Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule 10 - Témoignages du 23 septembre 2009 - Séance de l'après-midi
INUVIK, le mercredi 23 septembre 2009
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans s'est réuni aujourd'hui à 13 h 2 pour étudier les questions relatives au cadre stratégique actuel en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada (sujet : questions relatives à la Garde côtière canadienne et aux pêches dans l'Ouest de l'Arctique).
Le sénateur Bill Rompkey (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : La séance est ouverte. Le premier témoin que nous accueillons cet après-midi est Duane Smith, de l'Inuvialuit Regional Corporation.
Nous avons entendu le témoignage de M. Smith à Ottawa, mais il n'y a aucun mal à aller plus en profondeur et à l'entendre ici, alors nous avons hâte qu'il nous présente son exposé. Nous poserons ensuite des questions.
Duane, s'il vous plaît, allez-y.
Duane Smith, vice-président, Inuvialuit Regional Corporation : Merci, monsieur le président. Oui, vous m'avez déjà entendu témoigner par le passé dans le cadre de mon autre fonction, soit en ma qualité de président de l'Inuit Circumpolar Council Canada. J'espère qu'on vous a remis mon mémoire. Je suis aussi vice-président de l'Inuvialuit Regional Corporation, qui représente les Inuvialuits de la région.
Tout d'abord, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue à Inuvik. Si vous n'êtes pas certain de la signification de ce nom, dans mon dialecte, il correspond approximativement à « la place des hommes », mais ses significations sont multiples.
Je vais vous mettre un peu en contexte pour que vous compreniez dans une certaine mesure mon point de vue. Tout d'abord, les Inuvialuits vivent dans la région depuis un millénaire. En 1984, les Inuvialuits et le gouvernement du Canada ont ratifié ce qui est couramment désigné par CDI ou Convention définitive des Inuvialuits.
Certaines des données contextuelles ayant servi à l'élaboration de la CDI ont été tirées du rapport sur l'utilisation et l'occupation du territoire par les Inuits, produit en 1977. Le rapport illustre les attaches qu'avaient les Inuits — pas seulement les Inuvialuits, mais tous les habitants de la région inuite — et leur relation avec la terre, l'eau douce et l'océan.
Les copies du rapport sont très rares vu qu'il date de loin, mais je recommanderais fortement aux membres du comité d'en obtenir une pour leur information personnelle, puisque l'utilisation et l'occupation actuelles de la région désignée des Inuvialuits sont très semblables à ce qu'elles étaient à l'époque.
Si vous pouvez obtenir ce rapport, vous verrez que le chercheur a fait du porte-à-porte et a posé des questions comme : « Où vous déplacez-vous? Pourquoi? Pendant combien de temps partez-vous et quelle est votre destination? » Si vous regardez les cartes géographiques du rapport, vous verrez à quel point l'étendue de cette région est vaste. Il n'est pas rare que des gens parcourent régulièrement de 200 à 400 kilomètres pour se rendre à leur camp traditionnel ou participer à une expédition de chasse aux espèces marines, comme les ours polaires, ou pour toute autre raison. Vous verrez aussi l'ampleur de l'utilisation de la glace dans la région. Je mets l'accent sur ce point, parce que les Inuvialuits de la région, tout comme les Inuits de partout au pays, ont une relation avec la glace qui est essentielle au cœur de leur identité comme peuple.
En vertu de la CDI, différents organismes de cogestion ont été créés pour s'assurer que les travaux de recherche et les décisions administratives tenaient compte des connaissances scientifiques et traditionnelles et que la priorité était accordée à la durabilité. Nous avons aussi des organismes semblables qui s'attachent aux préoccupations relatives aux études et aux examens environnementaux.
Compte tenu de l'importance qu'accordent les Inuvialuits à la durabilité d'un écosystème dont ils estiment faire partie, un parc national, le Parc national Ivvavik, a été établi au moment de la conclusion de la CDI, une première pour le Canada. Depuis cette époque, deux autres parcs nationaux ont été établis, ainsi que cinq refuges d'oiseaux et un parc historique national qui reconnaît la contribution des Inuvialuits à l'identité canadienne et en témoigne. Dans cette région, connue sous le nom de Kittigaryuit, se trouve un site de chasse à la baleine qui remonte à 600 ans et qui continue à être utilisé de façon saisonnière. Il y a un site encore plus ancien en amont du delta du Mackenzie.
Les Inuvialuits ont pris l'initiative d'établir des règlements administratifs nous obligeant à adopter des pratiques pour chasser le béluga sans cruauté et à réduire au maximum les rations « touchés-perdus ». Les Inuvialuits ont également mis en place des zones de protection marines pour les bélugas afin de s'assurer de préserver leur habitat autant que possible. On a également conclu des ententes avec l'industrie pour qu'elle respecte ces zones, et elle continue de les honorer à ce jour.
J'ai fourni ces renseignements contextuels pour que vous compreniez un peu mieux les Inuvialuits, leur rôle au sein du Canada et le respect qu'ils vouent à l'environnement qui les entoure et pour faire valoir que nous pouvons établir des processus mutuellement avantageux afin de combler nos besoins.
J'aimerais seulement vous signaler que les trois parcs nationaux de la région s'étendent sur environ 50 000 kilomètres carrés.
Maintenant, je vais essayer de répondre à certaines des questions que vous nous avez fait parvenir. Vous nous avez demandé de parler du rôle de la Garde côtière. Évidemment, la Garde côtière joue un rôle crucial à l'égard de l'océan Arctique, qui est souvent négligé et laissé pour compte. Il s'agit du seul organisme qui assure la navigation et la sécurité des bâtiments de mer dans l'Arctique. La Garde côtière témoigne aussi de la souveraineté du Canada dans l'Arctique.
Il y a des aspects à l'égard desquels la Garde côtière doit jouer un rôle plus fort. Premièrement, la production de rapports sur l'état des glaces aux fins des avis météorologiques régionaux diffusés sur CBC viendrait en aide aux collectivités et aux particuliers qui s'apprêtent à se déplacer. Les prévisions météorologiques d'Environnement Canada dans la région se sont améliorées lorsque des représentants de l'organisme sont venus consulter les gens de la région. Il serait tout à fait sensé de présenter des rapports sur l'état des glaces de la même façon.
Deuxièmement, l'augmentation du nombre de patrouilles côtières aux environs de la frontière canado-américaine témoignerait de l'utilisation et de l'occupation par le Canada. Je crois que je n'ai pas besoin d'attirer votre attention sur la dispute relative aux frontières — dans quelle direction la ligne devrait-elle s'étendre? Devrait-elle suivre une ligne ou une autre? Je tiens à souligner que les Inuvialuits et leurs cousins de l'Alaska continuent de faire la navette, été comme hiver, pour se rendre visite. Ils continuent à faire la navette entre les deux pays pour se rendre visite périodiquement. Nous démontrons notre utilisation de cette région. Je crois comprendre que le Canada et les États-Unis collaborent depuis quelques années à la cartographie de la haute mer afin d'honorer leurs obligations découlant du droit de la mer des Nations Unies. Le Canada doit renforcer sa présence à ce chapitre pour d'autres raisons aussi.
Troisièmement, il faudrait réinstaller le matériel de confinement dans différentes collectivités pour s'assurer que la Garde côtière peut s'acquitter de ses obligations relatives au confinement et au nettoyage de déversements. Comme vous le savez peut-être — vous l'aurez entendu dans le Centre et dans l'Est de l'Arctique —, la plupart des collectivités sont isolées, et on ne peut s'y rendre que par avion ou par bateau durant l'été. La plupart des collectivités font leurs réserves — elles se procurent de l'essence, des matériaux de construction et des denrées de consommation courantes — par navire durant la brève saison estivale.
Je soulève ce point, parce que, par le passé, la Garde côtière avait dispersé de façon stratégique des conteneurs de nettoyage, comme on les appelle, dans certaines collectivités situées dans l'Arctique canadien. Les conteneurs se trouvent toujours à certains endroits, mais l'état et la qualité de l'équipement sont douteux, car personne n'assure l'entretien et l'inspection de façon régulière.
Quatrièmement, il faut coordonner ses activités avec celles d'autres organismes gouvernementaux pour assurer une formation uniforme du personnel et des bénévoles des collectivités qui travaillent au confinement de ces déversements, puisqu'il s'agit des premiers intervenant. Cette activité se fait à l'échelon communautaire, où les différents organismes gouvernementaux collaboraient autrefois pour offrir à la population locale une formation pour qu'elle puisse intervenir en cas de déversement, tout dépendant de son ampleur, et la Garde côtière pourrait ensuite aller chercher de l'équipement de meilleure qualité pour nettoyer le reste du déversement.
On n'a pas pris ces mesures de façon régulière. Ce n'est pas seulement la faute de la Garde côtière, mais elle compte parmi les organismes responsables de cette question. La faute est imputable à tous les ordres de gouvernement, de l'administration municipale et régionale aux gouvernements territorial et fédéral, bien sûr.
Cinquièmement, il faut travailler de façon concertée avec les autres organismes gouvernementaux pour contrôler la qualité et la quantité d'eau des plus grands fleuve et delta canadiens. Le fleuve Mackenzie risque d'être contaminé par les différentes activités d'aménagement sur la partie supérieure du bassin hydrographique. On pense, entre autres, aux sables bitumineux, aux usines de pâte et aux mines qui entourent Yellowknife et dans lesquelles est entreposée une grande quantité d'arsenic. Le gouvernement fédéral dépense chaque année près de 200 millions de dollars seulement pour contenir l'arsenic qui se trouve dans les mines d'or abandonnées dans la région de Yellowknife, qui pourraient suinter ou s'écouler dans le bassin hydrographique du fleuve Mackenzie.
La Colombie-Britannique, l'Alberta, la Saskatchewan, le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest ont conclu un accord concernant le bassin hydrographique du fleuve Mackenzie. Il s'agit essentiellement d'un engagement d'honneur selon lequel chaque partie informera les autres de son utilisation de l'eau. L'entente est très peu contraignante, même si la majeure partie de notre eau dépend de la qualité et de la quantité de l'eau qui se déverse de ce bassin hydrographique.
Si vous observez l'emplacement géographique de la majorité des collectivités des Territoires du Nord-Ouest, vous remarquerez que beaucoup d'entre elles sont situées le long de rivières qui leur assurent un approvisionnement en eau. Il est donc crucial que nous nous assurions que la quantité et la qualité sont maintenues.
Je vais approfondir un peu. Vers 1996, on a constaté une fuite dans le barrage Bennett. On a dû relâcher la pression en réduisant le niveau d'eau du lac de six pieds. C'était en octobre, et on n'a informé personne du fait que toute cette eau allait descendre dans le système. Jusqu'à maintenant, je crois qu'il y a encore deux collectivités albertaines qui poursuivent toujours les responsables en justice au sujet de l'inondation.
Lorsque cette eau s'est rendue au delta du fleuve Mackenzie, celui-ci était déjà gelé. Toute la glace a alors rompu. Vous savez comment nous procédons en hiver : pour se déplacer et s'approvisionner, certaines des collectivités dépendent de ce que nous appelons des chemins de glace. Sinon, le coût de la vie devient absurde, essentiellement. Alors, l'entente doit prévoir un meilleur processus.
La prochaine étape consiste à s'assurer de la capacité des industries de mettre en place de l'équipement adéquat pour contenir les déversements potentiels de leurs bâtiments de transport ou de leurs navires de forage et à mener des inspections à cet égard. Ils sont tenus d'avoir de l'équipement sur les navires, mais qui sait de quelle qualité est l'équipement ou quelle formation est donnée à l'équipage de ces navires.
Ensuite, il faut collaborer avec l'industrie et d'autres intervenants pour mener des exercices de simulation. Encore une fois, il faut mettre en place différents degrés et niveaux de formation, à l'intention du personnel local et des mécanismes d'intervention régionaux, pour réagir à ces accidents.
On doit renforcer l'engagement du Canada à l'égard des travaux de recherche menés dans l'Arctique en misant sur la capacité de la Garde côtière de transporter de l'équipement à des endroits où une collecte de données plus poussée s'impose. Je vais approfondir un peu sur ce point lorsque j'aborderai les enjeux liés à la recherche au sujet desquels vous avez posé des questions.
La Stratégie pour le Nord du Canada, qui a été lancée récemment, est encore assez vague. Du côté d'Inuvialuit, de l'IRC, nous aimerions nous concentrer sur deux énoncés de vision particuliers : tout d'abord, « des personnes autonomes vivant dans des collectivités saines et dynamiques qui gèrent leurs propres affaires et façonnent leur propre avenir ». L'IRC a collaboré à l'établissement de plans de développement durable — à l'intention des régions, des collectivités et des personnes — qui tiennent compte des répercussions sociales, culturelles et économiques de l'exploitation des ressources. Voici des exemples de ces activités : le plan d'action de Beaufort-Delta, le Fonds d'atténuation des effets du projet gazier Mackenzie et le Plan de gestion intégrée de l'océan.
Deuxièmement, « la tradition nordique de respect de la terre et de l'environnement est primordiale, à l'instar des principes de développement responsable et durable qui constituent le fondement de toutes les décisions et les mesures ». Les propositions et les plans visant à effectuer des travaux de recherche avant la mise en œuvre d'importants projets de mise en valeur des ressources extracôtières n'a pas fait l'objet d'un appui unanime. Il est essentiel d'entreprendre des travaux de recherche pour détecter et combler les lacunes et s'assurer d'obtenir des renseignements de base adéquats afin que les conseils de gestion et les organismes puissent prendre de bonnes décisions relativement à l'exploration et au développement.
Au cours des cinq dernières années, on a rédigé trois importantes propositions. Il y a le plan d'action stratégique de la mer de Beaufort, plan multilatéral qui énonce une liste de mesures nécessaires pour réduire au minimum les impacts négatifs et préparer le terrain pour l'exploitation des ressources de la mer de Beaufort. Les propositions actuelles relatives à la tenue d'une étude d'impact sur l'environnement, que l'on désigne couramment dans la région par BREA — c'est-à-dire Beaufort Regional Environmental Assessment —, devraient être appuyées afin que l'on entreprenne les travaux de recherche et l'étude d'impact sur l'environnement qui s'imposent pour bien déterminer la cadence et l'échelle des travaux de mise en valeur des ressources extracôtières de la mer de Beaufort.
On a récemment mis la dernière main au plan de gestion intégré de l'océan pour la mer de Beaufort, et on élabore actuellement des plans de travail pour sa mise en œuvre intégrale. La mise en œuvre contribuera grandement à la durabilité de la zone étendue de gestion des océans, la ZEGO, de la mer de Beaufort et écartera un bon nombre des préoccupations des Inuvialuits, principaux utilisateurs des ressources océaniques.
J'insiste de nouveau sur ce point, car, à mon avis, les États-Unis tentent essentiellement de faire ce que nous avons déjà fait à ce chapitre et de nous rattraper. Les processus et les systèmes en place là-bas sont contradictoires à certains égards et n'aident pas à cibler correctement ce que nous tentons de définir ici. Ce n'est pas pour dire que notre système est meilleur, mais il est déjà en place. Il a seulement besoin des ressources et de la capacité qui lui permettront de combler les lacunes, pour que nous comprenions mieux l'écosystème de la région.
