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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

Fascicule 4 - Témoignages du 24 mars 2009


OTTAWA, le mardi 24 mars 2009

Le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui à 17 h 48 pour étudier, afin d'en faire rapport, le Rapport de l'examen législatif d'Exportation et développement Canada, déposé au Sénat le mardi 10 février 2009.

Le sénateur Consiglio Di Nino (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue à la séance du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. Le comité étudie actuellement le document intitulé « Examen législatif d'Exportation et développement Canada », daté de décembre 2008.

Cet examen législatif vise à évaluer comment Exportation et développement Canada évolue et devrait continuer d'évoluer dans l'avenir; à examiner, au nom des partenaires d'EDC, les dynamiques et les exigences du commerce international sur le plan de la concurrence; et, au besoin, à formuler des recommandations, comme la modification éventuelle de la Loi sur le développement des exportations. Le comité entendra aujourd'hui le témoignage de M. Glen Hodgson, qui a déjà comparu à plusieurs reprises. M. Hodgson, premier vice-président et économiste en chef du Conference Board du Canada, prononcera une allocution initiale, après quoi j'inviterai les membres à poser des questions.

Glen Hodgson, premier vice-président et économiste en chef, Conference Board du Canada : Je vous remercie de me donner une nouvelle fois l'occasion de témoigner devant le comité, monsieur le président. Je n'ai que quelques observations à faire.

Pour que le comité sache exactement ce qu'il en est, je commencerai par dire aux sénateurs ici présents que j'ai travaillé à trois examens d'EDC. J'ai d'abord effectué un examen au début des années 1990, lorsque je travaillais pour le ministère des Finances. Je suis l'un des auteurs du règlement encadrant certaines des activités d'EDC. J'ai ensuite dirigé l'examen dont EDC a fait l'objet à la fin des années 1990. Cet examen, qui a duré quatre ans et qui constitue l'une des entreprises les plus intéressantes de ma carrière, a donné lieu à la modification de la Loi pour le développement des exportations. Je me réjouis de pouvoir cette fois m'exprimer de façon indépendante, après avoir été un bureaucrate donnant des conseils au ministère et avoir travaillé à la société d'État.

Je ferai trois commentaires généraux, après quoi j'aborderai quelques points précis concernant les recommandations.

Tout d'abord, j'ai eu la chance, lorsque j'étais économiste en chef adjoint à EDC, de mener une réflexion approfondie sur la nature fondamentale du commerce d'aujourd'hui. J'ai trouvé une expression qui témoigne bien de notre réflexion : « commerce d'intégration », qui pourrait se traduire en anglais par « integrative trade ». Je crois qu'il est important d'utiliser ce principe comme pierre angulaire, comme modèle, car il rend bien l'image du commerce canadien aujourd'hui. De nos jours, les entreprises sont capables de disloquer leurs chaînes d'approvisionnement ou leur modèle de production et de les repositionner pratiquement n'importe où dans le monde. Ils peuvent le faire du Canada vers les États-Unis, impartir une partie de leur production en Asie ou utiliser les intrants d'Europe. Ces démarches s'appuient sur l'investissement étranger.

EDC s'est fortement inspiré de ce principe pour son modèle d'activité fondamental. Je ne m'en attribuerai pas le mérite, puisque je n'ai fait que de trouver l'expression. La façon de penser du gouvernement du Canada a évolué elle aussi ces cinq dernières années. Aux ministères des Affaires étrangères et des Finances, ils sont de plus en plus nombreux à considérer ce principe comme le modèle sous-jacent. EDC adopte ce modèle; je suppose donc que c'est sur celui-ci que la société d'État s'appuie pour offrir du soutien aux exportateurs et aux investisseurs canadiens.

Ensuite, il importe de reconnaître qu'EDC fait plus que combler des lacunes. L'organisme a évolué — ce mot me plaît beaucoup, et le président a parlé du modèle évolutif —, passant du rôle de prêteur et d'assureur de dernier recours à celui de fournisseur de services aidant divers exportateurs et investisseurs dans l'ensemble du système financier.

Il faut considérer qu'EDC devrait faire partie intégrante du système financier canadien. Il n'est pas là simplement pour combler les lacunes que laisse le secteur privé, parce qu'il ne possédera pas les compétences et l'expérience nécessaires en période difficile — comme maintenant —s'il ne participe pas entièrement au cycle économique. Je préfère considérer qu'EDC est intégré au système, traitant avec les banques, les assureurs privés, les exportateurs et les investisseurs en tout genre et agissant comme un partenaire qui offre ces services et ces conseils en permanence.

Ensuite, je mettrai à profit une leçon que j'ai apprise lors d'un séjour aux États-Unis : le mieux est l'ennemi du bien. Tout va bien à EDC. Il n'y a donc aucune raison fondamentale d'améliorer quoi que ce soit. La société fonctionne très bien et a connu une croissance spectaculaire de sa couverture, de son volume d'activité et du nombre d'entreprises qu'elle dessert. Elle occupe plus de place dans l'environnement commercial du Canada, ce qui est une bonne chose. S'il y a quelque chose à faire, ce serait une légère mise au point. Il y a bien sûr de petites corrections à apporter pour s'assurer qu'EDC dispose du mandat et des outils pour faire le plus possible pour les exportateurs et les investisseurs canadiens.

