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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 11 - Témoignages du 6 octobre 2009


OTTAWA, le mardi 6 octobre 2009

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 18 h 5, pour étudier les questions relatives au cadre stratégique actuel en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada (sujet : questions relatives à la Garde côtière canadienne et aux pêches en Arctique de l'Ouest).

Le sénateur Ethel Cochrane (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La vice-présidente : La séance est ouverte. Je suis désolée du retard. Les comités ne peuvent siéger en même temps que le Sénat.

C'est avec plaisir que j'accueille les trois personnes venues témoigner devant le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans.

Je m'appelle Ethel Cochrane, de Terre-Neuve-et-Labrador, et je suis la vice-présidente du Comité des pêches. Je demanderais aux membres du comité de bien vouloir se présenter.

Le sénateur Raine : Je suis le sénateur Nancy Greene Raine, de la Colombie-Btritannique.

Le sénateur Dallaire : Je suis le sénateur Roméo Dallaire, de Gaspé, au Québec.

Le sénateur Robichaud : Je suis le sénateur Fernand Robichaud, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Hubley : Je suis le sénateur Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Watt : Je suis le sénateur Charlie Watt, du Nunavik.

Le sénateur Manning : Je suis le sénateur Fabian Manning, de Terre-Neuve-et-Labrador.

La vice-présidente : Nous entendrons des témoins du Comité mixte de gestion de la pêche : M. Vic Gillman, président du comité, M. Max Kotokak père, membre inuvialuit et M. Burton Ayles, membre du Canada.

Le comité revient tout juste d'une mission en Arctique de l'Ouest qui nous a permis d'entendre divers groupes pendant des audiences publiques tenues à Inuvik; les gens ont été nombreux à venir nous voir; c'était fantastique.

Les représentants du Comité mixte de gestion de la pêche n'ont pas pu assister aux audiences publiques tenues dans les Territoires du Nord-Ouest. Je les remercie de prendre le temps de venir témoigner devant le Comité sénatorial des pêches ce soir, à Ottawa.

Monsieur Gillman, allez-y.

Vic Gillman, président, Comité mixte de gestion de la pêche : Je vous remercie. Bonsoir à vous, mesdames et messieurs les membres du comité, le personnel de soutien et le public. Je suis actuellement président par intérim du Comité mixte de gestion de la pêche en Arctique de l'Ouest. J'aimerais remercier le comité de nous donner l'occasion de nous rencontrer aujourd'hui, plus particulièrement Danielle Labonté, qui a pris les dispositions nécessaires pour que la présente séance ait lieu.

Je suis accompagné de deux membres du CMGP, Max Kotokak père, un Inuvialuit de Tuktoyaktuk, et Burton Ayles, du Manitoba. L'exposé que nous allons vous présenter aujourd'hui se divise en trois parties : nous commencerons par résumer brièvement qui nous sommes, nous décrirons ensuite ce que nous faisons, et nous présenterons notre perspective sur la stratégie nordique, en mettant plus particulièrement l'accent sur la souveraineté, la protection et la gestion de l'environnement nordique et l'amélioration de la gouvernance dans le but de permettre aux habitants du Nord d'avoir une plus grande influence sur leur destinée. En même temps que nous aborderons tous ces sujets, nous vous ferons part de nos commentaires concernant certaines questions sur lesquelles le comité s'est penché, comme les changements climatiques, la cogestion des pêches, la recherche scientifique, et les importantes initiatives qui ont lieu dans l'Arctique, comme le projet gazier Mackenzie. Nous parlerons d'autres recommandations que nous avons entendues dans le cadre de nos voyages au sujet des programmes dans l'Arctique et de la Garde côtière canadienne. Enfin, nous formulerons une série de recommandations que vous pourrez examiner afin de prendre les mesures. Nous avons fourni des documents d'information. Je n'aborderai donc que les points importants.

Le CMGP a été créé dans le cadre de la mise en œuvre de la Convention définitive des Inuvialuit de 1984, convention qui devait mener à la création d'un comité composé de membres du ministère des Pêches et des Océans et des Inuvialuit et dont le mandat consiste à gérer, en collaboration partagée, les responsabilités communes liées aux poissons et aux mammifères marins de la région désignée des Inuvialuit, la RDI, créée à l'époque. Le comité se compose de quatre membres, deux nommés par le ministère des Pêches et des Océans et deux nommés par le Conseil de gestion du gibier des Inuvialuit. Ce sont ces quatre membres qui désignent le président du CMGP, et le comité dispose de l'aide de deux personnes-ressources à temps plein qui se trouvent à Inuvik, dans les Territoires du Nord-Ouest.

La composition du comité vise à permettre de fusionner la sagesse et le savoir traditionnels des collectivités et des pêcheurs et récolteurs inuvialuit de la RDI avec les compétences scientifiques et techniques des membres canadiens, qui sont le plus souvent d'anciens fonctionnaires du ministère des Pêches et des Océans. Pour en savoir plus, vous pouvez consulter notre mémoire.

Je vais maintenant passer au sujet du jour et demander à nos représentants de s'adresser au comité. M. Max Kotokak, qui fait partie des membres inuvialuit du CMGP depuis 1998, est un pêcheur et un chasseur d'expérience, un homme d'affaires local, et le responsable des relations avec la collectivité au sein du comité.

Max Kotokak père, membre inuvialuit, Comité mixte de gestion de la pêche :

[M. Kotokak s'exprime dans sa langue autochtone.]

Quelqu'un m'a dit qu'un traducteur serait présent; j'ai donc pensé que je pouvais parler dans ma langue.

La vice-présidente : C'est très bien. En fait, le sénateur Watt, du Nunavut, vient tout juste de se joindre à nous.

Le sénateur Watt : Je ne ferai toutefois pas la traduction.

La vice-présidente : Poursuivez en anglais, s'il vous plaît. Je vous en prie.

M. Kotokak : Je m'appelle Max Kotokak et je suis membre inuvialuit du CMGP. Je viens de Tuktoyaktuk. Je vais souvent à la chasse et à la pêche, et j'ai aussi un emploi régulier dans mon village. Mes ancêtres étaient les Inuits les plus riches de l'Arctique. Je ne parle pas de mes grands-parents en particulier, mais bien des Inuvialuit en général, du peuple qui vivait dans la région du delta du Mackenzie, le long de la côte de la mer de Beaufort, de l'île Barter, en Alaska, jusqu'au golfe Amundsen. Nous étions plus riches que les autres peuples qui vivaient le long de la côte de l'Alaska et que le peuple Gwich'in, qui vivait plus au sud. Il y avait probablement plus d'Inuvialuit dans cette petite région que le long de tout le reste de la côte arctique, jusqu'à la baie d'Hudson.

Nous étions riches grâce au fleuve Mackenzie et à la mer de Beaufort. Le fleuve Mackenzie nous apportait de la chaleur, de la végétation, de l'eau douce et du poisson d'eau douce, tandis que la mer de Beaufort et les fleuves côtiers nous apportaient encore plus de poissons, des phoques, des baleines boréales et, surtout, des bélugas. On nous appelle parfois « les chasseurs de bélugas ». Ces espèces revenaient chaque année dans les mêmes régions, et elles étaient la source de notre richesse. C'était comme si nous nous trouvions dans un oasis au milieu du désert, par rapport au reste de l'Arctique. J'ai écrit « oasis » dans mes notes, mais je n'ai jamais vraiment vu d'oasis.

C'est tout cela que les représentants inuvialuit ont voulu préserver quand ils ont négocié et signé la convention en 1984. Les trois principes prévus dans la convention étaient les suivants : d'abord, protéger la culture inuvialuit; ensuite, permettre aux Inuvialuit de participer pleinement et équitablement à la société; et, troisièmement, protéger la faune et l'environnement.

Il s'est écoulé 25 ans depuis la signature de la Convention définitive des Inuvialuit en 1984, et la cogestion des ressources renouvelables dans la RDI est un exemple de réussite pour le Canada reconnu dans nos collectivités et dans les collectivités autochtones de partout dans le monde. Grâce à la cogestion, nous avons pu utiliser de façon beaucoup plus efficace nos connaissances écologiques traditionnelles, les CET, pour prendre des décisions concernant la gestion des ressources, particulièrement quand nous traitions avec des responsables locaux du ministère des Pêches et des Océans.

Nous devons toutefois continuer à nous assurer que ces connaissances sont prises en compte dès le début des processus officiels de planification et de prise de décisions. Je pense, par exemple, à la Loi sur les espèces en péril, au Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, le COSEPAC. Les dispositions législatives contiennent des mentions des droits autochtones et de la cogestion, mais la mise en application de la Loi et loin d'être parfaite.

Notre expérience de cogestion avec le ministère des Pêches et des Océans a été très positive. Nous pensons que des initiatives semblables pourraient être prises ailleurs au Canada et dans le monde pour aider les pêcheurs et protéger leurs ressources. Si vous le permettez, nous parlerons plus en détail des connaissances écologiques traditionnelles et de la cogestion pendant la période des questions, mais M. Ayles parlera d'abord un peu plus en détail d'un certain nombre d'enjeux particuliers.

La vice-présidente : Merci beaucoup. Vous parlez très bien anglais.

Burton Ayles, membre du Canada, Comité mixte de gestion de la pêche : Je suis heureux d'être ici.

J'ajouterais que deux des prédécesseurs de M. Kotokak au sein du comité, Billy Day et Nelson Green, ont signé la Convention définitive des Inuvialuit à l'origine. Je suis heureux que le sénateur Patterson soit présent aujourd'hui parce qu'il a aussi signé la convention, à titre de représentant des Territoires du Nord-Ouest, à l'époque. Nous vous devons tous nos remerciements parce que cette convention est extraordinaire.

Le CMGP intervient fréquemment dans le processus d'examen environnemental établi dans le cadre de la CDI. Nous sommes intervenus dans le cas de projets qui touchaient autant les entreprises de pêche, le tourisme, la prospection séismique et l'évacuation des eaux usées, mais le principal enjeu lié à la protection de la gestion des ressources dans la région des Inuvialuit est l'exploitation d'hydrocarbures.