Le Conseil de l'Arctique considère également la mer de Beaufort comme l'une des trois principales zones prioritaires où l'organisme aimerait mettre en œuvre un projet pilote de recherche sur l'écosystème.
Je crois comprendre que le Conseil de gestion du gibier va aussi témoigner devant vous. Il y a ici un représentant et certains des membres du personnel et je leur présente mes excuses si j'aborde certains des enjeux qui les intéressent, mais on m'a demandé de parler de la Convention définitive des Inuvialuits; alors s'ils répètent certains points dont j'ai parlé, je m'en excuse, mais cela mettra en lumière toute leur importance.
La CDI tient compte de l'ampleur des attaches des Inuvialuits au territoire et aux étendues d'eau de leur région désignée ainsi que de l'utilisation traditionnelle qu'ils en font. Compte tenu de cela, la CDI confère aux Inuvialuits le droit préférentiel ou exclusif de chasser toutes les espèces sauvages, à l'exception de certains oiseaux migrateurs, partout sur le territoire et les eaux de la région désignée. La CDI a établi des structures de cogestion de la faune et des pêches, et la responsabilité de désigner les membres incombe également au gouvernement et aux Inuvialuits. On les appelle communément « organismes de cogestion ».
Le Conseil de gestion du gibier et les organismes de cogestion de la CDI ont élaboré et mis en œuvre avec succès des ententes internationales et des mesures nationales semblables, comme l'entente relative aux ours polaires liant le Canada et l'Alaska, qui date d'un peu plus de 20 ans et a été renouvelée il y a un certain nombre d'années. Encore une fois, l'instrument vise à assurer la mise en commun de l'information et la coordination des travaux de recherche qui portent sur les ours polaires dans la mer de Beaufort.
Le plan de gestion du béluga de la mer de Beaufort désigne un processus semblable de collaboration entre nos collègues de l'Alaska et nous-mêmes dans cette région.
Le CMGP, de concert avec le Conseil de gestion du gibier et l'IRC, discute actuellement de l'adoption d'une position commune avec Pêches et Océans Canada à l'égard des groupes d'intérêt américains qui s'emploient à imposer dans la mer de Beaufort canadienne un moratoire sur la pêche commerciale semblable à celui en vigueur dans la section de la mer située sur le territoire de l'Alaska.
Actuellement, il n'y a pas de quotas de pêche commerciale en haute mer dans la zone canadienne de la mer de Beaufort. Le CMGP et le CGG participeraient pleinement à tous les aspects de l'établissement de tels quotas si on envisageait de prendre cette mesure.
Les changements climatiques survenus dans la région ont modifié de façon importante la région désignée des Inuvialuits. Parmi ces changements, on compte l'augmentation du niveau des océans et l'érosion côtière ainsi que, l'érosion du fleuve Mackenzie et de son delta, autant de problèmes qui contribuent à l'augmentation des taux de mercure dans les bassins d'eau douce et d'eau salée; la fonte du pergélisol à l'origine du soulèvement et de l'effondrement du sol qui a touché l'infrastructure de certaines collectivités; des tendances météorologiques imprévisibles; des conditions glacielles dangereuses; la perturbation des habitudes de migration de la faune; l'introduction d'espèces prédatrices envahissantes, dont de nouveaux insectes dans le Nord; et le recul des banquises, qui ouvre la voie à de plus grosses tempêtes provenant de l'océan.
De nouvelles maladies commencent aussi à apparaître. Le Conseil de l'Arctique chapeaute un organisme dirigé par M. Alan Parkinson. Il exerce ses activités à Anchorage et préside l'organisme de surveillance qui communique des renseignements à des organismes de santé situés partout dans l'Arctique circumpolaire afin de contrôler les maladies nouvelles et émergentes.
Les changements climatiques ont aussi donné lieu à une augmentation des activités maritimes et touristiques, à de nouvelles activités de prospection minière, pétrolière et gazière et à des projets de développement. Ces activités ne sont pas toutes nécessairement négatives, à condition qu'elles soient menées avec circonspection, de façon à ce que le développement survienne graduellement et que les personnes directement touchées puissent y participer véritablement et en tirent profit.
Pratiquement tous les travaux de recherche sont liés à des intérêts internationaux ou universitaires. On accorde très peu de financement en vue de soutenir les travaux de recherche sur les ressources marines renouvelables — et c'est là où je voulais en venir plus tôt — pour tenter de combler certaines de ces lacunes. Il faut qu'on accorde plus de ressources pour soutenir les ressources marines de la région et d'autres secteurs d'intérêt régional mentionnés dans les documents dont j'ai parlé plus tôt. La greffière a reçu ces documents, ou la majorité d'entre eux.
L'augmentation des travaux de recherche à cet égard contribuerait grandement à la compréhension de l'écosystème de la mer de Beaufort et témoignerait de la souveraineté du Canada dans cette région.
L'amélioration de la communication et de l'adoption de priorités de recherche avec les collectivités sont essentielle, tout autant que la transmission aux régions des résultats annuels, afin qu'elles puissent les examiner et en profiter. ArcticNet a adopté ce processus. Je ne sais pas si tout le monde ici connaît ArcticNet, mais c'est un organisme régi par le Centre d'excellence nationale qui mène différents projets de recherche dans l'Arctique canadien. Son conseil d'administration est composé d'une multitude de représentants de l'industrie, des Inuits, du milieu universitaire et des organismes gouvernementaux, entre autres.
Le conseil d'administration d'ArcticNet s'était entre autres engagé à présenter les résultats aux régions, mais il ne l'a pas encore fait, et l'organisme en est maintenant à sa septième année d'activité.
Vous vous étiez enquis au sujet du Projet gazier Mackenzie et de la mise en valeur des ressources extracôtières. Le Projet gazier Mackenzie, bien que modeste en lui-même, est important, car il ouvre la voie à de nouveaux projets de mise en valeur et d'exploitation des hydrocarbures. Il s'agit d'un projet d'envergure lorsqu'on l'envisage sous cet angle, mais il vise surtout l'exploitation terrestre du gaz naturel; il y aura certains problèmes à l'égard des eaux intérieures et des pêches, mais les répercussions environnementales générales immédiates de la mer de Beaufort seront limitées.
La principale préoccupation tient aux engagements sans précédent pris ces dernières années à l'égard de la prospection pétrolière au large. Imperial Oil Limited a engagé presque 600 millions de dollars en vue d'explorer la mer de Beaufort. British Petroleum a consacré une somme d'environ 1,2 milliard de dollars à cette fin, ce qui dénote un intérêt important des multinationales pétrolières à trouver des réserves pétrolières supplémentaires sur des territoires gouvernés par des alliés politiques.
Un obstacle important à la mise en valeur des hydrocarbures dans la région tient à l'absence totale d'un port en eau profonde fonctionnel aménagé dans la mer de Beaufort canadienne. La prospection et l'exploitation extracôtières exigent tout un éventail de navires de soutien et de navires de haute mer spécialisés. De tels bâtiments doivent avoir accès à un port eau profonde pour éviter que l'on doive recourir à la solution peu commode et non efficiente qui consiste à introduire les navires dans la région chaque été et de les en retirer à la fin.
L'emplacement géographique de la collectivité de Tuktoyaktuk est idéal pour combler cette lacune, mais il faudra une intervention du gouvernement fédéral et d'autres parties pour régler les problèmes d'envasement survenus ces dernières années.
Plusieurs questions à la source d'importantes préoccupations — comme les activités de prévention et d'intervention liées aux déversements d'hydrocarbures — qui doivent faire l'objet de travaux de recherche et de planification avant la mise en valeur des ressources pétrolières extracôtières ont été définies dans le cadre de processus récents de planification maritime effectués dans le cadre de la gestion intégrée des océans, du plan d'action stratégique régional de la mer de Beaufort et de la BREA. Pourtant, le gouvernement ne voit pas l'urgence de trouver les ressources financières nécessaires pour remédier à ces problèmes.
Je ne suis pas certain de l'ampleur des connaissances du comité à cet égard, mais il y a, à l'heure actuelle, environ 500 millions de barils de pétrole de réserves connues au large dans la mer de Beaufort. Ce n'est qu'une question de temps avant qu'on commence à les exploiter. Le Canada a intérêt à voir ces ressources exploitées, bien sûr, mais il a aussi intérêt à réduire au minimum les incidences négatives possibles.
Mon sommaire et mes conclusions sont les suivantes : le gouvernement fédéral dit toujours que les nordistes doivent participer pleinement à l'exploitation durable des ressources du Nord et en tirer profit. Malgré ce refrain politique, on reconnaît bien peu le besoin connexe de s'assurer que les menaces que ces activités d'exploitation font peser sur l'environnement et le mode de vie nordiques sont bien comprises et sont esquivées ou atténuées avant même que commencent les activités d'exploitation.
Encore une fois, je souligne que les répercussions sociales du Projet gazier Mackenzie seront visées par le Fonds d'atténuation des effets du PGM, mais que l'expansion des activités extracôtières n'ont toujours pas suscité une attention politique concrète.
Actuellement, notre savoir collectif lié à l'environnement de la mer de Beaufort et aux effets de l'exploitation des ressources extracôtières sur cet environnement et les gens qui en dépendent depuis des générations comporte d'énormes lacunes. Il faut combler ces lacunes.
Il faudra que le Canada prenne de véritables engagements visionnaires à l'égard de l'Arctique canadien pour qu'il gère correctement des enjeux comme la prospection et l'exploitation au large, l'exploitation minière, la pêche commerciale à grande échelle, le transport de marchandises et les pêches. Nous devons aussi accroître notre connaissance de l'environnement, de l'écosystème et, plus important encore, collaborer avec les résidents de l'Arctique canadien pour combler les besoins de tout le monde.
La base de connaissance pour la prise de décisions gouvernementales est limitée, et il en va de même du contact avec les peuples autochtones du Nord; et il faut laisser le Nord élaborer ses propres politiques plutôt que d'isoler les personnes les plus touchées. Un processus à long terme visant à atténuer les effets sur l'environnement tout en augmentant le niveau de vie des nordistes est aussi nécessaire. Il faut respecter l'Arctique, son environnement et son peuple, car il s'agit d'une région unique en son genre.
J'ai remis au personnel et au président des documents supplémentaires qui décrivent les quatre régions et collectivités inuites du Canada ainsi que les voies susceptibles de servir au commerce et au transport dans l'Arctique canadien. Ces renseignements proviennent de la récente Évaluation de la navigation maritime dans l'Arctique du Conseil de l'Arctique. J'ai aussi fourni une carte circumpolaire de l'évaluation circumpolaire, tirée des activités pétrolières et gazières du Conseil de l'Arctique, qui illustre toute l'étendue et l'ampleur des activités d'exploitation qui peuvent être entreprises dans l'Arctique canadien aussi. Pardonnez-moi de la qualité médiocre de ces copies. Les documents originaux figurent dans les rapports dont j'ai parlé.
Les Inuvialuits sont un peuple fort et dynamique qui continuera à s'adapter, mais, en tant que Canadiens, nous devons assurer l'avenir de la diversité dont nous sommes si fiers. Quyanainni. Merci beaucoup.
Le sénateur Cook : Merci de votre exposé. Vous avez fait allusion, dans votre discours, à la frontière canado- américaine controversée dans la mer de Beaufort. J'aimerais que vous en parliez davantage. Que devrait faire le Canada? Enfin, à quel point cet enjeu est-il important pour les gens qui habitent ici?
M. Smith : Je n'ai que ma propre compréhension de la situation et mon évaluation de celle-ci pour m'éclairer.
Je crois comprendre que les États-Unis estiment que la ligne devrait s'étendre dans cette direction, tandis que le Canada affirme qu'elle devrait simplement suivre les limites de latitude et de longitude. Une zone d'environ 5 000 pieds carrés est en litige.
Bien sûr, la principale raison de la dispute tient au fait que l'industrie a découvert dans cette région d'importantes réserves potentielles de pétrole et de gaz. Les deux pays ont, par le passé, donné le feu vert à des sociétés multinationales pour qu'elles explorent ces zones, mais aucune activité de prospection n'a jamais eu lieu, car, lorsqu'un pays s'y adonne, l'autre pays porte plainte en faisant valoir qu'il n'est pas habilité à permettre ces activités. Les sociétés pétrolières surtout, mais les sociétés gazières aussi, ont les mains liées dans cette situation, et finalement, il ne se passe rien.
Quant à l'incidence sur les gens de la région, tout d'abord, il y a d'immenses navires qui traversent constamment la mer de Beaufort et sont susceptibles de nuire à l'environnement dont nous dépendons tant. Les Inuvialuits et les autres Autochtones, pas seulement au Canada, se voient comme une partie de l'écosystème. Ce qui touche l'écosystème aura aussi une incidence sur nous.
Dès qu'il est question d'exploiter les ressources extracôtières, plus précisément celles de la région, qui revêtent une importance particulière pour les bélugas et les baleines boréales et différentes espèces de poissons, il peut y avoir des répercussions négatives sur ces espèces et notre mode de vie dans la région. De plus, l'hiver, certains de ces grands navires sont périodiquement ancrés au large d'un parc national, le Parc national Ivvavik dont j'ai parlé plus tôt, et d'un site international de l'ONU et un parc territorial à l'île Herschel. Alors, on ne se sent pas tout à fait à l'aise lorsqu'on constate que ces choses peuvent avoir lieu juste à côté des parcs.
Le sénateur Cook : Si je comprends ce que vous dites, il est vraiment important que les gens qui vivent là-bas aient un mot à dire lorsque le Canada conviendra enfin d'une ligne de démarcation avec les États-Unis. Avez-vous eu la possibilité d'apporter des commentaires à cet égard jusqu'à maintenant?
M. Smith : Autant que je sache, le seul dialogue entrepris était à l'échelon diplomatique supérieur de chaque pays — entre Ottawa et Washington, principalement.
Cela dit, il y a longtemps que le Canada et les États-Unis collaborent lorsqu'il s'agit de mener des activités, dont la plus récente, entreprise par le Louis S. St. Laurent et un navire américain, visant à cartographier le large du bassin nord-américain.
Par exemple, si vous pouviez vous déplacer dans cette région, vous verriez un poteau d'environ cette taille, et il s'agirait du pilier canadien qui indique que vous êtes au Canada, puis, quelques pieds plus loin, vous verriez ce qui est essentiellement un gratte-ciel pour indiquer que l'on entre en territoire américain. Cela symbolise en quelque sorte une mentalité Big Brother, et, si le Canada veut asseoir sa souveraineté territoriale, alors nous devons aller sur place et entretenir ces installations. Comme je l'ai dit plus tôt, nous devons assurer une présence plus soutenue là-bas : il s'agit non pas de bomber le torse et d'annoncer un déploiement militaire, mais de prendre calmement l'initiative; ensuite, nous dirons que nous avons fait ceci ou cela dans la région, puis nous poursuivrons nos activités. Nous devons être plus actifs dans la région.