Pour ce qui est des recommandations, j'ai lu le rapport et ai les recommandations avec moi. Ce qui m'a frappé dans cet examen, c'est toute l'importance accordée au processus. Très peu de recommandations concernent des aspects concrets du modèle d'activité qui devraient être corrigés. Si EDC veut servir ses clients plus efficacement et les rendre plus concurrentiels, il faudrait simplifier le processus le plus possible — repenser les choses.

Je sais que les conseils de Diana Smallridge et de son équipe étaient très clairs dans le rapport. J'hésiterais à alourdir encore le processus au sein de la société pour ne pas y rendre le travail encore plus difficile. Ce travail consiste à veiller à ce que les clients soient aussi concurrentiels que possible dans un monde où la compétition est féroce. EDC n'est pas le seul fournisseur de services. Quotidiennement, il traite avec le secteur privé et les assureurs gouvernementaux concernant plusieurs autres entreprises pour que les entreprises canadiennes soient solidement établies dans le marché mondial. La meilleure façon d'y parvenir consiste à avoir une structure efficace. EDC devrait disposer de tous les outils nécessaires pour s'occuper du commerce d'intégration, et je crois qu'elle les a. C'est un fait tacitement reconnu dans l'examen.

Par exemple, j'approuve la recommandation no 16, qui concerne la modification du règlement pour le financement sur le marché national. J'aime que l'on propose d'autoriser EDC à jouer un rôle dans les fusions et les acquisitions nationales lorsque ces démarches pourraient permettre aux entreprises canadiennes d'être plus concurrentielles à l'échelle internationale. Le point 16(e) sur le financement des importations me plaît également. C'est quelque chose que j'ai soulevé dans un rapport il y a environ trois ans, proposant de donner à EDC tous les outils qui lui permettraient de rendre ses clients les plus concurrentiels possible, notamment le financement des importations.

Pour ce qui est de l'assurance-crédit, c'est toujours l'activité principale d'EDC. J'ai vu la part de marché d'EDC diminuer depuis la fin des années 1980. Lorsque je travaillais pour le ministère des Finances à l'époque, EDC avait le monopole du marché. Par la suite, on a vu arriver d'autres assureurs privés, qui étaient plus créatifs et pouvaient servir un plus grand nombre d'entreprises canadiennes. La part de marché d'EDC a diminué depuis lors et la société couvre maintenant moins de la moitié du marché.

C'est une bonne chose, parce que les entreprises canadiennes disposent d'un choix et d'une meilleure capacité globale. C'est également la raison pour laquelle je ne voudrais pas qu'EDC se retire du marché de l'assurance-crédit. Il arrive à l'occasion que le marché se contracte, comme c'est le cas présentement. Je suis certain que des assureurs privés se sont adressés à vous. Il y a des défis évidents à relever actuellement sur les marchés financiers mondiaux. C'est dans les moments pareils qu'EDC a besoin d'outils et d'expérience pour intervenir. C'est une bonne chose que la part de marché d'EDC diminue tranquillement avec le temps et que d'autres intervenants servent le marché, mais il faut qu'EDC soit là comme fournisseur de base.

Je ne suis toutefois pas d'accord avec la recommandation no 1. Je sais qu'EDC s'est maintenant retiré volontairement du marché de l'assurance-crédit nationale, probablement en raison de ce qui s'offre sur le marché. Cependant, il est un peu naïf de croire que si des lacunes se font jour dans l'avenir, EDC pourrait revenir et corriger la situation comme par magie. On fait partie du jeu ou pas. Si on réchauffe le banc, c'est très difficile d'intervenir.

La société a bien fait de décider de ne pas offrir de couverture au pays. C'est quelque chose qu'elle peut faire parce qu'elle connaît mieux le marché que quiconque. Cela revient toutefois à la conception fondamentale du modèle. On ne peut pas rester sur la touche et penser pouvoir intervenir à tout moment dans le jeu. C'est un peu naïf de dire que si des lacunes importantes se manifestaient, EDC pourrait revenir au jeu après s'en être retirée. C'est le seul point sur lequel je ne suis pas d'accord avec les conseils donnés par les auteurs de l'examen.

Je ferai enfin remarquer que pendant mon mandat à EDC, j'en suis arrivé à comprendre et à connaître très bien la Banque de développement du Canada, la BDC. Nous en sommes maintenant à un point où, selon moi, il est impératif que les deux organismes travaillent presque comme un seul. Je ne crois pas qu'il faille modifier leurs structures. J'ai réalisé un examen pendant que je travaillais à EDC pour voir s'il serait avantageux d'intégrer EDC et la BDC. Nous avons conclu que les coûts seraient supérieurs aux avantages.

