Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 19 - Témoignages du 8 décembre 2009
OTTAWA, le mardi 8 décembre 2009
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-51, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 janvier 2009 et mettant en œuvre d'autres mesures, se réunit aujourd'hui, à 9 h 35, pour faire l'étude article par article du projet de loi ainsi que pour examiner la teneur du projet de loi C-56, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi et modifiant d'autres lois en conséquence.
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, nous pouvons faire notre examen article par article ou par regroupement d'articles, et nous pouvons nous interrompre pour les observations, les questions et les préoccupations. La table analytique se divise en deux parties, la partie 1 et la partie 2. La partie 2 est elle-même divisée en plusieurs rubriques. Les dispositions sont regroupées par sujet, par exemple les accords de Bretton Woods, l'exécution du budget, le Régime de pensions du Canada, et cetera. Je propose que nous examinions le projet de loi en utilisant ce regroupement.
Des voix : D'accord.
Le président : Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour que le comité fasse maintenant l'examen article par article du projet de loi C-51?
Des voix : D'accord.
Le président : D'accord. Le titre est-il réservé?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 1, qui contient le titre abrégé, est-il réservé?
Des voix : D'accord.
Le président : Les articles 2 à 17, c'est-à-dire la partie 1, qui comprend les dispositions relatives à la Loi de l'impôt sur le revenu et au Règlement de l'impôt sur le revenu, sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Le président : Les articles 18 et 19 sont-ils adoptés? Il s'agit des dispositions sur l'allègement de la dette multilatérale et sur les hydrocarbures extracôtiers de la Nouvelle-Écosse.
Des voix : D'accord.
Le président : Les articles 20 à 22, inclusivement, qui contiennent les amendements aux accords de Bretton Woods et aux accords connexes, sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 23, qui porte sur la Loi sur la radiodiffusion, est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Merci.
[Français]
L'article 24, de la Loi d'exécution du budget de 2009, est-il adopté?
[Traduction]
Des voix : D'accord.
Le président : Les articles 25 à 43 sont-ils adoptés? Il s'agit des dispositions relatives au Régime de pensions du Canada.
Des voix : D'accord.
Le président : D'accord, merci.
Les articles 44 à 46, inclusivement, portent sur la Loi sur l'office d'investissement du Régime de pensions du Canada. Ces articles sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Le président : Adoptés.
Les articles 47 à 50, qui portent sur la Loi de mises en œuvre de l'Accord Canada-Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers, sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Le président : Les articles 51 à 57 portent sur le tarif des douanes. Ces articles sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Le président : Les articles 58 à 61, qui portent sur la Loi sur la gestion des finances publiques, sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Le président : Adoptés.
L'article 62 porte sur la Loi sur la pension de la fonction publique. Cet article est-il adopté?
Le sénateur Ringuette : Avec dissidence.
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté avec dissidence.
Les articles 63 à 66 contiennent des modifications relatives à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Ces articles sont-ils adoptés?
Le sénateur Ringuette : Je propose deux amendements, que je vais faire distribuer.
Le premier porte sur l'article 62.1, à la page 46. Voulez-vous voir le deuxième amendement en même temps pour que nous puissions les examiner simultanément?
Le sénateur Carstairs : L'un des amendements porte sur la Loi sur la pension de la fonction publique.
Le sénateur Baker : L'article 62 porte sur la Loi sur la pension de la fonction publique.
Le sénateur Carstairs : Nous venons tout juste d'adopter cet article.
Le sénateur Ringuette : Cela se trouve à la page 46, ligne 18, après l'intertitre « Loi sur la faillite et l'insolvabilité ». Lisez les deux premières lignes.
Le sénateur Carstairs : Je pense qu'il s'agit de l'article 63. L'article 62 porte sur la Loi sur la pension de la fonction publique.
Le sénateur Ringuette : Oui, il s'agit de l'article 63.
Le président : Vous créez le nouvel article 62.1. Nous venons d'adopter les articles jusqu'à l'article 62 inclusivement. L'article 62.1 est un nouvel article qui s'ajoute.
Le sénateur Ringuette : Oui, c'est l'opinion juridique que j'ai reçue.
Le président : Pouvez-vous nous expliquer de quoi il s'agit?
Le sénateur Ringuette : Avez-vous copie de l'autre amendement que je propose? Les deux sont interreliés.
Le président : Nous avons l'article 62.1 en français et en anglais.
Le sénateur Ringuette : On va distribuer l'autre amendement également.
Le président : Pouvez-vous nous expliquer cet amendement?
Le sénateur Ringuette : Ces deux amendements ne coûteraient rien au gouvernement. Il s'agit de modifications à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Ces amendements ont pour effet de placer les employés et les employés retraités sur le même pied que les autres créanciers en ce qui a trait aux régimes de retraite par répartition, lorsqu'une société déclare faillite. Un créancier se définit généralement comme une entreprise qui a fourni des produits ou des services qui n'ont pas encore été payés ou ne l'ont été que partiellement. Les employés et les employés à la retraite ont eux aussi fourni des services, souvent aux termes de contrat contenant des dispositions relatives à la pension.
Au cours des derniers mois, de grandes sociétés canadiennes ont déclaré faillite. Par exemple, Nortel, Abitibi Bowater, Fraser et CanWest. On estime que plus de 100 000 familles canadiennes sont directement touchées par une éventuelle perte d'emploi et bon nombre d'entre elles sont menacées de perdre un revenu présent et futur ouvrant droit à pension. L'an dernier, on a modifié la Loi sur la faillite pour protéger le salaire des employés. Nous étions entièrement d'accord pour que les employés puissent bénéficier en priorité de la liquidation des biens du failli, aux termes de la Loi sur la faillite. Les amendements que je propose ne modifient pas la priorité du salaire des employés.
Dans ma région, par exemple, la compagnie Fraser — qui a également des filiales au Québec — a déclaré faillite. Pendant des années, Fraser a utilisé à diverses fins des fonds qui auraient dû être investis dans les pensions en vertu du contrat de travail, entre autres, pour verser des primes aux PDG.
Fraser a déclaré faillite. Sa dette totale s'élève à 300 millions de dollars. De cette somme, 180 millions de dollars sont dus au régime de pension. Cela signifie que l'argent qui n'a pas été versé au régime de pension des employés représente 60 p. 100 de la dette. En outre, cette faillite fait également perdre aux employés leur régime de prestations de maladie.
Si ces amendements ne sont pas adoptés, les employés et les retraités de la compagnie Fraser perdront 40 p. 100 de leur fonds de retraite.
Je vais attendre que le sénateur Di Nino puisse m'écouter afin qu'il comprenne ce que je fais.
Le sénateur Di Nino : Je peux faire deux choses à la fois, allez-y.
Le sénateur Ringuette : Par exemple, un employé qui a gagné en moyenne 50 000 $ durant ses cinq dernières années d'emploi et qui a travaillé pendant 30 ou 35 ans — le temps supplémentaire n'ouvre pas droit à pension — recevrait normalement en pension de retraite l'équivalent de 60 p. 100 de son revenu annuel moyen. Cela représente une pension annuelle de 30 000 $. Si cet employé perd 40 p. 100 de sa pension de retraite parce que l'entreprise fait faillite et qu'il n'est pas protégé, il perdra 12 000 $ par année sur sa pension. Cela signifie que son nouveau revenu familial net sera de 18 000 $ par année. C'est sous le seuil de la pauvreté, partout au Canada. En outre, la perte de ce revenu de pension entraînera également une perte de revenu d'impôt pour le gouvernement du Canada.
Dans le cas de la compagnie Fraser Inc., même si on applique un faible taux d'imposition fédérale de 10 p. 100, le gouvernement fédéral devrait recevoir dans un avenir prévisible 18 millions de dollars sur ces 180 millions de dollars du régime de retraite par répartition, si ce problème est corrigé.
Ces amendements ne coûtent pas un sou au gouvernement. Le problème des entreprises Fraser, Abitibi et CanWest est relativement faible comparativement à celui de Nortel en Ontario — il y a d'autres cas en Colombie-Britannique et en Nouvelle-Écosse — que notre comité a examiné le mois dernier.
Chers collègues, je vous exhorte à appuyer ces amendements, car c'est une question d'équité. C'est une question de justice et d'équité pour tous ces employés qui ont été loyaux envers ces entreprises pendant 30 ou 35 ans, des entreprises qui n'ont pas versé à leur fonds de pension l'argent qu'elles auraient dû y investir, comme dans le cas de Fraser Inc. L'argent qui n'a pas été versé au fonds de pension représente 60 p. 100 de l'endettement du failli. Cet argent est dû aux employés, et pour cette raison, ces employés devraient être sur le même pied que les autres créanciers, aux termes de la Loi sur la faillite.
Les deux amendements que je viens de déposer visent à reconnaître ce fait.
Les audiences sur la faillite de Fraser commenceront vendredi cette semaine. Il s'agit de manifester rapidement notre volonté de protéger les pensions de ces employés. Ce n'est que justice et j'exhorte les sénateurs à appuyer ces amendements.
Le sénateur Di Nino : Je croyais que nous avions adopté l'article 62, qui porte sur la Loi sur la pension de la fonction publique. Je croyais que nous avions adopté cet article et approuvé les changements. Je ne suis donc pas certain que ces amendements sont recevables.
Cela dit, c'est une question complexe et difficile. Nous étions tous là lorsque nous avons entendu les témoins de Nortel, et nous avons tous éprouvé de la sympathie pour eux.
Ce que je recommande au sénateur Ringuette, c'est d'inclure ces amendements à titre d'observation au projet de loi, plutôt que d'essayer de modifier le projet de loi. Le sénateur Ringuette dit qu'il n'y a pas d'argent en cause. Au contraire, c'est l'essentiel de ces dispositions.
En outre, le Sénat n'a pas le pouvoir de présenter des projets de loi entraînant des dépenses ou de modifier de tels projets de loi.
Par courtoisie pour ma collègue, je crois qu'elle devrait faire ces amendements sous forme d'observation générale et coopérer ainsi avec le gouvernement.
Nous savons qu'il y a présentement un grand débat sur le dossier des régimes de retraite. Le gouvernement a créé deux comités à cette fin et, en outre, le Sénat est saisi d'une motion pour que nous examinions les régimes de pension. Cette motion a fait l'objet d'un amendement concernant le comité à qui cette tâche devrait être confiée, mais je soupçonne que la motion sera adoptée, car je ne crois pas qu'il y ait d'opposition.
Je recommande donc fortement au sénateur Ringuette de présenter ces amendements sous forme d'observations. C'est une question trop complexe pour que nous puissions la résoudre aujourd'hui.
Le président : Je vais demander au sénateur Ringuette de clore le débat.
[Français]
Le sénateur Carignan : Mes commentaires vont un peu dans le même sens en ce qui a trait à la complexité du dossier, de la capacité actuellement que l'on a, compte tenu du peu de preuve là-dessus, à évaluer l'impact de changements de cette nature. Évidemment, je suis un nouveau sénateur, mais quand je vois un tel amendement, je m'interroge sur son admissibilité au niveau du projet de loi qui est devant nous actuellement.
[Traduction]
Le sénateur Carstairs : L'observation du sénateur Di Nino sur le fait que nous avons adopté l'article 62 n'est pas pertinente, puisqu'il s'agit ici d'un nouvel article. Il s'agit de l'article 62.1, qui ne porte pas sur la pension de la fonction publique, mais sur les régimes de retraite.