Le sénateur Cook : Vous dites qu'il y a une grande réserve de pétrole et de gaz dans la zone qui fait l'objet du conflit. Alors, il est possible qu'aucun permis ne soit délivré pour le forage d'exploration. Qui délivrerait le permis? Ce serait le premier facteur déterminant, n'est-ce pas?
M. Smith : Eh bien, c'est justement le problème. Je ne peux pas dire qu'il y a des réserves connues. Autant que je sache, on parle de réserves non prouvées.
Beaucoup de navires ont entrepris des activités de prospection sismique par le passé dans cette région. On l'a permis, mais, lorsqu'il est question de forage, tout s'arrête. On n'a jamais permis de forage dans cette région.
Le sénateur Cook : Estimez-vous que vous devriez faire partie du processus qui permettra de faire avancer les choses?
M. Smith : Dès qu'il y a une activité à ce chapitre, en vertu de notre convention définitive, nous pouvons intervenir par le truchement de nos processus d'étude et d'examen environnementaux. Ce n'est pas un droit exclusif des Inuvialuits, mais c'est quelque chose que nous avons négocié et qui a convenu avec le gouvernement du Canada, afin que nous puissions participer véritablement à ce processus.
Le processus d'étude et d'examen environnementaux est assorti de l'obligation de rendre des comptes aux collectivités, afin que des particuliers et des organismes comme le mien puissent exprimer leur point de vue et leurs opinions sur cette question, lorsqu'une telle chose se produira.
Le président : Soyons clairs. Concernant la zone en cause, vous estimez avoir le droit d'être consultés et d'exercer une certaine influence sur la suite des événements?
M. Smith : Oui, c'est cela, principalement parce que avons la Convention définitive des Inuvialuits. Le gouvernement du Canada reconnaît notre utilisation et notre occupation traditionnelles de la région. Encore une fois, la convention définitive prévoit différentes mesures, comme le Comité mixte de gestion de la pêche, le Comité d'étude environnementale et, si on en arrive à ce point, le Bureau d'examen des répercussions environnementales, tous régis par la CDI, qui nous permettent effectivement de participer.
Le président : Il ne nous reste plus qu'environ 10 minutes, alors ce serait bien si nous pouvions être brefs dans nos questions et nos réponses.
Le sénateur Hubley : Merci beaucoup, monsieur Smith, de votre exposé. Comme nous avons peu de temps, j'aimerais que vous vous prononciez — et peut-être que vous donniez plus de détails — sur quelques-uns des points exposés et que vous nous expliquiez ce que vous estimez être la solution.
À la deuxième puce — je vais lire ce passage — vous avez dit que, actuellement, notre savoir collectif lié à l'environnement de la mer de Beaufort et aux effets de l'exploitation des ressources extracôtières sur cet environnement, et cetera, comporte d'énormes lacunes. Vous avez ajouté que la base de connaissances pour la prise de décisions gouvernementale est limitée et qu'il en va de même pour les contacts avec les peuples autochtones du Nord. À la dernière puce, vous dites qu'il faut laisser le Nord élaborer ses propres politiques plutôt que d'isoler les personnes les plus touchées.
Ce sont des recommandations très fortes, et je perçois quelque chose de troublant ici, à savoir la possible exclusion des peuples du Nord dans la prise de décisions.
Nous entendons parler de travaux de recherche scientifique qui sont en marche. Comment ces études font-elles leur chemin dans le système? Va-t-il y avoir par conséquent une meilleure coopération entre les organismes nordiques ou les organismes gouvernementaux? Je me demande si vous pourriez commenter cet aspect.
M. Smith : Où vais-je commencer?
Le sénateur Hubley : Je l'ignore. Peut-être que je devrais revenir en arrière. C'est peut-être trop large comme question.
Je crois que nous nous penchons précisément sur les lacunes.
M. Smith : Je vais tenter de répondre à la plupart de vos questions. Quant aux énormes lacunes auxquelles j'ai fait allusion, je parle des travaux de recherche actuels du Comité mixte de gestion de la pêche et du ministère des Pêches et des Océans qui ont pour objet les espèces marines de la région. La plupart des travaux de recherche portent sur des espèces côtières et des espèces de grande taille, comme la baleine boréale, le béluga et le phoque. Ensuite, il y a des travaux de recherche marine qui portent sur des espèces qui migrent vers différentes masses d'eau pour hiverner, se reproduire, et cetera.
Aucun travail de recherche ne porte sur les mollusques et crustacés, le hareng ou la morue, qui se trouvent surtout en haute mer, toute l'année. Ces espèces ont été identifiées par des organismes de pêche exploratoire qui veulent venir ici pour mener des activités. Nous aurions dû y voir un risque et dire que nous n'avons pas assez d'information et que, par conséquent, nous ne pouvons pas délivrer de permis d'exploration avant d'en savoir plus.
Le CMGP a depuis mis sur pied un processus en collaboration avec le MPO pour établir une démarche étape par étape. Pour mener des activités de pêche exploratoire, l'organisme doit se soumettre au processus, capturer une très petite quantité et fournir des échantillons au MPO — pour qu'il puisse connaître l'âge, la qualité des espèces, et cetera – avant de pouvoir bénéficier de quotas plus généreux. L'approche adoptée est très prudente. Encore une fois, nous devons attendre et voir ce qui se produira lorsqu'un permis de pêche exploratoire sera délivré, ce qui n'est pas arrivé jusqu'à maintenant. Nous devrions jouer un rôle plus proactif dans la détermination de ces zones et nous charger de ces travaux de recherche nous-mêmes.
La majeure partie de la zone extracôtière de l'Arctique canadien, à l'exception de celle de la mer de Beaufort, n'est même pas cartographiée. Nous voulons dire que le passage du Nord-Ouest est sur le territoire canadien, mais nous ne savons même pas comment y naviguer et ne connaissons pas la profondeur des eaux de la majeure partie de cette région. Nos propres compagnies de transport maritime les connaissent, et, dans bien des cas, ce sont des eaux très peu profondes.
Et si les glaciers continuent de reculer comme ils le font, des multinationales diront : « Eh bien, retranchons 5 000 milles du trajet et naviguons par le passage du Nord-Ouest. Ensuite, ils finiront peut-être par s'échouer, car il n'existe aucune carte et aucune donnée sur la zone extracôtière. C'est le genre de travaux de recherche que nous devons effectuer, et cela démontrerait aussi que nous possédons cette information et que la zone nous appartient.
Le président : Il faut garder à l'esprit que, selon des témoignages entendus plus tôt cette semaine, si la tendance se maintient, si nous n'obtenons pas plus de ressources, la cartographie du passage du Nord-Ouest prendra encore 50 ans.
Le sénateur Hubley : Je vais m'arrêter ici pour cette question, mais je tiens à vous remercier d'avoir expliqué si clairement l'incidence des changements climatiques sur votre collectivité. J'aimerais aussi souligner le fait que vous avez décrit votre relation étroite avec la glace, que vous considérez non pas comme un obstacle, mais comme une partie intégrante de votre mode de vie. C'est quelque chose que nous tenons peut-être pour acquis, mais qui est très important aux yeux des gens du Nord.
M. Smith : Merci d'avoir relevé ce point. J'aimerais seulement attirer votre attention sur le rapport, que j'ai publié l'année dernière en ma qualité de membre du Conseil de l'Arctique, intitulé The Sea Ice is Our Highway. Il s'agit d'un rapport très dense qui ne porte que sur le Canada, même s'il a été produit au nom de l'Inuit Circumpolar Council dans son ensemble.
Le sénateur Raine : Merci beaucoup d'être ici. Je me demande si vous pouvez me donner un peu plus de renseignements sur l'arsenic et les mines situées à Yellowknife. Combien avez-vous dit que le gouvernement fédéral dépense dans le but de contenir l'arsenic?
M. Smith : Au cours des 40 années d'exploitation de mines d'or dans la région de Yellowknife, on a accumulé de l'arsenic qui a été entreposé dans des cavernes abandonnées situées dans les mines. Les mines ont depuis cessé leurs activités et se remplissent de l'eau qui provient du suintement, du drainage, de la pluie, et cetera. Le gouvernement fédéral — AINC, en l'occurrence — est maintenant tenu de s'assurer que l'eau n'inonde pas ces mines. Il dépense près de 200 millions de dollars chaque année pour s'assurer que les mines ne sont pas inondées et pour mener des études visant à trouver de nouvelles méthodes d'entreposage.
Le gel du sol de façon permanente, à l'aide de ce qu'on appelle une thermistance, est la dernière technologie sur laquelle il s'est penché. Vous pourrez voir des thermistances dans les environs. Ce sont de longues perches ancrées dans le sol qui ne semblent pas servir à grand-chose, mais elles régissent la température sous le sol pour qu'elle reste sous le point de congélation. C'est ainsi que nous tentons de régler les problèmes d'infrastructure aussi, lorsque des collectivités vivent sur le pergélisol.
Le sénateur Raine : C'est tout de même ahurissant lorsqu'on songe au fait que le gouvernement doit continuer à dépenser autant d'argent à cause d'un produit de vidange abandonné par les mines qui ne se souciaient pas des déchets qu'elles produisaient.
M. Smith : C'est pourquoi je dis qu'il faut mettre au point la technologie et se procurer des ressources adéquates avant de donner le feu vert à différents types d'exploitation minière, pétrolière et gazière dans l'Arctique, environnement déjà très fragile.
Le sénateur Raine : Jusqu'à maintenant, avez-vous pris connaissance de données vous donnant à penser que l'exploitation des sables bitumineux nuirait à la qualité de l'eau du fleuve Mackenzie?
M. Smith : Encore une fois, on assure, à quelques endroits le long du fleuve Mackenzie, une surveillance de la pollution de l'eau. Je ne sais pas trop si le contrôle porte sur des agents chimiques ou des produits précis qui seraient générés par les sables bitumineux en tant que tels. Mais, comme je l'ai dit plus tôt, les taux de mercure dans le fleuve Mackenzie sont montés en flèche, pour tout dire. La source est inconnue. On a déterminé que cela était partiellement causé par l'érosion, qui libère naturellement le mercure du sol, mais cela n'explique pas pourquoi les taux ont tant augmenté sur une si courte période.
Quant aux sables bitumineux, il faudrait consulter l'entente sur le drainage pour voir où toute l'eau est drainée. Elle ne s'écoule pas nécessairement toujours dans le fleuve Mackenzie. Elle peut aussi s'écouler dans d'autres réseaux hydrographiques des Territoires du Nord-Ouest, même jusqu'en Saskatchewan.
Le sénateur Raine : La Garde côtière dispose d'un organisme auxiliaire, et je crois comprendre que celui-ci peut contribuer au confinement initial et à d'autres activités du genre parce qu'il est sur place. Les collectivités de votre région comptent-elles des membres de la Garde côtière auxiliaire?
M. Smith : Non. Il y a un bureau ici qui ouvre ses portes au printemps et les ferme à l'automne. Il y a des conteneurs dans la région, mais l'état de ces conteneurs et de l'équipement de nettoyage est inconnu. J'ignore à quelle fréquence on mène des inspections. On le fait peut-être de façon régulière, mais on ne procure aucune formation ni aucun renseignement aux collectivités, et on ne rassure pas l'ensemble de la région à cet égard.
Le sénateur Raine : En fait, j'ai peut-être tort au sujet de la Garde côtière auxiliaire. S'attache-t-elle à l'intervention environnementale ou à la recherche et au sauvetage? C'est surtout la recherche et le sauvetage, je crois.
D'accord, nous mentionnons dans notre rapport, j'imagine, que c'est un problème pour vous. Parce que c'est absolument déplorable si ces conteneurs sont là et qu'ils ne sont pas bien entretenus.
M. Smith : Il y en a un dans la collectivité de Paulatuk, le seul pour l'ensemble de la région. Autant que je sache, il y en a un autre à Gjoa Haven aussi. Je ne connais pas bien leur état.
Le sénateur Raine : Il n'y en a pas à Tuktoyaktuk?
M. Smith : Il y en avait un avant. Je ne connais pas son état non plus. C'est ce que je veux dire. Il faut rassurer les membres de la collectivité et de la région et leur dire que nous avons cet équipement et qu'il est en bon état, qu'il est facilement accessible et qu'on offre une formation. C'est le genre de chose qu'il faut faire.
Le président : Monsieur Smith, quelle est votre relation avec BP et Exxon?
M. Smith : Ma relation?
Le président : Non, pas vous, votre organisme.
M. Smith : Eh bien, elle s'inscrit surtout dans le cadre du Projet gazier Mackenzie. Nous avons conclu une entente avec Imperial Oil afin qu'elle atténue l'incidence sociale négative, nous offre une formation, nous consente un modeste financement pour un programme de bourses d'études et loue notre territoire. Il en est ainsi parce que, lorsque le Projet gazier Mackenzie sera mis en œuvre, s'il est mis en œuvre un jour, le pipeline traversera des terres privées inuvialuites. De plus, en vertu de notre CDI, nous devons jouer un véritable rôle dans l'économie nordique et nous avons négocié avec les représentants de la société une entente relative à l'accès et aux avantages dans le cadre du projet lui-même.
Le président : Alors, ces mesures sont en place?
M. Smith : Oui.
Le président : Avec les deux sociétés?
M. Smith : Avec Imperial. BP ne fait pas partie du Projet gazier Mackenzie.
Le président : D'accord, mais BP est au large.
M. Smith : Oui.
Le président : Entretenez-vous une relation avec BP?
M. Smith : C'est une préoccupation, car nous avons tenté d'insister sur le fait que des PE sont en vigueur avec d'autres sociétés d'exploration extracôtière ou l'ont déjà été.
Ironie du sort, notre différend concerne Imperial Oil, et le gouvernement fédéral ne reconnaît pas notre droit à cet égard. C'est une question au sujet de laquelle nous discutons avec toutes les parties, et nous insistons sur le fait que nous avons besoin d'être rassurés dans une certaine mesure.
Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, avant toute activité importante d'exploitation extracôtière, nous devrions essayer de clarifier comment les habitants de la région en profiteront et nous assurer qu'ils feront face seulement aux répercussions négatives qui découleront du projet.
Le président : Chers sénateurs, notre temps est écoulé, mais il y a d'autres groupes de témoins, et je suis certain que nous aurons des questions pour eux.
Monsieur Smith, merci. Vous nous avez beaucoup aidés. Vous nous avez donné beaucoup d'information utile, et nous vous en savons gré.
Nous allons entendre M. Billy Storr, du Conseil de gestion du gibier.
Monsieur Storr, parlez-nous un peu de vous-même et de votre organisme.
Billy Storr, Conseil de gestion du gibier : Bonjour. Je suis ici au nom du Conseil de gestion du gibier. Le Conseil de gestion du gibier est responsable de l'intérêt collectif des Inuvialuits au chapitre de la faune et de l'environnement. Le conseil est composé d'administrateurs issus des six collectivités inuvialuites et d'associations locales de chasseurs et de trappeurs.