Le projet le plus important dont nous nous sommes occupés au cours des dernières années a été le projet gazier Mackenzie. Malgré des retards dans le processus de la Commission d'examen conjoint et la chute des prix du gaz naturel, le CMGP est surtout préoccupé par les répercussions cumulatives potentielles du pipeline proposé. Nous avons aussi d'autres préoccupations, comme les changements climatiques et d'autres projets, certains ayant fait l'objet d'une proposition, d'autres, qui n'en sont qu'à l'étape de projet, mais nous savons qu'il y aura d'autres projets dans l'avenir.

Nous sommes intervenus à plusieurs occasions dans le processus de la Commission d'examen conjoint. Nous avons hâte de prendre connaissance du rapport final, mais j'aimerais rappeler brièvement quelles sont nos principales préoccupations parce que la mise en application sera importante.

En résumé, les promoteurs ont affirmé que les projets n'auraient aucun effet cumulatif. Même si vous additionnez tous les projets, ils ont affirmé qu'il n'y avait pas d'effets cumulatifs. Ils ont aussi dit qu'il était inutile de prévoir une surveillance particulière des effets cumulatifs, puisqu'il n'y en a pas; c'est donc inutile d'en faire la surveillance.

Les promoteurs ont aussi affirmé que, même s'il y avait des effets cumulatifs, la coordination gouvernementale actuelle permet tout à fait une possible surveillance des effets cumulatifs. Malgré tout le respect que je dois aux promoteurs et à la coordination gouvernementale, je dois dire que nous ne sommes pas d'accord. Si vous êtes convaincu qu'il n'y aura pas d'effets cumulatifs, vous n'en trouverez pas.

Nous pensons qu'il faut mettre sur pied un programme approfondi de surveillance aquatique tout le long du fleuve Mackenzie, jusque dans la mer de Beaufort. Le fleuve Mackenzie est le plus grand fleuve du Canada. Toute cette eau s'écoule jusqu'à la mer de Beaufort, dans la région désignée des Inuvialuit. Il faut un programme auquel le gouvernement, les cogestionnaires et l'industrie participeraient, et chaque partenaire devrait payer pour ce programme. Nous devons tous payer pour le programme, en plus du gouvernement et de l'industrie; il ne s'agit pas seulement d'une responsabilité gouvernementale.

Le second enjeu est la gestion des océans. Depuis l'adoption de la Loi sur les océans, le Canada a fait d'importants progrès en ce qui concerne la planification de la gestion et de la protection des océans. La mer de Beaufort est une grande zone de gestion océanique. La mise en œuvre de ces plans permettrait d'améliorer la sécurité du Canada dans l'Arctique.

Le CMGP soutient ces initiatives liées à la planification dans la mer de Beaufort, mais nous souhaitons rappeler que la planification ne signifie pas la mise en œuvre. Nous avons l'impression que, pour bien des bureaucrates, la planification est l'étape finale; pour les habitants de la région désignée des Inuvialuit, la planification n'est qu'une des étapes du processus.

Notre principale préoccupation, à l'heure actuelle, constitue l'aire marine protégée de Tarium Niryutait, en attente d'approbation. Cette AMP proposée se trouve dans le delta du Mackenzie. Elle a été établie en fonction de l'utilisation de la ressource des bélugas par les Inuvialuit, chaque été, depuis des siècles, et elle vise à permettre de protéger l'habitat essentiel du béluga.

Une fois que l'AMP aura été approuvée de façon définitive et que le plan de gestion sera entièrement mis en œuvre, ces régions et les baleines seront protégées contre le développement industriel, et le Canada aura prouvé aux Inuvialuit, aux Canadiens et aux habitants des autres pays qu'il est vraiment décidé à mettre en œuvre des plans de protection de l'environnement dans l'Arctique. Par le fait même, il viendra affirmer plus fermement sa souveraineté dans l'Arctique.

Nous sommes satisfaits du plan et avons participé à son élaboration. En fait, nous serons l'organisme responsable de sa gestion. Les collectivités sont satisfaites du plan, de même que l'industrie, mais nous n'en possédons pas encore la version définitive. Le plan de gestion et les règlements qui touchent la nouvelle AMP sont la responsabilité du ministère des Pêches et des Océans et du gouvernement, ici, à Ottawa, et nous demandons qu'une version définitive soit produite le plus rapidement possible. Nous voulons pouvoir passer à l'action.

Le troisième enjeu dont nous aimerions discuter est la pêche commerciale. Les membres du CMGP et des comités de chasseurs et de trappeurs — vous en avez rencontrés quelques-uns quand vous vous êtes rendus à Inuvik — se préoccupent de plus en plus des répercussions négatives potentielles de l'augmentation de la pêche commerciale à grande échelle dans la mer de Beaufort. Récemment, le grand public s'est beaucoup préoccupé du déclin et de l'effondrement des stocks de poisson partout dans le monde. La pêche telle qu'elle est pratiquée depuis longtemps dans les pays industrialisés et en voie de développement constitue une surexploitation de la ressource, ce qui a entraîné la diminution des stocks de poisson.

Le 17 août, le gouvernement des États-Unis a banni la pêche commerciale dans les eaux américaines de l'Arctique en attendant que l'on ait suffisamment d'informations pour permettre une gestion durable de la pêche commerciale. Le CMGP discute depuis des mois, ou plutôt des années, avec les chasseurs et les pêcheurs Inuvialuit à propos de la question de la pêche commerciale à grande échelle, mais la mesure prise par les États-Unis a capté l'attention du grand public, des médias et des hommes et des femmes politiques.

Nos préoccupations concernant la mer de Beaufort se divisent en quatre volets : les changements climatiques — nous savons que l'Arctique deviendra plus accessible; le manque de connaissances — nous ne connaissons pas grand- chose à propos des poissons et des mammifères marins de l'Arctique; les intérêts traditionnels des Inuvialuit — le béluga, les baleines boréales et l'omble chevalier dépendent de l'écosystème dans la mer de Beaufort; et le contrôle insuffisant exercé par les Inuvialuit sur la pêche commerciale. Les Inuvialuit n'ont pas un contrôle sur les opérations de pêche commerciale semblable à celui du Nunavut.

Le CMGP a entamé, en collaboration avec ses partenaires, le Conseil de gestion du gibier, le ministère des Pêches et des Océans et la Corporation régionale des Inuvialuit, des discussions dans le but d'offrir aux Inuvialuit un plus grand contrôle de la pêche commerciale dans la mer de Beaufort afin de garantir la viabilité à long terme du poisson et des mammifères marins dont ils dépendent.

En ce qui concerne vos recommandations au sujet du Nunavut, il serait bien que le ministère des Pêches et des Océans augmente le financement destiné à la recherche sur les pêches et l'écosystème aquatique dans la mer de Beaufort visant à nous permettre de mieux comprendre les liens entre la productivité primaire, les espèces potentiellement commerciales et les principaux poissons et mammifères marins qui sont importants pour les Inuvialuit

Ce sont là les trois grands enjeux que nous voulons présenter au comité.

M. Gillman : J'aimerais résumer notre exposé en vous faisant part d'un certain nombre de recommandations.

Ce que nous recommandons, de façon générale, c'est que le gouvernement fédéral appuie les Inuvialuit dans le cadre des pratiques de cogestion avec le Canada, ce qui pourrait lui permettre d'améliorer grandement certains aspects de sa stratégie dans le Nord, plus particulièrement les aspects liés à la souveraineté, à la protection de l'environnement et au contrôle qu'exercent les habitants de la région sur leur vie et leurs affaires.

Le gouvernement du Canada dispose de nombreux processus efficaces de planification et de communication, mais de peu de plans de mise en œuvre. C'est pour cela que l'on dit que le gouvernement a laissé tomber l'Arctique. Nous demandons avec insistance au comité d'informer les organismes centraux du fait que les ministères fédéraux doivent accroître les ressources afin de soutenir la mise en œuvre des exigences des accords sur les revendications territoriales, essentiellement pour tenir compte des changements survenus depuis la signature initiale de ces accords.

À titre de recommandation, nous appuyons aussi les déclarations de la Corporation régionale des Inuvialuit et du Conseil de gestion du gibier concernant le caractère inadéquat de l'équipement actuellement utilisé pour retenir le pétrole déversé. Le Canada devrait être prêt à faire face à un événement de l'ampleur de celui de l'Exxon Valdez plutôt qu'à des déversements de carburant provenant de petits navires.

En ce qui concerne la recommandation 5, dans votre rapport sur les pêches au Nunavut, je dirais que le gouvernement doit davantage tenir compte des connaissances écologiques traditionnelles, les CET, dans certains processus, plus particulièrement les processus liés à la Loi sur les espèces en péril et au COSEPAC, comme l'a mentionné M. Kotokak.

Troisièmement, nous recommandons que, dans le cas où le gouvernement fédéral déciderait d'approuver le projet gazier Mackenzie, le comité demande au gouvernement d'exiger la création d'un programme intégré de surveillance aquatique à long terme dans le but d'évaluer les effets cumulatifs des répercussions sur le bassin hydrographique du Mackenzie. Toutes les parties doivent participer au programme, y compris les promoteurs du projet gazier Mackenzie, et toutes les parties doivent être prêtes à fournir leur juste part du financement requis par une telle initiative.

Quatrièmement, nous recommandons au comité de demander au ministère des Pêches et des Océans d'accélérer l'adoption officielle de l'aire marine protégée de Tarium Niryutait, et que les initiatives de planification des océans qui sont sur le point d'être mises en œuvre reçoivent un financement suffisant pour être entièrement déployées.

Cinquièmement, nous recommandons que le comité appuie les efforts des Inuvialuit, qui souhaitent obtenir un plus grand contrôle des ressources halieutiques de la mer de Beaufort, particulièrement en ce qui concerne le contrôle de la pêche commerciale à grande échelle.

