Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 16 - Témoignages du 4 novembre 2009
OTTAWA, le mercredi 4 novembre 2009
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 19 h 8, pour examiner le Budget des dépenses déposé au Parlement pour l'exercice se terminant le 31 mars 2010 (sujet : les pensions).
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : La séance du Comité sénatorial permanent des finances nationales est ouverte.
Ce soir, nous poursuivons notre examen préliminaire des pensions. Nous accueillons Edward Whitehouse, chef de l'analyse des politiques de pension, Division des politiques sociales, Organisation de coopération et de développement économiques.
Monsieur Whitehouse, nous vous remercions d'être ici à Ottawa. Nous savons que vous travaillez à Paris, et nous vous sommes très reconnaissants d'avoir trouvé le temps de rendre visite au Sénat du Canada. Notre comité effectue un examen de la question des pensions dans son ensemble. Nous commençons tout juste à déterminer les mesures que nous pourrions prendre et ce que nous pourrions faire pour servir de complément à d'autres travaux en cours partout au Canada.
Bienvenue. Nous vous poserons des questions à la suite de votre exposé.
Edward Whitehouse, chef de l'analyse des politiques de pension, Division des politiques sociales, Organisation de coopération et de développement économiques : Merci beaucoup de m'avoir gracieusement invité.
Je vais vous présenter quelques renseignements au sujet de ce qui est en de la discussion sur la réforme des pensions au Canada. Le ministère des Finances a mis sur pied un comité formé des ministres des Finances provinciaux, territoriaux et fédéral, le groupe de travail sur la retraite, qui a déjà tenu une séance préliminaire. Je m'adresserai à ce groupe la semaine prochaine, dans le cadre d'une conférence téléphonique. Le groupe se réunira ensuite le 15 décembre, à Whitehorse, pour discuter des constatations préliminaires.
Les recherches que le groupe a commandées jusqu'à maintenant suivent deux voies. Je n'ai pas rencontré Jack Mintz, mais c'est un professeur très distingué, et j'ai lu une grande partie de ses travaux. Il a mené beaucoup de recherches dans le domaine des finances publiques, et c'est lui qui dirige les experts canadiens. Le groupe a commandé cinq articles. Le 27 octobre, des experts se sont réunis pour examiner les constatations préliminaires.
Mon apport à la discussion, c'est un point de vue international sur les dispositions du Canada relatives au revenu de retraite. Je vais tenter de les placer dans un contexte international pour voir s'il y a des leçons à tirer de régimes de pension et de processus de réforme des pensions d'ailleurs dans le monde.
Nous affrontons continuellement une grande difficulté : les régimes de pension de partout dans le monde sont toujours très compliqués. Il est parfois difficile de transmettre les leçons et les messages liés aux politiques d'un pays à un autre. L'OCDE a travaillé très fort à la création d'un cadre cohérent qui permette de comparer les régimes de pension de différents pays.
J'aimerais vous faire part des constatations préliminaires de mes recherches, que j'ai présentées ici, à Ottawa, au ministère des Finances et à Ressources humaines et Développement des compétences Canada. Je rédige actuellement un rapport fondé sur ces constatations; j'espère qu'il sera publié plus tard cette année, certainement à temps pour la réunion de décembre des ministres des Finances provinciaux, territoriaux et fédéral.
Les examens des régimes de pension effectués à l'OCDE nous permettent de constater que ces régimes ont une variété d'objectifs. La question que je redoute toujours le plus, en tant qu'expert en pensions, c'est : « Quel pays a le meilleur régime de pension? » La réponse, c'est que c'est très difficile à déterminer, car il y a de très nombreuses façons de mesurer le rendement.
Pour compliquer les choses, je vais présenter six objectifs principaux, six principes clés, que tous les régimes de pension bien conçus ont en commun, selon l'OCDE. Ils ressemblent beaucoup aux principes établis par la Banque mondiale. En plus de travailler pour l'OCDE, je passe un quart de mon temps à travailler pour la Banque mondiale.
Le premier des six principes est la portée : les participants aux régimes de pension, tant aux régimes publics que privés, et aux régimes obligatoires que volontaires. Par exemple, nous voulons savoir si les personnes dont la carrière a été interrompue sont adéquatement protégées par le régime de pension.
Le deuxième principe porte sur le caractère adéquat des prestations de pension : le régime de pension fournit-il actuellement et fournira-t-il à l'avenir un revenu adéquat aux personnes âgées?
Le troisième critère est la viabilité financière. Le régime de pension doit être abordable à long terme, surtout lorsqu'on est soumis aux pressions que presque tous les pays subissent, les pressions liées au vieillissement démographique, au fait que la population vieillit parce que nous avons moins d'enfants et que nous vivons plus longtemps.
Le quatrième principe est l'efficacité économique. Nous voulons que le régime de pension altère le moins possible les choix et le comportement des gens en matière d'économie. En particulier, certains régimes de pension peuvent encourager les gens à prendre une retraite anticipée; d'autres peuvent les décourager à épargner volontairement au moyen de régimes de pension privés ou d'autres méthodes.
Le cinquième est l'efficacité administrative. À notre sens, les coûts rattachés au régime, en particulier les frais liés aux régimes de pension privés, devraient demeurer le plus bas possible.
Enfin, le dernier principe est la sécurité des prestations de pension, malgré les différents risques et incertitudes. Les pensions sont un contrat à long terme. Entre notre première contribution et notre dernière prestation, soixante ans peuvent s'écouler, ou même plus. Beaucoup de choses changent au cours d'une telle période; il faut donc que le régime soit solide en dépit des différentes sources de risques et d'incertitudes.
J'aimerais revenir sur chacun des six points afin de comparer le Canada à certains pays semblables. Je vais me concentrer sur les 30 pays membres de l'OCDE, en particulier sur les pays dont le régime de pension est comparable à celui du Canada, plutôt que sur ceux qui ont adopté une démarche très différente.
D'abord, la portée : en ce qui concerne le régime public, le Canada réussit assez bien puisque la pension de base, la Sécurité de la vieillesse, et la pension qui dépend des ressources, le Supplément de revenu garanti, sont des prestations offertes essentiellement à tous. Elles dépendent seulement de la résidence au Canada et du revenu de la personne; ces pensions sont donc très efficaces.
L'Irlande et le Japon offrent aussi des pensions de base. Or, dans ces pays, les prestations sont contributives, ce qui est considérablement différent d'une prestation qui dépend uniquement de la résidence pour les gens qui se retirent temporairement du marché du travail pour s'occuper d'enfants ou de membres de la famille, par exemple. En outre, le Régime de pensions du Canada et le Régime de rentes du Québec prévoient une certaine protection additionnelle en cas de carrière interrompue.
Toujours sur le même plan, il faut aussi se pencher sur la portée des régimes de pension privés, étant donné qu'ils forment une part considérable des revenus de retraite au Canada. En effet, selon nos données, au Canada, les régimes de pension privés et d'autres formes d'épargnes privées représentent environ la moitié des revenus des personnes âgées; c'est le taux le plus élevé des 30 pays membres de l'OCDE. Dans des pays comme le Royaume-Uni, les États-Unis, les Pays-Bas et l'Australie, le pourcentage est d'environ 40 p. 100, mais à 50 p. 100, le pourcentage du Canada est le plus élevé. Il est donc important que beaucoup de personnes aient la possibilité de participer à un régime de pension privé et qu'elles y contribuent.
Les données totales relatives à la portée au Canada sont donc les suivantes : 34 p. 100 des gens participent à un régime de retraite professionnel, ou à un RPA, pour employer la terminologie canadienne; de plus, environ 36 p. 100 des gens ont un plan personnel, un REER. Les données se chevauchent un peu, car certaines personnes participent aux deux; ainsi, la portée totale est d'environ 53 p. 100 de la population d'âge actif.
Si nous nous penchons sur la composante professionnelle, les RPA, nous constatons que la portée au Canada est moins vaste que dans des pays comparables. Par exemple, en Irlande, au Japon, au Royaume-Uni et aux États-Unis, la portée est d'environ 40 à 50 p. 100 de la population active. Au Canada, la portée des RPA a un peu diminué au cours de la dernière décennie, environ. En Allemagne, quelque 64 p. 100 de la population active participe à un RPA; d'autres pays réussissent donc mieux que nous dans ce domaine.
Il convient de mentionner que, dans de nombreux pays, les régimes de pension privés sont obligatoires. L'Australie, la Suède et la Suisse comptent parmi les grandes économies de l'OCDE au sein desquelles les régimes de pension privés sont obligatoires. Dans certains pays, comme le Danemark, les Pays-Bas et la Suède, les régimes sont presque obligatoires, dans le sens que presque la totalité de la population active participe à un régime grâce aux accords de relations industrielles. Dans les pays mentionnés, la portée est de 80 ou 90 p. 100 grâce aux accords de relations industrielles. Comme bien d'autres pays, le Canada sera incapable de reproduire la structure des relations industrielles de pays comme le Danemark et les Pays-Bas.
Si nous examinons attentivement les caractéristiques de la portée, nous constatons que la situation du Canada ressemble beaucoup à celle de l'Irlande, du Royaume-Uni et des États-Unis. Par exemple, un examen de la portée par âge montre que seulement 20 à 30 p. 100 environ des personnes au début de la vingtaine participent à un régime; le pourcentage le plus élevé est celui des personnes de 45 à 55 ans — il est de 65 à 70 p. 100; les pourcentages diminuent un peu après cela.
L'Allemagne se démarque sur ce plan. Dans ce pays, 55 p. 100 des personnes de 20 à 25 ans participent à un régime de pension privé. L'Allemagne réussit à convaincre ses jeunes de penser à leur vieillesse.
Si nous examinons la caractéristique du revenu, nous constatons encore une fois que le Canada est dans une situation semblable à celle du Royaume-Uni, des États-Unis et de l'Irlande, quoique la portée pour le dernier quintile, le 20 p. 100 de la population qui est le plus pauvre, est d'environ 10 p. 100 au Canada, comparativement à 20 p. 100 au Royaume-Uni et aux États-Unis.
Pour le 20 p. 100 le plus riche, la portée au Canada et dans les autres pays est d'environ 80 à 90 p. 100.
Sur ce plan aussi, l'Allemagne semble faire quelque chose de différent. Quarante-cinq pour cent du quintile le plus pauvre de sa population active contribue à un régime de pension privé. Ces personnes ne contribuent pas des sommes importantes, mais elles contribuent tout de même.
La portée est formée de différentes caractéristiques.
Le deuxième critère porte sur le caractère adéquat. Je souligne que le nom du groupe de travail est : le groupe de travail sur le caractère adéquat du revenu de retraite. Il est donc évident qu'il s'agit là d'un des objectifs principaux.
