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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 11 - Témoignages du 1er octobre 2009


OTTAWA, le jeudi 1er octobre 2009

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 10 h 34, pour procéder à l'étude des questions relatives au cadre stratégique actuel et en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada (sujet : le projet de modification de la convention de l'Organisation des pêches de l'Atlantique du Nord-Ouest, l'OPANO).

Le sénateur Bill Rompkey (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Ce matin, nous étudierons le projet de modification de la convention de l'Organisation des pêches de l'Atlantique du Nord-Ouest, l'OPANO. Nous avons avec nous comme témoin M. Ted L. McDorman. M. McDorman possède non seulement un baccalauréat de l'Université de Toronto, mais aussi un baccalauréat en droit de l'Université Dalhousie et, plus important encore, une maîtrise en droit avec distinction de l'Université Dalhousie. Il a été admis au Barreau de la Nouvelle-Écosse en 1980. Il vient de cette région du pays, comme beaucoup d'entre nous, mais il habite actuellement en Colombie-Britannique. Il s'est joint à la Faculté de droit de l'Université de Victoria en 1985 et a été promu professeur en 2001. Il enseigne entre autres le droit international, le droit du commerce international, le droit international des océans et de l'environnement et le droit international privé, c'est-à-dire les conflits de lois.

Avant de commencer, je dois m'acquitter d'un autre devoir : je me dois de signaler au comité que c'est la dernière réunion à laquelle participe une de nos collègues, le sénateur Cook. Je tiens à lui dire que ses connaissances et sa passion vont nous manquer. Elle vient du même coin de pays que moi. En fait, elle vient de la même baie, la baie de Fortune, qui est l'une des plus grandes de l'île.

Nous la remercions de sa participation. Elle nous manquera, et nous lui souhaitons bon voyage.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Cook : Merci, monsieur le président. J'espère avoir apporté un certain équilibre au sein du comité. C'est le premier comité duquel j'ai fait partie.

Laissez-moi rétablir l'équilibre à mon tour. J'ai un petit-fils de cinq ans — pour être précise, mes petits-enfants ont trois, cinq et sept ans — qui me dit que je vais lui manquer quand je pars les dimanches. Vous allez me manquer aussi.

Le président : Merci beaucoup.

Ted L. McDorman, professeur, Faculté de droit, Université de Victoria : C'est avec plaisir que j'ai quitté la côte Ouest pour venir ici. Si jamais la langue me fourche, mettez ça sur le compte du fait que je suis arrivé de la côte Ouest hier soir et qu'il est en ce moment 7 h 30 là-bas. Je m'en excuse d'avance.

Je suis un Canadien de l'Atlantique. Je suis un garçon de la côte Est qui n'habite pas du bon côté du pays, à mon avis, mais je suis sur la côte Ouest depuis un moment, et cela entraîne des difficultés. Par exemple, je n'ai pas accès à l'OPANO au quotidien et je ne peux pas assurer le suivi de ses activités au jour le jour. Je ne suis pas au fait de tous les détails des événements qui ont marqué l'OPANO. Je serai heureux d'essayer de répondre à vos questions, mais il est possible que je ne puisse répondre à certaines d'entre elles parce que je n'ai pas suivi les derniers développements.

Je m'intéresse aux nouvelles façons de faire propres aux organisations régionales de gestion des pêches. En 2005, j'étais un des conférenciers principaux à la réunion de St. John's, qui était organisée par le gouvernement du Canada et qui visait à dresser un bilan des organisations des pêches du monde entier. Je traitais de questions qui concernent le fonctionnement organisationnel : le processus décisionnel, le règlement de litiges, les procédures d'opposition et d'autres sujets connexes.

En préparation à la réunion d'aujourd'hui, j'ai lu attentivement le traité, le rapport produit par le Sénat en 2007 et les récents témoignages qui ont été présentés à la Chambre des communes. J'ai reçu d'autres documents, tout particulièrement de la part de quatre sages, comme je me plais à le dire : Bob Applebaum, Scott Parsons, Earl Wiseman et Bill Rowat. Bob Applebaum est un de mes amis de longue date; je fais donc preuve d'une certaine loyauté envers lui depuis des années, mais je n'hésiterai pas à le contredire.

Je fais remarquer que le comité a dit qu'il considérait inacceptable sous sa forme actuelle le texte juridique du projet de convention de l'OPANO. La recommandation de votre comité consistait à relancer les négociations afin de réaliser bien des choses, la plus importante étant de donner au Canada davantage d'influence lors de ces négociations sur les changements à la convention.

Nous savons que le ministère des Affaires étrangères, pour respecter les nouvelles procédures récemment adoptées par la Chambre, a déposé un projet de modification de la convention qui sera ratifié sous peu. Les gens semblent se diviser en deux camps. Il y en a peut-être d'autres, mais je ne les vois pas. D'un côté, on prône l'adoption du projet de modification, de sorte que la ratification se fera dans la foulée. De l'autre, on ne veut pas adopter le projet, ce qui implique de continuer à appliquer la version non révisée et d'essayer de relancer les négociations d'une façon ou d'une autre. Le fait est que les négociations à ce sujet ne sont jamais faciles. Le Canada, principal État côtier, est le premier intéressé par la pêche parce que les poissons le concernent directement. Il nous faut négocier sur un pied d'égalité avec une dizaine d'autres pays de l'Union européenne et plusieurs autres États. Chaque pays a un vote; c'est ennuyant, mais c'est ainsi et ça ne changera pas.

L'Union européenne, les États-Unis, l'Islande et la Norvège participent aussi à ce processus et ont des droits en tant qu'États côtiers. Un État côtier est un État qui a tout intérêt à défendre ses droits dans la zone de 200 milles nautiques et à protéger tout ce qui s'y trouve. L'Union européenne en est un en Europe, tout comme l'Islande, et ainsi de suite. Leur situation est peut-être légèrement différente par rapport à celle de la Corée, du Japon et de la Russie, qui sont l'exemple type de pays pratiquant la pêche hauturière et qui envoient leurs pêcheurs partout dans le monde. Les Européens ne sont pas sans ignorer ce fait, mais ils ont chez eux de drôles de mélanges. Il y a une certaine prépondérance des droits, dans les limites du raisonnable, dans la manière dont ces pays abordent la question de la convention.

Est-il réaliste de renvoyer des représentants du Canada à la table de négociations en leur donnant comme instructions de faire peu de compromis et d'atteindre tous les objectifs du pays, alors qu'ils reviennent sans que cela soit fait? Ça semble être une constante depuis les dernières années. Nous avons envoyé des délégations devant l'OPANO en leur donnant des objectifs irréalistes, et nous sommes étonnés de voir qu'elles ne les atteignent pas. C'est une situation difficile pour les représentants du gouvernement. Je comprends bien que c'est leur travail, mais c'est tout de même difficile. Pouvons-nous raisonnablement nous attendre à obtenir un meilleur résultat que ce qui se trouve actuellement dans le projet de modification? J'ai une opinion sur le sujet, mais je vais m'arrêter ici pour vous laisser la chance de poser des questions. Je serai ainsi plus à même de comprendre ce que veulent savoir les sénateurs et ce que je peux apporter au processus. Je ne comparais pas devant vous avec un plan prédéfini. Je ne représente pas le gouvernement du Canada — et je suis persuadé qu'il en est bien aise. J'ai lu le rapport des quatre sages, mais ça ne veut pas dire que j'adhère complètement à leurs opinions. On pourrait dire que je suis un indépendant. Ça s'explique peut-être du fait que j'habite sur la côte Ouest et que je peux prendre du recul par rapport à certaines questions de nature politique. J'ai établi un dialogue avec l'OPANO et j'ai déjà travaillé avec l'organisation, de même que d'autres organismes connexes, alors j'ai une bonne connaissance du problème.

Monsieur le président, je suis prêt à répondre à vos questions pour voir en quoi je peux vous être utile.

Le président : Avant de passer aux questions, on pourrait distribuer les exemplaires des dispositions qui méritent une attention particulière. Le 28 septembre 2007, après des négociations de deux ans, l'Organisation des pêches de l'Atlantique du Nord-Ouest a adopté les modifications à la Convention sur la future coopération multilatérale dans les pêches de l'Atlantique du Nord-Ouest. Les paragraphes 8 et 9 prévoient ce que la commission doit faire à l'égard de la zone de réglementation et portent sur des questions comme les niveaux d'effort de pêche, les quotas, la recherche, la vérification et le rendement des États du pavillon. Le paragraphe 10 de l'article VI est ainsi libellé :

La commission peut adopter des mesures sur des matières énoncées aux paragraphes 8 et 9 concernant une zone relevant de la juridiction nationale d'une Partie contractante, pourvu que l'État côtier en question le demande et que la mesure fasse l'objet d'un vote affirmatif de sa part.

Nous devrions diriger principalement notre attention sur ces articles ce matin. La greffière m'a dit que les membres du comité en avaient une copie dans les notes de la Bibliothèque du Parlement, à l'annexe 6. Je trouve leur libellé discutable.

Le sénateur Robichaud : Premièrement, le président a porté à notre attention la formulation discutable des articles 8 et 9. Deuxièmement, nous avons entendu que quatre anciens hauts fonctionnaires du MPO y décelaient un problème. Troisièmement, le premier ministre Danny Williams de Terre-Neuve-et-Labrador n'aime pas l'idée de permettre aux pêcheurs étrangers de pénétrer dans la zone de 200 milles, ce qui revient, si je puis dire, à renoncer à notre souveraineté. Le danger est-il réel ou ne devrions-nous même pas estimer qu'il y a là une menace?

M. McDorman : J'ai certaines opinions et certains renseignements à vous présenter. Nous avons raison d'être préoccupés. Ces mots ressortent, en particulier lorsque l'on fait abstraction du contexte. À première vue, ce n'est pas problématique parce que le Canada a prise sur tout ce qui pourrait arriver. On pourrait faire valoir que c'est toujours le cas. Que ce soit en vertu d'un traité ou autre, nous pouvons toujours permettre à quelqu'un de pénétrer dans nos eaux et lui imposer des conditions si on a envie de le faire. C'est un peu ce dont il s'agit, mais le gouvernement du Canada, par diverses déclarations, a dit qu'il ne le ferait jamais.

Cela étant dit, je suis aussi d'avis que l'Union européenne — ou d'autres pays — doit avoir ses raisons de désirer ces dispositions. Nous supposons que c'est l'Union européenne qui est derrière ça, bien que personnellement je n'en sache rien, mais nous accuserons l'Union européenne parce qu'elle n'est pas ici pour se défendre.