Pour servir le milieu des affaires canadien, il est crucial que les deux organismes travaillent en partenariat et assurent des liens de communication clairs; ce qui importe probablement le plus, toutefois, c'est que le gouvernement du Canada leur indique clairement où se trouve la limite entre leurs activités. Après tout, ils offrent en partie les mêmes services aux mêmes clients. Ce n'est pas toujours une mauvaise chose, mais ils peuvent à l'occasion se marcher sur les pieds. Il faut donc que le gouvernement du Canada explique au Parlement et aux deux organismes — la BDC et EDC — où se situe la frontière entre leurs activités.

Voilà ce qui en est de mon exposé, monsieur le président. Je suis à votre disposition pour discuter.

Le président : Voudriez-vous nous dire ce que vous pensez des changements que prévoit le projet de loi portant exécution du budget concernant EDC?

Je suis certain que vous aurez des questions à ce sujet. Je ne veux pas vous mettre dans l'embarras : nous comprenons que vous vous êtes préparé pour traiter de ce rapport. Or, ce dernier est de toute évidence le reflet d'une période antérieure à la crise économique actuelle, qui a donné lieu au projet de loi d'exécution du budget. Si vous êtes à l'aise avec ce sujet, j'aimerais entendre ce que vous avez à dire pendant deux ou trois minutes.

M. Hodgson : Je commencerai en disant que, avant que la récession ne frappe, je considérais important que le Conference Board intervienne et nous dise ce que nous devions faire pour éviter la récession ou y faire face. J'ai réalisé très tôt qu'il faudrait envisager la possibilité que le gouvernement affecte davantage de fonds à la BCD et à EDC pour qu'ils soient mieux à même de combler les lacunes sur le marché. Ces informations figurent sur notre site Web depuis novembre.

J'ai été heureux de constater que le budget affecte plus d'argent à EDC. J'ai été aussi encouragé de voir qu'on incitait la société à corriger certaines des lacunes que l'on trouve actuellement dans le marché privé au pays. Le crédit s'est replié à l'échelle mondiale. Même si dans l'ensemble, les chiffres montrent que le crédit s'est accru dans notre économie au cours de la dernière année, j'ai pris le temps hier de télécharger certains des rapports de la Banque du Canada pour voir ce qu'il en était.

Les banques privées n'ont pas accordé de nouveaux crédits nets aux entreprises depuis août de l'an dernier. Il semble qu'EDC ait là l'occasion d'intervenir, de collaborer avec les fournisseurs de crédit privés et de tenter de combler certains des manques qui existent sur le marché. Je vois donc d'un très bon œil qu'on lui ait offert une plus grande part de capital, des fonds expressément destinés à couvrir les risques, et un rôle accru tant qu'il y aura des lacunes à combler sur le marché financier national.

Par exemple, j'ai remarqué qu'EDC est intervenue récemment pour combler une lacune afin de permettre de réaliser une syndication et de conclure une transaction. C'est exactement ce que la société devrait faire maintenant.

Le sénateur Stollery : D'après ce que j'ai compris des témoignages précédents, c'est en fait le secteur privé qui se plaint qu'EDC, qui s'appelle après tout Exportation et développement Canada, intervient de nouveau sur le marché national. Vous connaissez l'origine de cette situation aussi bien que quiconque. Le marché national affirme qu'EDC bénéficie d'avantages qu'il n'a pas. C'est un argument qu'ont fait valoir certaines des entreprises qui ont comparu devant nous, dont certains assureurs nationaux très importants. Pouvez-vous nous expliquer un peu leur argument, selon lequel la concurrence d'EDC est superflue sur le marché canadien?

M. Hodgson : C'est une excellente question. J'ai déjà entendu cette affirmation auparavant, dès 1993, en fait, alors que je travaillais au ministère des Finances. Nous avons reçu la visite d'assureurs du secteur privé, qui sont tous différents maintenant en raison des fusions qui ont eu lieu à l'échelle internationale dans le domaine de l'assurance- crédit privée. À une époque, ils étaient très nombreux, alors que maintenant, l'industrie se résume à trois ou quatre joueurs.

EDC dispose certainement d'avantages. En tant que société d'État, elle ne paie pas d'impôt. Il serait en effet illogique que le gouvernement fédéral impose ses propres sociétés. Le vrai problème est le service à la clientèle, aux exportateurs de première ligne. EDC avait pour mot d'ordre, lorsque j'y travaillais, de ne pas faire concurrence en se fondant sur les prix. La société ne coupe donc pas l'herbe sous le pied du secteur privé. Là où elle pourrait faire concurrence, toutefois, c'est sur le plan des services — de la couverture offerte dans le cadre du cycle économique.

Nous sommes maintenant face à un cas classique où EDC peut intervenir, rester ouverte et servir le marché plus longtemps, pour certains acheteurs ou pays par exemple. Au bout du compte, la société sert les intérêts des exportateurs canadiens, et je crois que c'est une bonne chose.

Je prendrais donc avec un grain de sel les affirmations selon lesquelles EDC a des avantages financiers. C'est évidemment le cas; elle peut emprunter des fonds au taux d'une société d'État et ne paye pas d'impôt. Cependant, la vraie question est le prix sur le marché. Si EDC ne fait pas concurrence en se fondant sur les prix, mais bien en offrant des services fiables dans le cycle économique, je crois que c'est exactement ce qu'on lui demande de faire. Si le marché privé veut essayer de lui faire concurrence au chapitre des prix et de la couverture pour un certain nom ou un certain marché, ce serait une bonne chose.

