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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 6 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 12 mai 2009

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui à 17 h 33 pour étudier des questions relatives au nouveau cadre stratégique en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada.

Le sénateur Bill Rompkey (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Notre séance de ce soir est télévisée. Je me présente : je m'appelle Bill Rompkey, de Terre-Neuve-et- Labrador, et je suis président du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Sont avec nous ce soir le sénateur Robichaud, du Nouveau-Brunswick; le sénateur Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard; le sénateur Adams, le doyen du Sénat qui, malheureusement, nous quittera bientôt — il nous a fait profiter de sa précieuse collaboration pour une dernière fois; le sénateur Cook, de Terre-Neuve-et-Labrador; le sénateur Manning, de la même province — mon Dieu, nous sommes nombreux —, et le sénateur Cochrane. Toutefois, nous avons aussi un membre des plus qualifiés venant de la Colombie-Britannique, le sénateur Nancy Greene Raine.

Nous souhaitons la bienvenue à nos invités de la Garde côtière. Je demanderai au commissaire, M. Da Pont, de nous présenter les personnes qui comparaissent avec lui.

Nous poserons des questions sur un certain nombre de sujets. Nous venons de présenter un rapport qui a été distribué dans lequel nous avons formulé un certain nombre de recommandations concernant la Garde côtière et l'Arctique. Nous espérons obtenir des réactions à certaines de nos recommandations ce soir.

Nous projetons de visiter l'Arctique de l'Ouest; nous nous sommes rendus dans l'Arctique de l'Est le printemps dernier. Nous disposons d'un budget à cette fin qui devrait, je crois, être approuvé demain; toutefois, nous n'avons pas encore décidé des endroits où nous irons. Si les membres de la Garde côtière pouvaient nous proposer des endroits où nous rendre, nous serions bien contents.

Nous entendions, entre autres choses, aller en mer pour la première fois à bord d'un navire de la Garde côtière. Je ne sais pas si la chose est possible, mais je lance l'idée. Parcourir une petite partie de l'Arctique, ou même y circuler une journée complète, serait une expérience très utile pour nous.

Nous vous poserons des questions à ce sujet. Comme je l'ai dit, nous ne nous sommes pas encore rendus dans l'Arctique de l'Ouest, mais nous entendons le faire. Reste à déterminer si nous irons ce printemps ou l'automne prochain. Nous aboutirons en Colombie-Britannique. Nous espérons y traiter des questions de pêche, dans le cadre d'un autre ordre de renvoi.

Je donne maintenant la parole au commissaire Da Pont; nous passerons ensuite aux questions.

George Da Pont, commissaire de la Garde côtière canadienne, Pêches et Océans Canada : Monsieur le président, c'est pour moi un plaisir d'être de nouveau devant vous ce soir. J'aimerais d'abord présenter mes collègues de la Garde côtière. À ma gauche, se trouve Wade Spurrell, commissaire adjoint, région du Centre et de l'Arctique; a pris place à côté de lui — une personne que certains membres du comité connaissent bien déjà — Burt Hunt, directeur régional, Gestion des pêches et de l'aquaculture, région du Centre et de l'Arctique.

[Français]

À ma gauche, Mimi Breton, sous-ministre adjointe, Secteur des océans et de l'habitat, et Sylvain Paradis, directeur général des sciences des écosystèmes.

[Traduction]

Deux d'entre nous sont de la Garde côtière et les trois autres sont affectés à d'autres secteurs du ministère des Pêches et des Océans; c'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions.

En préparation pour aujourd'hui, on m'a dit que vous étiez intéressés à connaître la suite donnée par la Garde côtière aux recommandations de la vérificatrice générale. J'ai donc préparé un court exposé d'introduction que j'aimerais bien vous présenter, si vous me le permettez.

Le président : J'ai oublié de le mentionner, mais nous avons eu une rencontre avec la vérificatrice générale qui a donné lieu à certaines questions pour lesquelles nous aimerions avoir des réponses. Nous voudrions également ajouter quelques questions provenant de la vérificatrice générale même.

M. Da Pont : Je vais donc parler d'abord de la suite donnée aux observations de la vérificatrice générale.

Tous les membres du comité sont déjà au fait des préoccupations formulées par la vérificatrice générale en 2007. En fait, elle a comparu récemment devant votre comité. Il ne sert à rien que je résume les points qu'elle a soulevés. Toutefois, vous savez sans doute, du moins je l'espère, que la Garde côtière a accepté tous ses constats et toutes ses recommandations.

À la suite du rapport, notre ministre d'alors, l'honorable Loyola Hearn, nous a ordonné d'élaborer un plan réaliste pour donner suite aux recommandations de la vérificatrice générale, de désigner clairement les personnes chargées des mesures de suivi et d'établir un calendrier. Il a également demandé que nous lui fournissions régulièrement des rapports de situation.

La Garde côtière a donc élaboré un plan d'activités complet faisant état de ses priorités. Le plan donne clairement, je l'espère, les responsabilités dont il faut s'acquitter et les échéances à respecter; il prévoit en outre les ressources requises pour le respect des engagements. Il s'attaque à tous les points importants soulevés par la vérificatrice générale et il traite de tous les programmes et services de la Garde côtière.

Nous préparons chaque année deux rapports de situation sur l'évolution de notre plan d'activités : un rapport à la moitié de l'exercice et un autre à la fin. Le plan d'activités et les rapports de situation sont fournis aux comités parlementaires, dont le vôtre, et ils sont affichés sur le site Web de la Garde côtière; ils sont donc publics.

Votre comité devrait recevoir au cours des prochaines semaines notre rapport de fin d'exercice pour le plan d'activités de l'an dernier ainsi que notre plan d'activités pour 2009-2010.

[Français]

De plus, au printemps dernier, la Garde côtière a remis des comptes publics au comité, un rapport de situation détaillé sur nos progrès relatifs aux recommandations de la vérificatrice générale. Ce rapport vous a également été remis. Un autre rapport de situation pour rendre compte de nos avancés depuis, sera produit avant l'été et également remis à ce comité.

Nous continuerons de produire de tels rapports jusqu'à ce que nous ayons donné suite à toutes les recommandations de la vérificatrice générale.

Lorsque je me suis présenté devant divers comités parlementaires pour discuter des constats de la vérificatrice générale, j'ai indiqué qu'il nous faudrait trois à quatre ans pour régler l'ensemble des problèmes soulevés. Je considère que nous avons fait de bons progrès, mais il nous faudra encore une autre année ou deux pour achever le travail.

Voici quelques exemples de nos principales initiatives. Nous avons pris des mesures pour nous assurer que nos niveaux de service sont bien compris et appliqués uniformément à l'échelle de la Garde côtière. Cet exercice a été réalisé en étroite consultation avec nos clients et entraînera la publication, plus tard cette année, d'un document décrivant nos niveaux et normes de service actualisé.

Nous avons consacré des efforts au développement de pratiques communes de la gestion et de l'administration et d'une structure organisationnelle normalisée. Le travail progresse bien, mais il faudra plus de temps pour tout achever.

[Traduction]

Nous avons passé en revue nos pratiques d'entretien des navires et nous avons commencé à apporter des changements de façon à établir clairement les responsabilités, à améliorer notre gestion dans son ensemble et à fournir à nos employés les outils dont ils ont besoin pour faire leur travail. Nous augmenterons aussi le nombre d'employés affectés à cette activité, étant donné que le problème tenait en partie à l'insuffisance des ressources. Là encore, il nous faudra deux ou trois ans pour apporter les changements et avoir tous les gens requis en place.

Enfin, je crois que nous avons fait des progrès dans le renouvellement de la flotte. Au cours des dernières années, le gouvernement a investi 1,4 milliard de dollars pour l'achat de 17 gros navires; 12 de ces navires remplaceront des navires existants qui seront mis au rancart et cinq (5) s'ajouteront à la flotte actuelle.

Tous ces processus d'achat sont en cours, à des stades très précoces toutefois. Sincèrement, même si les choses ne progressent pas aussi rapidement que je le voudrais — et je trouve le processus compliqué —, il s'agit de l'investissement le plus important dans la flotte en plus de 20 ans.

Fait tout particulièrement intéressant pour votre comité, l'un de ces navires sera un brise-glace polaire qui remplacera le NGCC Louis S. St-Laurent. De plus, dans le cadre du récent Plan d'action économique du gouvernement, la Garde côtière a reçu 175 millions de dollars pour acheter quelques petits navires dont elle a grand besoin, pour prolonger la vie utile de ses navires et pour effectuer des travaux de réparation supplémentaires sur ses gros navires. Ces investissements permettront de changer bien des choses. Ils ajouteront des années à la vie utile de ces navires et nous permettront de tenir jusqu'à ce que nous ayons les moyens de les remplacer.

Monsieur le président, voilà en bref comment nous donnons suite aux recommandations de la vérificatrice générale. J'ai abordé trois ou quatre des principaux points soulevés par la vérificatrice générale. Nous serions heureux de répondre à vos questions.

Vous avez mentionné en ouverture que vous et vos collègues seriez intéressés à visiter un navire de la Garde côtière pendant votre visite dans l'Arctique de l'Ouest. Sous réserve des exigences opérationnelles, nous serions très heureux d'accéder à votre demande. Le temps de l'année pourrait poser problème toutefois. On m'a dit que vous pourriez vous trouver là-bas au cours de la troisième semaine de juin.

Le président : Nous ne pouvons dire avec certitude quand nous irons. Il y a la question du budget, qui devrait être résolue demain. Il y a aussi la question du moment où le Sénat siégera. Il est impossible de dire avec certitude que nous irons en juin. Il est plus probable que nous nous rendrons là-bas au début de septembre.

M. Da Pont : Il serait de cette façon plus facile de prendre les dispositions requises. Il est peu probable que nous aurons des brise-glaces dans l'Arctique de l'Ouest au cours de la troisième semaine de juin. La visite serait beaucoup plus facile à organiser en septembre ou même en juillet ou en août. Nous serions heureux de collaborer avec le comité pour prendre les arrangements qui vous conviendraient.

Si aucun de mes collègues n'a quelque chose à ajouter, nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le sénateur MacDonald : Il y a un certain nombre de questions générales sur la Garde côtière concernant l'ensemble du pays que j'ai toujours voulu poser.

J'aimerais connaître le nombre de brise-glaces dont nous disposons à la grandeur du pays, et tout particulièrement sur la côte est, les zones qu'ils desservent, leurs ports d'attache et la façon dont ces ports sont choisis.

Au cours des deux ou trois dernières années, un navire de la Garde côtière a été déplacé de Dartmouth à Terre- Neuve, et cette décision a suscité une certaine controverse. Je n'étais pas contre. J'habite près du port d'Halifax et je n'ai jamais compris pourquoi les brise-glaces partent du port de cette ville, alors que la glace se trouve dans le détroit de Cabot et sur la côte située le plus à l'est du pays.

Quels critères utilisez-vous pour choisir les ports à partir desquels les navires de la Garde côtière, et les brise-glaces tout particulièrement, mènent leurs activités?

M. Da Pont : Nous avons deux brise-glaces lourds, qui sont les deux navires les plus puissants de notre flotte : le Louis S. St-Laurent et le Terry Fox. Nous avons cinq brise-glaces moyens, qui disposent toutefois d'une capacité importante. Tous ces navires sont basés sur la côte est. De plus, nous avons le brise-glace Amundsen, qui sert essentiellement de navire scientifique. Il peut aussi être utilisé pour le déglaçage.

Le sénateur MacDonald : S'ajoute-t-il aux cinq navires dont il est question?

M. Da Pont : Non, il en fait partie. Ce sont nos navires les plus puissants.

Nous avons également un certain nombre de brise-glaces légers. Je ne peux pas vous dire le nombre exact, mais je crois que nous en avons 10 ou 11, si ma mémoire est bonne, et tous, sauf un, sont basés sur la côte est. À l'évidence, à peu près tout le travail de déglaçage se fait sur la côte est.

Les brise-glaces moyens et lourds sont utilisés dans l'Arctique, essentiellement entre juin et novembre, selon le navire. Ils font du déglaçage au sud du 60e parallèle, autour de Terre-Neuve, dans le golfe du Saint-Laurent et dans le fleuve pendant l'hiver.

Le sénateur MacDonald : Je présume qu'ils sont utilisés dans le détroit de Cabot également.

M. Da Pont : Oui.

Pour ce qui est des ports d'attache des navires, nous essayons de les choisir le plus près possible du théâtre principal de leurs opérations. C'est le critère principal, de même que la capacité des installations de recevoir ces navires et d'y permettre les travaux d'entretien et autres nécessaires. Comme toute organisation, les besoins et les priorités changent de temps à autre et nous obligent à bouger les navires. Par exemple, il y a quatre à six ans de cela, nous avons déployé un navire de plus à Terre-Neuve parce que le gouvernement accordait la priorité aux patrouilles de l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest. Si le gouvernement décidait de ne plus faire effectuer de patrouilles à une aussi grande échelle, ces navires seraient déployés ailleurs.

Nous n'appliquons pas de critères particuliers si ce n'est que le port d'attache doit être le plus près possible du théâtre d'opérations du brise-glace, qui peut changer, et de la capacité des installations d'accueillir ce genre de navire.

Le sénateur MacDonald : Vous n'avez pas mentionné les ports où ces navires sont basés.