Je ne suis pas en désaccord avec ce point, mais il y a différentes façons de voir les choses. Cette disposition n'est pas nouvelle. Elle existe dans d'autres accords. Elle figure dans l'accord de la Commission des pêches de l'Atlantique Nord- Est, qui touche le Nord-Est de l'Atlantique — l'Union européenne, la Russie, la Norvège, l'Islande, et cetera. Ces dispositions ne sont pas exactement pareilles, mais elles sont très semblables, avec tout le respect que je dois à mes collègues là-bas. Dans le cadre de cet accord, les Russes ont essentiellement permis à la commission d'adopter des mesures dans leurs eaux s'ils y consentent et s'ils appuient ces mesures. C'est de là que vient ce libellé, de cet accord du Nord-Est de l'Atlantique.

Étant donné que je m'intéresse à ce que nous pourrions obtenir d'autre — ce que nous pourrions espérer si nous entamons de nouvelles négociations —, je me suis penché sur le plus récent projet de convention, lequel touche le Sud de l'océan Pacifique. Je sais que le Sud de l'océan Pacifique, ce n'est pas 100 p. 100 la même chose; il s'agit de pêche en haute mer plutôt que de stocks chevauchants, mais on parle des eaux au large de la côte du Chili, de l'Équateur et du Pérou.

Ceux d'entre nous qui sont dans le domaine savent que ces pays préservent leur souveraineté d'une manière que le Canada ne peut même pas imaginer. Ce sont des pays énormes et dominants qui surveillent ce qui se passe à l'intérieur de leur zone de 200 milles nautiques.

Dans le projet de convention, il y a des dispositions qui ressemblent beaucoup à celles du paragraphe 10 de la convention de l'OPANO. Je suis porté à en déduire — et je choisis soigneusement mes mots — que dans le contexte du Pacifique Sud, qui compte 20 pays et qui présente un certain équilibre entre les États côtiers et les pays de pêche en eaux lointaines, on pourrait voir cela comme la norme émergente — que cette possibilité est acceptée dans les autres organisations ou concorde avec ce qui s'y passe.

Cela ne signifie pas que vous devez accepter cette disposition, mais au moins vous connaissez le contexte. Ce n'est pas hors norme; ce n'est pas d'un caprice quelconque. Ça s'inscrit dans la suite logique de ce qui se passe dans les autres organisations. D'autres pays qui préservent leur souveraineté aussi rigoureusement que le Canada ne semblent pas avoir de problème avec ça.

La question est de savoir comment est utilisée cette disposition — je ne peux répondre à cette question, parce que je n'ai pas eu le temps de me pencher sur cet aspect — ou si elle a été utilisée dans les autres accords. Je soupçonne qu'elle ne l'a pas été très souvent.

La raison d'être de cette idée, selon moi, est que si vous avez un stock chevauchant et que les pêcheurs vont et viennent, alors la perspective européenne est que l'OPANO devrait pouvoir exercer une certaine influence de l'extérieur, et qu'il devrait y avoir un certain degré de compatibilité et d'influence.

La perspective canadienne, et il s'agit ici de la perspective du gouvernement du Canada, est que l'influence devrait toujours venir de l'intérieur. C'est une simplification exagérée d'un concept complexe, mais l'influence devrait toujours néanmoins s'exercer de l'intérieur. Il s'agit seulement d'une différence d'opinions. Ce qui est intéressant, c'est que l'accord du Pacifique Sud semble indiquer que l'argument du Canada pourrait ne pas être aussi répandu que ce que nous aurions pu espérer.

L'Union européenne pourrait exercer des pressions sur le Canada. Je parle de l'Union européenne, mais il pourrait s'agir d'un autre pays. Je crois que cela pose problème. Je ne suis pas le seul à avoir formulé cette opinion. L'Union européenne devrait se montrer prudente, évidemment, parce que les pressions qu'ils exerceront contre le Canada, les Russes, les Norvégiens et les Islandais pourront être exercées contre l'Europe dans le Nord-Est de l'Atlantique étant donné que c'est le même libellé. Par conséquent, l'idée que ça peut se retourner contre ceux qui y ont recours est en quelque sorte une protection — elle n'est peut-être pas parfaite, mais il s'agit néanmoins d'une certaine protection.

Pour résumer, il pourrait quand même s'agir d'une tendance émergente. Même dans le cadre d'une renégociation, nous pourrions avoir de la difficulté à faire retirer cette disposition. Je ne sais pas, personne ne peut savoir, mais on peut voir cette clause partout. Cela fait peut-être partie de la démarche globale des Européens pour mettre de l'avant leurs opinions. Cependant, dans le Pacifique Sud, ils sont largement minoritaires et ils ont été capables de faire admettre cette clause, alors il y a une raison.

La balle est dans le camp du Canada. Elle n'a pas cessé de l'être. Je suppose qu'il y a aussi des manières de tourner cela à notre avantage. Je n'aime pas cette clause, pour des raisons évidentes, mais je ne sais pas si elle vaut la peine que l'on fasse échouer l'entente. C'est le problème auquel je suis confronté : je ne crois pas qu'il s'agisse là d'une raison valable de ne pas ratifier la convention.

L'attachement intense du Canada envers la zone de 200 milles nautiques et les pêches qui s'y font est quelque chose d'important, quelque chose que les gens comme le sénateur Rompkey et d'autres ont obtenu dans les années 1970 et 1980. Nous voyons — et je dis « nous » en tant que personne dans ma position — un assouplissement de cette précieuse notion de souveraineté parce que le poisson n'y porte pas attention. Par conséquent, peut-être que le gouvernement devra, à un certain moment et dans une certaine mesure, être plus prudent.

Ça ressemble à certaines de nos relations avec les États-Unis, en ce qui a trait à l'intense contrôle que nous exercions sur nos poissons. Pour que nos mesures de gestion des pêches aient du sens, nous devons lâcher quelque peu la bride, à tout le moins sur le total autorisé des captures, par exemple.

Je n'aime pas cette clause, mais je ne suis pas à 100 p. 100 convaincu que cela constitue en soit une raison de ne pas signer l'entente, parce que je ne suis pas certain que ça importe tant que ça, étant donné que la décision finale nous revient de toute façon. Je comprends l'argument présenté par certains et qui concerne les pressions qui pourraient être exercées; certains sauront ce que ça implique.

Le président : Puis-je vous interrompre? Le témoin a fait référence à Bob Applebaum. Il le considère comme un ami et il a soulevé certaines questions. Les membres du comité sont-ils d'accord pour que l'on appelle Bob Applebaum à la table pour participer à nos discussions?

Des voix : D'accord.

Le président : Pendant qu'il vient nous rejoindre, je ferai certains commentaires qui me sont venus à l'esprit. Je ne veux pas interrompre le sénateur Robichaud, mais je crois que c'est important parce que M. McDorman a parlé d'organisations qui ont une influence à l'intérieur de la zone économique de 200 milles en raison des stocks chevauchants. On peut aussi faire valoir l'inverse, qu'un État côtier a des intérêts à l'extérieur de la zone de 200 milles, particulièrement lorsque le plateau s'étend au-delà de 200 milles. Dans le cas présent, il s'agit du nez et de la queue du Grand banc.

Toujours est-il que, depuis des années et même des décennies, nous essayons d'étendre notre champ de compétence. D'ailleurs, je crois que le gouvernement actuel est d'accord avec ça. Non seulement il est d'accord, mais en ce moment- même, il travaille très fort à étendre notre champ de compétence dans des eaux arctiques.

Vous pouvez dire que les organisations internationales ont intérêt à étendre leur compétence dans les eaux territoriales, mais vous pouvez également dire que les États souverains cherchent maintenant à étendre leur champ de compétence au-delà des frontières actuelles.

M. McDorman : Je suis d'accord, mais je l'aurais dit dans des mots complètement différents.

Le président : Je ne suis qu'un simple professeur d'anglais; qu'est-ce que je connais aux mots?

M. McDorman : Je ne suis qu'un simple avocat; je ne connais rien aux mots.

Le président : J'ai interrompu le sénateur Robichaud. Je suis désolé.

Le sénateur Robichaud : Je ne suis qu'un simple sénateur et je ne sais pas de quoi vous parlez.

Il existe des préoccupations sur ce que le président vient tout juste de dire; il s'agit du nez et de la queue du stock chevauchant. Nous connaissons l'histoire de l'Union européenne et de la façon dont elle a géré ces stocks. N'est-ce pas un motif suffisant pour ne pas céder d'un pouce?

M. McDorman : Si vous ne donnez aucun pouce, vous ne recevez aucun pouce. Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le président, le Canada a peu de chances, dans un avenir rapproché, d'exercer une compétence nationale importante à l'extérieur de la zone de 200 milles. En passant, monsieur le président, il ne s'exerce aucune compétence nationale dans les eaux arctiques au-delà des 200 milles marins. À l'extérieur de cette zone de 200 milles, sauf en ce qui concerne le fond océanique et les espèces sédentaires qui y vivent, il n'y a essentiellement que la haute mer.

Le plus difficile pour le Canada est de ne pas se faire couper l'herbe sous le pied par les Européens et par d'autres amis, parce qu'on ne parle pas seulement des Européens, étant donné que nous n'avons pas le même pouvoir direct là- bas qu'à l'intérieur des 200 milles marins. Nous avons un très grand intérêt, comme le président l'a souligné; là-dessus, il a raison à 100 p. 100. Nous avons un très grand intérêt, mais nous n'avons pas tellement d'influence quand vient le temps de négocier. Tout le monde à cette table, je présume, en tant que sénateur, a déjà négocié sans en avoir le pouvoir. Dans ce cas-ci, nous n'avons pas tellement de poids. Nous avons une certaine influence. Nous avons l'avantage moral, et nous avons l'indignation, mais nous n'avons pas beaucoup de poids sur ce qui se passe au-delà de la zone de 200 milles. Nous avons obtenu un succès considérable en la personne de Bob Applebaum et d'autres personnes, et nous avons réussi à avoir une OPANO qui fonctionne plutôt bien, mais c'est loin de répondre aux attentes des Canadiens.

Je ne suis pas certain que ça réponde exactement à la question, mais il est important de comprendre qu'on ne demande pas une OPANO lorsqu'on a un avantage considérable dans les négociations.

Le sénateur Robichaud : J'invite M. Applebaum à commenter ce qui a été dit.

Bob Applebaum, à titre personnel : Je suis d'accord avec le professeur McDorman pour dire que notre influence, si nous entamons de nouvelles négociations, n'est pas très grande. Je ne dirais pas que nous n'avons aucune influence du tout, mais je dirais qu'elle n'est pas très importante. Ce qui est certain, c'est que si nous entamons de nouvelles négociations, nous aurons de la difficulté à obtenir ce que nous voulons en ce qui concerne le contrôle au-delà de la zone de 200 milles. Ça ne fait aucun doute. Ce ne sont pas des négociations faciles.

D'un autre côté, je dirais que ce qui s'est passé depuis la négociation et l'entrée en vigueur de l'ANUP des Nations Unies, c'est que le gouvernement canadien n'a pas fait de réels efforts pour dire clairement ce qu'il voulait, question de voir les réactions qu'il susciterait. Il y a certaines façons de le faire. Je ne dis pas qu'il aurait gain de cause sur tout, mais il y a des façons d'essayer. Pour autant que je sache, rien n'a été fait en ce sens.

