du Canada, la BDC, de concert avec le ministère des Finances et Industrie Canada, a lancé des consultations visant à définir les conditions rattachées à la facilité de crédit. Nous avons réuni et écouté tous les principaux acteurs du domaine.

[Français]

Les termes et conditions devaient permettre de balancer l'aspect stimulation économique et l'aspect risque pour les contribuables. C'est pourquoi certaines conditions telles que l'uniformisation des termes contractuels, la documentation de style prospectus, la vérification de l'éligibilité des actifs, la présence d'un administrateur qualifié ont été introduites.

Une fois les conditions déterminées, il fallait établir un prix auquel BDC allait acheter les titres adossés aux actifs éligibles et via un processus ouvert. Le prix demandé par le marché était de 3,5 p. 100 au-dessus du taux des obligations du Canada. La participation a alors été très importante et plus de 10 milliards de dollars ont été alloués à plus d'une vingtaine d'originateurs. Pour faciliter l'utilisation de CSCF, certaines conditions ont été allégées pour les premiers 350 millions de dollars émis par originateur.

[Traduction]

À ce moment-là, les émetteurs participants étaient libres soit de se prévaloir d'une source sûre de financement comportant des conditions clairement énoncées — la FCCG, soit d'essayer d'obtenir du financement à de meilleures conditions sur le marché. Par-dessus tout, il faut dire que la question de la disponibilité du crédit ne posait alors plus de difficultés pour les émetteurs participants.

Je vais maintenant demander à Mme Cruikshank de traiter de l'histoire de la FCCG jusqu'à maintenant.

[Français]

Paula Cruikshank, vice-présidente, Titrisation, Banque de développement du Canada : L'histoire du FCCG démontre une amélioration très rapide dans les marchés financiers globaux et canadiens, et même dans les marchés de titrisation.

Quand on a déterminé le prix pour la première allocation, les titres adossés à des créances immobilières ne transigeaient pas. Les indications des courtiers sur les TACM, dans le domaine de l'équipement automobile, étaient entre 600 points de base et 1 000 points de base au-dessus des obligations du Canada, et c'était fort possible que la maison ne ferait même pas l'échange. De plus, il n'y avait pas eu de transactions publiques dans ce secteur depuis environ un an et demi.

[Traduction]

Vous pouvez le voir en jetant un œil à la page 13 de la présentation, en six semaines à partir du moment où on a établi le prix auquel la BDC achèterait les titres en question et une fois qu'elle a consenti des engagements de 10,2 milliards de dollars, le tableau des marchés financiers et le marché canadien des TACM ont considérablement évolué.

Je vous parlerai de l'évolution qui s'est produite sur le marché, de l'incidence qu'elle a eue sur la FCCG, de ce que nous avons fait pour y réagir et du point où en est rendu maintenant le programme.

Étant donné le remarquable redressement des marchés financiers, qui a commencé au Canada au printemps, les entreprises qui recouraient à la FCCG ont commencé à disposer d'options sur le plan du financement. Les conditions ont rapidement évolué. Plutôt que de se tourner vers la BDC, les entreprises ont commencé à faire ce qu'elles doivent faire, à chercher mieux ailleurs. Les participants au programme pouvaient profiter de leurs droits de se prévaloir des engagements établis pour la situation pendant un certain temps, sans frais, ce qu'ils ont fait.

Les facteurs particuliers ayant amené les participants à se servir des engagements à leur égard comme filet de sécurité étaient les suivants : les cours sur les marchés déclinaient rapidement; les entreprises ne souhaitaient pas procéder à la normalisation des documents exigée par le programme si elles pouvaient éviter cela; et vu la dégradation de l'industrie de l'automobile, caractérisée par les faillites de GM et de Chrysler, il devenait difficile pour ces entreprises d'émettre des titres, leur avenir étant incertain.

[Français]

Finalement, à la page 14, voici une illustration des conditions qui s'amélioraient. Sur cette page, c'est le recul des écarts des obligations émises par les sociétés canadiennes que j'ai utilisé comme exemple. Les investisseurs étaient satisfaits d'un rendement de moins en moins important, parce qu'ils avaient de plus en plus confiance que le monde n'arrêterait pas de tourner.

[Traduction]

À la page 15, nous voyons que les ventes de véhicules avaient commencé à reprendre. Que GM et Chrysler se soient redressées si rapidement devant une faillite possible a nourri l'optimisme.

Page 16, le prix de référence établi dans le cadre de la détermination des prix de la FCCG a servi à convaincre les investisseurs que l'écart sur le marché des TACM avait cessé de s'élargir et, de fait, la Ford Motor Company a réalisé alors des opérations sur des TACM avec le concours d'investisseurs institutionnels.

Diapo 17 : fin juillet, la période à laquelle les participants au programme pouvaient encore se prévaloir des engagements prend fin. Comme il était entendu qu'il y aurait un deuxième processus de détermination des prix qui serait déclenché en août, presque tous les participants ont renoncé aux engagements.

Je vais maintenant traiter des plus récents développements entourant le programme, à la page 19.

Au terme du deuxième processus de détermination des prix, les observations des participants eux-mêmes le font voir, les conditions financières se sont bel et bien améliorées. Nous avons écouté leurs remarques sur ce point et d'autres observations depuis l'instauration du programme; nous avons fait des changements en conséquence. La facilité ne serait plus rattachée à un processus de soumission et d'allocation; tous les participants admissibles y auraient droit au même prix, à tout instant, jusqu'en mars 2010. La facilité serait offerte à un prix plus faible — 150 points de base au lieu de 350 points de base — et nous avons assoupli la structure des obligations dont la BDC ferait l'acquisition.

Pour conclure, à la page 21, nous avons annoncé les paramètres de la facilité le 17 septembre. Le marché a eu une réaction très positive. Nous disposons maintenant de plusieurs lettres d'engagement dûment signées et nous travaillons aux opérations.

Enfin, je voulais inclure un tableau qui fait état des diverses étapes de la conception et du déploiement de la FCCG, à la page 22, étant donné que l'annonce et les changements sur les marchés financiers ont eu lieu en même temps.

[Français]

Maintenant que vous en savez un peu plus sur les programmes FCCG, M. Buron, notre collègue du département des finances, Wayne Foster, et moi sommes prêts à répondre à vos questions.

[Traduction]

Le président : Monsieur Foster, avez-vous quelque chose à ajouter qui servirait peut-être à éclaircir ce que nous venons d'entendre?

Wayne Foster, directeur, Division des marchés financiers, Direction de la politique du secteur financier, le ministère des Finances Canada : J'ai justement quelques observations à formuler à propos de la question du pouvoir d'emprunt, si vous souhaitez m'entendre.

Le président : Pourquoi ne pas en parler dès maintenant? Ensuite, nous passerons à la période de questions.

M. Foster : Je n'ai pas un joli document très coloré à vous présenter; je crains que mes collègues de la BDC m'aient déclassé d'avance, mais je tiens tout de même à vous remercier, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, de m'avoir invité à vous entretenir au nom du ministère des Finances du pouvoir d'emprunt du gouvernement.

Le pouvoir de contracter des emprunts sur les marchés financiers est conféré par la partie IV de la Loi sur la gestion des finances publiques, qui autorise le ministre des Finances à émettre des titres et à exécuter des opérations connexes, notamment des contrats financiers et des opérations sur instruments dérivés.

Depuis 2007, en vertu des modifications apportées à la LGFP par le budget de cette année-là, le ministre des Finances obtient du gouverneur en conseil, par décret, le pouvoir de contracter des emprunts. Auparavant, lorsque l'on s'attendait à ce que les niveaux d'emprunt augmentent, il fallait obtenir une approbation législative pour effectuer des emprunts supplémentaires.

Les modifications apportées par le truchement du budget de 2007 visaient notamment à accroître la capacité du gouvernement de combler les besoins d'emprunt futurs, tout en rendant les opérations d'emprunt du gouvernement plus transparentes et plus responsables. Par ailleurs, cette souplesse s'imposait pour tenir compte de la consolidation des emprunts de trois sociétés d'État, non seulement la Banque fédérale de développement, mais aussi la Société canadienne d'hypothèques et de logement, la SCHL, et Financement agricole Canada, avec le programme de la dette du gouvernement. Or, de façon plus générale, cette marge de manœuvre accrue favorise une gestion financière plus efficiente, plus pertinente et plus prudente.

Les modifications de 2007 ont rehaussé la transparence et la responsabilisation à l'égard des activités d'emprunt du gouvernement, au moyen d'exigences de divulgation additionnelles au sujet des emprunts anticipés et de l'utilisation prévue des fonds par le truchement de la Stratégie de gestion de la dette, publication annuelle qui accompagne habituellement le budget, sous forme d'annexe.

En outre, le Rapport sur la gestion de la dette, qui paraît au terme de l'exercice financier, permet de comparer les renseignements sur les emprunts réels et l'utilisation faite des fonds à ces prévisions. Le rapport devrait être publié à l'automne, avant Noël, nous l'espérons.

Des renseignements plus détaillés sur les résultats sont aussi fournis dans les Comptes publics, qui sont examinés par le vérificateur général du Canada.

On a pu constater à l'automne 2008 l'effet d'assouplissement supplémentaire des modifications apportées par le budget de 2007 lorsque le gouvernement a pu intervenir rapidement en pleine crise financière même si le Parlement ne siégeait pas. Vous vous en souviendrez peut-être, il y avait des élections à ce moment-là.

En novembre 2008, la gouverneure en conseil a promptement approuvé l'ajout de 90 milliards de dollars à la limite d'emprunt agrégée initiale de 206 milliards de dollars pour 2008-2009. Cette hausse de la limite d'emprunt en cours d'exercice a permis de prendre des mesures immédiates pour limiter les répercussions de la crise qui sévissait sur les marchés financiers mondiaux. Ainsi, on a pris l'engagement de fournir jusqu'à concurrence de 75 milliards de dollars de financement à long terme à l'intention des institutions financières par l'entremise du Programme d'achat de prêts hypothécaires assurés, PAPH, dont la gestion relève de la SCHL, et de financer des mesures spéciales de soutien de la liquidité prises par la Banque du Canada et nécessitant des emprunts additionnels d'environ 30 milliards de dollars.

Ces mesures, prises pour promouvoir la stabilité financière et faciliter l'accès au financement, ont aidé à calmer l'incertitude des marchés et appuyé une forte baisse des taux d'intérêt sur les prêts au consommateur. En fait, certains prêteurs estiment que le PAPH en particulier a contribué à la baisse marquée des taux d'intérêt depuis octobre 2008.

Le montant total emprunté en regard de cette limite de 296 milliards de dollars pour 2008-2009 est de 279 milliards de dollars — c'est donc un peu moins. Pendant l'exercice, la dette brute contractée sur les marchés a augmenté de 123 milliards de dollars, en bonne partie par l'émission de bons du Trésor et d'obligations d'État. Par contre, la dette fédérale — c'est-à-dire le déficit accumulé — n'a progressé que de six milliards puisque la poussée de la dette contractée sur les marchés a été largement compensée par une hausse connexe des actifs financiers comme les blocs de créances hypothécaires achetés par le truchement du Programme d'achat de prêts hypothécaires assurés, les prêts aux sociétés d'État, par exemple Exportation et développement Canada, et les soldes de trésorerie plus élevés ayant servi à appuyer les opérations de liquidité de la Banque du Canada.

En 2008-2009, en dépit de la hausse significative des émissions de la dette sur les marchés, les frais de la dette ont diminué de 2,3 milliards, vu que la hausse de l'encours de la dette contractée sur les marchés — qui dépassait les 100 milliards de dollars comme je l'ai mentionné — a été plus que compensée par la baisse du taux d'intérêt effectif moyen, en particulier pour les taux à court terme.

Pour 2009-2010, la limite globale d'emprunt approuvée par la gouverneure en conseil pour couvrir les besoins financiers du budget de 2009 est de 370 milliards de dollars. C'est 74 milliards de dollars de plus que l'an dernier. Au 30 septembre 2009, le total des emprunts réels contractés en regard de cette limite était d'environ 258 milliards de dollars. Nous prévoyons respecter largement la limite d'emprunt approuvée de 370 milliards jusqu'à la fin de l'exercice. Nous ne prévoyons pas devoir l'augmenter de nouveau.

En terminant, je vous remercie, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, de m'avoir permis de vous entretenir du pouvoir et des activités d'emprunt du gouvernement durant la dernière année.