Le CGG a appris tout récemment que cette séance allait se tenir et n'a pas eu le temps de préparer un mémoire exhaustif. Les travaux du comité sont axés sur la Garde côtière canadienne, alors c'est de cela que nous traiterons.
Puisqu'il n'y a pas d'« organisme d'intervention » dans l'Arctique Canadien, le document « Niveaux de service et normes de service » de la Garde côtière canadienne prévoit que celle-ci est tenue d'assurer une capacité d'intervention primaire au Nord du 60e parallèle. Ces dernières années, dans la région, on craint de plus en plus qu'il n'y ait aucune véritable capacité d'intervention en cas de déversement d'hydrocarbures au large dans la mer de Beaufort canadienne. Et cette préoccupation est probablement partagée avec le Nunavut et partout ailleurs dans l'Arctique.
Plusieurs facteurs sont à l'origine de cette préoccupation grandissante, dont l'absence d'un organisme d'intervention de l'industrie, l'augmentation des activités de transport maritime occasionnée par la diminution de l'étendue et de l'épaisseur de la couverture des glaces de mer, l'absence actuelle dans la région de matériel d'intervention en haute mer et de personnel dûment formé et les activités de prospection sismique en cours et les désirs de l'industrie de forer dans les eaux profondes de la mer de Beaufort.
Il y a plus de dix ans, la Garde côtière a établi des conseils consultatifs régionaux pour assurer la communication avec le public. Ces conseils relèvent maintenant de Transports Canada.
Au fil des dernières années, la région a demandé à de nombreuses reprises — par l'entremise du conseil consultatif régional de l'Arctique — de connaître le type, l'état, l'emplacement, la mobilisation et le temps de déploiement du matériel de confinement de déversements pétroliers susceptible d'être utilisé en haute mer. Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas reçu de réponse à cette question, et il en va de même pour le comité consultatif régional, d'après ce que nous savons.
Nous croyons savoir en outre que la plupart de ce matériel se trouve en Ontario. Cela ne nous rassure pas quant au caractère adéquat ou opportun du confinement d'un éventuel déversement pétrolier.
Nous croyons aussi comprendre que le Conseil consultatif national de Transports Canada, composé des présidents des conseils consultatifs régionaux, a demandé un examen public entièrement indépendant du régime d'intervention en cas de déversement pétrolier au Canada. Nous espérons que cet exercice aura lieu bientôt, surtout si la cadence des activités d'exploitation en haute mer augmente dans la région.
Si la Garde côtière canadienne a besoin de ressources supplémentaires pour honorer cet aspect de son mandat, on devrait sérieusement songer à les lui accorder en priorité.
La Garde côtière canadienne a dans certaines collectivités des conteneurs de matériel d'intervention en cas de déversement pétrolier en haute mer pour assurer, par exemple, le transfert de carburant quai-navire. Comme on considère les collectivités comme les premiers intervenants, la Garde côtière canadienne a entrepris de donner une formation communautaire, mais, ces dernières années, cela semble avoir cessé.
On a toujours besoin d'intervenants qualifiés dans la collectivité, et, encore une fois, si le problème tient à un manque de ressources de la Garde côtière canadienne, ce problème devrait être réglé en priorité.
Le sénateur Cochrane : Je sais que vous vous êtes surtout attaché à d'autres choses, comme les déversements d'hydrocarbures, entre autres, mais parlez-moi un peu des changements climatiques, s'il vous plaît. Qu'avez-vous observé en matière de changements climatiques dans la région?
M. Storr : Les changements climatiques ont probablement modifié, à bien des égards, la façon dont les gens chassent aujourd'hui. Par le passé, nous apprenions les méthodes de chasse traditionnelles. Maintenant, avec les changements climatiques, les connaissances que nous ont transmises nos ancêtres et notre peuple concernant la façon de nous rendre à notre territoire de chasse ne sont plus applicables aujourd'hui. Nos moyens de transport sont différents, le choix du moment est différent — pour toutes nos chasses.
À titre d'exemple, il y a des endroits où nous avions l'habitude de chasser l'oie. Nous nous déplacions sur la glace au printemps, et maintenant, cette pratique n'est plus sécuritaire. C'est vraiment imprévisible. La glace n'est plus aussi épaisse, alors les déplacements sont plus compliqués, plus difficiles et plus dangereux.
Le sénateur Cochrane : Nous venons d'entendre parler du taux de mercure — peut-être imputables à l'érosion — du fleuve Mackenzie et de la possibilité de nouvelles maladies. Avez-vous des données récentes à ce sujet?
M. Storr : Je ne suis pas certain. Pas à ma connaissance.
Le sénateur Cochrane : C'est un sujet dont nous a parlé notre témoin précédent.
Parlez-nous des déversements d'hydrocarbures. Vous n'êtes pas muni du matériel d'intervention nécessaire, entre autres choses, mais, s'il y a un déversement d'hydrocarbures, l'industrie ne s'en charge-t-elle pas?
M. Storr : Seulement si l'industrie est dans la région, mais ce n'est pas l'industrie qui s'adonne à la prospection sismique par forage. L'industrie ne participe pas aux transferts de carburant, qui ont lieu parce que beaucoup des collectivités côtières se font livrer leur carburant par des barges. Le temps d'intervention que nous considérons comme idéal n'est pas la réalité.
Le sénateur Cochrane : Combien de temps? Quel est le délai d'intervention?
M. Storr : Rien n'est en place en cas de déversement majeur dans l'Arctique. La capacité d'intervention la plus proche se trouve en Ontario, je crois, ce qui prendrait probablement une semaine.
Le sénateur Cochrane : Cette réalité est nouvelle, toutefois.
Le sénateur Raine : Hier, nous avons visité l'établissement de la Garde côtière à Hay River et nous avons vu où le matériel de confinement des déversements d'hydrocarbures est entreposé. C'est très bien organisé, tout est bien répertorié, et un programme est en place en cas de déversement.
J'étais absolument convaincue qu'on savait exactement qui était dans les parages pour identifier les gens de l'industrie impliqués dans le déversement, ce qu'ils pouvaient faire, ce dont ils avaient besoin, et qu'on interviendrait. On a parlé de déploiement en cascade, de sorte que la prochaine vague d'équipement proviendrait de Sarnia. Elle serait envoyée au même moment, mais serait décalée.
J'étais convaincue qu'on avait mis en place de très bons plans. De toute évidence, on ne peut pas avoir de l'équipement partout, parce qu'il n'y a tout simplement pas assez de ressources, mais si une méthode permettant de dépêcher rapidement le matériel sur les lieux du déversement est établie...
M. Storr : Je ne sais pas si nous avons la même définition de « rapide », parce que Hay River est loin d'ici. Paulakuk est encore plus loin, et il y a encore des endroits plus loin, aux confins de notre région.
Le sénateur Raine : C'est intéressant, parce que tant de voix réclament des ressources, et il y a tant d'enjeux que, dans une certaine mesure, il doit y avoir une façon d'établir des priorités. On pourrait dépenser des millions et des millions de dollars pour installer tout au long de la côte de multiples entrepôts d'équipement qui ne seraient jamais utilisés.
M. Storr : C'est vrai.
Le sénateur Raine : Alors l'essentiel, c'est d'entreposer cet équipement à un endroit où on peut s'en saisir rapidement.
Quoi qu'il en soit, il serait intéressant de vous faire entrer en communication avec les gens de Hay River, pour que vous puissiez voir ce dont ils disposent vraiment.
M. Storr : Oui.
Le sénateur Raine : Y a-t-il une Garde côtière auxiliaire dans la région?
M. Storr : Il y en a une à Inuvik. Pour ce qui est de l'intervention, les premiers intervenants étaient autrefois des résidents locaux, mais ils sont partis depuis, et la pratique a cessé; maintenant, si on faisait venir quelqu'un, ce serait toujours du Sud.
Compte tenu des conditions météorologiques ici, tout ne fonctionne pas toujours sans heurts, vous savez. Habituellement, un incident est causé par le mauvais temps ou au climat difficile auquel est soumis l'équipement.
Le sénateur Raine : J'imagine que l'une des choses difficiles est de vivre dans la crainte de ce qui adviendra et de ne pas être certain d'être prêt.
M. Storr : Oui, c'est l'une des préoccupations du conseil de gestion du gibier.
Le sénateur Raine : Je peux imaginer. Merci.
Le président : Juste pour revenir sur un point, vous avez raison, c'est vrai que nous avons entendu, à Hay River, que l'équipement était sur place et qu'il y avait une méthode pour le dépêcher sur les lieux de l'incident et que des membres de la collectivité auraient été chargés de l'intervention initiale. On nous a dit que la Garde côtière auxiliaire et les Rangers — force est d'avouer qu'une collectivité ne compte qu'un nombre limité d'habitants et, habituellement, ces personnes sont membres de l'un ou l'autre des organismes —, mais on nous a laissés croire qu'il y avait certainement des gens dans la collectivité qui étaient chargés d'amorcer l'intervention.
Toutefois, il est vrai qu'ils doivent disposer d'équipement. S'il n'y a pas d'équipement dans la collectivité, on ne peut pas commencer à intervenir avant que l'équipement arrive.
M. Storr : C'est exact.
Le président : C'est ce que nous ont dit les gens de Hay River hier, et je suis étonné. Alors, quelle était la réponse au sujet de la Garde côtière auxiliaire? Qu'avez-vous dit à ce sujet?
M. Storr : Je ne suis pas certain.
Le sénateur Hubley : Il a dit qu'il y avait une unité à Inuvik.
Le sénateur Raine : Je crois que nous commençons à nous dévier du sujet. La Garde côtière auxiliaire était chargée de la recherche et du sauvetage.
Le président : Oui, mais nous avons tout de même appris à Hay River que des gens étaient prêts. Les gens de la société hydroélectrique sont peut-être les premiers intervenants, mais il y a des gens dans la collectivité qui doivent amorcer l'intervention, mais qui, de toute évidence, ne peuvent pas le faire sans équipement.
Le sénateur Cook : Selon les témoignages entendu à Hay River, des gens ont été embauchés par contrat pour assurer la liaison entre Hay River et les sites de déversement potentiels. Si un plan avait été établi avec les entrepreneurs locaux ou quelqu'un d'autre, alors le premier intervenant était à son poste. Le premier intervenant est celui qui provoque le déversement et ne commence pas à nettoyer, est-ce exact?
Le sénateur Raine : Je regarde mes notes d'hier et je me souviens clairement d'un témoin qui disait que sa plus grande difficulté était de dissiper cette croyance du public selon laquelle ces personnes peuvent être sur place du jour et au lendemain.
Le président : Serait-il utile d'inviter la Garde côtière à témoigner?
Le sénateur Raine : Bien sûr.
Le président : D'accord. Est-ce que quelqu'un aimerait le faire? Non? Alors, y a-t-il d'autres questions?
Le sénateur Cook : Les répercussions des changements climatiques seront de plus en plus importantes en raison de l'accroissement du trafic et de la population dans le passage du Nord-Ouest. Croyez-vous que, à un moment donné, vous ne serez plus capable de vivre de la terre, c'est-à-dire des produits de la chasse ou de la trappe?
M. Storr : Il devient de plus en plus difficile de vivre de la terre. Encore aujourd'hui, beaucoup de gens vivent de la terre. Ils sont de moins de moins nombreux en raison de la présence accrue de l'industrie dans la région, mais il y a toujours des gens qui vivent de la terre, du moins partiellement. Il n'est plus vraiment possible de vivre complètement de la terre.
Le sénateur Cook : À mesure que l'industrie s'implante sur ce territoire, avec tous les problèmes que cela suppose, est-ce que, d'après vous, votre peuple perd sa capacité d'exercer les activités permettant de vivre de la terre autrement qu'à temps partiel, dans un cadre sportif, et cetera? Vous ne dépendrez plus de la terre pour assurer votre subsistance, je crois que cela est un fait.
M. Storr : Oui.
Le sénateur Cook : Que faites-vous pour atténuer les effets de ce changement?
M. Storr : Nous tentons de faire en sorte que le plus grand nombre possible de personnes demeurent sur le territoire.
Le sénateur Cook : Nos jeunes sont moins susceptibles de devenir des chasseurs et des trappeurs, n'est-ce pas? Un très grand nombre de personnes viendront du sud du pays pour s'installer dans la région du fleuve lorsque les activités de prospection de pétrole et de gaz, et tout ce qui en découle, entreront dans une phase de forte expansion. Je suis très préoccupée par les mesures que vous prenez pour faire la transition d'une époque à une autre.
M. Storr : Je présume que l'industrie a une incidence considérable sur nombre de personnes qui vont vivre sur les terres. Il y a de moins en moins de personnes pour transmettre aux jeunes les connaissances dont ils ont besoin pour vivre des produits de la terre et conserver un mode de vie traditionnel.
Le sénateur Cook : L'adaptation au changement représente un défi, n'est-ce pas?
M. Storr : En effet.
Le président : Merci beaucoup d'être venu ici, Votre témoignage nous a été très utile. Vous avez soulevé quelques problèmes, et vous avez fourni quelques réponses. Je vous en remercie.
Accueillons maintenant Ethel Blondin-Andrew, présidente de Sahtu Secretariat, qui a été ma collègue à la Chambre des communes, où nous avons siégé en même temps pendant quelques années. Nous avons vécu de bons moments ensemble, et je suis très heureux qu'elle soit de retour ici à titre de membre du secteur du service communautaire. Elle est accompagnée de Howard Townsend, conseiller foncier pour le Sahtu Secretariat. Nous allons commencer par écouter leur témoignage, puis nous leur poserons quelques questions.
Ethel Blondin-Andrew, présidente, Sahtu Secretariat : Merci, monsieur le président. Pour paraphraser Yogi Berra, j'ai l'impression d'avoir déjà vu ce déjà vu.
Je suis très heureuse d'être ici et de rencontrer les membres du Sénat. Je ne me souviens plus si, au cours des 17 années que j'ai passées au Parlement, j'ai déjà assisté à une réunion d'un comité sénatorial — c'est arrivé peut-être une ou deux fois. C'est un véritable plaisir d'être ici. Les questions sur lesquelles vous vous penchez me tiennent beaucoup à cœur.
Tout d'abord, nous venons de la région du Sahtu, qui ne fait pas partie de la région de la mer de Beaufort, mais qui fait partie de son réseau hydrographique. La région du Sahtu est située près de l'un des plus grands lacs du monde, le Grand lac de l'Ours. Notre région longe également le fleuve Mackenzie.
M. Townsend travaille pour notre organisation, le Sahtu Secretariat Inc., dont je suis la présidente. Il s'agit d'une organisation spécialisée dans les revendications territoriales, comme le Conseil tribal Gwich'in et la Société régionale Inuvialuit. Chaque organisation présente des revendications régionales distinctes et de grande ampleur. En outre, une de nos organisations est responsable de la mise en œuvre de la surveillance de ces revendications.