M. Da Pont : Je peux vous fournir la liste. Nous avons 114 navires, et je ne les ai pas tous en mémoire.

Le sénateur MacDonald : Ayant grandi à Louisbourg, j'ai vu des navires en provenance d'Halifax briser la glace dans le golfe et dans le détroit de Cabot. Je soupçonne que le déglaçage coûte beaucoup plus cher aujourd'hui qu'il y a 60 ou 70 ans, lorsque les brise-glaces s'employaient à garder la voie libre pour les traversiers. Combien vous en coûte-t- il pour faire fonctionner un brise-glace lourd pendant une journée? Vous faites sortir un navire du port d'Halifax et vous l'amenez au port de Sydney pour briser la glace dans le détroit de Cabot. Je me suis toujours demandé pourquoi ce navire n'est pas basé au port de Sydney, où se trouve la glace, et combien on pourrait économiser si ces navires ne faisaient pas l'aller-retour entre Halifax et le détroit de Cabot.

M. Da Pont : J'ai deux ou trois commentaires à faire, sénateur.

Les brise-glaces lourds et moyens sont en fait déployés dans tout l'Est du Canada, en toute saison. L'hiver dernier, le Louis S. St-Laurent a effectué du travail sur la rivière Saguenay et sur le fleuve Saint-Laurent. Il a servi à briser la glace sur les deux côtes de Terre-Neuve et au large des Îles de la Madeleine. C'est le cas de beaucoup de nos navires. Ils ne sont pas rattachés en permanence à un endroit en particulier. Ils sont affectés partout dans le secteur.

Le sénateur MacDonald : Je comprends, mais je suis sûr que les navires ont plus de travail à faire dans le port de Sydney que dans celui d'Halifax. J'en suis convaincu.

Pourquoi les bâtiments ne sont-ils pas basés au port de Sydney au lieu de celui d'Halifax? Ils n'auraient pas à faire tout ce déplacement. On ne perdrait pas de temps ni d'argent pour les amener là où se trouve la glace.

M. Da Pont : Comme vous le savez, sénateur, c'est l'un des points que j'ai pris en considération, il y a quelques années, lorsque j'ai décidé de relocaliser le Louis S. St-Laurent et le Terry Fox, qui étaient alors à Halifax, à Terre- Neuve, où nous avions les installations requises pour accueillir les deux navires. Les installations de Halifax auraient nécessité des travaux d'entretien coûteux.

Le sénateur MacDonald : Avons-nous les installations qu'il faut au port de Sydney?

M. Da Pont : Nous ne les avons pas.

Le sénateur MacDonald Étant donné que son collège se trouve au port de Sydney, la Garde côtière ne devrait-elle pas plutôt baser certains de ses navires dans le port de Sydney et y aménager l'infrastructure requise?

M. Da Pont : On pourrait examiner à peu près n'importe quel endroit qui était intéressant. Sydney serait sûrement intéressant à certains égards. Toutefois, pour être honnête, le plus gros problème que j'ai actuellement tient à ce que l'infrastructure que j'ai est trop importante pour le nombre de navires dont je dispose et les endroits où ils font leur travail. En fait, ma priorité serait de me débarrasser d'une petite partie de cette infrastructure que nous entretenons inutilement et de regrouper des opérations.

Investir dans une nouvelle base ou une nouvelle infrastructure ne serait pas, à mon avis, un objectif prioritaire ni un bon investissement à l'heure actuelle.

Le sénateur MacDonald : À moins de regrouper des opérations.

M. Da Pont : Nous avons essayé de regrouper des opérations. Notre organisation y est parvenue dans une assez bonne mesure au cours des dix dernières années.

Le sénateur MacDonald : Et les petits ports, comme celui de Louisbourg? Il n'y a pour ainsi dire aucune glace, mais le port est situé vraiment près du champ de glace. La Garde côtière y a une petite base. Certains des petits navires ne pourraient-ils pas être basés à un endroit plus approprié?

M. Da Pont : À peu près tout le monde aurait une opinion sur cette question. Personnellement, par souci d'efficacité et de rentabilité, je préférerais regrouper le plus de navires possible dans un port disposant des installations requises pour l'entretien et les autres services. Je ne voudrais pas avoir les mêmes ateliers d'électronique et autres ateliers dans une série de ports différents.

Le sénateur MacDonald : Naturellement.

M. Da Pont : Ce ne serait pas efficace.

Nous songeons notamment à aménager des plaques tournantes où l'entretien de ces navires pourrait être fait de la façon la plus économique possible. Beaucoup de gens adoptent ce mode de fonctionnement pour restreindre leurs coûts.

Évidemment, si l'utilisation judicieuse de l'argent des contribuables n'était pas une considération de premier ordre, nous pourrions avoir plus de bases. Toutefois, nous devrions assumer un coût important et notre capacité d'exécuter le programme et de fournir le service ne s'en trouverait pas meilleure pour autant.

Le sénateur Hubley : J'aimerais connaître l'échéance fixée pour le remplacement du Louis S. St-Laurent. Dans son budget de février 2008, le gouvernement a annoncé que le budget était disponible pour remplacer le navire par un nouveau brise-glace polaire. Quelle devrait être la durée de ce processus, et où en sommes-nous aujourd'hui?

M. Da Pont : Voilà d'excellentes questions auxquelles il n'est ni simple ni facile de répondre toutefois, comme vous pouvez l'imaginer.

Le temps nécessaire pour remplacer un navire dépend, en grande partie, de sa taille et de sa complexité. Or, le Louis S. St-Laurent est un navire très gros et complexe, et il n'existe pas de plan éprouvé à partir duquel on pourrait commencer les travaux; il faudra donc pas mal de temps pour le remplacer.

Nous avons entrepris le processus dans le but de remplacer le Louis S. St-Laurent en 2017. Il faudra attendre environ neuf ans entre le moment où l'annonce a été faite dans le budget et l'arrivée d'un nouveau brise-glace polaire, ce qui est affreusement long.

La première étape du processus prendra considérablement de temps, et c'est ce que à quoi nous nous employons depuis une bonne partie de la dernière année, à savoir définir clairement les exigences opérationnelles et les opérations que le navire devra effectuer. Il ne s'agit pas de remplacer tout simplement le navire existant.

Là encore, il faut beaucoup réfléchir, parce que nous voulons avoir un navire qui sera en service de 2017 jusqu'à probablement 2050 ou 2060. Ce ne sont pas les exigences opérationnelles d'aujourd'hui que nous essayons de définir. Nous essayons de construire un navire qui sera utile au gouvernement pour toute cette période de temps et nous devons évaluer ce que seront les besoins.

Nous passerons ensuite à l'étape de la conception. Lorsque nous aurons décidé de ce que nous voulons que le navire fasse, nous lancerons une demande de propositions pour la conception du navire et une autre, pour sa construction.

Pour les petits navires qui sont moins complexes, ou pour lesquels il existe un plan éprouvé, le processus serait beaucoup plus court. Le processus varie vraiment, sénateur, d'un navire à un autre.

Le sénateur Hubley : Y a-t-il un endroit au Canada où ce navire pourra être construit une fois la conception effectuée, ou devrons-nous le faire construire à l'extérieur du pays?

M. Da Pont : Il sera assurément construit au Canada. Nous avons la capacité. En fait, la politique de construction navale du gouvernement requiert que tous les navires soient construits au pays.

Le sénateur Adams : Vous avez mentionné les navires de la Marine. Je me souviens que le premier ministre a annoncé que le port de Nanisivik serait utilisé comme port en eau profonde dans l'Arctique. On a parlé de la capacité de construire des navires capables de briser de la glace de deux mètres d'épaisseur. La Garde côtière et le ministère des Transports examinent-ils la situation? Attendons-nous que le gouvernement prenne une décision? Quelle est notre position à ce sujet? Nous aimerions que ces opérations soient effectuées au Nunavut dans l'avenir.

La dernière fois que vous êtes venu ici, nous avons parlé de former des Inuits pour les faire travailler avec la Garde côtière ou sur ses navires. Certains Inuits sont habiles pour faire fonctionner des bateaux et pour s'extirper de la glace.

Nous avons réglé les revendications territoriales. Nous voulons protéger notre territoire et nous ne nous attendons pas à ce que quelqu'un le fasse pour nous. Nous sommes tous des Canadiens. J'aimerais que quelque chose du genre se passe un jour au Nunavut, que les gens aient plus de contrôle sur le secteur et n'aient pas à venir dans le Sud.

M. Da Pont : Sénateur, vous avez soulevé certaines de ces questions à mon dernier passage ici. J'ai bel et bien vérifié, et vous serez heureux d'apprendre que huit Inuits travaillent actuellement pour la Garde côtière. Au cours des dernières années, nous avons essayé de recruter des Inuits au moyen de programmes ciblés; peut-être n'avons-nous pas essayé assez fort, mais nous avons quand même obtenu un succès modeste. Le problème tient pour le moment à ce que presque tous les emplois dans l'Arctique sont saisonniers. Les gens ne restent là-bas qu'une partie de l'année et travaillent souvent le reste du temps à nos opérations au sud du 60e parallèle. Nous n'avons pas réussi jusqu'à maintenant à persuader beaucoup d'Inuits d'accepter ce genre d'arrangement. C'est un des obstacles que nous rencontrons.

Nous déployons des efforts accrus pour améliorer la représentation de tous les membres de la société dans la Garde côtière et pour entrer en communication avec les collectivités inuites et autochtones. J'espère faire davantage à cet égard au cours des prochaines années.

Vous serez peut-être également intéressés d'apprendre que la Garde côtière auxiliaire est maintenant présente dans un certain nombre de collectivités de l'Arctique. Nous essayons d'augmenter la présence de la Garde côtière auxiliaire, parce qu'il y a un intérêt certain là-bas. Voilà donc d'autres mesures que nous prenons pour accroître notre présence dans les collectivités, mais aussi pour faire participer des habitants du Nord à une partie de nos opérations.

Le sénateur Adams : Vous n'avez rien dit au sujet de Nanisivik.

M. Da Pont : Le gouvernement a annoncé la réalisation d'un projet du ministère de la Défense nationale près de Nanisivik. Le projet est dirigé et géré par le MDN.

Le président : Ne devait-il pas être transféré au ministère des Transports, toutefois?

M. Da Pont : Je n'ai pas eu vent de la chose, monsieur le président, mais je ne suis pas complètement au fait du projet. Je sais que les deux ministères y ont été mêlés, mais ne je sais pas qui s'en occupe exactement.

Le sénateur Adams : J'ai un autre endroit à proposer, au cas où vous voudriez aller de l'avant. Si vous construisez des navires qui ne peuvent briser de la glace épaisse de deux mètres à Nanisivik, vous n'irez jamais là-bas en hiver. Nous y étions l'an dernier, en juin. J'ai une photo du port.

Monsieur Hunt, vous connaissez les gens du Nunavut, et je sais que vous avez parlé avec les responsables de l'Office de commercialisation du poisson d'eau douce à Winnipeg.

Le ministère des Pêches et des Océans a fait beaucoup de travail concernant l'omble chevalier, tout particulièrement à Pangnirtung et à Cambridge Bay, et il réalise actuellement des travaux de recherche. Nous avons parlé avec le gouvernement du Nunavut de la pêche sur le littoral et de la possibilité de faire des travaux de recherche sur l'avenir de la pêche commerciale. Nous avons maintenant une nouvelle organisation appelée Arctic Fishery Alliance, composée de membres de quatre collectivités — le fjord Grise, Resolute, la baie de l'Arctique et l'Île de Baffin. L'organisation progresse très bien. Le MPO lui a délivré des quotas cette année, mais l'Alliance ne peut acheter l'équipement requis pour les navires. Chaque année, elle fait un peu de recherche, et le MPO dispose d'un budget pour la recherche. Selon le MPO, la ligne de la zone de pêche 0A passe par l'embouchure du fjord Grise. Il y a quelques quotas là-bas pour le turbot. Ces faits ne vous intéressent peut-être pas, mais ils sont néanmoins en lien avec les emplois dont vous parlez au Nunavut, monsieur Hunt.

Burt Hunt, directeur régional, Gestion des pêches et de l'aquaculture, région du Centre et de l'Arctique, Pêches et Océans Canada : Comme c'est la première occasion que j'ai de prendre la parole, je vais d'abord vous dire que je suis très heureux d'être de retour devant vous. C'est la troisième fois que je participe à vos travaux. La première fois, j'étais directeur de secteur à Iqaluit, et j'ai eu un agréable pique-nique sur les bords de la rivière Sylvia Grinnell avec quelques membres de votre groupe. Cela remonte à six ou huit ans, je suppose. La deuxième fois, il y a un an, je crois que vous avez soupé ensemble après la réunion. Aujourd'hui, non seulement avons-nous soupé ensemble, mais nous avons également eu un gâteau d'anniversaire. Je me demande ce qui viendra après.

Pour répondre à vos questions, sénateur Adams, vous avez tout à fait raison. L'intérêt est grand, et il était évident l'année dernière lorsque je vous ai parlé. Les initiatives du gouvernement du Nunavut ainsi que celles du ministère visent entre autres le développement économique du Nunavut sous une forme ou sous une autre. Nous avons vu des progrès et nous espérons progresser tous les jours dans nos relations avec le gouvernement du Nunavut, avec nos conseils de gestion et avec les associations locales de chasseurs et de trappeurs. En fait, nous avons travaillé avec les quatre ACT, comme elles ont été appelées, pour que des licences soient accordées aux associations de chasseurs et de trappeurs afin qu'elles partent à la recherche de flétan noir. Après tout, il est question de ce qui se trouve véritablement à leur porte.

Nous avons beaucoup parlé du flétan noir au cours de ma dernière visite. La ressource disponible se chiffre en milliers de tonnes. Comme mes amis scientifiques l'attesteront, nous continuons à chercher davantage de ressources, et c'est surtout le Nunavut qui en profiterait.