Le président : Merci, monsieur Foster. Je vous sais gré de nous donner ces renseignements. À titre de précision, est-ce le gouverneur en conseil qui peut déterminer chaque année la limite globale d'emprunt?

M. Foster : Oui. Comme vous le savez, le gouverneur en conseil est essentiellement un comité du cabinet. C'est au moyen d'un décret qu'une nouvelle limite est fixée. Le budget comporte une annexe — la Stratégie de gestion de la dette — qui fait voir quelle somme le gouvernement entend emprunter et quelle limite il demandera au gouverneur en conseil d'approuver.

Le président : C'est publié en même temps que le budget?

M. Foster : Ça a été publié en même temps. Tous les ans, nous établissons une stratégie de gestion de la dette qui fixe la limite que nous prévoyons, puis il existe un mécanisme — puisque c'est la décision du gouverneur en conseil — qui permet d'augmenter la limite durant l'exercice. Comme je l'ai mentionné, à l'automne 2008, il nous a fallu y recourir.

Le président : Oui, vous avez dû le faire. Je vois qu'on peut faire cela; peut-on agir ainsi au moyen d'un autre décret?

M. Foster : Oui, on le peut, et la mesure est annoncée au public dans la Gazette du Canada.

Le président : Si nous suivions la question de plus près, en lisant la Gazette du Canada périodiquement, nous aurions appris que cela s'était fait.

M. Foster : Je croyais que tout le monde lisait la Gazette du Canada périodiquement, mais, oui, vous avez raison.

Le président : Non, nous aimons vous inviter à faire ces révélations pour nous.

Le sénateur Callbeck : Bienvenue. Merci d'être venus.

En juin 2009, la Société d'aide aux entreprises est venue témoigner et a signalé — c'est peut-être vous qui l'avez fait, monsieur Buron, mais je ne suis pas sûr de quel témoin il s'agissait — qu'elle allait établir un groupe d'évaluation du crédit qui confirmerait la cote AAA des deux agences de cotation. Ce groupe-là a-t-il été mis sur pied?

M. Buron : Nous avons réuni un groupe de personnes qui connaissent bien le marché. Paula Cruikshank est à la tête du groupe en question. Le groupe n'est pas en mesure de refaire le travail des agences de cotation chargées de coter les titres; à la place, il applique ses propres modèles pour en arriver à une évaluation des risques qui est la sienne à partir de toutes les informations connues sur une opération.

Le sénateur Callbeck : Y a-t-il eu des désaccords entre votre groupe et les deux agences?

Mme Cruikshank : Jusqu'à maintenant, il n'y a pas eu de désaccords. Nous commençons à peine à regarder les opérations en question. Je ne prévois pas de désaccords, mais nous appliquerons une démarche rigoureuse pour nous assurer de la qualité de ces évaluations.

Le sénateur Callbeck : Maintenant que vous êtes installés, allez-vous y jeter un coup d'œil avant que le gouvernement en achète d'autres?

Mme Cruikshank : Oui. Nous avons établi un processus par lequel nous nous assurons de communiquer les détails de l'opération à la haute direction et à notre conseil, par l'entremise du comité de gestion de risques.

Le sénateur Callbeck : Mais, jusqu'à maintenant, vous êtes d'accord avec les cotes AAA données par les deux agences en question?

Mme Cruikshank : Oui.

Le sénateur Callbeck : Avez-vous réalisé une évaluation ou une analyse pour déterminer si cette facilité est encore nécessaire?

M. Buron : Comme nous l'avons dit pendant notre exposé, c'est un marché qui a beaucoup évolué durant les six à huit derniers mois. Nous consultons périodiquement les divers participants au marché. Nous venons de conclure des ententes avec différents émetteurs, ce qui nous dit que la facilité est encore nécessaire.

Le sénateur Callbeck : Mais aucune analyse n'a été faite?

M. Buron : L'analyse consiste à rester en communication, à garder les voies de communication ouvertes avec les différents intervenants sur le marché. Nous avons ces communications-là et nous évaluons périodiquement le marché. Évidemment, nous ne gérons pas les entreprises qui évoluent sur ce marché financier. Ce sont elles qui définissent leurs besoins, et nous croyons que la facilité demeure nécessaire.

Le sénateur Callbeck : Nous sommes tous au courant des scandales qui ont eu lieu aux États-Unis et de ce qu'il est advenu de l'argent du contribuable qui, dans certains cas, s'est transformé en bonis pour les hauts dirigeants du domaine de la finance. Avez-vous fait une analyse pour vous assurer que cela ne se produira pas au Canada?

Mme Cruikshank : Les titres que nous achetons sont extrêmement bien structurés. Essentiellement, ils sont adossés à des actifs; il n'est donc pas possible que ces titres-là soient liés à ce que vous dites. Essentiellement, pour les actifs particuliers en question, il y a toute une série de freins et de contrepoids qui légitiment les titres dont nous faisons l'acquisition. Ce sont des actifs classiques, et nous vérifions les mouvements de trésorerie. Il y a beaucoup de travail qui se fait sur ce point. À mon avis, ces titres-là mèneraient difficilement aux types d'abus dont vous parlez.

Le sénateur Callbeck : Difficilement, mais il est toujours possible, n'est-ce pas, que cela finisse en bonis entre les mains des hauts dirigeants des banques?

M. Buron : À titre de renseignements complémentaires, disons que nous n'achetons pas de titres des banques. Nous achetons les titres qui se rapportent à des véhicules et à de l'équipement. Les banques ne participent pas directement aux opérations que nous effectuons à cet égard.

Le sénateur Ringuette : Qui sont les émetteurs dont vous parlez? Dans votre présentation, je crois que vous avez mentionné 20 émetteurs. Si ce ne sont pas les banques canadiennes, qui est-ce?

M. Buron : Cela a été dit périodiquement en rapport avec la FCCG. GMAC est un émetteur. C'est la filiale de financement de GM. Chrysler Financial est un autre exemple. Il y a ces grands émetteurs-là sur le marché. Ce sont des acteurs mondiaux, ceux qui avaient besoin de financement pour continuer à financer la vente de véhicules et d'équipement.

Le sénateur Ringuette : Est-ce que ça fait partie des 12 milliards de dollars destinés à l'industrie automobile? Est-ce que ça fait partie des actions que nous avons achetées?

M. Buron : Non, ça n'en fait pas partie.

Le sénateur Ringuette : Soyons clairs. C'est en sus des actions de GM et de Chrysler dont le gouvernement du Canada a fait l'acquisition.

M. Foster : C'est cela.

M. Buron : C'est cela.

M. Foster : Ce ne sont pas des actions. C'est l'acquisition de prêts ou de baux accordés par Ford Credit, par exemple, à des clients, qui ont été regroupés. Il ne s'agit pas de participation au capital. C'est du papier commercial coté AAA. C'est tout à fait distinct et ça porte sur un vaste ensemble d'actifs, et non pas seulement l'automobile, de sorte que ce n'est pas que GM et Chrysler. Ça englobe des fabricants d'équipement et d'autres entreprises.

Le sénateur Ringuette : Les 20 émetteurs se trouvent-ils tous au Canada?

M. Buron : Oui, c'est obligatoire.

Le sénateur Ringuette : Nous parlons d'équipement construit au Canada et vendu au Canada ou exporté; sinon, y a- t-il des exportations?

Mme Cruickshank : Il n'y a pas d'exportations. Tous les titres doivent être libellés en monnaie canadienne, et tous les prêts et baux doivent être accordés à des consommateurs canadiens et à des entreprises canadiennes.

Le sénateur Ringuette : Le contrat de location d'une voiture s'échelonnerait en moyenne sur deux ans; un prêt, sur 60 mois. Quelle est l'ampleur de vos revenus, pour un remboursement de 12 milliards de dollars?

Mme Cruickshank : Les obligations ou titres que nous achetons, les investissements que nous faisons, comportent habituellement un terme de trois ou de cinq ans; un mécanisme de remboursement y est intégré. Essentiellement, nous faisons l'acquisition d'un bloc d'actifs, et à mesure que les prêts et baux en question sont remboursés, nous sommes remboursés nous aussi.

Le sénateur Ringuette : Vous devez avoir un calendrier de remboursement des prêts pour votre institution.

Mme Cruickshank : Ça fait partie du titre.

Le sénateur Ringuette : Que ça fasse partie du titre ou non, vous devez avoir un calendrier de remboursement, assorti d'intérêts, pour un terme de trois ou de cinq ans, qui correspond à ce que vous achetez.

Mme Cruickshank : C'est cela.

Le sénateur Ringuette : Est-ce que nous pouvons en avoir une copie?

Mme Cruickshank : Pour l'instant, nous n'avons pas acheté de titres. Nous sommes en train d'acheter les opérations. Il faut un certain temps pour préparer cela. Il faut aborder les agences de cotation et attendre que les prospectus soient déposés. Les nouveaux prix ont été annoncés en septembre; nous travaillons à des opérations en ce moment.

Le sénateur Ringuette : Sur la dernière diapositive, à la page 22, vous dites, sous le mois de mai : envoi des lettres d'engagement et réception des lettres d'engagement, puis vous lancez un deuxième processus.

Mme Cruickshank : Il a fallu lancer un deuxième processus, étant donné que les émetteurs avaient renoncé aux engagements. Toutes les entreprises bénéficiaient d'autres options ou étaient d'avis que c'était trop cher, étant donné l'amélioration notée sur le marché.

Le sénateur Ringuette : Pourquoi avez-vous continué? S'il y avait une option autre que le gouvernement, pourquoi continuer et appliquer le deuxième processus?

Mme Cruickshank : Pour répondre en même temps à la question du sénateur Callbeck, je dirai que, à l'époque de la deuxième détermination des prix, nous avons procédé à une évaluation pour déterminer si le marché fonctionnait bien, s'il s'était redressé. Nous avons recensé une seule opération publique à ce moment-là; nous avons donc déterminé que les conditions n'étaient pas suffisantes sur le marché à ce moment-là.

Comme M. Buron l'a expliqué en répondant à une question, nous devions continuer à appuyer cet effort-là, et les entreprises qui participaient à notre deuxième processus de détermination des prix ont certainement été d'accord.

Le sénateur Ringuette : Quand le taux se chiffre à 1,5 p. 100, il est sûr qu'elles vont en profiter. C'est quasiment un prêt sans intérêt consenti par les contribuables du Canada, alors que ces entreprises-là disposaient d'autres options.

Mme Cruickshank : C'est 150 points de base de plus que le taux de base du gouvernement.

Le sénateur Ringuette : Quel est le taux de base du gouvernement?

Mme Cruickshank : Ça dépend du terme du titre dont il est question. Parlez-vous d'un terme de cinq ans?

Le sénateur Ringuette : Dites-moi quel est le taux applicable à un titre de cinq ans.

Mme Cruickshank : Ce serait 2,75 p. 100.

M. Foster : Plus 1,5 p. 100; cela donne 4,25 p. 100.

Le sénateur Ringuette : Tout à l'heure, j'ai assisté à une réunion du Comité sénatorial des banques et du commerce où le gouverneur de la Banque du Canada est venu témoigner. C'est toute une coïncidence. Le gouverneur a confirmé que les institutions financières du Canada disposent actuellement de bonnes liquidités. Pourquoi donc recourir ainsi à l'argent du contribuable?

J'ai son rapport ici devant moi, où il dit, c'est au tableau 2, à la page 20 : au moment où vous avez lancé votre deuxième processus en juin, le taux des obligations de société s'élevait à 4,83 p. 100, et vous prêtiez l'argent du contribuable canadien à 2,25 p. 100 sur un marché dont le gouverneur de la Banque du Canada vient de dire, il y a une heure de cela, qu'il était riche en liquidités.

Mme Cruickshank : Vous avez raison de regarder la page qui traite des obligations des sociétés, mais soulignons que ces obligations-là peuvent avoir diverses cotes : BBB, A et AA. Les obligations dont nous faisons l'acquisition sont des titres cotés AAA, et cela permet de réduire le taux.

Le sénateur Ringuette : Il y a trop de problèmes graves en ce moment.

M. Buron : À titre de précision, nous n'offrons pas 2,75 points de pourcentage sur le marché. Cela s'ajoute aux 150 points de base. Le coût des titres sur le marché représente donc plus de 4 p. 100 par rapport à ce qui est offert ailleurs.

Le sénateur Ringuette : J'ai quelques questions à poser à M. Foster. Je vais essayer d'être bref.

