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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 8 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 2 juin 2009

Le Comité permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui à 18 h 10 pour étudier les questions relatives au cadre stratégique actuel en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada (sujet : l'habitat du poisson, la gestion des pêches et les sciences halieutiques dans l'Arctique de l'Ouest.

Le sénateur Bill Rompkey (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, avant de vous présenter nos hôtes, je dois vous informer que le comité de direction souhaite que nous tenions jeudi matin une brève réunion pour approuver le rapport sur la séance que nous avons consacrée à la pêche au homard. Après que nous ayons entendu les pêcheurs, Claude Emery, notre attaché de recherche à la Bibliothèque du Parlement, a en effet rédigé un rapport de cinq pages faisant état de quelques recommandations. C'est pourquoi nous aimerions nous réunir jeudi matin, à l'heure habituelle.

Vous recevrez demain une copie de ce rapport qu'il a fallu faire traduire. Nous en débattrons jeudi matin.

Le sénateur Manning : Cela s'adresse-t-il à tous les membres du comité?

Le président : Oui.

Je tiens maintenant à vous présenter nos hôtes et à leur souhaiter la bienvenue. Ils ont déjà comparu devant nous, mais le temps nous a manqué. Nous allons donc entendre à nouveau Mme Mimi Breton, M. Sylvain Paradis et Mme Michelle Wheatley, de Pêches et Océans Canada. Je crois que c'est la seconde fois que Mme Michelle Wheatley est parmi nous.

Si vous avez des commentaires préliminaires, la parole est à vous. Nous vous poserons ensuite des questions.

Mimi Breton, sous-ministre adjointe, Secteur des océans et de l'habitat, Pêches et Océans Canada : Je vous remercie de nous avoir invités à nouveau et de nous permettre ainsi de prendre la parole dans cette enceinte. Nous nous réjouissons à l'idée de pouvoir apporter des réponses à vos questions, mais avant, laissez-moi vous donner un aperçu du contexte actuel dans le Nord canadien en constante évolution, du rôle du ministère des Pêches et des Océans dans cette région, tout particulièrement en ce qui concerne les différents enjeux liés aux océans, à l'habitat et aux espèces en péril, et des différents travaux que nous réalisons afin de nous acquitter de notre rôle.

Mes collègues des Sciences se feront un plaisir de répondre à vos questions sur le rôle de soutien qu'ils jouent dans le cadre du programme des Océans, de l'habitat et des espèces en péril et de toute autre activité scientifique menée dans le Nord.

Comme vous le savez, mesdames et messieurs les sénateurs, le développement dans le nord du Canada suscite un intérêt croissant depuis quelque temps. Du point de vue du MPO, l'exploration et l'exploitation des ressources naturelles, comme les hydrocarbures extracôtiers, ainsi que le développement de l'infrastructure connexe ou l'exploitation des droits miniers, présentent des opportunités qui doivent être traitées de manière à en assurer la durabilité pour les générations actuelles et futures.

La façon dont notre système réglementaire est conçu et la manière dont il fonctionne sont des facteurs essentiels qui appuient le développement économique et le maintien d'un bon équilibre entre les intérêts sociaux et environnementaux. En réponse à ces enjeux, le gouvernement du Canada s'est engagé à mettre sur pied un Bureau de gestion des projets nordiques dans le cadre de son initiative de simplification du processus réglementaire, son programme de la Santé des océans et une Stratégie pour le Nord.

Le MPO participe à ces initiatives multidisciplinaires et interministérielles qui visent la simplification du processus réglementaire, la gestion de l'écosystème et la planification intégrée.

En ce qui concerne le rôle et les mécanismes de mise en œuvre du MPO dans la région de l'Arctique de l'Ouest, nous assumons d'importantes responsabilités liées à la conservation du poisson et de son habitat à l'appui de pêches actuelles et futures conformément à la Loi sur les pêches, la Loi sur les océans et la Loi sur les espèces en péril. Il nous incombe aussi de procéder aux évaluations environnementales nordiques et d'appliquer les régimes de planification de l'aménagement des terres.

Pour s'acquitter de ses responsabilités, le MPO se doit de respecter les exigences des différents accords de revendications territoriales. En vertu de la Loi sur les pêches, le MPO est un organisme de réglementation fédérale clé dans le cadre de la majorité des projets de développement situés dans ou à proximité de l'eau. Notre rôle comprend la formulation d'avis d'experts sur l'impact des propositions de projet sur le poisson, les mammifères marins et leurs habitats dans les environnements marins et d'eau douce. Nous sommes également l'organisme qui accorde les autorisations pour la réalisation de projets aux termes de la Loi sur les pêches.

Nous participons actuellement à de nombreux importants projets de développement comme le projet gazier MacKenzie et l'exploration d'hydrocarbures dans la mer de Beaufort. Nous continuerons également à participer à la simplification du processus réglementaire au sud du 60e parallèle, de concert avec le Bureau de gestion des grands projets de Ressources naturelles Canada dans le Nord lorsqu'Affaires indiennes et du Nord Canada mettra en place le Bureau de gestion des projets nordiques.

La Loi sur les océans exige que le gouvernement du Canada élabore et mette en œuvre des plans liés à la gestion intégrée de toutes les activités ou mesures visant les estuaires, les eaux côtières et marines. Nous y procédons en collaboration avec les provinces, les territoires, les collectivités côtières et les Autochtones.

Avec les lnuvialuit, nous avons établi une zone étendue de gestion des océans dans la mer de Beaufort. Dans le cadre de ce processus, nous travaillons à élaborer un plan de gestion intégrée pour cette mer. Si le comité se rend bientôt à Inuvik, nous pouvons vous suggérer d'y organiser plusieurs réunions pour vous permettre de mieux constater l'étendue de nos travaux.

La Loi sur les espèces en péril, ou LEP, assure la protection légale des espèces sauvages et la conservation de leur diversité biologique. Dans l'ouest de l'Arctique, il y a actuellement trois espèces aquatiques qui bénéficient des mesures de conservation de la LEP : la baleine grise, la baleine boréale et le loup à tête large.

Bien sûr, la participation des collectivités autochtones au processus décisionnel est une exigence clé et le MPO veille à maintenir une relation étroite avec les Autochtones dans un certain nombre de domaines allant de la cogestion des pêches, des océans et de l'habitat aux exigences spécifiques de consultation liées au développement de grands projets comme le projet gazier du MacKenzie.

De façon plus générale, le MPO collabore avec AINC en vue d'appuyer le développement d'une Stratégie pour le Nord qui comprend la Station de recherche de l'Extrême-Arctique comme point central pour les sciences dans l'Arctique canadien. Nos scientifiques sont en train de compléter leur participation à l'Année polaire internationale au cours de laquelle ils ont fait des découvertes sur les écosystèmes arctiques et les changements climatiques dans cette région, données qui nous seront utiles alors que nous prendrons des décisions au sujet du développement dans le Nord canadien. De plus, nous assumons un rôle de leadership dans la mise en œuvre de la recommandation du Conseil de l'Arctique visant à mettre en place un système d'observation continue de l'Arctique.

La sécurité maritime sera une composante du développement durable dans nos eaux arctiques. Nous continuerons à promouvoir le besoin de procéder à des relevés hydrographiques dans ces eaux.

Grâce à toutes ces initiatives, le MPO est en bonne position pour appuyer le programme pour le Nord du gouvernement.

Tenant compte de notre dernière présentation devant ce comité, je suis consciente du fait que vous aimeriez aussi poser des questions sur d'autres enjeux comme les espèces envahissantes.

En ouvrant une petite parenthèse, je sais que les membres de ce comité ont tous reçu une invitation à se joindre à la ministre Shea à l'occasion d'une réception organisée pour souligner la Journée mondiale des océans, ce 8 juin. J'espère que vous pourrez vous joindre à des Canadiens d'un océan à l'autre pendant cette année de célébration.

Je vous remercie, monsieur le président. Mme Wheatley et M. Paradis sont, tout comme moi, maintenant prêts à répondre à vos questions.

Le président : Madame Wheatley ou monsieur Paradis ont-ils des remarques préliminaires à faire? Honorables sénateurs, j'attends maintenant vos questions. Puisque personne n'a encore demandé la parole, je vais commencer par quelques questions de mon cru.

Au sujet de la région d'Inuvialuit, sur les bords de la mer de Beaufort, vous nous avez dit y pratiquer la cogestion. Pouvez-vous nous expliquer comment les choses se passent, et nous préciser si ce modèle n'est appliqué que là ou l'est aussi dans d'autres régions. En quoi, par exemple, les choses se passent-elles différemment au Nunavut, au Nunavik et au Nunatsiavut?