Nellie Cournoyea est la présidente de la Société régionale Inuvialuit, et Richard Nerysoo est président du Conseil tribal Gwich'in. Quant à moi, je suis présidente de l'organisation qui s'occupe de la région du Sahtu. J'ai bouclé la boucle : je suis retournée vivre dans les collectivités de ma région d'origine après avoir passé 17 années au Parlement, dont 12 à titre de membre du Cabinet. Je suis très heureuse de vous voir.
Aux personnes qui me demandent si je m'ennuie du Parlement, je réponds que je m'évertue à ne pas m'en ennuyer, car si l'on peut sortir du Parlement, il est plus difficile de sortir le Parlement de soi : il devient une part de vous-même. Il est malaisé de quitter le Parlement et de ne pas se sentir concernée par ce qui s'y passe. Je n'ai ménagé aucun effort et j'ai travaillé sans relâche pour mes mandants, et je crois qu'il est très satisfaisant de voir comment le travail effectué au Parlement et au Sénat se concrétise sur le terrain.
Venons-en aux sujets sur lesquels vous nous avez demandé de nous pencher, à savoir le rôle de la Garde côtière, la Stratégie pour le Nord du Canada, les changements climatiques, la cogestion des pêches, la gestion intégrée, la recherche scientifique et le projet gazier Mackenzie. Je me ferai un plaisir de suivre les directives que l'on m'a données, et nous tenterons d'être dignes de l'invitation que vous nous avez faite.
Vous vouliez également en savoir davantage à propos de nos organisations — j'ai déjà dit quelques mots là-dessus — et de nos interactions. Je dois vous dire que des membres des organisations de notre région, à savoir le Conseil tribal Gwich'in, la Société régionale Inuvialuit et Sahtu Secretariat Inc., rencontrent à titre d'experts les représentants du gouvernement territorial et fédéral pour discuter de certains enjeux. Nous avons également mis sur pied un forum des leaders du Nord pour échanger sur des questions fondamentales. C'est de cette façon que nous interagissons.
Si un problème survient dans le secteur de l'aménagement de la faune, par exemple avec le caribou, nous nous rencontrerons pour en discuter. Nos représentants se réunissent pour aborder les sujets les plus divers et les plus variés.
En ce qui concerne les pêches, les bons résultats que nous avons obtenus et les problèmes auxquels nous faisons face sont attribuables à une kyrielle de facteurs, y compris quelques-uns de ceux que vous avez mentionnés plus tôt.
Cette photo de mon diaporama montre un des paysages que l'on peut observer dans la région du Sahtu. On y voit la Grande rivière de l'Ours, qui s'écoule du Grand lac de l'Ours et se jette dans le fleuve Mackenzie. Le réseau hydrographique de notre région est énorme, et les rivières prennent leur source à différents endroits. Il s'agit d'un lieu tout à fait exceptionnel.
La Garde côtière ne se rend jamais sur cette rivière, mais mon père, qui pilotait un bateau à roue pour la Société de transports du Nord Limitée, la STNL, qui appartient à présent aux Inuvialuits, y naviguait souvent. Il transportait fréquemment du minerai en provenance de la mine jusqu'au Grand lac de l'Ours, dont je vous présenterai une photo un peu plus tard, sur un bateau comme celui que l'on peut voir sur cette photo, le Radium Franklin. À cette époque, le minerai était transporté sur la rivière de la mine jusqu'au fleuve Mackenzie, d'où il était ensuite transporté sur diverses voies navigables. Toutefois, cela a changé au fil des ans.
Il s'agit donc d'un lieu très spécial de la voie maritime. Les Dénés considèrent qu'il s'agit du lieu de la création du monde. La montagne que vous voyez ici se nomme Bear Rock et est située près du fleuve Mackenzie. De l'autre côté, on trouve trois peaux de castor et quelques-uns des symboles importants pour ce peuple. Je pense qu'il s'agit également d'une zone protégée. Ce peuple a une foi inébranlable en sa culture, et il tient fermement à ses lieux sacrés, dont celui-ci fait partie.
En ce qui concerne le rôle de la Garde côtière, je tiens à mentionner que, sur le plan personnel, j'entretiens des liens très étroits avec la Garde côtière. On dirait qu'il manque une diapo à ma présentation PowerPoint. Elle portait sur les fonds destinés à soutenir la Garde côtière. Je voulais dire quelques mots là-dessus, et la diapo contenait des chiffres et énonçait un certain nombre de problèmes. Je voulais parler du démantèlement du Louis S. St. Laurent.
Mon défunt frère Charlie a travaillé sur le Louis S. St. Laurent. Pendant de nombreuses années, il a travaillé pour la Garde côtière, et, à maintes reprises, il a passé Noël en mer, que ce soit sur le Macdonald, le CGS Eider ou le Louis St. S. Laurent. Il était employé dans la salle des machines, et il partait pour de très longues périodes. Pour un jeune Déné, il s'agissait d'un rôle hors du commun, d'une situation tout à fait inhabituelle. Au sein de la Garde côtière, bon nombre de ses collègues étaient des francophones. Certains de ses meilleurs amis ont pris leur retraite, et, par conséquent, je suis extrêmement préoccupée par le sort réservé à la Garde côtière puisque je suis réellement convaincue que les gens qui y ont travaillé ont vécu une expérience dont nous pourrions tirer profit.
Je suis tout à fait favorable à la restructuration du capital de la Garde côtière. Selon moi, il faut investir des sommes importantes dans la Garde côtière. J'estime qu'elle a joué un rôle crucial en ce qui a trait aux changements climatiques et à la recherche scientifique dans le Nord, de même qu'au chapitre de la souveraineté et de la sécurité du territoire. Pour l'essentiel, je crois que les autres ministères devraient prendre le travail accompli par la Garde côtière comme point de départ ou l'intégrer à leurs activités. Tout ce qui entoure la Garde côtière me tient donc beaucoup à cœur.
Ce n'est pas un secret, les gouvernements qui se sont succédé ont tous eu leur propre idée pour ce qui est de la restructuration du capital de la Garde côtière. Je crois qu'il s'agit d'une question permanente avec laquelle tous les gouvernements ont été aux prises et qui deviendra encore plus brûlante avec les changements climatiques et l'ouverture du passage du Nord-Ouest.
Passons maintenant à la Stratégie pour le Nord du Canada. Je suis arrivée à Inuvik en 1958 pour étudier dans un pensionnat. À cette époque, la marine était installée dans cette région. La présence de militaires faisait en sorte que la ville était prospère et grouillante d'activités. Partout où ils s'installent, les militaires exercent une influence et jouent un rôle inestimables. Pour moi, cela était très positif. Leur présence se faisait sentir tant dans les sports que dans les centres de service communautaires. De plus, cela assurait une présence canadienne dans la région. Je suis d'avis que rien ne vaut la présence de militaires pour revigorer notre sentiment d'appartenance au Canada, sauf peut-être les sports et, pourquoi pas, la Garde côtière.
À l'heure actuelle, je vis à Norman Wells, et nous avons évoqué l'idée d'un projet visant à revigorer Inuvik. J'ai toujours voulu que Inuvik dispose d'un centre d'excellence sur les changements climatiques. C'était mon avis, et je l'exposerai de manière très honnête. J'en avais discuté avec Mme Cournoyea à maintes reprises, parce que la population d'Inuvik a toujours été intéressée à posséder sa station de recherche scientifique du Nord de l'Arctique et que c'est une chose à laquelle je tenais beaucoup.
Je viens de retrouver la diapo qui me manquait un peu plus tôt. Les montants qui y figurent ont été fournis par l'organisation de la Stratégie pour le Nord du Canada. Une somme de 720 millions de dollars est prévue pour l'achat d'un nouveau brise-glace de classe polaire, destiné à remplacer le Louis S. St. Laurent. J'aimerais bien parler du démantèlement prévu en 2017, mais Dieu seul sait où je me trouverai à ce moment-là. Quelque 20 millions de dollars seront affectés au cours des deux prochaines années pour établir la cartographie des fonds marins canadiens. J'estime que cela est d'une importance cruciale. D'après ce que m'ont dit quelques personnes sur le terrain, je crois comprendre que ce travail est déjà commencé, qu'on s'y affaire en ce moment même.
Pour ce qui est de la gestion des pêches, cela concerne principalement le Nunavut. Je ne peux pas parler au nom du Nunavut, mais quant à nous, nous faisons de la pêche commerciale dans la partie du Nord qui se trouve sur notre territoire. Pour nous, la pêche commerciale n'a pas été un échec sur toute la ligne, mais on ne peut pas parler non plus de réussite totale. Nous avons eu des problèmes avec la manière dont le système est organisé. Les prix sont fixés à Winnipeg ou je ne sais trop où, et cela pose toujours des difficultés.
Je suis certaine que, à titre d'ancien ministre des Pêches, mon collègue, le sénateur Rompkey, est bien au courant de ce problème, avec lequel nous sommes constamment aux prises. D'après moi, avant de commercialiser de quelque façon que ce soit la pêche sur le Grand lac de l'Ours, il est indispensable d'entamer des consultations plus étroites avec les gens qui vivent dans cette région afin de mettre en place un processus adéquat de fixation des prix établi sur de nouvelles bases.
La prochaine diapo concerne la déduction de 10 p. 100 pour les habitants de régions éloignées. Comme vous le savez, il s'agit d'un véritable problème. On m'a déjà dit que cette mesure pourrait être prise facilement, et pourtant, cela n'a toujours pas été fait. Selon moi, l'obtention de cette déduction va occasionner à la population le même genre de difficulté que la mise en place du programme Aliments-poste. Je crois qu'il sera très malaisé de fixer le montant de cette déduction, car le coût de la vie varie considérablement d'une collectivité à l'autre.
Nous sommes victimes de nos lacunes sur le plan des infrastructures. Nous n'avons pas l'équivalent d'une route Mackenzie. La situation est différente à Inuvik en raison de la route Dempster, mais hors saison, il y a des problèmes. Je crois vraiment qu'une étude très rigoureuse et comportant des calculs sérieux doit être menée sur la déduction pour les habitants de régions éloignées, de manière à évaluer les besoins non pas du Nord en général, mais les besoins propres à chacune des diverses collectivités du Nord, car les besoins sont très différents d'un endroit à l'autre.
Je serais surprise que nous obtenions quoi que ce soit, car chaque dollar pris en considération pour la déduction s'applique aux différentes régions, et je pense que cela serait assez compliqué à faire.
Le président : À titre informatif, j'aimerais simplement souligner que la déduction pour les habitants de régions éloignées est une déduction fiscale qui s'applique dans toutes les régions du Nord du Canada. Au départ, cette déduction était applicable au logement et au transport. À présent, et depuis quelques années, tous ces résidents peuvent s'en prévaloir, et elle vient tout juste d'être bonifiée.
Mme Blondin-Andrew : Vraiment?
Le président : Oui, au cours de la dernière législature. Il s'agit peut-être d'une autre augmentation, mais je sais que la déduction a été bonifiée au cours de la dernière législature.
Mme Blondin-Andrew : En fait, cela est plus compliqué qu'il n'y paraît. Il s'agit d'une question fiscale.
Le président : Il s'agit d'une déduction fiscale, en effet.
Mme Blondin-Andrew : Ce type de déduction n'est jamais facile à mettre en œuvre. En l'occurrence, je crois que le problème réside dans le fait que le montant de la déduction varie selon les régions. Des sondages passablement compliqués sont menés. On demande aux répondants d'indiquer s'il y a des routes dans leur région de résidence, ou bien s'ils vivent à Yellowknife, ou au lac Colville, ou à Deline, ou au Grand lac de l'Ours, ou bien à Paulatuk. Le montant de la déduction varie en fonction du lieu de résidence.
Le président : Elle varie selon le degré d'éloignement.
Mme Blondin-Andrew : Exactement. En tant que politicienne, j'ai été minée par cette question de la déduction pour les habitants de régions éloignées et par les problèmes liés au programme Aliments-poste. Ces deux problèmes n'ont toujours pas été réglés.
Passons à un autre sujet. Quelque 34 millions de dollars ont été affectés pour les deux prochaines années à des activités de cartographie géologique. À mon avis, cela est extrêmement important, surtout si l'on tient compte du rôle que je joue au sein de la Société foncière du district de Tulita. Ce groupe est propriétaire des terres. Avec l'aide de M. Townsend, nous décidons de donner ou non accès aux terres aux divers groupes qui en font la demande. Nous administrons l'accès aux terres. Le district de Tulita, les conseils de district et les sociétés foncières locales en retirent des avantages. Cela est assez intéressant.
Les activités liées à la cartographie sont très importantes. Nous croyons que nous accusons un retard considérable au chapitre des recherches sismologiques et, à bien des égards, au chapitre de la recherche géologique. Lorsque je siégeais au Parlement, un jour, j'ai entendu des gens dire que, dans le Nord, nous avions 100 ans de retard. J'ignore si les sommes engagées seront suffisantes pour renverser la vapeur, mais je sais que chaque dollar investi à cette fin est un dollar bien dépensé. J'ai tendance à être un peu frondeuse sur ce sujet. J'aimerais que davantage d'efforts soient déployés en la matière.
Un mot sur la prorogation du crédit d'impôt de 15 p. 100 pour exploration minière. Selon moi, toute mesure visant à aider et à soutenir l'exploration est bonne, à la condition qu'une consultation en bonne et due forme ait été menée.
Dans la vallée du Mackenzie, on connaît bien les effets des changements climatiques. À Tuktoyaktuk, où j'ai vécu de nombreuses années, l'érosion est un problème majeur. Les écarts de température sont devenus considérables. La météo est imprévisible. Elle fait sentir ses effets sur le style de vie de notre population. Dans notre coin de pays, nous devons redoubler de prudence parce qu'il y a une pléthore de choses différentes que nous devons prendre en considération. De plus, les changements climatiques font en sorte que nous devons veiller à ce que les activités d'exploration soient effectuées avec toute la précaution voulue.
Vous voyez cette photo? Lorsque je la regarde, je pense à la façon dont le territoire est exploité. Il y a une véritable fébrilité à prendre possession du territoire. On y accède à l'aide de quads, de véhicules tout-terrain, sans tenir compte du fait qu'on y trouve du lichen, dont se nourrit le caribou. Des véhicules tout-terrain descendent de la montagne en provenance de Yellowknife, de Whitehorse, de l'Alberta et de la Colombie-Btritannique et passent sur une partie de notre territoire, près de la borne kilométrique 222, sur la route Canol. Il s'agit d'un lieu de pâturage des caribous. Lorsqu'ils passent, ces véhicules endommagent le sol et détruisent l'habitat du caribou.
Il s'agit d'un problème avec lequel il est vraiment difficile de composer. Nous croyons que les conseils sur les ressources renouvelables que nous avons constitués parviendront à régler le problème. En réalité, ce qui se passe directement sur les terres où nous vivons revêt une très grande importance pour nous, au même titre que ces problèmes permanents que constituent les changements climatiques et, de façon plus générale, l'adaptation à ces changements.