Il dit également que c'est une mesure qui entraînera des dépenses. La seule limite que la Constitution impose au Sénat, c'est que nous ne pouvons pas présenter de mesure qui entraîne des dépenses pour le gouvernement. Il ne s'agit pas ici de dépenses pour le gouvernement, mais de dépenses pour les entreprises, afin qu'elles honorent l'engagement qu'elles ont pris en matière de retraite envers leurs propres employés.
Quant à la complexité du projet de loi ou des amendements qui ont été présentés, ces amendements ne sont pas très complexes. Tout ce qu'on y dit, c'est qu'une entreprise doit traiter convenablement ses employés et réserver les sommes nécessaires pour payer tous leurs avantages sociaux, y compris le régime de retraite. Il n'y a pas de grande complexité dans tout cela. À mon avis, l'idée est très simple.
Le sénateur Gerstein : J'appuie l'approche préconisée par le sénateur Di Nino. À mon avis, c'est une question complexe, un peu comme pour un ballon, les pressions exercées d'un côté ont des répercussions ailleurs. C'est ce qui crée la complexité. On ne peut pas prendre une décision à ce sujet en deux ou trois lignes. D'autres examinent également ce dossier. Des rapports sont produits sur les régimes de retraite. J'appuie l'idée de présenter ces mesures sous forme de recommandations.
Le sénateur Callbeck : J'appuie les amendements. C'est une question d'équité. Les employés devraient être reconnus comme créanciers quant à l'argent qui leur est dû. Je suis prête à appuyer ces amendements.
Le sénateur Lang : Il faut faire attention de ne pas appuyer de tels amendements présentés à la dernière minute sur un sujet aussi important, compte tenu de ce que ces amendements pourraient imposer au gouvernement des obligations imprévues.
C'est bien beau de dire que l'amendement est simple, clair et concis, mais dans le cas des mesures législatives, les dispositions en affectent d'autres. Nous n'avons pas présentement avec nous les experts qui pourraient nous expliquer quelles pourraient être les répercussions.
Je dirais au sénateur qui a présenté ces amendements que tous les membres du comité éprouvent de la sympathie pour les victimes de tel problème, cela ne fait aucun doute. Mais il est important de répéter ce qu'a dit le sénateur Gerstein. Le ministère des Finances va recevoir les résultats d'une consultation intensive sur les régimes de pension qui s'est déroulée d'un bout à l'autre du pays au cours de l'année dernière. Il sera intéressant de voir les conclusions de ce rapport quant aux conséquences d'une telle situation où des employés dont la pension est réduite à la suite de la faillite de leur employeur voient leurs projets et leurs rêves réduits à néant.
Mais aux fins du comité et du Sénat, la question devrait être exprimée pour l'instant sous forme d'observation, une observation avec laquelle tous les membres seraient d'accord. Le problème doit être réglé, mais je ne crois pas que ces amendements constituent nécessairement la bonne solution.
Le sénateur Di Nino : J'aurai une autre observation par après.
Le président : Permettez-moi de rendre une décision sur la première observation qui a été faite quant à ce premier amendement, à l'article 62.1. Il est clair, à mon avis, que les amendements doivent s'ajouter sous l'intertitre « Loi sur la faillite et l'insolvabilité ». Le bon endroit pour les ajouter serait avant l'article 63 de ce projet de loi, puisqu'il modifie l'article 60 de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Vous constaterez que l'article 63 du projet de loi modifie l'article 65 de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Cet amendement s'inscrirait après l'intertitre « Loi sur la faillite et l'insolvabilité », et sa numérotation est correcte.
Sénateur Ringuette, j'aimerais que vous nous disiez ce que vous pensez de présenter cette mesure sous forme d'observation plutôt que d'amendement.
Le sénateur Ringuette : Je comprends les observations du sénateur Lang sur ces amendements. Vos observations font preuve de bonne volonté. Cela dit, je vous rappelle que le temps presse, car comme je l'ai dit, l'audience sur la faillite de Fraser Inc. commencera vendredi. Il est nécessaire d'amender ce projet de loi pour les employés actuels qui perdent leur emploi et les employés à la retraite qui ont perdu les prestations de maladie qui leur avaient été promises par contrat. Leur revenu de retraite d'environ 30 000 $ les place aux échelons les plus bas en matière de revenu au Canada, et maintenant, ils risquent de se trouver sous le seuil de la pauvreté.
Pour ce qui est de la complexité, ceci n'a rien de complexe. C'est même très clair. Il s'agit de modifier la Loi sur la faillite afin que les régimes de retraite par répartition soient sur le même pied que toutes les autres créances d'une société en faillite.
La faillite de Fraser Paper Inc. touche ma propre ville. Elle touche mes voisins de 67, 68 et 70 ans, des gens arrivés à un âge où la maladie les guette et où ils auront besoin de médicaments. Ces gens perdent leur assurance-médicaments. L'un de mes voisins doit payer chaque mois plus de 900 $ en médicaments d'ordonnance. Il n'est déjà plus remboursé. Il pourrait maintenant se retrouver avec un revenu moyen d'environ 1 000 $.
C'est exactement la même chose que lorsque nous avons adopté une loi pour protéger les salaires des employés et leur accorder la priorité dans les cas de faillite. C'était un bon projet de loi. Il ne nous a pas fallu grand temps pour l'examiner et en constater les avantages.
Il y a une légère différence, puisque les employés conservent leur priorité au titre des salaires. Cet amendement fait en sorte que les régimes de retraite par répartition se trouveront inscrits à la liste des créances dans les cas de faillite.
Je signale respectueusement que cette mesure n'est pas complexe. Le temps presse. C'est une mesure très simple et nous devons l'adopter avant Noël. Mettez-vous à la place de ces gens. On ne peut pas leur dire d'aller se trouver un autre emploi à 68 ans, en pleine récession, quand il n'y a pas d'emploi pour les gens qui possèdent leur compétence.
Quel revenu cela leur laissera-t-il pour les 20 prochaines années de leur vie? Nos concitoyens méritent plus que cela, surtout ceux qui ont été loyaux envers des entreprises qui ne leur ont pas rendu la pareille.
Avec tout le respect que je vous dois, chers collègues, je comprends vos commentaires, mais je propose ces deux amendements qui ont été déposés et distribués dans les deux langues officielles.
Le sénateur Di Nino : Monsieur le président, j'ai un petit problème. Je ne suis pas en désaccord avec ce que propose le sénateur Ringuette, et j'aimerais que ces mesures soient consignées comme des préoccupations du comité, surtout puisqu'elles seront étudiées par le Sénat par le truchement du comité choisi par la Chambre.
J'estime toutefois que ces amendements pourraient être irrecevables. Je viens d'examiner le projet de loi lui-même, le projet de loi C-51, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 janvier 2009 et mettant en œuvre d'autres mesures. En ce qui a trait à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, on dit que la partie 2 vise à remédier aux répercussions d'un défaut de coordination entre deux lois modificatives.
Je soupçonne que les amendements sont irrecevables parce qu'ils créent un nouvel objectif; ils dépassent la portée du projet de loi. Je ne crois pas que nous puissions recevoir un tel amendement, mais il serait plus approprié d'en exprimer l'objet au moyen d'observations.
Le président : Permettez-moi de consulter mon greffier à ce sujet, s'il vous plaît. Nous allons faire une courte pause pendant que je m'informe.
Honorables sénateurs, le sénateur Di Nino soulève une question intéressante. Les règles ne sont pas claires. Il est clair que si le projet de loi C-51 ne contenait pas de dispositions modifiant la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, cet amendement serait irrecevable. Toutefois, le projet de loi C-51 n'ouvre pas de débat sur la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Une décision prudente et limitative de ma part voulant que des amendements ne puissent être proposés qu'aux articles de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité qui sont remis en question aurait pour effet de mettre fin au débat. Toutefois, s'il existe un doute, je pencherais en faveur de la poursuite du débat.
Honorables sénateurs, vous savez que les amendements qui sont adoptés par notre comité seront débattus en Chambre à l'étape du rapport et de la troisième lecture, au besoin. Nous aurons amplement l'occasion de faire valoir de nouveau ces arguments.
Ma décision est que puisque la Loi sur la faillite et l'insolvabilité est remise en question par le projet de loi C-51, les amendements proposés par le sénateur Ringuette sont recevables.
Sommes-nous prêts à mettre la question aux voix, honorables sénateurs? Sénateur Carignan.
[Français]
Le sénateur Carignan : J'ai une question à poser au sénateur Ringuette. Que signifient les mots « actifs à court terme »?
Le président : Vous êtes à quel amendement?
Le sénateur Carignan : Je suis à l'article 81.3.
À l'article 63.1, la même loi est modifiée, par adjonction, après le paragraphe 81.3(1) de ce qui suit :
La réclamation de tout commis, préposé [...] qu'il portera par une sûreté portant sur les actifs à court terme.
Que représente un actif à court terme? Que représente un actif à long terme?
Le sénateur Ringuette : Juste pour m'assurer que j'ai bien compris votre question, vous êtes à l'article 81 de l'amendement?
Le sénateur Carignan : Oui.
Le sénateur Ringuette : Vous êtes à l'article 81.3(1.1)?
Le sénateur Carignan : Oui.
Le sénateur Ringuette : Les actifs à court terme de la compagnie sont déterminés normalement s'il y a un compte en banque, quelque chose qui peut être déboursé assez rapidement, comparativement à des actifs à long terme qui sont des bâtiments, de l'équipement tel des machines à papier ou une génératrice Cogen.
Le sénateur Carignan : Vous dites que les comptes de banque représentent des actifs à court terme?
Le sénateur Ringuette : Entre autres. Dans le milieu des affaires, les actifs à court terme englobent des éléments qui peuvent être liquidés assez rapidement.
Le sénateur Carignan : Habituellement lorsqu'on fait faillite, le solde des comptes de banque n'est pas très élevé. Croyez-vous qu'une sûreté sur le peu d'actifs à court terme qui va rester sera suffisante pour garantir une somme aussi importante de calcul de fonds de retraite dans le cadre d'un déficit de fonds de retraite?
Le sénateur Ringuette : Je vous rappelle qu'en cas de faillite, qu'il s'agisse d'actifs à court, à moyen ou à long terme, tous ces actifs font partie de la faillite.
Le sénateur Carignan : Je m'excuse. À moins que j'aie mal compris l'amendement que vous proposez, c'est uniquement la sûreté pour la réclamation des employés et des préposés qui porte uniquement sur les actifs à court terme. C'est ce qui est écrit.
Le sénateur Ringuette : Non. C'est un des actifs qui sont mentionnés. Si vous examinez les deux motions, cela couvre tous les actifs qui sont sous la Loi sur la faillite et l'insolvabilité.
Le sénateur Carignan : Je ne comprends pas parce que si je relis l'article, on dit :
« La réclamation de tout commis, préposé, voyageur de commerce, journalier ou ouvrier à qui le failli doit des indemnités de départ, de préavis, moins toute somme que le syndic ou le séquestre peuvent lui avoir versé au titre de ses indemnités est garantie à la date de la faillite par une sûreté portant sur les actifs à court terme appartenant au failli. »
Dans un premier temps, on n'est pas certains de ce que comprennent les actifs à court terme. Est-ce que la sûreté porte uniquement sur cela?
Le sénateur Ringuette : Non, la sûreté ne porte pas uniquement sur cela.