La difficulté est de définir le terme « caractère adéquat ». Différentes personnes pourraient donner diverses définitions. Pour ma part, j'en proposerais deux. Selon la première, le caractère adéquat serait le fait d'atteindre une norme de vie minimum. La seconde serait plus vaste; selon celle-ci, le caractère adéquat dépendrait d'une comparaison avec le revenu que la personne recevait lorsqu'elle travaillait. Je vais me pencher brièvement sur ces deux points.
En utilisant la mesure du revenu, nous comparons les revenus de tous les Canadiens âgés de plus de 65 ans avec ceux de la population générale, en faisant divers ajustements techniques, par exemple, relativement aux différences dans la taille des ménages.
Nous retranchons les impôts, les contributions et autres, et la donnée que nous obtenons, c'est que le revenu des Canadiens âgés de plus de 65 ans est de 91 p. 100, en moyenne, du revenu de la population générale. Ce pourcentage est considérablement plus élevé que la moyenne des 30 pays membres de l'OCDE, qui est d'environ 82,5 p. 100. Le niveau de rendement du Canada est très près de celui de l'Allemagne, mais il est beaucoup plus élevé que celui de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et de l'Irlande, pays où les revenus des pensionnés correspondent à 70 p. 100 de ceux de la population générale, et du Royaume-Uni, où le pourcentage est de 73 p. 100. En comparaison, le 91 p. 100 du Canada fait bonne figure.
Le plan sur lequel le Canada réussit encore mieux, c'est celui de la pauvreté chez les personnes âgées. L'OCDE se sert d'une référence de base pour mesurer les taux de pauvreté. Le Canada occupe le 25e rang des 30 pays membres de l'OCDE en ce qui concerne les taux de pauvreté chez les personnes âgées; son taux est de 4,5 p. 100, comparativement à la moyenne de l'OCDE, qui est de 13,3 p. 100. En Irlande, plus de 30 p. 100 des personnes âgées vivent sous le seuil de la pauvreté; en Australie et aux États-Unis, le pourcentage est d'environ 25 p. 100; et au Japon, il est de plus de 20 p. 100. Ainsi, sur ce plan, le Canada réussit très bien.
Or, lorsqu'il est question de pensions, les mesures données du revenu et de la pauvreté sont essentiellement tournées vers le passé. En étudiant les pensionnés d'aujourd'hui, c'est le rendement du régime de pension du passé que nous examinons. Leurs revenus de retraite dépendent des événements économiques et du régime de pension du passé.
Partout dans le monde, les systèmes de pensions ont subi beaucoup de changements et l'OCDE se tourne aussi vers l'avenir et essaie de calculer les droits à la pension des travailleurs qui entrent aujourd'hui dans le marché du travail si les règles et les paramètres du système de pension demeurent les mêmes à l'avenir.
Nous calculons le taux de remplacement, c'est-à-dire, la pension par rapport aux gains d'une personne. Pour un salaire moyen au Canada, ce taux est d'environ 45 p. 100. C'est-à-dire 45 p. 100 pour le RPC, le RRQ, la SV et le SRG pris ensemble. Ce taux est bien au-dessous de la moyenne de l'OCDE qui est de 59 p. 100, mais il est supérieur à celui de nombreux pays de l'OCDE tels que l'Australie, l'Allemagne, l'Irlande, le Japon, la Nouvelle-Zélande, le Royaume- Uni et les États-Unis. Le régime de pension public est plus important au Canada que dans beaucoup d'autres pays de l'OCDE, mais il est inférieur à la moyenne de l'OCDE. Dans un grand nombre de pays européens, les régimes de pensions publics sont beaucoup plus importants et cela montre combien il est important, au Canada et dans les autres pays que j'ai mentionnés comme l'Allemagne, le Japon, le Royaume-Uni et les États-Unis, que les gens aient des régimes de pensions privés et qu'ils contribuent volontairement à des régimes de pensions privés dans ces pays.
Je passe maintenant au troisième point : la durabilité financière. Les dépenses consacrées au régime de pension public au Canada sont parmi les plus faibles au sein de l'OCDE, les sixièmes plus faibles des 30 pays, à environ 4 p. 100 du PIB alors que pour l'OCDE la moyenne est de 7,2 p. 100 du PIB. Au Canada, ce taux est bien plus bas et dans certains pays il est considérablement plus élevé qu'au Canada. Par exemple, en Italie, les dépenses consacrées au régime de pension public équivalent à 14 p. 100 du PIB, en France à environ 12,5 p. 100 et en Allemagne à un peu plus de 10 p. 100. Beaucoup de pays dépensent beaucoup plus.
Lors de ma précédente comparution, j'ai eu le plaisir de passer un peu de temps avec les actuaires du Bureau du surintendant des institutions financières. Ils font des prévisions financières à long terme en ce qui concerne le RPC, la SV et le SRG. D'après leurs calculs, le système de pensions au Canada a une longue durabilité financière, jusqu'en 2075 ou pas loin. Compte tenu du taux de cotisation actuel à peine inférieur à 10 p. 100 et du fonds de réserve actuel, le système de pension est viable à long terme sur le plan financier.
Les données démographiques du Canada sont légèrement meilleures que celles des pays de l'OCDE. Au Canada, on compte 4,7 travailleurs par retraité; à l'OCDE, la moyenne est de 4,2 travailleurs par retraité. Le vieux pauvre Japon, qui a la population la plus âgée de tous les pays de l'OCDE, a seulement 2,8 travailleurs par retraité. Les prévisions à long terme indiquent que le Canada aura 2,1 travailleurs par retraité d'ici 2050, pour l'OCDE la moyenne sera de 1,9 et le Japon aura 1,2 travailleur par retraité soit le défi démographique le plus grave de tous les pays de l'OCDE ou de tous les pays du monde. Néanmoins, on escompte que le Canada continue néanmoins à accueillir des immigrants et il ne subit pas les mêmes pressions en matière de durabilité que celles que connaissent d'autres pays.
Pour ce qui est de l'efficience économique, j'ai entendu dire que la Chambre des communes est saisie d'un projet de loi visant à apporter quelques ajustements au Régime de pensions du Canada et à encourager les gens à travailler plus longtemps, ce qui se traduira par une plus grande déduction des prestations versées à ceux qui prennent une retraite anticipée et aussi à des mesures permettant aux gens à la fois de travailler et de recevoir des prestations de retraite entre 60 et 65 ans.
En matière d'âge auquel les Canadiens prennent la retraite, le Canada représente la moyenne par rapport aux autres pays de l'OCDE. Les hommes quittent le marché du travail autour de 63,5 ans et les femmes à un peu moins de 62 ans, ce qui est proche de la moyenne des pays de l'OCDE. Les Canadiens prennent leur retraite bien avant les citoyens de la Nouvelle-Zélande, de la Suisse, des États-Unis ou des pays nordiques. Comme vous le savez sûrement, les citoyens de beaucoup de pays européens comme l'Allemagne, la France et l'Italie, prennent leur retraite beaucoup plus tard.
Beaucoup d'autres pays de l'OCDE ont commencé à augmenter l'âge de la retraite. Il est intéressant de noter qu'entre 1950 et 1993, l'âge moyen de la retraite dans les pays de l'OCDE a diminué de 64 à 62,5 ans. Au cours de la même période, l'âge de la retraite au Canada a baissé de 70 à 65 ans. L'âge de la retraite pour les femmes a également diminué.
Durant cette période, non seulement l'âge de la retraite a diminué, mais les gens vivent aussi plus longtemps. En 1960, la durée de la retraite moyenne prévue pour les hommes était de 11,5 ans et d'environ 16 ans pour les femmes. Cette durée a augmenté à 17 ans pour les hommes au début de l'année 2000. Il y a donc deux choses, une retraite anticipée et des gens qui vivent plus longtemps.
Beaucoup de pays de l'OCDE ont prévu d'augmenter l'âge de la retraite à l'avenir et le Canada pourrait aussi envisager de le faire. L'Australie a récemment annoncé qu'elle ferait passer l'âge de la retraite de 65 à 67 ans; le Royaume-Uni, qui ne veut jamais être en reste, augmentera l'âge de la retraite de 65 à 68 ans, et l'Allemagne de 65 à 67 ans. Il y a longtemps que les États-Unis ont prévu d'augmenter l'âge de la retraite à 67 ans, cette mesure sera entièrement en vigueur dans à peu près cinq ans.
Beaucoup de pays de l'OCDE augmentent l'âge de la retraite. Tous nos calculs indiquent que dans les pays qui augmentent l'âge de la retraite, la durée de la retraite moyenne pour les hommes continuera à augmenter. Nous allons arriver à un point mort car la durée de la retraite ne va pas diminuer mais continuera à augmenter légèrement.
Sur le plan de l'efficience administrative, j'ai calculé les dépenses administratives du système de pension canadien. J'ai les chiffres pour seulement neuf pays de l'OCDE. Les dépenses du Canada sont de 70 p. 100 inférieures à la moyenne des dépenses de ces neuf pays. Les dépenses administratives sont très faibles. Par exemple, l'Australie dépense sept fois plus en frais administratifs et l'Espagne douze fois plus.
La Nouvelle-Zélande est le seul pays qui dépense beaucoup moins que le Canada parce que ce pays verse tout simplement une prestation fixe à toute personne âgée de 65 ans et plus. La Nouvelle-Zélande n'a pas de dépenses de gestion d'un régime de retraite liée aux ressources. C'est la raison pour laquelle les dépenses administratives de l'Australie sont beaucoup plus élevées.
Le système de pension public du Canada fonctionne de manière efficace, mais il y a un problème. J'ai eu des discussions avec beaucoup de personnes au sujet des dépenses administratives liées aux régimes de pensions privés, c'est-à-dire pour le REER. Je n'ai pas les chiffres exacts, mais ceux qu'on m'a communiqués indiquaient que les dépenses administratives d'un REER s'élevaient généralement chaque année à environ 2 p. 100 des avoirs. Ce qui est énorme. La Suède réussit à gérer le système en dépensant moins de 0,5 p. 100. Le Royaume-Uni, qui va mettre en place un nouveau régime de comptes personnels en 2012, prévoit 0,5 p. 100 en frais administratifs au moment de l'application du régime et 0,3 p. 100 à moyen terme. Le Chili dépense 0,75 p. 100. Les seuls pays qui dépensent autant que le Canada sont la Hongrie et le Mexique à environ 2 p. 100 des avoirs par année.