Je dirais que le premier point de négociation, si on veut qu'il y ait amélioration au-delà de la zone de 200 milles, est qu'il ne faut en aucun cas amoindrir notre contrôle à l'extérieur de cette zone. La zone de 200 milles appartient au Canada, et ce qu'il faut négocier, c'est ce qui se passe au-delà de cette zone de 200 milles, pas ce qui se passe à l'intérieur.

Le sénateur Robichaud : Certains articles affaibliraient notre position à l'intérieur de la zone de 200 milles, n'est-ce pas?

M. Applebaum : Oui, c'est exact, sénateur.

M. McDorman : C'est vrai, mais il faut voir s'il s'agit de points importants ou non. S'agit-il d'une question ouvrant droit à un nouvel accord? La question est, qu'est-ce qu'on obtient en échange? Il faut regarder tout le reste de l'accord en gardant en tête qu'au bout du compte, c'est le gouvernement du Canada qui aura le dernier mot pour ce qui est de la formulation, donc il s'agit d'une question de pouvoir. Ils n'ont rien cédé. Ils ont mis sur papier une proposition qui existait déjà, mais ils l'ont quand même mis dans le traité sans que cela ne change rien. Je ne dirais pas que tout est aussi noir et blanc que M. Applebaum le croit.

Le sénateur Meighen : Je ne suis toujours pas certain, sénateur Robichaud, de bien comprendre la réponse à votre question. Je crois que le professeur McDorman a dit qu'il faut regarder le reste du traité pour voir ce qui nous revient. Je ne sais pas ce que nous gagnons avec ce traité, peut-être parce que je ne l'ai pas lu en entier, mais vous l'avez sans doute fait, et peut-être pourrez-vous nous éclairer davantage.

Par ailleurs, s'il n'y avait pas le paragraphe 10, qu'est-ce que ça changerait? Pourquoi ne pourrions-nous pas, en réponse à la proposition concernant ce qui se trouve à l'intérieur des limites de la zone de 200 milles, dire : « D'accord, ça va. Nous vous permettrons de le faire », et dire ensuite « En retour, nous voulons faire telle chose. » Dans le domaine juridique, il y a l'obiter dictum et d'autres choses du genre. Pourquoi faut-il que cela fasse partie du traité et non du préambule ou d'une autre partie?

M. McDorman : Personnellement, je ne peux répondre. Ça n'a probablement pas besoin de faire partie du traité. Il semblerait, selon la proposition, que l'organisation et les autres pays membres de l'organisation de l'OPANO et d'autres organisations comme la CPANE veulent au moins pouvoir avoir une certaine compatibilité des mesures à l'intérieur et à l'extérieur. Nous pourrions le faire sans aucune disposition. Là où je veux en venir, c'est que nous pourrions très bien fonctionner sans, et j'en serais très heureux. Ceci étant dit, ça semble être une disposition très courante dans d'autres accords. Ce n'est pas une très bonne excuse, mais c'est ainsi.

Maintenant, ma question est de savoir si nous avons des raisons suffisantes de croire que nous ne l'obtiendrons pas, et la réponse est peut-être oui, mais à quoi doit-on renoncer. Si nous retournons à la table, le point de départ, et M. Applebaum le confirmera, est l'accord. « Vous ne l'avez pas aimé. D'accord, parfait, nous allons nous l'enlever. Qu'est- ce que vous allez nous donner? » Et quand je dis « nous », je ne parle pas des Européens, mais de tout le monde en général. Que sommes-nous prêts à concéder? La dernière fois que j'ai vérifié, d'après les rapports de ce comité et d'autres documents que j'ai lus, rien. Ça nous place dans une position intéressante.

Le sénateur Meighen : Qu'en retirons-nous?

M. McDorman : En théorie, nous retirons beaucoup d'avantages. Le point que je trouve intéressant est le processus de résolution de conflits qui a été mis en place. C'était l'une des demandes du comité, ainsi que du rapport May- Russell-Rowe. La procédure d'objection, qui viendra assurément, est plus contraignante. Nous avons tiré certains avantages de cet accord, mais est-ce suffisant, je ne peux le dire.

M. Applebaum : Monsieur le président, avant que nous passions à la prochaine étape mentionnée par le professeur McDorman, j'aimerais aussi répondre à la question du sénateur. Il n'a pas vraiment obtenu de réponse directe à sa question. Cette disposition a été intégrée aux modifications proposées par l'Union européenne parce que, sans cette disposition, s'il n'y avait que la convention de l'OPANO, la Commission des pêches de l'OPANO n'aurait pas l'autorité d'établir des règles à l'intérieur de la zone de 200 milles. La convention originale de l'OPANO a été établie ainsi par le Canada, qui était alors l'hôte des négociations et en avait le contrôle, et l'un des points les plus importants qui ont été abordés en premier était que rien dans cette convention, pas même la moindre insinuation, ne permettrait la gestion internationale à l'intérieur de la zone de 200 milles. La convention actuelle de l'OPANO prévoit que l'OPANO établisse des règles à l'extérieur de la zone de 200 milles.

Pour que l'UE obtienne ce qu'elle veut, que l'OPANO puisse fixer des règles à l'intérieur de la zone des 200 milles, il fallait inclure une disposition claire dans les modifications, ce qu'ils ont fait, pour dire que le Canada peut en faire la demande, comme vous le savez. Si le Canada en fait la demande, la Commission des pêches peut prendre des décisions en matière de gestion à l'intérieur des 200 milles.

Il ne faudrait pas oublier notre point de départ. Un préambule ne suffit pas ici. Cette nouvelle disposition, prévoyant qu'on fasse une demande, représente pour l'OPANO le seul moyen de pouvoir prendre des décisions qui s'appliquent à l'intérieur de la zone de 200 milles. Je voudrais ajouter deux choses : lorsque la convention initiale de l'OPANO a été négociée après la création de la zone de 200 milles, si quelqu'un avait seulement envisagé d'inclure une telle disposition — et personne ne l'a fait, même pas les autres pays pêcheurs —, on aurait ri de lui. J'ai participé à ces négociations, à un niveau subalterne à l'époque. Comme la zone de 200 milles venait d'être créée, il était inconcevable de nous placer dans une situation où nous pourrions demander à l'OPANO de faire ce que l'organisation précédente, la CIPAN, ou Convention internationale pour les pêcheries de l'Atlantique du Nord-Ouest, avait fait, c'est-à-dire prendre des mesures de gestion dans la zone des 200 milles. Ça n'aurait mené à rien. C'est pourquoi il est si surprenant de voir tout à coup que cet élément n'a pas été seulement envisagé, mais figure bel et bien dans les ébauches examinées lors des négociations.

M. McDorman a soulevé un autre point, si nous devions reprendre les négociations. Je ne suis pas d'accord, et je participe à ce genre de négociations depuis longtemps. Si le gouvernement du Canada déclarait que le traité est insatisfaisant et que nous devons tout recommencer à zéro, avec la convention de l'OPANO telle qu'elle est rédigée, nous devrions déterminer comment la modifier pour qu'elle soit un meilleur outil de conservation, relativement aux règles applicables au-delà des 200 milles. Nous n'avons pas à abandonner ceci ou à oublier cela, ou quoi que ce soit.

Nous devons plutôt négocier la nécessité de s'en tenir à l'extérieur de la zone des 200 milles, puis rester hors de cette zone. Je tenais à le souligner.

Le sénateur Cook : Je ne ferai pas semblant de tout comprendre, et je vous demande d'être patient pour répondre à mes questions. Ce que je sais, c'est que les résidants de ma province, Terre-Neuve-et-Labrador, ne sont pas à l'aise du tout avec cette proposition. Ce qui me préoccupe, c'est que le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador a dit de ne pas s'inquiéter parce que ce ne sera jamais utilisé. Alors, pourquoi est-ce dans le document? Si nous ne nous en servirons jamais, pourquoi l'inclure?

Je me questionne aussi sur le fait que, il y a deux ans, des gens se sont réunis et ont pris une décision concernant cette disposition. C'était sans doute des délégués de Terre-Neuve-et-Labrador qui participaient aux négociations, mais je n'en suis pas sûre. Deux ans plus tard, le gouvernement du Canada est invité à ratifier une décision qui a été prise il y a deux ans, et on dirait que personne n'en a entendu parler. De plus, il faut l'accord des trois quarts des parties contractantes. Le Canada vient de se lancer dans le processus de ratification, et j'aimerais savoir combien d'autres pays ont ratifié la convention jusqu'à maintenant.

Les quotas réglementaires représentent pour moi une autre source de préoccupations. La semaine dernière, nous avons entendu dire qu'un quota qui avait été fixé pour la pêche à la morue pour un autre pays que le Canada prévoyait la pêche de 5 000 tonnes de morue dans le secteur du Bonnet Flamand. Je ne sais pas de quel pays il s'agit, et si le secteur est ouvert aux Canadiens, parce que je n'ai pas poussé la question plus loin. Ce que je sais, c'est que le Bonnet Flamand est ouvert à la pêche, et c'était une pêcherie lucrative à l'extérieur de la zone, même quand je remonte à mes souvenirs d'enfance.

Je m'inquiète également des limites de la zone de réglementation de l'OPANO. À l'heure actuelle, la carte va au-delà du détroit de Davis. Est-ce que l'OPANO pourrait déplacer ces limites un jour, d'après les discussions? Nous savons que le turbot est pêché dans les zones OA et OB. Je suis certaine que vous pourrez m'aider à tirer tout ça au clair.

M. McDorman : Merci pour ces questions, monsieur le sénateur.

Pour répondre à la première, je dirais seulement que, comme on l'a vu pour d'autres accords, cet élément est en voie d'intégration. D'autres pays qui ont des préoccupations aussi importantes par rapport à la souveraineté ne semblent pas le trouver problématique, ou du moins l'ont accepté. Ça ne veut pas dire que c'est une bonne chose, ou quelque chose que nous ne souhaitons pas. Est-ce un point qui empêcherait de s'entendre sur les autres aspects de la convention? Si nous voulons le supprimer, il faut reprendre les négociations. M. Applebaum est un négociateur beaucoup plus expérimenté que moi, ce que je respecte, mais je comprends un peu la dynamique des négociations. Je ne suis pas certain qu'on ferait table rase. Nous devons examiner tous les autres accords, et donc il n'y a pas de réponse claire à votre question à ce sujet.

J'ignore quelle quantité d'information a été diffusée sur cette convention. Je sais que les Terre-Neuviens ont pris part aux négociations, mais je ne sais pas à quel niveau. J'ai pris connaissance du témoignage qu'ont fait M. McCurdy et M. Andrew devant le comité permanent de la Chambre des communes, et je les ai trouvés convaincants. Ils viennent tous les deux de Terre-Neuve, et les deux ont participé aux négociations. La façon dont ils expliquent certaines de ces mesures est moins juridique et peut-être moins « professorale ». Mais j'ignore quelle était l'information disponible.