En sixième lieu, nous recommandons que le comité tienne compte, pour son rapport sur l'Arctique de l'Ouest, de l'importance d'un financement accru destiné à un programme de recherche pluriannuelle sur l'écosystème des pêches plurispécifiques, comme vous l'aviez fait dans le cas des pêches au Nunavut, et comme l'a fait le gouvernement des États-Unis, qui a pris des engagements au sujet de la portion américaine de la mer de Beaufort.

C'est ainsi que se terminent nos recommandations, madame la présidente. Je m'en voudrais toutefois de ne pas mentionner que le respect, la confiance et l'engagement sont essentiels à la réussite d'une cogestion. Le ministère des Pêches et des Océans s'est révélé un bon partenaire dans l'Arctique de l'Ouest. Nous sommes conscients des mesures qu'il a prises et nous l'en remercions. Les représentants du ministère ont fait du bon travail. N'hésitez pas à le mentionner à la ministre.

Merci. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

La vice-présidente : Merci, monsieur Gillman. Sénateur Patterson, je ne vous ai pas encore présenté. Nous sommes heureux de vous compter parmi nous.

Je vais commencer par vous poser quelques questions. La cogestion est-elle généralement acceptée et appuyée par votre peuple?

M. Gillman : Je vais demander à M. Kotokak, qui compte 23 ans d'expérience et qui connaît le comité, de répondre à cette question.

La vice-présidente : Votre peuple accepte-t-il l'idée de la cogestion avec le MPO?

M. Kotokak : Les collectivités acceptent bien la cogestion avec le MPO. Nous nous rendons dans les collectivités. Nous les visitons. Nous demandons à leurs membres quelles sont leurs préoccupations au sujet des mammifères marins, et nous collaborons très bien avec eux. Nous appuyons de nombreux projets dans les collectivités — des projets souhaités par les collectivités — et nous collaborons très bien avec elles.

La vice-présidente : Quelles sont, exactement, les responsabilités du MPO?

M. Ayles : De façon générale, les responsabilités du MPO dans l'Arctique sont les mêmes que le long des côtes est et ouest. Dans les Territoires du Nord-Ouest, le ministère assume toutes les responsabilités. Les responsabilités législatives n'ont pas été transférées au gouvernement du territoire comme elles l'ont été aux gouvernements des provinces, ce qui signifie que c'est le MPO qui assume les responsabilités en général. Certaines des responsabilités ministérielles ont été déléguées au CMGP dans le cadre de la Convention définitive des Inuvialuit. Par exemple, le CMGP et les comités de chasseurs et de trappeurs sont responsables de l'affectation des ressources au sein des collectivités et entre les collectivités, particulièrement en ce qui concerne la pêche de subsistance. La ministre ne peut pas décider que tel pêcheur a droit à ce poisson et que tel autre a droit à un autre poisson. C'est le comité des chasseurs et des trappeurs ou le Comité mixte de gestion de la pêche qui décide.

À titre de comité, nous avons aussi la responsabilité de faire part de recommandations et de conseils à la ministre, ce qui ne signifie pas toujours la même chose en fonction des accords, et la ministre doit réagir à nos requêtes dans un délai prescrit. Nous formulons des recommandations au sujet de la recherche. Nous finançons des recherches que nous demandons aux ministères et aux scientifiques du gouvernement de faire. D'une certaine façon, nous leur conseillons ou leur recommandons des façons de dépenser leur argent. Nous sommes censés participer aux discussions ou aux négociations avec d'autres pays qui pourraient avoir une incidence, de quelque façon que ce soit, sur les pêches pour les Inuvialuit. Ce ne sont là que quelques exemples.

La vice-présidente : Qu'en est-il de la Garde côtière? Avez-vous des liens avec elle?

M. Gillman : Étant donné que nous nous préoccupons surtout de la gestion de la pêche et des mammifères marins, nous avons très peu de liens avec la Garde côtière. Il peut arriver que certains des programmes scientifiques financés, en tout ou en partie, par le CMGP aient lieu sur les navires de la Garde côtière, et c'est actuellement le cas de quelques projets. Mais nous nous occupons surtout des ressources naturelles, et très peu du transport ou des autres préoccupations dont s'occupe la Garde côtière.

M. Kotokak : Les collectivités entretiennent des relations de travail avec la Garde côtière, mais ce n'est pas vraiment le cas de notre comité, je crois.

Le sénateur Hubley : Merci beaucoup de nous avoir présenté votre exposé ce soir. Un voyage dans le Nord constitue toujours une expérience formidable, et je peux vous garantir que notre dernier voyage n'a pas fait exception à la règle.

Je veux poser une question sur les changements climatiques. De nombreux enjeux semblent maintenant liés aux changements climatiques, comme l'augmentation du niveau des océans, l'érosion côtière, l'érosion le long du fleuve Mackenzie et de son delta, la fonte du pergélisol, les conditions climatiques et les tempêtes imprévisibles, l'état dangereux des glaces, des tendances imprévisibles concernant la migration des animaux sauvages, et l'arrivée d'espèces prédatrices invasives. Je suis certaine que tous ces enjeux ont une grande incidence sur votre mode de vie. De quel type d'installation scientifique ou de recherche avons-nous besoin si nous voulons régler certains de ces problèmes, ou même tous ceux-ci? Qui s'en occupe?

M. Gillman : Je suis heureux de voir que vous connaissez bien les effets prévus à grande échelle du réchauffement de la planète ou des changements climatiques. M. Ayles est mieux placé que moi pour répondre à votre question d'un point de vue scientifique.

M. Ayles : Un certain nombre d'études océanographiques à grande échelle ont été faites au cours des 10 dernières années, comme l'étude conjointe sur les glaces de l'Arctique, dont vous avez peut-être entendu parler puisqu'elle a fait l'objet de reportages à la télé et à la radio, et une étude que l'on appelle la Canadian Arctic Shelf Exchange Study. Il s'agit d'études océanographiques importantes, de grande envergure, qui touchent la glace et les océans. Des universités canadiennes y ont participé. La dernière étude que j'ai mentionnée a été dirigée par l'Université Laval et l'Université du Manitoba. De nombreux chercheurs provenant de nombreux autres pays — d'aussi loin que l'Espagne — travaillent en collaboration sur des navires brise-glace de recherche. L'Amundsen était auparavant un brise-glace de la Garde côtière, qui appartenait au gouvernement. Il est maintenant utilisé pour faire de la recherche. Il se fait aussi de la recherche sur la glace directement sur la plate-forme depuis un certain nombre de mois.

Des études commencent à se faire. Un certain nombre d'études ont été faites dans le cadre de l'Année polaire internationale et portait sur les pêches dans l'Arctique.

Il y a deux problèmes. D'abord, peu d'études portent sur la pêche en particulier. Les études portent plutôt sur le volet océanographique et, à notre avis, les chercheurs ne connaissent pas suffisamment bien les liens entre l'atmosphère, la glace et l'eau, et la productivité primaire et secondaire, ni les liens avec le poisson et avec les belugas, les baleines boréales et les espèces halieutiques côtières. Ce sont là des éléments importants pour les Inuvialuit. Nous ne savons donc pas quelle sera l'incidence de tout cela sur les travaux qui touchent ces questions générales.

L'autre problème, c'est qu'il s'agit souvent de démarches uniques. Vous pouvez obtenir beaucoup d'argent dans le cadre de l'Année polaire internationale ou beaucoup d'argent de quelqu'un qui souhaite investir dans un programme de quatre ans ou dans un projet de ce type, puis le financement prend fin, en quelque sorte, et quelqu'un d'autre entreprend un autre projet dans 10 ans. Cela fait partie de la nature de la recherche. Il n'y a plus beaucoup de recherches dirigées par le gouvernement, de nos jours; elle est dirigée par les universités, et celles-ci obtiennent du financement du CRSNG et d'autres sources, mais elles s'engagent pour un projet en particulier. Nous pensons qu'il devrait y avoir des programmes de surveillance à long terme, par exemple, dont seul le gouvernement serait responsable. À notre avis, il s'agit d'une lacune.

Le sénateur Hubley : Nous avons entendu cette remarque pendant notre voyage dans le Nord. Il semble qu'il devrait y avoir une façon de regrouper les connaissances scientifiques que chacun de ces groupes et chacune de ces universités recueillent et, sans absolument exercer un contrôle sur celles-ci, avoir la possibilité d'accéder à ces connaissances et de les transmettre aux gens qui seront les plus touchés par les changements climatiques.

Nous avons deviné qu'il n'y avait pas de tels mécanismes à l'heure actuelle. Si cela devait arriver, qui devrait en être responsable? Qui devrait être responsable de la recherche et des études scientifiques faites dans le Nord? On nous a expliqué, par exemple, que de nombreux étudiants ont progressé et se sont intéressés au Nord puis ont fait un doctorat ou d'autres études sur ce sujet, puis c'est tout, et que l'information pourrait peut-être être regroupée, à la façon des morceaux d'un casse-tête, afin qu'on puisse avoir un meilleur aperçu des travaux scientifiques effectués et de leur valeur. Si l'on devait nommer un responsable qui regrouperait l'information, qui devrait-on nommer, à votre avis?

M. Ayles : Il s'agit là de questions importantes, auxquelles nous faisons face, nous aussi, même dans le cas des petits projets que nous finançons. M. Kotokak connaît bien ce type de problèmes parce que les gens viennent le voir et lui demandent : « Qu'est-il arrivé avec l'étude de marquage du corégone que vous avez financée il y a 10 ans? Où est allé ce poisson? Nous nous demandons où il est allé. » Nous savons qu'un rapport a été publié — c'était peut-être dans le Journal canadien des sciences halieutiques et aquatiques — et que quelqu'un a préparé une affiche et est allé dans les collectivités, mais nous n'avons pas encore trouvé de façon de rendre l'information disponible afin de faire comprendre les messages. L'information doit être traduite, et je ne veux pas dire qu'elle doit être traduite dans la langue des Inuvialuit, mais plutôt traduite du jargon scientifique à une langue qu'un profane peut comprendre. C'est notre responsabilité, en partie. À ce que je sache, ce n'est pas la responsabilité d'un groupe en particulier. Je crois qu'il y avait un programme de communication dans le cadre de l'Année polaire internationale, et je crois que les responsables des importants programmes océanographiques ont des responsabilités. Ils ont emmené des étudiants; ils ont visité des classes, dans le Nord. C'est la responsabilité de tous, mais je crois que nous n'avons pas encore trouvé la façon de procéder.