Les gens saisissent souvent mal l'importance de l'incidence sur les prestations de retraite de ces dépenses administratives. Un pour cent ne paraît pas être un montant important. Toutefois, pour 1 p. 100 des avoirs par année sur toute la durée d'un contrat de pension, 20 p. 100 des cotisations sont empochées par le fournisseur. De plus, pour 2 p. 100 par année, 40 p. 100 des cotisations vont dans les coffres du fournisseur. En termes d'échelle de la crise financière et de ses répercussions sur les régimes de pension privés, la crise financière a pour effet des dépenses administratives de 1 p. 100 sur les pensions durant la validité du contrat. Il s'agit là de sommes considérables qu'il faut examiner.
J'ai parlé plus longuement que prévu. Je remercie tous les membres du comité pour leur attention. En conclusion, je ferai quelques observations sur ce que je pense être les problèmes importants qui se posent au Canada.
Le champ d'application des régimes de pensions privés pose peut-être un problème, il peut y avoir une lacune à ce niveau, particulièrement pour les jeunes travailleurs et les travailleurs à revenu faible ou moyen. En vue de régler ce problème, des pays ont adopté des politiques diverses. Le réajustement des incitatifs fiscaux, entre autres, suscite certainement beaucoup d'intérêt pour élargir le champ d'application, renoncer aux allégements fiscaux et adopter un mécanisme similaire à la contribution de l'État aux régimes. Il y a aussi l'expérience de la Nouvelle-Zélande avec le régime kiwi saver d'adhésion automatique, où les gens sont automatiquement inscrits à un régime de pension privés sauf s'ils signent un formulaire demandant à ne pas l'être. C'est aussi la politique qu'adoptera le Royaume-Uni dès 2012 avec le nouveau programme de comptes personnels.
La pertinence des prestations du régime de pension public peut devenir un problème du fait de la longévité de l'indexation du prix de la valeur de la Sécurité de la vieillesse et du Supplément de revenu garanti. Avec le temps, cela pourrait signifier qu'ils disparaîtront par rapport au niveau de vie moyen. Au Canada, les salaires réels n'ont pas augmenté rapidement cette dernière décennie, ils ne sont donc pas très en dessous des salaires. Il faut, toutefois, penser à relier ces niveaux de prestations aux salaires à l'avenir afin d'assurer la continuité des bons niveaux de pertinence actuels.
Comme il a été dit, l'examen de l'âge de la retraite et aussi la question des dépenses administratives des régimes de pensions privés devraient être mis à l'ordre du jour. Finalement, avec la crise financière et économique est arrivée la question de la façon dont les régimes de pensions privés sont investis. En Australie, au Royaume-Uni et aux États- Unis, beaucoup de gens avaient encore, durant la période précédant leur retraite, la plus grande partie de l'argent de leur régime de pension privé dans des investissements à risque et, par conséquent, ils ont eu des pertes importantes. Nous devons trouver un moyen de proposer à ces gens une stratégie d'investissement au cours du cycle de vie; une stratégie qui leur permettra de prendre moins de risques en matière d'investissement à l'approche de la retraite.
Voilà, je l'espère, certains points qui inspireront des questions de votre part. Je serais heureux de tenter de répondre au mieux à vos questions.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Whitehouse. Vous avez soulevé beaucoup de points intéressants. J'ai la liste des sénateurs qui voudraient entamer la discussion avec vous. Je commence par un sénateur de Toronto, le sénateur Eggleton.
Le sénateur Eggleton : Merci beaucoup d'être ici. Nous avons là une belle occasion de vous poser quelques questions, compte tenu de vos connaissances approfondies sur la question. On peut dire que vous nous avez inondés de renseignements statistiques.
Des statistiques ont circulé au pays. Par exemple, Statistique Canada dit que le contribuable qui approche de la retraite a en moyenne 60 000 $ en REER. Cela n'est suffisant que pour acheter une rente viagère d'environ 3 000 $ par année. Une autre étude indique aussi que cinq millions de Canadiens, environ un tiers de la population active, n'économisent pas suffisamment d'argent. Ce qui corrobore en quelque sorte l'autre statistique.
Vous dites, au sujet du remplacement du revenu brut moyen, que l'OCDE a une moyenne d'environ 59 p. 100 et que nous sommes à environ 45 p. 100, si je ne me trompe pas.
M. Whitehouse : C'est exact.
Le sénateur Eggleton : Vous n'avez pas dit que nous étions les plus faibles. D'autres le sont, mais il semble que nous soyons bien au-dessous de la moyenne.
Qu'est-ce qui fait que ces autres pays arrivent à 59 p. 100 ou plus? S'agit-il essentiellement de régimes obligatoires? Quelle sorte de régimes? Est-ce que ce sont des régimes de pension à prestations déterminées?
Il se peut que le revenu dont il est question, c'est-à-dire 45 p. 100, ne soit pas le plus bas, mais ce sera une grande réduction pour beaucoup de gens quand ils prendront finalement leur retraite. Il semble que beaucoup de gens ne réalisent pas qu'ils n'ont pas autant d'argent qu'ils pensaient devoir avoir et ils ne sont pas sûrs combien d'argent ils devraient avoir au moment de prendre la retraite. Je me demande quel est le lien avec la moyenne de l'OCDE?
M. Whitehouse : Pour commencer, je n'aurais peut-être pas dû vous donner ces chiffres. Ce sont des taux bruts de remplacement. La moyenne augmente légèrement quand on tient compte des impôts. C'est-à-dire que la moyenne de l'OCDE sera 70 p. 100 au lieu de 60 p. 100.
Le Canada n'est certainement pas le plus bas. C'est le Royaume-Uni qui est le plus bas avec environ 32 p. 100. Le Canada est bien plus au-dessus.
Le sénateur Eggleton : Où devrait-il se situer? En vous basant sur tous les renseignements que vous avez recueillis, quel pourcentage serait raisonnable?
M. Whitehouse : Si j'ai bien compris les délibérations du groupe de recherche, les experts ont consacré beaucoup de temps à discuter de cette question et n'ont abouti à aucune conclusion. La question est très complexe. Premièrement, il faut considérer les structures de la famille. Deuxièmement, le taux de remplacement de quelqu'un à revenu faible est probablement de 100 p. 100 et le taux n'a pas à être aussi élevé pour quelqu'un à revenu élevé. Troisièmement, comme je l'ai déjà dit, il faut prendre en compte les impôts, entre autres.
Lorsque la commission indépendante de la réforme du régime de pension présidée par Lord Turner s'est penchée sur cette question, le Royaume-Uni a adopté une méthode : poser la question aux gens. Au lieu de demander : « Combien d'argent voudriez-vous à la retraite? », question à laquelle tout le monde aurait répondu : « Le plus possible. » Ils ont demandé : « Combien d'argent voudriez-vous recevoir à la retraite à condition que d'une façon ou d'une autre vous payez pour cela? » Ils ont trouvé la façon de tourner la question de façon à ce que les personnes à faible revenu répondent : « Je veux le même montant que j'ai maintenant » et que les personnes à revenu élevé répondent : « Je veux moins de la moitié de ce que j'ai maintenant. »
Il est important de tenir compte du fonctionnement du marché de l'habitation dans les différents pays. Quelqu'un qui loue une maison durant toute sa vie active aura probablement besoin d'un taux de remplacement plus élevé à la retraite que quelqu'un qui a acheté sa maison et qui à payé son hypothèque au moment de la retraite. Il est difficile de calculer le taux exact.
Le sénateur Eggleton : Ce qui a suscité beaucoup de préoccupations ici, c'est la faillite de compagnies qui avaient des régimes de pension à prestations déterminées sur lesquels les gens ont compté pendant un certain temps. Le meilleur exemple est celui de Nortel, une compagnie qui travaillait aussi au Royaume-Uni et aux États-Unis. Nombreux sont ceux qui souffrent énormément à cause de cette faillite. Une de leurs préoccupations était que, dans des cas de faillite, l'on n'accordait pas suffisamment d'importance à leurs réclamations. Par conséquent, ils rejoignent les autres créanciers et ne sont certainement pas la priorité. Tout leur régime de pension est compromis et ils y recevront considérablement moins d'argent.
Y a-t-il d'autres expériences à l'OCDE concernant ce genre de situation? Que suggérez-vous pour affronter ce type de situation?
M. Whitehouse : N'étant évidemment pas expert en législation sur la faillite, je ne sais donc pas comment les autres pays s'y prennent pour établir l'ordre de priorité des créanciers dans le cas des fonds de pension. Je suppose que le fisc passe en premier, suivi des titulaires d'obligations, le fonds de pension vient un peu après.
La question qui se pose est d'avoir une sorte de fonds de garantie. Les États-Unis ont établi leur Pension Benefit Guaranty Corporation, PBGC, dans les années 1970 suite à une faillite célèbre. Je ne me souviens pas quelle compagnie, mais elle avait le même problème. La compagnie a fait faillite, le fonds de pension était vraiment sous- financé; ils ont donc mis en place le régime PBGC.
La façon dont le régime PBGC est géré soulève de très vives inquiétudes. Ce régime a vraiment été sous-financé. Il n'offre pas beaucoup de sécurité. Je suppose que certains employés de Nortel aux États-Unis sont couverts par ce régime, mais ils remarqueront que ce qu'ils obtiendront sera bien loin des 100 p. 100 de prestations que leur promettait ce régime.
Il y a quelques années, le Royaume-Uni a créé un fonds de protection des caisses de retraite dont les objectifs étaient semblables et qui a tenté de tirer des leçons de la PBGC. Il évalue notamment le risque des primes que les sociétés doivent payer pour que leurs régimes soient couverts. L'Irlande est un pays qui compte beaucoup de régimes de pension à prestations déterminées et qui ne possède pas de fonds de protection des caisses de retraite, et nombreux sont ceux qui ont demandé qu'elle en établisse un.
Je suis très prudent lorsqu'il est question de la valeur de ces régimes. Le problème du risque moral est que les régimes peuvent rapidement accumuler de très grands déficits, et quelqu'un doit intervenir, et c'est habituellement le gouvernement fédéral qui doit le faire pour combler les lacunes. Bien que je sois sensible au sort des employés de Nortel, il est très difficile de savoir quel type de système pourrait être mis en place pour protéger les gens dans ce genre de circonstances.
En général, par contre, le Canada a pris un peu plus de temps que les autres à s'orienter vers les régimes de retraite à cotisation déterminée. Si je me fie aux statistiques, les entreprises ont, en réalité, eu tendance à arrêter d'offrir des régimes de pensions.
Le sénateur Eggleton : C'est plus courant dans le secteur privé.