Nous pensons que la région dont parle le sénateur Adams compte parmi les plus productives du Nord. Effectuer des recherches là-bas coûte une petite fortune. Il faut tout planifier des années à l'avance. Avec l'aide des associations de chasseurs et de trappeurs, nous espérons réussir à obtenir certains des renseignements dont nous avons besoin pour prendre de bonnes décisions. En vérité, nous avons commencé à travailler avec elles en faisant une petite pêche, ce qu'elles ont tenté. Nous sommes convaincus que nous ne mettons pas la ressource en péril, car nous possédons des connaissances de base à son sujet. Nous compilons ensuite tout ce que nous avons appris grâce à nos meilleures données scientifiques et aux connaissances traditionnelles de la collectivité ainsi qu'aux résultats de la pêche expérimentale pour, nous l'espérons, parvenir à générer un quota et des ressources supplémentaires.

Il a été possible de le faire pour la première fois l'année dernière, et nous continuons à recevoir les résultats. En gros, les résultats sont mitigés. Certaines collectivités étaient plus actives que d'autres.

Les coûts d'infrastructure sont énormes, et nous avons de la difficulté — par « nous », j'entends les pêcheurs, si je peux me permettre de parler en leur nom — à nous équiper pour travailler avec la ressource, ce qui demeure une des difficultés.

Je sais que la Stratégie pour le Nord d'AINC étudie le financement nécessaire pour y arriver. Le gouvernement du Nunavut travaille certainement sur la question. Nous avons eu de très bonnes rencontres avec nos cogestionnaires, le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut ainsi que le gouvernement du Nunavik, en janvier, puis en mars. Nous avons entrepris des démarches. Mon ami M. Da Pont a mentionné qu'il faut beaucoup de temps pour bâtir un brise-glace; eh bien, il faut aussi beaucoup de temps pour établir une pêche. Nous n'avançons pas vite, mais nous avançons.

Le président : Parlez-vous de brise-lames et de ce genre de chose?

M. Hunt : Oui, en partie. Vous avez appris depuis ma dernière visite que le budget parle du développement de Pangnirtung. Le sénateur Adams a aussi mentionné Pangnirtung. Bien sûr, cet endroit s'est établi en quelque sorte comme le centre de la pêche. Une de nos difficultés est que le poisson pêché au large de l'île de Baffin est transformé ailleurs. Il va souvent au Groenland, par exemple, et nous ne pouvons simplement pas nous en occuper.

Le président : Si nous avions des installations côtières au Nunavut, c'est là que nous pêcherions.

M. Hunt : C'est ce qui a été annoncé, en partie, pour Pangnirtung. Le développement va de l'avant.

Le président : Sept sites ont été recommandés.

M. Hunt : En effet, la discussion avec le gouvernement du Nunavut a donné sept sites. Bien sûr, le Nunavut aurait aimé qu'ils soient tous approuvés. Je pense que le gouvernement a étudié soigneusement les diverses possibilités au départ, et j'emploie l'expression « au départ » avec circonspection. Au départ, on va de l'avant avec Pangnirtung puisqu'il s'agit en quelque sorte du centre de la pêche, mais les autres lieux n'ont pas été oubliés, si vous voulez. Les discussions continuent. Il faudra du temps et de l'argent, mais rien n'a été abandonné.

Le sénateur Adams : Peut-être que la question n'est pas de votre ressort. J'ignore ce qui se passe à Pangnirtung. Avant, on pêchait sous la glace qui recouvrait la mer, mais je pense qu'il ne s'est rien passé au cours des quatre ou cinq dernières années.

Peut-être que vous n'avez rien à voir là-dedans; c'est au ministre qu'il incombe de prendre des décisions.

Avant, les quotas de pêche sous la glace étaient de 150 tonnes. Je me rappelle une fois, quand j'étais là-bas, où j'ai parcouru environ 60 milles en motoneige sur la mer. Pendant les trois ou quatre dernières années, le climat a changé et la région n'a pas gelé. Habituellement, on y pêche avec hameçon durant l'hiver, mais il n'a pas été possible de le faire au cours des trois ou quatre dernières années. Le Nunavut et le ministère n'ont toujours pas réglé la situation. Ma question touche les quotas et l'usine de transformation du poisson de Pangnirtung.

M. Hunt : Vous avez tout à fait raison; la pêche de la baie Cumberland — c'est le nom de la grande baie qui fait face à Pangnirtung — est lucrative et avait à l'époque un bon rendement. Comme vous l'avez dit, l'état des glaces a changé là-haut en raison du réchauffement climatique. Il était très commode pour les habitants de Pangnirtung de pêcher dans la baie Cumberland et, essentiellement, de fournir le poisson nécessaire pour nourrir l'usine de transformation et la garder en vie pour une plus grande partie de l'année; or, dernièrement, l'état des glaces empêche de pêcher ou de s'y déplacer. C'est là une de nos nombreuses préoccupations causées par le réchauffement climatique.

Certains souhaiteraient utiliser le quota d'une autre façon et aller pêcher dans la baie Cumberland au cours de l'été. Toutefois, c'est une question très délicate pour la collectivité. Je répète ce que j'ai dit l'an dernier, nous n'agissons pas sans prendre en compte les intérêts de la collectivité; nous lui accordons la plus grande attention possible afin de la soutenir.

Le problème touche les populations de baleines qui habitent la baie Cumberland. Vous pouvez vous imaginer la pêche au filet maillant faite dans la baie Cumberland et visant en particulier le béluga, qui nourrit les habitants de la ville. Nous ne voulons pas subir les conséquences d'une telle situation; c'est pourquoi nous poursuivons la discussion.

La détermination de la viabilité de l'option dépend de quel côté du débat vous vous trouvez : utilisez-vous avant tout le narval et le béluga, ou le flétan noir? Disons que la discussion se poursuit et que nous n'avons toujours pas trouvé de solution.

Pour être honnête, nous aimerions pouvoir pêcher l'hiver parce que nous évitons ainsi ces préoccupations. Comme l'a dit le sénateur Adams, la pêche sous la glace est principalement faite à la palangre, la palangre étant une ligne munie d'hameçons appâtés. Évidemment, la préoccupation liée aux baleines n'entre pas en ligne de compte, comme elle pourrait le faire pendant l'été.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Je profite de l'occasion, monsieur Hunt, pour vous remercier de votre hospitalité lorsque nous sommes allés sur le territoire qui est sous votre responsabilité pour la gestion des pêches. Nous avons beaucoup apprécié.

Lors du voyage que nous ferons dans l'Ouest de l'Arctique, quels seront les défis à relever vis-à-vis de la gestion des pêches dans cette zone, si nouveaux défis il y a?

[Traduction]

M. Hunt : La situation n'est pas entièrement différente, mais les divergences sont tout de même nombreuses. Sur le plan de la structure, une grande partie des mêmes éléments ont été mis en place en vertu de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, comme ce qu'on appelle les conseils de gestion et les institutions du gouvernement populaire.

Le Nunavut de l'Ouest a une revendication territoriale et, essentiellement, un Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut. Un certain nombre d'autres conseils gèrent différentes choses, mais dans l'Ouest, ils ont évolué plusieurs décennies plus tôt. La revendication territoriale originale de l'Ouest a été formulée dans les années 1970 et signée dans les années 1980, avec la Convention définitive des Inuvialuits, ou la CDI. Celle-ci prévoit un organisme qui équivaut presque au Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut, le Comité mixte de gestion de la pêche. Cette revendication territoriale a été suivie du règlement de la revendication territoriale des Gwich'in, en vertu duquel l'Office des ressources renouvelables des Gwich'in a été créé; puis, il y a eu la revendication territoriale du Sahtu, suivie récemment de la revendication des Tlicho ou de la région revendiquée par les Dogrib, qui se trouve à l'Ouest du Grand lac des Esclaves. Vous remarquerez qu'une partie de la région demeure en suspens. Les nouvelles parlent beaucoup des Deh Cho et de la région qu'ils revendiquent; ils doivent se battre contre les promoteurs de pipelines.

Dans l'Est, le développement économique est centré en partie sur la pêche commerciale, qui est vue comme une occasion en or. Dans l'Ouest, la situation n'est pas la même, et la même occasion ne se présente pas.

Il y a la pêche dans le Grand lac des Esclaves, qui se fait depuis des décennies et qui date probablement des années de la Crise, période à laquelle les gens ont été forcés de quitter le quasi désert du Sud et sont partis dans le Nord pour pêcher là où tout était encore vert.

J'ai des amis métis qui sont venus de la Saskatchewan dans les années 1950 pour pêcher dans le Grand lac des Esclaves. Il y a probablement encore 70 pêcheurs et familles qui travaillent là, mais ils ne pêchent pas l'omble ou le flétan noir; ils ont de petits bateaux, des canoës, et ils pêchent essentiellement le corégone, le brochet et le doré dans la rivière Buffalo, quand ils peuvent en trouver.

Le sénateur Robichaud : Est-ce que tout est commercialisé par l'Office de commercialisation du poisson d'eau douce?

M. Hunt : C'est là un autre problème parce que l'Office de commercialisation du poisson d'eau douce exploite une usine à Hay River, sur la côte sud du Grand lac des Esclaves. C'était un problème constant à l'époque.

Au début des années 1990, je coprésidais le Comité consultatif du Grand lac des Esclaves avec un homme nommé Johnny Nault, un Métis de la Saskatchewan. Le nombre de pêcheurs qui se présentaient devant nous était si élevé que nous avons dû faire un genre de loterie pour les candidats. Une fois les gens inscrits à la loterie, nous avons dû appliquer des critères stricts, comme le fait que la personne ne pouvait pas pêcher si elle ne venait pas d'une famille de pêcheurs.

Il y a un an, j'ai reçu une note du conseil qui nous demandait de relâcher les règlements que j'avais contribué à imposer 15 ans plus tôt parce qu'on n'arrive plus à trouver de pêcheurs. Le corégone vaut quelques sous la livre. Personne ne sera surpris d'entendre que tous les coûts ont véritablement monté en flèche. Les gens qui pouvaient pêcher et faire un peu d'argent auparavant n'y arrivent tout simplement plus, et personne ne veut faire ce genre de chose. Il faut avoir une bonne éthique du travail, travailler fort du matin au soir, nourrir sa famille — toutes des choses qui étaient acceptables avant. Mais maintenant, les gens ont d'autres options. S'il est possible de travailler dans une mine de diamants et de faire une douzaine de dollars l'heure, pourquoi se lever avant le soleil, se coucher longtemps après et à peine réussir à joindre les deux bouts? Tout a changé.

Pour ce qui est de l'Office de commercialisation du poisson d'eau douce, je ne connais pas ses plans parce que l'eau douce n'est pas de mon ressort et je n'ai pas reçu de ses nouvelles récemment. L'an dernier, il nous a recommandé de modifier certaines limites et certaines saisons afin de permettre à l'usine de produire. Je sens que la viabilité de l'usine de Hay River est menacée étant donné le style de pêche, la façon dont les choses se sont passées et la valeur insignifiante d'une livre de corégone ces temps-ci, valeur qui est probablement la même qu'à l'époque de la Crise. Il n'y a plus rien.

Voilà pour la pêche commerciale.

Il y a aussi quelques petits lacs à proximité du Grand lac des Esclaves. Les lacs Tathlina et Kakisa sont les deux autres exploitations commerciales, mais elles n'ont pas du tout l'importance de celles de l'Est.

En commençant avec ces points, si vous décidez de vous rendre là-bas, nous pourrons organiser une rencontre avec les gens qui connaissent ces immenses difficultés. Vous obtiendriez certainement aussi un aperçu de la pêche qui se fait là.

Certaines collectivités échangent entre elles, si l'on peut dire, mais il ne s'agit pas d'un échange commercial dans le sens où le produit est envoyé à Winnipeg pour être commercialisé sur le marché américain des aliments qui nourrissent l'âme. C'est tout à fait différent; c'est un échange qui se fait à l'intérieur de la collectivité.

Le sénateur Adams a fait allusion plus tôt à Cambridge Bay. C'est là que l'on pêche l'omble chevalier, comme on le fait dans l'Est.

Nous pourrions certainement vous trouver bien des choses à faire. Je pense que vous trouveriez intéressant de rencontrer quelques conseils de gestion. Dans l'ensemble, nous entretenons de très bonnes relations avec eux lorsque nous organisons des essais dans le cadre de leurs plans de gestion. Nous avons des populations de Dolly Varden. Le sénateur Adams a déjà entendu parler des Dolly Varden, mais ce n'est pas le cas pour la plupart des gens. Le Dolly Varden est une sorte d'omble chevalier que l'on juge en péril, non pas parce qu'il a été surpêché commercialement, mais simplement parce que les collectivités ont eu besoin de ce poisson et que des phénomènes climatiques et géographiques — dans un cas en particulier, un glissement de terrain a bloqué la zone de frai — se sont ligués pour rendre difficile l'approvisionnement en Dolly Varden lorsque ces poissons traversent les eaux des collectivités au cours de leur migration, chose qu'ils ont faite pendant des siècles et qu'ils semblent avoir cessé de faire maintenant.

Le Fisheries Joint Management Committee est un conseil novateur. Cela ne veut pas dire que les autres ne le sont pas, mais ses membres se réunissent régulièrement. Gwich'in et Sahtu pourraient faire de même. Nous pourrions vous préparer un programme coloré qui vous permettrait de parler en termes généraux aux gens de l'Est.

Soit dit en passant, tout ces gens sont touchés par la construction du pipeline de la vallée du Mackenzie. Dans le cas des Inuvialuits, ils ont des intérêts financiers dans ce pipeline.