J'imagine qu'il est possible d'affirmer que le climat se réchauffe plus rapidement dans les Territoires du Nord-Ouest que dans la plupart des autres régions du monde. Dans la région subarctique, la fonte de la couverture de neige et la dislocation des glaces surviennent plus tôt au printemps. En outre, nous recevons plus de pluie que nous n'en avons jamais reçu par le passé, puis cette pluie gèle, et ensuite, nous recevons de la neige, et encore de la pluie qui gèle par la suite, et encore de la neige après cela. Cela a des répercussions pour les caribous et les orignaux, qui ne peuvent plus atteindre leur nourriture sous cette épaisse couche glacée. Les animaux en pâtissent et les humains aussi.
Les gens ont peine à le croire, mais nous dépendons véritablement des aliments traditionnels pour assurer notre subsistance. Une pléthore de gens qui vivent dans le sud du pays seraient incapables de survivre si le prix de leurs denrées était aussi élevé qu'il l'est dans les collectivités éloignées.
Ainsi, selon moi, dans la mer de Beaufort, les principales conséquences des changements climatiques sont la dégradation de la glace de mer et les effets de ce phénomène sur les espèces qui vivent sur la glace, par exemple les ours polaires. Lorsque nous nous trouvions à Iqaluit, un scientifique nous a dit que, à un certain poids, une ourse pourrait avoir deux ou trois oursons. Si son poids descend un peu, elle n'en aura que deux. Si son poids est encore plus bas, elle n'en aura qu'un, et à partir d'un poids précis, elle devient incapable d'en avoir. Cela est très problématique. Cela est dû en grande partie au fait que les ours n'ont plus accès à leurs zones d'alimentation régulières. Je suis donc bien au fait des répercussions considérables qu'ont les changements climatiques sur les espèces animales.
La dégradation du pergélisol fait sentir ses effets sur la construction et sur beaucoup d'activités qui se déroulent dans les collectivités.
Dans ma région, nous dépendons du réseau hydrographique pour nos déplacements, pour la chasse et pour nos activités traditionnelles, et la présence de contaminants constitue une véritable préoccupation. De l'uranium a été décelé dans le Grand lac de l'Ours et le long de la rivière qui y prend sa source.
Les forêts pourraient être touchées par les changements du niveau d'eau. On peut constater beaucoup d'érosion et une décongélation considérable du pergélisol. Si vous naviguez le long du fleuve Mackenzie, vous pourrez constater que la majeure partie des rives tombent dans la rivière. L'érosion fait des ravages et peut être décelée dans la plupart des phénomènes attribuables aux changements climatiques.
Le nombre de feux de forêt augmente, de même que le nombre d'infestations d'insectes, car la modification du climat fait en sorte que les feux de forêt détruisent tout simplement les arbres. Il en résulte des infestations.
Il s'agit là de phénomènes auxquels tout le monde doit s'adapter. Vous en avez amplement entendu parler, et je vais donc passer à un autre sujet.
En ce qui concerne la cogestion des pêches, le gouvernement doit travailler en collaboration avec la population pour mettre en place un système qui lui convient. Cela n'est pas facile à faire, car il existe déjà des conseils composés, en principe, de représentants de la population. Ces représentants sont parfois tenus de respecter une ligne de parti, et ils se sentent incapables de parler au nom des gens qu'ils sont censés représenter. Ils ont peut-être l'impression de ne pas pouvoir exprimer leurs opinions parce qu'elles ne cadrent pas avec le processus prévu. Je pense que c'est ce qui est en train de se passer actuellement avec nos pêcheries.
J'ai un certain parti pris. J'aime acheter du poisson de la région. Dans les rues de Yellowknife, on peut acheter d'importantes quantités de poissons directement des pêcheurs. Je crois que la vente et l'utilisation de ces produits doit bénéficier aux pêcheurs et aux exploitants pêcheurs qui vivent dans les collectivités.
Un régime de cogestion est donc une bonne chose. Les membres de la Commission du saumon viennent de la côte est et de la côte ouest, mais nous, nous sommes un peu trop au nord pour en faire partie. Si je ne m'abuse, nous participons à un certain nombre d'activités, n'est-ce pas, monsieur Townsend? Nous menons des études scientifiques, nous jouons un rôle à ce chapitre, et il y a une autre chose dont je suis incapable de me souvenir.
Howard Townsend, conseiller en aménagement du territoire, Sahtu Secretariat : Nous faisons également de la recherche scientifique par le truchement de l'IPI.
Mme Blondin-Andrew : Oui. Mais nos efforts demeurent dispersés, sans caractère global. Nous ne jouons pas un rôle important dans le secteur des pêcheries commerciales, contrairement à ce qui se passe au Nunavut et sur le Grand lac des Esclaves. Le Grand lac de l'Ours a toujours été un lieu de pêche non pas commerciale, mais traditionnelle. Dans le passé, une coopérative y achetait le poisson et le revendait dans la région, mais il ne s'agit pas d'une question brûlante chez nous.
Dans la région du Grand lac de l'Ours, la population a élaboré ce que l'on appelle le plan de gestion du Grand lac de l'Ours, en plus de mener une étude qui s'intitule, en anglais, « The Heart of the Lake, Fish Water Heart », où la question des pêcheries est abordée sous un angle très traditionnel.
Après la lecture de cette étude, j'étais complètement stupéfait : j'ai vécu à Deline, un village de pêche dont était originaire ma mère, et je n'avais jamais pris conscience de l'ampleur des connaissances traditionnelles que possèdent les gens de ce coin de pays. Ils ont une vision très précise de l'importance du poisson pour leur collectivité et pour le lac, et ils sont conscients du fait que la gestion du lac fait partie intégrante de cette vision. C'est un rapport fantastique. Nous pourrions probablement le distribuer aux membres du comité.
M. Townsend : Ultérieurement.
Mme Blondin-Andrew : Oui, nous veillerons à ce que vous receviez ce rapport, car il porte sur beaucoup de problèmes qui pourraient découler d'un régime de cogestion.
Le plan de gestion du Grand lac de l'Ours a été élaboré à l'appui d'une stratégie en matière de zones protégées dans le cadre d'un plan d'utilisation des terres. L'objectif consistait à ce qu'une portion de territoire soit déclarée zone protégée, mais les responsables de cette initiative n'ont obtenu aucun financement. C'est malheureux, mais ils n'abandonnent pas : ils ont affirmé qu'ils allaient malgré tout poursuivre leurs efforts.
Au lac Colville, on conserve les aliments de façon traditionnelle, à savoir en utilisant le pergélisol. À présent, même cette technique est probablement compromise. Elle n'est plus aussi efficace qu'avant. Récemment, je me trouvais à notre camp forestier, et je me suis rendue à l'endroit où mes parents enterraient toute leur nourriture. La terre y est toute érodée, et le pergélisol a complètement disparu. Cela complique donc encore plus les choses.
J'imagine que tous ces sujets et ces problèmes que j'ai abordés, à savoir les changements climatiques, la cogestion, et cetera, sont interreliés. Il ne s'agit pas de questions isolées et distinctes. Une grande partie de la solution à ces problèmes repose sur l'élaboration d'un plan de gestion intégrée conséquent. L'approche intégrée est plus efficiente et plus efficace et coûte moins cher que le travail en vase clos. D'après moi, il est important de garder cela présent à l'esprit lorsqu'on s'attelle à certaines tâches qui doivent être effectuées dans les collectivités.
À un échelon plus élevé, au moment d'élaborer des politiques et des programmes et de prendre des mesures à l'égard des problèmes courants, il ne faut pas non plus perdre de vue que l'approche intégrée est probablement la plus efficace. En fin de compte, il se peut que vous passiez à côté de quelque chose et que l'on vous dise de régler le problème et de tout recommencer, mais je pense qu'il est nécessaire d'envisager sérieusement l'adoption d'une approche intégrée lorsque vient le temps de faire face à certains des problèmes que j'ai évoqués.
En tant que politicienne ou même en tant que personne, je n'ai jamais voulu parler de choses qui ne touchaient pas une corde sensible chez moi ou qui ne me tenaient pas vraiment à cœur. La recherche scientifique est une chose à laquelle je tiens très profondément. Par exemple, j'ai toujours cru que les gens de la région du delta de la mer de Beaufort, dont je suis une grande admiratrice, étaient en avance sur les autres en raison de l'étude du plateau continental polaire et de l'Institut de recherche Aurora, que je connais bien puisque j'ai fait partie du conseil d'administration du collège Aurora. J'ai toujours pensé que les gens de cet établissement devaient faire preuve d'un dévouement sans égal et posséder des connaissances supérieures pour faire le genre de travail qu'ils sont appelés à accomplir.
J'ai la ferme conviction que la Garde côtière peut rendre d'énormes services. D'autres pays utilisent leurs bateaux pour faire ce genre de choses, et j'estime que l'un des rôles que peut jouer la Garde côtière consiste à nous aider à revigorer nos activités de recherche scientifique dans le but de conserver notre souveraineté.
D'après moi, la cartographie du fond marin ne doit pas être négligée à cet égard. Je suis persuadée que nous gagnerons à accentuer notre présence. C'est ce que font les Russes. Lorsque M. Smith et moi sommes allés en Russie, nous avons rencontré M. Chilingarov, qui est considéré comme l'un des grands explorateurs russes. Il a dit qu'il aimerait travailler avec les groupes autochtones partout au Canada. Cela m'a vraiment surprise, et il m'a semblé que cela était une excellente approche. Puis, un mois après notre départ, M. Chilingarov plantait un drapeau au fond de l'océan Arctique pour faire valoir les droits de la Russie sur ce territoire. Que faut-il croire lorsque quelqu'un nous tend généreusement la main? Je ne suis pas certaine, mais je suis convaincue que les Russes croient que le fait d'être en avance sur le plan de la recherche scientifique et d'occuper le territoire joue en leur faveur.
Je pense que le Canada est réputé pour la qualité de ses recherches scientifiques. Le Canada a signé un certain nombre de protocoles internationaux, qui concernent notamment les ours polaires, les caribous et diverses autres espèces. Nous devons poursuivre ce genre de travail.
Il faut continuer d'étudier les effets des changements climatiques sur les glaces. Cela est très important. Selon moi, l'Année polaire internationale a été également très utile à cet égard. Je suis d'avis que nous devons poursuivre ces travaux. Nous avons besoin d'argent pour la recherche scientifique.
Je fais partie du conseil d'administration de l'Université de l'Alberta, et je ne saurais assez dire à quel point les activités liées à l'Année polaire internationale ont stimulé le travail de différents groupes dans le Nord. Je suis d'avis que nous devons poursuivre sur cette lancée. J'estime que la recherche scientifique est une excellente façon de prouver, sans faire preuve d'agressivité, le bien-fondé de notre occupation et de notre utilisation du territoire et de justifier notre présence.
Parlons maintenant de la question de l'adaptation. Récemment, quelqu'un m'a dit qu'il était très inquiétant d'entendre parler d'adaptation en rapport avec les changements climatiques, dans la mesure où cela signifie qu'on ne peut pas régler le problème et qu'il faut donc apprendre à vivre avec. Dans certains cas, cela est vrai.
Je pense que vous en connaissez suffisamment à ce propos. Vous avez probablement entendu un grand nombre d'experts à ce sujet. Lorsque l'on traite de questions comme les changements climatiques et l'adaptation à ces changements, je pense que la consultation est importante. Au moment de déterminer les besoins et de brosser le tableau de la situation, les connaissances traditionnelles doivent être prises en considération.
Dans nos collectivités, il y a beaucoup de gens qui vivent sur le territoire depuis plusieurs générations. Ils ont une connaissance intime du territoire, du réseau hydrographique et du climat. Ces gens possèdent des connaissances traditionnelles, mais on en fait peu de cas.
Vous savez, à maintes reprises, les responsables d'un projet de pipeline ont consulté la population pour savoir quel était le meilleur endroit pour installer un croisement ou une station de compression. Si l'industrie veut s'implanter dans la région, je pense qu'il faudra tenir des consultations et tenir compte des connaissances traditionnelles de la même façon que cela se fait dans le Nord au chapitre de la recherche sur les changements climatiques et le développement des ressources.
Dans notre région, l'Office des terres et des eaux du Sahtu ne permettra pas à quiconque d'entreprendre un projet sans avoir mené au préalable une étude tenant compte des connaissances traditionnelles.
Au fil des ans, les gens qui habitent ces territoires ont acquis une expérience intime et des connaissances très poussées des conditions météorologiques, de l'état des terres, de l'habitat des animaux et de la croissance des végétaux sur leur territoire, et c'est la raison pour laquelle nous intégrons leurs connaissances traditionnelles dans bon nombre des projets de développement des ressources qui sont mis en œuvre.
Les gens doivent soumissionner. Les meilleures propositions doivent être rassemblées pour mener l'étude fondée sur les connaissances traditionnelles. Cela exige énormément de travail. En fait, à l'université où je travaille, il s'agit d'un des secteurs importants sur lesquels nous travaillons. Il s'agit donc d'un travail qui est effectué non pas seulement au niveau local, mais également à un échelon plus élevé — ce travail n'est pas laissé entre les mains d'un quelconque groupe d'intérêt purement local. L'industrie, les gouvernements, les universités et divers établissements participent à cette démarche, dont le rôle doit être reconnu.
Le sénateur Cochrane : Votre exposé était intéressant. D'après ce que vous avez observé, est-ce que les gens de votre collectivité, les plus jeunes, démontrent un certain intérêt envers la pêche et la chasse traditionnelles? Ou alors trouvez- vous qu'ils ne s'intéressent pas autant qu'on le voudrait probablement à ce que leurs aînés pourraient leur apprendre, notamment en ce qui a trait aux méthodes traditionnelles de chasse et de pêche? Peut-être que certains de ces jeunes vont simplement travailler dans les mines et à d'autres endroits où ils feront probablement davantage d'argent et qu'ils s'éloignent de cela. Avez-vous observé quelque chose du genre?
Mme Blondin-Andrew : Eh bien, je vois un peu de tout. Je vois des gens qui choisissent de travailler à salaire dans le secteur du développement, des mines, de l'exploitation pétrolière et gazière ou de la construction, quoi que ce soit du genre, puis je vois d'autres gens qui choisissent d'embrasser une carrière dans des secteurs professionnels comme l'enseignement, le travail social, et cetera.
Ce qui est intéressant, c'est que les gens les plus scolarisés que je connais mènent une vie parallèle à leur carrière très professionnelle. Mon mari et moi chassons et cueillons en tout temps. Si je n'ai pas pu venir ici hier, c'est notamment parce que je devais m'occuper de la viande d'un orignal que nous avons chassé avant qu'elle ne pourrisse. Hier, j'ai passé trois ou quatre heures à faire de la viande séchée. Qui s'en serait douté? Vous savez, cela endommage peut-être les mains, mais c'est bon pour la culture et le régime alimentaire.