Monsieur Foster, à la page 4 de votre exposé, vous dites :

Ces mesures, prises pour promouvoir la stabilité financière et faciliter l'accès au financement, ont aidé à calmer l'incertitude des marchés et appuyé une forte baisse des taux d'intérêt sur les prêts au consommateur.

Rien de moins.

Puis, vous dites :

En fait, certains prêteurs estiment que le PAPH en particulier a contribué à la baisse marquée des taux d'intérêt depuis octobre 2008.

Qui sont ces prêteurs?

M. Foster : Après que nous avons annoncé le programme, plusieurs PDG de banques ont mentionné que le financement à terme offert à des taux raisonnables par le truchement de ce programme leur a permis de réduire leur taux hypothécaire. Je n'ai pas de nom à citer, mais c'était des PDG de banques.

Quand je parle de taux de prêts au consommateur, je parle d'hypothèques et de crédit à la consommation. Vous pouvez comparer ce qu'ils étaient en octobre 2008 et ce qu'ils sont maintenant.

Le sénateur Ringuette : Oui, j'ai ça devant les yeux, dans le rapport du gouverneur de la Banque du Canada. Le 23 octobre 2008, selon ses indications, le taux de financement à un jour de la Banque du Canada se situait à 2,25 p. 100, ce qui était exact à ce moment-là. Le taux préférentiel des banques s'élevait à 4 p. 100.

Alors, la relation entre le taux préférentiel et les hypothèques est directe, et le taux à un jour de la Banque du Canada et le taux préférentiel de la banque sont reliés directement eux aussi.

La Banque du Canada a donc modifié son taux à un jour, qui était de 2,25 p. 100; il se situe maintenant à 0,25 p. 100, ce qui représente une diminution de 2 p. 100. Le taux préférentiel de nos banques est passé de 4 p. 100 à 2,25 p. 100, soit une diminution de 1,75 p. 100, et le taux hypothécaire fixe pour cinq ans est passé de 7,2 p. 100 à 5,8 p. 100.

En dernière analyse, l'acquisition de toutes ces hypothèques n'a rien à voir avec le déclin du taux hypothécaire de la banque. Il a tout à voir avec le marché du financement national et international. Par exemple, le taux de la Banque du Canada a diminué de 2 p. 100 pendant la période en question; les taux préférentiels des banques ont baissé de 1,75 p. 100; et le taux hypothécaire a diminué de 1,36 p. 100.

Je ne sais pas ce que l'acquisition de tous ces baux d'automobile, de toutes ces hypothèques a vraiment permis d'accomplir sur le marché, étant donné que deux choses ont réglé tout cela : l'injection de 30 milliards de dollars par la Banque du Canada dans le marché canadien a réglé la question de la liquidité; et le taux de financement à un jour de la Banque du Canada a joué sur les hypothèques et les taux préférentiels des banques.

Vous rendez compte de l'application de politique gouvernementale.

J'ai une autre question à vous poser, monsieur Foster.

C'est à propos de notre dette fédérale, qui a augmenté de 5,8 milliards de dollars en 2008-2009. Selon les prévisions, elle devrait augmenter de 55,9 milliards de dollars durant l'exercice en cours. Tout cela pris en considération, en deux ans seulement, tous les efforts que nous avons déployés pour rembourser la dette depuis huit ans ont été anéantis. La dette par habitant du gouvernement du Canada s'élève actuellement à 40 755 $. Est-ce bien cela, monsieur Foster?

M. Foster : Je présume que c'est le cas, si vous avez les statistiques devant les yeux.

Le sénateur Ringuette : Je fais mes devoirs.

C'est un triste état de fait, et je crois que vous devriez mettre un terme à cette aventure, ces achats que vous faites avec l'argent des contribuables canadiens.

[Français]

Le sénateur Carignan : Ma question s'adresse aux représentants de la Banque de développement. Est-ce que ce programme a coûté ou rapporté quelque chose aux Canadiens? Le cas échéant, combien a-t-il coûté ou rapporté? Parce que ce que je comprends, c'est que vous avez racheté des prêts pour lesquels vous avez la possibilité de faire une perte ou un gain.

M. Buron : Monsieur le sénateur, pour le moment, comme l'a expliqué Mme Cruikshank, on n'a pas fait de transaction. On a émis des engagements dans le marché qui ont permis aux originateurs d'avoir la certitude qu'ils étaient capables de se financer. Ils ont utilisé ces engagements pour faire des affaires, de continuer leur vente dans le marché. Le résultat a donc été très positif au niveau de l'économie canadienne, sans pour autant que la BDC, à travers la facilité, ait encore à investir de l'argent.

On a fait une deuxième série d'engagements, au moins de septembre. On a signé d'autres engagements à ce moment- là, et on est en train de travailler sur les transactions. Des investissements seront fort probablement faits au cours des prochains mois. De ces investissements, la BDC devrait tout simplement être capable de dégager une rentabilité adéquate. Pour le moment, les seuls coûts qui ont été engagés par la BDC sont des coûts administratifs.

Le sénateur Carignan : Je comprends donc que cette activité est une activité de rendement pour la banque et non une activité d'opération de déficit. Quand on achète des prêts de double cotation AAA, on a une certaine sécurité.

M. Buron : Le programme a été bâti afin d'aider le marché et de protéger le contribuable. On s'attend donc normalement, en faisant cette transaction, à dégager un certain rendement, effectivement.

Le sénateur Carignan : Est-ce que vous avez une idée du rendement?

M. Buron : En regardant le taux qu'on va charger, où l'on a émis des engagements, encore une fois, à 150 points de base au-dessus du coût d'emprunt du gouvernement, en réalité, la marge de profit devrait donc être aux alentours de 150 points de base, et on doit déduire de cela, évidemment, les frais d'opération.

Le sénateur Carignan : Vous n'envisagez pas vraiment de mauvaises créances, compte tenu de la qualité des titres?

M. Buron : Étant donné que ce sont des AAA, la certitude qu'on peut avoir est au niveau des AAA, il peut toujours arriver quelque chose, mais c'est quand même un très bon risque pour le contribuable.

Le sénateur Carignan : Vous avez parlé des originateurs, vous avez parlé de GMAC, de Chrysler Finance. Est-ce que, dans ces originateurs, il y a également des fournisseurs d'équipement industriel, par exemple? Et le cas échéant, de quel type d'industrie?

M. Buron : Il y a effectivement des fournisseurs d'équipement, surtout pour les activités lourdes, au bout de la ligne. Mais ce sont de grands fournisseurs d'équipement.

Le sénateur Carignan : Donc cela peut inclure les foresteries, ce n'est pas uniquement des manufacturiers automobiles?

M. Buron : Non, pas uniquement des manufacturiers automobiles.

Le sénateur Carignan : Mon autre question s'adresse à M. Foster. Le montant de la dette qui est inscrit jusqu'à maintenant, qui a été déboursé, est-ce que c'est la dette réellement engagée, au moment où vous l'avez dépensée, ou au moment où l'argent a été sorti, ou est-ce seulement des engagements qui ont été pris jusqu'à maintenant, sans que l'argent soit décaissé?

[Traduction]

M. Foster : Les chiffres que j'ai donnés en rapport avec le montant total de la dette représentent le montant total des émissions que nous avons faites jusqu'à maintenant et que nous prévoyons faire. La limite fixée est prospective. Nous ne l'atteindrons peut-être pas.

À part cela, oui, les statistiques données pour l'an dernier, par exemple, renvoient aux émissions faites soit pour financer le déficit, soit pour financer les programmes de dépenses ou encore, comme je l'ai mentionné, pour investir dans les blocs de créances hypothécaires.

[Français]

Le sénateur Carignan : C'est un endettement total net, ce n'est pas un montant engagé seulement?

M. Foster : Oui.

[Traduction]

Le président : Je voudrais m'assurer de bien comprendre. La Banque de développement du Canada voulait mettre en place une facilité de crédit d'une valeur de 12 milliards de dollars. Vous avez participé à un processus de soumissions et vous avez pris des engagements. Comme l'a signalé le sénateur Ringuette, cela n'a pas fonctionné parce que vos écarts de taux étaient trop grands. Vous avez continué. Vous procédez maintenant à une deuxième allocation, et vous pensez que vous réussirez à en tirer quelques contrats parce que le marché en a besoin.

Avez-vous eu à sortir de l'argent de cette facilité de crédit de 12 milliards de dollars jusqu'ici?

M. Buron : Pour l'instant, aucun argent n'est sorti de cette facilité.

Le président : C'est bien ce que j'avais compris. Si jamais il vous faut sortir de l'argent de cette facilité de crédit de 12 milliards de dollars, proviendra-t-il du pouvoir de contracter des emprunts de la BDC ou cela fera-t-il partie de ce que M. Foster vient de nous décrire, c'est-à-dire du pouvoir de contracter des emprunts du ministre?

M. Foster : En réalité, cela proviendra des deux sources. Nous prêterons le montant d'argent à la Banque de développement du Canada, jusqu'à concurrence de 12 milliards de dollars, dans le cadre de ce nouveau programme que j'ai mentionné où les emprunts de trois sociétés d'État sont consolidés et où nous leur prêtons directement. Cet emprunt prendra la forme d'un passif sur le bilan financier de la BDC, un emprunt du gouvernement du Canada, compensé par un actif, jusqu'à concurrence de 12 milliards de dollars en titres adossés à des créances mobilières.

Le président : On peut présumer qu'il y a déjà de l'argent qui circule. S'agit-il d'un chiffre annuel cumulatif, ou est-ce là le seul montant qui doit être renouvelé?

M. Foster : Les 12 milliards de dollars?

Le président : Non, le plein montant dont vous avez indiqué que le gouverneur en conseil a autorisé le ministre à emprunter au cours d'une année donnée.

M. Foster : C'est calculé à l'aide d'une formule. En gros, on prend le montant des titres à court terme en cours, qui sont nos bons du Trésor, lesquels s'évaluent à environ 200 milliards de dollars à l'heure actuelle. On y ajoute alors les émissions brutes d'obligations, les opérations d'emprunt grand public, les obligations d'épargne du Canada, toute émission étrangère que nous faisons. Par conséquent, 200 milliards de dollars plus, disons jusqu'à 170 milliards de dollars de plus, pour un total d'environ 370 milliards de dollars, au moyen d'obligations et de ces autres véhicules financiers.

Ce montant inclut une composante d'actions, en ce sens que la dette à court terme est incluse dès le départ. Au début de l'année, nous aurons déjà utilisé, disons, 200 milliards de dollars des 370 milliards de dollars que j'ai mentionnés. Le reste se trouve sous la forme d'émissions brutes d'obligations.

Le président : Dont vous avez eu besoin pendant cette année?

M. Foster : Oui, c'est exact.

Le président : Certaines de ces obligations ne viennent pas à échéance pendant cette année; vous n'avez pas besoin d'emprunter pour compenser pour ces obligations?

M. Foster : C'est exact.

Le sénateur Mitchell : Je m'intéresse à la question du risque que posent ces processus pour le gouvernement du Canada. Vous l'avez bien expliqué, mais c'est complexe. Je vais donc vous poser quelques questions qui pourraient vous paraître un peu bizarres, mais vos réponses nous seront utiles.

À quand remonte la dernière fois où le gouvernement du Canada a aidé les banques? Nous avons effectivement aidé les banques, n'est-ce pas? Nous avons acquis de mauvaises créances et de bonnes créances pour leur permettre d'avoir des liquidités?

M. Foster : Le seul exemple que je peux vous donner provient du programme préféré du sénateur Ringuette, le Programme d'achat de prêts hypothécaires assurés, dans le cadre duquel nous avons acheté des créances inscrites au bilan financier de banques.

Le sénateur Mitchell : Était-ce pour une valeur de 74 milliards de dollars?

M. Foster : Jusqu'ici, le montant s'élève à environ 70 milliards de dollars. Il peut aller jusqu'à 125 milliards de dollars, mais le ministre a annoncé que le programme serait prolongé jusqu'à la fin de mars. Au rythme où vont les choses présentement, nous n'approcherons même pas les 125 milliards de dollars, peut-être 90 milliards de dollars. Je ne me rappelle pas — il y a très longtemps, peut-être — un seul programme où le gouvernement a acheté des créances appartenant à des banques. Ce ne serait que dans le contexte, peut-être, d'une résolution bancaire où une banque ou une fiducie aurait fait faillite et où la Société d'assurance-dépôts du Canada aurait acheté des créances ou favorisé la fusion d'une institution, mais cela aurait été il y a fort longtemps.