Le sénateur Carignan : Il faudrait alors me montrer un article qui stipule que ça porte sur autre chose.
Le sénateur Ringuette : On regarde l'ensemble des biens qui sont amenés sous la Loi de la protection et de l'insolvabilité.
Le sénateur Carignan : Ce n'est pas ce que votre amendement dit.
Le sénateur Ringuette : Sénateur Carignan, j'apprécie vraiment vos questions et vos préoccupations. Si vous croyez qu'un amendement additionnel est nécessaire, vous aurez l'opportunité d'apporter des amendements à l'étape du rapport de ce projet de loi au Sénat.
Le sénateur Carignan : C'est difficile pour moi. Comme je n'ai pas reçu toute l'information parce que nous n'avons pas approfondi cette question, je ne sais pas à combien étaient composés les actifs à court terme d'une entreprise pour évaluer si la sûreté était suffisante.
Est-ce que je peux proposer un amendement pour prévoir plutôt les actifs à long terme? Parce que je ne sais pas quels sont les actifs à long terme. Est-ce que cette réclamation va avoir préséance sur une réclamation du gouvernement pour taxes qui sont dues ou pour des déductions à la source?
Le sénateur Ringuette : Elle va passer au même endroit que tous les autres créditeurs. Le projet de loi approuvé le printemps dernier accordait la priorité au salaire non payé des employés. En cas de faillite, la priorité numéro un demeure le salaire non payé des employés.
Le sénateur Carignan : Et là on ajoute?
Le sénateur Ringuette : On ajoute non pas à la priorité numéro un, qui est le salaire. On ajoute, que, à égalité avec les créditeurs, maintenant vont s'ajouter aussi les fonds de pension, qui sont en manque de contribution. L'entente qu'un employeur a avec son employé pour le fonds de pension est aussi une entente contractuelle, au même titre qu'avec un autre créditeur. Tout ce que cela fait, c'est que ce projet de loi porte au même niveau, lors de processus de faillite, les fonds de pension qui sont en manque de contribution de la corporation au même titre que les créditeurs.
Le sénateur Carignan : Si je fais une distribution des actifs à court terme et j'entre en concurrence avec une dette du gouvernement, ils sont au même niveau?
Le sénateur Ringuette : Cela ne change pas au niveau du gouvernement.
Le sénateur Carignan : Est-ce qu'il va passer avant ou après le gouvernement?
Le sénateur Ringuette : Cher sénateur, je vous invite à proposer des amendements si vous n'êtes pas d'accord ou à voter contre l'amendement.
Le sénateur Carignan : Je pose des questions.
Le sénateur Ringuette : J'ai posé la question; tout le monde a parlé et on a même posé des questions pour savoir si c'était réglementaire de proposer ces deux amendements au projet de loi C-51.
Le président : Cela commence à être un débat.
Le sénateur Carignan : C'est une question complexe. On nous dit que ce n'est pas complexe, je pose des questions et on n'a pas de réponse.
Le président : En anglais, « court terme » c'est « current assets », et il est fort possible qu'il y ait une explication de ce qu'est un « current asset » et ce qu'est un « court terme ». Je n'ai pas le projet de loi ici pour étudier cela.
Le sénateur Ringuette : Cela reflète exactement le langage qu'il y a dans la Loi sur la faillite.
Le président : C'est ce que j'ai pensé.
[Traduction]
Le sénateur Baker : C'est une question intéressante. Je suppose que l'actif du failli au moment de la faillite serait calculé à la date de la mise en faillite volontaire ou involontaire. Comme nous le savons, à compter de la date de la faillite, tous les biens sont remis au séquestre et au syndic.
La solution serait simple : la disposition serait interprétée comme s'appliquant à la date de la mise en faillite volontaire ou involontaire. Cela inclurait les biens détenus à ce moment par le syndic pour le séquestre.
Je suppose que cette mesure pourrait être précisée, comme le sénateur Carignan l'a proposée. Mais c'est un argument intéressant et important.
D'après mon interprétation et, je crois, celle de la personne qui propose la motion, cela comprendrait tout cela, à savoir la date de la mise en faillite volontaire, la date de la mise en faillite involontaire ou l'actif actuel et les éléments d'actifs actuels détenus par le syndic et le séquestre.
Le président : La discussion a suffisamment duré et les membres du comité comprennent l'argument. S'il est nécessaire de modifier le libellé pour garantir la correspondance des versions anglaise et française, cela pourrait et devrait être fait.
Honorables sénateurs, on me dit que nous devrions mettre aux voix le premier amendement, c'est-à-dire l'article 62.1. Le projet de loi serait modifié à la page 46, par adjonction, après l'intertitre « Loi sur la faillite et l'insolvabilité », de l'article 62.1. J'ai déterminé que tous les membres présents ont le droit de voter.
Que tous ceux qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Le président : Qui est contre?
Des voix : Non.
Le président : Honorables sénateurs, pouvons-nous adopter cette mesure avec dissidence?
Le sénateur Ringuette : Je demande un vote par appel nominal.
Le président : On a demandé un vote par appel nominal. Le greffier fera la mise aux voix.
Adam Thompson, greffier du comité : L'honorable sénateur Day.
Le président : Oui.
M. Thompson : L'honorable sénateur Baker, C.P.
Le sénateur Baker : Oui.
M. Thompson : L'honorable sénateur Carignan.
Le sénateur Carignan : Non.
M. Thompson : L'honorable sénateur Carstairs, C.P.
Le sénateur Carstairs : Oui.
M. Thompson : L'honorable sénateur Di Nino.
Le sénateur Di Nino : Non.
M. Thompson : L'honorable sénateur Finley.
Le sénateur Finley : Non.
M. Thompson : L'honorable sénateur Lang.
Le sénateur Lang : Non.
M. Thompson : L'honorable sénateur Mitchell.
Le sénateur Mitchell : Oui.
M. Thompson : L'honorable sénateur Ringuette.
Le sénateur Ringuette : Oui.
M. Thompson : Excusez-moi, j'ai passé l'honorable sénateur Callbeck.
Le sénateur Callbeck : Oui.
M. Thompson : J'ai également passé l'honorable sénateur Gerstein. Je vous prie de m'excuser.
Le sénateur Gerstein : Non.
M. Thompson : Pour, six; contre, cinq; aucune abstention.
Le président : Par conséquent, la motion est adoptée.
Nous allons maintenant mettre aux voix l'article 63 du projet de loi C-51. L'article 63 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Nous passons maintenant au deuxième amendement, qui s'inscrit après l'article 63, pour créer l'article 63.1.
Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Le président : Que ceux qui sont contre veuillent dire non?
Des voix : Non.
Le président : Adopté avec dissidence, cette fois-ci?
Le sénateur Ringuette : Je demande un vote par appel nominal.
M. Thompson : L'honorable sénateur Day.
Le président : Oui.
M. Thompson : L'honorable sénateur Baker, C.P.
Le sénateur Baker : Oui.
M. Thompson : L'honorable sénateur Callbeck.
Le sénateur Callbeck : Oui.
M. Thompson : L'honorable sénateur Carignan.
Le sénateur Carignan : Non.
M. Thompson : L'honorable sénateur Carstairs, C.P.
Le sénateur Carstairs : Oui.
M. Thompson : L'honorable sénateur Di Nino.
Le sénateur Di Nino : Non.
M. Thompson : L'honorable sénateur Finley.
Le sénateur Finley : Non.
M. Thompson : L'honorable sénateur Gerstein.
Le sénateur Gerstein : Non.
M. Thompson : L'honorable sénateur Lang.
Le sénateur Lang : Non.
M. Thompson : L'honorable sénateur Mitchell.
Le sénateur Mitchell : Oui.
M. Thompson : L'honorable sénateur Ringuette.
Le sénateur Ringuette : Oui.
M. Thompson : Six pour, cinq contre et aucune abstention.
Le président : Je déclare l'amendement adopté.
Honorables sénateurs, pour ce qui est du projet de loi C-51, les articles 64 à 67 sont-ils adoptés tels que présentés?
Des voix : D'accord.
Le président : L'annexe est-elle adoptée?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté. Je reviens maintenant à l'article 1, qui contient le titre abrégé.
L'article 1 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté. Le titre est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Le projet de loi modifié est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Di Nino : Avec dissidence.
Le président : Avec dissidence.
Honorables sénateurs, le comité souhaite-t-il annexer des observations à ce projet de loi?
Le sénateur Ringuette : Non.
Le président : Nous n'annexerons pas d'observations.
Honorables sénateurs, puis-je faire rapport du projet de loi modifié au Sénat le plus tôt possible?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté avec dissension. Honorables sénateurs, cela met fin à l'étude article par article. Laissez-moi vérifier auprès du greffier.
M. Thompson : Oui, cela met fin à l'étude.
Le président : Nous poursuivons avec l'étude préliminaire du projet de loi C-56, Loi modifiant la Loi sur l'assurance- emploi et modifiant d'autres lois en conséquence.
Hier, nous avons entendu des témoins du ministère et, aujourd'hui, nous entendrons le témoignage de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et de l'ancien actuaire en chef de la Caisse d'assurance-chômage, M. Bédard.
Je souhaite la bienvenue à Lucie Charron, économiste principale, et à Ian Dawkins, analyste des politiques, qui représentent la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.
[Français]
Nous sommes aussi heureux de recevoir l'ancien actuaire en chef de la Caisse d'assurance-chômage, M. Michel Bédard.
[Traduction]
Comme toujours, je compte sur votre collaboration pour que les questions et les réponses soient les plus brèves possible.
Lucie Charron, économiste principale, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante : Je veux d'abord vous remercier de permettre à la fédération de présenter son point de vue sur le projet de loi C-56. Tout au long de mon exposé, je vais vous présenter différentes diapositives. Avant de commencer, je veux m'assurer que tout le monde a reçu une copie du document de l'exposé soit en français soit en anglais. J'évoquerai également un rapport de recherche intitulé Une nation d'entrepreneurs qui présente des données du recensement de 2006 sur les travailleurs autonomes.
La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante représente plus de 105 000 propriétaires de PME de partout au Canada, qui sont tous des travailleurs autonomes. Nos membres proviennent de toutes les régions du pays et représentent tous les secteurs de l'économie. Même si les 105 000 membres sont des travailleurs autonomes, environ 12 000 d'entre eux n'ont pas d'aide rémunérée.
En octobre 2009, le recensement de Statistique Canada sur la main-d'œuvre indiquait qu'il y avait plus de 2,7 millions de travailleurs autonomes au Canada. Cela représente environ 16 p. 100 de l'ensemble de la main-d'œuvre. De septembre à octobre 2009, il y a eu une augmentation d'environ 27 000 travailleurs autonomes. Cette augmentation a partiellement compensé les pertes d'emplois du mois d'octobre.
Dans une perspective plus vaste, au cours des 12 derniers mois, on constate une augmentation d'environ 100 000 travailleurs autonomes depuis octobre 2008, soit une augmentation d'environ 3,9 p. 100 du nombre de travailleurs autonomes pour cette période. Nous estimons que ces chiffres constituent une bonne nouvelle. Ces Canadiens ont choisi de créer leur propre emploi et ce sont ces personnes pleines d'initiatives qui créeront de nouvelles entreprises et de nouveaux emplois.