Mme Breton : Je dois vous dire que les régimes de gestion instaurés par les accords sur les revendications territoriales varient. Certains font appel à des mécanismes de cogestion et d'autres à conseils conjoints. Le MPO doit donc adapter ses modalités de cogestion aux exigences de chaque accord. Je vais demander à Mme Wheatley de vous expliquer comment nous procédons dans le cadre des divers accords sur les revendications territoriales, en nous réservant éventuellement la possibilité d'y revenir par la suite.

Michelle Wheatley, directrice régionale, Sciences, région du Centre et de l'Arctique, Pêches et Océans Canada : Tous les accords sur les revendications territoriales conclus dans le Nord sont légèrement différents les uns des autres. Ils ont été négociés à des époques différentes et leur portée varie. Le premier à avoir été conclu a été celui des Inuvialuit. Il a ensuite été suivi de ceux conclus avec les Gwich'in, le Nunavut, les Sahtu, les Dehcho, et cetera. Il y en a eu toute une série et chacun s'est inspiré des précédents et des leçons tirées des expériences antérieures.

Le fonctionnement de la région visée par la Convention définitive des Inuvialuit et la structure de cogestion des groupes auxquels elle s'applique diffèrent probablement un peu de ce que vous avez connu avec le Conseil de gestion de la faune du Nunavut, si vous connaissez bien son fonctionnement, et avec la structure de l'entente sur les revendications territoriales du Nunavut.

Le Comité mixte de gestion de la pêche et l'organisation de la région visée par la Convention définitive des Inuvialuit s'en démarquent car un secrétariat apporte son appui à tous les groupes : le Conseil consultatif de gestion de la faune et le Comité mixte de gestion de la pêche. Le comité lui-même, dans ce cas-ci, le Comité mixte de gestion de la pêche, est composé de représentants nommés par les Inuvialuit et par le MPO. Il s'intéresse aux questions concernant la pêche alors que la plupart des autres conseils de cogestion s'intéressent en priorité à d'autres domaines. Le Conseil de gestion de la faune du Nunavut s'intéresse à la pêche, aux animaux terrestres, aux oiseaux migrateurs et à la faune.

D'après mon expérience, les membres du Comité mixte de gestion de la pêche s'occupent davantage au quotidien des questions et des dossiers qui relèvent du comité. Cela tient peut-être au fait que nombre des personnes nommées par le MPO sont d'anciens fonctionnaires du ministère, qui savent à qui s'adresser pour faire avancer les choses.

Je crois que, lorsque vous vous rendrez dans l'Arctique de l'Ouest, vous aurez intérêt à prévoir une réunion avec ses membres pour bien comprendre leur structure. Celle-ci est en place depuis plus de 30 ans et je crois que ce qu'ils pourront vous en raconter vous intéressera.

Le président : S'agit-il d'un organisme consultatif ou exerce-t-il vraiment des pouvoirs?

Mme Wheatley : Le Comité mixte de gestion de la pêche est un comité consultatif auprès de la ministre. Je crois savoir que son pendant pour la faune dans l'est de l'Arctique, le Conseil de gestion de la faune du Nunavut, a le pouvoir de prendre des décisions, sans que celui-ci n'entame cependant les pouvoirs de la ministre, qui peut avoir le dernier mot dans tous les cas.

Toutefois, les caractéristiques propres à l'Entente sur les revendications territoriales du Nunavut n'autorisent la ministre à renverser les décisions des conseils de cogestion que dans des domaines précis, comme la conservation, la santé et la sécurité du public, ou en cas d'interférence avec les droits de chasse et de pêche des Inuits, alors que le rôle du Comité mixte de gestion de la pêche en est un plus consultatif.

Mme Breton : Votre question touche aux divers règlements des revendications territoriales, et je vais donc les passer en revue. La Convention définitive des Inuvialuit ne met en place aucun conseil de cogestion mais crée le Comité mixte de gestion de la pêche, dont Mme Wheatley vient de vous parler.

L'entente sur les revendications territoriales des Gwich'in instaure, elle, un conseil de cogestion qui approuve les plans de gestion. Il en va de même avec l'Entente sur les revendications territoriales du Nunavut, qui met en place un conseil de cogestion et le Conseil de gestion de la faune du Nunavut, qui approuve le plan de gestion.

Le président : Lorsque vous parlez d'approbation, celle-ci est soumise au pouvoir de la ministre?

Mme Breton : Tout à fait; dans tous les cas.

L'Entente sur les revendications territoriales des Dénés et des Métis du Sahtu met en place un conseil de cogestion, qui approuve lui aussi les plans de gestion de la protection des espèces, y compris des espèces en péril.

L'accord Tlicho instaure lui aussi un conseil de cogestion. Cet accord indique clairement que le gouvernement doit consulter ce conseil, par exemple quand il travaille à la gestion et à la désignation des espèces en péril.

L'Entente sur les revendications territoriales des Inuits du Labrador met en place un conseil conjoint de gestion des pêches qui formule des recommandations. Comme vous pouvez le voir, les modalités varient beaucoup entre les systèmes consultatifs et de cogestion.

Mme Wheatley vous a parlé du Comité mixte de gestion de la pêche. Pour vous répondre sur nos modalités de cogestion et sur la façon de nous comporter avec les Inuits dans le cadre de nos divers programmes, sachez que, pour l'application de la LEP, nous collaborons avec ces divers conseils ou comités à la gestion des espèces en péril, ce qui nous impose de bien connaître leurs façons de travailler.

Comme le Conseil de gestion de la faune du Nunavut a adopté ses propres modalités de gestion, nous avons conclu avec lui un protocole d'entente pour coordonner nos efforts afin de respecter les délais imposés par la LEP. Il pourra nous servir à l'avenir de base pour en négocier avec d'autres conseils de gestion.

En ce qui concerne la planification intégrée des océans, nous disposons de mécanismes de gouvernance qui amènent les habitants des Territoires du Nord-Ouest, dans ce cas les Inuvialuit, et divers ministères fédéraux à étudier conjointement la planification de la région, ici de la mer de Beaufort.

Voici comment nous pratiquons la cogestion avec les collectivités.

Le président : Peut-on dire que tous les conseils de gestion sont consultatifs et qu'aucun d'eux ne détient de pouvoirs absolus dans son domaine, car le ministre peut toujours avoir le dernier mot? Est-ce bien cela?

Mme Breton : Oui, sauf qu'en cas de désaccord, la ministre dispose d'un nombre de jours fixé dans les accords pour infirmer une décision et s'expliquer.

Le sénateur Watt : Nous voici à nouveau réunis. Cela fait maintenant des années que vous traitez avec les groupes autochtones des questions abordées par notre président. Si j'ai bonne mémoire, nous avons déjà eu l'occasion, à la fois pendant et peu après les négociations qui ont abouti à la Convention de la Baie James, d'échanger nos points de vue sur certains aspects des responsabilités en matière de gestion du gouvernement et du MPO

Comme vous le savez, nous nous sommes opposés pendant des années à Pêches et Océans Canada sur les questions concernant le béluga. Je crois savoir que le quota des prises vient enfin d'être relevé. J'en arrive, monsieur le président, au point central, soit ce qu'on appelle la cogestion. Le témoin vient de nous préciser que c'est la ministre qui a le dernier mot en la matière.

On observe, et c'est digne de mention, que certaines des activités prévues dans tous ces accords, si différents qu'ils puissent être les uns des autres, finissent toujours par causer des déchirements chez les Inuits. Cela tient au fait qu'ils participent à la cogestion avec le gouvernement du Canada tout en devant en même temps assumer la défense de leurs membres lorsque, pour quelque raison que ce soit, un conflit surgit entre ces deux parties.

Puisqu'ils traitent de ces dossiers depuis un certain temps, j'aimerais que les témoins me disent si le gouvernement s'est penché sur cet aspect précis des choses pour déterminer si les modalités de la cogestion devraient être corrigées ou modifiées pour tenir compte de cette réalité. Il arrive, lorsque ces comités de gestion se réunissent, qu'on accorde beaucoup plus de poids au point de vue des scientifiques qu'aux connaissances traditionnelles. En d'autres termes, les connaissances traditionnelles et les connaissances scientifiques ne font pas toujours bon ménage. C'est cela qui a soulevé des problèmes.

Il faut en général quelques années avant que le gouvernement et la communauté scientifique conviennent du bien-fondé de ce que les Inuits ont voulu prévenir, soit les effets dommageables des décisions prises par des gens de l'extérieur et leurs répercussions sur les populations touchées. Se sont-ils attaqués à cette question pour tenter de trouver une solution à ce problème particulier?