À Deline, à Tulita, à Norman Wells, à Good Hope et lac Colville, nous attirons l'attention des jeunes sur la tenue de la chasse printanière et de la chasse automnale. Nous encourageons vivement tous les membres de la collectivité à y prendre part.
La chasse présente également une utilité pratique. En magasin, le bœuf, le poulet et le porc coûtent les yeux de la tête. Se rendre à la chasse coûte également cher, mais on en rapporte une viande plus maigre et meilleure pour la santé, et, vu la quantité, le coût de revient de cette viande est plus abordable.
Ce n'est pas une solution bon marché. Pour aller à la chasse, il faut avoir de l'argent. Le coût de l'essence est élevé, et une nouvelle motoneige coûte au bas mot 7 000 $, et ce prix peut grimper jusqu'à 15 000 $. Si vous voulez vous procurer un bateau à propulsion hydraulique pour transporter les gens qui veulent aller faire une chasse de grande envergure en haut de la rivière, vous devrez débourser 40 000 $. J'ai beaucoup de peine pour les gens qui ne possèdent pas le matériel et l'infrastructure nécessaires pour s'y rendre. Mais revenons à votre question. Vous vouliez savoir si j'observais une tendance dans un sens ou dans l'autre.
Ce que j'observe, c'est une combinaison des deux. Je vois des gens qui respectent vraiment leurs connaissances traditionnelles et qui les mettent en pratique pour améliorer leur style de vie moderne et toucher un revenu d'appoint. Je crois que les gens doivent s'approprier le territoire, pour leur bien-être tant spirituel que culturel.
Le sénateur Cochrane : Très bien. En ce qui concerne les changements climatiques, nous avons discuté avec des aînés qui nous ont dit qu'ils avaient l'impression qu'il s'agissait simplement d'un cycle. Qu'avez-vous à dire à ce sujet?
Mme Blondin-Andrew : Il y a deux écoles de pensée. Selon l'une d'entre elles, le monde, la Terre, change constamment. Cela est vrai. Mes connaissances traditionnelles ne sont pas suffisamment poussées pour que je puisse commenter les propos d'un aîné. Je respecte le rôle qu'ils jouent. Ce qu'ils disent est probablement vrai.
Que celui qui croit détenir la vérité ou la réponse à toutes les questions se lève et nous la dise. Quant à moi, je ne la possède pas.
Ce que je sais, c'est que l'environnement s'est dégradé. Je sais que certains phénomènes y ont contribué. De là à affirmer que tous les dommages sont occasionnés par l'activité humaine, c'est un pas que je ne franchirai pas. Je crois qu'il s'agit là d'une chose à laquelle nous devons réfléchir.
Le sénateur Raine : C'est un plaisir de vous rencontrer et de vous écouter.
Une nouvelle agence canadienne de développement économique du Nord vient d'être mise sur pied, et, puisque vous avez travaillé à Ottawa, je me demandais simplement si vous aviez obtenu des informations à propos de cet organisme, CanNor. À votre avis, comment cet organisme fera-t-il sentir ses effets sur les diverses collectivités de la région du delta du Mackenzie et dans l'ensemble de la région de la vallée du Mackenzie?
Mme Blondin-Andrew : Je suis également heureuse de vous rencontrer. Je ne sais pas si vous le savez, mais notre région est en quelque sorte la mecque du ski de fond. Des champions de cette discipline en sont issus.
Le sénateur Raine : Je sais.
Mme Blondin-Andrew : Beaucoup de bons skieurs viennent d'Inuvik. Si je ne m'abuse, les jumelles Firth sont originaires de la région d'Inuvik.
Le sénateur Raine : D'Aklavik et de Nanisivik.
Mme Blondin-Andrew : Je tenais simplement à le souligner parce que j'estime que c'est un honneur pour moi de vous rencontrer.
Le sénateur Raine : En fait, à ce sujet, j'ai été heureuse d'apprendre que Shirley Firth et son mari étaient retournés dans les Territoires du Nord-Ouest, et que, avec Sharon Firth, elle travaillait auprès des jeunes de la région. Cela est merveilleux.
Mme Blondin-Andrew : Tout à fait. Elles sont partout.
Pendant un nombre incalculable d'années, nous avons tenté de mettre en place dans le Nord l'équivalent de Diversification de l'économie de l'Ouest Canada. La région de l'Atlantique a sa fameuse APECA, le Québec a son ADECRQ, et il y a FedNor. Il y a donc diverses agences de développement économique un peu partout au pays.
Dans la plupart des cas, ces programmes sont financés à parts égales par le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial. Je crois que le programme que nous proposons est de ce type. Le hic, selon moi, c'est que les temps sont difficiles. Peu de projets de développement sont lancés ici en ce moment, et les gens ne nagent donc pas dans l'argent. Le gouvernement territorial ne serait probablement pas dans la position idéale pour verser en contrepartie la somme investie par le fédéral.
Je sais que ce programme est toujours piloté par Affaires indiennes. J'ai reçu quelques renseignements à ce sujet, mais probablement pas autant que si j'étais toujours membre du Parlement. J'ai hâte que quelqu'un vienne au bureau de Sahtu Secretariat Inc. pour offrir au directeur et au conseil une séance d'information sur ce programme.
On nous a offert d'assister à une séance d'information, mais nous n'avions pas le temps. Je crois qu'il s'agit d'une excellente possibilité. Cela sera une bonne chose. Le seul problème résidera dans le fait d'égaler la contribution du gouvernement fédéral. Mais c'est encore plus difficile de n'avoir aucun programme. Il est préférable d'avoir quelques problèmes que de ne pas avoir de programme du tout, et j'estime qu'il s'agit d'une excellente possibilité à exploiter. Dans d'autres régions, ce type de programme a très bien fonctionné.
Le sénateur Raine : S'agit-il d'une agence?
Mme Blondin-Andrew : Oui, une agence.
Le sénateur Raine : J'ignore si cette agence a reçu un mandat bien précis, mais il me semble que vous en êtes actuellement aux premières phases d'un certain développement et que vous avez besoin de mener des recherches pour obtenir des renseignements scientifiques de base. Il serait peut-être bien que cette cueillette de renseignements fasse partie du mandat de cette agence, surtout s'il s'agit d'une recherche portant sur un écosystème.
Un témoin nous a dit que les recherches allaient un peu dans tous les sens, et que les chercheurs étaient motivés par ce qu'ils voulaient apprendre, et non pas par les besoins des collectivités.
Mme Blondin-Andrew : Je pense qu'il y a une possibilité que l'Agence prenne cela en charge, mais il serait quelque peu présomptueux de ma part de dire qu'elle devrait s'en charger.
Avant de prendre une décision, j'estime que nous devons discuter avec les gens de la collectivité. Je ne suis qu'une des porte-parole de ma collectivité. Vous devez parler avec tous les dirigeants. Il y a un service économique au sein de chaque groupe de revendications territoriales, et il faut aussi discuter avec eux pour savoir comment ils s'intègrent au système qui est en train d'être mis en place.
Je souhaite que la consultation qui aura lieu sera une consultation en bonne et due forme, et qu'il ne s'agira pas simplement d'une conférence où on dit aux gens ce qui est en train de se passer. J'espère collaborer et coopérer avec ce genre de programme
Cela fait longtemps que nous entendons parler de ce programme et que nous cherchons à le mettre en œuvre. Le Nord était la seule région qui ne possédait pas encore une agence. Il sera donc intéressant de voir si cela produit des résultats. Je pense qu'il s'agit d'une bonne chose.
Le sénateur Hubley : Je sus ravie de vous revoir, Ethel. J'ai également été heureuse de rencontrer les autres porte- parole du Nord, des femmes, comme il a été souligné ce matin.
Quelques-uns des témoins que nous avons entendus ont fait état de lacunes avec lesquelles ils sont aux prises. Je me demandais si, à votre avis, compte tenu du fait que vous avez travaillé tant dans le secteur communautaire qu'au gouvernement, vous aviez pris conscience de l'existence de telles lacunes. Avez-vous été en mesure d'en déceler également dans le cadre de votre travail?
Mme Blondin-Andrew : Dans presque tous les domaines dont j'ai parlé, il y a un problème sur le plan de la capacité, de la capacité communautaire. Il s'agit d'une lacune importante. Nous ne disposons pas des ressources humaines et financières qui nous permettraient de faire ce que nous avons à faire. Nous avons besoin de ces ressources dans le cadre de l'autonomie gouvernementale, et nous en avons besoin dans le cadre de la mise en œuvre des accords sur les revendications territoriales. Nous devons posséder la capacité nécessaire pour gouverner nos collectivités et nos populations.
Par « capacité », j'entends le fait de posséder l'éducation ou les compétences nécessaires pour occuper certaines fonctions de façon assez satisfaisante pour être en mesure de diriger une entreprise de façon rentable ou d'être fonctionnel si vous travaillez au gouvernement. Il existe donc des lacunes à ce chapitre.
Nous sommes également victimes de lacunes sur le plan des infrastructures. Nous ne disposons pas du type d'infrastructure qui facilite le commerce, ni du genre d'infrastructure qui permet aux gens de jouer certains rôles, de mener certaines activités et d'occuper certaines fonctions comme ils le voudraient, même dans une petite ville canadienne.
Chez nous, le coût de la vie est très élevé. L'un des principaux problèmes avec lesquels nous sommes aux prises est le coût de l'énergie. Je parle de l'énergie qui permet de chauffer nos maisons, je parle de l'alimentation en électricité.
Le président : Avant de passer au sénateur Cook, j'aimerais savoir si quelqu'un dans la salle aimerait présenter un exposé à titre individuel. Nous avions prévu du temps pour cela. Je demanderais aux personnes intéressées à se manifester en levant la main.
Si personne n'est intéressé, nous poursuivrons avec Ethel et nous utiliserons le temps qui avait été prévu pour les exposés individuels. Comme je ne vois aucune main levée, nous allons poursuivre avec le sénateur Cook.
Le sénateur Cook : Comme mes collègues l'ont souligné plus tôt, c'est un plaisir de vous revoir. J'estime que votre exposé était très approfondi et très pragmatique. Vous avez bien fait ressortir les lacunes et les problèmes. Je crois que vous et les autres leaders du Nord êtes prêts à relever ces défis, mais comment pouvons-nous vous aider à vous occuper de vos priorités?
Vous avez certainement une liste de souhaits. Comment le Sénat peut-il vous aider à aller de l'avant et à mobiliser votre population? Si la population ne vous suit pas, ce sera un échec. Si vous aviez un souhait à formuler, quel serait-il?
Mme Blondin-Andrew : Je crois que nous avons besoin davantage de ressources. Dans presque tous les domaines dont j'ai parlé, il y a un manque de ressources.
Commençons par un gros morceau : la restructuration du capital de la Garde côtière. À mon avis, cela revêt une grande importance pour le Canada.
Les leaders du Nord ne sont pas étroits d'esprit, nous ne sommes pas centrés sur des intérêts exclusivement locaux. Nous voyageons beaucoup. En ce moment même, Mme Cournoyea se trouve à Halifax. D'autres leaders, comme M. Smith, ont voyagé partout dans le monde. Nous sommes allés un peu partout, nous avons vu du pays. Notre regard est tourné vers l'extérieur. Je suis originaire du Sahtu, mais j'ai vécu à Tuktoyaktuk, lorsque j'étais une jeune enseignante. Je suis vivement intéressée par ce qui est en train de se passer dans la région de Beaufort et partout dans le Nord.
Je tiens beaucoup à la restructuration du capital de la Garde côtière, parce que cela nous permettra de disposer de l'infrastructure et du matériel nécessaires pour mener les recherches scientifiques qui s'imposent. Nous avons besoin d'argent pour faire cela. Je suis une ardente partisane de cette mesure.
Nous avons besoin de fonds supplémentaires pour la recherche scientifique, et cela devra également être pris en considération. Comme le sénateur Raine l'a indiqué, nous devons nous assurer que les recherches ont une utilité pratique et qu'elles ne servent pas uniquement à un chercheur particulier qui veut poursuivre une quête de savoir purement individuelle. Il faut que les recherches scientifiques soient utiles.
Nous devons prendre les mesures qui s'imposent en matière de sécurité et de souveraineté. En tant que Canadiens, cela fait partie de notre obligation. Nous avons un rôle à jouer à ce chapitre. Il s'agit de notre territoire. À mon avis, pendant de nombreuses années, les Inuits ont occupé un territoire qui n'intéressait personne et ils ont joué un rôle énorme au chapitre de la souveraineté. C'est leur territoire, ils y vivent, et une telle réalité est plus éloquente que tous les discours.
Pour ce qui est des changements climatiques, nous avons besoin de plus d'argent pour prendre des mesures d'adaptation. À Tuktoyaktuk, l'érosion a atteint un point tel que certains endroits au bout de la pointe où nous vivions ont disparu.
Nous devons nous pencher sur l'élaboration de programmes pragmatiques à des fins d'adaptation. Je suis toujours d'avis que Inuvik devrait être le siège d'un centre d'excellence sur les changements climatiques et de la division sur la souveraineté et la sécurité. À cette fin, Sachs Harbour serait un lieu idéal, car à un certain endroit de cette région, on peut voir dans les deux directions. Ce serait un excellent point d'observation pour les bateaux et le lieu tout désigné pour exercer un certain type de fonction.
À mon avis, cela est très important. Les gens de ma région croiront peut-être que je suis folle, mais j'ai le vif sentiment de n'être pas simplement originaire de la région du Sahtu. C'est ma région natale, et je me dévoue à sa cause, mais je suis également canadienne, et j'ai la ferme conviction que la région de l'Arctique doit être bien représentée.
Il s'agit là de certaines choses qui posent problème. La région d'Inuvik doit en quelque sorte sortir de l'ombre. Nous devons faire sentir notre présence et contribuer à la recherche scientifique et aux activités touchant les changements climatiques, la sécurité et la souveraineté qui se déroulent dans la région du delta de Beaufort. Il y a beaucoup de choses qui peuvent être accomplies à ce chapitre.
Le sénateur Cook : Avez-vous eu l'occasion de communiquer avec le Conseil national de recherches du Canada?
Mme Blondin-Andrew : Personnellement?
Le sénateur Cook : Non, les dirigeants et les représentants de votre région. Ont-ils communiqué avec le CNRC au sujet de l'implantation d'un centre d'excellence ou de la tenue éventuelle d'un projet pilote?
Mme Blondin-Andrew : J'ignore comment nous pourrions nous y prendre, mais j'ai toujours été une grande partisane de cette idée. Je ne dis pas cela simplement parce que je vis maintenant dans la région d'Inuvik. Je dis cela parce que c'était déjà l'un de mes objectifs lorsque j'étais en politique.
À présent, je représente la population du Sahtu, et dans une perspective de politique canadienne, j'estime que nous devons rencontrer le plus de gens possible. Dans la région du delta de Beaufort, Mme Cournoyea et ses collègues sont prêts à rencontrer n'importe qui. J'aimerais souligner que je suis partisane de cette approche, qui consiste à rencontrer toutes les personnes qu'il faut rencontrer.