Les autres sujets dont vous avez entendu parler dans les nouvelles comprennent les baleines qui sont restées coincées dans les lacs Husky il y a deux hivers. Nous nous sommes entendus avec le Fisheries Joint Management Committee et l'association des chasseurs et des trappeurs sur un certain nombre de mesures à prendre pour rassembler les baleines et les forcer à quitter les lacs à l'automne. J'espère que nous n'avons pas l'air de manquer d'humilité. Je dis « nous » très généreusement, car ce sont les membres de l'association des chasseurs et des trappeurs qui ont rassemblé les baleines et les ont incitées à quitter les lacs Husky, sans quoi elles auraient probablement été emprisonnées par les glaces; nous aurions fait les frais d'une autre vague de publicité négative dans les journaux et, bien entendu, nos ressources en auraient souffert. Bien que nous accomplissions des progrès sur certains fronts intéressants, je suis certain que nous pourrions également passer quelques journées animées dans l'Ouest.

Le sénateur Robichaud : Je n'en doute pas du tout.

En raison du changement climatique et de la manière dont les glaces s'éloignent des côtes, la saison se prolonge et il y a plus d'eau libre. Y a-t-il des problèmes dans la mer de Beaufort? J'ai entendu dire que certaines espèces l'empruntent maintenant alors qu'elles ne le faisaient pas dans le passé. Le changement climatique aura-t-il des répercussions sur la population, les baleines, les stocks de poissons et le mode de vie là-bas?

[Français]

Sylvain Paradis, directeur général, Direction des sciences des écosystèmes, Pêches et Océans Canada : Il est assez clair qu'on n'a pas une très bonne connaissance de toute la biodiversité de la zone arctique parce qu'on n'a pas fait beaucoup de recherches, mais avec la venue de ArcticNet et de l'Amundsen, on a fait beaucoup de recherches pour trouver les types d'espèces et de migration, ce qui s'y passe, et cetera. Les chercheurs de ArcticNet, conjointement avec les chercheurs de DFO et des autres universités canadiennes et de plusieurs équipes internationales sont en train d'observer les mouvements migratoires. On avait un chercheur qui essayait de découvrir le type de biodiversité dans l'Est et dans l'Ouest pour voir lorsque le passage serait ouvert quelle sorte de migration aurait lieu et qu'elle sorte d'invasion il pourrait observer; quelles espèces allaient prendre le contrôle sur d'autres.

On sent qu'il y a des changements dans les espèces en question, mais comme on n'a pas la connaissance globale de toute la biodiversité de l'Arctique, on n'est pas capable de déceler tous les changements directs.

Monsieur Fortier de ArcticNet parlait dans une entrevue dernièrement de mouvement migratoire pour aller du Sud vers le Nord de certaines espèces. On a commencé à l'observer sur la côte ouest avec certaines espèces de saumon qui sont en train de bouger vers le Yukon, espèces qui n'étaient pas dans les rivières historiquement. On sait qu'il va y avoir des modifications dans le Nord avec les changements climatiques.

Le sénateur Robichaud : Il se peut qu'à un moment donné certaines pêches deviennent viables pour certaines espèces?

M. Paradis : Depuis deux ou trois ans, le ministère a redoublé d'ardeur pour faire des investissements scientifiques dans le Nord parce qu'on sait qu'il va y avoir une pression plus grande. Il y a deux ans, le ministre avait recommandé un réalignement des ressources du programme scientifique des pêches où l'on a déplacé des chercheurs vers le Nord pour trouver les espèces, les impacts commerciaux, aussi beaucoup de recherches sur les mammifères marins parce que c'est toujours fait très étroitement avec les comités de cogestion. Les gens avaient soulevé ces préoccupations.

[Traduction]

Dans la mer de Beaufort, nous avons entrepris un projet de recherche sur l'écosystème, un PRE, dans le cadre duquel nous avons examiné précisément l'ampleur que prenait la transformation de l'Arctique dans la région de la mer de Beaufort. Toutes les priorités sont établies de concert avec le conseil de cogestion. Habituellement, les membres de la collectivité nous accompagnent parce qu'ils sont incroyablement conscients de ce qui se passe sur le terrain. Ils peuvent vraiment nous montrer du doigt les transformations que subit l'écosystème. Toutes ces activités se déroulent en ce moment.

Outre l'argent pour la construction du port, nous avons reçu dans le dernier budget des fonds supplémentaires pour les sciences halieutiques qui nous permettront de mener des activités scientifiques autour du port.

[Français]

Il y a beaucoup de modifications. On sent qu'il y a une pression très grande. Le gouvernement a demandé au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien de développer de nouveaux plans. On est en train d'assister à la création de ce qu'on appelle l'Institut de recherche canadienne. Les plans sont en place.

[Traduction]

Beaucoup de projets sont entrepris dans le Nord dans le but d'améliorer notre compréhension. Nous ne connaissons pas encore tous les détails des changements auxquels nous devrons faire face là-bas.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Lorsqu'on aura établi qu'il y a des stocks de poissons qui peuvent être exploités commercialement, est-ce qu'on va profiter de l'expérience qu'on a eue dans l'Est? Des intérêts extérieurs de la région à qui on avait demandé de faire des pêches expérimentales ont fini par obtenir des quotas plus ou moins permanents; ce qui cause beaucoup de malaises avec les communautés. Est-ce qu'on peut espérer que cela ne se reproduira pas dans cette région?

[Traduction]

M. Hunt : Je trouve intéressant que vous posiez cette question, sénateur. Certains entrepreneurs du Sud ont manifesté de l'intérêt à l'égard des possibilités d'affaires qu'offre la région de la mer de Beaufort, et ils l'ont fait de la même manière expérimentale que celle dont nous avons parlé à propos des associations de chasseurs et de trappeurs. Cet intérêt s'est rapidement estompé lorsque nous leur avons mentionné que nous voudrions nous assurer que les avantages restent dans les régions adjacentes. Ces manifestations d'intérêt n'ont pas complètement disparu, mais l'idée coïncide exactement avec votre argument : « Si cela doit avoir lieu dans ma cour, je devrais être en mesure d'en bénéficier. »

En toute honnêteté, les rapports que nous entretenons avec le Fisheries Joint Management Committee, le Renewable Resources Board de Gwich'in, et cetera, sont suffisamment bons, suffisamment stables et suffisamment communicatifs pour que nous les fassions participer à toutes ces décisions.

En fin de compte, c'est la ministre qui prend ces décisions, mais j'ose dire qu'avant d'en prendre une qui consacrerait un intérêt externe à la région, nous aurions de nombreuses discussions avec nos cogestionnaires. Cela ne veut pas dire que le projet ne pourrait pas être amorcé par un entrepreneur intéressé à collaborer avec des intérêts locaux. Je ne peux en aucun cas entraver le pouvoir de la ministre ou donner des garanties, mais il me semble que nos cogestionnaires verraient d'un mauvais œil une entente conclue sans eux ou à laquelle ils n'ont pas participé dès le départ. Par conséquent, je pense que la décision que nous prendrions dans une telle circonstance vous plairait.

Le sénateur Robichaud : J'espère que cela se passera comme vous le dites.

Le sénateur Raine : Je trouve tout cela fascinant. Je suis une nouvelle-venue dans le monde des pêches et de la Garde côtière.

J'aimerais revenir à la Garde côtière et à l'Arctique de l'Ouest. Je remarque sur la carte que la région du Pacifique comprend une petite partie de la mer de Beaufort. Est-elle administrée par la région de la Colombie-Britannique, ou est-elle comprise dans la région du Centre et de l'Arctique qui est administrée à partir de Sarnia?

M. Hunt : Vous en aurez bientôt assez d'entendre tous les noms des endroits où j'ai vécu, mais j'ai déjà été directeur de secteur à Whitehorse et, par conséquent, je faisais partie de la région du Pacifique. Mon bureau central à cette époque était à Vancouver. Notre carte indiquait exactement ce que vous êtes en train de regarder, mais nous avions une entente de service selon laquelle le versant nord du Yukon était administré par la région du Centre et de l'Arctique, qui est maintenant ma région.

Le sénateur Raine : C'est logique.

M. Hunt : Cette entente est inscrite dans un document interne du ministère, alors j'imagine qu'elle pourrait changer. Toutefois, je ne connais personne qui, en cette période de ressources limitées, cherche à élargir son territoire et à assumer un surcroît de travail et de responsabilités. Pour l'instant, la réponse est tout simplement que cette partie est administrée par nous, à partir de notre bureau d'Inuvik, et par la région du Centre et de l'Arctique, qui est essentiellement ma région puisque j'ai quitté celle du Pacifique en 2000.

M. Da Pont : Les régions patrouillées par la Garde côtière sont à peu près les mêmes que celles qui relèvent du MPO, mais pas tout à fait. En ce qui concerne les activités de la Garde côtière, elles relèvent toutes de la région du Centre et de l'Arctique.

Le sénateur Raine : Ce sont les mêmes dans ce cas-là.

M. Da Pont : Oui.

Le sénateur Raine : Je ne peux m'empêcher de me demander pourquoi le bureau régional de l'Arctique de l'Ouest est à Sarnia. Je suis certaine qu'il y a une bonne raison à cela, mais cela semble effectivement un peu étrange.

M. Da Pont : Je vais commencer par parler de la Garde côtière. Votre question n'a rien de surprenant, sénateur, car je sais qu'elle a déjà été posée.

La Garde côtière emploie 70 personnes qui travaillent habituellement dans l'Arctique de juin à novembre. Ce chiffre ne comprend pas les équipages des navires qui patrouillent l'Arctique. Il ne s'agit que des gens qui travaillent sur la côte.

La principale raison pour laquelle la Garde côtière est administrée à partir d'une autre région, est que ses activités sont saisonnières et qu'il aurait été difficile, dans ces circonstances, de justifier l'établissement d'un bureau permanent dans le Nord. Au fur et à mesure que la situation évoluera, je suis certain que nous réexaminerons cette décision, mais, d'un point de vue administratif, cet arrangement nous permet, pour le moment, de gérer efficacement les activités saisonnières de la Garde côtière.

Nos gens sont là-bas sur place. Pour éviter le chevauchement administratif, les installations sont à Sarnia.

Le sénateur Raine : La recherche et le sauvetage représentent un problème constant. Il y a loin de Sarnia pour se rendre sur place faire de la recherche et du sauvetage.

M. Da Pont : Je vais demander à mon collègue, M. Spurrell, d'expliquer un peu comment fonctionnent les activités de recherche et sauvetage dans le Nord.

Wade Spurrell, commissaire adjoint de la Garde côtière canadienne, Région du Centre et de l'Arctique, Pêches et Océans Canada : Nos collègues de la Défense nationale sont responsables de la gestion des dossiers de recherche et sauvetage, et les incidents qui se produisent dans la Région du Centre et de l'Arctique sont traités par le Centre de coordination de sauvetage de Trenton. Il y trois de ces centres, dont un à Trenton, un dans la région du Pacifique et un sur la côte est, à Halifax, en plus de deux centres secondaires, un à Québec et l'autre à Terre-Neuve. La gestion des activités de recherche et sauvetage couvre un très vaste territoire. Cependant, les ressources de notre région reçoivent leurs missions de notre structure normale de commande et de contrôle.

Le sénateur Raine : Ils ne restent pas assis sans rien faire en attendant; ils sont occupés à d'autres tâches.

M. Spurrell : C'est bien ça.

M. Da Pont : L'Arctique est une région si vaste. Comme je l'ai mentionné, nous y avons normalement sept brise- glaces et quelques plus petits navires. Ce n'est pas beaucoup pour un si grand territoire. S'il se produisait un incident qui exigeait une intervention de recherche et sauvetage, on ferait appel à ceux qui se trouvent le plus près des lieux de l'incident. Dans le Nord, presque toutes les opérations de recherche et sauvetage exigent beaucoup d'appui aérien, lequel nous est fourni principalement par les bases de la MDN qui se trouvent dans le Nord.

Le président : Il s'est produit un incident dans notre province, récemment, et il y a beaucoup de discussions au sujet de l'endroit où devrait se trouver l'équipement. Je crois que c'est la même chose dans le Nord. Quand nous y étions, nous avons entendu le témoignage de John Amagoalik, qui a été victime d'un accident dans l'Arctique. L'aéronef à voilure fixe a pu les trouver, mais il a fallu un hélicoptère pour les recueillir et les ramener. L'hélicoptère est venu de Trenton, en Ontario. À nos yeux, il n'était pas très sensé que l'équipement devant servir dans l'Arctique se trouve à Trenton.

La question est l'emplacement stratégique de l'équipement. Je comprends comment fonctionnent les activités de recherche et sauvetage, et je comprends que le MDN se charge de la coordination et que les ministères des Transports et des Pêches interviennent aussi. Nous nous interrogeons sur l'emplacement de l'équipement, sur le temps qu'il faut pour se rendre du point A au point B, et sur la possibilité d'un travail efficace, en particulier compte tenu de l'ouverture de l'Arctique.

M. Da Pont : C'est une préoccupation légitime. Je ne peux pas parler pour le MDN et je ne le ferai pas. Je limiterai mes commentaires aux activités de la Garde côtière, qui connaît les mêmes problèmes.

Ce qui est positif, c'est que nous avons, dans l'ensemble, l'un des meilleurs systèmes de recherche et sauvetage dans le monde. Je crois que vous le savez.

Le président : Absolument.

M. Da Pont : On trouve des personnes extrêmement professionnelles au sein de la Garde côtière, du MDN, des services auxiliaires et autres. Nous devrions être fiers du travail qu'ils accomplissent.

Parallèlement, nous savons tous que le Canada est immense et que nous ne pouvons prévoir où se produiront les incidents. Chaque fois qu'un indicent survient dans un secteur plus difficile à atteindre, on soulève des questions au sujet du délai de réaction.

Je sais que la Défense nationale a un processus semblable au nôtre. Tous les six à huit ans, nous réalisons une analyse des besoins en recherche et sauvetage. Nous nous penchons sur le nombre d'incidents dans un secteur particulier, sur les divers courants de circulation, et cetera. Nous essayons de déterminer où sont les besoins et de déplacer les ressources en fonction de ces besoins, dans la mesure où nous en sommes capables.