Le sénateur Stollery : Je laisserai la parole à d'autres, mais je crois que le problème ne se posait pas sur le marché des exportations, car nous comprenons tous que l'objectif d'EDC consiste à aider les exportateurs en veillant à ce qu'ils soient payés. Le problème se pose sur le marché national. D'après ce que j'ai compris, EDC s'est retirée de ce marché.

Actuellement, je crois que l'organisme n'est pas — je ne me rappelle pas le terme que l'on utilise dans le domaine des assurances — un assureur d'origine. Est-ce le bon terme? Ce n'est pas un assureur d'origine dans le marché national. C'est là où le bât blesse, si je me rappelle bien ce que les témoins nous ont dit.

M. Hodgson : Je ferai remarquer que toute la raison pour laquelle on a autorisé EDC à offrir de l'assurance-crédit au Canada était de permettre aux clients de s'adresser à un seul assureur. C'est ce que nous appelons l'accès centralisé. Autrement dit, les clients n'ont pas à magasiner une multitude de polices pour couvrir toutes leurs activités.

Un fabricant canadien ayant des acheteurs à l'étranger et au Canada voudra idéalement obtenir une assurance- crédit pour l'ensemble de ses activités : c'est la logique derrière toute l'histoire. Comme le rapport l'indique, EDC a décidé de ne pas participer à ce marché. C'est un choix que je laisserai à la direction d'EDC, parce que je ne crois pas que la concurrence soit déloyale.

Fondamentalement, si le gouvernement canadien ordonne à EDC de ne pas livrer concurrence en raison des prix, les assureurs privés n'auraient donc pas beaucoup de motifs de se plaindre. Ils doivent alors offrir la même protection, soit en fonction du cycle conjoncturel, soit en fonction de ce qui aurait été offert à un acheteur donné par EDC.

Le sénateur Stollery : Nous sommes actuellement dans un cycle conjoncturel. Nous savons que nous sommes dans une récession assez grave, ce qui nous est déjà arrivé et ce qui nous arrivera encore. À ce que je sache du domaine des assurances, les compagnies font de l'argent pendant les quatre à six premières années, puis les choses se corsent étant donné les nombreuses demandes de règlement lors d'une récession. Je le sais, puisque ma famille a traversé deux dépressions.

Le président : Je veux dissiper une ambiguïté. Le sénateur Stollery faisait allusion, je pense, aux témoignages selon lesquels EDC serait un réassureur sur le marché intérieur, par opposition à un assureur de premier rang. Est-ce bien le sens de votre question? Est-ce votre interprétation?

M. Hodgson : À EDC, j'étais un assureur de premier rang, offrant des polices protégeant toutes les ventes intérieures et les exportations. D'après le rapport, il semble cependant qu'EDC ne joue plus ce rôle.

Le sénateur Andreychuk : Je voudrais obtenir une précision. Vous avez d'abord dit que, stratégiquement, EDC doit avoir une présence à long terme et qu'elle ne devrait pas intervenir ponctuellement pour combler les lacunes. Par contre, vous avez dit qu'il y a des lacunes à combler en raison du projet de loi C-10 et de la conjoncture.

Voici où réside le dilemme : la donne a changé et la capacité d'intervenir semble appartenir à EDC, c'est-à-dire le gouvernement. Les sociétés privées ne savent donc jamais quels seront leurs concurrents puisque le gouvernement peut intervenir ponctuellement, ce qui déstabilise toute planification stratégique d'une compagnie souhaitant faire affaire au Canada, si j'ai bien compris. Que répondriez-vous à cela?

M. Hodgson : Nous sommes dans une période particulière. Nous avons constaté que le crédit est beaucoup moins accessible dans le monde. C'est le cas également au Canada. La solution provisoire d'EDC aux problèmes financiers intérieurs était à court terme. Il s'agit de deux ans, je crois. D'ici la fin de la présente année, nous verrons, je l'espère, des conditions de crédit plus normales.

Il ne faut pas oublier que l'accès des entreprises canadiennes au crédit bancaire a probablement diminué d'un tiers. Je n'ai pas effectué de recherches exhaustives sur la question, mais lorsque je parle à mes collègues de Bay Street, ceux- ci me disent qu'environ le tiers de leur financement des entreprises se fait à l'extérieur du Canada. Il y a naturellement les banques étrangères et les non-banques, mais elles sont toutes fermées à l'heure actuelle.

Les banques canadiennes prennent la relève et augmentent leurs activités. Le rapport de M. Flaherty, qui est affiché sur le site Web du ministère des Finances, évoque l'accroissement du crédit, mais le marché ne pourra pas complètement suffire à la tâche. Pourquoi ne pourrait-on pas utiliser alors le moyen qui existe déjà pour combler cette lacune, sachant que cela sera ponctuel.