La société des communications inuvialuit a un rôle à jouer. Elle est aussi très présente dans les collectivités. Je n'ai pas vraiment de réponse à vous donner.

M. Gillman : J'aimerais ajouter quelque chose à ce sujet. Ce que vous dénoncez véritablement, c'est le fait qu'il n'y a pas de véritable vision en ce qui concerne la coordination de la recherche et de la science dans l'Arctique. Chaque ministère et comité possède un petit morceau du casse-tête, et nous faisons de notre mieux, mais, avant l'Année polaire internationale, il n'y avait pas véritablement de coordination entre les études scientifiques dans l'Arctique; c'est donc de cela que nous devons nous occuper.

Certaines occasions nous ont été offertes par le passé. À la suite de la Commission d'enquête Berger, la première, le nombre total de recherches scientifiques a diminué plutôt que d'augmenter. L'inverse aurait été préférable. Nous aurions été mieux préparés à faire face à la situation actuelle s'il y avait eu des programmes de recherche continus et coordonnés dans l'Arctique. Nous avons plutôt déserté le secteur pendant 15 ans, jusqu'à ce que de nouvelles pressions se fassent sentir, et nous y réagissons maintenant. C'était une excellente question. Je ne suis pas certain que nous vous avons beaucoup aidé, mais nous constatons le même besoin.

M. Kotokak : Madame la présidente, je pourrais peut-être répondre partiellement à une question sur l'érosion. Quand vous êtes allés à Inuvik, vous avez sûrement rencontré des membres de la collectivité de Tuktoyaktuk — c'est de là que je viens — le long de la mer de Beaufort. Au cours des 15 à 20 dernières années, il y a eu, là-bas, un grave problème d'érosion. Je suis sûr que vous en avez entendu parler. Depuis quatre ou cinq ans, la collectivité a tenté de travailler à la périphérie, là où l'érosion était vraiment importante.

En ce qui concerne les changements climatiques, nous, les chasseurs et les pêcheurs, pouvons communiquer avec d'autres collectivités, avec les collectivités isolées, comme Sachs Harbour, quand nous nous déplaçons avec le CMGP. Les gens de ces collectivités chassent d'autres espèces d'oiseaux aquatiques et de poissons et ils nous font part de l'état de la situation.

Le sénateur Watt :

[Le sénateur Watt s'exprime dans sa langue autochtone.]

C'est vraiment dommage qu'il n'y ait pas de traducteurs, ici présents, et je crois qu'il faudra s'en occuper à un moment ou un autre afin de régler le problème. Ce n'est pas un cas isolé. Cela est déjà arrivé. Je m'en excuse.

D'abord, étant donné que vous avez mentionné une série de six recommandations — et je suppose que la Société régionale inuvialuit appuie pleinement votre initiative —, j'aimerais savoir pourquoi vous avez fait ces six recommandations? Vous dites qu'il faudrait des études scientifiques et vous mentionnez qu'il faudrait y incorporer les connaissances. La Société régionale inuvialuit ne fait-elle pas partie des partenaires de ce gazoduc qui est censé être construit? Non seulement les sociétés régionales participent au projet, mais elles le font en partenariat avec les Gwich'in. Je suppose qu'il y a des communications entre ces deux groupes, qui constatent qu'ils feront face aux mêmes problèmes, deux fois plutôt qu'une, si le projet est approuvé. Est-ce que j'ai raison?

M. Gillman : Merci, sénateur. Je dirais d'abord qu'il existe une différence de structure qu'il faut comprendre. Le CMGP est un organisme de cogestion, ce qui signifie qu'il compte des représentants du Canada et du ministère des Pêches et des Océans, mais aussi des Inuvialuit, et qu'il a des responsabilités envers tous ces gens. La Société régionale inuvialuit est un organisme inuvialuit créé dans le cadre de la même convention territoriale, mais dont les responsabilités sont tout à fait différentes.

Il est vrai que nous collaborons au sujet de certains aspects, mais les comités de cogestion ne collaborent pas avec la société de la façon que vous avez décrite. Si nous constatons que la région désignée des Inuvialuit est touchée par des enjeux communs, nous travaillons en collaboration. Vous savez, par exemple, que nous avons appuyé la recommandation de la société en ce qui concerne les faiblesses de l'équipement et du ravitaillement de la Garde côtière pour faire face à la pollution et à des déversements de pétrole dans l'Arctique dans l'avenir.

Pouvez-vous répéter le second volet de votre question, s'il vous plaît?

Le sénateur Watt : Je ne suis pas sûr de me souvenir du second volet de ma question. Je vais faire de mon mieux. En ce qui concerne les aspects liés à la cogestion — je vais tenter de rendre ma question plus claire — et la responsabilité en matière de cogestion que possède votre organisme, cette responsabilité fait-elle aussi partie des responsabilités des sociétés régionales de développement, dans une certaine mesure?

M. Gillman : Non.

Le sénateur Watt : S'agit-il d'organismes tout à fait distincts?

M. Gillman : Notre principal partenaire est le Conseil de gestion du gibier, qui est une structure inuvialuit. Pour simplement répondre à votre question, je dirais que non; ce n'est pas la même chose.

Le sénateur Watt : Qui administre les bénéficiaires, c'est-à-dire, les Inuvialuit? Qui s'occupe des intérêts des Inuvialuit?

M. Gillman : Je dirais que c'est le Conseil de gestion des Inuvialuit.

Le sénateur Watt : Des Inuvialuit?

M. Kotokak : Oui, le Conseil de gestion du gibier des Inuvialuit.

Le sénateur Watt : Le secteur du développement ne s'occupe que des aspects commerciaux de tout cela?

M. Gillman : Ce serait la responsabilité de la Société régionale inuvialuit.

M. Ayles : Oui, et des sociétés de développement local.

Le sénateur Watt : D'après ce que j'entends, ce que vous nous dites, essentiellement, c'est que nous avons un problème concernant la mise en œuvre des conventions visées par la Loi sur le règlement des revendications des Inuvialuit. Vous affirmez que, pour cette raison, nous avons besoin de financement supplémentaire si nous voulons être en mesure de mettre en place un mécanisme approprié de mise en œuvre.

D'une certaine façon, c'est votre équipe et votre peuple qui prennent les décisions, mais ils n'ont pas suffisamment de pouvoir à cause d'un manque de financement. Est-ce bien ce que vous voulez dire?

M. Gillman : Je vais demander à M. Ayles de répondre le premier, et j'ajouterai peut-être quelque chose par la suite.

M. Ayles : C'est en partie ce que j'ai dit. La Convention définitive des Inuvialuit a été signée en 1984, avant l'adoption de la Loi sur les océans et de la Loi sur les espèces en péril, avant le COSEPAC et avant les changements climatiques. Ces types de questions ont été transmises à mon comité et à d'autres comités semblables. Il y a d'autres questions gouvernementales ou autres qui n'étaient pas mentionnées dans la CDI. Ce que j'essaie de dire, c'est que le gouvernement a, en quelque sorte, imposé ou adopté la Loi sur les océans et qu'il l'a financée de l'intérieur, et nous n'avons pas d'autre choix que de réagir puisque nous sommes l'organisme responsable des océans, en quelque sorte.

On n'y avait pas vraiment pensé au départ. Par exemple, la question des changements climatiques a surgi. En 1984, on ne pensait pas à du financement pour la recherche sur le climat, mais maintenant, c'est un enjeu très important pour nous. Nous ne recevons aucun financement à cette fin. C'est ce que nous voulons dire quand nous parlons de mise en œuvre.

De plus, selon la CDI, notre comité n'a pas le même contrôle sur la pêche commerciale que le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut parce qu'il n'y avait pas de pêche commerciale dans la mer de Beaufort et que les belugas et les baleines boréales étaient plus importants. C'était sur ces sujets que portait la convention. Avec les changements climatiques, on constate que les pêcheurs commerciaux importants pourraient venir dans la mer de Beaufort pour pêcher, et M. Kotokak ne pourrait pas intervenir. La tâche incombe véritablement à la ministre des Pêches et des Océans. Nous essayons de collaborer avec le ministère des Pêches et des Océans pour trouver des façons de s'assurer que les Inuvialuit exercent un certain contrôle sur la pêche. Ce sont là les aspects qui posent problème.

Le sénateur Watt : Du côté américain, du côté de l'Alaska, y a-t-il une pêche commerciale en bonne et due forme? Est-ce que cela nuit à vos activités?

M. Ayles : Non, il n'y en a pas. En fait, en août, les Américains ont imposé un moratoire sur la pêche dans la mer de Tchoukotka et dans la partie américaine de la mer de Beaufort, la partie ouest. Ils pêchent le colin dans la mer de Béring. Il y a une importante pêche commerciale là-bas. Les gens du coin, les petits pêcheurs du coin, et même les pêcheurs de la mer de Béring se sont regroupés au sein du comité consultatif concernant les pêcheries du Pacifique Nord et ont recommandé au gouvernement de demander un moratoire pendant au moins 10 ans, en attendant que l'on obtienne plus d'information sur la productivité de la partie américaine de la mer de Beaufort et de la mer de Tchoukotka. Cela s'est passé en février dernier. Ils ont fait la demande au gouvernement et, en août, le nouveau gouvernement américain l'a acceptée. Un moratoire de 10 ans a été imposé en attendant qu'un plan de gestion de la pêche soit élaboré. C'est de cette façon que les Américains ont procédé sur le plan administratif. Ils doivent faire un certain nombre de recherches avant de pouvoir envisager d'autoriser la pêche. Certaines petites pêcheries commerciales sont encore en activité, mais elles sont de petite taille.