En fait, au cours des dernières décennies, le Canada a connu une croissance considérable du nombre de travailleurs autonomes, surtout parmi ceux qui ont constitué leur entreprise en société. Le tableau de la diapositive 4 est tiré du recensement de 2006 et montre qu'il y a eu une augmentation de 8,5 p. 100 du nombre d'employés entre 2001 et 2006 et, qui plus est, une augmentation de 18,6 p. 100 du nombre de travailleurs autonomes qui ont constitué leur entreprise en société pour la même période.
Qui sont ces gens? Aujourd'hui, environ les deux tiers des travailleurs autonomes sont des hommes et le tiers sont des femmes. Comme vous pouvez le voir sur la diapositive 5, la croissance la plus importante du nombre de travailleurs autonomes se trouve dans le groupe d'âge des 45 à 64 ans. Cela découle en partie du changement démographique que connaît la génération des baby-boomers et également du fait que la création d'entreprises fructueuses nécessite souvent d'importantes compétences techniques et administratives ainsi que l'accès à de bons réseaux, qui s'acquièrent souvent avec l'expérience.
D'après ces statistiques, nous pourrions affirmer que parmi les avantages spéciaux intégrés dans le projet de loi C- 56, l'option permettant d'accéder à des prestations de maladie pourrait être d'un grand intérêt pour les travailleurs autonomes, étant donné la population vieillissante de ce groupe de personnes et la difficulté qu'ont certains d'entre eux à obtenir une assurance de soins de santé privée.
Pourquoi ces personnes sont-elles devenues des travailleurs autonomes? La diapositive 6 montre le résultat d'un sondage national réalisé auprès de 900 propriétaires de petites entreprises. On leur a demandé pourquoi ils sont devenus des travailleurs autonomes. Comme vous pouvez le constater, les résultats indiquent que la majorité d'entre eux ont fait ce choix pour être en mesure de prendre leurs propres décisions. Environ le tiers l'ont fait pour choisir leur style de vie, pour mieux utiliser leurs compétences et leur savoir-faire ou bien pour atteindre la sécurité financière.
Ces résultats ne sont pas surprenants lorsqu'on examine la diapositive suivante, qui indique que les travailleurs autonomes ont tendance à avoir le taux de satisfaction le plus élevé lorsqu'il s'agit de leur travail. En fait, plus de la moitié d'entre eux a affirmé que d'être à son compte, c'est très valorisant. Nous vous présentons cette information parce que nous voulons que vous sachiez que la grande majorité des personnes qui deviennent travailleurs autonomes le font parce qu'elles le souhaitent et non parce qu'elles y sont obligées. Nous pensons qu'il est important de reconnaître cette motivation pour comprendre la façon d'aborder l'idée d'accéder à des prestations spéciales d'assurance-emploi de façon volontaire, comme on le propose dans le projet de loi C-56.
Plus tôt cette année, la fédération a consulté ses membres sur le concept d'élargissement de l'assurance-emploi et des prestations parentales ainsi que des prestations de maternité, qui deviendraient accessibles aux travailleurs autonomes de façon volontaire. La diapositive 8 présente la façon dont la question a été posée à l'époque, étant donné le peu d'information dont nous disposions sur le fonctionnement de cette proposition. Même si la question mettait l'accent sur les prestations parentales et les prestations de maternité, elle portait également sur le côté facultatif du projet de loi. Par conséquent, nous croyons qu'elle donne une bonne indication de ce que les travailleurs autonomes du Canada peuvent penser du projet de loi C-56.
La diapositive 9 montre la répartition des réponses obtenues à cette question, qui a été posée à plus de 10 000 répondants. Du côté gauche, où se trouvent tous les répondants, on peut distinguer une petite majorité qui appuie ce concept, soit environ 53 p. 100. Si on creuse un peu plus, vous pouvez voir, du côté droit en haut, que les travailleuses autonomes appuient davantage cette idée, puisqu'environ 67 p. 100 d'entre elles ont répondu par l'affirmative. Tout à fait dans le bas, on peut voir que les propriétaires des plus petites entreprises sont également un peu plus favorables à cette proposition, puisque 60 p. 100 d'entre eux ont répondu par l'affirmative.
À la suite de cette rétroaction de ses membres, la fédération appuie le projet de loi C-56 et reconnaît qu'il comble des lacunes en permettant aux travailleurs autonomes d'accéder à des prestations spéciales de l'assurance-emploi s'ils décident de le faire. Toutefois, il est essentiel que le programme demeure facultatif et qu'il respecte son objectif d'autofinancement. Le respect de ces principes est essentiel pour assurer l'appui de la fédération.
Il est très important que ce programme s'autofinance puisqu'on s'apprête à voir une période d'augmentation draconienne des cotisations d'assurance-emploi en 2011. Je veux dire que le gel actuel des cotisations d'assurance-emploi, qui est en vigueur jusqu'à la fin de 2010, a été très bien reçu, puisqu'il a permis à de nombreux propriétaires d'entreprises de conserver leurs employés en cette période économique difficile. Toutefois, il est devenu évident que le gouvernement compte facturer ce gel des cotisations d'assurance-emploi de deux ans au compte d'assurance-emploi, ce qui obligerait le nouvel Office de financement de l'assurance-emploi du Canada à rembourser un montant additionnel de 10 à 13 milliards de dollars au gouvernement, plus les intérêts. La seule façon qu'il pourra y arriver, c'est en augmentant les cotisations d'assurance-emploi.
Comme les augmentations annuelles sont limitées à 15 cents pour les employés et à 21 cents pour les employeurs, nous prévoyons que les cotisations d'assurance-emploi augmenteront à des taux maximums à la fois pour les employés et pour les employeurs pendant un bon nombre d'années à venir, comme l'illustre la diapositive 10. Cela survient au moment où l'économie commence à se rétablir et il faut noter que les charges sociales de ce type sont perçues comme étant les plus néfastes pour la croissance des entreprises. Ce qui aggrave ce scénario, c'est que le compte d'assurance- emploi a connu un surplus de 57 milliards de dollars qui a été accumulé de 1994 à 2008, comme on pourra le voir sur la prochaine diapositive.
Nous n'aurions aucune objection à ce que le gouvernement demande à l'Office de financement de l'assurance-emploi du Canada de rembourser les coûts additionnels de l'assurance-emploi découlant de la récession actuelle, si le gouvernement remboursait d'abord les 57 milliards de dollars du surplus. Au contraire, le nouvel Office de financement de l'assurance emploi du Canada a obtenu 2 milliards de dollars en tant que réserve initiale qui, selon le scénario que je viens de décrire, sera facilement dépensée au cours de la première année. Nous croyons fermement que le gouvernement fédéral a l'obligation morale de rembourser le surplus accumulé à partir des cotisations des employés et des employeurs en absorbant les coûts supplémentaires et en maintenant le gel des cotisations jusqu'à ce que les 57 milliards de dollars soient remboursés.
Selon ce scénario, nous estimons qu'il serait inacceptable d'ajouter des coûts supplémentaires à l'Office de financement de l'assurance emploi du Canada en subventionnant le projet de loi C-56 à partir du compte d'assurance- emploi. Il serait également inacceptable que les travailleurs autonomes subventionnent le compte d'assurance-emploi, étant donné les problèmes auxquels elle doit faire face.
Par conséquent, la fédération demande qu'on applique des mesures rigoureuses concernant le suivi du programme volontaire de prestations spéciales de l'assurance-emploi pour les travailleurs autonomes afin que cela ne se produise pas. Il devrait être comptabilisé séparément du compte d'assurance-emploi et les cotisations des travailleurs autonomes devraient être ajustées afin que le programme continue d'être autofinancé.
En conclusion, la fédération appuie le projet de loi C-56 tant et aussi longtemps qu'il demeurera facultatif et autofinancé. En outre, nous voudrions que des mesures rigoureuses soient adoptées pour en examiner les coûts pour l'adapter afin qu'il ne subventionne pas le compte d'assurance-emploi et vice versa. Nous estimons que ce projet de loi doit être analysé dans le contexte des augmentations faramineuses des cotisations d'assurance-emploi qui surviendront en 2011. Par conséquent, nous incitons le gouvernement à maintenir le gel des cotisations d'assurance-emploi au-delà de 2011 et de s'assurer que l'Office de financement de l'assurance-emploi du Canada obtienne les fonds nécessaires pour faire face à des ralentissements futurs, grâce au remboursement du surplus de 57 milliards de dollars au fil des ans.
Le président : Monsieur Bédard, si vous pouviez nous donner votre opinion sur ce projet de loi, l'établissement des coûts et la façon dont il a été réalisé, nous vous serions très reconnaissants.
[Français]
Michel Bédard, ancien actuaire en chef, Caisse d'assurance-chômage, à titre personnel : Monsieur le président, je m'appelle Michel Bédard et je vous remercie de m'avoir invité à témoigner devant votre comité au sujet du projet de loi C-56.
J'exerce la profession d'actuaire et je comparais ici à titre personnel. J'ai été actuaire en chef du Régime d'assurance emploi de 1991 à 2003. J'ai aussi mené à bien plusieurs missions, à titre d'expert conseil en assurance chômage, pour le Bureau international du travail.
J'appuie le principe de ce projet de loi, c'est-à-dire l'extension des prestations spéciales de l'assurance emploi aux travailleurs indépendants, mais plusieurs de ses aspects soulèvent des problèmes.
Mes premiers commentaires porteront sur les aspects financiers du régime. D'abord, le coût des nouvelles prestations serait d'environ 305 million de dollars, en 2014. J'utilise l'année 2014 parce que c'est à ce moment-là que le ministère nous dit que le système va arriver à peu près à stabilité et à maturité. Environ 212 millions de dollars iraient en prestations parentales — j'entends par-là les prestations de maternité, paternité, adoption —; 93 millions de dollars en prestations de maladie et moins d'un million de dollars en prestations de compassion.
Ces montants seraient distribués comme suit : 285 millions de dollars hors Québec — s'agissant des prestations parentales et de maladie — et 20 millions de dollars au Québec visant la maladie seulement. Ces calculs se fondent sur les données du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences telles que fournies à un comité de la Chambre des communes.
En gros, le ministère a prévu que tous ceux, qui joindraient le régime en vue de recevoir des prestations parentales, finiraient soit par en recevoir effectivement, soit par se retirer du régime, tandis que dans le cas des prestations de maladie, environ 10 p. 100 des nouveaux assurées recevraient des prestations.
Quel taux de cotisation faudrait-t-il pour couvrir intégralement ces coûts? Pour les prestations parentales et de maladies combinées, un taux de 3,4 p. 100 hors Québec; pour les prestations de maladie seules, un taux de 0,90 p.100 au Québec, et ce pour atteindre le plein financement.
Que propose le projet de loi C-56? En 2014, les taux de cotisation seront de 2,33 p. 100 hors Québec et de 1,96 p. 100 au Québec. Ceci suppose que le gouvernement va augmenter les taux des employés de 0,15 p. 100 par année à partir de 2011, en vertu de la loi créant l'Office de financement de l'assurance emploi.
Ces taux produiraient, en 2014, des revenus de 240 millions de dollars, 200 millions de dollars hors Québec, 40 millions de dollars au Québec. Excusez-moi si je vous fournis beaucoup de chiffres, mais je crois qu'il est important d'avoir une idée, au sens financier, de ces prestations.
En conséquence, on aurait un déficit de 85 millions de dollars hors Québec, et un surplus de 20 millions de dollars au Québec, soit un déficit net d'environ 65 million de dollars.