M. Whitehouse : Oui. Dans le secteur privé, ils ont choisi de le faire plutôt que de suivre l'exemple du Royaume-Uni et des États-Unis et d'établir des régimes de retraite à cotisation déterminée. Si le choix est entre aucun régime et un régime à cotisation déterminée, je crois qu'il serait logique d'opter pour le régime à cotisation déterminée. Ce choix s'est récemment fait de façon très rapide au Royaume-Uni Pendant la crise, par exemple, de très grandes entreprises comme Barclays Bank et BP, qui avaient déjà cessé d'offrir leurs régimes de pension à prestations déterminées aux nouveaux membres, les ont également fermés aux membres actuels; par conséquent, toutes leurs charges de retraite à payer étaient gelées. Ce choix se fait de plus en plus rapidement, et il semblerait qu'au Canada, un choix de ce genre serait logique.
Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup. Votre connaissance de tous ces chiffres et de toutes ces différences est très intéressante. Mes questions seront plutôt techniques pour clarifier certains points.
Lorsque vous avez dit que 34 p. 100 des Canadiens ont un RPA, ce type de régime de retraite comprendrait tant un régime de pension à prestations déterminées qu'un régime de retraite à cotisation déterminée, c'est bien cela?
M. Whitehouse : Je crois que oui.
Le sénateur Mitchell : Lorsque vous dites que 36 p. 100 des personnes ont des REER, ce sont clairement des REER. Des 34 p. 100 qui ont des RPA, ceux qui ont un régime de retraite à cotisation déterminée n'ont, essentiellement, qu'un REER? Un régime de retraite à cotisation déterminée n'est pas vraiment plus qu'un REER que votre employeur vous aide à financer.
M. Whitehouse : Effectivement.
Le sénateur Mitchell : Ainsi, connaissez-vous le pourcentage de Canadiens qui n'ont qu'un régime de retraite à cotisation déterminée?
M. Whitehouse : Pas par coeur, non. Les données que je vous cite m'ont été fournies par Statistique Canada.
Le sénateur Mitchell : Nous pouvons facilement les obtenir.
Des 34 p. 100 de Canadiens qui ont des RPA, savez-vous de mémoire quel pourcentage sont des pensions de l'État par opposition à des pensions d'entreprise?
M. Whitehouse : J'ai bien peur de ne pas le savoir.
Le sénateur Mitchell : Je ne cherche pas à vous mettre sur la sellette. Nous trouverons la réponse.
Vous avez dit que 4 p. 100 du PIB du Canada est affecté aux régimes de pension de l'État, je crois, ou aux pensions gouvernementales, comparativement à 14 p. 100 en Italie?
M. Whitehouse : En effet.
Le sénateur Mitchell : Ce pourcentage correspond-il au RPC et au RRQ, et englobe-t-il aussi les pensions de la fonction publique?
M. Whitehouse : Certainement le RPC, le RRQ, la SV, le SRG, et je crois qu'il devrait aussi englober les régimes des employés du secteur public.
Le sénateur Mitchell : Vous avez dit que les frais d'administration ou de traitement de 2 p. 100 dans le cas du Canada sont très élevés. S'agit-il de frais de gestion sur les actifs, par exemple, des frais de 2 p. 100 sur la gestion d'un fonds commun de placement, ou plutôt de frais réels qu'impose l'administrateur du régime de pension?
M. Whitehouse : C'est un chiffre qui m'a été donné par divers responsables, et j'ignore s'il y a une source exacte à laquelle ces données ont vraiment été puisées. J'ai vérifié toutes les études de l'OCDE sur les frais de gestion, et le Canada n'apparaît dans aucune d'elles. Il s'agit d'un nombre spéculatif, mais dont bien des gens ont convenu qu'il était, en quelque sorte, la norme. Je crois que cela engloberait la gestion des fonds. Il s'agirait d'une redevance administrative tout compris.
Le sénateur Mitchell : Comme des frais de gestion.
M. Whitehouse : La gestion responsable des sommes perçues, de la tenue de dossiers et de la gestion de fonds.
Le sénateur Mitchell : Il s'agirait de pensions, pas de REER en général?
M. Whitehouse : Non, c'est pour un REER. Comme je l'ai dit, il s'agit d'un chiffre hautement spéculatif qu'on m'a donné, mais bien des gens m'ont dit que c'est à peu près le bon chiffre.
Le sénateur Mitchell : Alors il doit s'agir des frais de gestion du fonds commun de placement parce qu'il faut payer 120 $ par année de frais d'administration pour le REER en tant que tel. Nous devons l'étudier, car il est élevé.
Finalement, bien des gens se demandent ce qui est arrivé aux investissements dans leur régime de pension. Je fais allusion à leur régime de pension à prestations déterminées. Cela sera, en quelque sorte, tempéré, car ils croient qu'il leur sera garanti par le fonds de l'entreprise et le gouvernement, et peut-être que c'est vrai. Dans un régime de retraite à cotisation déterminée, un régime de retraite collectif ou un REER collectif, c'est une question très importante. Nous avons, par exemple, accueilli un témoin qui a dit que les pensions devraient limiter leurs investissements seulement aux obligations. Cette solution est problématique puisque les obligations fluctuent elles aussi.
Récemment, le marché a connu une baisse dramatique, et les gens vous confrontent avec ce type de problème et demandent dans quoi ils peuvent investir pour que ce soit rentable et s'assurer que leurs investissements sont garantis. Quand vous vous penchez sur ce problème, avez-vous trouvé une solution meilleure que celle qu'on privilégie à l'heure actuelle? En avez-vous trouvé une?
M. Whitehouse : La question sur laquelle nous avons fait le plus de recherche est celle des investissements liés au cycle de vie, c'est-à-dire ceux qui orientent les gens vers les obligations au fur et à mesure qu'ils vieillissent. Si vous êtes dans la vingtaine, vous pouvez tout investir dans des titres. Vers l'âge de la retraite, il serait préférable que vous optiez plutôt pour des obligations.
Par exemple, aux États-Unis, le régime 401K est le principal régime de retraite à cotisation déterminée. Quelque chose comme les trois quarts des régimes 410K offrent des investissements liés au cycle de vie d'un type particulier. Seulement le quart des personnes qui ont cette option choisissent, en réalité, d'investir une partie de leur argent dans ce fonds et, quand elles le font, elles optent souvent pour des montants peu élevés. Dans l'ensemble, les fonds relatifs au cycle de vie représentent 9 p. 100 de tous les investissements des régimes 401K.
Si vous prenez la façon dont l'argent des particuliers est investi, quelque 45 p. 100 des gens au début de la soixantaine ont investi plus de 70 p. 100 de leurs régimes 401K dans des titres. C'est une façon très risquée d'investir. Environ 25. p. 100 des personnes ont investi plus de 90 p. 100 de leur argent dans des titres. Nous aimerions vraiment voir plus d'investissements liés au cycle de vie.
Les principaux fonds aux États-Unis sont appelés fonds à échéance. Vous dites vouloir prendre votre retraite en 2015 ou en 2025, par exemple, et en théorie, vous êtes supposés opter pour des actifs moins risqués à l'approche de la retraite. La moyenne est d'environ 85 p. 100 en titres pour les personnes dans la vingtaine et la trentaine, ce qui est très raisonnable. Elle est toujours d'environ 55 p. 100 en titres pour les personnes dans la cinquantaine et la soixantaine. Elles n'optent pas beaucoup pour les investissements liés au cycle de vie; le montant change peu dans ce cas-là. Ces données soulèvent de nombreuses préoccupations.
En Australie et aux États-Unis, les gens n'achètent tout simplement pas de rentes. Par conséquent, certaines personnes laissent leur argent dans leur compte et en retirent des montants régulièrement. En fait, vous avez des personnes dans les 70 et les 80 ans qui ont toujours la plupart de leurs investissements dans des titres. Il faut que cette situation change.
Le sénateur Mitchell : L'une des raisons pour lesquelles les gens ont tendance à ne pas opter plus pour les obligations en vieillissant est que lorsqu'ils arrivent à 50 ans, ils n'ont peut-être pas fait suffisamment d'économies. Ils croient devoir prendre de plus grands risques parce que des intérêts de 2 et 3 p. 100 sur les obligations ne leur permettront pas d'amasser les sommes nécessaires avant d'avoir 65 ans. Lorsque l'on a cet âge, que l'on n'a pas économisé assez, mais que l'on veut prendre sa retraite, 2 et 3 p. 100 ne suffisent pas pour vivre. Lorsque le taux des obligations est aussi bas, il pousse les gens à prendre des risques plus élevés et, avec un peu de chance, à obtenir un meilleur rendement sur l'investissement, rendement qui n'a pas été très élevé dernièrement. C'est l'un des problèmes.
M. Whitehouse : Je suis entièrement d'accord avec vous.
Le sénateur Mitchell : Excellent. Merci.
Le sénateur Ringuette : Je vais également commencer là où mon collègue l'a fait. Les frais d'administration de 2 p. 100 que vous avez cités au Canada, qui sont les plus élevés de tous les pays de l'OCDE, ne me surprennent pas, car les Canadiens se font aussi imposer des frais trop élevés pour d'autres produits financiers.
Comment les autres pays que vous avez mentionnés, qui imposent des frais d'administration de 0,3 p. 100 et, au plus, de 1 p. 100, s'y prennent-ils? Comment font-ils pour veiller à ce que les frais d'administration des institutions financières ne soient pas plus élevés? Ont-ils un plafond prescrit par la loi?
M. Whitehouse : Les pays ont privilégié des approches très différentes. Au premier stade, il faut rendre les frais plus visibles et plus facilement comparables. Lorsque j'ai commencé mes travaux au Royaume-Uni, les sociétés prélevaient environ huit types de frais différents. Certains étaient des frais uniques, d'autres étaient des frais annuels fixes, certains étaient un pourcentage des actifs et d'autres encore étaient un pourcentage des cotisations. Par conséquent, il était très difficile de déterminer le régime le plus abordable. Il fallait supputer le montant de ses cotisations, leur durée et le rendement potentiel du capital investi avant de pouvoir trouver une réponse.
Une chose à faire pour simplifier les frais et les rendre visibles est de dire que vous pouvez imposer ceux que vous voulez, mais un seul type. D'habitude, cela consistera à demander soit un pourcentage de l'actif soit un pourcentage des cotisations. Tout le monde doit avoir un prix comparable. Ensuite, je crois que vous avez besoin d'offrir un genre de programme de connaissances financières pour expliquer les chiffres que j'ai mentionnés plus tôt. C'est-à-dire que 1 p. 100 de chaque frais supplémentaire équivaut à 25 cents de chaque dollar que vous cotisez à votre régime de pension. Alors ce montant disparaît complètement lorsqu'il est question de frais.