Le sénateur Mitchell : Ces 74 milliards de dollars ont servi à acheter des créances?

M. Foster : À l'achat d'hypothèques, qui étaient garanties, alors c'est un peu comme d'acheter ses propres créances.

Le sénateur Mitchell : Garanties par le gouvernement du Canada par le truchement de la SCHL?

M. Foster : Oui.

Le sénateur Mitchell : C'est formidable. Depuis ce temps, nous avons entendu beaucoup de choses, et il est de bon augure que tout soit en bon état. En même temps, vous créez cette facilité et investissez dans des instruments de crédit qui soutiennent l'industrie; l'industrie de l'automobile et d'autres industries. L'industrie de l'automobile vous appuie déjà dans une certaine mesure, mais allez-vous travailler encore plus en ce sens, ou est-ce le début de la fin de ce soutien?

M. Foster : Nous avons fait en sorte que le Programme d'achat de prêts hypothécaires assurés et la Banque du Canada injectent des liquidités directement dans des institutions financières réglementées pour leur permettre de continuer à faire des prêts. La véritable cible de ce programme, ce sont les établissements non réglementés qui ne prennent pas de dépôts et qui prêtaient de l'argent aux Canadiens et aux entreprises canadiennes, et qui avaient recours à la titrisation et aux marchés financiers pour obtenir du financement. Cette source s'est tarie, elle s'est asséchée. Ce programme a été conçu pour aider ce secteur, qui était important.

Le sénateur Mitchell : Pourriez-vous nous donner un exemple d'une entreprise de ce secteur?

M. Foster : Crédit Ford du Canada. Les entreprises de location-financement qui ne sont pas réglementées, qui ne prennent pas de dépôts, mais qui se financent grâce à ce mécanisme.

Le sénateur Mitchell : Je pense que c'est là que se trouve la contradiction soulignée par le sénateur Ringuette. Nous avons aidé les banques, et elles sont maintenant plus fortes, et pourtant, elles ne répondent pas aux demandes d'entreprises comme Crédit Ford. Peut-être qu'elles ne leur prêtent jamais d'argent; je ne sais pas. Il me semble que si les banques sont fortes, c'est un signe que le marché du crédit est relativement solide. Nous avons aidé les banques. Pourquoi ne répondent-elles pas à cette demande? Est-ce trop risqué? Si c'est le cas, comment peut-on dire qu'il s'agit de créances AAA et qu'il est approprié pour nous d'investir dans de telles créances. Voyez-vous la contradiction?

On dirait que nous nous faisons dire que les marchés se portent beaucoup mieux, et pourtant ils ne répondent pas à une importante demande du marché; sinon, vous ne seriez pas occupés à mettre en place cette facilité.

M. Foster : Les banques ont commencé à combler une partie de ce besoin, mais elles sont bien loin d'avoir comblé la lacune qui existait. Le marché de la titrisation était un marché de 100 milliards de dollars. Il a connu une chute spectaculaire. Les banques font concurrence à Crédit Ford et ces autres entreprises captives, n'est-ce pas, alors elles n'ont pas intérêt à leur prêter de l'argent pour leur permettre d'être plus concurrentielles dans le domaine du prêt automobile et ainsi de suite.

Le sénateur Mitchell : En temps normal, Crédit Ford aurait obtenu l'argent de Ford?

M. Foster : Au moyen des marchés financiers, de l'émission de TACM, que la BDC aurait achetés.

Le sénateur Mitchell : Et maintenant, trop peu d'investisseurs institutionnels acceptent de lui donner de l'argent en raison du risque perçu.

Je ne remets pas vos propos en question, j'ai seulement besoin de bien comprendre. Par ailleurs, vous nous dites que vous n'achetez que des instruments de crédit cotés AAA. C'est la meilleure cote qu'on peut avoir. Si c'est le cas, pourquoi est-ce que ces autres investisseurs institutionnels ne veulent pas y investir? Si cette partie du marché vous dit que ce type d'investissement est trop risqué, alors à qui donc vous fiez-vous pour vous dire que ce ne l'est pas?

Ensuite, je me rappelle que l'un des gros problèmes avec les prêts hypothécaires à haut risque était qu'il s'agissait de groupes d'hypothèques titrisées; à l'époque, elles étaient évaluées comme des AAA, mais bien entendu, elles étaient parsemées de toutes sortes de choses pas si AAA. Je suis certain que vous avez passé tout cela au peigne fin, mais j'aimerais que vous m'en donniez la preuve.

Mme Cruickshank : Il y a quelques questions différentes.

M. Buron : Tout le marché des TACM a été éclaboussé par les prêts hypothécaires à haut risque et les créances risquées mal évaluées. Le marché que nous visons, soit les locations et les baux d'automobile et d'équipement, n'a pas été si touché. Il nous faut comprendre que le produit — les TACM — a été entaché et suscite la méfiance, mais certains produits n'ont pas été touchés. L'une des agences de cotation nous a fait parvenir un rapport sur l'émission de locations et de baux automobiles, les TACM et le marché. Après les 12 derniers mois, où le marché a connu bien des difficultés, tous les émetteurs se conforment aux paramètres et obtiennent des rendements raisonnables pour leurs investisseurs. Ces produits ne connaissent pas de difficultés présentement, mais les investisseurs ont décidé de ne pas y mettre leur argent parce qu'ils sont entachés.

Nous savons que beaucoup de valeur s'est volatisée du marché. Par exemple, les différentes caisses de retraite et les investisseurs institutionnels doivent rééquilibrer leurs portefeuilles respectifs et trouver d'autres produits qui puissent leur permettre de récupérer l'argent de leurs pensionnés. Il y a des risques qu'ils ne prendront pas et certains produits qu'ils n'achèteront pas. Ils s'attendent également à une certaine transparence de ces produits, ce qu'ils n'obtiennent pas à l'heure actuelle. La FCCG est nécessaire pour créer des liquidités afin d'aider les émetteurs à faire des transactions et à contribuer à une plus grande transparence du marché pour favoriser le retour et la participation des investisseurs.

Le sénateur Mitchell : Vous arrive-t-il de revendre en retour?

M. Buron : Si le marché nous le permet, oui, nous revendons.

Le sénateur Di Nino : J'aimerais que nous portions notre attention sur le but de ces interventions gouvernementales dans des domaines où le gouvernement n'a pas l'habitude de s'aventurer. S'agit-il d'une intervention gouvernementale?

M. Buron : Oui.

Le sénateur Di Nino : Si je comprends bien, quand l'existence de la récession a été établie, le gouvernement du Canada et les gouvernements de partout dans le monde, assurément les gouvernements occidentaux, ont décidé qu'il leur fallait créer une certaine confiance dans les marchés en y injectant des liquidités dans l'espoir d'en assurer la stabilité. La facilité dont la BDC a eu la responsabilité n'était que l'une de différentes interventions du gouvernement fédéral. Si elle avait pour but de créer la confiance et de commencer à rétablir un peu de stabilité sur les marchés, le simple fait que les fonds étaient disponibles a contribué à créer cette confiance, même si personne n'a saisi l'occasion au cours de la première allocation. Est-ce exact?

M. Foster : Certainement. C'est ainsi que nous aimons raconter l'histoire, même si pas un seul dollar n'a été investi.

Le sénateur Di Nino : Et personne n'a écrit cette question pour moi non plus.

Si le gouvernement fédéral, au nom des contribuables, a décidé que cette intervention était nécessaire pour stabiliser les marchés et remettre l'économie sur les rails, à votre avis, à tout le moins du point de vue de la facilité qui nous occupe et de la BDC en général, l'objectif a-t-il été atteint?

M. Buron : C'est une question intéressante. Rappelez-vous notre processus. Nous avons consulté tous les intervenants : les émetteurs, les banques qui avaient joué un rôle dans ce marché auparavant, les investisseurs et les agences de cotation. Nous avons rencontré tout le monde qui participe au marché de la titrisation au Canada. Les modalités ont été établies grâce à ces consultations. Nous sommes convaincus que la facilité a été établie d'une manière qui répond bien aux demandes du marché.

Tous les commentaires que nous avons reçus des participants étaient positifs, même après la première allocation. À l'époque, le marché connaissait de tels bouleversements que les émetteurs et les participants à notre économie étaient incapables d'obtenir du financement parce qu'il n'y avait pas de point de repère. Ils n'avaient pas la moindre idée des coûts associés au risque. Nous avons maintenant fixé un prix : c'est 350 points de base à ajouter au coût du financement. Le point de repère a été fixé, et ils ont été en mesure d'aller sur le marché et tenter de faire mieux. Ils cherchent à faire mieux que ce qu'offre le gouvernement. Et nous étions contents, parce que c'est ainsi que le système devrait fonctionner. Certains d'entre eux ont réussi à obtenir du financement privé plutôt que sur le marché public. Nous savons que certains des investissements provenaient de l'étranger plutôt que du Canada, ce qui pourrait être un autre problème. Ils ont été en mesure d'obtenir du financement parce que la référence a été établie, ce que la FCCG a fait pour eux. Ils en étaient reconnaissants.

Au fil du temps, et avec l'arrivée de la deuxième allocation, des participants savaient que nous allions changer les modalités parce qu'il nous faudrait nous adapter aux conditions réelles du marché. Par conséquent, nous avons baissé le prix et modifié les modalités et devinez quoi? Ils sont de retour et participent de nouveau. Présentement, nous travaillons à des transactions, parce que nous sommes plus près du marché que nous l'étions il y a trois ou quatre mois. Ils sont très heureux des modalités qui ont été établies cette fois-ci. Nous sommes convaincus que cette deuxième allocation nous permettra de faire quelques transactions.

Le sénateur Di Nino : Tout a fonctionné.

M. Buron : Oui, ça a fonctionné.

Le président : Le véritable enjeu consiste à savoir s'il est toujours nécessaire que vous soyez là. Nous avez affirmé que c'est le cas. Selon une annonce récente, General Motors Acceptance Corporation éprouve des difficultés à obtenir du financement, de sorte qu'elle ne sera pas en mesure de participer au financement dans la mesure qu'elle l'espérait peut- être. Êtes-vous toujours là en raison de ce problème?

M. Buron : C'est une partie du marché. Les problèmes de GMAC sont bien connus. Ce n'est pas la première fois qu'elle demande l'aide du gouvernement américain. Je pense que c'est la troisième fois.

Le président : Ils sont de retour pour demander encore plus d'argent.

M. Buron : Cela ne m'étonne pas.

Cela dit, nous sommes allés faire la deuxième allocation sur le marché, et les participants nous ont dit que le soutien de la FCCG est toujours nécessaire, à tout le moins pour fixer les repères et pour aider le marché à se comporter normalement. Nous avons changé les modalités. Cette fois, pour obtenir un engagement de la BDC, ils doivent payer une commission. Il leur faut maintenant payer pour avoir cette option.

Le président : Vous devez faire de l'argent.

M. Buron : Certainement.

Le sénateur Di Nino : Nous devons payer leurs salaires.

La FCCG a évolué pour s'adapter aux nouvelles conditions du marché, et je crois que nous avons réussi.

Le sénateur Callbeck : Le 9 octobre, vous avez dit « lettres d'engagement signées reçues ». À quel montant d'argent correspondent ces lettres d'engagement?

M. Buron : Avec tout le respect que je vous dois, sénateur, nous voulons que cette information reste confidentielle, parce que nous administrons une facilité ouverte qui sert les participants selon le principe du premier arrivé, premier servi. Certains émetteurs pourraient tirer parti d'une telle information, de sorte qu'elle doit rester confidentielle.

Mme Cruikshank : Au fur et à mesure que les transactions sont complétées, ces renseignements deviendront entièrement publics. Comme les créances sont achetées par la BDC, cette information serait certainement divulguée.

Le sénateur Callbeck : Je croyais que cela signifiait un engagement signé, mais ce n'est pas le cas.

Le président : En réalité, c'est une offre.

M. Buron : C'est une offre d'achat. C'est une offre d'achat ferme.

Le président : Oui. Vous utilisez un lexique et un jargon qui nous sont quelque peu étrangers. Pardonnez-nous de vous poser des questions dont les réponses vous semblent évidentes, mais elles ne le sont pas pour nous.