Mon exposé était davantage axé sur le rôle d'EDC sur le plan du soutien des investissements et du commerce. On a déjà dit : « EDC peut intervenir lorsque la situation est difficile et cesser de le faire lorsqu'elle est rétablie. « Je n'y crois absolument pas, parce qu'on n'a pas les compétences, l'expérience et la capacité de souscription si vous n'intervenez pas pendant un cycle conjoncturel complet. C'était le point crucial de mon exposé.

Le sénateur Andreychuk : Nous avons déjà abordé la question de ce qui est canadien et de ce qui est étranger. Toutefois, il est de plus en plus difficile de déterminer ce qui est une exportation, ce qui est une importation, ce qui appartient à des intérêts étrangers ou ce qui a un contenu canadien, étant donné l'évolution du commerce international. Êtes-vous convaincu qu'on s'attaque à ces questions dans le présent rapport?

Comme vous avez travaillé à EDC et que vous n'y travaillez plus, et comme vous êtes, espérons-le, neutre sur cette question, diriez-vous qu'on y aborde les chaînes d'approvisionnement et les distinctions en matière de commerce international? Les définitions déjà établies sont-elles devenues artificielles?

M. Hodgson : Premièrement, je pense que les auteurs comprennent l'ampleur de l'évolution du commerce. Ils sont réputés pour leurs analyses effectuées dans différents pays. EDC a adopté diverses politiques lui permettant d'établir la part du capital de base qu'elle affectera aux diverses transactions. Je pense notamment à la Politique sur les retombées pour le Canada. On examine chaque transaction pour déterminer combien d'emplois sont touchés au Canada et combien sont touchés dans les autres pays, reconnaissant qu'il s'agit là de l'essence même du problème aujourd'hui.

Il existe de nombreux secteurs notamment, où l'offre canadienne occupe un créneau très restreint. Pourtant, si elles n'étaient pas soutenues, ces entreprises iraient s'établir à l'étranger. EDC, le gouvernement et les auteurs du rapport l'ont bien saisi.

J'ai été rassuré à la lecture de leur analyse et de leurs recommandations. C'est pourquoi j'adhère aux recommandations, à l'exception d'un point secondaire.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Monsieur Hodgson, je suis bien contente que vous comparaissiez devant notre comité.

J'ai cru comprendre tout à l'heure, en écoutant votre présentation, que EDC devrait être plus clair. Je crois qu'il devrait commencer à faire preuve de plus de transparence en rendant publics ses profits et ses pertes. Selon vous, quelles seraient les conséquences d'une plus grande transparence et d'une meilleure reddition de compte pour EDC, ses entreprises clientes et le contribuable canadien?

M. Hodgson : Merci beaucoup de votre question.

[Traduction]

En fait, c'était l'essentiel du dernier examen effectué entre 1998-1999 et environ 2004. Il a beaucoup été question de transparence, et c'est la raison pour laquelle EDC s'est adaptée. Bon nombre de ses pratiques sont assujetties à une politique sur la transparence, notamment.

À mon avis, c'est avant toute une question d'équilibre entre la concurrence internationale et les informations qu'il ne faut pas trop donner à nos concurrents. Il m'apparaît clair que l'investissement commercial est un domaine où la concurrence est féroce. Chacun essaie de prendre à l'autre une partie de sa part du marché. En faisant preuve de trop de transparence, vous risquez de donner à vos concurrents trop de renseignements.

Pour l'ensemble de ses opérations, EDC doit faire preuve d'un degré élevé de transparence. Ses états financiers sont très solides. Ses activités sont examinées par la vérificatrice générale. Son rapport annuel explique exhaustivement ses activités.

Cependant, lorsqu'il s'agit des transactions, il faut faire attention de ne pas donner à nos concurrents de la Chine, du Japon, de la France ou d'ailleurs trop d'information, ce qui leur permettrait de damer le pion aux exportateurs canadiens.

EDC ne sert qu'à faciliter les échanges pour 8 000 ou 10 000 entreprises canadiennes, auxquelles nous pourrions porter préjudice si nous sommes trop transparents. Le dernier examen visait à déterminer l'équilibre nécessaire. Je pense que nous y sommes plus ou moins parvenus.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Monsieur le président, s'il y a un deuxième tour, j'aurai d'autres questions à poser. Je vais permettre à mes collègues de pouvoir poser leurs questions.

Le sénateur Dawson : Dans la même ligne de pensée que le sénateur Fortin-Duplessis en ce qui a trait à la transparence, trouvez-vous normal que le seul joueur qui ne soit pas soumis à la surveillance du Bureau du surintendant des institutions financières dans le domaine des garanties, des assurances et du financement soit EDC?

[Traduction]

Vous êtes ravi qu'on soit passé de 100 p. 100 à 50 p. 100. Cela signifie que le verre est à moitié vide. En réalité, les concurrents du secteur privé disent qu'à 50 p. 100 du marché, ce n'est pas assez pour eux et qu'ils devraient avoir plus que ces 50 p. 100.

Je comprends qu'on soit passé de 100 p. 100 à 50 p. 100, mais ne pensez-vous pas, pour prendre la défense du Conference Board, que laisser le secteur privé occuper une grande part du marché équivaut à ce que le verre soit plus plein et non plus vide?