Mme Breton : Comme vous l'avez indiqué, l'ampleur des pouvoirs accordés aux conseils de gestion a évolué. En même temps, la Loi sur les espèces en péril, la LEP, a été adoptée. Comme vous le savez, cette loi est récente puisqu'elle n'a été adoptée qu'il y a six ans. Elle reconnaît officiellement que les connaissances traditionnelles peuvent contribuer à prendre les décisions touchant à l'évaluation des stocks. Ce sont là les décisions les plus lourdes de conséquences pour les récoltes de subsistance, en particulier dans l'Arctique. Depuis mon arrivée au MPO, j'ai assisté à la création du Conseil autochtone national sur les espèces en péril, dont Mme Wheatley et M. Paradis peuvent vous parler, et j'ai été témoin des modifications apportées au fonctionnement du Comité sur la situation des espèces animales menacées au Canada, le CSEAMC, pour tenir compte dorénavant des connaissances traditionnelles. Il y a des façons beaucoup plus officielles de reconnaître et d'utiliser les connaissances traditionnelles pour parvenir à prendre des décisions, en plus du processus de consultation, comme le fait de conclure officiellement un protocole d'entente prévoyant de consulter le Conseil de gestion de la faune du Nunavut sur la catégorie proposée pour l'inscription des espèces en péril sur la liste avant d'aller de l'avant.

Sylvain Paradis, directeur général, Secteur des sciences des écosystèmes, Pêches et Océans Canada : En ce qui concerne toute cette question, nous tenons à affirmer que chaque revendication est importante à nos yeux. Nous nous efforçons d'amener les scientifiques et les gestionnaires à adopter une approche beaucoup plus intégrée. C'est ainsi que nous nous efforçons de rapprocher les scientifiques des gens de la collectivité pour que les connaissances traditionnelles puissent elles aussi faire l'objet d'examens par des pairs avant que nous ne formulions nos avis. De cette façon, les connaissances des gens de la collectivité seront intégrées aux conseils scientifiques.

Nous n'y sommes pas encore parvenus complètement mais c'est un long processus. Dans le cadre du plan sur la santé des océans, nous avons mis en place un nouveau centre de compétences sur les connaissances traditionnelles afin de mieux savoir comment les intégrer aux dialogues et aux discussions sur ces questions.

Les scientifiques font part de leurs conseils aux responsables de la gestion des pêches dans le cadre des dialogues et des discussions au sein des conseils de cogestion. Il est alors possible de prendre de meilleures décisions tenant compte des préoccupations des collectivités. Les choses se déroulent de la même façon dans le cas des espèces en péril. La préparation de leur liste donne lieu à beaucoup d'échanges, de discussions et de consultations avant sa publication. La loi nous oblige à tenir ces consultations communautaires avant de prendre toute décision.

Le sénateur Watt : Monsieur le président, il ne s'agit pas pour moi de m'opposer à qui que ce soit. Je cherche simplement des solutions aux problèmes que j'observe et dont j'ai à m'occuper au quotidien avec les gens dont nous parlons.

Il se peut que tout le monde soit bien intentionné, mais je constate que l'intégration des connaissances traditionnelles n'est pas aussi poussée que nous l'aimerions. La plupart du temps, l'information présentée lors des réunions revient à dire : « Voilà ce qu'il en est. C'est à prendre ou à laisser. » Ce type d'approche est encore trop fréquent. Tout devrait bien se passer avec l'application des accords sur les revendications territoriales, mais ce n'est pas le cas dans de nombreux domaines.

J'ai insisté sur cette question pour vous permettre d'examiner ce qu'il faudrait faire pour faciliter les relations.

Mme Breton : Je vous remercie de vos commentaires.

Le sénateur Adams : J'aimerais en savoir un peu plus au sujet de la Convention définitive des Inuvialuit. J'étais là lors des négociations, avec le ministre de l'époque, M. John Monroe. Nous ignorions ce qu'il adviendrait si la Constitution était adoptée avant de conclure les négociations. C'est pourquoi nous voulions que tout le processus soit terminé avant 1982.

Si les Inuvialuit pratiquent la pêche commerciale, ce sont surtout les questions concernant les ressources pétrolières, gazières et minières qui les préoccupent. Pratiquent-ils la pêche commerciale de l'omble de l'Arctique dans la mer de Beaufort? Détiennent-ils des quotas?

Mme Wheatley : À ma connaissance, aucun quota de pêche n'a été accordé aux Inuvialuit. Il n'en va pas de même au Nunavut.

Le sénateur Adams : Une autre entente sur le pétrole et le gaz a-t-elle été conclue après que les Inuvialuit aient réglé leurs revendications territoriales? J'ai demandé une fois ce qu'il advient des droits de chasse dans le cas des mariages mixtes entre des membres des Premières nations du Sahtu et des Gwich'in. Je crois savoir qu'environ 32 p. 100 des mariages de la région sont mixtes. Les ententes régissant l'attribution des droits de chasse tiennent-elles compte de cette réalité?

Mme Wheatley : Je n'ai pas connaissance de discussions sur ce sujet. Il se peut que la question soit abordée entre les régions de revendications, sans impliquer le gouvernement.

Le sénateur Adams : Le différend porte essentiellement sur la chasse au gros gibier et ne touche pas le Conseil de gestion de la faune du Nunavut, qui doit être impliqué dans les négociations concernant le Nunavut. Cela concerne essentiellement les ours polaires et les quotas.

Mme Wheatley : Je crois effectivement que cela concerne surtout les ours polaires, et peut-être les caribous.

Le sénateur Adams : Il s'agit effectivement des quotas annuels de chasse à l'ours polaire et au caribou. Y-a-t-il encore des rennes dans la région Inuvialuit? Comment ces quotas sont-ils attribués?

Mme Wheatley : Je ne sais pas ce qu'il en est des rennes. Il y en avait auparavant.

Le sénateur Adams : Ce n'est pas vous qui les gérez? Est-ce le gouvernement territorial?

Mme Wheatley : Oui, leur gestion relèverait du gouvernement territorial.

Le sénateur Adams : Aux alentours de 1982, l'élevage du renne dans la région du Mackenzie suscitait des inquiétudes chez certains Inuvialuit. Cette espèce est-elle régie par la Loi sur les espèces en péril, même si ses troupeaux appartiennent à des propriétaires?

Mme Breton : Je suis navrée mais je ne connais pas bien la situation des rennes.

Le sénateur Adams : Les troupeaux de rennes appartiennent à des propriétaires privés. Y a-t-il des politiques gouvernementales qui s'appliquent aux rennes? Si je possède des rennes, je devrais pouvoir les laisser libres sur mes terres. En 1980, à Tuktoyaktuk et en Inuvik, les gens s'inquiétaient de la présence d'une telle zone de pâturage des rennes à cause des activités de forage à venir. Si un problème de ce genre devait se présenter, qui pourrait m'aider? Le gouvernement fédéral ne s'occupe pas de cette question et le gouvernement territorial n'a aucun pouvoir pour mettre fin à ce type d'activité sur les terres où vivent les rennes. Les gens souffraient. Certains en tiraient un revenu en vendant de la viande de renne. Dans la région Inuvialuit, ils s'étaient entendus sur des quotas et sur des pourcentages pour chaque année. Ils doivent détenir un permis d'exportation pour tous les autres mammifères inscrits dans la Loi sur les espèces en péril et exportés vers d'autres pays.

Le président : C'est une question que nous devrons aborder, mais je ne suis pas certain qu'elle relève du mandat du MPO. Je suis sûr qu'elle sera bien accueillie lorsque nous pourrons la poser aux personnes concernées.

Le sénateur Adams : Quelle est la différence entre un caribou et un renne?

Mme Breton : Quelles que soient les espèces touchées ou les répercussions, un projet de développement implique de procéder à des évaluations environnementales. Dans le cas du projet gazier Mackenzie ou de l'exploration pétrolière et gazière, un groupe est mis sur pied qui tient des audiences publiques permettant normalement aux gens de faire part de leurs préoccupations. Il y a également toujours des consultations spéciales avec les groupes autochtones qui sont touchés par ces projets ou qui pourraient l'être.

Je ne suis pas en mesure de répondre avec précision à votre question. Toutefois, lorsque des préoccupations de cette nature surgissent, les personnes concernées peuvent, en règle générale, en faire état lors des consultations spéciales.

Le sénateur Adams : Je le sais.

Les Inuvialuit ont pour partenaires deux sociétés pétrolières puissantes, Shell et ESSO. Tous pourraient vouloir, à l'avenir, réaliser des développements sur les terres servant de pâturages des rennes. Qu'adviendrait-il alors de ces rennes et de ces caribous?

Le président : C'est une question dont nous devrons nous occuper.