Nous vous remercions de vous être déplacés pour venir ici ce soir et pour nous avoir présenté ce compte rendu. Nous attentons avec intérêt votre prochain compte rendu, en temps opportun.

Honorables sénateurs, pour la deuxième partie de cette réunion, nous aborderons l'état actuel de l'économie, sujet qui devrait s'enchaîner harmonieusement avec la discussion que nous venons d'avoir sur deux programmes précis.

[Français]

Pour cette discussion, nous souhaitons la bienvenue à M. Benoit Robidoux, directeur général, Direction de la politique économique et fiscale au ministère des Finances.

[Traduction]

Je vous demanderais encore une fois votre coopération. Nous commençons avec un peu de retard, mais comme M. Robidoux est notre seul témoin, je pense que la discussion pourra respecter l'horaire.

[Français]

Benoit Robidoux, directeur général, Direction de la politique économique et fiscale, ministère des Finances Canada : Monsieur le président, je vous remercie. En quelques minutes, je donnerai un bref aperçu de la situation économique.

L'économie mondiale émerge de la récession mondiale la plus grave et la plus généralisée des 60 dernières années. Cette contraction de l'économie mondiale continue d'avoir une incidence marquée sur l'économie canadienne. La crise des marchés financiers mondiaux, conjuguée à la forte chute de la demande extérieure a fait baisser les exportations canadiennes, a affaibli l'emploi et a miné la confiance des entreprises et des consommateurs.

Dans l'ensemble, le Canada s'est nettement mieux tiré d'affaire que la plupart des autres pays avancés au cours de la dernière année, et ce, en dépit de nos liens commerciaux étroits avec les États-Unis, qui ont grandement souffert de la récession.

Ces derniers mois, des signes de stabilisation économique et financière ont commencé à poindre. Les conditions des marchés financiers se sont nettement améliorées, en bonne partie à cause des mesures exceptionnelles adoptées par les gouvernements et les banques centrales. Après avoir affiché de fortes contractions à la fin de 2008 et au début de 2009, l'activité économique s'est contractée à un rythme significativement plus faible et certains pays ont connu une expansion au deuxième trimestre de 2009. Les prévisionnistes du secteur privé continuent de s'attendre à ce que l'économie canadienne connaisse une reprise à compter de la deuxième moitié de 2009, reprise qui s'accélérera en 2010. Ces attentes sont conformes à l'évolution récente de l'économie.

Le produit intérieur brut réel du Canada s'est stabilisé au cours des deux derniers mois. Il est demeuré inchangé en juillet, après une hausse en juin, précédé de dix baisses mensuelles consécutives. Le niveau de l'emploi a augmenté tant en août qu'en septembre. La confiance des consommateurs, les dépenses de consommation, l'activité dans le secteur du logement ont aussi progressé au cours des derniers mois.

Même si les signes d'une reprise économique sont encourageants, les perspectives économiques demeurent incertaines.

[Traduction]

Merci, monsieur le président.

Le président : Merci de cette brève introduction, monsieur Robidoux.

Le sénateur Di Nino : Nous observons sans le moindre doute une certaine amélioration de l'économie. De manière générale, tout le monde en convient, et vous venez de nous offrir des statistiques à l'appui. Cependant, j'aimerais voir si vous pourriez m'aider à dissiper l'une de mes préoccupations.

Je suis préoccupé par le fait que l'amélioration que nous observons ne soit pas réellement une amélioration économique ou un changement de conditions économiques dans notre pays, mais qu'elle soit principalement attribuable aux énormes mesures de relance. Quand elles prendront fin, nous n'aurons peut-être pas les résultats escomptés.

Je ne sais pas si je me suis bien exprimé, mais pourriez-vous vous attaquer à cette question en premier?

M. Robidoux : Je serais d'accord, et la plupart des prévisionnistes du secteur privé et la Banque du Canada le seraient aussi, avec le fait que l'amélioration que nous observons est en grande partie animée par d'énormes mesures de relance financières et budgétaires qui contribuent à stabiliser l'économie et à la relancer dans la bonne direction, du côté du Nord. C'est la première fois depuis un bon bout de temps que nous avons traversé une récession aussi grave. Par le passé, nous avons traversé une récession, et c'est la manière de relancer l'économie, au moyen de politiques financières et fiscales. Par conséquent, ce n'est rien de nouveau.

Cependant, il y a longtemps que nous n'avons pas connu une récession aussi grave et aussi généralisée à l'échelle mondiale. Le fait que la récession était aussi synchronisée, que la relance devait commencer partout et qu'il n'était pas possible de trop s'appuyer sur son voisin est préoccupant. Toutefois, tout le monde a employé la bonne politique, elle devrait fonctionner et, effectivement, elle fonctionne présentement.

La prochaine étape consiste à mettre fin à la stratégie de relance de l'économie au moyen de politiques financières et budgétaires et à amener le secteur privé à prendre le relais et à assurer la croissance de l'économie. Il y a une part d'incertitude; il y a des risques dans une direction comme dans l'autre, mais, d'après les précédentes récessions, on peut s'attendre à ce que le secteur privé reprenne son rôle. Par exemple, la consommation au Canada fait bonne figure. Le bilan financier des ménages se porte plutôt bien également. La satisfaction des consommateurs est au rendez-vous et pourrait croître. Le marché du logement va plutôt bien. L'investissement commercial devrait suivre à un certain moment et devrait faire son chemin dans le système.

Il n'est pas juste d'affirmer que nous ne sommes pas sur la voie de la relance. Il est parfaitement exact que c'est la politique financière et budgétaire qui sert d'impulsion à la relance au tout début du cycle. C'est la véritable impulsion de la relance. Cependant, cela ne veut pas dire que le secteur privé ne prendra pas la relève dans quelques trimestres. C'est d'ailleurs ce que tout le monde souhaite.

Le sénateur Di Nino : Vous avez dit que c'est ce que tout le monde souhaite. Dans vos commentaires, vous avez dressé la liste de quelques signes, dont le marché du logement. Nous avons vu le secteur privé reprendre du poil de la bête, si vous me permettez. Nous l'avons également vu saisir la balle au bond dans d'autres domaines. Avez-vous des statistiques à nous faire connaître?

M. Robidoux : Comme je le disais, le secteur du logement se débrouille plutôt bien, tout comme le secteur de la consommation. Les Canadiens ont recommencé à consommer, et le commerce de détail connaît une croissance nominale et réelle. Les consommateurs font acte de présence, et c'est une grosse partie de l'économie. Nous allons peut-être observer les premiers signaux d'investissements commerciaux en machinerie et en équipement, des choses de ce genre. Toutefois, les investissements commerciaux dans des choses comme la construction, le bâtiment et ainsi de suite prendront un peu plus de temps, parce que ce marché est plus touché.

Les entreprises pourraient très bien recommencer à investir. Par exemple, tout récemment, l'importation de machinerie et d'équipement était très forte, de sorte que nous pourrions voir le retour d'entreprises et l'augmentation de leurs investissements plus tôt que prévu. Au Canada, la demande intérieure se porte très bien; cela ne fait aucun doute. Si nous regardons ce qui se passe à l'extérieur du pays, la demande intérieure se porte bien, mais pas autant que ce que nous constatons au Canada. Aux États-Unis, l'investissement en consommation est moins important et moins solide.

Le sénateur Di Nino : Je serais d'accord avec vous pour dire que les États-Unis sont une source de préoccupation, mais je suis convaincu que les mesures de relance étaient un tout — et je suis d'accord avec vous à ce sujet — qui a été adopté, plus particulièrement par le G20, mais également par d'autres pays. Ces mesures ont permis de créer cette confiance et cette stabilité qui sont nécessaires pour être en mesure de revenir à l'état normal. Je me demandais si vous aviez des exemples à nous offrir, mais vous avez répondu à cette question.

Je voudrais que nous parlions davantage des États-Unis. Personne ne veut voir se produire ce qui a sans doute entraîné la Dépression des années 30, quand chacun s'est mis à se couper du reste du monde et à pratiquer ce que nous appelons le protectionnisme. J'ai eu l'impression que le protectionnisme a pointé le bout de son vilain nez aux États- Unis il y a quelques mois. Cependant, d'après ce que j'ai pu constater, cette préoccupation s'est un peu dissipée et a moins touché les États-Unis. Plus particulièrement, après la rencontre entre le président Obama et le premier ministre Harper, les États-Unis semblent avoir fait volte-face, dans une certaine mesure, quant aux mesures protectionnistes qu'ils envisageaient il y a quelques mois. Est-ce que j'évalue bien la situation?

M. Robidoux : Je ne sais pas grand-chose de plus que vous à ce sujet. Ce que j'en ai lu correspond exactement à ce que vous venez de décrire : ils travaillaient à faire en sorte que le Canada ne soit pas touché par les dispositions « Buy American » à l'avenir. Des progrès ont été effectués, mais je n'en sais pas plus.

Le sénateur Di Nino : J'ai terminé pour l'instant.

Le président : Monsieur Robidoux, vous avez mentionné l'augmentation de la consommation. Est-ce que vous en attribuez une partie aux mesures prises par le Parlement pour prolonger l'assurance-emploi? Nous allons remettre ça avec le projet de loi C-50. Croyez-vous que, lorsque cette prolongation sera expirée, l'augmentation de la consommation ne se maintiendra pas?

M. Robidoux : Il est manifeste que l'assurance-emploi et les autres mesures que nous avons prises ont contribué à soutenir la consommation. Par exemple, sur le marché du logement, le Crédit d'impôt pour la rénovation domiciliaire a aidé à soutenir la rénovation, et ce secteur a connu des progrès rapides récemment.

En ce qui concerne les autres, je dirais qu'il y a de l'incertitude, et que nous devrons faire attention à la manière dont nous mettrons fin à ces mesures. En principe, en 2010, nous devrions constater une reprise, une stabilisation et une assez bonne solidification de secteurs comme la consommation, l'investissement, le commerce et le logement. À ce moment-là, je ne craindrais pas du tout de mettre fin à ces mesures si l'économie se comporte comme le prévoient actuellement les prévisionnistes du secteur privé, qui avancent des prévisions relativement prudentes.

Le président : Prévoyez-vous une augmentation des possibilités d'emploi dans le cadre de cette relance économique?

M. Robidoux : Le secteur privé s'attendait à une stabilisation du marché de l'emploi, pas à des gains solides. Du côté de l'emploi, les événements récents nous permettent d'être plus optimistes. Je ne crois pas que nous soyons totalement sortis de l'auberge. Personne ne croit cela. Manifestement, certains chiffres mensuels pourraient chuter, mais, dans l'ensemble, les deux derniers mois se sont révélés étonnamment positifs du côté de l'emploi. Les choses semblent s'être stabilisées plus rapidement que prévu par les prévisionnistes du secteur privé.

En 2010, plutôt qu'une stabilisation, nous pourrions très bien voir une augmentation de l'emploi et une chute plus rapide que prévu du taux de chômage. Cela dépend de la tendance de la demande que nous observerons en 2010.

Le sénateur Gerstein : Monsieur Robidoux, le premier ministre Harper a récemment présenté son troisième rapport sur le Plan d'action économique du gouvernement. En un peu plus de 100 jours, le gouvernement s'est engagé envers quelque chose comme 7 500 projets, et 4 000 d'entre eux ont été financés. Je pense qu'une proportion de 90 p. 100 du programme a été mise en œuvre.

Selon vous, comment faut-il faire le suivi ou évaluer les projets qui sont en chantier? En faites-vous le suivi ou la surveillance d'une façon ou d'une autre? Les évaluez-vous?

M. Robidoux : Pour rédiger ces rapports, il nous faut travailler en étroite collaboration avec les ministères responsables de ces programmes. Ils nous font des comptes rendus. Manifestement, ils font le suivi de chacun de leurs programmes et surveillent ce qui se passe.

Le sénateur Gerstein : Vous considérez qu'ils réussissent raisonnablement bien?

M. Robidoux : Vous voulez dire en matière de mise en œuvre?

Le sénateur Gerstein : Oui.

M. Robidoux : J'estime que l'ensemble des mesures était très bien équilibré, avec les améliorations apportées aux prestations d'assurance-emploi et les réductions d'impôt pour aider les industries, y compris le secteur de l'automobile. Les mesures engageaient des fonds dès le départ et ont très bien fonctionné. Une proportion importante des mesures appuyaient l'industrie de la construction au moyen de logement social et d'infrastructure, de concert avec les provinces et les municipalités. Cette partie s'est mise en place pendant tout l'été et se poursuivra pendant l'automne et la prochaine année. Nous entreprenons la deuxième partie du train de mesures, et je pense que ça fonctionne plutôt bien présentement.