Le sénateur Cook : Je terminerai en disant simplement que nous vivons des temps difficiles sur le plan économique et que le gouvernement fédéral a mis en place beaucoup de programmes auxquels vous avez accès et dont vous pouvez vous servir pour que votre vision devienne réalité.
Le Sénat vient tout juste de mettre la dernière main à un rapport concernant la mise en place d'un modèle de santé publique partout au pays, et la personne que nous avons désignée pour diriger ce projet provient de l'Institut canadien d'information sur la santé. Cette personne est venue nous rencontrer, et elle était ravie d'accepter cette responsabilité et de mener cette tâche à bien. Si vous faites des recherches, vous pourriez trouver de l'aide dans les structures qui sont en place un peu partout.
Mme Blondin-Andrew : Eh bien, on en revient au problème de la capacité. Nous pourrions faire ce que vous nous proposez si nous disposions des ressources humaines nécessaires, car cela exige beaucoup de travail. Les gens croient qu'il est facile de trouver de l'argent. Pour réussir à financer ces ressources, il faut des gens dévoués prêts à investir du temps. Cela exige des années-personnes. Il est très difficile de trouver des gens qui sont prêts à faire de la recherche de financement en plus d'exercer leurs fonctions quotidiennes, quelles qu'elles soient. Parlez-en à M. Townsend — on lui demande constamment de faire des choses pour nous. C'est un véritable défi à relever. Tout le problème est là.
Les réponses à nos questions existent. De l'argent est disponible. Des programmes sont accessibles.
Le sénateur Cook : Oui, et vous pouvez y recourir. Nous aurions pu aller chercher quelqu'un à Statistique Canada, mais nous sommes sortis des sentiers battus et avons opté pour un membre de l'Institut canadien d'information sur la santé.
Mme Blondin-Andrew : Je vais devoir jeter un coup d'œil à ce rapport.
Le sénateur Cook : Il a été rendu public. Je peux vous en envoyer une copie si vous me remettez votre carte professionnelle.
Le président : Avez-vous des observations à formuler à propos du gazoduc Mackenzie? Il serait également utile de discuter de la zone qui fait l'objet d'un conflit dans la région de la mer de Beaufort, même si cette zone concerne probablement davantage la région d'Inuvialuit et de la présence de BP et d'Imperial.
Ma troisième question porte sur un sujet que nous avons abordé aujourd'hui, à savoir l'intégration. Nous n'avons pas réussi à nous faire une idée de la manière dont tous les programmes, tous les efforts et tous les projets de recherche sont coordonnés. En fait, ce que nous avons entendu dire, c'est qu'il n'y avait aucune coordination. Les étudiants réalisent leur mémoire de maîtrise sur le sujet qui leur plaît, et non pas nécessairement sur un sujet qui peut intéresser la population et lui apprendre quelque chose. Ainsi, la question que l'on doit se poser est la suivante, comment faire en sorte que tout cela soit intégré? À l'heure actuelle, on semble n'avoir aucune direction et s'éparpiller dans tous les sens — comment faire pour unifier tout cela? C'était ma troisième question.
Vous pourriez peut-être commencer par ma question sur le gazoduc Mackenzie.
Mme Blondin-Andrew : Parlons du gazoduc Mackenzie. Vous voyez cette diapo? Il s'agit d'une photo de Norman Wells, une ville où j'ai vécu dans les années 1950, lorsque j'étais une petite fille. À cette époque, il n'y avait pas d'île. Vous voyez les îles sur la photo? Ce sont des îles artificielles. Elles ont été placées à cet endroit pour récupérer le pétrole et le gaz du fond, ce que l'on appelle du forage dirigé. Cette technique permet d'aller chercher le gaz et les ressources sous l'eau et de les pomper à la surface.
Je vis à Norman Wells, et ce lieu serait l'un des principaux points de passage du gazoduc Mackenzie.
Au cours des trois dernières années, depuis que j'ai quitté le Parlement, j'ai collaboré à une étude socioéconomique assortie d'un budget de 64 millions de dollars. Cette somme provient d'un financement de 500 millions de dollars que nous avons reçu, à la suite de négociations, pour étudier et prendre des mesures d'atténuation dans la vallée du Mackenzie.
De manière à pouvoir faire passer leur gazoduc, les responsables du projet ont dû obtenir une autorisation des dirigeants de chaque village concerné. En échange de leur approbation, les dirigeants ont réussi à obtenir une somme de 500 millions de dollars, et la région du Sahtu a obtenu 64 millions de dollars de cette somme.
Nous avons donc rédigé un rapport. La région d'Inuvialuit, la région des Gwich'in, la région de Dehcho et la région du Sahtu ont toutes reçu une partie de cette somme de 500 millions de dollars.
Cela dit, des ententes d'accès ont été signées. Nous avons donné notre accord. À ma connaissance, le dernier groupe à avoir signé une entente d'accès était Fort Good Hope. Nous avons fait ce que nous devions faire. Pour le reste, cela ne dépend pas de nous.
Nous avons signé l'entente d'accès avec les producteurs. La prochaine étape, c'est le comité d'examen conjoint. Ce comité est en train d'examiner l'entente et tout ce qui l'entoure, et nous ignorons quand il aura terminé. Nous n'en avons aucune idée.
Nous verrons ce que ce comité a à dire au moment où il déposera son rapport. J'ai entendu dire que cela pourrait se produire en décembre, ou plus tôt, je l'espère. À ce moment-là, nous pourrons passer à la prochaine étape.
Le président : Quelle est la prochaine étape?
Mme Blondin-Andrew : Si tout cela ne se réalise pas très vite, nos ententes vont expirer. Et là, ce sera une toute autre paire de manches. Nous devrons probablement renégocier, ce qui représente une tâche considérable.
Une fois que le comité conjoint a terminé son rapport, celui-ci est transmis aux organismes de réglementation, qui doivent l'étudier. Ils examinent tous les rapports, ce qui représente, au total, environ 5 000 pages ou quelque chose du genre, puis ils transmettent leur rapport à l'ONE.
Il s'agit d'un processus complexe. Nous verrons bien ce qui va se passer. Nous ne sommes qu'un groupe parmi d'autres. D'autres groupes ont présenté des observations.
Le président : Avez-vous le sentiment d'avoir suffisamment de pouvoir et d'influence?
Mme Blondin-Andrew : À quel chapitre?
Le président : En ce qui concerne le gazoduc, dans l'éventualité où ce projet irait de l'avant.
Mme Blondin-Andrew : Eh bien, nous estimons avoir fait de notre mieux pour notre région pour ce qui est du processus d'atténuation mis en place dans le cadre des ententes d'accès que nous avons signées. Je ne peux pas parler en détail de ces ententes, qui ne sont pas présentées au public — elles ne concernent que nous et les promoteurs de projet. À titre de dirigeants, nous avons le sentiment d'avoir fait de notre mieux.
Nous ne voulions pas brader notre territoire ni nuire à notre population. Nous avons fait de notre mieux pour nos gens, et nous sommes heureux des résultats. Le hic, c'est qu'il y a des choses que nous ne maîtrisons pas. Nous n'avons aucune emprise sur l'évaluation du comité d'examen conjoint. Ses membres prennent leurs propres décisions. Ils font leur travail. C'est là que nous en sommes.
Le sénateur Cochrane : Pour quelles collectivités ces ententes seront-elles les plus avantageuses?
Mme Blondin-Andrew : Je crois que toutes les collectivités en retireront des avantages, mais d'abord, certaines choses doivent se produire. Nous devons posséder la capacité. Nous devons recevoir de la formation. Nous devons avoir la capacité de faire en sorte que des gens obtiennent leur premier emploi.
Vous savez, il ne faut pas manquer le bateau, car il ne repassera pas. Nous devons nous assurer que nos entreprises sont enregistrées et préqualifiées, de sorte que, si des acteurs importants de l'industrie s'installent dans la région, nous puissions établir avec eux des partenariats qui seront à l'avantage de notre région.
Notre groupe a évolué depuis que le projet de gazoduc a été présenté pour la première fois. Nous sommes rompus aux subtilités des affaires, et nous avons gagné en discernement. De plus, par le truchement de l'Aboriginal Pipeline Group, nous sommes propriétaires d'environ 30 p. 100 du gazoduc. Nous avons donc obtenu également une participation en capital.
Le sénateur Cochrane : Est-ce que les entreprises, les particuliers et les groupes ont pensé à tout cela? Est-ce qu'ils se préparent pour tout cela? Sont-ils prêts?
Mme Blondin-Andrew : Nous travaillons sans relâche. Nous continuons à travailler à l'essor de notre région et de nos entreprises.
Nous avons un comité consultatif conjoint. Il s'est réuni hier à Deline, dans notre région. Chaque région possède son propre groupe consultatif. Notre comité consultatif conjoint a rencontré hier des représentants d'Imperial Oil. J'ignore ce qui a été dit pendant cette réunion. J'ai déjà fait partie du comité consultatif conjoint à titre de représentante de notre région, mais, à présent, quelqu'un d'autre a pris ma place parce que j'ai trop d'autres engagements.
Le comité continue de se réunir et de rendre compte des progrès ou de l'absence de progrès.
Le sénateur Cochrane : Il est à espérer que les gens de votre région seront prêts.
Mme Blondin-Andrew : D'après moi, cela dépend de nous. Nous devons agir de façon très prudente. Si nous avons besoin de soudeurs, de plombiers et de techniciens, nous devons faire en sorte d'en former. Nous devons leur offrir dès maintenant une formation pour qu'ils obtiennent le Sceau rouge et un certificat de qualification.
Si nous voulons former des ingénieurs chimistes, nous devons orienter progressivement nos jeunes vers les secteurs professionnels concernés par la construction du gazoduc.
Le sénateur Raine : J'aimerais en savoir plus à propos de la région du lac Colville, la collectivité où Bern Will Brown a travaillé.
Mme Blondin-Andrew : Je me trouvais au lac Colville tout récemment, pour une réunion du Sahtu Secretariat Inc.
Voici une photo de Tulita, ma ville natale. En voici une de Deline. Lorsque j'étais petite, ces collectivités n'avaient même pas de bureau de conseil de bande digne de ce nom. On n'avait qu'un petit cagibi. Quant à notre centre de soins infirmiers, il avait environ la moitié de la taille du bâtiment que l'on voit sur cette photo. Il avait à peu près la taille de la table qui se trouve ici.
Voici une photo du lac Colville. Ce que vous voyez là, c'est la résidence de Bern Will Brown, l'église qu'il a construite. C'est très intéressant.
Le président : Pouvez-vous nous en dire plus sur cet homme?
Mme Blondin-Andrew : Bern Will Brown est un auteur et un artiste, une personne extrêmement talentueuse. Il est né aux États-Unis, et il s'est rendu dans le Nord pour exercer la prêtrise. Plus tard, il a défroqué, mais il n'a jamais quitté le lac Colville. Il est marié avec Margaret Steen, qui vient de Tuktoyaktuk ou d'Inuvik. Ils vivent et travaillent au lac Colville, et Bern Will Brown poursuit ses activités artistiques. C'est un grand artiste et un excellent auteur.
La collectivité du lac Colville est très petite et très isolée. La population du lac Colville présente beaucoup d'anomalies génétiques en raison du gaz. Paramount a mené des activités dans cette région pendant un bon moment, tout comme Apache. Cette région offre beaucoup de possibilités intéressantes au chapitre du développement.
Le président : Parlez-nous de la question de l'intégration et dites-nous si votre région ne s'éparpille pas un peu dans tous les sens. Toutes sortes de ministères sont présents. Il existe toutes sortes d'organisations autochtones. Il y a toutes sortes de problèmes, par exemple la recherche scientifique et la formation. Des projets sont en cours. Comment allez- vous unifier tout cela?
Bien sûr, Affaires indiennes et du Nord Canada doit diriger tout cela. Il n'en demeure pas moins que les activités vont dans tous les sens et ne sont pas vraiment intégrées. C'est simplement une idée que je lance, mais croyez-vous que la création d'un ministère de l'Arctique serait une bonne chose?
Mme Blondin-Andrew : Développement du Nord était censé jouer ce rôle.
Au fil des ans, on s'est posé beaucoup de questions à propos du rôle joué par le Nord, mais cela a changé. Des enjeux majeurs concernent le Nord, par exemple les questions liées à la souveraineté, à la sécurité et aux transports.
Je me souviens de l'époque où je voulais discuter de la politique étrangère canadienne visant le Nord, mais je pense que j'en ai trop parlé. Dans le document énonçant cette politique, Lloyd Axworthy a indiqué que l'infrastructure de transports et les communications étaient les deux piliers d'une bonne politique étrangère canadienne visant le Nord.
Selon moi, cela est toujours valable, mais les choses ont changé. Les questions de souveraineté et de sécurité n'étaient pas aussi brûlantes qu'aujourd'hui. À présent, ce sont des enjeux majeurs, tout comme les changements climatiques et d'autres questions que nous ne cessons d'ajouter à notre programme pour le Nord.
La Stratégie pour le Nord du Canada concerne les régions circumpolaires et la manière dont elles interagissent. À mon avis, le gouvernement du Canada devrait rassembler tous ces enjeux et les examiner dans le cadre d'une stratégie, de même que dans le cadre de la politique étrangère visant le Nord.
Tout ce ne se fera pas en claquant les doigts. Cela ne tombera pas du ciel. Nous devons disposer de la capacité nécessaire. Nous devons être capables d'intégrer nos activités actuelles à un cadre ou à une politique globale.
Comment faire cela? Comment amalgamer tout cela?
Nous avons tenté de tirer profit d'un programme de DRHC pour créer un guichet unique, mais cela ne fonctionne pas parce que les gens ne veulent pas changer leurs façons de faire. Ils disent : « Cela est mon programme, et cela est votre programme. Nous l'avons élaboré de cette façon, et il ne fonctionnera plus si on le fusionne avec tout le reste. » Je ne sais pas trop quoi en penser. Moi-même, dans le passé, j'ai adopté cette mentalité assez égoïste. Je ne voulais pas qu'on touche à mes affaires.
Ainsi, il est difficile d'amener les gens à changer. Quant à l'intégration, elle se produira si des gens y sont intéressés, mais quelqu'un va devoir prendre des décisions qui ne plairont pas à tout le monde. Cela pourrait rendre la transition plus laborieuse. C'est difficile. Ce n'est pas facile.
Le président : Eh bien, cela mettra fin à notre journée, qui a été fascinante. Je vous remercie de votre présence. Vous avez été extraordinaire, et nous avons appris beaucoup de choses et reçu beaucoup d'informations. Nous avons de la matière à réflexion et bien des points de vue à étudier. Merci d'être venue.
Mme Blondin-Andrew : Merci beaucoup. Je suis très heureuse d'être venue ici. Je suis ravie que nous ayons eu l'occasion de travailler ensemble. Si nous avions plus de ressources et plus de capacités, nous pourrions sûrement exprimer notre gratitude de façon plus éloquente.
(La séance est levée.)