Je ne sais pas non plus quel autre pays a ratifié la modification à la convention de l'OPANO. J'ai bien l'impression que le Canada veut être le premier à le faire, parce que s'il ne le fait pas, pourquoi les autres parties devraient-elles se donner cette peine? C'est une façon de voir les choses. Nos processus de ratification sont relativement simples comparativement à ce qui existe en Europe. Je dirais même, par intuition, que les Européens ne veulent même pas penser à cette modification.

D'après ce que j'ai vu dans la presse et ailleurs, je comprends que le quota fixé pour la morue dans la zone du Bonnet Flamand cadre avec le seuil de l'OPANO, c'est-à-dire que lorsque les stocks se sont reconstitués jusqu'à un certain point, un quota peut être fixé. C'est ce qui était prévu dans les modalités en vigueur. Les stocks de morue doivent donc s'être suffisamment rétablis pour qu'un quota soit fixé. Vous parliez de 5 000 tonnes, mais je ne pourrais pas donner de chiffre. Le pays en question s'est fait attribuer une plus petite part parce que la plus grande revient au Canada, bien que nous puissions décider de ne pas prendre ce quota. Même si le total autorisé des captures est de X, la part des Européens est considérablement plus petite que celle du Canada.

Les limites de pêche de l'OPANO dont vous avez parlé, monsieur le sénateur, servent pour les statistiques, à des fins de gestion. Elles n'ont de l'importance que sur le plan statistique.

M. Applebaum : Cette disposition est incluse parce que l'Union européenne a insisté pour qu'elle le soit. L'UE s'attend à en tirer des avantages; autrement, elle n'existerait pas.

Qui d'autre a signé? La Norvège. Je l'ai appris indirectement, comme bien d'autres choses, mais je crois que la Norvège est le seul pays qui a ratifié le projet de modification jusqu'ici.

En ce qui concerne les allocations dans la zone du Bonnet Flamand, encore ici j'ai eu l'information indirectement, mais je crois que le Canada a reçu une allocation du TAC pour la pêche à la morue dans la zone du Bonnet Flamand qui vient d'ouvrir. Ce n'est pas directement lié à ce dont nous parlons ici, mais il semble que l'OPANO a fixé un TAC pour la morue qui se situe bien au-delà de ce qui a été recommandé par le conseil scientifique de l'OPANO. Encore une fois, l'OPANO n'a pas tenu compte de l'avis des scientifiques, et a fixé des TAC trop élevés pour les objectifs de conservation.

Le président : Est-ce qu'on détecte une tendance ici? Ce n'est pas la première fois que l'Union européenne dépasse les quotas recommandés par les scientifiques, n'est-ce pas?

M. Appelbaum : Il y a une petite différence ici. Dans le passé, l'UE a demandé et a exigé des TAC plus importants, mais elle a ignoré les quotas qui avaient été fixés. Elle a décidé d'établir ses propres quotas, qui étaient beaucoup plus élevés et qui ont fait en sorte que les captures étaient de loin supérieures aux TAC recommandés. Puis, elle a dépassé elle-même ces quotas en donnant lieu à la surpêche de centaines de milliers de tonnes. Voilà ce qui s'est passé.

Cependant, au cours des années où j'ai fait partie de l'OPANO — j'ai pris ma retraite en 1996 —, je ne sais pas si c'est arrivé ne serait-ce qu'une seule fois, mais il aurait certainement été très rare pour l'OPANO d'adopter une limite de TAC plus élevée que celle recommandée par le conseil scientifique.

Je ne sais pas ce qui se passe depuis 1996, mais je suis au courant de cette situation en particulier. Deux TAC ont été adoptés cette année, un pour le flétan du Groenland et l'autre pour la morue du Bonnet flamant, qui sont bien au- dessus des limites recommandées par le conseil scientifique. C'était à l'époque du CIPANO, avant l'existence de la zone de 200 milles, alors qu'il était habituel d'adopter des TAC plus élevés que ceux recommandés par les scientifiques.

Pour ce qui est de la dernière question posée par le sénateur Cook, comme l'a dit M. McDorman, ces divisions sur la carte de l'OPANO, le quadrillage, ne servent pas qu'à des fins statistiques, mais également à des fins de gestion. Elles n'ont rien à voir avec la zone de 200 milles. L'OPANO ne peut pas modifier la limite extérieure de la zone de 200 milles de quiconque.

Pour changer les divisions, il faudrait modifier la convention. D'après ce que je comprends, les scientifiques en viendraient à la conclusion que pour gérer cette zone adéquatement, la ligne devrait être un peu plus loin de ce côté-ci ou de l'autre, et on aurait ainsi une meilleure délimitation de l'endroit où se trouvent les stocks. Ensuite il faudrait suivre le processus de modification pour que le quadrillage soit modifié.

Je crois qu'il n'a jamais été modifié depuis que l'OPANO existe. En conséquence, je ne crois pas que ça arrivera, mais si le quadrillage était modifié, cela n'aurait rien à voir avec la zone de 200 milles. La zone resterait la même.

Le sénateur Cook : L'OPANO aurait-elle les pouvoirs de réglementation nécessaires pour déplacer cette ligne?

M. Applebaum : Non. Il faudrait d'abord modifier l'annexe. Ces lignes n'ont rien à voir avec la zone de 200 milles. Ce sont les lignes de gestion de l'OPANO. Il serait impossible de les déplacer sans apporter un changement à la convention, ce qui modifierait l'annexe et, ensuite, on aurait des lignes différentes. C'est comme ça que je le comprends. Il faudrait que je vérifie, mais quoi qu'il en soit, il faudrait procéder à un vote crucial et changer le système de manière importante pour modifier ces lignes.

Le sénateur Cook : Vous devez comprendre ce qui me préoccupe à ce sujet. Un jour, on a imposé un moratoire sur la morue et 30 000 personnes dans ma province, nos jeunes travailleurs, ont dû partir. Ils sont à Tumbler Ridge, en Alberta, et ailleurs.

Vous savez à quel point ce changement est fondamental pour les gens qui habitent près de la mer et qui ont toujours gagné leur vie grâce à la mer. La situation nous fait sentir vulnérables une fois de plus. Que vaut la zone de 200 milles pour laquelle nous nous sommes si ardemment battus, si nous sommes pour être gentils et mettre tous les poissons dans la même catégorie encore une fois?

Je ne comprends pas pourquoi la zone existe et que nous disons : « Ne vous en faites pas, nous ne l'utiliserons pas. » C'est ce qu'affirme le gouvernement en place actuellement, mais que diront les gouvernements futurs? Si elle existe, on est en mesure de l'utiliser. C'est ce qui me préoccupe.

Le sénateur Manning : J'abonde dans le sens du sénateur Cook. Je ne crois pas du tout que j'ai autant de connaissances que vous deux, messieurs, au sujet de cette information en particulier, mais j'ai quelques questions.

Pour reprendre les propos du sénateur Cook, j'habite dans le petit village de pêcheurs de St. Brides à Placentia Bay, à Terre-Neuve-et-Labrador. J'habite à environ un mille ou un kilomètre et demi de l'usine de traitement du poisson qui, dans les années 1980, employait environ 250 des 600 habitants de notre collectivité. À la suite du moratoire sur la morue décrété en 1992, l'usine a fermé ses portes. C'est maintenant une coquille vide dans notre communauté, et la population a diminué de moitié par rapport à ce qu'elle était.

À l'époque où la zone de 200 milles a été délimitée, nous étions très heureux dans notre coin de pays pour la simple raison que cette initiative allait sauver notre pêche pour les générations à venir. J'ai de la difficulté à comprendre pourquoi, après tant d'années suivant la délimitation de la zone de 200 milles, la situation de la pêche semble plus mal en point aujourd'hui qu'avant 1992.

Je sais que M. Applebaum a pris part aux négociations. Ma première question est la suivante : qu'est-ce que notre pays obtient de la nouvelle convention de l'OPANO qu'on nous demande de ratifier et que nous n'avions pas lors de la dernière convention de l'OPANO?

Toutes les parties à une négociation ont pour but d'obtenir quelque chose. J'ai écouté M. McDorman dire qu'on ne peut pas prendre un pouce à moins d'être prêt à donner un pouce; voilà en quoi consistent les négociations — nous donnons et nous prenons. Quelqu'un pourrait-il m'éclairer sur ce que nous avons obtenu de cette nouvelle convention qui est sur la table et que nous n'avions pas avant?

M. McDorman : Je ne suis pas très à l'aise qu'on me demande de défendre quelque chose qu'il revient au gouvernement du Canada de défendre.

Le sénateur Manning : Qu'obtenons-nous à votre avis?

M. McDorman : C'est une meilleure façon de formuler la question, merci. D'après ce que je comprends, les deux éléments principaux que nous avons obtenus sont des éléments qui étaient généralement demandés et dont le présent comité et le rapport May-Russell-Rowe de 2005 ont préconisé.

Le premier de ces deux éléments est la procédure exécutoire de règlement des différends. M. Applebaum et moi sommes généralement d'avis que cela n'est peut-être pas particulièrement important, comparé à tout le reste, mais le Canada souhaitait obtenir une procédure exécutoire de règlement des différends, et nous l'avons maintenant. Il a fallu faire beaucoup de détours et plusieurs avocats sont intervenus, mais nous l'avons obtenue. Voilà un élément.

L'autre chose que la négociation a permis de faire — à la rigueur c'est la meilleure chose qui pouvait être obtenue —, a été de soulever des préoccupations concernant la procédure d'opposition. Comme vous le savez, la procédure d'opposition de l'OPANO était grande ouverte, ce qui permettait essentiellement à un pays de se retirer d'une décision prise par l'OPANO, peu importe la raison. En passant, il est curieux que cette disposition ait été demandée par le Canada.

Ce qui s'est produit, c'est qu'on a restreint la procédure d'opposition. On peut se demander si la procédure a été suffisamment restreinte — il est clair que la procédure d'opposition continue d'exister dans la modification de l'entente. Cependant, je soutiens que la restriction est considérable. Je ne sais pas si cela est suffisamment positif, mais il existe une restriction sur la façon dont les pays peuvent recourir à la procédure d'opposition.

Voilà les deux dispositions importantes, même s'il y a probablement d'autres éléments de nature non institutionnelle. Je me penche seulement sur les questions institutionnelles. Je ne sais pas si elles ont suffi à contrebalancer les éléments négatifs, mais ce sont principalement les dispositions qui seraient mises de l'avant.