La vice-présidente : C'est exactement ce que nous avons compris quand nous avons rencontré les Américains à Juneau, en Alaska. Nous nous sommes rendus à Juneau et à Sitka, et les gens de Juneau nous ont dit qu'un moratoire avait été imposé pendant 10 ans et que les scientifiques s'occuperaient de tout cela pendant ce temps. C'est exactement ce que les gens nous ont dit.

Le sénateur Robichaud : Vous dites qu'il faut plus de recherches sur la mer de Beaufort, de même qu'une convention qui régirait le contrôle de la pêche commerciale à grande échelle, mais il n'y a pas de pêche commerciale à grande échelle à l'heure actuelle, n'est-ce pas?

M. Gillman : C'est exact.

Le sénateur Robichaud : Au Nunavut, il y a déjà eu une pêche exploratoire. On avait fourni des quotas à des gens d'affaires qui venaient de loin du Nunavut. Au bout du compte, cette pêche exploratoire est devenue permanente. Y a- t-il un risque que cela se produise dans votre région? Êtes-vous protégés contre ce type d'activité? Quelqu'un doit aller sur les lieux afin de déterminer quelles sont les ressources halieutiques qui s'y trouvent. Je ne sais pas s'il y a des crabes ou des myes — vous avez parlé de l'omble —, et il y a aussi le colin, qui pourrait migrer ou venir dans la mer de Beaufort compte tenu des changements climatiques et de la fonte des glaces. Que pouvons-nous faire pour vous aider à vous assurer que vous avez votre mot à dire et que ce qui s'est produit au Nunavut n'arrivera pas dans votre région?

M. Gillman : C'est exactement ce dont s'occupe en priorité notre comité depuis trois ou quatre ans. Nous essayons de trouver des mesures de protection qui permettraient de protéger la mer de Beaufort de ce qui s'est produit dans tous les autres lieux commerciaux du monde, c'est-à-dire la destruction des ressources disponibles et des répercussions beaucoup plus importantes que ce que l'on aurait pu prévoir simplement à cause de la pêche.

Nous savons que les Inuvialuit tiennent beaucoup à leur population de belugas et de baleines boréales, et à l'omble chevalier, qui vivent dans la région. De plus, le bien-être de ces espèces dépend de l'équilibre dans l'écosystème de la mer de Beaufort. C'est pourquoi nous avons décidé de nous prononcer en faveur de la mise en place de mesures supplémentaires de protection et de prévention. Nous ne prétendons pas savoir exactement quelles seraient ces mesures, mais nous avons examiné le moratoire imposé par les États-Unis et nous pensons qu'il s'agirait peut-être d'un outil qui nous conviendrait. Nous pensons aussi qu'il existe déjà, au ministère des Pêches et des Océans, des outils dont nous pourrions nous servir.

On pourrait commencer par envisager d'interdire la pêche exploratoire tant qu'il n'y aura pas, au préalable, une étude scientifique, un quota admissible et une compréhension de l'état des stocks; il s'agirait déjà d'un premier pas dans la bonne direction.

M. Ayles : C'est exact. La Convention définitive des Inuvialuit ne contient tout simplement aucun mécanisme officiel qui nous permet d'avoir un mot à dire. Elle ne traite tout simplement pas de la pêche commerciale au-delà de ce qui existait à l'époque, c'est-à-dire pas grand-chose. Le MPO dispose de politiques en matière de contiguïté, et le bureau local du ministère s'est toujours montré très collaboratif avec nous. Quand de petits entrepreneurs de la côte du Pacifique ont demandé des permis exploratoires pour faire de la pêche commerciale, le ministère a beaucoup insisté pour qu'ils agissent en partenariat avec les Inuvialuit. Cela a parfois fonctionné, mais pas toujours.

Cependant, compte tenu de tous les problèmes qui font surface, nous commençons à penser qu'il faut plus que de simples instruments de politique puisqu'une politique demeure une politique. La valeur de l'engagement dépend de la valeur des gens qui créent la politique.

Nous tentons de collaborer avec, d'une part, le Conseil de gestion du gibier et, d'autre part le MPO, ainsi qu'avec la Société régionale Inuvialuit, qui est aussi intéressée par un mécanisme plus sûr puisqu'elle représente l'industrie.

Ce que nous recommandons, c'est que vous encouragiez le MPO à collaborer pour s'assurer qu'un mécanisme garantit aux Inuvialuit qu'ils auront leur mot à dire dans toutes les décisions qui pourraient avoir une incidence sur la ressource.

Le sénateur Robichaud : Je crois qu'il va de soi que nous allons encourager le MPO à collaborer avec les collectivités. Nous sommes allés au Nunavut. Certaines mesures y ont été prises, mais, au bout du compte, c'est la ministre qui a le dernier mot. Peu importe qui est le gouvernement au pouvoir. Parfois, le gouvernement a tendance à permettre certaines activités de pêche exploratoire et, une fois que l'équipement est en place, il permet à la pêche de se poursuivre, même en collaboration avec des partenaires locaux.

Chaque fois que nous avions une rencontre là-bas, le sénateur Adams parlait du fait que le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut avait affecté des ressources à quelques collectivités et que d'autres avaient été exclues. Les représentants du MPO affirmaient que c'est le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut qui affecte le financement, et non le MPO, comme vous l'avez dit il y a un instant. Il y a beaucoup à faire pour s'assurer que les collectivités savent ce qui se passe de façon à pouvoir prendre part à toute initiative de pêche exploratoire dès le tout début.

Vous dites que vous souhaitez plus de collaboration. Vous devriez présenter quelques pistes de solution. Nous rédigerons un rapport, et nous avons besoin que des gens de la région nous donnent des idées de mesures que le MPO et la ministre pourraient prendre.

M. Ayles : Nous n'avons pas encore de solution précise. Nous avons les mêmes préoccupations, mais je crois qu'une mesure comme un moratoire pourrait être prise dans le cadre de la Loi sur les océans. Il existe un processus intégré de planification de la gestion des océans qui permet de s'occuper de ce type de problème. C'est pourquoi nous devons collaborer avec les Inuvialuit pour savoir exactement ce qu'ils veulent. Par exemple, ils aimeraient que la pêche locale demeure possible selon la Loi sur les pêches et la Loi sur les océans.

M. Gillman : Sur une note plus positive, je dirais, à ce sujet, que le CMGP prépare un atelier qui aura lieu au cours des six semaines à venir et qui vise exactement ce que vous avez proposé, c'est-à-dire en arriver à une solution que le comité pourra présenter sous la forme d'un plan pour l'avenir, comme il en a la responsabilité envers la ministre.

Nous espérons que cela permettra de régler le problème et de protéger la mer de Beaufort contre toute activité de pêche exploratoire ou expérimentale qui pourrait permettre, comme vous l'avez dit, à des intérêts commerciaux extérieurs, de s'immiscer dans la région. Évidemment, nous sommes heureux que la Convention définitive prévoie des droits préférentiels pour les Inuvialuit et que l'on veuille leur garantir la possibilité de récolter à proximité de leurs collectivités puisqu'ils ont besoin de la ressource pour leur prospérité.

Il s'agit d'une situation délicate. Nous espérons que nous aurons un conseil pour la ministre dans l'avenir. Si le comité décide d'appuyer cette orientation, nous serons les premiers à nous en réjouir.

La vice-présidente : Nous attendrons avec impatience vos conseils. Ce sera très intéressant. La coordination et la communication avec chacun des groupes sont très importantes.

Le sénateur Dallaire : C'est la première fois que j'assiste à une séance de ce comité. En 1980, j'ai participé à une étude effectuée avec le Corps des Marines des États-Unis qui portait sur la sécurité dans la région circumpolaire pendant la guerre froide. En 1987, j'étais dans l'armée et j'ai participé à des études portant sur la possibilité d'établir une base importante dans le Nord et de mettre en place des sous-marins nucléaires à des fins de sécurité, je me suis toujours intéressé à cette région.

Je ne connais pas en détail tous les éléments de vos préoccupations, mais j'aimerais qu'on m'aide à tenter d'atteindre votre but. Votre but, c'est d'aider la ministre dans la gestion de la pêche. Votre comité existe depuis 1986.

De qui relevez-vous, exactement?

M. Gillman : Nous relevons de la ministre des Pêches et des Océans, à qui nous donnons des conseils, et nous relevons aussi du Conseil de gestion du gibier, un organisme inuvialuit chargé de la gestion de la pêche et de la faune dans la région désignée des Inuvialuit.

Le sénateur Dallaire : Avez-vous directement accès à la ministre?

M. Gillman : Oui.

Le sénateur Dallaire : Je suis un peu déconcerté par la quantité de recherches à faire sur la disponibilité du poisson, les répercussions sur le fleuve Mackenzie et tous ces sujets. Vous avez accès à des siècles d'expérience, de connaissances et de compétences auprès des peuples autochtones de la région. Pourquoi avez-vous tant besoin de la science pour déterminer quelles mesures de protection doivent être mises en œuvre pour garantir la sécurité des stocks? Je ne comprends pas pourquoi vous avez autant besoin de la science, avec toutes les connaissances de base que vous possédez, et je ne comprends pas pourquoi ces connaissances ne sont pas suffisantes pour vous permettre d'obtenir, de la part des deux ministères, les ressources dont vous avez besoin.

M. Gillman : Votre question comporte quelques volets, sénateur. D'abord, oui, il existe un manque d'information scientifique sur la mer de Beaufort et l'Arctique, mais il y a aussi une longue liste de réalisations qui ont été effectuées depuis la signature de la Convention définitive des Inuvialuit. Notre comité ne dispose pas d'un important budget consacré à la science. Nous y consacrons de petits montants et utilisons les résultats d'autres études scientifiques.