Le ministère dit 78 millions, mes calculs donnent 65 millions; je crois que ces données sont assez proches pour se conforter mutuellement.
Notez que, si l'on conservait les mêmes taux de cotisation qu'en 2010, soit 1,73 p. 100 hors Québec et 1,36 p. 100 au Québec, le déficit net serait d'environ le double, soit 130 millions de dollars, le Québec produisant tout de même un léger surplus de 5 millions de dollars. À ce sujet, le ministère a même indiqué à votre comité qu'avec un taux de 1,36 p. 100, je cite ici un des fonctionnaires du ministère, M. Verbaeten :
[Traduction]
Le travailleur autonome typique au Québec recevra des prestations à peu près équivalentes à ce qu'il aura cotisé.
[Français]
Si c'est le cas, pourquoi prévoir que ce taux puisse augmenter à l'avenir? Pourquoi un surplus au Québec et seulement au Québec? C'est que le taux d'équilibre pour les nouvelles prestations de maladie est, de fait, d'environ 0,9 p. 100, s'agissant d'un régime volontaire. Le taux actuellement inclus dans les cotisations d'assurance emploi n'est que de 0,41 p. 100.
Un taux de 1,96 p. 100, en 2014, pour les travailleurs autonomes du Québec représenterait donc plus du double des coûts prévus pour cette seule protection et quatre fois ce que paient les cotisants, les salariés, présentement. L'ensemble de ces impacts financiers sont donc, à mon avis, une première pierre d'achoppement.
En deuxième lieu, l'aspect volontaire du système proposé oblige le gouvernement à imposer des conditions sévères à ceux qui voudraient s'en prévaloir afin de se protéger contre l'anti-sélection et contre les abus. Ainsi y aurait-il une période probatoire de 12 mois, ce qui est beaucoup plus long que ce que prévoient les régimes privés. Même en Californie, où il y a un régime semblable et volontaire pour les travailleurs indépendants, la période comparable est de six mois.
Un troisième aspect pose problème et découragera la participation au régime, soit la règle qui obligerait pour la vie ceux qui ont reçu un montant, même minime, de prestation, en particulier lors d'une maladie. A-t-on jamais vu, par exemple, une assurance automobile qui imposerait de cotiser pour la vie après une réclamation mineure? C'est ce qui va arriver si quelqu'un réclame deux semaines de prestations de maladie; la personne va devoir cotiser pour le reste de sa vie.
En Californie, le régime public d'assurance-invalidité permet un retrait après deux ans.
Quatrième point : si quelqu'un s'inscrit à mi-année, le projet de loi C-56 lui demanderait d'attendre 12 mois avant d'être couvert, mais l'obligerait à payer des cotisations pour l'ensemble de l'année. Pourquoi ne pas prévoir un prorata de cotisations dans ce cas? Comme alternative, on prévoit que ceux qui s'inscrivent de janvier à mars 2010 pourront accéder aux prestations dès le 1er janvier 2011. Pourquoi ne pas prévoir une telle clause à chaque année?
Cinquième et dernier point : le régime d'assurance-emploi prévoit déjà un remboursement de cotisations pour les salariés qui gagnent moins de 2 000 $ par année, puisqu'ils ne peuvent se qualifier. Ne faudrait-il pas une clause semblable pour ce régime volontaire, mais alignée sur 6 000 $?
Que penser de tout ceci? Sur le plan financier, il est incorrect d'adopter artificiellement le taux général des employés pour ces nouvelles prestations. Il faut plutôt choisir un mode de financement proportionné au coût des nouvelles prestations et relativement stable.
Deuxièmement, afin de financer une prestation sociale tout en la rendant volontaire — les prestations parentales —, le gouvernement s'est vu obligé d'imposer des restrictions sévères. Ces restrictions auront, entre autres, pour effet de décourager plusieurs participants potentiels et de rendre ce système beaucoup moins efficace comme mesure de protection du revenu.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Bédard.
[Traduction]
Le sénateur Gerstein : Est-ce que M. Bédard fera circuler ses observations? En dix minutes, j'ai entendu plus de 100 chiffres. Honnêtement, je ne peux pas suivre à un rythme aussi rapide.
M. Bédard : Je n'y vois aucune objection.
Le président : Nous veillerons à ce que vos documents soient transmis à tous les membres. Nous aurons également la transcription de votre exposé, que les honorables sénateurs pourront consulter. J'ai également eu de la peine à noter tous les points que vous avez soulevés, mais ça montre que vous avez réfléchi sérieusement à cette question. Nous vous en sommes très reconnaissants.
[Français]
Nous allons commencer avec le sénateur Carignan de Mille Isles, Québec.
Le sénateur Carignan : Ma question s'adresse à monsieur Bédard et elle porte sur la distorsion avec les primes au Québec. Je comprends que ce n'est pas vous qui l'avez créé, mais est-ce que, à votre connaissance, il y a un fonds spécifique pour le Québec advenant le cas où ce dernier est en surplus de cotisation, les surplus continueront de s'appliquer seulement au fonds du Québec, ou dans le cas où les fonds sont partagés avec le reste du Canada, un surplus au Québec viendrait combler un déficit du reste du Canada?
M. Bédard : Il n'y a pas de fonds distinct. Ces sommes, autant les cotisations que les prestations, seront intégrées au fonds général de l'assurance-emploi. Tout ce que j'ai fait, c'est une allocation des revenus et des coûts Québec et du restant du Canada pour voir d'où provenaient et allaient ces sommes. C'est donc dire que s'il y a un surplus au Québec, il est certain que cela aide implicitement à financer le reste du régime.
Le sénateur Carignan : Est-ce à dire qu'au niveau de la cotisation, vous avez validé le processus? Si je me prends comme exemple, moi qui ai été entrepreneur indépendant, qui avait une conjointe qui était également entrepreneuse indépendante, on aurait évidemment beaucoup aimé profiter des prestations d'assurance-chômage en cas de congé de maternité et de paternité; malheureusement, ce n'était pas en vigueur lorsque nous avons eu des enfants. Mais le facteur, qui nous faisait adopter ce projet, c'est en grande partie le congé de maternité. Est-ce qu'il n'y a pas un facteur supplémentaire dans le calcul au Québec, compte tenu de la perte d'attrait du projet et du fait que peut-être le projet ne sera pas aussi attrayant au Québec que dans le reste du Canada, ce qui amènerait un taux plus élevé? Est-ce que ce type de facteur d'effet dissuasif a été pris en compte, au Québec?
M. Bédard : Au Québec, les seules prestations offertes sont des prestations de maladie. Les gens vont exercer leurs choix en vertu de ces prestations seulement. L'effet dissuasif, oui, parce que si quelqu'un veut une couverture contre la maladie, il devra se demander sérieusement si c'est le bon régime à prendre puisque aussitôt qu'il retire 2 $ ou 50 $ ou 100 $ de prestation, ou peu importe le montant, il sera obligé de payer des cotisations à vie. Je ne comprends pas cette logique. Je comprends la logique pour les prestations parentales, de maternité ou de paternité.
En fait, ce que ce régime fournit, c'est un prêt remboursable, ce n'est pas une prestation sociale. Le régime va fournir des prestations, ensuite la personne rembourse cela sur la durée de sa vie. C'est effectivement de cela dont il s'agit.
Au Québec, la couverture de maladie en est proprement une d'assurance, le secteur privé émet de telles polices.
Le sénateur Carignan : Est-ce que le taux d'utilisation du programme de congé de maladie et de compassion a été calculé comme étant le même au Québec que dans le reste du Canada?
M. Bédard : Le ministère n'a pas fourni de détail à cet égard.
Le sénateur Carignan : J'ai l'impression que ce sera différent.
M. Bédard : Je pense que ce sera à peu près la même chose; le temps le dira. Présentement, le taux général d'utilisation du régime ou le taux d'incidence de maladie est d'environ 4 p. 100. Le ministère a dit 2 p. 100, mais en fait c'est 4 p. 100, en tenant compte de l'existence des régimes privés.
Le sénateur Carignan : Qui vient réduire ce taux.
M. Bédard : En effet. Cela envoie des prestations auprès des régimes d'employeurs.
Le sénateur Carignan : Je pensais que comme le régime serait moins attrayant au Québec, et cela justifiait des taux plus élevés pour compenser le fait que moins de personnes vont le requérir.
M. Bédard : Le ministère dit qu'à 1,36 $, le régime va faire ses frais. Alors pourquoi prévoir que ces taux puissent augmenter à l'avenir? Un dollar et trente-six, ce n'est pas très coûteux. Et c'est déjà un peu plus que ce coûtera ce régime en moyenne nationale. Et je vois mal que le Québec dépasserait la moyenne nationale à ce chapitre-ci. Le temps le dira, bien sûr.
Le président : Merci, sénateur Carignan.
[Traduction]
Avant de passer aux prochaines questions, madame Charron, pourriez-vous regarder à la page 4 de votre jeu de diapositives? Je trouve particulièrement intéressant qu'au cours des cinq dernières années il n'y a eu qu'une augmentation de 1,6 p. 100 des travailleurs autonomes n'ayant pas constitué leur entreprise en société, mais que le nombre de travailleurs autonomes qui ont constitué leur entreprise en société s'est accru de 18,6 p. 100 en cinq ans. Il s'agit bien de ceux qui ont constitué leur entreprise en société. J'aurais cru qu'il y aurait eu un plus grand nombre de travailleurs autonomes qui ne se seraient pas donné la peine de constituer leur entreprise en société. Que pouvez-vous déduire de ces statistiques?
Mme Charron : L'étude qui a été menée présente davantage de détails, mais cette tendance est assez différente de ce qu'on a pu constater dans les années 1980 et 1990. C'est dans la période allant de 2001 à 2006 que nous avons pu constater la plus forte augmentation du nombre de travailleurs autonomes ayant constitué leur entreprise en société. Je ne suis pas certaine des raisons de cette augmentation. Nous avons examiné les chiffres mais n'avons pas pu trouver de raisons. Nous trouvons également intéressant le pourcentage de travailleurs autonomes qui ont de l'aide rémunérée, parce que non seulement ils créent leur propre emploi, mais ils créent également des emplois supplémentaires en embauchant du personnel. Je sais que l'année 2000 et les années suivantes marquent une période intéressante, mais je n'ai aucune explication. Nous pensions que cela valait la peine de le signaler en raison de la grande importance que cela revêt pour notre économie.
Le président : Pouvez-vous nous rafraîchir la mémoire? Dans le contexte des règlements actuels en matière d'assurance-emploi, combien d'employés doivent travailler pour une entité afin que ces derniers soient couverts par la Loi sur l'assurance-emploi?
Mme Charron : Je ne sais pas s'il y a une limite. Je pense que dès que vous avez un employé vous devez contribuer au programme. Cela commence à partir de la première tranche de 100 $ de rémunération.
Le président : Est-ce exact? Est-ce qu'une personne peut être à la fois employeur et employé?
Mme Charron : Non, c'est dès qu'un employeur a un employé. Si vous travaillez à votre compte et que vous n'avez aucun employé, vous ne contribuez rien à l'assurance-emploi. Mais dès que vous avez un employé, vous devez commencer à le faire.
Le président : Nous parlons bien du travailleur autonome unique en ce qui a trait à cette loi, est-ce exact?
Mme Charron : C'est exact.