Le sénateur Hubley : Les recherches réalisées dans l'ouest de l'Arctique le sont-elles essentiellement par le ministère des Pêches et des Océans? Quelle est leur portée? Combien d'études portent, à tout moment, sur l'habitat du poisson, sur sa gestion ou sur les sciences halieutiques?

Mme Wheatley : Nous avons toujours un certain nombre d'études en cours. Un certain nombre de scientifiques du Centre national d'excellence pour la recherche aquatique dans l'Arctique, implanté à l'Institut des eaux douces de Winnipeg, travaillent dans l'Arctique.

Mon personnel scientifique ne travaille pas uniquement dans l'ouest ou dans l'est de l'Arctique. Un scientifique travaillant sur le béluga peut fort bien travailler dans les deux régions. Les océanographes de la région du Pacifique se rendent aussi dans l'Arctique. Les employés de l'Institut Maurice Lamontagne du Québec travaillent sur les mammifères marins dans le Nord. À n'importe quel moment, nous avons un grand nombre d'employés qui se consacrent à des projets très divers dans le Nord.

Nous avons procédé récemment à un recensement rapide. Nous avons dénombré au-delà de 100 projets dans l'Arctique. Ceux-ci englobaient tous les types d'études, allant de celle des stocks de turbot et de crevette sur la côte est de l'île de Baffin à un recensement des baleines boréales ou des bélugas, sans oublier des études portant sur ce qu'il advient des espèces d'eau douce dans le Grand lac des Esclaves. Il y a toute une gamme de projets.

Le sénateur Hubley : Estimez-vous que le Nord reçoit sa juste part des budgets de recherche et de développement pour réaliser le travail qui doit être fait?

M. Paradis : La stratégie du gouvernement fédéral dans le Nord n'a pas été de privilégier un ministère en particulier. Le gouvernement s'est doté d'une vaste stratégie au cours des dernières années. Depuis le lancement d'ArcticNet en 2004, le grand programme de recherche dans le Nord, environ 7 millions de dollars ont été investis par année dans les recherches sur l'Arctique rendues possibles grâce à l'utilisation de l'Amundsen, le navire de la Garde côtière. Le Louis S. St. Laurent a aussi été remis en état en y aménageant une section consacrée à la recherche. Les chercheurs sont donc en mesure de faire des études scientifiques lorsque le garde-côte appareille pour aller briser la glace.

Dans le cadre de l'Année polaire internationale, des budgets de 150 millions de dollars ont été consacrés deux ans de suite à la réalisation de recherches importantes. Certains de ces travaux se poursuivent depuis cette époque. C'est ce que nous appelons l'héritage du programme de l'Année polaire internationale. Le gouvernement fédéral continue à chercher des façons d'aller de l'avant. Le réseau, les initiatives ou les stations de recherche dans l'Arctique canadien, dont nous discutons actuellement, visent à transférer davantage d'activités dans le Nord parce que c'est une région plus complexe.

Outre les questions d'océanographie et d'évaluation des stocks, nous réalisons des recherches dans d'autres domaines connexes, comme la biodiversité, la santé des poissons, les sciences fondamentales, l'état des glaces, les interactions entre les espèces par l'intermédiaire des divers niveaux trophiques. Nous voulons nous intéresser à la production primaire et à la fonte de la glace. On observe de plus en plus de relations de cause à effet dans le Nord et nous devrons mener un plus grand nombre de projets de recherche pour bien étudier la diversité dans chaque région de l'Arctique afin de mieux connaître les déplacements de ces espèces.

Le volume de travail réalisé actuellement est important. Il est difficile de dire s'il suffit, mais l'activité scientifique a nettement augmenté dans le Nord.

Les gens ne réalisent pas toujours qu'il y a beaucoup d'activités internationales dans le Nord. Avant l'Année polaire internationale, il y a trois ans, j'étais directeur général par intérim du Programme d'océanographie. Nous avions alors sept navires étrangers dans les eaux canadiennes qui devaient nous demander des permis. Cela nous a permis de collaborer avec ces pays pour réaliser à l'occasion des activités à leur bord. Les Norvégiens, les Français, les Japonais et les Coréens s'intéressaient alors beaucoup à cette région.

Nous travaillons conjointement avec ces pays dans le cadre de commissions internationales comme le Conseil international pour l'exploration de la mer, un consortium regroupant le Canada, l'Europe et les États-Unis. Nous avons pu instaurer des relations scientifiques avec ces pays avant même que des questions se présentent, ce qui nous a permis de collaborer entre nous. De nombreuses initiatives ont été lancées dans le cadre du Conseil de l'Arctique. De la même façon, nous avons pu réaliser conjointement une évaluation de l'état de l'Arctique dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique. Nous constatons que quantité de recherches, comme nous n'en avions jamais vu auparavant, se font dans le Nord, et que leur nombre ne cesse d'augmenter.

D'autres organismes, comme la Commission océanographique intergouvernementale, surveillent attentivement ce qui se passe dans le Nord. Nous avons conclu des accords bilatéraux avec d'autres pays qui permettent de développer sans cesse la recherche dans l'Arctique et dans le Nord. Mme Breton a évoqué la question des bélugas. Nous avons commencé à réaliser notre propre évaluation de la situation du béluga pour constater que nous partageons notre population avec le Groenland, et avec d'autres pays du fait des migrations.

Le budget consacré à la recherche est-il suffisant ou non? Il est difficile pour nous de fixer la combinaison idéale, mais nous avons observé une hausse très importante des activités au cours des trois dernières années, et même un peu en remontant au-delà.

Le sénateur Hubley : Je vous remercie d'avoir répondu à ma première question, et à la seconde. La seconde portait sur la souveraineté dans le Nord. Nous observons une présence accrue d'autres pays dans le Nord. S'agit-il purement et simplement d'une présence scientifique ou ces pays cherchent-ils à s'implanter dans la région ou à prétendre à la souveraineté dans le Nord?

M. Paradis : Pour accéder aux océans et aux territoires canadiens, ils doivent obtenir des permis. Les exigences pour l'attribution de ces permis font l'objet d'un contrôle attentif. Je ne crois pas que les scientifiques veuillent s'implanter dans le Nord, mais je crois par contre qu'ils sont très désireux de réaliser davantage de recherches pour mieux comprendre la dynamique.

Cela fait des années que des recherches sont faites dans le Nord. Nous savons maintenant que ce qui se passe dans le Nord et partout ailleurs dans le monde est étroitement inter relié. Cela fait plus de 15 ans que le Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord existe. Il nous a permis d'observer que des toxines, qui ne sont pas utilisées au Canada mais en Afrique du Sud, sont transportées par les courants marins jusque dans nos eaux nordiques. Les Inuits qui vivent dans le Nord consomment des espèces qui ont elles-mêmes ingéré ces contaminants.

En ce qui concerne la souveraineté, je ne crois pas que la présence scientifique ait une importance quelconque en la matière. Pour obtenir le meilleur éclairage possible sur cette question complexe de souveraineté et de présence, vous devriez plutôt vous adresser au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, le MAECI. Toutefois, l'une des activités menées conjointement par notre ministère et le MAECI est l'étude de la cartographie des océans, dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, UNCLOS, pour déterminer quelle est la partie de l'Arctique qui appartient au Canada. Nous cartographions le Nord, avec l'aide du Service hydrographique du Canada.

Le président : J'ai une autre question à vous poser. Lorsque nous nous sommes rendus à Resolute, nous avons visité une station de recherche. Je crois avoir lu récemment que son financement permanent lui a causé récemment des difficultés. Il se peut qu'elle ait disposé de budgets de recherche, mais c'est le fonctionnement même de la station qui posait problème. Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet?

Vous nous avez parlé d'une station canadienne de recherche dans le Nord, mais nous collaborons aussi aux recherches d'une station située en Norvège, d'où ma deuxième question : Est-ce bien le cas? Pouvez-vous nous en dire plus sur cette participation?

M. Paradis : Je n'ai pas de détails particuliers sur cette station de recherche située en Norvège, mais nous savons que des scientifiques canadiens sont amenés à se rendre dans tous les pays de l'Arctique. Notre sous-ministre adjoint se trouvait il y a peu en Russie pour discuter de collaboration et d'autres sujets. Nous avons un certain nombre d'ententes bilatérales.

Je crois que nous tirons parti de toutes les possibilités qui s'offrent à nous de collaborer avec les autres pays. Nous travaillons beaucoup, par exemple, avec l'Alaska parce que certains des problèmes qui nous concernent sont reliés étroitement aux leurs.

Nous avons signé récemment un protocole d'entente avec les Norvégiens pour travailler sur divers sujets. Tout ce qui concerne l'Arctique est important à leurs yeux.