Nous l'avons fait récemment. Par exemple, nous ouvrirons une nouvelle station de recherche et de sauvetage sur la Côte Nord, au Québec, pour répondre aux besoins. Il ne fait aucun doute qu'il existe des secteurs difficiles que nos services ne couvrent pas suffisamment. Je dirais que le Labrador en est un, et peut-être certaines parties du lac Supérieur et, à n'en pas douter, certaines régions du Nord. Nous devrons explorer les façons de fournir un meilleur service tout en n'oubliant pas les distances extrêmement problématiques.

Il y a des considérations légitimes, mais dans un pays aussi vaste, il est très difficile d'avoir des ressources partout où on pourrait en avoir besoin.

Le sénateur Raine : Pouvez-vous faire le point sur le différend entre le Canada et les États-Unis concernant la frontière dans la mer de Beaufort?

M. Da Pont : Je le pourrais, mais j'ai peur de ne pas y être autorisé. Je laisserai donc mes collègues du ministère des Affaires étrangères traiter de la question.

Le sénateur Raine : Je pensais plutôt aux répercussions du différend sur nos activités là-bas. Je crois comprendre que la Garde côtière entretient d'excellentes relations avec la Garde côtière américaine en Alaska; c'est une bonne nouvelle.

M. Da Pont : En effet.

Le différend n'a pas eu de répercussion sur les opérations ni les travaux et les activités conjointes entre les Gardes côtières canadienne et américaine. Je peux d'ailleurs vous donner un très bon exemple.

L'été dernier, le Louis S. St- Laurent a passé une quarantaine de jours à exécuter d'importants travaux de cartographie marine afin d'appuyer les vues du Canada sur le plateau continental en vertu du droit maritime. Pendant environ la moitié de cette période, il travaillait conjointement avec le brise-glace américain, le Healy.

Nous coopérons donc très bien dans le cadre de nos opérations, malgré le fait que, de toute évidence, nos pays ont adopté des positions divergentes sur des questions très importantes.

Le sénateur Raine : Il est donc à craindre que les pêches ne subissent les contrecoups du développement des ressources énergétiques dans cette région.

M. Hunt : Oui, dans la mesure où la frontière est contestée et selon de l'endroit qui fait l'objet du litige. La pêche commerciale n'est pas touchée, car, comme on l'a indiqué, il n'y en a pas pour l'instant.

Un problème se pose parce que les États-Unis cherchent des mesures qui interdiraient la pêche à moins que des informations de base suffisantes justifient le lancement de telles activités, et notre approche repose beaucoup sur le principe de précaution.

Reconnaissant le fait que nos recherches et nos ressources sont lacunaires, nous avons décidé de dire que nous pouvons avoir des activités de pêche très conservatrices et très sécuritaires afin de développer cet aspect. Le conflit couve là-bas, et vous pourriez en discuter avec le Comité mixte de gestion de la pêche si vous décidez de vous rendre dans la région. Cette affaire ne relève plus ni de moi ni du commissaire; je ne me prononcerai donc pas sur la question.

Pour clarifier rapidement la question de Sarnia, sachez que la gestion des pêches — ma spécialité — s'effectue à Winnipeg. Je dois répondre à de nombreuses questions au sujet du travail avec Pêches et Océans Canada et notre présence à Winnipeg. Bien sûr, vous reconnaîtrez que les eaux intérieures relèvent également de notre compétence, pas en ce qui concerne la gestion des pêches dans les provinces du Sud, mais assurément dans l'Arctique. Nous avons également des responsabilités en ce qui concerne l'habitat à l'échelle du pays, ce qui fait que, assez curieusement, il est tout à fait logique que nous soyons à Winnipeg. La gestion des pêches est à Winnipeg et non à Sarnia. Mon supérieur et notre administration centrale se trouvent à Sarnia, bien sûr, mais moi et mon personnel travaillons à Winnipeg ou, dans le cas du gestionnaire de l'aquaculture, à Burlington. L'aquaculture s'effectue sur l'île Manitoulin, dans la région des Grands Lacs, et dans diverses régions des Prairies. De même, notre groupe scientifique a deux centres d'excellence dans les régions du Centre et de l'Arctique. Ils se trouvent à l'Institut Freshwater de l'Université du Manitoba et au Centre canadien des eaux intérieures, du ministère de l'Environnement, à Burlington. Il n'est donc pas si illogique que nous soyons à Tuktoyaktuk, alors que Sarnia est si loin. Nous avons également des bureaux locaux, que vous visiterez sans doute.

Le président : Nous avions l'impression qu'avec ce qui se passe actuellement dans l'Arctique, la fonte des glaces, l'augmentation prévue du trafic et l'attention que suscite cette région, les ministères devraient déplacer leurs activités. À une époque, il était peut-être possible de gérer l'Arctique à partir du Sud, mais nous croyons que le temps est venu de déplacer l'administration centrale du Canada dans le Nord, dans la mesure où nous le pouvons.

Je comprends que certaines activités sont saisonnières, mais ne croyez-vous pas que les saisons s'allongeront? Je conviens qu'une partie des postes sont saisonniers et que les employés doivent travailler ailleurs, mais si les Inuits sont recrutés dans la Garde côtière — et je suis heureux de voir qu'ils le sont —, ils ont également de quoi s'occuper dans l'Arctique une fois l'hiver venu. Cette formule cadrerait très bien avec leurs habitudes et leur mode de vie.

Le sénateur Cook : J'ai une question qui comprend deux facettes. J'aimerais revenir à la discussion sur le brise-glace dont le financement était prévu dans le budget de 2006. Si je comprends ce que vous avez dit au sénateur Hubley, on n'a pas encore terminé la conception de ce navire?

M. Da Pont : Effectivement, monsieur le sénateur. Il ne se construit pas beaucoup de brise-glaces dans le monde depuis un certain temps. Quelques pays scandinaves donnant sur la mer Baltique en ont construit quelques-uns, mais les glaces y sont beaucoup moins épaisses que dans l'Arctique canadien. Ce n'est donc pas exactement un modèle que nous pouvons adopter tel quel.

Nous nous sommes également intéressés aux brise-glaces nucléaires. Mais ici encore, c'est très différent de ce que nous voulons.

Nous chercherons un modèle de brise-glace convenant à nos besoins. Lorsqu'il s'agit d'acquérir des navires, nous préférerions trouver un modèle éprouvé pour le type de navire que nous cherchons, car, de toute évidence, le processus irait plus vite et nous aurions un navire ayant fait ses preuves. Dans le cas présent, il n'existe pas de modèle éprouvé que nous pouvons simplement utiliser tel quel pour commencer ensuite la construction.

Le sénateur Cook : Est-ce une priorité pour le ministère?

M. Da Pont : C'est une grande priorité pour le gouvernement, pour le ministère et pour la Garde côtière.

Le sénateur Cook : Pardonnez mon ignorance et mon incompréhension, mais je viens de Terre-Neuve-et-Labrador, où une plateforme Hibernia a été construite. Depuis, deux budgets ont été déposés et la plateforme Hibernia a été acheminée en mer. Avec les mécanismes modernes dont nous disposons, je trouve incroyable que l'on ne puisse trouver de modèle et entreprendre la construction. Sans faire de blague, si la formule de changement climatique s'avère exacte, il ne restera plus de glace dans le Nord si nous ne commençons pas bientôt. Si nous ne nous entendons pas sur un concept, en tenant compte qu'il faut neuf ans pour construire le brise-glace, les habitants de l'île de Baffin vont tondre le gazon le temps qu'on y arrive. Je ne comprends tout simplement pas.

M. Da Pont : Sénateur, c'est une excellente remarque. Croyez-moi, mon objectif est de tenter d'obtenir aussi rapidement que possible ce navire et les autres vaisseaux pour lesquels nous avons reçu des fonds.

Le sénateur Cook : On nous a parlé de divers modèles de navires nucléaires. Dans le village global, nous avons certainement des échanges avec les économies émergentes de la Chine, de la Russie ou d'autres pays présents dans ce champ de glace.

M. Da Pont : Nous avons discuté de la question avec certains pays scandinaves et la Corée, qui s'intéressent à la construction de brise-glaces; mais le problème ne vient pas seulement de la conception; il faut connaître les capacités dont nous voulons doter ce navire.

Je vais revenir à ce que j'ai dit plus tôt. Nous essayons d'imaginer un navire que nous utiliserons de 2017 jusqu'à environ 2060, et de prévoir nos besoins et nos exigences pendant cette période. Nous ne voulons pas construire une réplique du Louis S. St-Laurent.

Lorsque l'on cherche à déterminer ses besoins en fonction d'un investissement gouvernemental substantiel, parce qu'il s'agit d'une dépense de 800 millions de dollars, il faut être certain de ne pas se tromper. Il faut essayer d'obtenir le meilleur navire possible pour le pays.

Le sénateur Cook : Je comprends.

Laissez-moi passer maintenant à la question des infrastructures. Avec un peu d'imagination, pourrait-on envisager, compte tenu de l'accélération des changements climatiques, un moment dans l'avenir où ce navire serait amarré dans le port de Pangnirtung ou quelque part sur l'île de Baffin, ou devrions-nous nous tourner vers les infrastructures existantes, comme celles qui se trouvent à Goose Bay, au Labrador, par exemple, sous la forme de terrains d'aviation, de docks et d'installations semblables? Ne devrions-nous pas penser à ce genre de ports pour desservir l'Arctique?

M. Da Pont : Oui, je suis d'accord avec vous. En fait, c'est ce que nous essayons de faire présentement lorsque nous planifions l'affectation de nos navires.

Pour en revenir aux commentaires que le président a faits un peu plus tôt, à mesure que les changements climatiques progressent, il fait peu de doute dans mon esprit que la Garde côtière aura un jour une base d'opération à temps plein dans le Nord. C'est inévitable. La question est de savoir quand ce sera possible et du temps qu'il faudra. Voilà les points dont nous tenons compte.

Le sénateur Cook : Il y a de nombreux éléments. Il y a 30 000 Canadiens qui vivent dans cette région et qui subiront les répercussions des changements climatiques de manières que nous n'avons même pas encore envisagées ou débattues. Ce qui me préoccupe le plus, ce sont les gens, comment ils vivront et quelles seront les répercussions qu'ils subiront. Ce ne sera pas en 2022, parce qu'il faudra neuf ans pour construire le navire une fois que vous en aurez choisi le modèle.

M. Da Pont : Le processus est en cours et devrait prendre fin en 2017. C'est notre objectif. Et c'est effectivement neuf ans après l'annonce faite dans le budget.

Le sénateur Cook : Il y a beaucoup de choses que je ne comprends pas au sujet de la Garde côtière. Je comprends la surveillance, les activités de recherche de sauvetage et les brise-glaces, mais je terminerai avec ce terrible matin, lorsque j'ai reçu un appel téléphonique de la maison au sujet de l'écrasement d'un hélicoptère. Ma fille m'a appelée pour me dire qu'un hélicoptère s'était abimé en mer alors qu'il faisait route vers Hibernia, et je me suis exclamée « Oh non! » Elle m'a ensuite dit : « Mais la Garde côtière est là, maman. » Le fait qu'une jeune fille choisisse ces mots pour rassurer sa mère en dit long.

Je crois que votre mission est louable, mais que nous pourrions faire beaucoup plus si nous n'étions pas embourbés dans la bureaucratie.

M. Da Pont : Je vous remercie de vos observations.

Le sénateur Cochrane : Où sont situées les grandes installations de la Garde côtière dans le Nord?

M. Da Pont : Nous en avons essentiellement une seule, une base située à Hay River.

Le sénateur Cochrane : Combien de navires de la Garde côtière sont en opération dans cette région chaque année?

M. Da Pont : Deux navires parcourent la rivière Mackenzie à chaque saison, effectuant principalement de l'aide à la navigation. Il y a également un navire appelé Nahidik, qui effectue des travaux scientifiques dans la mer de Beaufort pratiquement à chaque raison. J'ai indiqué qu'à chaque année, nous avons dans l'Arctique sept brise-glaces qui viennent du sud du 60e parallèle. Ils sillonnent diverses régions de l'Arctique, y compris sa partie occidentale, dépendamment de l'année et des activités.

Le sénateur Cochrane : Fort bien; nous avons donc sept navires.

M. Da Pont : Nous avons une capacité de sept, mais ils ne sont pas toujours là. Le Sir Wilfrid Laurier est principalement affecté à l'Arctique occidental. Le Louis S. St-Laurent et les autres y sont de temps en temps. Tout dépend de ce que le navire doit faire au cours de l'année, et ses activités varient d'une année à l'autre.

Le sénateur Cochrane : Mon autre question concerne la communication et la coopération avec la Garde côtière américaine dans l'Arctique occidental. Habituellement, au cours de l'année, est-ce que ses brise-glaces se trouvent dans le Nord de l'Alaska?

M. Spurrell : Nos collègues de la Garde côtière américaine mènent des opérations dans l'Arctique, comme le commissaire vient de l'indiquer. L'an dernier, le Healy, un navire américain à vocation scientifique, a réalisé des activités conjointes avec nous, mais, à ce que je sache, c'est le seul grand navire qui mène actuellement des opérations. Je ne suis pas en mesure de vraiment faire des commentaires sur la capacité opérationnelle globale de la Garde côtière américaine.

Le sénateur Cochrane : Est-ce que les Américains ont un système comme notre NORDREG?