Vous avez examiné ces trois études et vous avez un contexte historique. Comment pouvez-vous expliquer alors que les frais administratifs sont passés de 20 à 25 p. 100 il y a 10 ans, à 50 à 55 p. 100 aujourd'hui? Comment ne pas penser alors que ce n'est pas cautionné par le gouvernement?

Si les frais de vos partenaires du secteur privé au Conference Board avaient doublé au cours des 10 dernières années alors que tous les autres essaient de les réduire, la rentabilité diminuerait probablement. Il y a trois facteurs : la rentabilité; le verre à moitié vide — la part du marché équitable — et le BSIF.

[Français]

Pourquoi le BSIF n'a pas la même responsabilité envers EDC que celle qu'il a envers les autres corporations?

[Traduction]

M. Hodgson : J'aborderai d'abord la question des assureurs privés parce que le verre n'est plus de la même taille. Il est probablement de six à huit fois plus grand qu'à l'époque où EDC occupait tout le marché. C'est là l'avantage.

Plus de choix s'offrent aux exportateurs en ce qui concerne les assureurs privés. Il y a d'autres protagonistes, et les protections offertes sont considérables. Ayant eu l'occasion d'examiner les systèmes d'autres pays, je peux vous dire que le Canada est l'un des rares pays où le secteur public s'occupe encore d'assurance-crédit.

L'un des deux responsables de l'examen a dirigé l'organisme britannique chargé du crédit à l'exportation pendant plusieurs années, et il a pu étudier les différents systèmes. Selon lui, chaque pays doit élaborer le système qui lui convient. Il est en plein dans le mille, à mon avis.

Au Canada, où les assureurs privés ne s'occupent pas de crédit à l'exportation et où nous sommes à la merci des compagnies d'assurances étrangères, il est dans notre intérêt à long terme que l'État intervienne pour stabiliser le marché.

Je n'ai rien contre la concurrence des compagnies privées. Il est avantageux que le marché soit beaucoup plus important qu'il ne l'était lorsque j'ai fait l'examen en 1993. Bien plus d'entreprises peuvent souscrire une assurance- crédit, et les prix sont probablement beaucoup plus concurrentiels. En outre, il est avantageux pour EDC que sa part de marché diminue, parce qu'elle doit déployer beaucoup plus d'efforts pour offrir un produit concurrentiel sur le marché.

Il ne serait pas mauvais en soi que sa part du marché passe à 20 p. 100 d'ici 20 ans et finisse par disparaître. Pour l'instant cependant, EDC partage le marché avec davantage de concurrents, ce qui est bénéfique à l'ensemble des entreprises canadiennes.

J'aborde maintenant la question sur le BSIF. Il en est question pour des raisons différentes, si j'ai bien compris. Je n'ai jamais collaboré étroitement avec le BSIF, mais j'ai souvent consulté ses responsables. Le BSIF protège le domaine canadien des banques et de l'assurance contre les risques systémiques. Elle veille à ce que les pratiques bancaires soient surveillées correctement.

De toute évidence, il s'est bien acquitté de sa tâche puisque le Canada s'est sorti du désastre financier international, contrairement à presque tous les autres pays. Notre système est intact. Nous n'avons pas investi l'argent du contribuable dans le renflouement des banques.

EDC s'acquitte d'un mandat différent. Pour le compte du gouvernement canadien, il veille à ce que nos exportateurs puissent suffisamment s'assurer et obtenir du crédit. Il est dans une situation particulière : c'est un organisme public, dont les activités sont surveillées presque quotidiennement par le ministère des Finances, le Conseil du Trésor et le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.

Pendant mes 10 années à EDC, j'ai présidé à de nombreuses réunions tenues pour s'assurer que le gouvernement canadien sache exactement ce que nous y faisions. Nous répondions aux questions et nous fournissions des renseignements. Le BSIF n'a pas ce genre de relations, j'en suis persuadé, avec les banques et les assureurs privés à l'étranger.

En théorie, c'est une notion intéressante, mais je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'accroître la surveillance déjà exercée par le gouvernement canadien à l'égard d'EDC. J'espère qu'on pourra simplifier le processus dans toute la mesure du possible afin que la direction puisse mettre l'accent sur sa mission principale qui consiste à fournir des services aux exportateurs et aux investisseurs canadiens.

Troisièmement, vous avez posé une question sur les pourcentages. Je n'ai pas de chiffres à cet égard. Vous avez parlé de 25 p. 100.

Le sénateur Dawson : Je n'ai pas le tableau sous les yeux, mais on y comparait les garanties d'emprunt aux frais administratifs au cours des 10 dernières années. C'est passé d'environ 22 p. 100 en 2000 à environ 50 p. 100 aujourd'hui, mais je n'ai pas le tableau sous les yeux.

M. Hodgson : J'aimerais jeter un coup d'œil à ces chiffres. Si vous regardez l'ensemble de la situation, vous constaterez que l'effectif d'EDC a diminué d'environ 100 employés au cours des cinq dernières années et que ses activités se sont accrues des deux tiers. C'est peut-être à cause d'un programme particulier.