L'état des connaissances actuelles concernant la population de bélugas dans l'Arctique de l'Ouest n'a rien à voir avec ce qu'il était en 1986. En 1986, nous ne savions pas combien de baleines il y avait. Nous ne comprenions pas les répercussions de la pêche telle qu'elle était alors pratiquée dans la région désignée des Inuvialuit. Grâce aux investissements dans la recherche scientifique faits par le CMGP et le MPO, combinés aux connaissances traditionnelles de la collectivité, nous avons pu connaître le degré de pêche pratiqué et obtenir une estimation scientifique de la population de bélugas, ce qui nous a permis de mettre en place un plan de gestion des bélugas dans l'Arctique de l'Ouest, plan qui est toujours en vigueur aujourd'hui. Nous pensons que nous maîtrisons suffisamment bien le stock de bélugas pour pouvoir nous pencher sur d'autres problèmes. Nous aimerions certainement en savoir plus sur d'autres espèces que le béluga, des espèces qui n'ont pas fait l'objet d'un tel investissement et qui constitueront un véritable défi dans l'avenir puisque la mise en valeur des hydrocarbures dans la mer de Beaufort a des répercussions sur des régions beaucoup plus grandes que les zones locales de pêche situées près des collectivités. Les défis ont évolué, et je suppose que les besoins en investissement dans le savoir et dans la recherche scientifique pour surmonter ces défis évoluent probablement au même rythme.

Le sénateur Dallaire : Votre comité existe depuis environ 20 ans et a des réalisations à son actif. Nous savons que toute la région s'ouvrira. L'accélération des changements climatiques n'y change rien. Tout cela se passe à l'intérieur de nos frontières, et nous savions que cela allait arriver. Si vous avez accès directement à la ministre et que vous agissez sous son autorité, ce que je pense, je ne comprends pas pourquoi vous n'avez pas de financement pour faire beaucoup d'autres recherches qui auraient déjà dû être faites. Vous avez le pouvoir d'influencer grandement d'autres ministères en ce qui concerne la protection, et pas seulement la protection contre les déversements de pétrole, mais aussi la protection physique, par exemple qui contrôle les navires-usines qui viennent dans la région. Je suis sûr que la Garde côtière pourra fournir plus de réponses.

Nous nous occupons du secteur depuis longtemps, et pourtant, nous devons encore quémander des fonds pour faire ce qui aurait dû être fait plus tôt pour nous permettre de prendre de l'avance sur nos concurrents plutôt que de tenter de faire du rattrapage. Est-ce que je me trompe?

M. Gillman : Les investissements faits par BP et Exxon dans l'Arctique de l'Ouest avoisinent 1,7 billion de dollars; et qu'est-ce que le gouvernement fédéral investit actuellement dans la recherche scientifique dans la mer Beaufort? Notre comité a un budget de 600 000 $ par année.

Le sénateur Dallaire : J'ai terminé mon plaidoyer. Je ne me souviens pas du chiffre exact mais, à long terme, il faut des sommes astronomiques pour couvrir la main-d'œuvre en plus du coût de la navigation et de la sécurité. J'ai l'impression, d'après ce que vous dites, que vous vous retrouvez à quémander et que vous espérez obtenir du financement et inciter des gens à faire de la recherche fondamentale pour l'avenir de cette région. Je ne comprends pas pourquoi vous n'avez pas le pouvoir ou le financement qui vous permettrait d'en faire bien plus.

M. Gillman : Nous avons déjà été dans l'autre camp, et nous comprenons donc les nombreux défis que la ministre doit relever, de la côte est à la côte ouest du pays, en passant par le nord. Son budget ne peut pas s'étirer de façon illimitée pour permettre de régler tous les problèmes. Nous avons rencontré la ministre à l'occasion pour plaider notre cause. Il n'est pas facile de faire modifier le libellé de l'accord sur les revendications territoriales ou de faire modifier l'affectation du financement. Le ministère a augmenté son investissement dans les sciences de l'Arctique, mais pas aussi vite que nous l'aurions souhaité.

M. Ayles : Il est difficile de trouver quelque chose à ajouter. Vous avez parlé des connaissances traditionnelles et des connaissances scientifiques, comme si elles étaient interchangeables, mais ce n'est pas le cas. Elles sont complémentaires, et nous les utilisons pour régler les problèmes par des moyens différents. Il y a un mois, M. Kotokak a participé à un programme de marquage des baleines boréales qui consiste à placer des étiquettes émettrices sur les baleines boréales afin de savoir à quel point elles se sont déplacées dans la mer de Beaufort de l'Est et où elles sont allées par ailleurs. L'étude est financée par l'industrie, par le MPO et par le CMGP. Pour marquer et suivre les baleines boréales au cours des neuf mois à venir, il faut du matériel scientifique évolué, mais aussi des connaissances traditionnelles pour capturer les baleines boréales. C'est là un exemple où ces deux éléments importants sont regroupés.

Comme l'a dit M. Gillman, nous parlons peut-être à la ministre, mais nous sommes loin d'être les seuls. Nous avons tous deux été cadres supérieurs au MPO. Quand nous nous sommes présentés devant la Commission d'examen conjoint pour nous plaindre du manque de connaissances sur le fleuve Mackenzie et des renseignements de base insuffisants pour permettre aux promoteurs de faire de telles allégations, les membres de la Commission nous ont demandé, à M. Gillman et à moi : « Est-ce que vous n'avez pas travaillé pour le MPO? Ce n'était pas vous, le directeur général régional? Pourquoi n'avez-vous rien fait à ce sujet? » Nous avons répondu que oui, c'était bien nous, mais que nous devons nous limiter à certaines priorités. Nous ne cherchons pas à jeter le blâme sur quelqu'un. C'est tout simplement que nous n'avons pas suffisamment d'information sur la mer de Beaufort. Nous ne pouvons pas blâmer particulièrement la ministre des Pêches et des Océans, ou les responsables du MPO ou d'universités, en particulier. C'est simplement que le Canada ne sait pas. Nous sommes tous responsables, y compris les autres pays qui nous fournissent de l'information. Nous ne possédons pas toute l'information dont nous estimons avoir besoin.

Le sénateur Dallaire : Y a-t-il des documents que vous élaborez actuellement avec le ministère pour modifier vos pouvoirs en ce qui concerne les diverses dispositions législatives, afin que vous puissiez faire votre travail adéquatement? Y a-t-il un processus qui pourrait vous permettre de modifier vos pouvoirs afin que vous puissiez accomplir votre mission?

M. Gillman : Sur ce plan, je crois que nous ne pouvons que réagir. M. Ayles a passé en revue tous les changements apportés à la Loi sur les océans depuis que la CDI a été signée. Dans le cas d'une aire marine protégée, nous tentons actuellement de modifier nos responsabilités à ce sujet, en accord avec la ministre, afin que nous devenions un organisme administratif pour l'aire marine protégée, comme cela a été proposé pour l'Arctique de l'Ouest. Ce changement permettra au CMGP d'obtenir de nouvelles responsabilités et du nouveau financement de la part du ministère.

Il existe un mécanisme de changement, mais les choses ne bougent pas facilement. Cela fait neuf ans que nous tentons de mettre sur pied l'AMP, et c'est pourquoi l'une de nos recommandations, à votre intention, est que cela se fasse le plus rapidement possible.

Le sénateur MacDonald : Je veux poursuivre là où le sénateur Robichaud était rendu. Vous avez parlé du moratoire des États-Unis, ainsi que des bélugas, des baleines boréales et de l'omble chevalier et vous avez souligné l'importance, pour les collectivités locales, que vous protégiez ces espèces. Dans leur plan de gestion de la pêche dans l'Arctique, les Américains mentionnent le crabe des neiges, la morue polaire et le navaga jaune comme des espèces pouvant être viables sur le plan de la pêche commerciale. Du côté canadien, a-t-on fait des tests concernant ces espèces? Est-ce que l'on possède suffisamment d'informations sur ces espèces pour prendre des décisions éclairées concernant la façon de procéder?

Je pense tout de suite au crabe des neiges et à la morue quand il est question de la côte est du Canada. Nous connaissons tous les problèmes associés à la pêche à la morue, et nous voulons être certains de ne pas faire la surpêche du crabe des neiges et de ne pas détruire la ressource, même si nous n'en sommes pas encore rendus à ce point dans la mer de Beaufort. Puis-je savoir ce que vous pensez de tout cela?

M. Gillman : Je vais demander à M. Kotokak s'il a mangé du crabe des neiges au cours de la dernière semaine, à l'extérieur de Tuktoyaktuk.

M. Kotokak : Non.

M. Gillman : Je vais demander à M. Ayles de répondre à votre question bien précise sur ces stocks en particulier et sur ce que nous savons à ce sujet.

M. Ayles : Pour répondre rapidement, je dirais que non. Nous savons qu'il y a de la morue polaire et du navaga jaune, et nous savons que leur population est probablement assez importante, mais il s'agit seulement de renseignements non scientifiques. Certaines études récentes ont tenu compte des larves de morue et ont permis de constater qu'il y en avait de grandes quantités dans certaines régions. Je ne me souviens pas que de petites entreprises de pêche exploratoire ou d'autres pêcheurs ont parlé du crabe des neiges dans la mer de Beaufort, mais nous possédons vraiment peu d'information à ce sujet. Aucune étude ne s'est penchée précisément sur la production générale de l'une ou l'autre de ces espèces, mais les rares études qui ont été effectuées ont révélé que la production primaire de la mer de Beaufort, celle sur laquelle tout le reste s'appuie, est probablement pas mal inférieure à celle de l'Arctique de l'Ouest et probablement pas mal inférieure à celle du Pacifique Nord. Elle est aussi probablement inférieure à celle de la région du Nord appartenant aux États-Unis. Ce n'est pas une région très productive, à notre avis, mais nous ne le savons pas vraiment.

Le sénateur MacDonald : Vous ne possédez donc pas beaucoup d'information à ce sujet.

M. Ayles : Non, nous en savons probablement moins que les Américains.

Le sénateur MacDonald : Comment pouvons-nous éviter de prendre les mêmes décisions que celles qui nous ont causé tant de problèmes sur la côte est du Canada?

M. Ayles : C'est ce que nous tentons de découvrir avec le Conseil de gestion du gibier et avec le MPO. Nous avons commencé à aborder la question en public dans le cadre d'une importante conférence sur les océans qui a eu lieu à Tuktoyaktuk en 2006. Nous avons dit qu'il fallait réfléchir à cette question, et c'était là l'une des conclusions de cette conférence. Toutefois, le geste récent des États-Unis a vraiment remis la question sur le tapis et suscité l'intérêt de tous.