L'autre chose que j'ai lue dans certains communiqués de presse, et je n'ai pas encore tout examiné, c'est la protection des ententes qui existent en matière d'allocation, et qui permet au Canada d'obtenir une allocation très importante des TAC. Je ne suis pas certain si cela faisait partie des négociations ou même si on en a discuté. Je ne le sais pas, mais c'est ce que laisse entendre une partie de l'information publique. Lorsqu'il y a une allocation de morue sur le Bonnet flamand, un grand pourcentage ira au Canada et un petit pourcentage seulement ira aux Européens pour cette pêche en particulier. Le pourcentage varie d'une pêche à l'autre, et M. Applebaum en connaît beaucoup plus que moi sur le sujet.

La question est la suivante : comptez-vous faire mieux la prochaine fois? Toutes les ORGP doivent maintenant se plier à une disposition sur le règlement des différends. Elle varie sur le plan des détours qu'il faut faire pour y parvenir, mais je ne peux pas émettre d'hypothèses à savoir si la procédure d'opposition serait meilleure ou pire. J'ai une idée là- dessus, mais je ne peux pas me prononcer.

Voilà donc les deux grands points. Le jeu en vaut-il la chandelle? En avons-nous obtenu assez? Au bout du compte, même si je retiens mon souffle, je pense tout de même que la réponse à ces questions est peut-être « oui » et que nous devons nous en accommoder. Nous pourrions aller de l'avant avec ce projet, voir si ça fonctionne, puis retourner à la table de travail. La solution de rechange ne m'intéresse pas du tout. Je ne veux certainement pas avoir à dire aux gens de Terre-Neuve : « Je suis désolé, mais nous avons essayé. » Il s'agit peut-être d'un malencontreux effort ou peut-être est-ce vrai, comme quelqu'un l'a laissé entendre tout à l'heure, que le ministère des Affaires étrangères trahit de fois en fois l'industrie des pêches. Il n'en demeure pas moins que je n'ai pas envie de retourner à Terre-Neuve pour annoncer aux gens que tout est à recommencer et qu'entre-temps, les anciennes règles continuent de s'appliquer. Cette option ne m'est pas du tout attrayante. Peut-être qu'elle intéressera quelqu'un d'autre.

Le sénateur Manning : En ce moment — et peut-être que M. Applebaum saura nous éclairer à ce sujet —, notre compétence s'étend jusqu'à la limite des 200 milles. Lorsque cette nouvelle convention et que cette nouvelle clause seront en vigueur, contrôlerons-nous encore toute cette zone? Dans le passé, des navires étrangers sont venus pêcher à l'intérieur de la limite, en vertu d'accords conclus avec le Canada. On y trouve différentes espèces, il y possibilité d'échange et ainsi de suite. Le Canada s'est livré à de telles pratiques par le passé, mais il était tenu de donner son accord avant qu'un navire étranger puisse entrer dans la zone des 200 milles. Est-ce que cette situation serait appelée à changer si la nouvelle convention était ratifiée? Le Canada ne doit-il pas toujours donner son accord avant que quiconque puisse franchir la limite des 200 milles? Conservons-nous notre souveraineté à l'intérieur de cette zone?

M. McDorman : Oui. M. Applebaum et moi pouvons nous entendre sur ce point : la réponse est oui.

M. Applebaum : Oui, nous conservons notre souveraineté à l'intérieur de cette zone. Oui, nous continuons de devoir donner l'autorisation aux navires étrangers qui souhaitent venir pêcher dans cette zone. Ces choses n'ont pas changé. Ce qui change avec cette nouvelle clause, c'est qu'elle rend possible une gestion internationale à l'intérieur de ces 200 milles. Voilà ce qui a changé.

Le sénateur Manning : Cela n'est-il pas déjà le cas dans une certaine mesure aujourd'hui? N'importe quel pays du monde ne peut-il pas venir négocier un accord avec le Canada pour pouvoir pêcher à l'intérieur de la zone? L'Union européenne, qui compte 27 pays, ne peut-elle pas approcher le Canada et négocier avec lui un accord grâce auquel les pays membres pourront pêcher à l'intérieur de la zone en question, en vertu de la convention actuellement en vigueur?

M. McDorman : Oui, c'est possible.

Le sénateur Manning : Et pourront-ils continuer de le faire si la nouvelle convention est ratifiée?

M. McDorman : Oui, mais M. Applebaum dit vrai lorsqu'il affirme que l'équilibre s'en trouve quelque peu modifié, parce qu'il est possible d'invoquer un droit issu de traité pour légitimer les mesures de gestion. Je suis d'accord avec M. Applebaum lorsqu'il dit que les choses ont un peu changé, mais que le Canada conserve néanmoins sa souveraineté. Nous sommes tenus de donner notre aval et cette règle continuera de s'appliquer. Même si cette convention ne voyait pas le jour, les pays pourraient encore le demander. Nous n'avons pas l'habitude d'accepter, et par « nous », j'entends le Canada.

Le sénateur Manning : Mais il n'en demeure pas moins que ces pays sont tenus de demander la permission. Ils ne peuvent pas simplement décider de franchir la limite des 200 milles.

M. McDorman : C'est exact. Rien ne change à ce chapitre.

Le sénateur Manning : Quelque chose m'échappe. D'une part, j'entends le sénateur Cook parler de la situation des gens de Terre-Neuve-et-Labrador, et j'ai moi-même entendu beaucoup de choses de la part de personnes préoccupées par cette clause. D'autre part, le président du syndicat des pêcheurs de Terre-Neuve-et-Labrador, Earle McCurdy, n'y voit pas vraiment de problème. Il représente tous les pêcheurs et tous les travailleurs d'usine de Terre-Neuve-et- Labrador et, bien qu'il estime que la convention comporte certaines lacunes, il est d'avis qu'elle est meilleure que celle en vigueur actuellement. Je comprends tout à fait les observations de M. Applebaum et de chacun et je les ai toutes lues, mais les choses se compliquent lorsque le président du syndicat est convoqué en séance de comité pour autre chose et que tous s'accordent à dire que les choses vont comme sur des roulettes. Ensuite, nous abordons le sujet à l'étude aujourd'hui et, malgré tout le respect que je dois à l'opposition, ce sont eux maintenant qui disent que le gouvernement ne fait pas ce qu'il faut dans ce dossier. La personne qui a le mandat de représenter chaque pêcheur et chaque travailleur d'usine de Terre-Neuve-et-Labrador dit que c'est à tout le moins un pas dans la bonne direction. Comme sénateur, j'aurais du mal à me défendre contre une personne qui possède autant d'expérience dans le domaine.

M. Applebaum : Sénateur, je pense pouvoir apporter les précisions que vous voulez. Nous ne parlons pas ici des pays qui peuvent ou ne peuvent pas pêcher dans la zone des 200 milles. En vertu de règles en vigueur, le Canada décide de qui il autorise à pêcher dans cette zone et, en dépit de cette légère opposition aux méthodes de fonctionnement prévues dans la nouvelle convention, il continuera vraisemblablement de le faire lorsque les nouvelles règles seront en vigueur. La question est de savoir qui assurera la gestion des pêches à l'intérieur de cette zone. Est-ce le Canada qui établira toutes les règles applicables aux pêches dans cette zone, auxquelles les Canadiens et tous les autres devront se conformer? À l'heure actuelle, pour autant que je sache, c'est le Canada qui décide seul de ces règles et il continuera probablement de le faire dans le futur, mais qui sait? La question n'est pas de déterminer qui pêche à l'intérieur de la zone mais bien qui en assure la gestion.

En vertu de la convention actuelle de l'OPANO, le Canada est la seule autorité de gestion à l'intérieur de la limite des 200 milles. Les règles de l'OPANO ne s'appliquent pas ni ne peuvent s'appliquer à l'intérieur de cette zone. Toutefois, les modifications proposées rendent possible l'application d'une règle de gestion de l'OPANO à l'intérieur de la zone des 200 milles, si le Canada en fait la demande.

Par exemple, au moment où on se parle, il s'applique au-delà des 200 milles un système d'inspection réciproque en vertu duquel le Canada et les autres pays peuvent s'inspecter entre eux. À l'intérieur de la zone canadienne, les pays étrangers ne peuvent pas inspecter les navires canadiens et ce sont strictement des inspecteurs canadiens qui montent à bord de nos navires. En vertu de la nouvelle clause, sous réserve d'une demande en ce sens, il serait possible d'établir un système en vertu duquel les étrangers pourraient venir dans la zone de 200 milles pour inspecter les navires canadiens. Dans le cadre d'une convention globale, vous pourriez voir des mesures de conservation qui s'appliqueraient au TAC, aux contingents et tout, en vertu desquelles le système réciproque de l'autorité internationale s'appliquerait à l'intérieur de la zone des 200 milles. Toutefois, le Canada aurait à soumettre une demande en ce sens. Ensuite, il faudrait déterminer comment mettre ces choses en pratique, mais cela pourrait se faire. C'est cette question qui nous préoccupe, en l'occurrence la gestion des pêches à l'intérieur de la zone des 200 milles. Qui a cette responsabilité : l'autorité internationale, le Canada ou les deux?

Le sénateur Manning : Je comprends ce que vous dites, mais chaque fois, vos propos se terminent par « si le Canada en fait la demande ». Le Canada aurait à demander qu'un navire étranger vienne surveiller nos navires de pêche. Le Canada aurait à demander qu'un autre pays vienne participer aux activités de pêche à l'intérieur de la zone des 200 milles.

Pour en revenir à vous, monsieur McDorman, si je comprends bien, cette clause a été prévue afin de faire connaître à la table certaines grandes préoccupations du Canada à l'égard du règlement exécutoire des différends et de la procédure de contestation. Toutefois, il n'en demeure pas moins que personne ne peut franchir la limite des 200 milles à moins que le Canada ne le demande ou ne l'autorise, ce qui me paraîtrait un geste incongru de la part d'un gouvernement, peu importe lequel.

M. McDorman : C'est exact.

Le sénateur Manning : Je suis confus. Quelque chose m'échappe sans doute. Au cours de son histoire, le Canada a négocié des ententes pour permettre à d'autres pays de pêcher dans la zone des 200 milles, afin de pouvoir, en contrepartie, construire des usines ailleurs au Canada. Par exemple, en vue d'établir une usine de construction automobile quelque part en Ontario, nous renonçons à une partie du poisson dans la zone des 200 milles. Cela se fait depuis longtemps et, dirais-je, au détriment des gens de Terre-Neuve-et-Labrador. Certains pourraient ne pas être d'accord avec moi sur ce point.

Il n'en demeure pas moins que personne ne peut venir dans notre zone de 200 milles à moins que le Canada ne le demande ou ne l'autorise. Rien n'a changé à ce chapitre au cours de la présente négociation, si vous voulez mon avis.

M. McDorman : C'est exact.

M. Applebaum : Je tiens à m'excuser auprès du principal intervenant de lui couper autant son temps de parole, mais je répondrai à la question.

M. McDorman a parlé tout à l'heure du pouvoir de négociation. Vous avez réduit la question à sa plus simple forme, monsieur le sénateur, lorsque vous avez cherché à savoir pourquoi le Canada demanderait à des étrangers de venir inspecter les bateaux canadiens. Bien entendu, aucun pays ne ferait une telle demande. Selon moi, il serait possible de le faire pour des navires étrangers particuliers sans avoir à modifier les règles, mais nous ne le ferions pas.