Le président : Vous pourriez peut-être en prendre note et faire parvenir une réponse à notre greffier. Nous la remettrons aux membres du comité.

Le sénateur Dawson : J'aimerais bien vous entendre sur ce sujet.

M. Hodgson : Je peux en parler aujourd'hui, maintenant que je sais de quoi il en retourne. Le sénateur a fait allusion aux frais administratifs relatifs aux demandes de règlement et autre dépenses, en ce qui concerne l'assurance à court terme. Vous avez raison. Les frais sont passés de 37 millions de dollars en 2000 à 58 millions de dollars en 2006. Cependant, des facteurs aussi simples que l'inflation et la majoration des salaires expliqueraient une grande partie ces frais.

Le sénateur Dawson : Regardez l'autre colonne.

M. Hodgson : Voulez-vous parler du ratio combiné?

Le sénateur Dawson : Les chiffres n'ont pas doublé, mais les frais administratifs sont aujourd'hui une partie plus importante des dépenses qu'auparavant. Il doit bien y avoir une explication.

Le président : Il est peut-être injuste de mettre M. Hodgson ainsi sur la sellette. Je préférerais qu'il examine si, toutes proportions gardées, le coût d'exploitation d'EDC a trop augmenté et si cette augmentation est acceptable, n'est-ce pas sénateur Dawson?

Le sénateur Dawson : Oui.

Le président : Nous vous en serions reconnaissants, monsieur Hodgson.

M. Hodgson : Comme vous me l'avez offert, je vous ferai parvenir une réponse écrite.

Le président : Nous ne voulons pas être injustes envers nos témoins.

Le sénateur Zimmer : Monsieur Hodgson, vous avez abordé la question brièvement, mais j'aimerais vous demander des précisions sur ce qui constitue, selon vous, le plus gros contretemps auquel font face les entreprises canadiennes dans leurs relations avec EDC et qui les empêche de relever les défis d'aujourd'hui et de demain.

M. Hodgson : Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par « contretemps », sénateur?

Le sénateur Zimmer : J'entends par « contretemps « tout ce qui amène les entreprises à changer leur orientation et à vous répondre d'une façon différente.

M. Hodgson : D'après l'expérience que j'acquise à EDC, je vous dirai que — quelle surprise — les prix constituaient le principal problème des entreprises. Les entreprises veulent toujours débourser moins pour les services, et la société a toujours dû penser à boucler son budget. Par conséquent, les prix trop élevés étaient le principal problème ou la principale plainte. C'est ce que j'entendais lors des nombreuses transactions à court terme et à moyen terme. En outre, j'ai participé à quelques négociations, et le prix était toujours la principale variable dont les entreprises doivent tenir compte lorsqu'elles négocient avec l'acheteur étranger. Parallèlement, vous avez constaté la croissance des activités d'EDC. Je suis assez vieux pour me rappeler le début des années 1990 alors que la société avait un chiffre d'affaires de 11 milliards de dollars.

Le sénateur Zimmer : Cela ne remonte pas à loin.

M. Hodgson : C'est l'impression que j'ai maintenant. Je me souviens de l'époque où EDC avait un chiffre d'affaires de seulement un à deux milliards de dollars. L'année où j'ai commencé à travailler à EDC, celui-ci atteignait 11 milliards de dollars. L'an dernier, il est passé à 85 milliards de dollars. De toute évidence, le prix est un facteur important dans la conclusion d'un marché, mais il y en a d'autres. En revanche, on semble accorder beaucoup de valeur à la capacité de la société face aux risques à long terme. Lorsque les assureurs privés estiment devoir se retirer d'un secteur ou d'un marché, EDC peut habituellement trouver un moyen d'occuper ce créneau. Elle doit peut-être modifier le taux de couverture ou le prix en conséquence, mais en dernière analyse, elle peut assurer le long terme. Dans la vie, vous récoltez ce que vous avez semé, ce qui, souhaitons-le, vaut également pour le Conference Board du Canada.

Le sénateur Zimmer : Quel sera, selon vous, le plus grand défi pour les entreprises canadiennes oeuvrant sur les marchés internationaux au cours des 10 prochaines années? Croyez-vous que nos entreprises canadiennes sont prêtes à relever de tels défis?

M. Hodgson : Une partie de notre travail, au Conference Board du Canada, consiste à établir des prévisions économiques, mais nous avons également un centre de recherche sur le commerce et l'investissement. Nous analysons en profondeur les types de difficultés auxquelles sont confrontées les entreprises canadiennes. Le plus grand de tous les défis, c'est le fait que nous avons une situation de voisinage très privilégiée. Nous avons toujours vécu aux côtés des États-Unis, et nous avons tiré profit du fait que les Américains aiment dépenser. Maintenant, nous entrons dans une phase où les consommateurs américains devront réduire leurs dépenses. À un moment donné, 87 p. 100 de nos exportations étaient destinées aux États-Unis. Dans un contexte de forte croissance, nous ne ressentions pas la nécessité de diversifier nos échanges commerciaux. La difficulté de taille consistera à déterminer comment maintenir notre part de marché aux États-Unis, en sachant qu'elle ne connaîtra pas une croissance aussi forte, et comment trouver de nouveaux marchés ailleurs — en Chine, en Asie du Sud-est — et de nouveaux débouchés en Europe, en Amérique latine. Il sera crucial, pour les entreprises canadiennes, de diversifier leurs bassins d'acheteurs.