Les pays sont allés plus loin lorsque ce processus visant à offrir des frais visibles et comparables n'a pas fonctionné. Au Royaume-Uni, vers la fin des années 1990, on a instauré ce qu'on appelle une « stakeholder pension », qui est, essentiellement, comme un REER. Il s'agit d'un régime de retraite à cotisation déterminée, mais dont les frais sont plafonnés à 1 p. 100 de l'actif par année. Les acteurs de l'industrie des services financiers ont hurlé que ce serait absolument impossible, mais, remarquablement, entre 30 et 50 entreprises sont entrées sur le marché. Sur ma « stakeholder pension », on m'a imposé des frais annuels de 0,5 p. 100 de mon actif, par exemple. Il y a plein de gens capables de gérer ces investissements à un prix raisonnable. Vous devez investir l'argent dans des fonds indiciels ou des fonds indiciels négociables en bourse, mais c'est possible.
Pour avancer au prochain niveau, il faut un type de système de compensation centralisé. En Suède, par exemple, on s'inquiétait beaucoup des frais puisque les taux de cotisation aux régimes de retraite privés obligatoires représentaient seulement 2,5 p. 100 du revenu des particuliers. Vous pouvez vous imaginer que les frais pourraient faire disparaître ces montants très rapidement.
Ils ont mis sur pied un système de compensation centralisé pour prélever toutes les cotisations. Les gens pouvaient toujours bénéficier de choix d'investissement très vastes — je crois qu'ils avaient un choix de 500 fonds — mais l'organisme chargé de la tenue des dossiers envoyait simplement un chèque à chaque fournisseur pour toutes les personnes qui l'avaient choisi. Les dossiers étaient centralisés. Cela a réduit les coûts de deux façons. Premièrement, ils ont négocié des frais beaucoup moins élevés que chacun des fournisseurs offrait aux épargnants. Deuxièmement, ils ont évité bien des dépenses en marketing parce que les fonds ignoraient quelles personnes souscrivaient à leurs régimes. Nombre d'occasions de marketing direct ont été empêchées grâce à cela.
Au Royaume-Uni, nous suivons tout à fait le modèle suédois et tentons d'avoir un système de compensation centralisé et de guider les gens principalement vers des fonds indiciels à faible coût ou des fonds indiciels négociables en bourse, pour garder ces frais très bas.
Le sénateur Ringuette : Le concept des pensions privées obligatoires nous est étranger. Pourriez-vous nous donner un peu plus de détails sur son fonctionnement et la façon dont il est prévu par la loi?
M. Whitehouse : Il fonctionne différemment dans différents pays. Si vous prenez, par exemple, les pays d'Europe orientale, ils avaient ce qu'on appelle, dans la politique américaine, un placement d'actions d'une filiale. Ils ont décidé de réduire le régime de pension gouvernemental et d'orienter certaines des cotisations vers des régimes de pension privés obligatoires.
Le cadre général de cette démarche — j'utiliserai la Pologne comme exemple — est que toutes les personnes de moins de 30 ans ont dû adhérer au nouveau système dans lequel l'on s'attendait à ce que la moitié des prestations provienne du régime de pension privé et l'autre, du régime de pension gouvernemental. Les personnes entre 30 et 50 ans pouvaient choisir de garder leurs pensions gouvernementales ou de changer d'option. Je crois qu'environ 25 sociétés sont entrées dans le marché polonais au départ. Il y a eu de la consolidation, et le nombre est maintenant moindre, mais vous aviez le choix des fournisseurs. Si vous omettiez de faire un choix, on vous assignait un fournisseur par défaut.
Ce système a aussi été instauré sous forme de pension privée complémentaire. Ce serait probablement plus pertinent dans le cas des Canadiens.
Prenons par exemple l'Australie. Avant la réforme australienne, en 1992, environ la moitié de la main-d'oeuvre avait un régime de retraite professionnel. Ils ont eu un point de départ semblable à celui où se trouve maintenant le Canada. Le gouvernement australien a fait en sorte qu'il soit obligatoire pour tous les employés de cotiser une certaine partie de leur revenu à un régime de pension privé. Cette cotisation s'est élevée avec le temps à 9 p. 100 du revenu personnel. Chaque employeur doit posséder pareil régime.
Au départ, les particuliers n'avaient pas le choix; ils devaient souscrire au régime choisi par leur employeur. Nombre d'employeurs avaient déjà leur propre régime, alors ils répondaient à l'exigence. Les petites et moyennes entreprises du secteur privé qui n'avaient pas de régime se sont principalement tournées vers un fournisseur — une société d'assurances ou une banque — et en ont mis un en place pour leurs employés.
La Norvège et la Suisse seront encore des exemples où on a commencé avec une couverture élevée des régimes de retraite professionnels qui est simplement devenue obligatoire pour l'ensemble de la population.
Le sénateur Ringuette : Votre publication du début de décembre couvrira-t-elle tous ces régimes en détail?
M. Whitehouse : Pour l'instant, je crois que nous sommes toujours en mode diagnostic plutôt qu'en mode traitement ou prescription ou quel que soit le mode qui vient après. Assurément, à un moment donné, nous le ferons.
Notre grand rapport sur les pensions intitulé Les pensions dans les pays de l'OCDE 2009 : Panorama des systèmes de retraites a été publié en juin dernier. Je serais ravi de vous envoyer des versions électroniques que vous pourrez consulter. Il couvre tous ces types de secteurs avec force détails.
« Panorama » est un terme utilisé à l'OCDE. Le document compte 279 pages. Voilà pourquoi Time Magazine a qualifié Les pensions dans les pays de l'OCDE 2009 : Panorama des systèmes de retraites de « titre charmant ». Je me ferai un plaisir de vous l'envoyer.
Le président : Je vous en prie, monsieur Whitehouse, nous veillerons à ce qu'il soit diffusé.
Comme je vous l'ai indiqué plus tôt, notre comité aussi est toujours en mode diagnostic. Tout renseignement de base que vous pouvez nous donner nous sera utile.
Vous avez parlé de 2 p. 100 pour des frais d'administration d'un régime de pension privé. Avez-vous fait la comparaison entre les coûts des frais d'administration des régimes de pension gouvernementaux et des régimes de pension privés? Je présume que les frais d'administration des régimes de pension gouvernementaux seraient moins élevés que cela.
M. Whitehouse : Ils sont bien moins élevés, mais les régimes de pension gouvernementaux ne travaillent pas autant. Dans la plupart des cas, ils ne font pas d'investissements. Bien entendu, dans le cas du Canada, le RPC possède une très vaste réserve. Je n'ai pas vérifié ce que sont les coûts administratifs de la gestion de cette réserve, mais je présume qu'ils sont considérablement plus bas que 2 p. 100 de l'actif par année. Là encore, ils n'ont pas à faire toute la tenue de dossier. Les gens n'ont pas de compte individuel du Régime de pensions du Canada en ce sens qu'ils possèdent une partie de la réserve. Il s'agit d'une réserve générale contre toutes les dettes. Essayer de comparer les coûts d'administration des régimes gouvernementaux et privés équivaut à comparer des pommes et des oranges.
Le président : Corrigez-moi si je me trompe, mais je croyais que la taille du fonds géré constituait également un facteur.
M. Whitehouse : Oui, certainement. C'est pourquoi le Royaume-Uni a dit qu'il acceptait 0.5 p. 100 au cours des premières années, pendant l'accumulation des actifs, mais qu'une fois que la valeur des actifs aura augmenté, il viserait à réduire cela à 0,3 p. 100.
Le président : C'est pourquoi j'ai été étonné de voir qu'il y avait tant de fonds privés. Je me demandais comment un si grand nombre d'entre eux pouvaient le faire avec des frais administratifs de 1 p. 100. S'ils combinaient leurs actifs et travaillaient ensemble, ils pourraient probablement y parvenir.
M. Whitehouse :. Je pense que c'est l'objectif visé par l'approche du Royaume-Uni Les gens seront en mesure de choisir n'importe quel fournisseur qu'ils veulent et les frais qu'ils devront payer. Toutefois, les gens seront orientés par différents choix par défaut, principalement, vers les fonds cycle de vie à frais moins élevés. L'expérience internationale nous a montré que les gens ont tendance à prendre les options par défaut.
Parfois, il y a une certaine effervescence au moment où il est question de réforme des pensions et les gens font activement des choix d'investissement. Par exemple, en Suède, au moment de la réforme des pensions, vous aviez un livre orangé de la taille d'un bottin téléphonique et les gens feuilletaient ce livre pour arrêter leurs choix. Ce qui est malheureux, c'est que cela s'est produit vers 2002 et les gens ont fait leurs choix d'une manière qui ne correspond pas à la façon dont vous devriez faire des choix d'investissement; ils ont regardé le rendement antérieur. Ils ont eu tendance à placer tout leur argent dans des titres technologiques, qui se sont effondrés immédiatement.
En fait, le fonds par défaut a été celui qui a donné le meilleur rendement au cours des premières années de cette opération. Le résultat, c'est que 85 p. 100 des gens en Suède ont maintenant recours au fonds pas défaut. Il s'est produit quelque chose de semblable au Chili : lorsque le choix d'investissement a été offert pour la première fois, les deux tiers des gens ont fait un choix actif. Maintenant, ils sont très peu nombreux à le faire.
Les choix par défaut sont une bonne façon d'amener les gens là où vous pensez qu'ils devraient aller.
Le président : La façon la plus sage.
Le sénateur Di Nino : J'aimerais commencer par voir si je peux redéfinir le mot « pension ». Du moins, pour moi, une pension est généralement perçue comme un régime qui, jusqu'à un certain degré, est géré et contrôlé et qui procure un avantage fiscal. Voilà ma définition.
Je me demande si vous connaissez bien un autre actif de pension qui procure également un avantage fiscal très intéressant et qui, je pense, devrait être inclus dans la définition des actifs disponibles sur lesquels un retraité peut compter pour vivre.
Nous avons un système au Canada — et je me demande si vous savez si cela existe ailleurs — où, pendant toute votre vie, votre résidence principale n'est pas soumise à l'impôt sur les gains en capital. Si vous avez acheté une maison à l'âge de 30 ans pour la somme de 200 000 $ et que vous voulez prendre votre retraite à 60 ans et que cette maison vaut maintenant un million de dollars, cela fait 800 000 $ libres de tout impôt.
J'ai travaillé un peu de temps dans ce domaine d'activité; alors, cela fait partie d'une discussion que j'ai eue de nombreuses fois. Il s'agit également, dans les faits, d'un actif qui est utilisé à des fins de retraite et qui, lorsque vous faites vos données statistiques, pourrait modifier légèrement vos chiffres. Est-ce qu'un autre pays, à votre connaissance, possède d'autres types d'investissements semblables qui n'entraînent pas de coût aux fins de l'impôt et que vous pourriez, dans les faits, considérer comme un actif de retraite?