Nous avons des Canadiens qui se rendent dans d'autres stations de recherche. C'est ainsi que la façon dont nous gérons les stocks canadiens de mammifères marins est relativement proche de celle utilisée par les Norvégiens. Cela tient au fait que nous sommes confrontés à des situations comparables.

En ce qui concerne les problèmes de la station de recherche de Resolute, je n'ai pas de détail à ce sujet. Je ne m'en souviens pas. Je ne peux rien vous dire de plus, mais si nous disposons de plus d'information à ce sujet, nous allons chercher quelle était la nature exacte du problème. Il est possible que cette station ait été confrontée à des problèmes pour des raisons quelconques, mais je ne crois pas qu'elle relève de nous.

Mme Wheatley : Il se peut que vous fassiez allusion à une station de recherche du Programme du plateau continental polaire, qui relève de Ressources naturelles Canada. Elle fournit toutefois également un soutien logistique aux recherches menées par le MPO et par d'autres ministères fédéraux dans l'Arctique. Son financement est distinct du nôtre.

Le sénateur Cochrane : J'ai une question à vous poser dans le prolongement de celle du sénateur Hubley. Je vous prie de m'excuser si je suis arrivé en retard, mais le Sénat siégeait encore.

Le budget alloué chaque année à l'Institut pour la recherche scientifique est-il de 150 millions de dollars au total?

M. Paradis : Tout à fait.

Le sénateur Cochrane : Ces 150 millions de dollars sont-ils pour un an ou pour deux ans?

M. Paradis : Ce budget s'étalait sur deux ans mais, dans les faits, les activités ont démarré progressivement. Il y a ensuite eu les deux années importantes du programme de l'Année polaire internationale. Nous sommes maintenant dans la phase de ralentissement progressif des activités. Si l'Année polaire internationale a duré un an, elle a néanmoins permis de construire quantité d'infrastructures qui sont entrées en service par la suite.

Il est intéressant de préciser comment ces investissements ont été faits. Il s'agit de l'un de ces programmes dont le financement était administré par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, le CRSNG. Certains ministères ont reçu des fonds. Nous en avons reçus pour la Garde côtière canadienne afin de nous préparer à transporter tous les scientifiques dans le Nord. Toutefois, les recherches elles-mêmes étaient financées à même un budget conjoint dont les fonds étaient répartis en fonction des demandes reçues. Nous avons reçu des demandes d'universitaires, de membres des collectivités et de ministères fédéraux. Ce financement n'était pas attribué à des personnes. Il devait être partagé dans toute la collectivité.

Le sénateur Cochrane : Chaque ministère contribuait-il au financement de cette unité scientifique?

M. Paradis : Nous avons ce que nous appelons un financement de base, soit le budget de fonctionnement de chaque ministère. En règle générale, une partie de ce financement de base est attribuée aux scientifiques, qui s'efforcent ensuite d'en tirer le meilleur parti possible pour obtenir des fonds additionnels à même le Trésor. Cela nous permet de parvenir à une synergie des investissements.

Le sénateur Cochrane : Le programme se déroule-t-il bien?

M. Paradis : Oui.

Le sénateur Cochrane : Y a-t-il des espèces envahissantes dans les eaux de l'Arctique? Comme vous le savez, nous allons nous rendre dans l'Ouest de l'Arctique et c'est pourquoi nous espérons recueillir le plus d'informations possible auprès de vous.

M. Paradis : Nous n'avons pas pour l'instant de profil complet de la biodiversité, pas plus que nous ne disposons d'une description complète de ce qu'elle était par le passé. Il est donc difficile de vous dire quelles sont les espèces exotiques que l'on retrouve maintenant dans ces eaux et qui peuvent avoir un effet invasif direct sur le système. Nous avons dû mettre en place dans le Nord une zone pour l'échange des eaux de ballast afin de permettre aux navires de vidanger leurs cales avant de pénétrer dans les écosystèmes fragiles du Nord.

L'Organisation maritime internationale a fait adopter un règlement international sur l'échange des eaux de ballast. Celui-ci précise que, avant de pénétrer dans les zones économiques, les navires doivent échanger leurs eaux de ballast. C'est ainsi que si un navire en route pour le Canada remplit ses cales d'eau de ballast dans la baie Caspian, il est tenu de les vidanger avant d'arriver dans nos eaux, pour que les espèces qui s'y trouvent soient rejetées au large en milieu salin. Ce navire devra ensuite pomper à nouveau de l'eau de ballast avant d'entrer dans nos eaux.

Pour permettre de le faire de façon sécuritaire, nous avons instauré des zones dans lesquelles les navires peuvent échanger leurs eaux de ballast en ayant des effets minimes sur les zones côtières. Nous étudions actuellement avec les océanographes les zones qui sont en service et celles que nous envisageons d'instaurer pour que, lorsque les navires vidangent leurs ballasts, les espèces envahissantes soient expulsées vers le large plutôt que dans les écosystèmes du littoral.

Le sénateur Cochrane : Vous savez que les poissons nagent.

M. Paradis : Je suis tout à fait d'accord avec vous.

Le sénateur Cochrane : Il est difficile d'éliminer les espèces invasives et de faire la distinction entre celles qui sont sans effet et celles qui sont nuisibles.

Quels sont les stocks de poisson les plus importants pour l'économie de l'ouest de l'Arctique?

Mme Wheatley : Dans l'Ouest de l'Arctique, il y a une pêcherie commerciale sur le Grand lac des Esclaves. Celle-ci se trouve en eau douce et on y pêche donc des poissons blancs et d'autres poissons comparables. Elle a un rôle important dans l'économie. Toutefois, son exploitation est souvent déficitaire.

Le sénateur Cochrane : Est-ce à dire que ses ventes sont insuffisantes?

Mme Wheatley : C'est la disproportion entre les coûts d'exploitation des bateaux, soit leur mise à l'eau et leur utilisation pour la pêche, et le montant des recettes qui pose un problème.

La pêche de subsistance est importante dans toutes les régions du Nord, qu'elle vise l'omble, la truite grise ou les mammifères marins. Cette pêche est importante parce qu'elle sert au quotidien à l'alimentation de la population. Si cette pêche ne contribue pas à l'économie, elle aide cependant les gens des collectivités à se nourrir.

Le sénateur Cochrane : Quel type de communications avons-nous avec les États-Unis dans la région? Vous nous avez dit entretenir toutes sortes de communications avec d'autres pays et vous avez cité la Norvège, la France et le Japon. Quelles relations entretenons-nous avec les États-Unis dans ces domaines?

M. Paradis : Cela dépend des questions en jeu. C'est ainsi que le Service hydrographique du Canada entretient des relations étroites avec la National Oceanic and Atmospheric Administration, la NOAA des États-Unis. Les deux organismes organisent des opérations conjointes; les Américains se rendent sur place avec leur navire et nous nous joignons à eux, ou c'est l'inverse.

Dans le domaine des pêches, les communications se font généralement davantage au niveau local, comme dans le cas des interactions entre le Canada et l'Alaska. Cela dépend des questions dont il s'agit parce que les divers types d'activités relèvent souvent d'organismes différents. Toutefois, en règle générale, nous disposons de toute une série de tables internationales permettant des discussions multilatérales pour aborder ensemble les diverses questions qui nous intéressent. Cela dépend de la question en jeu et de ce que nous voulons faire.

Le sénateur Cochrane : Et dans le domaine des pêches, avons-nous beaucoup de communications avec eux?

M. Paradis : Pas vraiment. La pêche commerciale n'est pas aussi étendue qu'elle pourrait l'être dans le Nord. L'un des sujets auxquels nos scientifiques se consacrent avec la collectivité est la réalisation d'une évaluation du potentiel de pêche. J'ai ici dans mes notes des renseignements sur l'évaluation de la rivière Buffalo. Nous allons nous y rendre et procéder à des évaluations.

Nous réalisons beaucoup d'évaluations sur les possibilités de pêche de l'omble dans le Nunavut et dans l'est de l'Arctique. Dans le cas de la pêche commerciale et de subsistance sur le lac des Esclaves, nous cherchons de nouveaux stocks et de nouvelles possibilités. Nous adoptons parfois une approche adaptée à d'éventuelles nouvelles pêcheries. Le ministre accorde alors des permis pour voir si la pêche peut s'avérer rentable. Nos scientifiques se rendent sur place et évaluent les stocks de poissons.

Nous travaillons ensemble, prenons les poissons et évaluons les possibilités commerciales et la viabilité de l'entreprise. C'est là que nous en sommes dans le Nord, dans la plupart des cas, sauf en ce qui concerne l'omble pour lequel nous avons progressé plus rapidement dans l'Est de l'Arctique. La pêche qui se pratique dans l'Ouest de l'Arctique en est essentiellement une de subsistance.