Permettez-moi de vous présenter un scénario, un scénario parmi tant d'autres, de ce qui pourrait très bien se produire au titre de cette nouvelle modification qu'il est proposé d'apporter concernant la demande du Canada. C'est un exemple hypothétique : les spécialistes du flétan noir recommandent que dans les années à venir le total autorisé des captures soit réduit, disons de 20 000 à 10 000 tonnes. La délégation canadienne se rend à la réunion de l'OPANO et dit : « Nous insistons pour que le total autorisé des captures soit réduit à 10 000 tonnes. » Les représentants de l'Union européenne, de façon parallèle, ou quelque que soit la façon dont ils s'y prennent, pourraient dire : « Vous savez, nous pouvons le faire. Nous pouvons accepter votre proposition et accepter que le total autorisé des captures soit réduit à 10 000 tonnes. Mais nous allons le faire uniquement dans le cadre d'un ensemble de mesures prévoyant que vous demandiez que le projet de contrôle international conjoint de l'OPANO s'applique au flétan noir à l'intérieur de la zone de 200 milles parce que nous ne vous faisons pas confiance. Comment pouvons-nous savoir que vos inspecteurs font ce qu'ils ont à faire? Nous voulons que nos propres navires viennent vérifier ce que vous faites et contrôler la situation à l'intérieur de la zone de 200 milles. Donc, si vous voulez que le total autorisé des captures soit réduit, vous devez présenter cette demande. Si vous ne voulez pas présenter cette demande, nous n'avons rien contre, mais nous allons maintenir le total autorisé des captures à 20 000 tonnes.

Alors, quel pays nuit à la conservation dans ce cas-ci? Les représentants de l'Union européenne pourraient dire : « Est-ce nous qui sommes heureux de l'ensemble de mesures prises pour réduire le total autorisé des captures, ou est-ce le Canada qui empêche que le total autorisé des captures soit réduit et, par conséquent, il va rester au même niveau? »

C'est le genre de moyens de pression — un exemple tout à fait hypothétique, mais il y en a d'autres — que l'Union européenne pourrait utiliser relativement à cette demande.

Le sénateur Manning : Je comprends.

Je vais donner un exemple qui n'est pas hypothétique. Il y a quelques années, nous avons amené le chalutier espagnol Estai à St. John's. Vous étiez peut-être au ministère à l'époque, et vous avez peut-être pris part au dossier. Nous allions faire tout ce qu'il est possible d'imaginer et, quelques semaines plus tard, l'Estai a quitté le port de St. John's, nous avons renvoyé les membres de l'équipage chez eux par avion et nous avons payé pour les produits qui se trouvaient sur le bateau. Nous avons alors convenu que, dorénavant, si des bateaux sont pris à l'extérieur à faire une pêche excessive, ils vont retourner à leur port d'attache pour être inspectés par leurs propres inspecteurs.

Ma seule préoccupation concerne l'intérieur de la zone de 200 milles. Je comprends ce que vous dites lorsque vous parlez de l'extérieur de la zone de 200 milles. Nos pouvoirs se limitent à l'intérieur de la zone de 200 milles. Je le répète, n'importe quel gouvernement peut faire marche arrière demain. Vous n'avez pas besoin de cette disposition pour négocier à l'intérieur de la zone de 200 milles. Vous pouvez négocier aujourd'hui avec un pays étranger un accord sur la pêche à l'intérieur de la zone de 200 milles. Ai-je raison? Cela ne change pas.

Oui, ce serait peut-être mieux si cette disposition n'existait pas, mais j'écoute le professeur McDorman ce matin. Mon inquiétude est la même que celle du comité, que celle du ministère et du gouvernement, de même que celle des anciens gouvernements pour ce qui est notamment des dispositions relatives au règlement des différends. Y aurait-il des dispositions de ce genre dans la nouvelle convention si cette disposition n'y était pas? Je sais que c'est une question insidieuse à laquelle personne ne peut répondre.

M. McDorman : Je ne peux pas répondre parce qu'il n'en a pas été question dans le cadre des négociations, et je ne sais pas à quel point cette disposition est liée aux autres dispositions. Mon travail était d'examiner l'équilibre. C'est un aspect qui pose manifestement un problème pour le Canada mais, au moins, il y a d'autres aspects que le gouvernement du Canada a qualifiés haut et fort d'éléments positifs, et je crois que certains le sont. À savoir s'ils sont reliés exactement comme vous l'avez décrit, je ne sais pas, désolé.

Le sénateur Patterson : Je suis nouveau au comité et je suis heureux d'en faire partie. Je suis déconcerté par les différents points de vue exprimés par d'autres sénateurs. Le comité a-t-il eu de l'information du gouvernement à savoir pourquoi il a pris cette position et, comme on vient de le demander, quel est le contexte? Pourquoi avons-nous accepté d'inclure cette disposition?

On fait référence à des audiences devant le comité de la Chambre des communes. Ces audiences sont-elles terminées, et le comité a-t-il pris position sur la question?

Le président : Pour répondre à la deuxième partie de votre question, je crois que le Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes se penche actuellement sur la question. Son examen n'est pas encore terminé.

En ce qui concerne votre première question, nous avons entendu M. Bevin, qui était sous-ministre adjoint à l'époque. Il était à la tête de la délégation canadienne dans le cadre des négociations sur la convention. J'espère que cela répond à votre question.

Le sénateur Hubley : C'est l'heure des éclaircissements. J'aimerais revenir au scénario que M. Applebaum a présenté concernant le flétan, à titre d'exemple. Le Canada demandait, je crois, que le total autorisé des captures soit réduit, de 20 000 à 10 000 tonnes. Cette demande fait ensuite l'objet d'un débat. Je prends les pays de l'Union européenne comme exemple, et bien qu'ils soient susceptibles d'être d'accord, ils risquent d'ajouter des dispositions.

Ce qui me frustre, c'est que la preuve scientifique pourrait être présentée et devrait probablement être présentée, mais je vois ici une structure d'ordre politique, plutôt qu'une structure liée à la conservation. Qu'avez-vous à dire à ce sujet?

M. Applebaum : D'après ce que je peux constater, vous avez tout à fait raison. L'une des grandes difficultés que connaît l'OPANO dans sa forme actuelle, c'est de demeurer exempte de politique, et on ne réussit jamais à l'exclure complètement. Nous avons déjà un exemple cette année de propositions de conservation qui n'ont pas été adoptées par l'OPANO. Dans le cadre de futures négociations en vue d'apporter de nouvelles modifications à la convention, il faudrait chercher un moyen de structurer l'organisation de manière à réduire au maximum l'aspect politique et à maximiser l'application des avis scientifiques. C'est un élément fondamental. La question de la disposition relative à la demande alimente cet aspect politique qui s'ajoute à la discussion sur l'établissement du total autorisé des captures.

Par exemple, si l'on devait recommencer ces négociations, on pourrait suggérer aux autres parties que, pour écarter un avis scientifique, il faut l'appui d'une majorité pondérée, c'est-à-dire trois quarts des parties ou quelque chose comme ça; cela permettrait de protéger les avis scientifiques.

Je ne sais pas, mais je ne pense pas que quiconque au sein de la délégation canadienne — ou de toute autre délégation prenant part à ces négociations visant soi-disant à renforcer l'OPANO — ait déjà soumis une proposition de ce genre. Je n'ai certainement rien vu de la sorte dans les ébauches que j'ai lues, ni dans la version finale. Ce n'est qu'un exemple de ce que l'on pourrait faire, au début de futures négociations, pour essayer de renforcer les activités de conservation de l'OPANO plutôt que de les affaiblir.

Le sénateur Hubley : Les membres de l'Union européenne étaient à l'origine de l'inclusion de cette disposition. En envisageant l'avenir, pouvez-vous me donner une idée de ce que pourraient être leurs intentions? Dans quelle mesure seraient-ils capables d'amener l'OPANO à modifier ses plans de gestion d'une manière qui serait à leur avantage, mais pas nécessairement à l'avantage de l'État côtier, ou de la zone côtière?

M. Applebaum : Ces scénarios sont hypothétiques, et je suppose que les gens de l'Union européenne ont eux aussi des scénarios hypothétiques bien meilleurs en ce qui a trait à l'utilisation de cette disposition dans l'avenir. Je vous ai donné un exemple simple à partir duquel je vais tenter d'élaborer.

Cette modification crée une faille dans la convention actuelle de l'OPANO, une faille pour la gestion de l'OPANO à l'intérieur de la zone de 200 milles. Si, dans mon exemple, l'Union européenne réussissait, et si la proposition était présentée de la bonne façon, elle pourrait avoir l'air très intéressante et correcte. Après tout, elle favorise la conservation. Il y a donc des navires de l'Union européenne qui inspectent des navires canadiens à l'intérieur de la zone de 200 milles. C'est là que se trouve la faille. L'année suivante, ou peut-être deux ans plus tard, pourquoi les gens de l'Union européenne ne diraient-ils pas — même s'ils devraient être prudents à cet égard, étant donné que c'est cumulatif — comme nous nous sommes tous entendus pour qu'il y ait une inspection internationale à l'intérieur de la zone de 200 milles, et comme il s'agit d'une règle de l'OPANO qui s'applique maintenant à l'intérieur de votre zone, alors qu'elle ne s'appliquait jamais, l'endroit où nous pêchons est-il vraiment important? Après tout, pourquoi les navires de l'Union européenne ne seraient-ils pas en mesure de pêcher leurs quotas à l'intérieur de la zone de 200 milles? C'est le même quota pour le même stock. En passant, nous allons accepter la réduction du total autorisé des captures que proposent les scientifiques, si vous acceptez cette proposition. Et qu'y a-t-il de mal là-dedans?

Il se peut très bien que les gens assis autour de cette table soient tentés de dire que l'année dernière, nous avons déjà accepté l'application réciproque de la réglementation dans la zone de 200 milles. Qu'y aurait-il de mal à aussi les laisser pêcher dans cette zone?

Il s'agit là d'un seul exemple, et nous pourrions probablement en trouver bien d'autres.

M. McDorman : L'argument concernant l'existence d'une faille — expression qui, je l'espère, ne perdurera pas — est valable en quelque sorte. Je ne le déprécie pas. Je ne fais que souligner le fait qu'il existe des failles dans d'autres ententes adoptées par d'autres pays qui se préoccupent tout autant de la question de la souveraineté que nous et qui semblent avoir réussi à passer outre à ces préoccupations, entre autres parce qu'au bout du compte, la décision revient au Canada, comme l'a indiqué le sénateur Manning.