M. Whitehouse : La plupart des pays de l'OCDE ont des avantages fiscaux pour les habitations occupées par leur propriétaire. C'est quelque chose que l'on retrouve de façon générale. Les taux d'occupation par le propriétaire ont tendance à être un peu plus faibles en Europe continentale et sont le plus élevés en Australie, au Royaume-Uni, au Canada et aux États-Unis.
Je suis parfaitement d'accord avec vous pour dire que les gens économisent aux fins de leur retraite de plusieurs façons complexes qui ne sont pas toujours étiquetées « pension ». Comme l'a dit plus tôt le sénateur Eggleton, de nombreuses études indiquent que les gens n'ont pas une pension suffisante, mais si vous examinez la totalité de leurs finances, vous constaterez qu'ils placent de l'argent dans leurs propres entreprises ou investissent dans l'habitation. Ils ont, en fait, pris certaines dispositions.
En effet, mon ancien patron au Royaume-Uni a été chargé de faire une émission de télévision ayant pour but de démontrer que les gens n'économisaient pas suffisamment en vue de leur retraite. Les gens qu'on lui a amenés pour discuter de cette question étaient des gens qui, par exemple, avaient acheté une maison plus grande que ce qu'ils avaient besoin, parce qu'ils se proposaient de l'échanger contre une maison plus petite au moment de la retraite. Ils investissaient dans leur entreprise. Il n'a pas été en mesure de démontrer que ces personnes ne pensaient pas à la retraite ou ne s'y préparaient pas. Elles le faisaient, mais pas avec des choses qui portaient l'étiquette « pension ».
Déceler des actifs comme l'habitation et le reste dans l'analyse des données est assez difficile. Je suis d'accord avec vous pour dire que nous ne devrions pas penser étroitement que les gens peuvent économiser en vue de leur retraite seulement au moyen de véhicules qui sont étiquetés « pension ».
Le sénateur Di Nino : Vous avez parlé des dépenses publiques liées aux pensions et vous avez dit que l'Italie était rendue à 14 p. 100. Vous avez donné un ou deux autres exemples. Je crois comprendre qu'un certain nombre de pays dans l'UE — particulièrement la France, l'Allemagne, l'Italie et quelques autres — ont entrepris une réforme des pensions qui mènera à une réduction de ces dépenses publiques. Est-ce que le pourcentage de 14 p. 100 pour l'Italie ou pour les autres exemples représente la situation avant ces réformes ou après?
M. Whitehouse : Les 14 p. 100 pour l'Italie datent des quelques dernières années.
La Commission européenne a récemment publié des projections financières à long terme pour les dépenses relatives à la pension pour les 27 États membres de l'UE. Ces dernières révèlent que les dépenses au chapitre de la pension en Italie jusqu'en 2060, qui est la limite de l'horizon de prévision utilisé, demeureront à environ 14 p. 100 du PIB. Il y a deux choses qui se produisent. Vous avez un énorme effet lié au vieillissement en Italie. Le taux de fécondité en Italie, qui est d'environ 1,3, est l'un des plus faibles des pays de l'OCDE. Il est loin en deçà des 2,1 enfants par femme dont vous avez besoin pour le renouvellement de la population. Il y a eu également des réductions substantielles des prestations.
Vous avez également parlé de la France et de l'Allemagne. Nos prévisions indiquent que les réformes qui ont eu lieu en Allemagne et en France réduiront les pensions de l'État d'environ 25 p. 100. Au cours de l'horizon de la prévision jusqu'en 2060, les dépenses au chapitre des pensions en France et en Allemagne augmenteront, mais très légèrement.
Il y a eu des réductions énormes dans les prestations de retraite. Environ 20 des 30 pays de l'OCDE ont entrepris une réforme majeure des pensions au cours des 15 dernières années. Environ 10 de ces réformes ont fait intervenir des réductions importantes des prestations. Les chiffres indiquent que la norme en ce qui a trait aux réductions des prestations est d'environ 20 à 25 p. 100.
Le sénateur Di Nino : Les frais administratifs sont une question qui a été débattue pendant longtemps dans ce pays. L'expression utilisée est ratio des frais de gestion, RFG.
Il y a ceux qui disent : « Peu importe combien je paye tant et aussi longtemps que le rendement des investissements que j'obtiens est plus élevé après le RFG que celui de quelqu'un qui a payé les frais les moins élevés. »
Je ne pose pas cette question pour appuyer la position de qui que ce soit. Cependant, n'est-ce pas là un problème? N'est-ce pas là, la plupart du temps, le choix de l'investisseur, en ce sens qu'il cherche à obtenir un rendement net supérieur à n'importe qui d'autre quels que soient les frais administratifs?
M. Whitehouse : Je pense que nous aimerions tous quelque chose qui donnerait un rendement supérieur, comme l'ont suggéré certains de vos collègues. Les données empiriques démontrent qu'aucun gestionnaire de fonds ne parvient à surclasser les indices de manière persistante. Les frais de gestion additionnels ne procurent pas un rendement additionnel.
J'ai fait des analyses de chiffres pour le compte du Royaume-Uni J'ai trouvé une très légère augmentation du rendement avec l'augmentation des frais de gestion. Mais cela était loin de correspondre à l'importance des frais de gestion.
Mon sentiment personnel, c'est qu'il n'est pas possible de surclasser le marché de façon persistante. Il est préférable de choisir les fonds qui coûtent le moins cher. Pour mes propres investissements, j'ai soigneusement opté pour les fonds qui avaient les frais les moins élevés et j'ai choisi des fonds indiciels. Je pense que la plupart des miens comportent des frais d'environ 0,3 p. 100.
Le sénateur Di Nino : Je crois que je n'ai pas bien exprimé le point que je voulais faire valoir.
D'après ce que je crois comprendre, c'est surtout le choix des personnes. Je pense que vous avez utilisé le mot « visibilité » auparavant. Tant et aussi longtemps que les frais sont précisés clairement et que l'investisseur sait ce qu'il fait, c'est un choix. C'est le point que je voulais faire valoir. Ce n'est pas nécessairement que les entreprises tentent d'arnaquer les gens si elles divulguent leurs coûts et qu'il est possible de faire des comparaisons avec les concurrents.
M. Whitehouse : Il est clair que des investissements gérés en fonction de l'activité sont plus coûteux si vous avez un gestionnaire de fonds qui choisit les actions et qui, peut-être même, est un investisseur activiste qui intervient dans les politiques de l'entreprise et qui vote aux réunions des actionnaires, et cetera. Cela coûte de l'argent.
Cependant, la conclusion générale que l'on retrouve dans la documentation financière, c'est que cela ne génère pas de rendement additionnel. Il s'agit d'une constatation très générale.
Le sénateur Di Nino : C'était le point que je voulais faire valoir. Je suis d'accord avec cela.
C'est une pratique assez courante dans ce pays, lorsque vous choisissez un fonds qui comporte des frais et des choix d'investissement, que de préparer un profil pour chaque client. Le client a un choix d'actifs et les niveaux de risque sont définis et convenus par le client et la banque ou la firme d'investissement.
Est-ce quelque chose de fréquent dans les études que vous avez réalisées?
M. Whitehouse : Je pense que dans la plupart des pays, la réglementation sur les services financiers exige que les fournisseurs évaluent de manière appropriée les désirs des clients et, en particulier, leur appétit pour le risque. C'est clairement l'élément le plus important.
Vous constatez souvent que les gens deviennent extrêmement prudents. La recherche en économie comportementale nous indique que les gens souffrent d'une aversion aux pertes à courte vue. Ils n'aiment pas l'idée de perdre de l'argent.
Le sénateur Di Nino : Nous sommes tous comme cela, pas seulement eux.
M. Whitehouse : Par exemple, si je lançais un pari à tout le monde dans la salle pour jouer à pile ou face. Face, je vous donne 120 $ et pile, vous me donnez 100 $; combien d'entre vous accepteraient le pari?
Le sénateur Di Nino : J'accepterais probablement.
M. Whitehouse : Nous avons quelques personnes ici. Le plus grand nombre de personnes qui ont accepté ce pari provenaient d'un auditoire composé de spécialistes de banques d'investissement à New York. Le tiers d'entre eux ont accepté le pari. La dernière fois que j'ai fait ce pari, j'ai perdu.
Le sénateur Di Nino : Pensez-vous que généralement le Canada se classe bien dans ce domaine?
M. Whitehouse : J'ai décrit ce que sont, à mon avis, les problèmes du Canada. Ils sont d'une ampleur beaucoup moins grande et ils sont plus gérables que si je parlais à un organisme semblable dans de nombreux autres pays de l'OCDE.
Le Canada possède un système de revenu de retraite à haut rendement.
[Français]
Le sénateur Carignan : Monsieur Whitehouse, est-ce qu'un régime de retraite peut avoir un contenu minimum en immobilier? Y a-t-il des normes qui régissent le contenu minimum, que ce soit en immobilier ou en actions, du pays dans lequel le fonds est détenu? Est-ce que ce type de normes existent et est-ce qu'elles sont souhaitables?
[Traduction]
M. Whitehouse : La plupart des pays autorisent maintenant beaucoup d'investissements internationaux. Il est essentiellement illégal pour les pays de l'UE d'exiger que vous investissiez l'argent au pays. Je crois comprendre que les investissements du RPC/RRQ ont fait l'objet d'un débat au Canada il y a un certain nombre d'années et qu'initialement, il y avait des exigences en matière d'investissements au pays, mais que ces dernières ont été éliminées.
Le point général à retenir, c'est que les caisses de retraite doivent diversifier leur portefeuille le plus possible. Dans une certaine mesure, elles sont dans une position unique, parce qu'elles sont des investisseurs à long terme; alors, les investissements, non seulement dans l'immobilier, mais également dans l'infrastructure, semblent constituer un élément raisonnable du portefeuille.
J'ai trouvé intéressant de voir que le RPC a acheté beaucoup d'investissements d'infrastructure de la banque Macquarie en Australie. Cela semble un investissement intéressant et raisonnable de la part du RPC, qui a un horizon d'investissement presque illimité. Ce n'est pas comme une personne qui veut que la pension dure 50 ou 60 ans. Le RPC durera toujours.
Le sénateur Callbeck : Vous avez dit qu'en Allemagne, 55 p. 100 des personnes âgées de 22 à 25 ans avaient un régime de retraite privé. De toute évidence, ce serait le pourcentage le plus élevé de tous les pays de l'OCDE. Y a-t-il une explication à cela? En a-t-on fait la promotion?