Le sénateur Cochrane : Le recul des glaces vous pose-t-il des problèmes dans le Nord?

M. Paradis : C'est une question que je ne connais pas bien. Nous savons bien que la saison de pêche est relativement courte parce que cette activité est impraticable pendant la saison des glaces, et pendant leur fonte. Cela fait partie des questions que nous abordons dans une évaluation. Si la période pêche est trop courte, il se peut que cette activité ne puisse pas être rentable. C'est là une partie du problème, mais je ne connais pas assez bien cette question pour pouvoir vous répondre de façon complète.

Le président : Vous avez parlé des eaux de ballast. Il s'agit des navires qui entrent dans les eaux canadiennes et qui doivent échanger leurs eaux de ballast car celles-ci pourraient contenir des espèces envahissantes. Comment veillez-vous au respect de la réglementation dans ce domaine?

M. Paradis : Transports Canada s'est vu attribuer des fonds au cours des deux ou trois dernières années, dans le cadre du Plan d'action du Canada pour les océans et du programme de la Santé des océans, afin d'instaurer un programme de contrôle et d'appliquer la réglementation en la matière. À titre d'exemple, on a procédé à une évaluation portant sur 99,7 p. 100 des navires entrant dans les eaux des Grands Lacs et 98,2 p. 100 de ceux-ci se conformaient à la réglementation. Il se peut que mes chiffres ne soient pas tout à fait exacts, mais ce sont des ordres de grandeur assez précis. Ceux qui ne se conformaient pas à la réglementation étaient renvoyés.

Le président : C'était dans les Grands Lacs?

M. Paradis : Oui. Dans le Nord, il faudrait que je vérifie avec Transports Canada quel est le type de système de contrôle qu'ils ont mis en place, s'il y en a un, mais nous avons défini dans le Nord des zones de transfert des eaux de ballast.

Le président : Cela nous ramène à l'une de nos recommandations importantes sur le Système de trafic de l'Arctique canadien, le NORDREG. Le respect du règlement n'est pas obligatoire dans l'Arctique comme c'est le cas sur les côtes est et ouest. Les navires peuvent se signaler à la Garde côtière canadienne, mais ils ne sont pas tenus de le faire.

Vous avez précisé que Transports Canada exerce certains pouvoirs dans ce domaine. Comment, dans l'Arctique, un navire doit-il s'y prendre pour se conformer à la réglementation sur l'échange des eaux de ballast? Comment ce règlement est-il appliqué dans l'Arctique?

M. Paradis : Je ne suis pas en mesure de vous répondre parce que ce règlement est appliqué par Transports Canada, même si la Convention internationale pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast et sédiments des navires s'applique partout au pays. J'ignore comment Transports Canada l'applique dans le Nord, à moins que des règles différentes ne s'y appliquent. C'est un domaine que je ne connais pas bien.

Le sénateur Adams : Il y a une semaine, nous avons adopté le projet de loi C-3 pour modifier la définition des « eaux arctiques » afin que celles-ci s'étendent dorénavant jusqu'à la limite des 200 milles, sauf dans le cas de celles se trouvant entre le Canada et le Groenland où la limite est de 100 milles. Cela va-t-il changer maintenant? Le texte avait été amendé en 1960 en ce qui concerne l'Arctique.

J'estime que l'application de cette loi ne devrait pas relever du ministère des Transports. C'est au ministre des Affaires étrangères qu'il incombe d'imposer cette limite de 200 milles jusqu'en Alaska, et celle de 100 milles entre le Groenland et le Canada. Personne ne nous a d'ailleurs précisé si d'autres pays ont reconnu la nouvelle définition des « eaux arctiques ».

Allez-vous devoir réviser certaines de vos politiques maintenant si Transports Canada commence à surveiller ce qui se passe dans ces eaux? Rien n'y a changé. La situation est la même qu'en 1960, à l'époque où la loi est entrée en vigueur. Le projet de loi ne comportait que deux dispositions; on a vu plus long.

M. Paradis : Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question. Nous savons par contre parfaitement bien que la nature du Nord évolue. Je ne crois pas que quiconque n'ait jamais envisagé de voir apparaître des espèces envahissantes dans le Nord et de devoir y gérer les eaux de ballast.

Au cours des dernières années, le MPO a mis sur pied un programme national de recherche sur les espèces envahissantes aquatiques. Ce programme, qui prend fin l'année prochaine, étudie les diverses façons d'aborder cette question à l'avenir. Le Nord est manifestement une région dans laquelle nous allons ressentir les effets les plus importants. Des pressions sont exercées pour mettre en place un nouveau programme qui engloberait les questions de biodiversité, ainsi que la gestion des espèces envahissantes dans le Nord.

Le président : C'est une question que nous devons poser à qui de droit. Il est bien évident que nous ne pouvons nous attendre à ce que vous nous donniez les réponses. Cela ne relève pas de votre mandat, mais c'est une question que le comité devra étudier.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Merci, monsieur le président. La dernière fois que vous êtes venus témoigner au comité, je voulais vous poser une question concernant des notes préparées par notre recherchiste au niveau des changements climatiques et du pergélisol. Semble-t-il qu'on les ressent plus dans cette zone de l'Arctique qu'ailleurs et que si cela a un effet sur le sol, cela pourrait également avoir un effet sur l'érosion qui pourrait ensuite avoir un effet sur l'habitat.

Avez-vous des données qui pourraient nous éclairer à ce sujet?

M. Paradis : Je n'ai pas de données avec moi, mais des études ont été faites. J'ai vu dernièrement des rapports qui faisaient exactement allusion aux faits que vous venez de mentionner avec la fonte du pergélisol. Il y a toutes sortes de mouvements qui sont en train de se produire, comme par exemple des réchauffements, des modifications significatives des effets de glace.

Je n'ai malheureusement pas l'information avec moi aujourd'hui mais on pourrait certainement la trouver et vous la faire parvenir. Mais j'ai vu des rapports dernièrement qui mentionnaient spécifiquement ces types d'impacts dans le Nord et des effets qu'il y aurait sur l'accélération de la fonte des glaces et d'autres mouvements dans l'Arctique.

Mme Breton : Sur les changements climatiques, il y a Ouranos, au Québec, qui fait des études des impacts, de la modélisation et des prédictions, et je sais qu'eux aussi parlaient de la fonte du pergélisol. Je crois que c'est un fait établi.

Je ne sais pas si nous faisons la recherche proprement dite sur ce sujet présentement, mais cela fait partie des impacts des changements climatiques.

Je pense que lors de votre visite dans l'Ouest, il y a des communautés dans le Nord qui subissent déjà des impacts des changements climatiques. Il serait peut-être intéressant de voir quelles sont les communautés les plus touchées et de discuter avec eux de ces impacts.

Le sénateur Robichaud : Dans la région du fleuve Mackenzie, qui est le fleuve le plus important de cette région, outre la question du pipeline, y a-t-il des questions qu'on devrait poser, des choses qu'on devrait essayer d'éclaircir?

Mme Breton : Les dimensions les plus importantes sont au niveau de l'habitat du poisson, les impacts du développement du pipeline de Mackenzie Gaz. Comme vous le savez, il y a eu des audiences publiques et les experts doivent remettre leur rapport. C'est, en effet, une préoccupation.

Il y a aussi les zones de protection marine à l'embouchure du Mackenzie, à l'endroit où les bélugas se concentrent à certaines périodes de l'année. Je crois que ce serait aussi un sujet d'intérêt pour le comité.

Concernant la gestion des programmes Océans, Habitats et Espèces en péril, les habitats concernent le développement pétrolier et, au niveau des océans, la zone de protection marine et, d'une manière plus vaste, le processus de planification intégré dans la mer de Beaufort. C'est un processus qui implique différents niveaux de gouvernement — autochtone, territorial et fédéral — ainsi que les personnes ayant des intérêts et les différents ministères dont Transports Canada, par exemple.

Donc, dans un processus de planification intégrée, tous les enjeux ayant des impacts dans cette zone océanique sont discutés et examinés. Dans un tel contexte, si on parle par exemple du transport maritime ou des autres ballasts, c'est un endroit où ces sujets peuvent être soulevés.

Pour répondre à votre question concernant le fleuve Mackenzie, oui, c'est très important. Il y a des enjeux sur le plan du développement pétrolier, de la préservation de zones de protection marine et sur le plan de la planification intégrée qui implique une variété de personnes détenant des intérêts et des décideurs. En rencontrant les gens qui font partie de cette gouvernance, ce forum est extraordinaire si on veut avoir accès à leurs préoccupations et comprendre comment ils peuvent participer au processus intégré.