L'ensemble des mesures a été conçu pour relancer immédiatement l'économie, dès le départ; ensuite, des projets comme ceux liés à l'infrastructure, qui sont un peu plus longs à lancer et à mettre en place, ont lieu pendant la deuxième vague. C'est ce que nous observons maintenant. Dans l'ensemble, au ministère, nous sommes assez satisfaits du rythme de la mise en œuvre.

Le sénateur Ringuette : Dans votre présentation, vous dites que vous avez mené une enquête auprès des prévisionnistes du secteur privé.

M. Robidoux : Oui.

Le sénateur Ringuette : De quel type d'enquête s'agit-il? Quel échantillon était couvert par l'enquête?

M. Robidoux : L'enquête couvrait tous les principaux prévisionnistes du secteur privé au Canada — ils sont donc tous situés au Canada. Cela comprend toutes les principales banques; d'autres, comme Merrill Lynch, une banque américaine qui possède des bureaux au Canada, en font également partie. L'enquête inclut également des universitaires et des entreprises de prévisions financières. L'enquête couvre la plupart des principaux prévisionnistes au pays qui acceptent d'y participer.

Le sénateur Ringuette : Je compare les données publiées par le gouverneur de la Banque du Canada que j'ai reçues il y a deux heures avec votre graphique 1 sur les perspectives de croissance réelle du PIB qui s'appuient sur les prévisionnistes du secteur privé. Je regarde le graphique 20 du gouverneur de la Banque du Canada, selon lequel le PIB réel doit connaître une reprise dans la deuxième moitié de 2009, et je les compare.

En 2009, les deux graphiques montrent une croissance au troisième trimestre. Cependant, la suite est très différente, en ce qui concerne 2010. Tous vos trimestres affichent une légère croissance en 2010, mais le gouverneur de la Banque du Canada prévoit le début d'un déclin de la croissance réelle du PIB au cours du troisième trimestre, dans un an, déclin qui se poursuivra en 2011.

M. Robidoux : La croissance va chuter. Comme je n'ai pas sous la main les données que vous avez de la Banque du Canada, je ne peux qu'imaginer ce que vous avez en tête.

Le sénateur Ringuette : Cela se trouve à la page 23 du Rapport sur la politique monétaire de la Banque du Canada. Je tente d'évaluer qui dit vrai en matière de prévisions financières. Qui devrions-nous croire? Devrions-nous croire le gouverneur de la Banque du Canada, ou devrions-nous croire l'enquête menée auprès des prévisionnistes du secteur privé?

Le sénateur Mitchell : La seule chose sur laquelle on peut compter, c'est que ces deux prévisions sont erronées.

M. Robidoux : Nulle prévision n'est exacte. Une prévision n'est rien d'autre qu'une prévision.

Le sénateur Ringuette : Je laisserai ça de côté et affirmerai qu'aucune prévision n'est exacte.

M. Robidoux : Je vais expliquer la différence. La prévision que vous avez sous la main est la prévision de la Banque du Canada.

Le sénateur Ringuette : Alors vos prévisions de croissance ne sont sans doute pas exactes non plus?

M. Robidoux : Comme je le disais, une prévision n'est rien d'autre qu'une prévision, et la plupart du temps, elle se révèle être quelque peu erronée. Parfois, elle se rapproche davantage de la réalité, mais elle reste toujours une prévision.

Le président : Sera-t-elle conservatrice ou libérale?

Le sénateur Ringuette : Vous n'avez pas à répondre à ce commentaire.

M. Robidoux : Si je fais une comparaison avec le secteur privé, pour le deuxième et le troisième trimestres de 2009, les prévisions de croissance de la Banque du Canada sont légèrement plus élevées et, de manière plus importante, elles sont plus élevées en 2010. Le déclin que vous observez sur le graphique est attribuable au fait qu'on prévoit une croissance plus élevée au cours de la première moitié de 2010 et qu'il lui faut ensuite redescendre. Le secteur privé affiche une croissance plus faible.

Le sénateur Ringuette : Vos prévisions sont plus négatives.

M. Robidoux : Dans l'ensemble, les prévisions de la Banque du Canada sont plus élevées que celles du secteur privé dont nous nous sommes servis pour faire notre planification budgétaire.

Le sénateur Ringuette : Je suis d'accord. Le ministère des Finances avait l'habitude de se servir des prévisions du secteur privé.

M. Robidoux : C'est ce que nous faisons depuis 1994.

Le sénateur Ringuette : Nos exportations, qui connaîtront une baisse de 4,4 p. 100 cette année, ont également fait l'objet d'une question. Les dispositions « Buy American » seront-elles retirées? Une importante proportion de nos exportations sont envoyées aux États-Unis. Je croyais que tous ces problèmes avaient été résolus quand nous avons signé l'ALENA.

M. Robidoux : Je ne suis pas un spécialiste de cette question, mais l'ALENA ne lie pas les provinces canadiennes ni les États des États-Unis. Il ne lie que le gouvernement du Canada et le gouvernement fédéral américain. L'ALENA ne couvrait pas les provinces.

Le sénateur Ringuette : Je ne suis pas au courant, mais il s'agit de plus que cela. L'ALENA couvrait également les entreprises privées.

M. Robidoux : Assurément, mais en ce qui concerne la possibilité pour le gouvernement d'imposer des contraintes en matière d'approvisionnement, ce que nous appelons les politiques d'approvisionnement, l'ALENA ne s'appliquait pas aux provinces ni aux États, et c'est toujours le cas.

Le sénateur Ringuette : Vous renvoyez à ce qui fait l'objet de discussions à l'heure actuelle. Je parle plutôt de l'entente actuelle signée entre le Canada, les États-Unis et le Mexique en matière de libre-échange.

Le président : Le témoin a expliqué qu'il n'est pas un spécialiste de cette question. Je pense que vous avez fait valoir votre point de vue.

Le sénateur Ringuette : Nous devrions peut-être inviter un témoin pour nous parler de ce sujet afin de mieux comprendre où nous allons.

Le président : Le sénateur Ringuette a mentionné les prévisions internes menées par le ministère des Finances, mais, habituellement, vous publiez les prévisions ministérielles externes, par opposition à vos prévisions internes. Enfin, c'est ce que j'ai l'habitude de vous voir nous présenter.

M. Robidoux : Oui.

Le président : Vous avez beaucoup de gens, un effectif assez important de personnes qui font des prévisions internes. Comment pouvons-nous avoir accès à ces prévisions?

M. Robidoux : Nous analysons sans cesse les prévisions du secteur privé. Chaque fois que nous utilisons leurs prévisions moyennes, nous les évaluons avant de nous en servir aux fins de planification fiscale. Bon nombre de nos gens qui travaillent en prévisions s'occupent de l'analyse du risque des prévisions du secteur privé.

Le président : Comment pouvons-nous obtenir vos prévisions? Nous ne voyons jamais les prévisions du secteur privé modifiées par le ministère des Finances.

M. Robidoux : Nous ne publions pas nos prévisions. Tout notre travail s'appuie sur les prévisions du secteur privé. Par exemple, pour le budget 2009, notre analyse nous a menés à croire que les prévisions du secteur privé, en moyenne, étaient trop optimistes; nous avons, pour l'essentiel, rajusté ces prévisions en fonction de l'analyse que nous en avions faite.

Le président : Vous n'effectuez pas vos propres prévisions internes, séparément des examens que vous menez des prévisions du secteur privé pour déterminer ensuite si vous êtes d'accord?

M. Robidoux : Nous le faisons la plupart du temps, mais seulement à titre d'outil pour évaluer les prévisions du secteur privé; cela nous sert de point de départ. Nous savons que la moyenne des prévisions du secteur privé constitue l'une des meilleures prévisions qu'il est possible d'obtenir sur le marché aux fins de la planification; nous sommes donc fermement convaincus qu'il s'agit d'un bon point de départ pour la planification budgétaire. Bien que nous effectuions toujours notre propre analyse pour évaluer le risque associé à ces prévisions, quand nous estimons que le risque est trop élevé dans un sens ou dans l'autre, nous expliquons pourquoi, et nous rajustons les prévisions.

ILe sénateur Di Nino : De combien de prévisionnistes du secteur privé individuels disposez-vous? Combien y en a-t- il, approximativement?

M. Robidoux : Il y en a de 15 à 20, et cela varie d'une enquête à l'autre. Parfois, ils ne participent pas parce que leurs données ne sont pas à jour et qu'ils préfèrent ne pas donner de prévisions.

Le sénateur Di Nino : Vous avez de 15 à 20 organismes qui sont spécialisés dans ce domaine et vous n'en utiliseriez jamais moins de 10?

M. Robidoux : C'est exact. Je ne peux pas me rappeler que nous en ayons jamais utilisé moins de 10.

Le sénateur Di Nino : Vous avez donc une bonne diversité d'opinions, puis vous contre-vérifiez. En réalité, vous vérifiez leur travail en menant votre propre analyse. Plutôt que de faire vos propres prévisions, vous analysez les leurs pour vous assurer qu'elles ne sont pas faussées.

M. Robidoux : C'est une bonne manière de décrire notre processus, oui.

Le président : L'analyse plutôt que la prévision.

Le sénateur Di Nino : C'est sans doute sage. En 1994, nous avions l'impression que les résultats d'un groupe de personnes étaient suffisamment fiables. Maintenant, le ministère en utilise de 10 à 15. C'est un bon processus, du moment qu'il y a une analyse visant à vérifier les prévisions. Comme nous l'avons dit plus tôt, aucune prévision ne sera jamais exacte. À l'aide de ces spécialistes, le gouvernement estime qu'il est en mesure de nous fournir des prévisions plus exactes qu'il ne pourrait le faire en utilisant ses propres employés.

Le président : Cette discussion s'est révélée utile, parce qu'il y avait des questions en suspens.

J'ai une autre question. Partagez-vous les préoccupations liées à la vigueur du dollar canadien qu'ont d'autres personnes qui occupent des positions de pouvoir? D'une part, on avance que la reprise économique ne s'accomplira pas à long terme si la valeur du dollar canadien reste aussi élevée; d'autre part, certains économistes disent qu'un dollar canadien vigoureux contribue à augmenter la productivité, ce qui est une bonne chose à long terme et permet d'acheter de la machinerie, conséquence habituelle d'un dollar vigoureux.

Avez-vous des commentaires à ce sujet?

M. Robidoux : Je suis d'accord pour dire que la force du dollar est une bonne chose, à condition qu'elle soit soutenue par les facteurs économiques fondamentaux, lesquels, dans le contexte canadien, sont souvent déterminés par le coût des produits de base, qui influent sur le coût de nos exportations. La vigueur du dollar a une influence sur les exportations, alors il y a un impact négatif. Cela entraîne la réaffectation des ressources dans le pays et donne aussi lieu à de meilleurs prix pour la machinerie commerciale que, dans une large mesure, nous importons de l'étranger. Cela permet aux entreprises d'être plus productives, d'offrir de meilleurs salaires et d'être plus concurrentielles sur la scène mondiale.

La hausse de la valeur du dollar a des avantages et des inconvénients. C'est un phénomène qui permet de s'adapter assez rapidement aux soubresauts de l'économie.

Le président : Vous approuvez mes deux affirmations.

M. Robidoux : Oui.

Le président : Pour revenir à l'économie canadienne, considérez-vous aussi qu'il est important que le dollar canadien demeure vigoureux?

M. Robidoux : Je ne crois pas que mon opinion soit pertinente à ce chapitre. Nous suivons le secteur privé. Nous regardons ce que pensent ses intervenants. Ils semblent penser qu'il ne faut pas envisager la situation en se fondant seulement sur la valeur du dollar. Il faut observer la valeur du dollar parmi d'autres facteurs. Par exemple, la valeur du dollar est à la baisse cette semaine, tout comme le cours des produits de base. Nous voyons souvent cette corrélation. C'est normal.

La plupart des organismes du secteur privé voient assez de facteurs compensatoires pour ne pas réviser à la baisse leurs prévisions de croissance pour 2010.

Le président : C'est là où je voulais en venir.