M. Whitehouse : Cette question mérite certainement plus de recherche, parce que c'est un succès unique. Au cours du processus de réforme des pensions, le gouvernement allemand a réduit de manière considérable les pensions de l'État, de 20 ou 25 p. 100 pour les travailleurs d'aujourd'hui comparativement à celles de leurs parents et grands-parents. Le gouvernement allemand a été très ouvert à cet égard et il a dit aux gens que dans le passé, le régime de pension de l'État était conçu pour offrir une retraite confortable. Il a dit qu'il ne pouvait plus se permettre cela dans l'avenir parce que le taux de natalité est trop faible et que la population est sur le point de décliner, si ce n'est pas déjà le cas.
Il a dit aux gens qu'ils avaient besoin d'économiser pour leur retraite et très rapidement ces nouvelles pensions, appelées pensions Riester, du nom de celui qui les a proposées, se sont étendues à environ les deux tiers de la main- d'oeuvre. Cela a été une réponse extraordinaire.
Il n'y a pas d'incitatifs fiscaux, mais des contributions appariées du gouvernement. Si vous consacrez 4 p. 100 de votre salaire, le gouvernement va investir beaucoup d'argent dans le régime. Les gens ne contribuent pas des sommes importantes, mais ils contribuent ces 4 p. 100.
Je ne comprends pas très bien pourquoi les gens au Canada, en Irlande et au Royaume-Uni, qui sont également conscients qu'ils ont une responsabilité personnelle de prévoir en fonction de leur âge, ont moins tendance à le faire. Cela devrait faire l'objet d'une étude.
Le sénateur Callbeck : Je regardais un tableau sur le rendement réel des caisses de retraite pour l'année 2008. L'Allemagne est à moins 8,5 p. 100, alors que nous sommes à 21 p. 100, l'Australie, à 26 p. 100, et l'Irlande, à 37 p. 100.
Pourquoi le rendement en Allemagne est-il si différent de celui des autres pays?
M. Whitehouse : Cela s'explique principalement par le fait que les investissements sont très prudents. En Australie, aux États-Unis et au Royaume-Uni, environ 60 p. 100 des fonds de pension sont investis dans des actions. Au Canada, c'est plus faible que cela, à environ 50 p. 100. En Irlande, c'est plus élevé, entre 65 et 70 p. 100. Cela explique une partie de la différence de rendement.
Les Allemands investissent environ le tiers de leurs fonds de retraite privés dans les actions. C'est principalement attribuable au fait qu'ils ont une stratégie d'investissement plus prudente. Si on regarde le tableau, le rendement de leurs investissements était meilleur que celui de la Norvège, de la Suisse, du Portugal et de l'Autriche, qui ont des proportions semblables de fonds investis dans les actions, et qui n'ont pas connu un tel déclin. Le principal moteur, c'est la stratégie d'investissement.
Évidemment, 2008 a été une bonne année pour investir dans les obligations, mais si vous regardez sur un horizon à plus long terme, les obligations ont donné un rendement réel d'environ 5 p. 100 au cours des 30 dernières années comparativement à environ 8 ou 9 p. 100 pour les actions; alors, il y a une différence considérable.
Le sénateur Callbeck : Je veux vous poser une question sur la différence touchant le revenu de retraite entre les hommes et les femmes. Au Canada, il est plus faible dans le cas des femmes. J'imagine qu'il en est de même pour tous les pays dont nous parlons ici ce soir.
Y a-t-il ici un écart plus grand que dans d'autres pays ou est-ce que les écarts sont grossièrement les mêmes d'un pays à l'autre?
M. Whitehouse : Il y a certains pays où le revenu de retraite des femmes est plus élevé, en moyenne, que celui des hommes, mais il n'y en a que quelques-uns. Le Canada se situe environ au milieu du peloton. Le taux de pauvreté chez les femmes plus âgées est plus élevé de quelques points de pourcentage que chez les hommes plus âgés. Encore une fois, il y a des données plus détaillées dans le rapport intitulé Les pensions dans les pays de l'OCDE 2009. Je n'ai pas révisé les chiffres parce que demain, je vais prendre la parole devant le Comité de la condition féminine de la Chambre des communes et j'aurai ces chiffres en tête à ce moment-là. Oui, il y a des écarts, mais le Canada est loin d'être le seul dans cette situation.
Le sénateur Gerstein : L'aide fiscale à l'épargne semble jouer un rôle important au Canada comme en témoignent les millions de Canadiens qui ont contracté des REER afin d'économiser pour leur retraite. Êtes-vous au courant du nouveau véhicule d'épargne qui a été lancé récemment, le compte d'épargne libre d'impôt, et avez-vous un avis sur son efficacité? Savez-vous si d'autres pays utilisent ce véhicule?
M. Whitehouse : Le compte d'épargne libre d'impôt correspond grosso modo à ce qu'on pourrait appeler un impôt prépayé sur les dépenses, en ce sens que les montants qui y sont versés ne sont pas déductibles, mais que le rendement du capital investi et les retraits ne sont pas imposés.
Le Royaume-Uni dispose d'une mesure semblable depuis les années 1980. À l'origine, il s'agissait surtout d'un régime personnalisé d'achat de titres, mais les gens peuvent désormais acheter des actions, jusqu'à concurrence d'une certaine limite. J'ai beaucoup travaillé dans le domaine des impôts. Et chaque fois que je parlais de l'imposition de l'épargne dans mes articles, c'est le genre de véhicule que j'avais tendance à favoriser.
Le sénateur Gerstein : Vous aviez tendance à les favoriser?
M. Whitehouse : Oui.
Ce qui intéresse les théoriciens, c'est de savoir s'ils réussissent à faire augmenter les épargnes. La réponse est très mitigée. Malheureusement, la plupart des analyses nous viennent des États-Unis. Essentiellement, les économistes sont divisés en deux camps. Ceux du premier camp croient dur comme fer que tout ce qui se rapporte aux comptes de retraite individuels, aux régimes 401K et autres nouveautés que l'on retrouve aux États-Unis génèrent de nouvelles épargnes. Ceux de l'autre camp croient au contraire qu'il ne s'agit en fait que de sommes qui sont diverties d'autres véhicules d'épargne moins attrayants fiscalement parlant. J'ai tendance à me ranger du deuxième côté et à croire qu'il ne s'agit pas d'argent neuf, mais simplement de sommes qui n'ont pas été investies ailleurs.
Maintenant, lorsqu'on compare deux véhicules comme le compte d'épargne libre d'impôt et le REER, les gens veulent savoir s'ils peuvent embarquer dans le système et transférer leur argent d'un véhicule à l'autre. Selon ce que j'en comprends, les cotisations au REER sont déductibles et le rendement du capital investi n'est pas imposable, mais on doit payer de l'impôt à la sortie. Alors que c'est tout le contraire avec le compte d'épargne libre d'impôt.
Le sénateur Gerstein : C'est exactement ça.
M. Whitehouse : Si les revenus d'une personne fluctuent tout au long de sa vie active, comme c'est le cas pour la plupart des gens, elle aura donc avantage, pour maximiser les avantages fiscaux de chaque véhicule, à investir dans le REER à certains moment de sa vie, et dans le compte d'épargne libre d'impôt à d'autres.
Maintenant, réussira-t-elle à faire croître ses revenus? C'est une première question qu'il faut se poser. La seconde serait : contribuera-t-elle à faire croître les revenus de la nation? De toute évidence, ces deux régimes obligent le gouvernement à renoncer à certains revenus. D'aucuns pourraient également s'inquiéter de ce que les gens risqueraient d'être tentés de prendre certaines sommes qu'elles auraient normalement laissées profiter dans un REER jusqu'à leur retraite pour les mettre dans un compte d'épargne libre d'impôt, sous prétexte qu'ils peuvent les retirer au moment qui leur convient et n'ont pas à attendre plus tard.
Le sénateur Gerstein : Dans votre exposé préliminaire, vous nous avez dit que vous redoutiez surtout le moment où l'on vous demande quel pays dispose du meilleur régime de retraite. Il reste cependant qu'on peut apprendre beaucoup de ce qui se fait dans les autres pays.
D'après votre expérience, pourriez-vous nous nommer quelques pays, quatre ou cinq tout au plus, dont les solutions innovatrices pourraient inspirer le comité, notamment en ce qui a trait aux pensions et à la retraite? Vers qui devrions- nous nous tourner?
M. Whitehouse : Le premier point à définir lorsqu'on cherche à établir un diagnostic est celui de l'obligation : veut- on, oui ou non, obliger les gens à cotiser à un régime de pension privé. L'Australie, la Hongrie, la Pologne, la Norvège, la Suède, la Suisse, et cetera. ont toutes répondu « oui » à cette question, parce qu'après avoir analysé la situation, elles se sont toutes dit : « Nous avons un problème. Nous n'atteignons pas la couverture complète grâce aux régimes privés. Il faut donc que nous obligions les gens à cotiser à un régime privé. »
La Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et l'Irlande ont tous rejeté cette voie, mais ils ont tous constaté qu'ils devaient quand même faire quelque chose. Comme je le disais, le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande ont opté pour la solution de l'inscription automatique, qui n'est pas à dédaigner. L'Irlande, de son côté, s'est dotée d'une commission indépendante sur la réforme des pensions, comme le Royaume-Uni avant elle. Or, les membres de cette commission, tous d'éminents spécialistes de renom, n'ont jamais réussi à s'entendre. Essentiellement, ils sont divisés en deux groupes presque égaux. La première moitié tient à rendre les régimes privés obligatoires, alors que l'autre s'y refuse obstinément, car ils prétendent que les citoyens verront d'un très mauvais oeil les cotisations qu'ils seront tenus de verser, qu'ils considèreront comme un nouvel impôt. Je crois que c'est là l'essentiel du débat.
Le sénateur Gerstein : Génial.
M. Whitehouse : Les pays dont je vous parle sont de bons exemples de nations qui se trouvaient dans une situation comparable à celle du Canada et qui ont choisi des solutions différentes.
Je crois que c'est vers là que je vous conseillerais de regarder.
Le sénateur Gerstein : Je vous remercie, monsieur Whitehouse.
Le sénateur Eggleton : Je vais être bref. Certains, au pays, réclament la création d'un second Régime de pensions du Canada ou d'un régime complémentaire. Nous pourrions ainsi contourner le problème que posent les gens qui n'investissent pas suffisamment dans un REER pour se constituer un supplément acceptable aux fonds publics. Comme la plupart des gens n'ont pas de RPA à proprement parler, ce serait le véhicule à privilégier, mais le rendement n'est pas ce qu'il devrait.