Comme je l'ai dit au début de ma présentation, il y a un plan de gestion pour la mer de Beaufort en développement. C'est un plan de gestion intégrée qui va toucher aux aspects transport, développement et conservation. C'est une très belle opportunité pour vous.

Le sénateur Robichaud : Ce processus intégré n'en est qu'à ses débuts, non?

Mme Breton : Il date de plusieurs années. Dans le cas de l'embouchure du Mackenzie, cela implique dix années de travail, de consultation, de recherche et développements de la réglementation pour arriver à désigner une zone de protection marine.

Le sénateur Robichaud : Les gens des communautés étaient-ils impliqués?

Mme Breton : Ils ont leur représentant d'un système de gouvernance.

M. Paradis : Du côté des sciences, les impacts cumulatifs sont les problématiques les plus courantes. Les modèles dont on dispose ne sont pas très considérables. Nous ne faisons que débuter avec les questions liées à la modélisation, à l'addition des développements et des impacts. C'est un sujet sur lequel les communautés discutent beaucoup et auquel on nous demande de porter davantage attention. Pêches et Océans Canada a mis sur pied un centre d'expertise sur la modélisation des écosystèmes et des impacts. Voilà un point que vous pourriez approfondir avec les communautés.

Ces thèmes reviennent régulièrement dans les revues de l'Agence canadienne d'évaluation des impacts environnementaux. Les gens disent qu'ils veulent faire telle ou telle activité, mais la relation entre toutes ces activités, que signifie-t-elle?

La mer de Beaufort et tout le Mackenzie sont en train de vivre des changements significatifs du point de vue économique et social. Cela provoquera probablement des questions d'impact cumulatif. Les modèles sont-ils suffisamment développés? Ces questions demandent davantage de recherches.

Au cours des trois dernières années, Pêches et Océans Canada a amorcé la transition d'une série de programmes verticaux vers l'approche écosystémique. Cela consiste à amener toutes les dynamiques dans un système intégré et connaître les facteurs qui provoquent des impacts et des pressions sur le système. C'est très nouveau.

Internationalement, environ tous les six mois, des conférences sont données sur les modèles de gestion intégrée écosystémique, parce que tous sont en train de comprendre la portée de tout cela.

[Traduction]

Le sénateur Adams : Je me trouvais à Rankin Inlet il y a quelques semaines. Au Nunavut, allez-vous cette année exercer un plus grand contrôle des narvals et essayer de les dénombrer?

Mme Wheatley : J'examine la liste des projets. Certaines études sur les mammifères marins de la baie d'Hudson qui seront réalisées cet été essaieront de les dénombrer dans cette région. Oui.

Le sénateur Adams : Des études seront-elles réalisées dans la région de l'Arctique où nous avons perdu environ 570 narvals à proximité de Pond Inlet? Certaines personnes ont estimé que le MPO pourrait étudier cette région pour voir si les nombres augmentent. Ces animaux ont été pris dans la glace en octobre dernier. Est-ce un domaine d'étude du MPO? Nous en avons perdu 570 en un mois, et cela fait beaucoup de cétacés. Nous ne savons pas exactement combien nous en avons perdu, en particulier des femelles. Nous nous demandons combien seront nés cette année et naîtront l'année prochaine à la suite de cette perte.

Mme Wheatley : Nous avions des scientifiques sur place, sur la glace, lorsque nous les avons récupérés. Ils ont recueilli des échantillons. Ils vont, entre autres, tenter d'étudier leurs caractéristiques génétiques pour essayer de comprendre les relations entre les divers stocks de narvals qui se trouvent dans l'Arctique. Le travail sur cette étude se poursuit.

Le sénateur Adams : Une étude a été réalisée il y a un an sur les orques dans la baie d'Hudson. Avez-vous des précisions sur cette étude? Émettent-ils des sons particuliers quand ils chassent les bélugas, et cetera.?

Mme Wheatley : M. Steve Ferguson est le responsable de cette étude. Je n'ai pas avec moi de détails sur cette étude, mais le projet se poursuit.

Le sénateur Adams : Nous aimerions finir par savoir si les bélugas sont une espèce en péril. Le projet de loi C-5 les inscrit dans cette catégorie. Des études ont été réalisées au cours des cinq ou six dernières années et nous ne disposons d'aucun renseignement sur les résultats obtenus. Savez-vous ce qu'il en coûte pour faire une étude?

L'an dernier, nous nous sommes rendus à Pangnirtung et nous avons constaté que les femelles bélugas mettent leurs petits au monde dans ce bras de mer. Les chasseurs de ces cétacés s'inquiètent de la situation à Pangnirtung parce que des navires européens s'y rendent pour les observer dans ce bras de mer. Nous avons constaté qu'il y a diverses espèces de bélugas. Vous avez travaillé dans la région de la terre de Baffin. En avez-vous entendu parler par ces collectivités?

Mme Wheatley : Je m'excuse, mais je ne saisis pas bien votre question. Vous inquiétez-vous des problèmes posés par les navires?

Le sénateur Adams : Oui. Nous avons appris que les gens de Pangnirtung ont un quota de chasse à la baleine. Des membres de la collectivité nous ont expliqué que des quotas s'appliquent à l'endroit où ils chassent le béluga, à proximité immédiate du bras de mer de Pangnirtung. Y a-t-il des espèces différentes de béluga?

Mme Wheatley : Ce sont les mêmes espèces, mais elles appartiennent à différents stocks de bélugas. Il y a quelques années, le Comité de gestion du béluga dans le sud-est de Baffin a analysé les études disponibles, y compris sur la génétique, et a identifié les bélugas pêchés à Kimmirut. On pensait alors que ceux pêchés à Kimmirut, Iqaluit et Pangnirtung appartenaient aux mêmes stocks. Les études génétiques, ainsi que d'autres recherches, ont révélé qu'ils appartiennent à trois groupes distincts. Ils sont maintenant gérés de façon séparée et ne sont donc plus considérés comme un groupe unique.

Le sénateur Adams : Je n'ai pas demandé aux représentants du ministère combien de prises étaient autorisées par année, car je ne savais pas avec certitude si nous nous trouvions face à des stocks différents ou à des espèces différentes. Le sénateur Watt sait fort bien qu'il ne reste plus qu'environ 200 bélugas le long des côtes de la baie d'Hudson et sur la côte est. Les scientifiques du ministère nous ont expliqué il y a quelques années qu'ils ne se mélangent pas avec d'autres espèces. Ils nous ont aussi dit qu'il n'y en a qu'environ 200 à venir par année dans les eaux de la baie d'Hudson. Certains vont jusqu'à Churchill; je crois qu'il y en a environ 38 000 par année. Je me demandais ce que le ministère fait au sujet des bélugas.

Le sénateur Watt : Ma question s'adresse aux personnes qui s'occupent des volets scientifiques de cette question. Quand vous cherchez à savoir comment se comporte une espèce quelconque, qu'il s'agisse des baleines, des poissons ou des phoques, disposez-vous d'une technologie vous permettant aujourd'hui de rediriger ces espèces vers une zone géographique précise? La communauté scientifique peut-elle faire appel à un mécanisme de ce genre?

M. Paradis : Je vais vérifier, mais à ma connaissance il n'y en a pas. Nous avons posé des étiquettes sur des animaux dans le Nord pour avoir une meilleure compréhension de leurs modèles migratoires, pour savoir où ils sont et ce qu'ils font. Nous avons consacré beaucoup de temps à l'étude des répercussions des activités sismiques lorsque des entreprises procèdent à des tests pour déterminer la présence de pétrole ou de gaz au fond des océans. Ces essais sont bruyants et nous voulons savoir quels effets ils ont sur les modèles migratoires et la dispersion des animaux, ou sur la dynamique de ce modèle. Je n'ai jamais entendu parler d'un appareil ou d'un système qui puisse être utilisé pour rediriger les mammifères marins dans le Nord.

Le sénateur Watt : Un tel appareil ne serait-il pas utile pour obtenir une meilleure compréhension des migrations dans les cas de forage pétrolier au fond des océans et d'autres activités du même genre?

M. Paradis : Nous travaillons sur cette question. Cette année, nous allons procéder à une étude des bruits marins et de leurs effets sur les organismes marins. Comme je l'ai indiqué, nous avons procédé à de multiples études des effets des tests sismiques sur les animaux. Le bruit a non seulement pour effet de les rediriger vers d'autres zones, mais il pourrait être aussi à l'origine d'un modèle de perturbation. Il pourrait par exemple toucher leur cycle normal de reproduction. Nous disposons de résultats de recherche et de rapports sur ces questions.