Si vous veniez assister à mes cours de droit international, la seule chose que vous y apprendriez est que le passé est garant de l'avenir. Par exemple, ce que les Européens feront aux Canadiens, les Russes, les Norvégiens et les Islandais le leur rendront dans la zone de pêcherie de l'Atlantique Nord-Est. Ils doivent se montrer prudents parce que ce même argument peut se retourner contre eux, et c'est un problème. Je ne sais pas exactement à quel point cela entre en ligne de compte, mais il reste qu'il est important de comprendre le fonctionnement général.

En ce qui a trait à la conservation, j'ai étudié la relation qui existe entre la science et le processus décisionnel des autres organisations régionales de gestion des pêches. L'aspect politique est toujours présent. On arrive très mal à mettre directement en lien la science et une décision concernant les quotas et le total autorisé des captures.

Je suppose que de nouvelles idées pourraient se dégager d'une nouvelle ronde de négociations. Le vote pondéré pourrait s'avérer être une option intéressante, mais je ne sais pas si ce mode de scrutin a déjà été utilisé. Je sais toutefois que d'autres organisations n'ont pas réussi à obtenir beaucoup de résultats. D'ailleurs, en tentant de mêler la science à tout cela, nous ne faisons que refiler le problème aux scientifiques, qui finissent par se laisser influencer par la politique. Il est arrivé, dans une ou deux organisations régionales de gestion des pêches de thon, que soudainement, des scientifiques se rangent à la position de leur gouvernement, rendant toute entente impossible.

L'aspect politique sera toujours présent. Même si on espère négocier de meilleures conditions, personne n'y est parvenu. Les négociateurs canadiens sont de loin les meilleurs, et j'en suis conscient, mais nous devons malgré tout tenir compte des pratiques des autres pays. Les résultats obtenus à cet égard sont minimes.

M. Applebaum : M. McDorman a mentionné à plusieurs reprises que cette situation était courante dans d'autres régions du monde. Je n'avais pas l'intention d'en parler, mais le dernier point soulevé a fait resurgir la question. Même si c'est une constante ailleurs dans le monde, quelle qu'en soit la raison, il ne faut pas nécessairement faire de même ici. Je n'en vois pas l'intérêt. C'est illogique. En fait, à l'époque où l'OPANO a été mise sur pied, nous étions des chefs de file et c'était nous qui décidions des modes de fonctionnement à adopter plutôt que de prendre ceux des autres.

De plus, la pêche est très différente d'une région à l'autre. Je ne connais pas bien la situation du Pacifique Sud, mais je sais que dans l'Atlantique Nord-Est, il y a beaucoup de stocks de poissons qui, même s'ils ne sont pas des stocks chevauchants, chevauchent plusieurs zones de 200 milles. Il existe bien des cas où il convient de demander à une organisation internationale de gérer ces stocks. Il y a aussi dans le Pacifique Sud un grand nombre de zones où les stocks migrent, ce que les pays de cette région pourraient considérer comme avantageux.

Dans l'Atlantique du Nord-Ouest, il y a les États-Unis, qui n'ont pas de stocks chevauchants. Il y a aussi le Groenland, mais il n'y a pas de gros problème de stocks chevauchants.

C'est nous qui sommes visés. Si on est le moindrement objectif, on se rend compte que dans l'Atlantique du Nord- Ouest, c'est le Canada qui est l'État côtier. C'est nous qu'on forcera à acquiescer à la demande; les États-Unis ne subiront aucune pression et ils ne présentent aucun intérêt dans cette affaire.

Le sénateur MacDonald : Professeur McDorman, vous avez mentionné avoir entendu un quelqu'un dire que le ministère des Affaires étrangères s'était départi des pêches dans l'Atlantique Nord au fil du temps. C'est moi qui ai fait ce commentaire, et je tiens à dire que j'ai toujours cru fermement que les stocks de pêche du Canada avaient été vendus au fil des ans par des brasseurs d'affaires des salons de Paris et de Bruxelles, et même d'ailleurs en Europe. Je pense que tous ceux qui ont gouverné notre pays, quelle que soit leur allégeance politique, sont coupables de cette faute. Je ne pense pas vous apprendre quoi que ce soit, mais je n'ai aucun problème à défendre ce commentaire.

Ce matin, on a beaucoup discuté de la zone de 200 milles et de ses effets sur les négociations concernant cette zone. Toutefois, comme nous le savons, les poissons nagent, et je suis curieux de savoir en quoi cette nouvelle entente a une incidence sur la conservation et la surveillance au nez et à la queue des Grands Bancs et du Bonnet Flamand.

M. McDorman : Je ne me suis pas attardé à cet aspect parce que je me suis concentré sur les éléments du projet de modification relatifs au fonctionnement organisationnel. Je ne sais donc pas vraiment quels changements directement liés à la surveillance de la gestion et à ce genre de questions ont été apportés à l'entente, si changements il y a eu. D'après ce que j'ai compris du projet, il y en a très peu. Ces questions sont régies par la réglementation en vigueur et les décisions en matière de gestion, et il en restera ainsi. Je ne sais pas si on a apporté des améliorations à cet égard, alors corrigez-moi si je me trompe — car ça m'arrive fréquemment.

M. Applebaum : Je crois pouvoir être davantage précis. Pas un seul point du projet de modification n'apporte de changement — ce qu'on souhaite, c'est consolider la convention — au processus d'application de la loi à l'extérieur de la zone de 200 milles. Cet élément aurait dû être abordé à la table des négociations — peut-être l'a-t-il été. Je ne le sais pas parce que je n'y étais pas. De toute évidence, au moment de préparer les premières ébauches que j'ai vues, on n'a fait aucun effort pour modifier les règles qui s'appliquent maintenant à l'extérieur de la zone de 200 milles, où seuls les États du pavillon contrôlent ce que font leurs navires.

Le sénateur MacDonald : Je suis d'avis que si on ne s'occupe pas de la conservation des pêches, bien des efforts auront été vains.

Le changement du mode de scrutin de l'OPANO, qui passe de la majorité simple à la majorité des deux tiers, me préoccupe. J'ai l'impression qu'il sera plus difficile d'en venir à une entente sur la conservation. Je suis curieux de savoir ce que vous en pensez, messieurs.

M. McDorman : Dans ce cas-ci, je peux parler au nom de M. Applebaum parce que j'ai lu et entendu son point de vue. À cause de ce changement, il sera plus difficile de faire valoir la position du Canada. Mais à l'inverse, il sera bien entendu plus difficile d'abolir des mesures.

Je crois que M. Applebaum a probablement raison sur un point. Selon moi, nous ne devons pas trop nous concentrer sur le mode de scrutin. De nos jours, bien des décisions internationales — voire la grande majorité — sont issues d'un consensus, mais dans le cas des questions les plus épineuses, on opte pour le vote. M. Applebaum a souligné que les autres organisations sont différentes et je suis d'accord avec lui. Je n'allègue pas qu'elles sont semblables à l'OPANO. Ce qu'on fait, c'est observer ce que les autres organisations font et, surtout, envisager les différentes possibilités. On opte pour le point de vue de la masse et on y adhère dans l'espoir de parvenir à son but. La plupart des organisations régionales de gestion des pêches fonctionnent habituellement selon un mode de scrutin à la majorité des trois quarts. Selon moi, il ne s'agit pas d'un changement positif. Je suis du même avis que M. McCurdy et M. Andrews, qui considèrent que même si cette question est un élément négatif, il ne s'agit peut-être pas de la question la plus importante au monde. Je crois que M. Applebaum a raison, mais je n'estime pas que ce changement empêchera d'arriver à un accord.

Le sénateur MacDonald : On parle de conservation, de captures admissibles totales et de méthode de surveillance. Je pense à l'industrie de la pêche du crabe en Nouvelle-Écosse. Je suis originaire de Louisbourg, où on trouve une importante industrie de la pêche du crabe. Je connais beaucoup de pêcheurs de crabe et beaucoup parmi eux qui ont également un permis de pêche du homard. Toute l'information qui m'a été communiquée m'amène à croire qu'il y a systématiquement débarquement en trop et sous-dénombrement au quai. Malgré la présence des fonctionnaires des pêches, ça continue. Je suis sûr que ce qui est vrai pour Louisbourg l'est également pour tout le Canada atlantique. Si nous voulons jeter le blâme, nous devons prêcher par l'exemple. On m'a dit que les débarquements dépassaient largement les quotas autorisés et que ce que l'on voit et ce que l'on compte, ça fait deux.

M. Applebaum : Monsieur le sénateur, je ne peux faire de commentaires sur cette question et je ne chercherai même pas à contester vos propos. C'est toujours difficile de faire appliquer la loi. Je ne suis plus au MPO et je ne discuterai pas de cette question parce que ce n'est pas la raison de ma présence ici, mais je comprends votre inquiétude. Chacun d'entre nous l'a éprouvée au fil des années.

Sur la question du vote à la majorité des deux tiers, M. McDorman a eu tendance à en minimiser l'impact. Vous l'avez dit de façon très claire lorsque vous l'avez mentionné la première fois et vous aviez parfaitement raison. Avec le vote à la majorité des deux tiers, il est difficile de faire adopter des règles de conservation strictes, plus qu'avec le vote à la majorité simple. Je vais vous donner quelques exemples pour illustrer mon propos parce que j'ai eu un rôle à jouer dans les négociations de l'OPANO pendant pratiquement toute ma vie professionnelle, jusqu'à ce que je prenne ma retraite, c'est-à-dire pendant une vingtaine d'années.

Commençons par le consensus. Toute entente conclue par consensus est sous-tendue par la connaissance de ce qui se passe si on n'en arrive pas à un consensus, de la raison pour laquelle on met la question aux vois. La nature du consensus sera entièrement différente selon qu'on doive tenir un vote à la majorité des deux tiers, plutôt qu'à la majorité simple, en cas d'incapacité d'en arriver tranquillement à une entente en coulisse. Pour moi, c'est tout à fait évident.

D'autre part, je le sais pour avoir joué un rôle dans les négociations pendant des années, la somme de travail et d'efforts qu'il a fallu mettre pour en arriver à des majorités simples — et, à l'OPANO nous l'avons fait année après année — était astronomique. Il était déjà très difficile de faire adopter une décision conséquente en matière de conservation par un vote à la majorité simple. Ce sera encore plus difficile s'il faut obtenir une majorité des deux tiers.

Au nombre de personnes présentes à l'OPANO, il s'agit seulement d'une voix de plus, mais ce mot, « seulement » n'est d'aucune aide en l'occurrence. S'il faut obtenir une voix supplémentaire pour faire adopter une réduction des captures admissibles totales, il faut sûrement s'attendre à ce que la réduction soit inférieure à ce que recommandent les scientifiques. Elle ne sera pas aussi limitée que le souhaite la partie d'en face, mais elle n'atteindra pas le seuil recommandé par les scientifiques. Pour moi, comme vous avez dit au début, c'est un calcul mathématique simple et c'est simple à comprendre.

Le sénateur MacDonald : Encore que les mathématiques n'aient jamais été mon fort.