M. Robidoux : Ils revoient légèrement à la hausse — mais pas trop — leurs prévisions tenant à la valeur du dollar. Ils croyaient que l'augmentation que nous avons vue était temporaire, dans une certaine mesure, et nous avons vu cette attente se confirmer la semaine dernière. Ils regardent le portrait d'ensemble et avancent que la valeur du dollar est peut-être un peu à la hausse, mais que l'économie n'en sera pas plus faible. C'est ce que pensent les gens du milieu. Il faut examiner tous les facteurs avant de déterminer si la valeur du dollar aura des retombées directes sur l'économie.

Lorsqu'on enregistre une hausse rapide et soutenue de la valeur du dollar sans qu'il y ait de causes sous-jacentes, comme une augmentation du coût des produits de base, c'est une source de préoccupations et un risque pour l'économie dans son ensemble. Toutefois, il n'y a pas lieu de compenser cette tendance en agissant sur d'autres facteurs.

Le sénateur Mitchell : Je me suis souvenu de quelque chose en écoutant le sénateur Ringuette et le débat sur qui prédisait quoi et dans quelle mesure les prévisions s'avéraient. L'autre jour, un de mes amis albertains a déclaré qu'il n'y avait rien de mal à pronostiquer, à condition de ne pas tenter de prévoir quelque chose. À mon avis, le bon sens de cette réflexion est manifeste.

Dans votre exposé, monsieur Robidoux, vous avez dit, au troisième paragraphe, que, ces derniers mois, les signes de stabilisation économique et financière ont commencé à poindre et que les conditions des marchés financiers se sont nettement améliorées.

Il semble y avoir des tas d'indices de cela, et, pourtant, les représentants de la BDC et du ministère des Finances ont laissé entendre, plus tôt ce soir, qu'ils doivent intervenir sur les marchés de capitaux parce qu'ils ne fonctionnent pas très bien et qu'il semble y avoir un écart à combler entre ce qu'ils considèrent comme un bon risque et un marché qui refuse de le prendre.

Comment cela s'inscrit-il dans votre propos? Qu'est-ce que cela nous dit au sujet de la reprise?

M. Robidoux : Depuis le dépôt du budget et du Plan d'action économique, la situation globale des marchés financiers s'est beaucoup améliorée — plus rapidement, de fait, que ne l'avaient prévu la plupart des analystes. Cela signifie-t-il que les choses sont revenues à la normale partout? Je crois que la réponse est non. Il y a encore certains secteurs des marchés financiers qui ne fonctionnent pas très bien, et il faudra encore un bon bout de temps avant que tous ces secteurs fonctionnent aussi bien qu'avant la crise.

En général, la situation des fabricants de produits de consommation s'est beaucoup améliorée. Nous déterminons cela en observant les écarts entre des taux exempts de risque – comme les taux gouvernementaux — et les taux imposés aux joueurs sur le marché, les consommateurs comme les entreprises, et ces taux ont beaucoup diminué depuis janvier.

Il ne fait aucun doute que les choses se sont beaucoup améliorées. Nous voyons les retombées lorsque les entreprises et les consommateurs décident d'investir dans une maison ou dans des immobilisations. Dans certains secteurs du marché, il est vrai qu'il y a toujours des problèmes.

Le sénateur Mitchell : Quant au plan de relance, je suis certain que vous avez mentionné un chiffre précis. Je crois qu'on prévoit 235 milliards de dollars pour 2009-2010 et, de ce nombre, 56 milliards de dollars s'ajoutera au déficit, alors on a l'intention de recueillir plus ou moins 180 milliards de dollars. Quelle est la proportion des 56 milliards de dollars affectées aux mesures de relance économique? Autrement dit, combien d'argent affecte-t-on précisément aux mesures de relance, à ces 7 500 programmes ou projets?

M. Robidoux : C'est une très bonne question. Il n'est pas facile d'y répondre, car le déficit est fondé sur une comptabilité d'exercice, tandis que les mesures de relance sont fondées sur la comptabilité de trésorerie. Il faut faire le calcul, mais, grosso modo, on devrait probablement considérer que la moitié du déficit prendra la forme de mesures de relance économique temporaires.

Le sénateur Mitchell : Cela correspond à 27 milliards de dollars.

M. Robidoux : Le plan d'action prévoit des mesures d'une valeur de 38 milliards de dollars pour 2009-2010, selon la comptabilité de trésorerie, et on prévoit un déficit de 56,9 milliards de dollars.

Le sénateur Mitchell : Certains de ces fonds seront dépensés l'an prochain?

M. Robidoux : Les 56,9 milliards de dollars sont prévus pour 2009-2010, cette année. Les 38 milliards de dollars se rattachent au plan d'action. Un montant est fondé sur une comptabilité d'exercice; l'autre, sur une comptabilité de trésorerie. La principale différence tient au fait que toutes les dépenses en immobilisations ne sont pas consignées de la même façon. Il faut rajuster le tir.

Le sénateur Mitchell : Le montant est-il donc inférieur?

M. Robidoux : Les 38 milliards de dollars n'ont pas des retombées de 38 milliards sur le déficit, car il s'agit de liquidités dont une partie sera consacrée aux dépenses en immobilisations échelonnées sur la vie de l'actif qui fait l'objet de l'investissement. Les retombées sont un peu plus modestes.

Le sénateur Mitchell : Le déficit serait plus élevé.

M. Robidoux : Oui, si nous imputons à l'exercice toutes les dépenses en immobilisations engagées à l'échelon fédéral en un an, mais ce n'est pas la méthode de comptabilité que nous utilisons.

Le sénateur Mitchell : C'est supérieur à 56 milliards de dollars. Les chèques que nous émettons cette année sont effectivement supérieurs à 56 milliards de dollars.

M. Robidoux : Les mouvements de trésorerie sont plus élevés. Consultez La Revue financière, par exemple : tout cela est transparent. Le montant nécessaire pour une année ne correspond pas au déficit pour cette année-là.

Le sénateur Mitchell : De ces 38 milliards de dollars, quelle est la proportion que vous affectez aux dépenses en immobilisations?

M. Robidoux : Je n'ai pas ces renseignements sous la main. Je crois néanmoins que la part de dépenses en immobilisations imputables strictement au gouvernement fédéral est relativement modeste comparativement à l'ensemble du plan de relance, alors l'écart devrait être assez petit. Toutefois, nous ne nous sommes jamais arrêtés aux calculs visant à isoler le montant affecté au plan de relance en fonction de la comptabilité d'exercice. Nous avons consigné toutes les dépenses consenties dans le cadre du plan de relance selon la méthode de comptabilité de trésorerie, principalement parce que les retombées économiques se rattachent non pas à l'exercice, mais au mouvement de trésorerie. C'est pourquoi nous avons dès le début fait rapport sur le budget des dépenses selon la comptabilité de trésorerie. Nous n'avions pas utilisé la méthode de comptabilité de trésorerie depuis des années.

De façon générale, je dirais que la moitié des 56,9 milliards de dollars est affectée à des mesures issues du plan.

Le sénateur Mitchell : Le plan de relance économique a une valeur de 38 milliards de dollars, alors il y a 10 milliards de dollars supplémentaires quelque part.

M. Robidoux : Une grande partie du déficit de cette année est imputable au ralentissement économique. Par conséquent, les recettes sont moindres, et les dépenses ont tendance à être plus élevées. Sans plan d'action, les montants affectés aux prestations d'assurance-emploi ainsi qu'à d'autres transferts auraient été plus élevés, alors ce résultat est automatique.

Le sénateur Mitchell : Je croyais que la plupart de ces projets se rattachaient à des immobilisations, par contre.

M. Robidoux : Encore une fois, il y a une différence entre les projets d'immobilisations qui relèvent de la province ou de la municipalité. Lorsque nous finançons une municipalité, nous partageons les coûts avec elle ou avec la province dans le cadre du projet d'immobilisations. Tous ces montants sont dépensés dès la première année.

Le sénateur Mitchell : Ce sont leurs immobilisations.

M. Robidoux : Nous traitons cette opération comme un transfert à un autre ordre de gouvernement, et nous l'imputons à l'exercice. Lorsqu'il s'agit de nos propres dépenses en immobilisations, lorsque le gouvernement du Canada est propriétaire des immobilisations, les dépenses sont échelonnées sur la vie de l'actif.

Le sénateur Mitchell : Il y a beaucoup de discussions au sujet des formes de projets et de programmes qui constitueraient le meilleur type de stimulation économique. Pouvez-vous nous éclairer sur le processus qui a été utilisé pour décider que, dans le cadre du plan de relance, on insisterait surtout sur les programmes d'infrastructures au lieu de lancer, de soutenir et de créer de nouvelles industries de l'avenir, comme l'industrie verte? Il s'agit d'un choix stratégique clé, à mon avis, mais on ne peut pas mettre des pancartes pour montrer qu'on appuie des choses qui sont susceptibles d'avoir des retombées positives dans l'avenir.

M. Robidoux : Lorsque le ministère a élaboré le plan en collaboration avec le gouvernement, nous avons regardé toutes les solutions à notre disposition. Le plan comporte un volet sur l'infrastructure verte et l'énergie propre. En pratique, si on veut dépenser rapidement de l'argent pour relancer l'économie, il y a une limite à l'argent qu'on peut affecter à l'infrastructure verte, à l'énergie propre ou à des projets environnementaux. Nous avons concentré nos énergies sur les projets qui étaient prêts à être réalisés. Il n'y en avait pas tellement dans ces secteurs. Prenons le plan américain, par exemple : des fonds ont été affectés à cette fin, mais il s'agit d'un plan quinquennal ou décennal. Ce volet du plan est limité, car il est difficile de faire preuve de diligence raisonnable, de trouver des projets convenables et de passer rapidement à l'action.

Quant à ce qu'il était possible de faire rapidement, l'amélioration des prestations d'assurance-emploi — pour aider les personnes les plus gravement touchées — et la réduction fiscale sont des mesures que l'on peut mettre en œuvre rapidement et qui auront des retombées économiques assez rapidement. Pour ce qui est de l'infrastructure, nous avons décidé d'axer nos efforts sur des projets de plus petite envergure et prêts à être réalisés qui pourraient être mis en œuvre plus rapidement plutôt que sur des projets de grande envergure qui — parce qu'ils ne sont pas tout à fait au point — commenceraient après la période prévue pour le plan de relance.

C'est ainsi que nous avons élaboré le plan de relance. Nous estimions, comme je l'ai déjà dit, qu'il s'agissait d'un plan assez bien équilibré. Nous ne sommes pas les seuls à penser cela. Le Fonds monétaire international, le FMI, a félicité le Canada pour son plan de relance étendu et bien équilibré. C'est ainsi que nous avons élaboré le plan. Nous avons joint une annexe au budget — l'annexe 1, si je ne m'abuse — qui expliquait la méthode de calcul que nous avions adoptée pour prévoir les retombées économiques de chaque volet du plan et la façon dont elles se manifesteraient dans l'économie. Ce document montre aussi comment nous déterminons les paramètres économiques pour chaque catégorie de dépenses. Vous verrez que nous avons formulé nos hypothèses avec prudence, mais tous ces dossiers économiques étaient vastes.

Le sénateur Mitchell : Seriez-vous en mesure de transmettre au greffier quelque chose qui nous donnerait une idée de la part du plan de relance économique qui n'a pas été dépensé cette année et qui, par conséquent, ne s'est pas ajouté au déficit de 56,9 milliards de dollars? J'aimerais connaître la différence entre les 38 milliards de dollars que nous dépensons dans le cadre du plan de relance et le montant qui a réellement été dépensé. Par exemple, s'il s'agit de 27 milliards de dollars, en réalité, nous avons dépensé 66 milliards de dollars. Ce serait étonnant, mais tout à fait possible.

M. Robidoux : Nous pourrions le faire. Je ne pourrais pas vous transmettre cela demain, mais nous pouvons travailler là-dessus et vous fournir ces données.

Le président : Cela serait utile. Veuillez le transmettre au greffier, et nous le distribuerons aux membres.

M. Robidoux : Le montant du déficit que nous citons est erroné. Il est de 55,9 milliards de dollars cette année.

Le sénateur Mitchell : Je parierais qu'il est plus élevé.

M. Robidoux : Comme je le disais, il est de 55,9 milliards de dollars.

Le président : Est-ce que 55,9 milliards de dollars est le montant actuellement prévu du déficit pour l'exercice en cours?

M. Robidoux : Oui.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je ne suis pas certain d'avoir compris votre explication parce que l'interprétation simultanée n'a pas bien fonctionné tout à l'heure. Est-ce que le montant du déficit inclut les dépenses en investissement d'infrastructures? Il y a différentes règles de comptabilité qui peuvent s'appliquer.