Il y a deux ans, nous avons procédé à un examen complet dans le cadre duquel des spécialistes du monde entier ont examiné les effets des essais sismiques. Les Américains ont consacré beaucoup de temps à faire des mesures au moyen de sonars. Nous envisageons de procéder à un autre examen cette année ou l'année prochaine. Cette année, nous allons étudier les effets de la navigation, c'est-à-dire des bruits des navires sur les comportements des mammifères marins.

Nous savons que les bruits générés par toutes les activités de développement dans cette région peuvent avoir des effets sur la distribution des populations et sur leur comportement au moment de l'accouplement ou de la reproduction.

Mme Wheatley : Dans la plupart des cas, nous ne voulons en rien modifier le comportement des animaux. Il y a cependant eu des travaux dans ce domaine. Vous en entendrez probablement parler lorsque vous serez dans l'Ouest de l'Arctique, dans les lacs esquimaux près de Tuktoyaktuk où des bélugas ont été pris au piège pendant un certain nombre d'années, mais ont fini par en trouver la sortie en suivant un chenal compliqué, tout en ayant de la difficulté à en sortir parce que les eaux n'en étaient pas assez profondes à l'embouchure. L'eau gèle à cet endroit et les bélugas sont piégés. On a cherché avec les collectivités locales des moyens de dissuader les bélugas d'entrer dans les lacs esquimaux. Cela a donné d'assez bons résultats l'an dernier.

C'est le seul type d'activité dont j'ai entendu parler pour essayer de rediriger ou d'interrompre les déplacements d'une espèce.

M. Paradis : Si cela intéresse le sénateur Watt, nous avons procédé à un examen des effets des essais sismiques sur les mammifères marins et sur d'autres organismes. L'an dernier, la Direction de la gestion de l'habitat du poisson du MPO a été invitée à réaliser une étude spéciale des comportements nordiques. Certains prétendent que les eaux froides se prêtent à une amplification des effets du bruit, des sons et des ondes sur les organismes nordiques. Je vais veiller à ce que vous receviez une copie de ce rapport.

Le sénateur Cook : C'est moi la méchante qui ait regardé la carte des pirates.

Je suis préoccupée par l'endroit où nous allons faire procéder obligatoirement à l'échange des eaux de ballast. Ce point sera-t-il situé dans les eaux internationales ou dans les eaux canadiennes?

Je sais que cela ne relève pas de votre responsabilité. Je crois vous avoir entendu dire que c'est du domaine de Transports Canada. Cependant, si nous devions tous ensemble ce soir assumer cette responsabilité, où seriez-vous partisans de faire procéder à la vidange et au remplissage des ballasts des navires dans l'Arctique?

Je vis à Terre-Neuve-et-Labrador. Je veux que cela se fasse loin, avant que les navires ne parviennent sur mes côtes du Labrador. Les choses sont claires dans l'ouest de l'Arctique, mais il n'en est pas de même dans l'est. Je ne vois pas sur la carte la limite des eaux internationales. Si nous voulons éviter de faire les mêmes erreurs que nous avons faites dans les Grands Lacs avec la moule zébrée, qu'il est trop tard pour corriger maintenant, nous devrons définir une norme et veiller à son application. Je tiens à entendre vos commentaires sur cette question, même si je sais bien que cela ne relève pas du mandat de votre ministère.

Mme Breton : Comme nous l'avons rappelé précédemment, le programme de la Santé des océans permet d'investir pour prévenir la pollution. Ce programme regroupe environ 22 projets précis pour lesquels le MPO, Environnement Canada, Transports Canada et Affaires indiennes et du Nord Canada se voient attribuer des budgets.

Transports Canada reçoit des fonds pour l'application de la réglementation sur l'échange des eaux de ballast. Il dispose de budgets pour surveiller la prévention de la pollution, faire cette prévention avec l'équipement nécessaire, appliquer la réglementation en la matière, évaluer le trafic maritime international dans l'Arctique et évaluer dans quelle mesure la stratégie de réduction des déchets provenant des navires est efficace.

Ce travail est réalisé dans le cadre de ce programme. Cela vise, pour le moins, à vous permettre d'être assurés que les travaux dans ce domaine progressent et que des investissements sont faits dans le but de résoudre les problèmes que vous mentionnez.

En ce qui concerne les sciences et l'indication des limites des eaux sur les cartes, je ne sais pas si M. Paradis peut vous fournir des renseignements plus précis.

M. Paradis : Oui, je le peux. Je ne crois pas que la convention internationale ait été ratifiée. Pour qu'elle le soit, il faut réunir un ensemble de conditions complexes avec la signature d'un certain nombre de pays représentant une proportion donnée de la population. Cela n'a pas empêché Transports Canada d'aller de l'avant en adoptant une réglementation canadienne qui est totalement conforme à la réglementation internationale, ce qui fait que nous sommes en avance dans ce domaine.

Au cours des derniers mois, nous avons cartographié les zones dans lesquelles il serait possible de procéder aux échanges d'eaux de ballast dans la région de Terre-Neuve. Je vais veiller à vous faire parvenir une copie de ce rapport à ce comité pour vous permettre de voir quelles zones ont été relevées. Il y a environ deux ans, nous avons cartographié les zones situées dans l'est du plateau néo-écossais, sur la côte Ouest et dans les Grands Lacs, mais nous n'avions pas alors l'information nécessaire pour cartographier les zones dans la région de Terre-Neuve. Ce travail a toutefois été terminé cette année. Nous pouvons vous remettre ces rapports.

Le sénateur Cook : C'est très bien et je vous en remercie, mais il faudra bien à un moment donné que les navires arrivant sur nos côtes aient à bord une copie de ce manuel pour connaître les lignes directrices et pour savoir comment ils doivent gérer leurs eaux de ballast. Comment se procureront-ils cette information?

M. Paradis : En règle générale, Transports Canada informe les marins de l'endroit où ils doivent vidanger leurs ballasts. Ce rôle d'information incombe également à la Garde côtière.

Le sénateur Cook : C'est la question sur laquelle je veux attirer votre attention. La Garde côtière jouera-t-elle un rôle important dans ce domaine?

M. Paradis : Je peux le vérifier. Nous, les scientifiques, nous procédons aux examens et remettons des conseils, qui sont ensuite utilisés par les responsables de la réglementation, soit Transports Canada dans ce cas-ci. Ce qui est bien à ce sujet est que nous avons collaboré étroitement. J'ai présidé il y a deux ans une réunion au cours de laquelle nous nous sommes entendus sur trois zones, et les représentants de Transports Canada étaient présents. À la fin de la réunion, ils avaient déjà planifié une réunion de politique pour rédiger le règlement.

Je pense qu'ils doivent déjà avoir commencé à travailler à la mise en place de la zone de Terre-Neuve, sur la base des conseils que nous leur avons fournis. Je peux vérifier auprès d'eux et vous faire part de leur réponse. Nous avons collaboré étroitement avec eux; c'est probablement l'une des questions les plus importantes. Nous savons, par exemple, que les eaux de ballast sont la principale voie d'introduction des espèces envahissantes. Si nous ne nous en débarrassons pas avant qu'elles n'arrivent dans nos eaux, nos chances de parvenir à les contrôler sont réduites.

Le sénateur Cook : Je vous remercie de ces renseignements. Je suis moins préoccupée par la situation dans ma province que par celle qui prévaut dans les immenses territoires du Nord dont personne ne semble être totalement responsable. Les responsabilités semblent très fragmentées dans cette région. C'est ce qui me préoccupe plus que toute autre question.

M. Paradis : Je sais que nous avons procédé à l'évaluation des risques dans la zone nordique, et que nous avons donc informé Transports Canada de ce qu'il faudrait faire pour protéger cette région. Je n'ai pas une très bonne connaissance de toutes les subtilités des responsabilités gouvernementales dans le Nord, que vous avez évoquées précédemment, mais nous avons réalisé des progrès pour déterminer les endroits où les répercussions de ce type d'activités seraient les moins dommageables.

Le président : L'une des recommandations que nous avons faites en la matière était bien sûr de créer un nouveau ministère de l'Arctique pour regrouper toutes ces responsabilités. Vous avez tout à fait raison : les pouvoirs administratifs sont très fractionnés dans cette région. C'était l'objet de l'une des recommandations de notre rapport.

Cela fait maintenant une heure et demie que nous sommes réunis et je tiens à vous remercier infiniment d'être venus et de nous avoir été aussi utiles. Comme vous le savez, nous allons nous rendre dans l'Ouest de l'Arctique et nous avions besoin d'informations. Nous devions d'abord trouver les questions à poser. Je crois que nous en avons trouvé quelques-unes ce soir et que vous nous avez donné des réponses.

(La séance est levée.)


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