Le président : Cette personne-là uniquement.
Mme Charron : Oui.
Le président : Qu'il ait incorporé ou non son entreprise, est-ce exact?
Mme Charron : D'après ce que je comprends du projet de loi, oui, les deux seraient visés.
M. Bédard : Cela pourrait également viser le propriétaire d'une entreprise qui a des employés. Ces derniers pourraient être assurés aux termes de ce programme.
Le président : Exactement.
Le sénateur Gerstein : Certains des membres de l'opposition ont suggéré que la participation à ce programme pour travailleurs autonomes devrait être obligatoire. Ils estiment que l'on devrait obliger les travailleurs autonomes à participer au programme et à payer des cotisations. Votre organisation a-t-elle une opinion à ce sujet?
Mme Charron : Nous pensons que le programme ne devrait absolument pas être obligatoire. Nous pensons qu'il devrait être facultatif. D'abord, s'il est obligatoire, il sera perçu comme étant une charge sociale supplémentaire. En fait, nous avons fait un sondage sur cette question au début des années 2000, mais uniquement dans la province de Québec.
Le sondage n'est pas jeune, mais les résultats portaient sur le fait d'avoir un programme facultatif ou obligatoire. Les résultats indiquent sans contredit que les travailleurs autonomes préféreraient avoir un programme facultatif. Nous pensons que c'est un élément clé de ce projet de loi et c'est la raison pour laquelle nous l'appuyons, c'est-à-dire parce que les travailleurs autonomes auront la possibilité de décider s'ils veulent ou non y participer.
Le sénateur Ringuette : C'est intéressant d'avoir M. Bédard et la fédération en même temps. Vous vous souviendrez que vos deux organisations ont présenté leurs témoignages devant nous relativement au projet de loi sur le fonds de réserve pour l'assurance-emploi. Nous avions accepté vos recommandations parce que, dans nos recommandations et nos observations concernant ce projet de loi, le comité avait recommandé que le gouvernement fédéral affecte, je crois, de 10 à 15 milliards de dollars dans le fonds de réserve de l'assurance-emploi. C'était juste avant la crise économique et l'augmentation en flèche du chômage.
Hier, certains des sénateurs ont décrit ce programme comme étant une « assurance pure » ou bien une « assurance stricte » ou quelque chose à cet effet. Je disais que ce n'était pas le cas, parce qu'il y a un manque à gagner. Par conséquent, il ne s'agit pas d'une « assurance pure ».
J'ai demandé aux fonctionnaires du ministère s'ils avaient examiné la possibilité de rendre le programme obligatoire et ils ont répondu que non. Ça a mis un terme à cette question; il n'y a aucune information accessible.
La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a beaucoup mis l'accent sur l'augmentation des cotisations d'assurance-emploi dans l'avenir relativement à la partie payée par l'employeur, qui passerait de 2,42 $ par tranche de 100 $ à 3,47 $. C'est presque une augmentation de 30 p. 100 en six ans.
Hier, les fonctionnaires ont dit qu'ils prévoyaient que le programme connaîtra un déficit, mais qu'il serait difficile pour nous de le cerner parce que le tout sera regroupé avec les prestations d'assurance-emploi et les données sur le compte d'assurance-emploi. Que pensez-vous de ce manque à gagner de 78 millions de dollars?
Mme Charron : Corrigez-moi si j'ai tort, mais je pensais qu'il y aurait un compte distinct. Nous voulons que ce soit autofinancé. C'est une des raisons pour lesquelles nous pouvons offrir notre appui au projet de loi. Si le programme est autofinancé et distinct, il n'ajoutera rien au problème existant.
Nous estimons que c'est important pour le bon fonctionnement du programme. Nous pensons également que, s'il doit être autofinancé, il est important de mettre en place des mesures adéquates pour déterminer s'il est bien autofinancé d'une année à l'autre et apporter les rajustements qui s'imposent. Lorsque je parle de « mesures rigoureuses », je ne veux pas dire un examen tous les cinq ans. J'irais jusqu'à dire qu'il faut faire un examen annuel pour s'assurer que cela fonctionne. Le nombre d'adhérents est difficile à prévoir. Mais c'est très important pour nous en ce qui a trait à cette mesure.
Le sénateur Ringuette : Hier, les fonctionnaires du ministère nous ont dit qu'il ne s'agissait pas d'un programme distinct; les fonds provenant des travailleurs autonomes seront intégrés à ceux du compte d'assurance-emploi pour les cotisations des employeurs et des employés. C'est officiel.
Il sera difficile dans un avenir rapproché de comprendre les véritables répercussions sociales et économiques de ce programme.
[Français]
Monsieur Bédard, vous avez mentionné un programme similaire en Californie?
M. Bédard : Oui.
Le sénateur Ringuette : Aux États-Unis, il y a un programme qui est l'équivalent de notre programme d'assurance- emploi. Est-ce que le programme en Californie est distinct du programme d'assurance-emploi des États-Unis?
M. Bédard : Oui, en Californie, c'est un régime distinct qui est obligatoire. C'est un régime public obligatoire pour tous les salariés; un régime d'assurance-invalidité qui donne, je crois, 39 semaines de prestation jusqu'à un maximum de 900 $ — et bientôt 1 000 $ par semaine —, après un délai de carence d'une semaine. Ce régime est disponible sur une base volontaire pour les travailleurs indépendants.
Le sénateur Ringuette : C'est similaire?
M. Bédard : Exact.
Le sénateur Ringuette : Pour les salariés, c'est obligatoire, mais pour les travailleurs indépendants, c'est sur une base volontaire.
M. Bédard : Oui, et le régime, dans son ensemble, est distinct du régime d'assurance-chômage en Californie.
Le sénateur Ringuette : Hier, en examinant les données qui nous avaient été fournies par les fonctionnaires, on remarquait un déficit du programme de 78 millions de dollars. Les fonctionnaires nous ont dit que les congés de maternité et parentaux étaient les plus dispendieux, mais aussi les plus intéressants pour les bénéficiaires. Ils estimaient que le coût de ces deux éléments représentait à peu près deux tiers des coûts du programme. Donc, à peu près 67 p. 100.
Quand j'examinais la prime qui était demandée au Québec, soit 1,36 $, je me disais que si la portion du programme offert au Québec est seulement de 33 p. 100, au lieu de payer 1,36 $ de prime, les Québécois devraient payer au plus 1,16 $ par 100 $. Donc, il y a un 20 cents de plus du 100 $ de revenu qu'on réclame aux Québécois par rapport aux autres Canadiens relativement aux bénéfices fournis par le programme.
M. Bédard : J'ai fait un calcul direct, c'est-à-dire que j'évalue les prestations de maladie, à l'échelle nationale, à environ 90 millions de dollars. Quatre-vingt-dix millions de dollars, 100 millions de dollars, c'est le même ordre de grandeur.
Les gains assurables pour ce système sont de l'ordre de dix milliards de dollars. Le ministère l'a confirmé; il dit que 0,01 $ de cotisation va chercher un million de dollars en revenus. Le ministère croit que ses gains assurables sont bien de l'ordre de dix milliards de dollars. Si l'on divise 90 millions par 10 milliards, nous avons un résultat de 0,9 p. 100 comme taux de cotisation suffisant pour financer les prestations de l'assurance-maladie. Je vois mal pourquoi un taux plus élevé que cela devrait être chargé au Québec, alors qu'il s'agit d'un coût prévisible. C'est un système d'assurance assez solide de ce point de vue.
Le sénateur Ringuette : Dans vos calculs, avez-vous également tenu compte du fait que le programme régulier d'assurance-emploi fournit les congés de maternité et parentaux, alors qu'au niveau du reste du programme d'assurance-emploi, on charge au Québec 1,36 $? Ce 1,36 $ est-il suffisant pour l'ensemble du programme d'assurance- emploi ou charge-t-on trop pour les bénéfices réguliers d'assurance-emploi?
M. Bédard : Ce 1,36 $, dans le moment, comprend toutes sortes de choses, dont la quote-part des travailleurs pour les prestations ordinaires et les prestations de maternité et de maladie; c'est fusionné. Le 1,36 $ comme tel n'a pas rapport directement avec les prestations spéciales. Pour le ministère, quand ils ont fait le calcul, c'était un adon que cela correspondait à peu près au coût du nouveau régime et ils se sont dit que ce serait commode d'adopter ce taux. Mais il n'y a pas de relation directe. On le constate quand on dit que ces taux vont augmenter dans les prochaines années. Pourquoi cela va augmenter? Cela n'a rien à voir avec les prestations spéciales, cela a tout à voir avec le déficit encouru à cause des prestations ordinaires. Fixer un taux sur cette base n'a pas de sens, cela n'est pas logique. C'est peut-être commode ou administrativement simple, je veux bien, mais ce n'est pas la meilleure logique.
[Traduction]
Le sénateur Carstairs : Je voudrais que nous regardions la page 12 de votre jeu de diapositives et parler de votre affirmation selon laquelle il faudrait rembourser au compte d'assurance-emploi 57 milliards de dollars. Il s'agit essentiellement d'une chimère, parce que cet argent a été intégré aux recettes générales depuis un bon nombre d'années. Étant donné que les comptes publics accusent un déficit de 55 milliards de dollars, où pensez-vous que le gouvernement pourra trouver 57 milliards de dollars pour rembourser le compte?
Mme Charron : Lorsque nous avons pris connaissance du gel des cotisations d'assurance-emploi pour une période de deux ans, nous l'avons perçu comme une mesure de relance économique. Par la suite, lorsque nous avons examiné la question de façon plus approfondie, nous nous sommes rendu compte que cela ne faisait pas partie de ces mesures. C'était tout simplement un prêt qu'il fallait rembourser. Ce que nous aimerions voir, c'est que l'argent qui restera des mesures de relance économique soit investi dans le compte. Par ailleurs, nous n'avons pas d'objection à ce que le remboursement ait lieu au fil des ans.
Nous pensons qu'il s'agit d'une question de principe. Ce qui est le plus néfaste, c'est que ces augmentations de cotisation auront lieu à une période où l'économie commencera à peine à se rétablir. Cela pourrait avoir un effet dévastateur sur la création d'emplois. Nous pensons que cette possibilité doit absolument être examinée. L'argent pour la relance économique pourrait être une des solutions envisagées. Nous n'avons pas toutes les réponses, mais il faudrait absolument tenir compte de cette possibilité.
M. Bédard : Est-ce que je peux intervenir? L'Institut canadien des actuaires a pris une position forte relativement au financement général du régime d'assurance-emploi. Il a dit qu'en effet, il devrait y avoir un surplus de l'ordre d'au moins 15 milliards de dollars pour des périodes de récession sans qu'il soit nécessaire d'augmenter les taux de cotisation.
Pour ce qui est des 57 milliards de dollars, où le gouvernement va-t-il trouver l'argent pour rembourser les bons d'épargne du Canada avec tout ce qu'il doit? Ce sont des promesses que le gouvernement a faites. De la même manière, le gouvernement a promis sans équivoque, et c'est inscrit dans la Loi sur l'assurance-emploi, que cet argent appartient au régime d'assurance-emploi. Maintenant, le gouvernement affirme, comme d'autres gouvernements avant lui : « Nous avons dépensé l'argent, alors, non, il n'existe plus ».