M. Da Pont : Ils ont effectivement un équivalent de notre système de contrôle du trafic maritime et de préparation de rapports, qui se compare assez bien au nôtre et est obligatoire. Comme vous le savez, l'application du NORDREG est actuellement volontaire dans l'Arctique. On s'emploie à mettre en place une loi et un règlement pour le rendre obligatoire.

Le président : C'était une bonne question, très pertinente.

Le sénateur Robichaud : Quand croyez-vous que NORDREG sera obligatoire?

M. Da Pont : Cela dépend en partie de la rapidité avec laquelle le cadre législatif et réglementaire est approuvé, mais d'après ce que je comprends, l'objectif est de le mettre en place l'an prochain.

Le sénateur Robichaud : On nous avait dit qu'il n'était pas nécessaire d'adopter de loi pour implanter ce système, que Transports Canada avait le pouvoir de le faire.

M. Da Pont : D'après ce que je comprends, je crois que nous avons besoin d'un régime de réglementation pour y parvenir.

M. Spurrell : Nos amis à Transports Canada ont un dossier sur la question de NORDREG. La semaine dernière, j'ai participé à une séance au cours de laquelle nos collègues du domaine des transports ont consulté l'industrie pour connaître son avis sur les changements proposés. C'est à peu près tout ce que je peux vous dire.

Le président : J'ai reçu une séance d'information de Transport Canada ce matin sur un autre projet de loi, et le représentant du ministère a indiqué que la mise en place était prévue pour 2010.

M. Da Pont : En effet.

Le président : Je suis toutefois d'accord avec le sénateur Robichaud. On nous a affirmé plus tôt qu'il n'était pas nécessaire d'adopter une loi et qu'un règlement pourrait suffire.

M. Da Pont : Je ne débattrai pas du mécanisme, mais je crois que notre objectif est de rendre la mesure obligatoire pour 2010. Il est possible de le faire plus tôt et de s'y prendre de manière différente, comme M. Spurrell l'a indiqué. Transports Canada se charge de l'aspect réglementaire de la question.

Le sénateur Manning : D'après ce que j'ai compris, la Garde côtière est devenue un organisme de service spécial en avril 2005 afin de modifier son fonctionnement. Dans d'autres comités dont je fais partie, le gouvernement envisage la même solution pour d'autres organismes.

Est-ce que la réorganisation est terminée? À quel point la Garde côtière est-elle indépendante de Pêches et Océans Canada, et comment les choses se passent-elles jusqu'à présent?

M. Da Pont : Je crois que la plupart des éléments du statut d'organisme de service spécial ont maintenant été mis en œuvre. Nous ne sommes pas un organisme entièrement indépendant régi par sa propre loi, mais un organisme de service spécial relevant de Pêches et Océans Canada.

Ce statut a entraîné des changements d'ordre pratique. La Garde côtière faisait auparavant rapport par l'entremise des diverses unités régionales de Pêches et Océans Canada. Toutes ces unités font maintenant rapport au commissaire et sont distinctes de la structure du ministère.

Ce changement a accordé à la Garde côtière une indépendance opérationnelle et financière beaucoup plus grande. Nous faisons toujours partie du ministère, avec lequel nous sommes bien sûr toujours liés, mais nous pouvons mieux gérer notre budget.

Nous pouvons également obtenir du Secrétariat du Conseil du Trésor des pouvoirs spéciaux qui nous permettent de répondre à nos besoins, mais qui ne sont pas utiles au reste du ministère. Quelques-uns de ces pouvoirs ont été mis en œuvre depuis.

Ce changement de statut a réussi à résoudre ce que l'on percevait comme étant des problèmes difficiles, surtout de nature financière, mais également de nombreux points que la vérificatrice générale avait soulevés lorsqu'elle a témoigné devant le comité — c'est-à-dire qu'il y avait cinq Gardes côtières ayant des pratiques et des procédures différentes. Nous avons fait beaucoup de progrès afin de normaliser la situation. De toute évidence, nous avons été très décentralisés pendant de nombreuses années; il nous faudra donc encore quelques années pour normaliser le reste de nos procédures.

Nous sommes donc en bonne voie de régler ces questions et de commencer à offrir une gamme de services communs à l'échelle nationale.

Le sénateur Manning : Je voudrais parler de recherche et de sauvetage, dans la foulée des questions de notre président. Je crois avoir compris qu'une analyse des besoins en matière de recherche et de sauvetage est effectuée tous les trois ou quatre ans?

M. Da Pont : C'est généralement un peu plus; c'est plutôt cinq, six ou même sept ans.

Le sénateur Manning : Est-ce que cette analyse des besoins est faite à l'échelle du pays, ou seulement dans les régions?

M. Da Pont : Oui, c'est systématiquement à l'échelle nationale. La plus récente a été achevée il y a environ un an, et les résultats sont versés dans un site Web et accessibles au public.

Le sénateur Manning : Certains de mes collègues ont parlé de l'accident d'hélicoptère Cougar à Terre-Neuve. Nous avons eu plusieurs incidents avec des bateaux de pêche depuis quelques années, et on a parlé du fait que l'unité de recherche et de sauvetage se trouve à Gander comme d'un problème. C'est le délai de réaction qui suscite les questions.

Hier, j'étais à St. John's, à Terre-Neuve, avec le ministre MacKay pour faire une annonce relativement à l'infrastructure. Les médias ont posé une question au sujet de l'installation ailleurs de l'unité. Vous savez que le gouvernement a conclu des ententes avec les hélicoptères Cougar, en guise de plan d'urgence.

Je crois comprendre que l'unité de Gander est en activité pendant une certaine période de la journée et que le délai de réponse pendant la journée est une chose, et après la fermeture des bureaux c'en est une autre?

Quand on est en mer, la plupart d'entre vous le savez très bien, un accident n'arrive pas entre 8 et 16 heures ou 9 et 15 heures. Il peut arriver n'importe quand. Si nous voulions chercher des moyens d'améliorer les activités de recherche et de sauvetage — et j'emploierais l'exemple de Terre-Neuve-et-Labrador — nous devrions nous concentrer sur nos opérations en tant que telles, et aussi sur de nouveaux emplacements.

Dans cette analyse des besoins, dont je me procurerai une copie maintenant que je sais qu'elle est accessible, en est-il question? Ce qui nous inquiète, en rapport avec plusieurs accidents qu'ont eus des bateaux de pêche, c'est que ces accidents sont survenus pendant la nuit, et il faut du temps pour faire intervenir des gens et les amener sur place en hélicoptère. Je ne sais pas si je pose la question correctement, mais j'espère que vous voyez ce que je veux dire.

M. Da Pont : Sénateur, je pense vous comprendre. Bien évidemment, je ne peux pas en dire tellement sur les arrangements qu'a pris le ministère de la Défense nationale et la manière dont il positionne ses actifs. Je ne peux pas parler en son nom à ce sujet.

L'analyse des besoins en matière de recherche et de sauvetage que nous avons effectuée porte uniquement sur la partie maritime de l'intervention et celle de la Garde côtière. De fait, à mon avis, notre méthode accuse peut-être quelque faiblesse. J'en ai parlé à la Défense nationale. À l'avenir, nous aimerions que ce soit fait systématiquement, en couvrant à la fois leur partie des opérations et la nôtre, parce que le fait de ne s'occuper que de celle de la Garde côtière ne brosse évidemment pas un tableau d'ensemble de la situation.

En ce qui concerne les délais d'intervention — et sénateur, je sais que vous le savez — la tâche est souvent confiée à l'actif qui est le plus près et qui peut arriver sur place le plus rapidement, que ce soit un navire de la Garde côtière, un navire auxiliaire ou un navire de passage.

Les besoins et la rapidité d'intervention sont fonction de ces facteurs. Je sais combien c'est difficile quand il y a des échecs et que des vies sont perdues. La Défense nationale et nous-mêmes nous penchons sur les délais d'intervention de recherche et de sauvetage et la manière dont le tout s'est déroulé dans toutes ces situations, et nous cherchons s'il y a des moyens d'améliorer le service. Nous le faisons systématiquement.

Je reviens à ce que nous avons déjà dit à plusieurs reprises. Au plan géographique, le Canada est un très vaste pays. Les conditions sont souvent rigoureuses, et il est très difficile de garantir l'intervention en tout temps et en tout lieu. C'est le défi qui se pose.

Le sénateur Manning : Je peux tout à fait le comprendre. Comme je viens de Terre-Neuve-et-Labrador, je peux parfaitement comprendre que même si on veut couvrir toute notre superficie géographique, on ne peut avoir un hélicoptère de recherche et de sauvetage à chaque port.

Dites-vous que c'est le ministère de la Défense nationale qui décide de l'organisation, du déroulement des opérations, et cetera.?

M. Da Pont : Nous travaillons en très étroite collaboration avec eux. Les opérations en tant que telles sont dirigées par ce qui est appelé un Centre conjoint de coordination de sauvetage, et il y en a trois au pays. Ils sont dirigés par la Défense nationale, mais du personnel de la Garde côtière y est intégré, et ils répartissent toutes les opérations en exploitant au mieux tous les actifs ou toutes les combinaisons d'actifs pertinentes pour la situation du moment.

Ils ont un champ d'action assez vaste. Ils répartissent les actifs sans me poser de question et sans en poser aux gens du MDN. Ils sont habilités à faire le nécessaire pour composer avec la situation particulière avec la plus grande célérité.

Nous positionnons nos actifs, nos navires, et la Défense nationale décide où elle positionne ses actifs d'intervention aérienne. Généralement, nous faisons cela chacun de notre côté. Nous essayons de mener une opération intégrée en nous appuyant mutuellement.

Le sénateur Manning : Nous entendons toujours parler de tragédies, et c'est normal, mais je suis tout de même conscient que le personnel de recherche et de sauvetage fournit un service phénoménal à notre province et à notre pays et fait des choses incroyables dans des conditions dangereuses. Cela ne fait pas le moindre doute.

J'aimerais prendre quelques moments pour parler de l'achat prévu de navires et faire le suivi de la question du sénateur Cook. Avez-vous une idée du moment où sera achevé le profil de mission sera achevé pour les nouveaux brise- glaces? Y a-t-il une échéance?

M. Da Pont : Nous avons en fait dressé un bon profil de mission, bien solide. Il est d'ailleurs aussi accessible dans notre site Web.

Peut-être devrais-je le vérifier. Je sais qu'il est affiché dans notre site interne. Je ne suis pas sûr qu'il le soit dans le site externe, mais nous pourrions y veiller.

Nous avons achevé ce volet de réflexion, et nous en sommes maintenant à nous fonder sur ce profil de mission pour en faire un instrument plus technique, soit un énoncé de besoins opérationnels.

Le sénateur Manning : Peut-être ne pourrez-vous pas répondre à cette question, mais je la poserai de toute façon. Combien de ministères contribuent à coucher cet énoncé sur papier, pour que puisse être lancé un appel d'offres?

M. Da Pont : C'est une excellente question. Il y en a peut-être plus que je ne le souhaiterais parfois.

La Garde côtière est la principale entité qui définit les besoins opérationnels. Le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux est responsable des parties importantes du processus général d'approvisionnement, et il gère celui-ci. Industrie Canada s'intéresse à cerner les divers avantages que présente chaque approvisionnement pour l'industrie et les régions. Dans notre cas, nous rechercherions la participation de ministères et d'organismes qui ont un intérêt et un rôle relativement aux navires. De toute évidence, l'une des fonctions clés, de notre point de vue, pour un brise-glace polaire, est qu'il doit avoir une bonne capacité de recherche scientifique en Arctique; donc nos collègues scientifiques y participeraient. Nous chercherions à y intéresser NRCan et le ministère de l'Environnement.

Un navire de cette nature est un actif du gouvernement du Canada, alors nous inviterions de nombreux ministères à participer à la définition des exigences opérationnelles afin de nous assurer que le navire puisse répondre non seulement aux besoins de la Garde côtière relativement à ses programmes, mais aussi à une gamme de programmes publics que dirige notre ministère. Cela complique un peu le processus. Cependant, je reviens au fait que c'est un investissement de 800 millions de dollars dans quelque chose que nous aurons une cinquantaine d'années, et il est important que nous en tirions le meilleur parti.

Le sénateur Manning : D'après votre réponse à cette question, je peux voir pourquoi il a fallu plusieurs années pour en venir à ce point-ci. Pour être franc, je suis étonné que vous soyez si avancés.

Je siège aussi au Comité de la sécurité et de la défense nationale. Nous avons entendu des témoins il y a quelques semaines au sujet d'un contrat d'approvisionnement de navires pour la Marine. L'une des exigences du gouvernement est que ces navires doivent être construits au Canada. Dans nos entretiens avec des représentants de l'industrie de la construction navale de partout au pays, ils ont parlé des hauts et des bas que connaît leur industrie. Quand nous faisons des appels d'offres pour ces navires, il n'y a pas autant de chantiers navals qu'il y a de Wal-Mart, alors nous sommes limités quant aux endroits où il nous serait possible de faire construire ces navires.

Le sénateur Cook a parlé du GPS construit pour Hibernia, la plateforme flottante, dont la plus grande partie venait de la Corée. Mon frère est électricien, et il a travaillé sur ce projet. Ils ont dû complètement dépouillé ce navire et tout remplacé pour l'adapter aux normes canadiennes. Le fait de sortir du pays comporte ses propres problèmes.

Ce qui me préoccupe, ce sont les chantiers navals. Celui de Terre-Neuve-et-Labrador, à Marystown, est toujours à la recherche de travail, et je ne doute pas qu'il y en ait d'autres. Je crois que ce navire a été planifié pour être construit au Canada. Est-ce qu'on a pensé à la capacité d'un chantier naval, ou de plusieurs chantiers navals, de construire les divers éléments du navire? J'essaie de comprendre le déroulement du processus, parce que je ne le connais pas très bien, en étant parfaitement conscient que nous sommes limités dans notre capacité de construire pareil navire.