Nous ne savons pas exactement comment agir, mais nous sommes certainement au courant du problème et nous voulons nous assurer que tout le monde l'est, aussi.

Le sénateur Patterson : Je vous remercie de cet exposé. J'ai été frappé de constater que beaucoup de travail avait été fait pour la création d'une aire marine protégée. Je crois que vous avez dit que cela a pris neuf ans. De toute évidence, tous les partenaires participent. Je connais très bien l'importance des bélugas dans le delta pour les Inuvialuit. Cependant, le travail n'est pas terminé. À quel moment a-t-il été présenté?

M. Gillman : Je ne peux pas vous dire à quelle date, exactement, le dossier de règlement a été présenté, mais cela fait au moins 14 mois puisque nous avons cru comprendre qu'il était en traitement. C'est l'étape clé qui permettrait de passer aux étapes suivantes en ce qui concerne l'AMP, qui permettrait d'effectuer la mise en œuvre. Une fois que le dossier de règlement est accepté, on peut passer à la rédaction du plan de gestion de l'AMP. On peut ensuite rédiger une entente administrative permettant au comité d'appliquer le plan de gestion, et on peut commencer à mettre des projets sur pied.

Pour que l'on puisse passer aux autres étapes, il faut absolument que le dossier de règlement soit complètement parachevé, puisque c'est lui qui permet la création de l'AMP. Pour l'instant, nous sommes essentiellement en suspens, en attendant que cela se produise; c'est pourquoi nous vous demandons de nous appuyer.

Le sénateur Patterson : Je suis heureux d'apprendre que vous entretenez de bonnes relations de travail avec le MPO dans la région de l'Arctique de l'Ouest. Avez-vous une idée de ce qui empêche la situation d'évoluer, puisque la décision se prend au niveau de la ministre? Vos collègues du MPO vous disent-ils quels sont les problèmes? Qu'est-ce qui empêche la situation d'avancer?

M. Gillman : Nous avons écrit à la ministre des Pêches et des Océans. Elle m'a répondu, en août, pour me dire que le dossier était en traitement et que nous devions continuer à collaborer avec le directeur général régional de la région du Centre et de l'Arctique à ce sujet. C'est ce que nous faisons. Nous sommes conscients du fait qu'il y a des complications en raison du nombre de parties qui ont des intérêts concernant les frontières de cette AMP en particulier, dont le Yukon, et nous savons qu'une discussion en cours concernant des zones voisines retarde le processus. Nous n'avons cependant aucune maîtrise sur ces questions, et c'est pourquoi nous demandons à la ministre d'accélérer le processus.

Le sénateur Patterson : Nous savons que la faune ne tient pas trop compte des frontières ou des lignes sur les cartes.

M. Gillman : C'est exact.

Le sénateur Raine : Certaines de mes questions ont déjà été posées, et vous y avez répondu. J'aimerais seulement poser une question simple : pensez-vous que le Canada devrait imposer un moratoire de 10 ans sur la pêche commerciale dans la mer de Beaufort, comme l'ont fait les Américains?

M. Gillman : M. Ayles est le responsable de ce dossier au sein de notre comité; je vais donc lui refiler cette question épineuse.

M. Ayles : Ce que je pense n'a pas d'importance. Il faut agir. Je ne sais pas ce qu'il faut faire, exactement. Nos dispositions législatives sont différentes de celles des Américains. C'est un tout autre processus, là-bas. Nous n'avons pas examiné tous les processus dont nous disposons au Canada. Il y aurait des façons de le faire.

Je ne crois pas que nous devrions permettre la pêche commerciale à grande échelle tant que nous ne saurons pas un peu plus ce qui est faisable. Je n'ai rien d'autre à ajouter qui ne serait pas mon avis personnel. Il faut agir.

Le sénateur Raine : Pensez-vous à une mesure semblable?

M. Ayles : Semblable, c'est exact. Une mesure qui permettra aux Inuvialuit de conserver les ressources durables dont ils dépendent. Nous voulons qu'il y ait des baleines boréales, des bélugas, des corégones anadromes et des ombles chevaliers anadromes dans l'Arctique. Nous ne voulons pas que quelque chose vienne nuire à la ressource.

Le sénateur Raine : Merci beaucoup. Je regarde votre liste de recommandations, et elle me semble très chargée. Je trouve étrange que la surveillance des effets cumulatifs financée par l'industrie n'aille pas de l'avant. Je crois que l'industrie devrait financer ce type de surveillance.

Comment les représentants de l'industrie peuvent-ils affirmer qu'il n'y a pas d'effets cumulatifs s'ils n'ont pas fait de recherche?

M. Gillman : Bonne question, madame le sénateur.

M. Ayles : J'aimerais répondre à cette question. Nous avons dit très clairement que, à notre avis, l'industrie a une responsabilité, mais c'est aussi notre cas et celui du CMGP et du gouvernement. Les effets cumulatifs constituent un problème pour chacun d'entre nous. Nous ne savons pas exactement de quelle façon il faut s'y prendre pour contrôler ou pour mesurer les effets cumulatifs, mais nous savons qu'il y en aura. C'est l'un des problèmes avec les déclarations concernant les répercussions sur l'environnement de l'exploitation industrielle à grande échelle. On entend toujours dire qu'il y en aura seulement un peu plus et qu'elles sont si insignifiantes qu'on ne le remarquerait jamais, n'est-ce pas, et qu'il n'y a pas de répercussions. Pourtant, chaque fois qu'on en parle, la base de référence augmente un petit peu.

Prenons par exemple l'état des Prairies il y a 150 ans et leur état actuel. Qui aurait pu penser qu'un agriculteur — un petit quart de section — aurait des répercussions sur les Prairies? Pourtant, maintenant, l'écosystème des Prairies a complètement changé. Ce n'est pas à cause d'un seul agriculteur ou d'un seul projet; c'est tout simplement une accumulation de facteurs.

Voici une image intéressante qui illustre le débit d'eau du fleuve Mackenzie.

Le sénateur Raine : Je ne sais pas si nos caméras peuvent capter cette image, mais il s'agit d'une carte très importante parce qu'on y voit clairement le volume d'eau qui s'écoule dans la mer de Beaufort. Il est question de développement industriel important en amont, et si nous ne disposons pas de données scientifiques de base solides, je crois que nous nous attirons véritablement des ennuis.

M. Ayles : Puis-je dire que je suis d'accord?

M. Gillman : Je crois que nous devrions tous dire que nous sommes d'accord.

M. Ayles : Je crois que le comité serait d'accord. C'est ce que nous avons dit quand nous avons discuté avec la commission d'examen conjoint.

Le sénateur Raine : Je vais poser une dernière question : si vous deviez choisir entre faire plus de recherches sur la mer de Beaufort ou obtenir des données de base exactes au sujet du fleuve Mackenzie, que feriez-vous?

M. Ayles : Eh bien, du point de vue strictement des Inuvialuit, il faudrait probablement se concentrer sur le delta du Mackenzie puisqu'il fait partie de la RDI, ainsi que sur la région dans laquelle nous serions responsables de la surveillance, ce qui inclut une partie de la mer de Beaufort de même que le fleuve Mackenzie. Je crois que tout cela forme un tout.

Le sénateur Watt : Dans votre exposé, vous avez dit que vous aimeriez avoir le même type d'accès que le Nunavut en ce qui concerne la pêche commerciale et les activités de cette nature. Quels seraient les besoins en infrastructure si vous deviez vous lancer dans la pêche commerciale à un moment ou un autre? Est-ce une question qui concerne un avenir lointain, ou une question à laquelle il faudra répondre à un moment ou un autre?

M. Gillman : M. Ayles s'est penché sur la question.

M. Ayles : Nous nous sommes peut-être un peu mal exprimés. Nous n'avons pas dit que nous voulions avoir le même accès que ce qui est exigé par le Nunavut; nous voulons avoir le même contrôle que celui qu'a obtenu le Nunavut dans son accord définitif. Dans cet accord, il est dit que le conseil du Nunavut a son mot à dire en ce qui concerne le développement de la pêche commerciale dans l'avenir. Il n'y a pas de telle mention dans la Convention définitive des Inuvialuit.

Selon la convention, la ministre des Pêches et des Océans est la seule responsable des nouvelles pêcheries commerciales dans la mer de Beaufort. Cela ne nous satisfait pas. Nous voulons plus de contrôle pour les Inuvialuit.

Nous ne souhaitons pas du tout qu'il y ait plus de pêche commerciale. Nous ne souhaitons pas qu'il y ait de nouveaux ports, comme cela a peut-être été le cas au Nunavut. Nous n'allons pas nous plaindre des ports. Je ne devrais pas le dire trop fort, mais nous ne voulons pas d'argent pour le développement d'infrastructure. Ce que nous voulons, c'est un certain contrôle en ce qui concerne les développements à venir. C'est ce que nous essayons de dire. Les circonstances ne sont pas les mêmes dans la mer de Beaufort qu'au Nunavut.

Le sénateur Watt : Est-ce que la ministre a aussi du pouvoir sur ce qui se passe au Nunavut, dans les eaux adjacentes et sur ce genre de choses? La ministre est responsable de la convention; elle pourrait donc vous donner du pouvoir sur ce qui se passe; mais, au bout du compte, c'est toujours elle qui a le dernier mot. Je ne suis pas tout à fait certain de comprendre ce que vous voulez dire quand vous dites que vous voulez que le même type de mécanisme que celui qui est en place au Nunavut s'applique. J'ai de la difficulté à comprendre quelles sont les raisons de tout cela.

M. Ayles : Au bout du compte, la ministre demeure la responsable en vertu de la Constitution, ce qui veut dire que c'est elle qui va trancher. Cependant, d'après ce que je comprends de l'accord du Nunavut, il prévoit précisément que le conseil du Nunavut a son mot à dire dans la pêche commerciale, que ce soit au sujet des nouvelles affectations ou des nouvelles pêcheries.

Le sénateur Watt : Seulement en ce qui concerne le pouvoir de recommandation.