C'est comme si j'allais voir mon banquier et que je lui disais : « Je suis désolé, j'ai dépensé tout l'argent que je vous ai emprunté, alors, je ne le rembourserai pas. »
Le sénateur Carstairs : Mon autre question porte sur le programme des congés de soignant, qui deviendra également accessible aux travailleurs autonomes. À titre de ministre responsable des soins palliatifs, c'est à ma demande que ces prestations ont vu le jour. Cela n'a jamais fonctionné. Cela n'a jamais fonctionné parce que cela n'a jamais été bien communiqué aux gens. Il y a eu peu d'adhérents. Vous-même avez parlé du petit nombre de demandes. Dans le cadre de cette mesure législative, nous continuons d'utiliser la définition ayant dans son libellé « qui risque de causer le décès dans un délai de 26 semaines ».
Nous savons que les parents n'admettent tout simplement pas que leur enfant va mourir en moins de 26 semaines. Ils ne l'admettent tout simplement pas, de sorte qu'ils ne font pas de demande. Leur médecin ne leur dit pas que leur enfant va mourir en moins de 26 semaines. Les gens qui ont le plus besoin de ce programme n'en font pas la demande.
Est-ce pour cette raison que vous avez indiqué un si petit montant dans votre présentation — je pense que vous avez parlé de 1 million de dollars — pour les congés de soignant?
M. Bédard : Les congés de soignant liés au régime d'assurance-emploi coûtent à l'heure actuelle 10 millions de dollars. Évidemment, il n'en coûtera pas beaucoup plus pour prolonger ce programme aux travailleurs autonomes. Ce ne sont que des chiffres.
Le sénateur Carstairs : Exactement.
Le sénateur Callbeck : Poursuivons, monsieur Bédard, savez-vous pourquoi il n'y a pas davantage de demandes de congé de soignant?
M. Bédard : Cela ne fait pas partie de mon domaine d'expertise particulier. Je suis désolé.
Le sénateur Callbeck : Pour ce qui est des prestations dont nous parlons dans le cadre de cette mesure législative, s'il s'agissait d'un projet de loi distinct, vous dites que le déficit serait de 68 millions de dollars en 2014?
M. Bédard : Il serait de l'ordre de 70 millions de dollars, oui.
Le sénateur Callbeck : Hier, on nous a parlé de 78 millions de dollars. On nous a dit que les prestations pour congé de maladie et que les prestations de congé de soignant allaient s'équilibrer. Est-ce que vos chiffres confirment cet énoncé?
M. Bédard : Les prestations pour congé de maladie s'équilibreraient si les cotisations étaient établies à 0,9 p. 100. Étant donné que les taux de cotisations seront plus élevés que ce montant, non seulement il y aura un équilibre, mais on générera un petit profit parce que les cotisations augmentent.
Le sénateur Callbeck : On nous a également dit que s'il s'agissait d'un programme distinct et qu'on augmentait les cotisations d'un cent, cela représenterait 1 million de dollars. S'il s'agit de l'ensemble du programme de l'assurance- emploi, cela signifie un montant de 110 millions de dollars.
M. Bédard : Oui.
Le sénateur Callbeck : Vous avez parlé d'un calcul proportionnel. Je pense que vous parliez des cotisations, vous avez dit que si une entreprise faisait faillite le 1er juillet, aux termes de cette mesure législative, elle devrait tout de même continuer à payer les cotisations pour le reste de l'année, mais vous estimez que ce devrait être pour une période de six mois.
M. Bédard : Le calcul proportionnel dont je parlais est appliqué ainsi : si dans les années suivantes quelqu'un décide de participer à partir d'octobre, en vertu de cette loi, cette personne paierait les cotisations pour l'année entière. Je pense que cette personne devrait simplement payer des cotisations proportionnelles de trois douzièmes. Toutefois, il faut attendre 12 mois, soit dit en passant. Pourquoi ne pas plutôt payer, pour la première année de participation, des cotisations proportionnelles? C'est une chose.
Pour les gens qui ferment boutique, disons, le 1er juillet, j'imagine qu'aucun revenu n'est encaissé par la suite, alors est-ce qu'on s'attend vraiment à ce que ces personnes paient des cotisations après le 1er juillet si elles n'ont plus de revenu?
Le sénateur Callbeck : Je pense qu'on nous a dit hier que c'était le cas.
M. Bédard : Le système d'impôt sur le revenu fonctionne sur une base annuelle. Tous les revenus auraient été gagnés avant la fermeture de l'entreprise, je présume.
Le sénateur Callbeck : On ne peut se retirer qu'à la fin de l'année.
M. Bédard : Oui.
Le sénateur Callbeck : Vous payez les prestations pour l'année entière.
M. Bédard : Vous payez les cotisations pour l'année entière, mais je crois, en effet, que les revenus auraient été gagnés avant la fermeture de l'entreprise. Même si, techniquement, le tout s'applique à l'année entière, dans la pratique, je pense qu'on ne considère que la période pendant laquelle l'entreprise fonctionnait.
Le sénateur Callbeck : À la FCEI, vous dites que les programmes devraient être facultatifs et autofinancés. Vous pensiez qu'il s'agirait d'un programme indépendant, ce qui n'est pas le cas. Si j'ai bien compris, vous voulez un gel des cotisations de deux ans et, pourtant, il y a un déficit, ce qui privera le compte d'assurance-emploi, de 65 ou de 78 millions de dollars.
Mme Charron : Je précise que dans le cadre de nos consultations avec Finances Canada, on nous a dit qu'il s'agirait d'un programme séparé. C'est pourquoi nous appuyons ce projet de loi, parce qu'il serait séparé et autofinancé.
Pour être franche, cette information est nouvelle pour nous. Je crois que notre soutien au projet de loi pourrait changer si le programme n'est pas séparé.
Le sénateur Callbeck : Hier, lorsque les fonctionnaires étaient ici, nous avons parlé de la façon dont les travailleurs indépendants seraient mis au courant de l'existence du programme. Nous sommes maintenant en décembre. Si on veut recevoir des prestations en 2010, il faut participer au plus tard à la fin du mois de mars de l'année prochaine, ce qui donne très peu de temps.
Les fonctionnaires nous ont dit qu'ils croyaient que les entreprises ou les organismes comme le vôtre allaient jouer un rôle important pour ce qui est d'informer les travailleurs indépendants. Avez-vous l'intention d'organiser une campagne d'information sur ce programme?
Mme Charron : Normalement, si c'est quelque chose que nous appuyons, nous n'avons aucune objection à le faire. Nous savons que les travailleurs indépendants et les propriétaires d'entreprise écoutent normalement leurs associations un peu plus que le gouvernement, si vous me permettez. Nous serions donc prêts à faire la promotion du programme.
C'est quelque chose que nous avons fait par le passé. Nous travaillerons avec le ministère en question pour obtenir les bons renseignements et pour veiller à ce que le message soit transmis, au moyen de notre site Web, de bulletins ou autrement. C'est quelque chose que nous faisons régulièrement.
Le sénateur Callbeck : Aujourd'hui, vous n'êtes plus certains d'appuyer ce projet de loi, n'est-ce pas?
Mme Charron : Si le programme est séparé et autofinancé, nous l'appuierons. S'il ajoute aux problèmes actuels du compte d'assurance-emploi, la situation changerait.
Lorsque nous avons consulté RHDCC, on nous a expliqué que le programme serait séparé et autofinancé. Il s'agit des principes que nous avons mis de l'avant; nous croyons que le programme devrait être facultatif et autofinancé. Comme je l'ai dit dans mon exposé, il s'agit des principales raisons pour lesquelles nous appuyons ce projet de loi.
Le sénateur Callbeck : Vous dites que votre appui ne sera pas le même. Cela signifie-t-il que vous n'appuierez pas cette mesure?
Mme Charron : Ce sera différent si le régime n'est pas autofinancé.
Le sénateur Callbeck : Merci.
M. Bédard : Puis-je intervenir?
Le président : Je vous en prie.
M. Bédard : Si le volet prestations parentales du régime doit être autofinancé, cela signifie dans les faits que les prestataires rembourseront l'argent qu'ils auront reçu. Il s'agit en quelque sorte d'une avance sur prestations que les gens devront rembourser le reste de leur vie.
En ce qui concerne les prestations de maladie, il s'agit d'un programme d'assurance. Seule une faible proportion de la population reçoit des prestations et il faut cotiser au régime. Par contre, dans le cas des prestations parentales et de maternité, il s'agit d'une simple avance. Ce n'est pas un régime d'assurance. Tous ceux qui adhèrent au régime finiront soit par recevoir de l'argent, soit par se retirer du régime. Ce n'est pas une assurance.
Le sénateur Mitchell : Cet élément m'intéresse. Ce volet deviendra auto-sélectif. Si la participation n'est pas obligatoire, pourquoi y cotiseriez-vous, à moins d'envisager d'avoir un enfant? Évidemment, il n'y a pas de garantie à cela; il y a bien des façons de s'exclure soi-même.
Puis, pour ce qui est du remboursement des prestations, qu'arrive-t-il si vous décidez de ne plus retourner dans la main-d'œuvre active? Vous pourriez ne pas rembourser.
Cela nous amène à la question de l'autofinancement, qui rendra les coûts du régime prohibitifs, à mon avis. Et cela m'amène à ma question suivante, c'est-à-dire qu'il serait avantageux pour les membres de votre organisation que cet argent ne soit pas dans un fonds distinct. C'est probablement pour cette raison que l'argent a été placé dans un fonds commun, car cela désavantage tous les cotisants; tous les participants subventionneront ce volet.
J'ai l'impression que cela ne pourra jamais fonctionner si la participation n'est pas obligatoire — et je ne vois pas comment cela pourrait l'être — et si l'argent est dans un fonds distinct. C'est préoccupant, car c'est un excellent programme pour les femmes. Les femmes sont souvent désavantagées sur le marché du travail. Elles réussissent particulièrement bien lorsqu'elles ont des petites entreprises, mais elles ont toujours ce désavantage et cet obstacle à surmonter.
Votre approche créerait des obstacles impossibles à surmonter. Il faudra trouver une solution à cela.
Mme Charron : Ce que nous ont dit un grand nombre de travailleurs autonomes en ce qui a trait aux prestations de maternité et aux prestations parentales, c'est que même si c'est une bonne idée, bon nombre de travailleurs autonomes ne pourront pas se prévaloir de cette mesure parce qu'ils perdront leur entreprise. Bien des gens nous l'ont dit. L'élément du régime qui serait le plus attirant pour nos membres est sans doute la possibilité de recevoir des prestations de maladie, surtout compte tenu de la démographie.
Sur la question de l'autofinancement, nos membres nous ont conféré un mandat clair. C'est un principe fondamental auquel nous allons adhérer.
Le sénateur Mitchell : Quelles que soient les circonstances?
Mme Charron : Quelles que soient les circonstances.
Le sénateur Mitchell : Très bien. Je comprends.
Le président : L'organisation défend les intérêts de ses membres.
M. Bédard : Le programme d'assurance-emploi repose sur une caisse commune. Le programme n'est pas fragmenté. Il n'y a pas de fonds autofinancé pour les pêcheurs autonomes. Il n'y a pas de caisse distincte pour le secteur de la construction ou pour les travailleurs saisonniers. Et les gens qui ont des emplois très stables ne paient pas de cotisations moins élevées.
Si l'on commence à créer des fonds distincts pour ceci et cela, avec quelle sorte de régime nous retrouverons-nous? Il s'agit d'un régime d'assurance sociale.