M. Applebaum : Mais le chiffre que nous avons ici, les deux tiers, est à la portée de la compréhension de tous, je pense.

M. McDorman : Pour aller dans le même sens, le vote à la majorité est, à certains égards, lié à la procédure d'opposition. Si on resserre la procédure d'opposition, il va de soi que la mesure qu'on veut adopter devra recueillir le vote d'un plus grand nombre de personnes. Il y a un rapport direct. C'est une réalité qu'on a observée non seulement dans le cas de la présente entente, mais dans d'autres également. On prend d'une main et on donne un peu de l'autre.

Le président : Je pourrais peut-être demander à chacun de nos invités de faire le point sur ce que le Canada a retiré ces délibérations. Qu'est-ce que nous avons obtenu?

M. Applebaum : M. McDorman veut que je commence. Monsieur le président, je renonce à prendre la parole le premier parce que je ne crois pas que nous ayons gagné quoi que ce soit de valable. À mon avis, c'est à M. McDorman qu'il revient d'abord de nous montrer ce que nous avons gagné.

M. McDorman : J'ai dit plus tôt, en parlant de la dimension institutionnelle — la seule sur laquelle je peux vraiment me prononcer — que nous avons conclu une entente de règlement des différends. Il est d'application obligatoire. C'est pénible, c'est long mais ça y est. Comme je l'ai souligné plus tôt, le présent comité et d'autres l'avaient réclamée. La modification est assortie d'une procédure d'opposition qui a été resserrée et assortie de restrictions et de contraintes. Elle est loin d'être parfaite. À une exception près, toutes les ententes prévoient une procédure d'opposition. Impossible d'en faire l'économie. Le mieux qu'on puisse faire au moment de la négociation, c'est d'en limiter la portée. Quant à savoir si on l'a suffisamment limitée, c'est une question de discussion et de débat. Il me semble que nous soyons dans l'ordre de grandeur de ce qui a été fait avec d'autres ententes. Ici, il convient de nuancer. En l'absence d'une procédure d'opposition, il y a une obligation de consensus, ce qui revient au même. Il faut en arriver à une entente par consensus — pas au moyen d'un vote — et cela équivaut à une procédure d'objection, à mes yeux, en tout cas.

Ce n'était pas là le mandat du gouvernement mais le mandat réclamé à maintes reprises dans les rapports des comités permanents — que l'on fasse quelque chose au sujet de la procédure d'opposition — et je suis d'avis qu'ils ont accompli quelque chose. Est-ce suffisant? C'est mieux que rien. Je reconnais avec M. Applebaum que nous pourrions peut-être faire mieux, mais c'est un processus qui se prolonge dans le temps. Ils ont fait leur possible et, pour le moment, c'est probablement le mieux qu'on puisse faire à court terme. On peut toujours penser à essayer autre chose, mais personnellement, j'y vois une amélioration par rapport à l'ancienne version de l'OPANO sur les questions les plus importantes, même s'il subsiste certains motifs de préoccupation.

M. Applebaum : Monsieur le président, je suis content que nous en venions à ce sujet, parce que je voulais revenir sur cette question de la procédure d'opposition. M. McDorman a employé des mots comme « resserrée », « assortie de restrictions et de contraintes », et peut-être quelques autres vocables également. Chacun de vous peut en prendre connaissance; elle est dans la convention et elle n'a rien d'obscur.

Je ne suis pas d'accord avec les mots employés. La procédure n'est ni resserrée, ni limitée ni contraignante. Pour commencer, il est très clair que, une fois que l'OPANO a pris une décision en matière de conservation, n'importe quel pays peut s'y opposer. Simplement s'y opposer. Ce qu'ils doivent faire dorénavant, c'est donner une explication. Auparavant, ils n'étaient pas tenus de le faire; ils en donnaient toujours une verbalement dans le cadre des réunions, de sorte que chacun en était informé. Maintenant, ils doivent mettre l'explication par écrit et indiquer ce qu'ils ont l'intention de faire en lieu et place. Par le passé, l'Union européenne a toujours dit ce qu'elle avait l'intention de faire en lieu et place. Elle a dit qu'elle fixerait un quota unilatéral et elle l'a fait. Bien sûr, elle n'en a tenu aucun compte, mais c'est une autre histoire. Ce n'est toutefois pas un aspect insignifiant quand on pense à ce qu'il faudrait faire pour tenter de renforcer la convention de l'OPANO.

Pour commencer, tout le monde peut s'opposer. L'explication ne constitue aucunement une restriction. C'est facile à rédiger. Je pourrais la rédiger pour eux. Et quand on fixe ses propres quotas, on obtient une part plus grande que ce que l'OPANO nous donnerait. Ça aussi, c'est facile à faire.

L'étape suivante consiste pour l'OPANO, et non pas un État particulier comme le Canada, à porter plainte. L'OPANO peut recueillir un vote majoritaire pour soumettre cette objection à un processus d'examen par un comité. Le comité formulera une recommandation. Auparavant, il lui aurait fallu du temps pour se réunir et quelques mois pour rédiger son rapport. La saison de pêche avance. On pêche autant qu'on veut. Pendant ce temps, le comité s'occupe et fait son travail de comité. Finalement, il fait une recommandation à la commission. Mettons que la recommandation la plus dure qu'il fait est que l'objection n'est pas fondée et qu'il faudrait la retirer. C'est une recommandation, pas une décision. La recommandation est soumise à l'examen de la commission de l'OPANO, laquelle doit maintenant se prononcer par un vote sur une nouvelle décision ayant pour objet la mise en application de cette recommandation. Elle passe au vote, à la majorité des deux tiers, pas à la majorité simple, et supposons que la recommandation soit adoptée; on en revient aux anciens contingents de captures admissibles totales; ce sont exactement les mêmes qu'avant.

Que se passe-t-il ensuite? Le pays qui émet d'abord une objection peut en émettre une autre. C'est ainsi que le système fonctionne. Une décision de l'OPANO peut faire l'objet d'une objection. L'objection a une explication, et cette explication comprend également votre propre quota. Bien sûr, il est possible d'avoir recours à une autre procédure du groupe spécial même si la saison de pêche est bien entamée et qu'il n'y aurait aucune raison de le faire.

Rien dans cette nouvelle convention ne pourrait permettre de prendre une décision exécutoire qui annulerait une objection durant la saison de la pêche. Rien n'existe à cet égard. Est-ce inutile? Peut-être me rangerai-je du côté de mon ami M. McDorman. Avoir une procédure d'examen, avoir la chance de s'élever contre une décision en s'y objectant sont de bonnes choses. Si cet amendement de la nouvelle convention ne servait qu'à ça, et on ne pourrait faire mieux — même si je crois que tel n'est pas le cas —, ce serait une amélioration. Cependant, je crois que les questions liées au coût, à la demande de gestion dans un rayon de 200 milles, aux deux tiers des voix ainsi qu'aux autres éléments éparpillés dans cette convention que nous n'avons pas le temps d'examiner ici n'en valent pas la peine.

Permettez-moi de vous donner un autre exemple d'une façon d'élaborer une procédure d'examen d'une objection qui aurait eu certaines répercussions. Vous auriez pu rédiger une disposition — M. McDorman dit que c'est difficile à négocier, mais on ne le sait jamais avant d'avoir essayé — qui stipule qu'une fois que la Commission des pêches de l'OPANO transmet l'objection au groupe spécial, les quotas déterminés au départ demeurent inchangés jusqu'à ce qu'elle soit traitée dans le cadre du processus du groupe spécial. Cette disposition ne prévoit rien en ce sens. Non, le pays qui émet une objection a la liberté de pêcher ce qu'il veut jusqu'à la fin de cette procédure, et à la fin de la procédure, il peut émettre une autre objection et continuer à pêcher tout ce qu'il veut. C'est ce qui est écrit dans la convention.

M. McDorman : M. Applebaum a raison. Le problème est que toute autre procédure d'objection ou ORGP négociée par quiconque ont cette même faille. Cela n'amoindrit pas la portée de ce que M. Applebaum vient de dire, mais personne n'a été capable de négocier ce point. La Commission des pêches du Pacifique Centre-Ouest qui, je l'admets, est quelque peu différente, prévoit une exception. Ils n'ont pas été en mesure de négocier sur cette question.

Si nous retournions en arrière et recommencions, croyons-nous que nous pourrions faire mieux alors que personne n'en a été capable? Nous pouvons sans doute apporter certaines améliorations, mais est-ce que cela en vaut la peine? Devrons-nous retourner en arrière sur certains points? Je ne crois pas. La procédure d'objection est toujours présente dans chaque accord. Je crois que la marge de manœuvre de celui-ci est moins importante. Je reprends le point de M. Applebaum qui dit qu'il n'est pas parfait et qu'il a des failles. Tous les autres accords négociés par plusieurs autres pays n'ont pas permis de résoudre ce problème.

Le président : Nous l'avons examiné de nouveau et il ne fait aucun doute que nous continuerons à l'examiner. Le processus n'est pas terminé. À l'heure actuelle, il est à la Chambre des communes. Je comprends que la procédure veut qu'aucun vote liant le gouvernement ne soit requis, et que le gouvernement peut procéder à sa guise dans ce cas sans obtenir le consentement du Parlement et ce, même si la Chambre des communes débat sur cette question.

Ce dossier est toujours devant le Parlement et notre comité. Il ne fait aucun doute que nous nous réunirons de nouveau.

Le sénateur Manning : Monsieur le président, je sais que M. McCurdy a déjà comparu devant nous.

Le président : Vraiment?

Le sénateur Manning : Il n'est pas venu parler de cette question en particulier, mais nous avons eu quelques conversations avec lui à cet égard lors de son passage. Je crois que M. Ray Andrews de Terre-Neuve-et-Labrador a également comparu ici. Deux de ces gens sont membres de la délégation canadienne. Je me demande s'il serait possible d'inviter deux d'entre eux à une discussion de suivi. Ils semblent avoir un point de vue différent sur ce qui s'est passé ici. Je n'ai pas parlé à M. McCurdy, mais je l'ai entendu dans les médias locaux disant, à peu près en ces mots, qu'il croit que c'est un pas dans la bonne direction.

Le président : J'aimerais vérifier exactement ce qu'il a dit.

Le sénateur Manning : Il était membre de l'OPANO.

Le président : Oui, il l'était. J'aimerais consulter le sénateur Cochrane parce que c'est elle qui a initié cette réunion qui lui est très importante. Je ne veux rien faire sans la consulter.

Le sénateur Manning : Nous pourrions avoir une discussion plus approfondie sur ce que nous avons entendu ce matin. Certains des propos de M. Applebaum et de M. McDorman nous ont éclairés.

Le président : Discutons-en en comité directeur et voyons où ça nous mènera.

M. McDorman : M. Andrews et M. McCurdy ont comparu devant le comité permanent de la Chambre. J'ai lu la transcription avant de venir ici.

Le président : Merci d'être venu. Ce fut utile pour nous.

(La séance est levée).


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