Si l'on optait pour cette solution, les cotisations se feraient sur une base volontaire. Ce sont les échos que j'en ai, en tout cas. Le fait d'être partie prenante à un si gros fonds d'investissement a ses avantages, notamment du point de vue des retombées. D'après ce que vous avez vu ailleurs dans le monde, croyez-vous que cela puisse marcher?
M. Whitehouse : On parle ici d'un régime à cotisations déterminées dont l'argent serait géré par l'Office d'investissement du RPC?
Le sénateur Eggleton : C'est exact.
M. Whitehouse : Et il s'agirait d'un régime volontaire?
Le sénateur Eggleton : Oui.
M. Whitehouse : Il faudrait alors se demander quelle est, à l'heure actuelle, la proportion de la demande que les régimes privés ne réussissent pas à combler, puisque les gens ont le choix du véhicule dans lequel ils investissent, et ils peuvent très bien décider de cotiser à un REER, ou à tel ou tel autre régime. Avec un régime entièrement volontaire, vous risquez de ne pas avoir beaucoup de cotisants. La plupart des gens qui veulent cotiser à un régime privé ont déjà un RPA ou un REER. Il serait peut-être bon d'envisager l'option de l'inscription automatique.
Il ne faut pas oublier non plus que le RPC est géré de manière à toujours avoir suffisamment d'argent pour continuer à payer des pensions à prestations déterminées. La politique d'investissement n'est alors pas du tout la même que pour un régime où chaque personne dispose d'un compte à cotisations déterminées. Sans compter que le RPC peut se permettre de conserver une portion beaucoup plus élevée d'actifs risqués que ce que vous, comme individu, voudriez avoir, ne serait-ce que du point de vue du cycle de vie et des prestations moins risquées. Bref, le RPC devrait alors être géré comme une série de comptes individuels et non plus comme un fonds de réserve, comme c'est actuellement le cas.
Le sénateur Eggleton : Quels types d'incitatifs pourrait-on offrir? Comme vous le dites vous-même, les gens peuvent déjà investir dans un REER. Ils auraient donc le choix entre deux régimes volontaires. Mais de toute évidence, les REER ne réussissent pas, à eux seuls, à répondre à tous les besoins. Ce nouveau régime le pourrait, lui, mais comment inciter les gens à s'en prévaloir? Quelle mesure incitative pourrait-on leur offrir?
M. Whitehouse : Nombreux sont ceux qui, dernièrement, estiment que les incitatifs fiscaux traditionnels, selon lesquels les cotisations sont déductibles de votre revenu imposable, ne sont pas particulièrement efficaces. En fait, ces incitatifs sont surtout intéressants pour ceux dont le taux d'imposition marginal est élevé, alors qu'ils ne sont d'aucun intérêt pour les citoyens qui ne paient aucun impôt sur le revenu. D'autant plus que les gens ont souvent du mal à bien en comprendre les tenants et les aboutissants. Bon nombre d'études, dont celles qui ont été réalisées aux États-Unis et certaines autres mettant en scène de vrais citoyens investissant de l'argent bien réel, ont montré que les gens comprennent plus facilement le concept des cotisations de contrepartie et qu'ils y répondent bien.
Au Royaume-Uni, selon le nouveau régime à inscription automatique, l'employé verse une cotisation de 4 p. 100, l'employeur, 3 p. 100, et le gouvernement verse en contrepartie 1 p. 100 supplémentaire. Le régime Riester allemand dont je parlais tout à l'heure fonctionne un peu sur le même principe. Même chose en Nouvelle-Zélande, où les cotisations de contrepartie sont privilégiées aux allégements fiscaux. Ce type d'incitatif fonctionne bien mieux auprès des travailleurs à faible revenu que les allégements fiscaux purs et durs. C'est, semble-t-il, plus efficace lorsqu'on leur dit : « Versez 5 p. 100 de vos revenus dans le régime X, et nous en verserons 2,5 p. 100. » C'est ce qui se fait ailleurs dans le monde.
Le sénateur Eggleton : On parle aussi beaucoup de conscientiser les gens à la réalité financière. Les partisans de cette approche estiment qu'on devrait mieux informer les gens afin qu'ils comprennent bien le niveau d'épargne dont ils ont besoin, car la plupart sont convaincus qu'ils ont assez d'argent, alors que ce n'est pas toujours le cas. Y a-t-il d'autres pays de l'OCDE où il se fait quelque chose dans ce sens-là et où la situation pourrait se comparer au Canada?
M. Whitehouse : Tous les gouvernements du monde hésitent beaucoup avant de fournir à leurs citoyens le renseignement qu'ils voudraient tous obtenir et pour lequel ils aimeraient tant se faire conseiller, c'est-à-dire la somme qu'ils ont besoin d'épargner en prévision de leur retraite. Je crois que les gouvernements ne veulent pas se faire reprocher quoi que ce soit si jamais le montant préconisé s'avérait insuffisant. L'OCDE a fait des calculs détaillés pour tous les pays membres, y compris le Canada, où les pensions publiques sont relativement peu élevées.
Nous revenons en fait au point où nous étions tout à l'heure. Car ce qu'il faut déterminer, c'est le taux de remplacement que les gens veulent atteindre. Une fois que c'est fait, alors vous pouvez décider la part du rendement sur le capital investi que vous allez assumer.
Pour nos calculs, nous avons tout simplement décidé que tous les citoyens des pays dont le taux de remplacement était moins élevé que la moyenne des pays de l'OCDE, comme c'est le cas du Canada, devaient rattraper ladite moyenne, c'est-à-dire 60 p. 100. Nous avons alors calculé la somme que les gens devraient épargner chaque année s'ils mettaient de l'argent de côté sans interruption de 20 ans jusqu'à 65, puis s'ils attendaient 10 ans avant de commencer à épargner, 20 ans et ainsi de suite. Il faut que les gens sachent ce genre de choses, et il faut qu'ils sachent qu'au Canada, le montant à épargner n'est pas si élevé que cela. Selon les résultats de nos calculs, le salarié moyen qui passe 20 ans sans épargner quoi que ce soit (par exemple s'il commence à cotiser à un régime quelconque seulement à l'âge de 40 ans), n'aurait qu'à verser 8 p. 100 de son revenu en cotisations. S'il commence à épargner à 30 ans, ce pourcentage tombe à 6 p. 100, puis à 4 p. 100 s'il commence à économiser à l'âge de 20 ans. Vous conviendrez qu'il n'y a pas de quoi effrayer personne.
Pour ce qui est de conscientiser les gens à la réalité financière, sachez que je donne justement une conférence sur le sujet la semaine prochaine à Washington. Nous allons alors nous pencher sur quelques-unes des initiatives adoptées par certains pays. Il faut cependant savoir que c'est très difficile de susciter l'intérêt de monsieur et madame Tout-Le- Monde. Après tout, je suis moi-même censé être un expert dans le domaine, et je ne suis pas particulièrement intéressé à prendre des décisions actives d'investissement, alors imaginez les autres. C'est pourquoi il faudra faire bien attention à la manière dont sont conçus les régimes par défaut. Car il ne faut pas le nier : c'est ce que la plupart des gens vont finir par choisir, le régime par défaut, mais s'il est bien conçu, cela revient à dire que la plupart des gens font le bon choix.
Dans le cadre de notre sondage, nous avons demandé aux gens ce qu'ils préféraient entre prendre des décisions financières et se faire arracher une dent. La plupart ont répondu la dent.
[Français]
Le sénateur Carignan : Avez-vous des statistiques comparatives entre les pays sur le résiduel qu'une personne possède à sa retraite? Beaucoup de personnes accumuleront des sommes dans leur REER. Comme le sénateur Di Nino l'expliquait, ils auront une résidence qui aura pris une plus-value. Ils vont laisser un héritage, auront eu trop d'argent pour leur retraite. Cela peut arriver aussi qu'il y ait des gens qui aient trop d'argent. Y a-t-il des études qui comparent le pourcentage de gens qui ont accumulé trop d'argent pour leur retraite? On voit ceux qui en manquent.
Il y a un impact sur l'économie de prendre l'argent, de la mettre de côté et de la laisser dormir. Cet argent ne roule pas dans l'économie, ne fait pas fonctionner la consommation. À la limite, il y a un effet négatif qui peut se produire si les gens en accumulent trop. Je ne suis pas là pour dire que les gens accumulent trop d'argent. Ce n'est peut-être pas encore suffisant. Y a-t-il des études qui analysent les résiduels à la retraite? Y a-t-il des études qui les comparent pour chacun des pays?
[Traduction]
M. Whitehouse : Je suis loin d'être convaincu que cela vous aiderait. Je suis économiste. Dans mon métier, tout tourne autour du cycle de vie, ce qui signifie que vous devriez ramasser de l'argent tant que vous travaillez et que vous devriez le retirer lorsque vous prenez votre retraite. Pourtant, nous constatons que bien des gens, surtout pendant les premières années de leur retraite, continuent d'épargner. Autrement dit, ils croient comme vous qu'ils ont plus d'argent que ce qu'ils en veulent.
Maintenant, rien ne nous dit que, pour les motifs dont vous parlez, ces gens-là n'ont pas l'intention de tout léguer à leurs enfants, à leur organisme de charité préféré ou je ne sais quoi. Ou qu'ils craignent d'éventuelles dépenses imprévues, par exemple s'ils devaient tomber malades ou recevoir des soins à long terme.
Nous constatons en tout cas que, dans bon nombre de pays où c'est possible de le faire, les gens ont tendance à retirer tout ce qu'ils peuvent de leur régime de pension, ce qui pourrait en effet vouloir dire qu'ils ont l'intention de laisser le tout en héritage. Remarquez, cela pourrait aussi vouloir dire qu'ils sous-estiment leur propre espérance de vie et qu'ils croient que les pensions ne constituent pas un achat valable. C'est notamment ce qui se passe aux États-Unis, où plusieurs options s'offrent aux citoyens.
C'est très difficile d'évaluer précisément les besoins de chaque personne en matière de consommation. Comme je le dis souvent, bien des gens consomment moins que leur revenu de retraite, ce qui va à l'encontre des attentes des économistes.
Le président : Merci, sénateur Carignan.
C'est ce qui termine la séance de ce soir, monsieur Whitehouse. Je dois dire que ce fut une séance tout ce qu'il y a d'intéressant, et que vous avez fait exactement ce que nous attendions de vous : vous avez provoqué une bonne discussion et vous nous avez donné un bon aperçu de la situation au Canada par rapport au reste du monde. Sachez que nous lirons votre publication avec beaucoup d'intérêt, et nous vous remercions encore une fois d'avoir comparu ce soir devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales. Bonne chance pour la rencontre de demain.
M. Whitehouse : Merci beaucoup.
Le président : Merci. La séance est maintenant levée.
(La séance est levée.)