Le sénateur Mitchell : Si ce volet doit être autofinancé, pourquoi la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante ne met-elle pas sur pied elle-même un tel régime? S'il s'agit purement d'un régime d'auto-assurance, comme ce sera le cas si le régime ne peut jamais enregistrer de déficit, alors, créez-le vous-même. Il n'y a pas de raison que le gouvernement s'en charge.
Mme Charron : L'idée d'un régime autofinancé doit être assortie d'un autre principe essentiel, celui d'examen régulier. Si le régime accusait un déficit, nous serions d'accord pour qu'il soit financé, même si c'est au moyen d'augmentations des cotisations. Les travailleurs auront toujours la possibilité de décider d'y adhérer ou non.
Le sénateur Mitchell : Une fois que vous aurez eu un enfant, que vous aurez reçu vos prestations et que vous retournerez au travail, pouvez-vous choisir de vous retirer du régime?
Mme Charron : Non. Une fois que vous avez reçu des prestations, vous ne pouvez plus vous retirer du régime. Vous devez continuer d'y cotiser.
Le sénateur Mitchell : Vous devez y cotiser pour le reste de votre vie professionnelle, à moins que vous choisissiez de ne plus travailler, ou que vous transfériez votre entreprise au nom de votre partenaire ou de votre conjoint, par exemple.
Mme Charron : Nous croyons que nos membres veulent avoir le choix d'adhérer au régime ou non.
M. Bédard : Cette obligation de cotiser à vie s'applique aux personnes qui n'auront reçu qu'une semaine de prestations de maladie, ce qui est abusif à mon avis.
Le président : M. Bédard a déjà fait valoir cet argument voulant qu'une fois qu'on a reçu des prestations, on ne peut plus cesser de cotiser.
À partir de ce qu'a dit le sénateur Mitchell, pourriez-vous nous parler du principe comptable de l'anti-sélection? S'il s'agit d'un programme de participation volontaire et que le coût des cotisations augmente démesurément, moins de gens participeront au programme, et les cotisations n'en seront que plus élevées, si on veut que le régime soit autosuffisant. Il y aura moins de cotisants et le régime ne tardera pas à s'effondrer.
M. Bédard : On se retrouvera dans une spirale inflationniste. On ne sait pas quand ni comment cela se produira, mais si on insiste pour que le régime soit autofinancé, il faudra augmenter les cotisations à un moment donné parce qu'il y aura plus de participants.
Le sénateur Mitchell : Mais si vous augmentez les cotisations, plus de gens se retireront.
M. Bédard : C'est exact. Il ne vous restera plus que les cotisants qui présentent des risques élevés et qui coûtent cher au régime. À un moment donné, un tel régime s'effondre.
Le président : Madame Charron, je crains que votre insistance pour que le régime soit de participation volontaire et autosuffisant pourrait entraîner cette conséquence. Qu'en pensez-vous?
Mme Charron : Je ne suis pas experte en actuariat. Il faudra faire plus de recherches. Je ne peux pas vous en dire davantage pour l'instant. On nous a dit à partir de quels principes ce programme fonctionnera. Les détails viendront sans doute plus tard. Nous attendrons bien sûr de les connaître et nous les examinerons au fur et à mesure que nous recevrons l'information. Pour l'instant, je ne peux pas vous en dire davantage.
Le président : À titre de législateurs, nous n'aimons pas beaucoup qu'on nous fournisse plus tard les détails. Nous sommes très angoissés quand on nous dit simplement d'adopter une mesure et de faire confiance.
Le sénateur Di Nino : Le sénateur Mitchell a très bien traité la question que je voulais poser sur le fonds distinct et l'autofinancement. Je lui en fais compliment, car comme on l'a dit, un tel régime serait très difficile à administrer. Dans certaines circonstances, ce programme serait si coûteux qu'il n'en vaudrait plus la peine. Si l'on veut un régime entièrement distinct et autofinancé, on peut toujours s'adresser à une société d'assurance et il n'est pas nécessaire de traiter avec le gouvernement. C'est probablement pour cette raison que le gouvernement a choisi d'inclure cet élément dans l'ensemble du régime, car cela facilite probablement les choses.
Madame Charron, combien de membres la FCEI compte-t-elle?
Mme Charron : Nous avons 150 000 membres.
Le sénateur Di Nino : Viennent-ils de partout au pays?
Mme Charron : Oui. Nous représentons tous les secteurs de l'économie dans chaque province et territoire.
Le sénateur Di Nino : Le Québec est-il bien représenté dans votre organisation?
Mme Charron : Nous avons 24 000 membres au Québec.
Le sénateur Di Nino : Les statistiques que vous nous avez fournies n'étaient pas ventilées par région. L'appui de vos membres était-il généralisé partout au pays?
Mme Charron : Au sujet de cette mesure?
Le sénateur Di Nino : Oui.
Mme Charron : Je ne pourrais pas vous le dire de mémoire. Nous pourrions vous fournir cette information, si vous le souhaitez. Je crois qu'il était généralisé partout au pays. L'appui des membres était peut-être un peu plus marqué au Québec — mais je ne me souviens pas des chiffres réels.
Le sénateur Di Nino : Il n'y avait donc pas de différence dans l'appui, si ce n'est qu'il était peut-être un peu plus marqué au Québec qu'ailleurs?
Mme Charron : C'est mon impression. Il faudra que je vérifie. Je me ferais un plaisir de vous communiquer les résultats, si vous le souhaitez.
Le sénateur Di Nino : Non, je voulais simplement m'assurer qu'il n'y a pas de grandes différences quelque part au pays. C'est ce que je voulais savoir.
Monsieur Bédard, vous avez comparu à plus d'une reprise devant notre comité. Vous nous avez toujours fourni beaucoup d'information.
Au cours des années, bien des gens ont parlé d'un soi-disant surplus du compte d'assurance-emploi, disant entre autres que les gouvernements antérieurs ont utilisé ce surplus pour rembourser le déficit alors qu'ils avaient déclaré qu'il n'y aurait pas de taxes supplémentaires, entre autres. Tout cela, c'est du passé.
Je suis d'accord avec le sénateur Carstairs sur le fait qu'il est bien difficile de trouver maintenant un quelconque surplus dans cette caisse. Cet argent a été utilisé au profit des Canadiens au fil du temps. Nous devons supposer que ce surplus n'existe plus.
Convenez-vous avec moi que le gouvernement du Canada garantit que, si le compte d'assurance-emploi était déficitaire, l'État comblera le manque à gagner? Est-ce exact?
M. Bédard : Oui, bien sûr.
Le sénateur Di Nino : Même si ce compte n'existe pas dans les faits, qu'il y ait un surplus ou un déficit de 2 milliards ou de 150 milliards, le gouvernement du Canada garantit néanmoins qu'il répondra toujours aux besoins de la population aux termes du programme de l'assurance-emploi, n'est-ce pas?
M. Bédard : Le gouvernement garantit actuellement qu'il augmentera également les cotisations.
Le sénateur Di Nino : Si j'ai bien compris, cela sera dû au fait que le régime ne serait plus administré simplement par le gouvernement et qu'il sera confié à un office indépendant ou semi-indépendant chargé de le gérer pour les Canadiens et d'en faire un régime autofinancé — dans la mesure où c'est possible. Est-ce exact?
M. Bédard : La création de cet office est une excellente idée. Le seul problème, c'est qu'on ne lui a pas donné la marge de manœuvre nécessaire pour lui permettre de fixer des taux de cotisation stables. Il faudrait pour cela lui octroyer un fonds de réserve de l'ordre de 15 milliards de dollars. Compte tenu de ce que les cotisants à l'assurance- emploi ont déjà versé un excédant de contribution de 57 milliards de dollars, pour être quitte, il faudrait au moins accorder quelques accommodements ou consentir des fonds supplémentaires à cet office.
Le sénateur Di Nino : Je ne suis pas tout à fait d'accord avec cela. Que la réserve soit de 15 milliards, de 100 milliards ou de 2 milliards, cette somme pourrait bien s'avérer insuffisante si nous traversions une autre période difficile. Ne vaut-il pas mieux s'assurer de toujours avoir de l'argent pour répondre aux besoins des Canadiens, et, selon la capacité de payer des Canadiens et les conditions économiques du moment au pays, augmenter au besoin les cotisations, les geler ou même, qui sait, les réduire en raison d'un surplus?
M. Bédard : Il incombe certes au gouvernement de garantir le paiement des prestations d'assurance-emploi. C'est ce qu'il fait depuis 1940. Cela doit continuer, bien sûr.
Le président : Au nom du Comité sénatorial des finances nationales, je remercie Mme Charron et M. Dawkins d'avoir comparu devant nous au nom de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.
[Français]
Monsieur Bédard, je vous remercie d'avoir comparu devant notre comité encore une fois. Votre témoignage est très important pour nous et nous aide beaucoup.
[Traduction]
Honorables sénateurs, avant de lever la séance, je signale que nous n'avons pas examiné la question des prestations de soignant. Y a-t-il d'autres questions à ce sujet?
Également, sénateur Di Nino, savez-vous quand ce projet de loi nous sera envoyé? Nous devons faire l'examen article par article, mais nous devons pour cela avoir le projet de loi.
Le sénateur Di Nino : Je crois savoir que nous le recevrons jeudi, mais je vais le confirmer et vous informer dans toute la mesure du possible.
Le président : S'il vous plaît.
Le sénateur Di Nino : Le Sénat a ses propres particularités, mais en gros, nous pouvons nous attendre à le recevoir jeudi.
Le président : Si nous devons prévoir une réunion d'ici jeudi, nous pourrions trouver le temps nécessaire — peut-être de midi à 13 heures demain — pour traiter cette question qui reste, à moins que les honorables sénateurs souhaitent entendre d'autres témoins sur ce projet de loi. Quand ce sera fini, nous pourrons entamer l'étude article par article, quand nous aurons le projet de loi.
Le sénateur Di Nino : Cela ira bien.
Le président : De midi à 13 heures demain? La réunion de caucus se termine à midi. Alors peut-être de 12 h 15 à 13 h 15?
Le sénateur Di Nino : Nous pourrions même demander la permission de siéger pendant que le Sénat siège lui aussi.
Le président : Nous avons déjà la permission de le faire si c'est nécessaire.
Le sénateur Di Nino : Il vaudrait peut-être mieux nous réunir pendant une heure à 15 heures demain.
Le président : Nous pouvons nous réunir quand nous le voulons.
Le sénateur Di Nino : Les réunions de caucus se prolongent parfois un peu plus que prévu. Nous devons tous nous rendre au Sénat à compter de 13 h 30 demain et nous pourrions donc informer le Sénat que notre comité se réunira pendant que le Sénat siège demain.
Le président : Le sénateur Gerstein et moi devrons prendre la parole sur deux questions demain, l'une étant le rapport du projet de loi C-51 et l'autre ce rapport sur le Budget principal des dépenses. Nous devrons être à la Chambre du Sénat.
Le sénateur Gerstein : Il vaudrait peut-être mieux nous réunir un peu plus tôt.
Le président : Je vais m'en occuper. Nous allons voir s'il serait possible d'entendre un ou deux témoins sur cette question qui reste. S'il y en a d'autres entre-temps, faites-nous le savoir. Autrement, nous allons attendre avec impatience l'arrivée du projet de loi C-56 de la Chambre des communes.
(La séance est levée.)