M. Ayles : Il a le pouvoir de présenter des recommandations à la ministre. La CDI ne contient aucune mention à ce sujet. Selon la convention, les Inuvialuit n'ont pas plus de droits que n'importe quel autre Canadien en ce qui concerne les nouvelles pêcheries commerciales.

Le sénateur Watt : Vous ne pouvez pas présenter de recommandations à la ministre?

M. Ayles : Non, pas selon notre convention. Nous ne pouvons pas dire que telle chose devrait revenir aux Inuvialuit, et les Inuvialuit ne peuvent pas réclamer quelque chose en vertu de la convention. Il y est écrit qu'ils ont les mêmes droits que les autres Canadiens. Ils ne peuvent pas faire valoir la contiguïté.

Le sénateur Watt : Cette région en particulier, celle des Inuvialuit, fait aussi partie du gouvernement des territoires, n'est-ce pas? Elle reçoit des services du gouvernement des territoires.

M. Ayles : Pas en ce qui concerne les pêches, cela relève du fédéral.

Le sénateur Watt : Il y a eu une séparation complète d'avec le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest.

M. Ayles : Non, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest n'a jamais été responsable de la gestion de la pêche, même dans les eaux intérieures.

Le sénateur Watt : Vous ne pouvez pas vous servir de cette situation pour influencer la ministre et exercer des pressions sur elle.

M. Ayles : Non.

Le sénateur Watt : Le Nunavut peut, d'une certaine façon, se servir de ses propres institutions gouvernementales pour exercer des pressions sur la ministre.

M. Gillman : Je suis certain que la ministre respecterait le contenu de la convention et permettrait aux Inuvialuit de faire part de leur point de vue au sujet de n'importe quel type de décision. Cependant, la convention ne comprend aucune déclaration ayant force exécutoire selon laquelle, si les Inuvialuit disent qu'ils refusent quelque chose, cela n'aura pas lieu. C'est pourquoi nous souhaitons que le libellé de la convention soit modifié le plus rapidement possible afin que l'on sache clairement qui prend les décisions au sujet de ce qui se passe dans la RDI.

Le sénateur Watt : Même la solution comporte des failles. Si on ne règle pas clairement, dans la convention, le problème particulier dont vous parlez, il restera le même. Vous pouvez corriger le problème maintenant, mais il pourrait ressurgir à un moment ou un autre dans l'avenir. Est-ce vrai, puisque nous devrons, à un moment donné, formuler des recommandations à ce sujet?

M. Ayles : Si la CDI devait être modifiée, ce serait vrai; mais nous ne demandons pas que la CDI soit modifiée. Nous pensons que d'autres mécanismes permettent probablement d'arriver au même résultat.

Le sénateur Watt : Est-ce qu'un accord auxiliaire pourrait être une solution?

M. Ayles : Quelque chose comme un accord, oui.

Le sénateur Watt : Est-ce ce que vous aimeriez obtenir?

M. Ayles : C'est ce que nous pensons que nous aimerions obtenir.

Le sénateur Patterson : Je sais que quelqu'un a déjà posé des questions à ce sujet; je crois que c'était le sénateur Hubley. Vous avez parlé du fait que le Canada n'a pas de vision en ce qui concerne la recherche dans l'Arctique et qu'il n'y a pas de coordination à ce sujet. Je crois que cette question avait été abordée dans l'accord du Nunavut, dans laquelle on proposait la création d'un Conseil du milieu marin, ce qui n'a malheureusement pas eu lieu. Je crois que ce que l'on souhaitait, c'était réunir tous les ministères fédéraux qui participent à la gestion des océans afin de coordonner leur travail.

Est-ce que c'est à ce type de méthode de coordination que vous pensez quand vous dites que vous souhaitez créer une vision intégrée pour la gestion des océans?

M. Ayles : Le ministère des Pêches et des Océans a créé, dans le cadre de la Loi sur les océans, un comité régional de coordination pour la mer de Beaufort — une zone étendue de gestion des océans. Nous faisons partie de ce comité de coordination, tout comme la Société régionale Inuvialuit et le Conseil de gestion du gibier. D'autres ministères clés, comme le ministère des Affaires indiennes et du Nord du Canada, en font aussi partie. Je crois que nous le mentionnons dans l'un ou l'autre de nos documents.

Je crois que, comme mécanisme de coordination, c'est ce qu'il peut y avoir de mieux; cela fonctionne bien. Cependant, c'est toujours un problème avec les ministères du gouvernement. Chacun obtient de l'argent de son côté de la part du Conseil du Trésor. Le MPO est responsable du comité, ce qui fait qu'il trouve important de s'assurer que tout fonctionne, mais ce n'est pas le cas des autres ministères. Ils ont leurs propres priorités, donc nous faisons face à un problème constant au sein du gouvernement. C'est ce qu'on appelle le « cloisonnement », et c'est devenu un cliché. Qui est responsable?

La coordination fonctionne s'il y a de l'argent. Si du financement est consacré à une chose en particulier, tout le monde collabore très bien. S'il n'y a pas d'argent, il est difficile de convaincre les gens de collaborer.

L'un de nos programmes de recherche qui fonctionne bien est le Fonds pour l'étude de l'environnement. Certains d'entre vous en connaissez peut-être encore mieux le fonctionnement que moi, mais, en gros, ce programme offre du financement pour la recherche dans l'Arctique qui porte plus particulièrement sur l'industrie.

Divers scientifiques du gouvernement souhaitent obtenir ce type de financement. Ils peuvent collaborer sous la forme de regroupement pour ce type de recherche et ils obtiennent un appui des ministères du gouvernement.

Si l'accent est mis sur un ministère, celui des Pêches, de l'Environnement, ou des AINC, chaque ministère a ses propres priorités sur lesquelles il se concentre, et la coordination a tendance à disparaître. Je crois que la coordination va de pair avec l'argent.

En ce qui concerne le programme de surveillance du fleuve Mackenzie, nous disons, dans nos recommandations à l'intention de la Commission d'examen conjoint, qu'il faudrait prévoir une source de financement à part à laquelle tout le monde cotiserait, puis l'argent serait versé. Il faudrait éviter que ce soit de l'argent destiné au MPO, puis qu'il faille que le MPO s'adresse au Conseil du Trésor, puis que le MAINC et d'autres ministères doivent s'adresser au Conseil du Trésor. La première chose que vous apprenez, c'est que quelqu'un d'autre avait un projet prioritaire en ce qui concerne la pêche le long de la côte est ou de la côte ouest, ou un nouveau parc situé dans une autre région, et que l'argent destiné à un programme coordonné quand il a été versé au Conseil du Trésor n'est tout à coup plus disponible à cause de priorités ministérielles.

Nous nous éloignons vraiment beaucoup du sujet du CMGP, présentement.

Le sénateur Patterson : Vous avez mentionné l'importance d'un programme de surveillance coordonné, intensif et cumulatif. Je suis sûr que vous avez clairement transmis cette recommandation à la Commission d'examen conjoint, ou je suppose que vous l'avez fait. Qu'avez-vous entendu dire à propos du moment où son rapport sera publié? Je suppose que ce rapport vous permettra de savoir si on vous a écouté ou non. Savez-vous si la Commission respectera son délai? Je suis curieux.

M. Gillman : Je ne veux pas faire de supposition, mais il paraît qu'elle est plus près de son but qu'elle ne l'était l'année dernière. Ce n'est pas une vraie réponse parce que nous ne connaissons tout simplement pas suffisamment le fonctionnement de la Commission. Les seuls liens directs que nous avons avec elle, ce sont les conseils que nous lui avons fournis. On nous tiendra au courant quand le rapport devra être livré et sera sur le point de l'être.

Le sénateur Robichaud : Vous avez mentionné brièvement qu'Exxon et Imperial consacreront beaucoup d'argent à l'exploration dans la mer de Beaufort.

M. Gillman : Oui.

Le sénateur Robichaud : Aurez-vous une incidence sur l'endroit où cette exploration se fera? Je suppose que vous vous retrouvez dans une situation inconfortable puisque vous ne savez pas exactement ce qui se trouve au fond de l'eau ni quels sont les stocks présents dans ces régions.

M. Gillman : L'exploration se divise en deux volets : les activités de prospection sismique permettent de recueillir de l'information sur les espèces présentes dans leurs concessions, et les activités de forage d'exploration se limitent à des endroits bien précis. En ce qui concerne notre influence sur tout cela, non, nous n'en avons aucune. Tout ce que nous pouvons faire, c'est formuler des commentaires sur l'examen environnemental préalable et le transmettre au comité de collaboration qui existe dans la RDI.

M. Ayles : Il y a certains aspects sur lesquels nous avons un contrôle plus direct. Si l'aire marine protégée devait être approuvée, cela exclurait toute activité exploratoire ou de prospection sismique dans cette aire.

Nous avons aussi, par l'entremise du comité d'examen, une incidence sur le moment et l'endroit où ces activités ont lieu. Les entreprises devront fournir cette information à l'avance. Elles doivent dire : « D'accord, nous ne ferons pas de prospection sismique dans cette partie de la mer de Beaufort avant la fin de septembre parce que nous savons que les baleines passent par cet endroit, et des Inuvialuit seront présents à bord pour effectuer de la surveillance et, s'ils devaient constater qu'il y a des baleines dans la région, nous cesserons nos activités. » La zone n'est pas totalement ouverte. Les entreprises doivent passer par le processus d'examen préalable. Nous formulons des commentaires sur leurs propositions, comme le fait aussi le MPO, ce qui signifie que nous avons une influence. La situation n'est pas la même que dans les années 1970, quand la région était tout simplement ouverte. M. Kotokak vous dirait que tout ce que les gens savaient à propos de ce qui se passait dans la région, c'était qu'il y avait beaucoup d'hélicoptères.

La vice-présidente : Nous voulons remercier les témoins. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir attendus ce soir. Monsieur Kotokak, quand vous retournerez chez vous, vous direz à votre peuple que le Sénat du Canada a apprécié son hospitalité.

M. Kotokak : Merci.

(La séance est levée.)


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