Au Québec, par exemple, les dépenses d'infrastructures qui viennent d'emprunts n'entrent pas dans le déficit. En Ontario, je sais qu'elles entrent dans le déficit. Il est donc difficile de comparer les deux. Au Canada, est-ce que les dépenses d'infrastructures financées par des emprunts entrent également dans le déficit ou elles sont exclues du calcul?

M. Robidoux : Dans le cas de l'Ontario comme dans celui du Québec ou du Canada, elles entrent toujours dans le déficit.

Le sénateur Carignan : C'est la partie capitalisée.

M. Robidoux : La partie de la partie amortie sur la première année. C'est le cas au Québec et au Canada pour nos propres infrastructures. En ce qui concerne les transferts aux municipalités, on entre intégralement la somme comme une dépense directe. L'Ontario comptabilise directement ses dépenses en capital dans l'année courante où elle les fait. Autrefois, plusieurs gouvernements procédaient ainsi. Les règles comptables ont changé et maintenant, la plupart des gouvernements vont l'amortir sur la durée de vie de l'équipement ou du capital de l'actif qui est mis en place.

Le sénateur Carignan : Donc le montant est versé directement aux municipalités pour leur venir en aide et directement sur le plan du déficit?

M. Robidoux : Absolument, dans le cas du gouvernement fédéral.

Le sénateur Carignan : Comme si c'était l'épicerie, même si c'est une dépense d'infrastructures.

M. Robidoux : Oui, parce que ce ne sont pas nos infrastructures. On n'a aucun actif en contrepartie.

Le sénateur Carignan : Cependant, quand c'est dans nos infrastructures, par exemple la défense nationale, c'est seulement la partie du versement du paiement qui est amortie?

M. Robidoux : C'est l'amortissement. C'est l'utilisation du capital dans la période courante qui est comptabilisée.

Le sénateur Carignan : À la page 15 du Plan économique du Canada, il est question des mesures qui doivent être prises par les provinces et les territoires, soit presque 9,7 milliards de dollars en 2009-2010. Est-ce qu'on inclut les autres organismes de juridiction provinciale comme les municipalités, les universités ou les hôpitaux?

M. Robidoux : Vous vous reportez à quel document exactement?

Le sénateur Carignan : Au Plan d'action économique, le troisième rapport, page 15, tableau 1.1. Le total des mesures de stimulation fédérales s'élève à 29 milliards de dollars et les mesures qui doivent être prises par les provinces et les territoires s'élèvent à 9,691 milliards de dollars. Est-ce que ce montant inclut la part des municipalités, par exemple des universités ou des établissements qui participent aux mesures de relance avec l'effet de levier?

M. Robidoux : Oui, cela inclut toutes les dépenses pour les programmes à coût partagé, 50/50. C'est le 50 p. 100 qui vient des provinces, des municipalités ou des universités, selon le cas. Il y a certains éléments du plan où l'effet de levier vient du secteur privé. Je ne me rappelle pas exactement de la mesure, mais c'est inclus là-dedans. À 99,9 p. 100, ce sont les provinces et les municipalités.

[Traduction]

Le sénateur Di Nino : Pour faire suite aux commentaires du sénateur Mitchell, si je lis bien la documentation dont je dispose, tout le plan de relance est envisagé selon une perspective écologique, dans une mesure appropriée, qu'il s'agisse de projets de construction ou de la construction d'un pont, et tout le reste. Ai-je raison de dire que, lorsque cela convient ou est possible, on procède à l'écologisation des projets dans le cadre du plan de relance économique?

M. Robidoux : Je ne suis pas certain de comprendre votre question ni de pouvoir y répondre. On doit peut-être se soumettre à des processus environnementaux. Comme je l'ai déjà dit, certains volets particuliers du plan, comme le Fonds pour l'infrastructure verte et le Fonds pour l'énergie propre, visent à créer une infrastructure verte et de l'énergie propre.

Le président : Nous accueillerons des représentants d'Infrastructure Canada la semaine prochaine. Ils pourront peut- être mieux répondre à la question.

Monsieur Robidoux, pourquoi les sommes que nous avions tout d'abord cru être des prêts consentis aux divisions canadiennes de General Motors et Chrysler ont-elles toutes été radiées et imputées au déficit?

Le sénateur Ringuette : Nous pensions avoir acheté des actions.

Le président : Oui, nous pensions avoir acheté des actions.

M. Robidoux : La transaction qui précédait la préparation du budget était un prêt, et il s'agit encore d'un prêt. L'aide financière que nous avons versée au début est un prêt. C'est une partie assez modeste du plan de relance global. Ensuite, nous avons acquis une participation. Nous avons décidé de consigner la valeur au livre du capital-action en lui attribuant essentiellement...

Le président : Une valeur égale à zéro?

M. Robidoux : Nous avons prévu une provision pour cette créance en partant du postulat que nous n'en reverrions jamais la couleur. Ce n'était pas ce que nous croyions, mais nous voulions faire preuve de prudence dans la manière dont nous comptabilisions ces investissements.

Le président : C'est encore de la comptabilité conservatrice.

Le sénateur Di Nino : C'est bien.

M. Robidoux : C'est ce que nous avons décidé de faire.

Le sénateur Di Nino : Nous sommes toujours propriétaires des actions, n'est-ce pas?

M. Robidoux : Oui.

Le sénateur Di Nino : Il est important de faire inscrire au compte rendu que le pourcentage de participation dans les sociétés que nous avons acquises figure encore dans les livres du gouvernement. Toutefois, la méthode de comptabilité du gouvernement est — comme vous l'avez qualifiée — prudente. On a dit : « Nous inscrivons ces actions dans les livres à une valeur nulle. »

M. Robidoux : Nous avons établi une provision compensatoire de 100 p. 100.

Le président : Lorsque le gouvernement détient des actions, les soumet-il à une évaluation annuelle?

M. Robidoux : C'est une question pour les représentants d'Industrie Canada. Ils sont responsables de ce projet.

Le président : Ils en sont responsables?

Le sénateur Di Nino : La réponse est oui.

Le sénateur Mitchell : Selon le budget des dépenses, en 2009-2010, le gouvernement dépense 235 milliards de dollars.

M. Robidoux : Vous parlez du total des dépenses ventilées par ministère. Il s'agit des dépenses gouvernementales dans l'ensemble.

Le sénateur Mitchell : Il s'agit des dépenses dans l'ensemble. C'est à la page 1-8, sous la rubrique « Total des dépenses de programme ».

M. Robidoux : Est-ce dans la partie qui porte sur les comptes publics?

Le sénateur Di Nino : Voulez-vous emprunter mon livre?

M. Robidoux : S'agit-il du Budget des dépenses de 2008-2009?

Le sénateur Mitchell : Il s'agit de celui de 2009-2010. Le budget principal des dépenses s'établit à 235 milliards de dollars; le montant réel des dépenses pour 2008-2009 semble se chiffrer à 220 milliards de dollars. Les dépenses ont augmenté de 15 milliards de dollars. Toutefois, à la lumière de ce que vous nous avez dit, nous savons, selon le bilan de cette année, que les mesures de stimulation, à savoir les dépenses nouvelles et extraordinaires, sont de l'ordre de 27 milliards de dollars.

M. Robidoux : Non, le chiffre est de 37 milliards de dollars.

Le sénateur Mitchell : D'accord, 38 milliards de dollars.

M. Robidoux : Excusez-moi, les 38 milliards de dollars incluent les contributions provinciales. Je devrais exclure la contribution des provinces, qui ne figure pas dans nos livres. Il s'agit de 29 milliards de dollars.

Le sénateur Mitchell : Les dépenses augmentent de 15 milliards de dollars. Nous savons que la dépense ponctuelle liée au plan de relance se chiffre à 29 milliards de dollars. Soit le gouvernement a retranché 14 milliards de dollars ailleurs, soit les dépenses qui s'inscrivent dans le plan de relance économique n'ont rien de nouveau, de différent ou d'exceptionnel. Il faut choisir.

M. Robidoux : Les dépenses ne sont qu'une partie du plan de relance. Par exemple, on dépense pour l'infrastructure. Ces mesures sont enregistrées. Les allégements fiscaux ne sont pas des dépenses. Nous avons gelé le montant des cotisations au régime d'assurance-emploi; cela n'apparaît pas dans le bilan non plus.

Il ne s'agit pas de modifier ces dépenses de programme pour trouver les 29 milliards de dollars. Il faut regarder le solde du budget. Peut-être que vous pouvez regarder la variation de la dette. C'est une façon d'examiner les choses. Essentiellement, c'est le déficit qui est à l'origine de la variation de la dette.

Le sénateur Mitchell : À combien se chiffre la variation de la dette?

M. Robidoux : Elle passe de 463 à 519 milliards de dollars. J'ai arrondi les chiffres. Notre plan prévoit 29 milliards de dollars en liquidités. Toutefois, l'économie s'est affaiblie, et le déficit augmente. Notre déficit se chiffre à 55,9 milliards de dollars, mais on a en fait les 29 milliards de dollars du plan de relance et les 55 milliards de dollars. C'est une façon d'arrondir et d'additionner tous ces chiffres. De plus, n'oubliez pas : j'ai parlé du rajustement des dépenses en infrastructure à l'échelon fédéral que l'on doit comptabiliser en fonction de l'exercice.

Le président : Nous devrions vous inviter plus souvent pour nous expliquer ces choses.

Le sénateur Ringuette : Si je ne me trompe pas, vous avez dit qu'une limite avait été établie pour les cotisations au régime d'assurance-emploi?

M. Robidoux : Elles sont gelées.

Le sénateur Ringuette : Gelées pour l'exercice 2009-2010.

M. Robidoux : Pour 2009-2010 et 2010-2011 : deux ans. Pour l'exercice en cours et le prochain, le taux est de 1,73 $ par tranche de 100 $ de rémunération assurable.

Le sénateur Ringuette : C'est très bien, mais, aujourd'hui, j'ai lu un rapport sur l'assurance-emploi qui a été déposé hier et qui porte sur ces taux. Il est vrai qu'on a gelé ces taux. Toutefois, la part de la rémunération pour laquelle une personne doit cotiser au régime d'assurance-emploi a augmenté.

J'ai fait un petit calcul ce matin. J'ai une mémoire photographique, alors je peux poser l'équation rapidement. L'augmentation de la cotisation au régime d'assurance-emploi pour une personne gagnant 42 000 $ était de 135 $. Vous pouvez multiplier les 135 $ annuels par environ huit millions. C'est beaucoup d'argent qui se retrouve dans la caisse de l'assurance-emploi. C'est bien beau de dire que le gouvernement a gelé les taux, mais ce n'est que du marketing. En revanche, il a augmenté la tranche de rémunération pour laquelle une personne doit cotiser au régime d'assurance- emploi.

Le sénateur Mitchell : Intéressant.

Le sénateur Ringuette : N'est-ce pas?

M. Robidoux : Le montant de rémunération assurable augmente chaque année en fonction du taux de salaire dans le secteur industriel. La rémunération assurable réelle est passée de 41 100 $ en 2008-2009 à 42 300 $ aujourd'hui. Si vous assurez une plus grande partie de votre rémunération et avez le malheur de vous retrouver au chômage, vous touchez plus de prestations.

Le sénateur Ringuette : Non.

M. Robidoux : Si votre rémunération est plus élevée, vous assurez une plus grande partie du salaire que vous gagnez.

Le sénateur Ringuette : Non.

M. Robidoux : Vous déboursez le même montant par tranche de 100 $ que vous assurez. C'est la norme. Le montant augmente chaque année. Autrement, le taux n'augmenterait pas, mais la part de votre rémunération assurée diminuerait graduellement. Vous gèleriez le montant de la rémunération assurable et la valeur de cette rémunération, à cause de l'inflation, diminuerait graduellement. À un certain moment, nous n'assurerions plus la même valeur de la rémunération réelle que gagnent les gens.

Le sénateur Ringuette : Non, le taux maximal de prestations hebdomadaires n'a pas augmenté.

Le président : Je crois que nous comprenons votre idée.

Nous vous avons retenu ici un peu plus longtemps que nous avions convenu, mais c'est parce que votre exposé était si intéressant et utile.

[Français]

Monsieur Robidoux, merci beaucoup d'être venu témoigner devant notre comité.

(La séance est levée)


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