M. Da Pont : Voilà encore d'excellentes questions. Quand un appel d'offres est émis pour la construction d'un navire, n'importe quel chantier naval peut présenter une proposition. C'est pour l'instant un processus ouvert et compétitif. Si on veut être réalistes toutefois, seulement une poignée de chantiers navals du Canada auraient actuellement la capacité de construire un navire comme un brise-glace polaire, mais ce serait un processus ouvert et compétitif.

Je suis tout à fait d'accord avec vos observations sur les hauts et les bas de l'industrie, et je suis reconnaissant des très importants investissements, dans les derniers budgets, qui ont été réservés à la Garde côtière et la flotte. Ce sont les premiers investissements depuis environ le milieu des années 1980, alors le besoin est grand.

Les chantiers navals ne peuvent évidemment pas entretenir la capacité, alors quand on entre dans une période d'expansion, comme actuellement, les chantiers navals doivent d'abord, notamment, rétablir leur capacité. En un sens, le gouvernement paie pour cela, parce que c'est intégré aux propositions que soumettent les chantiers navals.

Ce n'est pas le moyen le plus efficient qui soit d'acheter des navires. Ce serait mieux si nous pouvions adopter un programme continu et plus prévisible plutôt que de passer par des périodes d'expansion et de ralentissement comme nous en avons connues. C'est en tout temps, évidemment, un facteur des décisions d'investissement qui sont prises.

Le sénateur Manning : Je me préoccupe du dialogue continu avec la Marine canadienne au sujet du contrat pour le Projet de navire de soutien interarmées, ou NSI. À ce que j'ai compris, il est prêt à être lancé n'importe quand. Si on a un contrat pour le NSI et un contrat pour un nouveau navire polaire en même temps, encore une fois, nous sommes limités avec nos chantiers navals. Pouvez-vous nous donner une estimation approximative de quand vous pensez que nous serons prêts à lancer un appel d'offres pour la construction d'un nouveau navire?

M. Da Pont : Pour le brise-glace polaire, nous visons, je crois, 2012 ou 2013. J'ai le chiffre ici pour le lancement d'une demande de propositions pour une « construction ».

Le sénateur Manning : Vous espérez que ce sera terminé en 2017.

M. Da Pont : C'est exact.

Le sénateur Manning : Cela prendra trois ou quatre ans.

M. Da Pont : Oui, pour la construction.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Je parlais dernièrement avec une personne qui était propriétaire d'un chantier naval. Je l'interrogeais relativement à l'annonce faite concernant la construction de plusieurs bateaux de différentes grandeurs, et je crois que les plus petits bateaux pourraient être construits dans des chantiers qui ne seraient pas à la hauteur pour construire un brise-glace de la classe dont vous parliez.

Cette personne me disait que le problème n'était pas le fait qu'ils ne peuvent pas construire, mais plutôt que lorsque l'on demande à ces gens de présenter une soumission, on demande non seulement la construction, mais l'entretien, pour une très longue période de temps, et ces chantiers qui ne sont pas aussi gros que les autres ne peuvent absolument pas présenter de proposition.

Est-ce qu'il ne serait pas possible pour les bateaux les plus petits dont vous allez avoir besoin, qu'on le fasse d'une façon qui permette à ces différents chantiers de vous présenter des soumissions?

M. Da Pont : Franchement, pour nous, à ma connaissance, nous n'avons jamais inclus l'entretien à long terme dans notre proposition. Pour la Garde côtière, les appels de soumission pour construire des navires que nous avons préparés, c'était simplement pour construire les bateaux. Il n'y a pas eu, à ce jour, de partie concernant l'entretien. Je pense que c'est plutôt dans la politique de la Défense nationale.

Le sénateur Robichaud : En fait, lorsqu'il y a des demandes de soumission, c'est fait par Travaux publics, n'est-ce pas?

M. Da Pont : Oui, c'est exact. C'est le ministère des Travaux publics qui a la responsabilité de contrôler le processus qui entoure les appels d'offres.

Le sénateur Robichaud : Lorsqu'il s'agit des navires de la Garde côtière, on n'exige pas qu'il y ait un forfait incluant la construction, l'entretien, une garantie, pour une longue période de temps?

M. Da Pont : Non. À ma connaissance, on n'a jamais inclus l'entretien. C'est un enjeu qu'on a analysé pour voir s'il y avait une certaine efficacité. Mais jusqu'à maintenant, cela ne fait pas partie de notre processus.

[Traduction]

Le sénateur Cochrane : Monsieur Da Pont, pourriez-vous m'expliquer la procédure pour réagir à un accident quand il survient? Nous sommes très conscients que la Garde côtière et d'autres y jouent aussi un rôle très important.

M. Da Pont : Je peux commencer, et mon collègue, j'en suis sûr, pourra vous fournir d'autres renseignements. Je vais vous donner une version simplifiée.

Si quelqu'un, sur l'eau, se trouve en difficulté, de deux choses, l'une, si cette personne en a le temps, elle envoie un message radio...

Le sénateur Cochrane : À qui?

M. Da Pont : Ce serait à l'un de nos 31 centres de communications maritimes et de contrôle de la circulation qui sont répartis dans tout le pays. Dans une situation d'urgence, le centre recevrait l'appel et le transmettrait à l'un des trois centres conjoints de coordination de sauvetage. Le centre demanderait alors à quiconque se trouve le plus près, et à n'importe quelle combinaison d'actifs disponible, d'intervenir. Par exemple, si un bâtiment privé se trouve dans les parages, on lui demande d'intervenir en plus des navires de la Garde côtière et, au besoin, d'un hélicoptère ou d'autres éléments du ministère de la Défense nationale.

Le mécanisme d'intervention est vraiment déclenché, soit par un signal de détresse, soit par un appel de la personne qui se trouve en difficulté, comme ceux que reçoit souvent l'un de nos centres de communications et de contrôle de la circulation et qui sont transmis à un Centre conjoint de coordination de sauvetage. Tout cela va très vite.

Le sénateur Cochrane : Pouvez-vous me donner une idée du délai?

M. Spurrell : Le type d'intervention varie selon le type d'accident. Par exemple, si le navire est en difficulté et lance un appel de détresse, il pourrait y avoir d'autres navires dans les parages qui pourraient intervenir rapidement.

Si c'est un cas où un navire manque à l'appel et nous devons déterminer sa dernière position connue, le centre de coordination de sauvetage doit gérer une intervention planifiée pour mener une vaste opération de recherche à laquelle peuvent participer des aéronefs à voilure fixe, des hélicoptères, des navires de la Garde côtière, des navires commerciaux ou des bateaux de pêche se trouvant dans le secteur.

Il n'y a pas de protocole d'intervention typique. En quelque 20 années d'expérience en mer, je ne pense pas jamais avoir connu d'opération typique de recherche et de sauvetage. À chaque opération de recherche et de sauvetage, il y a des facteurs différents. La dernière position peut dater de plusieurs jours, ou certains instruments du navire manquant à l'appel peuvent être en panne. Le temps qu'il fait, bien entendu, est toujours un facteur qui peut compliquer les choses.

Nettement, il faut gérer le sauvetage de manière à faire le meilleur usage possible des ressources disponibles, que ce soit des ressources du gouvernement, les marins en mer, les ressources communautaires comme l'auxiliaire, ou même les pompiers locaux qui peuvent effectuer pour nous une recherche sur la côte. Il est difficile de décrire une opération typique de recherche et de sauvetage.

Le sénateur Cochrane : Quel serait le délai d'intervention soit de la Garde côtière, soit du ministère de la Défense nationale dans le cas d'un simple accident, des accidents les plus courants?

M. Spurrell : Là encore, selon la nature de l'appel, comme lorsque un marin est blessé sur un navire, ce pourrait être aussi rapide que le lancement d'un appel au Centre conjoint de coordination de sauvetage par l'intermédiaire du Centre secondaire de sauvetage maritime ou sur les ondes d'une station radio. Il faut alors déterminer le meilleur moyen de porter secours à cette personne. Vaut-il mieux envoyer un hélicoptère évacuer cette personne, ou encore un navire, selon la nature de la blessure? Dans le cas d'une crise cardiaque, un avion pourrait être dépêché assez rapidement. Selon la situation de mise en réserve, l'avion pourrait décoller en 30 minutes ou une heure. La distance à parcourir aura une incidence sur le temps qu'il faut pour se rendre sur place, et les conditions dans lesquelles se déroule le transfert auront aussi une incidence sur l'opération de sauvetage. Il arrive que ces opérations soient très rapides, et d'autres fois elles prennent plusieurs jours.

Le sénateur Cochrane : Ce n'est probablement pas une question pratique.

M. Spurrell : Elle l'est. Avec un peu plus de précisions, je pourrais certainement vous donner...

Le sénateur Cochrane : Vous connaissez aussi bien que moi, monsieur Spurrell, les questions qui sont posées quand des accidents surviennent, et elles ont généralement une connotation négative.

M. Da Pont : Je peux très bien le comprendre parce que j'aurais probablement les mêmes sentiments si je perdais un proche. Je pense que nous pouvons très bien comprendre ces questions.

Nous revenons au fait que nous avons l'un des systèmes les plus efficaces du monde, et j'aimerais que nous ne perdions pas cela de vue. Cela ne veut pas dire que le système est parfait ou qu'il n'y a pas place à l'amélioration, mais nous devons avoir conscience que nous avons l'un des meilleurs systèmes du monde. Je pense que ceux qui y travaillent sont extrêmement dévoués.

Le sénateur Cook : J'aimerais revenir sur le commentaire du sénateur Cochrane. Depuis l'accident d'hélicoptère, les médias ont affirmé que le délai de réponse est différent le jour comparativement à la nuit. J'ai entendu quelque part que ce sera maintenant de 30 minutes, 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Je ne sais pas si c'est vrai, mais je sais que les représentants officiels voulaient parvenir à ce qu'on puisse intervenir 24 heures sur 24, sept jours sur sept, à partir de Gander, de façon généralisée.

Le sénateur Raine : C'est probablement seulement pour Hibernia.

Le sénateur Cook : Oui. Compte tenu du trafic maritime avec Hibernia et avec White Rose bientôt, je sais qu'il en a été question.

Le sénateur Cochrane : Peut-être nos témoins peuvent-ils nous renseigner là-dessus.

M. Da Pont : Je ne peux rien en dire pour l'instant. Comme, j'en suis sûr, le comité le sais, lorsqu'arrive une tragédie de cette nature, la Commission de sécurité du transport mène une enquête approfondie, et il n'est certainement pas prudent de faire des commentaires précoces sur le sujet.

Le sénateur Cook : Ma question concernait uniquement ce qu'en disent les médias.

M. Da Pont : Je peux le comprendre, mais je ne suis pas au courant de ce dont vous avez parlé, sénateur.

Le président : Comme vous l'avez dit, plusieurs ministères participent aux activités de recherche et de sauvetage, dont la Garde côtière, le MDN et le ministère des Transports. Le ministère des Pêches y participe parfois, mais c'est le MDN qui en assure la coordination, qui en est le grand chef, si on peut dire. Peut-être les commentaires concernaient- ils la disponibilité et le délai d'intervention des hélicoptères.

Le sénateur Cook : C'était le délai d'intervention de l'équipe de recherche et de sauvetage de Gander. C'est l'une des premières recommandations qu'a faites le conseil municipal à Saint-John. Quelqu'un — et je l'ai lu — a dit qu'ils envisageaient un délai d'intervention de l'équipe de 30 minutes, 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

Le sénateur Manning : Un rapport a été déposé après que l'Ocean Ranger ait coulé. L'une de ses recommandations était d'avoir un module de la Garde côtière à Saint-John pour s'occuper des opérations de forage en mer. Cela n'a jamais été rectifié. C'est toujours à Gander.

Je suppose que les discussions se poursuivent toujours. Il serait intéressant de ressortir cette analyse des besoins et l'étudier. En tant que comité, peut-être devrions-nous nous intéresser de plus près aux opérations. Il est certain que j'en parlerai à notre Comité de la sécurité et de la défense nationale, du point de vue du MDN.

Le sénateur Cook : Je pense que le rapport Hickman renfermait cette recommandation, parce que M. Hickman en a parlé.

Le président : C'était il y a longtemps.

Le sénateur Cook : Oui. C'était en 1982, non? Il pensait que la recommandation avait été mise en œuvre. Maintenant, c'est d'après mes souvenirs.

Le président : À ce propos, j'espère avoir une réunion du comité de direction jeudi matin pour parler de ce que nous voulons faire à l'avenir.

Le sénateur Raine : Monsieur le président, j'ai l'impression que nous avons négligé M. Paradis. Je sais qu'il y a des problèmes au sujet des espèces en péril. Par exemple, vous avez demandé la création d'un système de surveillance et de présentation de rapport. Peut-être pourriez-vous faire le point pour nous sur ce qui se passe. Plus tôt que de me laisser poser les mauvaises questions, pourquoi ne nous dites-vous pas ce que vous souhaitez que nous entendions.

M. Paradis : La vérificatrice générale a présenté les recommandations de son rapport et nous en avons tous convenu. Elles sont utiles parce qu'elles aident à guider notre cheminement avec le programme.

Nous avons reçu un nouveau financement pour les espèces envahissantes en 2005. Le ministère a reçu 4 millions de dollars. Deux millions de dollars étaient réservés à l'appui du programme de la lamproie marine, un programme conjoint du Canada avec les États-Unis. La contribution canadienne n'a pas atteint ce qu'il avait été convenu avec les Américains. Nous avons un programme pour la lamproie de 8 millions de dollars, et un programme de 2 millions pour le reste du Canada. C'est un vaste pays et il faut assurer la surveillance, l'intervention rapide, l'évaluation des risques, la recherche et l'éradication. La stratégie du gouvernement vise seulement à prévenir les problèmes.

Depuis l'octroi de ces nouveaux fonds, nous avons créé des systèmes de surveillance sur les deux côtes et dans les Grands Lacs, pour surveiller les espèces envahissantes. Nous avons travaillé en très étroite collaboration avec Transports Canada sur les zones de changement de lest liquide. Les pays membres de l'Organisation maritime internationale doivent approuver la nouvelle réglementation des eaux de lest. L'une des conditions établies est de créer des zones d'eau de ballast où les navires peuvent échanger le lest avant d'entrer dans les eaux d'un pays. Nous menons des recherches scientifiques pour déterminer comment nous pourrions contribuer à créer des zones où le courant évacuerait les eaux de lest, au lieu que d'amener les navires jusqu'à la côte. L'idée est de les garder en haute mer pour qu'ils aient moins d'incidence sur les écosystèmes canadiens.

Nous avons aussi créé un centre d'expertise de l'évaluation des risques à Burlington, où nous examinons diverses espèces. Je suis toujours intrigué quand j'entends dire qu'il y a dans les Grands Lacs 185 espèces envahissantes. La vérité, c'est qu'il y a 185 espèces non indigènes; ce ne sont pas toutes des espèces envahissantes. Il y a beaucoup de travail à faire pour déterminer quelles espèces présentent les plus grands risques.

Nous avons consolidé nos relations avec les provinces. Nous avons vraiment besoin du soutien de tout le monde, avec un programme de cette envergure. Les espèces envahissantes sont souvent des poissons d'ornement qui sont libérés dans l'eau. Par exemple, nous avons trouvé des piranhas à Terre-Neuve. Je ne pense pas qu'ils puissent s'y établir, mais il y a des gens qui les ont apportés et les ont gardés chez eux. Ils n'ont simplement pas voulu les tuer, alors ils les ont libérés.

Il y a beaucoup de travail à faire avec le public. Nous avons surtout travaillé avec les provinces pour qu'elles tissent des liens avec la communauté — les vacanciers, l'industrie aquacole, l'industrie de la marine commerciale et les pêcheurs — pour que lorsque ces gens découvrent de nouvelles espèces qu'ils ne sont pas habitués à voir dans leur écosystème, ils puissent les signaler au ministère. Les gens du ministère peuvent se rendre sur les lieux travailler avec la population.

Nous avons remporté un énorme succès au plan de l'intéressement de la population à Terre-Neuve. On y a trouvé des crabes verts il y a environ deux ans. Une stratégie d'éradication a été mise en œuvre, et les citoyens vont à la pêche au crabe vert pour en réduire la population. C'est le genre de chose que le ministère ne peut faire à lui seul parce qu'il faudrait pour cela une énorme infrastructure et une opération à grand déploiement.

Le système de surveillance nous a permis de déterminer qu'on trouve aussi à Terre-Neuve le tuniqué que nous avons à l'Île-du-Prince-Édouard, qui présente un énorme problème pour l'industrie aquacole. Nous constatons que certaines des espèces envahissantes se répandent.

La vérificatrice générale recommande que nous adoptions une approche plus axée sur les risques. La réalité, c'est que ce problème prend très rapidement de l'ampleur. Nous essayons de notre mieux de définir les priorités, pour recenser les dommages. Par exemple, le crabe chinois, qui a fait des ravages en Europe, a été repéré à plusieurs endroits dans le fleuve Saint-Laurent. Nous avons vite procédé à une évaluation des risques pour déterminer si les conditions favorisaient l'établissement et l'expansion de l'espèce, et si elle était susceptible de remplacer les espèces existantes.

Nous en avons fait autant dans les Grands Lacs, en ce qui concerne la carpe d'Asie. On trouve actuellement une espèce de carpe d'Asie dans le fleuve Mississippi. C'est un poisson extrêmement gros, qui surgit réellement de l'eau comme un missile. Il bondit de l'eau et frappe les gens. On peut voir sur YouTube des vidéos où les poissons bondissent dans les bateaux, dont les occupants doivent les rejeter à l'eau. Ce sont des poissons extrêmement agressifs. C'est très étonnant. Ce qui les empêche d'entrer dans les Grands Lacs, c'est une barrière électrique qui se trouve dans le canal d'assainissement de Chicago.

Ce sont des questions très compliquées.

Le sénateur Raine : Est-ce que cette barrière a été installée là expressément à cette fin?

M. Paradis : Oui. C'est le corps d'ingénieurs de l'Armée américaine qui a conçu cette barrière électrique pour les empêcher de pénétrer dans les Grands Lacs.

Ces poissons sont extrêmement agressifs. Ils viennent de sites aquacoles, et une inondation du fleuve Mississippi leur a permis de sortir de leurs étangs. Ils se sont répandus dans toute la zone.

L'Ontario voulait limiter leur introduction dans les magasins de poissons vivants. Cependant, les normes de l'Organisation mondiale du commerce nous empêchaient de le faire sans mener au préalable une évaluation complète des risques pour prouver que le Canada pouvait créer une barrière commerciale. Nous avons effectué cette évaluation en l'espace de quelques mois pour déterminer quel était le potentiel de propagation de l'espèce dans les Grands Lacs. Nous avons établi qu'elle pouvait atteindre un assez grand nombre de cours d'eau et se rendre jusqu'au lac Winnipeg et même, presque jusqu'au Yukon. Elle ne peut pas s'y établir, mais peut facilement se rendre très loin et bouleverser en profondeur l'écosystème.

Nous avons donc fait l'évaluation des risques voulue, et l'Ontario a mis en place un règlement pour interdire l'introduction de poissons vivants dans les magasins de poissons de l'Ontario. Le Manitoba a utilisé la même évaluation à la même fin. Le problème des espèces envahissantes est immense et il se répand très vite.

Il y a aussi le problème de l'introduction d'espèces non indigènes par des pêcheurs récréatifs désireux de se divertir. Ainsi, il y a quelques espèces en Colombie-Britannique qui font concurrence au saumon dans son habitat maintenant. C'est un autre problème considérable.

Le sénateur Raine : Est-ce que ces espèces sont introduites par des pêcheurs récréatifs?

M. Paradis : Oui, parce que ces espèces sont un peu plus agressives.

Le sénateur Raine : Ce sont des poissons qui se battent.

M. Paradis : Je ne me rappelle plus du nom des espèces prisées. Ce pourrait être le poisson à rayons épineux. C'est une espèce très agressive pour les pêcheurs récréatifs.

C'est la raison pour laquelle nous intensifions notre travail le plus possible avec les collectivités et les organisations de propriétaires de chalets afin d'éduquer les gens à l'effet de leurs comportements. Beaucoup de personnes prennent leurs poissons-appâts et les jettent à l'eau quand ils ont terminé, puis s'en vont. Ces poissons-appâts peuvent modifier totalement la structure de la biodiversité d'un lac quand ils y sont introduits.

Nous reconnaissons la validité des recommandations de la vérificatrice générale. Il est important d'établir un ordre de priorités, mais le problème est immense. La stratégie communautaire administrée par Environnement Canada prévoit un million de dollars par année pour aider les organisations communautaires à faire de la promotion, à diffuser de l'information et tout le reste. De cette somme 400 000 $ sont consacrés aux espèces aquatiques envahissantes.

Le sénateur Raine : Est-ce que vous travaillez avec des groupes comme les associations de protection du poisson et de la faune de la Colombie-Britannique?

M. Paradis : Oui. Par exemple, nous travaillons avec l'Ontario Federation of Anglers and Hunters. Nous avons également travaillé avec les aquaculteurs et les producteurs de moules de l'Île-du-Prince-Édouard afin de lutter contre les tuniciers et d'en limiter la propagation. Ils demeurent tout de même très présents dans certaines baies. C'est tout un défi.

Beaucoup de gens ne saisissent pas à quel point il est difficile de restreindre les envahisseurs aquatiques encore plus que les envahisseurs terrestres. Quand il y a trop de chevreuils ou de renards, on peut construire une clôture ou faire diminuer leur population par la chasse. Dans l'eau, on voit à peine où les poissons se trouvent pour les attraper. Ils peuvent donc se répandre sur de longues distances. C'est un problème très complexe.

Quoi qu'il en soit, pour ce qui est du mode d'introduction, les eaux de ballast sont de loin le problème le plus préoccupant. Nous ne cessons de parfaire la technologie et d'évaluer son efficacité. Transports Canada a mis un règlement en place. Le ministère a intensifié sa surveillance dans les ports pour voir combien de bateaux s'y conforment. Il y a également une grande collaboration entre la Garde côtière américaine et la Garde côtière canadienne pour encadrer les activités des bateaux dans les Grands Lacs.

Le sénateur Raine : Ne peut-on rien faire pour stériliser les eaux de ballast pendant qu'elles sont toujours dans le bateau?

M. Paradis : Il y a diverses technologies possibles, comme le traitement à l'ozone et la radiation. Il y en a beaucoup, mais aucune n'est totalement efficace pour toutes les différentes espèces. Les espèces que transportent les bateaux dépendent beaucoup des zones d'où ils arrivent. Certaines espèces survivront même si l'on retire tout l'oxygène des eaux de ballast. D'autres survivent au traitement à l'ozone. C'est très complexe. L'OMI essaie de limiter les dégâts à coup de règlements qui obligent la plupart des bateaux à changer leurs eaux de ballast en haute mer avant d'entrer dans les zones économiques.

Il y a différentes sortes de traitements et différents problèmes de sécurité. Il arrive que des bateaux procèdent au ballastage en parallèle et se brisent quand leur ballast est vide. Ils doivent donc recourir à d'autres traitements et font circuler l'eau dans le ballast de façon progressive. Il y a beaucoup de technologies compliquées.

C'est l'une des choses pour lesquelles nous avons une excellente relation avec Transports Canada. L'un de nos scientifiques travaille à temps partiel pour Transports Canada et à temps partiel pour le MPO. Nous déployons le programme des eaux de ballast en très étroite collaboration.

J'ai beaucoup de choses à dire parce que le problème des espèces envahissant est gigantesque, il évolue très rapidement, et nous trouvons sans cesse de nouvelles espèces. Notre liste d'évaluation des risques est très longue. En fait, nous demandons aux provinces de nous aider à déterminer quelles espèces sont les plus importantes dans chaque région pour que nous puissions les inscrire sur la liste et réagir plus rapidement.

Le sénateur Raine : Est-ce que certaines de ces espèces viennent de l'aquaculture?

M. Paradis : Pas toujours. Dans ce cas particulier, il y a une espèce asiatique qui a été introduite. La carpe d'Asie servait à nettoyer les canaux. Par exemple, en Alberta, ils ont produit des triploïdes, des poissons qui ne peuvent pas se reproduire, pour nettoyer les ponceaux et d'autres zones. Plutôt que d'utiliser des pesticides...

Le président : C'est une nouvelle version du « nettoyant à carpette ».

M. Paradis : Oui, il y a la carpe d'Asie.

Le sénateur Raine : La carpe nettoyante.

M. Paradis : En Alberta, les scientifiques ont inventé un procédé pour stériliser les poissons avant de les introduire dans l'écosystème. Cela se fait parfois.

Le sénateur Raine : Nous ne sommes pas ici pour parler de l'aquaculture en Colombie-Britannique, mais c'est un autre sujet qu'il vaudrait la peine de creuser.

Le président : Nous allons en discuter. Nous songeons à nous rendre en Colombie-Britannique en novembre. D'ici là, nous aimerions que vous reveniez nous voir pour étudier ces questions plus en détail.

M. Paradis : Nous serions très heureux de vous présenter toute l'étendue de nos activités scientifiques sur la côte ouest. La situation est assez complexe compte tenu de toute l'aquaculture qui s'y fait, mais beaucoup d'autres facteurs ont une incidence sur le saumon du Pacifique. Comme vous le savez, cette espèce est une véritable icône. Tout le monde veut savoir ce qui lui arrive. La mortalité du saumon est très élevée en mer, et nous n'avons pas beaucoup d'information à ce sujet.

Le sénateur Raine : Peut-être que les saumons meurent quand ils sont petits et qu'ils arrivent dans l'océan.

M. Paradis : La température de l'eau est un facteur fondamental pour le saumon du Pacifique. La fonte de la calotte glaciaire et des glaciers modifie la fraîcheur de l'eau qui coule des rivières quand les poissons y reviennent pour frayer.

Si vous souhaitez en savoir davantage, nous serions très heureux de préparer une présentation complète sur notre programme scientifique sur la côte Ouest.

Le président : Nous l'apprécierions.

Il est huit heures moins le quart, et l'on dit souvent qu'il y a une limite à ce qu'un cerveau peut absorber, mais je vais donner la parole au sénateur Robichaud pour une brève intervention.

[Français]

Le sénateur Robichaud : J'en profite pour vous remercier. Ma question pourrait cependant être posée lors d'une prochaine séance. Elle porte sur l'habitat et le pergélisol qui fond. Peut-être qu'à ce moment-là, vous pourrez nous éclairer à ce sujet.

[Traduction]

Le président : Voyez à quel point vous êtes populaire. Vous nous avez gardés ici pendant bien plus de deux heures, et les membres du comité ont encore des questions. Je vous remercie infiniment d'être avec nous ce soir.

Cette discussion est très stimulante. Elle nous aide beaucoup parce que nous cherchons des réponses à des questions très difficiles.

Nous savons que vos obligations professionnelles vous limitent. Vous ne participez pas à l'élaboration de politiques en général, donc nous vous remercions de nous aider à ce point. Nous allons certainement revoir certains d'entre vous et peut-être même tous.

(La séance est levée.)


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