Nous en avons été témoins au cours des deux ou trois dernières années. Nous avons assisté à un plafonnement des échanges commerciaux avec les États-Unis depuis 2000, abstraction faite des effets des prix. Une certaine diversification de nos exportations vers l'Europe et l'Asie a eu lieu presque accidentellement. Nous devons adopter une approche bien plus énergique, sachant que des pays comme la Chine ou l'Inde seront des marchés en expansion dominants dans l'économie mondiale au cours des 10 prochaines années.

Certes, EDC a signalé sa compréhension de la situation. L'organisme ouvre des bureaux dans ces marchés et tente de créer une capacité accrue. Il collaborera avec le gouvernement du Canada, recherchera davantage de débouchés commerciaux et sera là pour les entreprises. Nous devrons nous tourner vers autre chose que le marché américain.

Le sénateur Zimmer : Merci de cet étoffement.

Le sénateur Wallin : J'aimerais obtenir une petite précision. Monsieur Hodgson, vous avez dit avoir lu qu'aucun nouveau crédit net n'avait été accordé par les banques traditionnelles à compter d'août 2008. Quand cela a-t-il cessé?

M. Hodgson : Cela a duré jusqu'à la fin février. La Banque du Canada a affiché sur son site Internet un excellent rapport où l'on se penche sur les actifs et passifs des banques, et l'on publie également un rapport hebdomadaire. Sur ce site, on pourra trouver les données les plus à jour. J'ai été frappé par les chiffres absolus que nous recevons du ministère des Finances, par exemple, car le ministre Flaherty fait rapport assez régulièrement des développements qui surviennent sur nos marchés des capitaux. Lorsqu'on regarde les données sources, elles sont frappantes. Les flux de crédit vers les entreprises ont augmenté en août, et en septembre, tous les marchés financiers dans le monde ont éclaté. Le crédit a connu une croissance jusqu'en décembre, puis un déclin en janvier et en février.

Le sénateur Wallin : C'est peut-être ce qui ne colle pas dans le témoignage de l'Association des banquiers canadiens sur cette question. Celle-ci commençait à entrevoir un redressement, ou a répondu en ce sens. C'était en décembre, et c'est autre chose que ces prédictions que nous avons pu voir ces deux derniers mois.

M. Hodgson : Dans mon métier, nous avons atteint un point où nous devons examiner les données en temps réel de façon hebdomadaire ou mensuelle pour suivre l'évolution des choses. Je n'ai aucun doute qu'un assainissement est en cours dans nos marchés financiers. Le fait est que les banques nous disent qu'elles n'ont pas à utiliser la totalité des 125 milliards de dollars disponibles pour elles à des fins d'achat d'hypothèques, ce qui était destiné à libérer leurs bilans afin qu'elles puissent se remettre à prêter. Cela signifie qu'elles sont capables d'accéder à du crédit sur le marché interbancaire à un meilleur taux, alors la situation revient lentement à la normale. Quoi qu'il en soit, mois après mois, nous surveillons les fluctuations de la circulation du crédit. J'espère qu'au cours des prochains mois, nous assisterons au rétablissement des tendances de crédit normales.

Le sénateur Wallin : Vous continuez à soutenir que cela demeure insuffisant et qu'EDC doit participer à ce marché.

M. Hodgson : Oui, sénateur; c'est insuffisant en grande partie parce que les institutions para-bancaires se sont écroulées. On ne peut aller à New York pour émettre des obligations. Le secteur n'est plus là. Les grands noms que nous connaissons tous ont fermé boutique au Canada et sont repartis chez eux. Londres est sans doute plus touchée que Wall Street.

Lorsque nous éliminons toutes les créances irrécouvrables en Europe de l'Est, par exemple, cela s'enregistre d'abord sur les bilans des banques européennes. À mesure qu'on le fera au cours des trois à six prochains mois, Londres traversera une période difficile.

Le sénateur Wallin : Je vous sais gré d'apporter cette importante précision. Sur le plan de l'accès, il y a une différence entre les banques et les institutions financières non bancaires, et c'est pourquoi le rôle qu'on doit jouer a gagné en importance, si vous voulez. Je vous remercie.

Le président : Notre prochain témoin est ici. Je regarde l'heure, et je sais que d'autres collègues souhaitaient effectuer un deuxième tour de table. Les sénateurs Fortin-Duplessis et Zimmer seront les premiers à interroger notre témoin suivant.

Je tiens à vous remercier encore une fois, monsieur Hodgson, même si c'est probablement la troisième ou la quatrième fois que je le fais. Nous vous sommes reconnaissants de votre présence ici et, comme d'habitude, votre contribution ajoute de la valeur à nos délibérations. Si vous pouviez fournir l'information demandée par le sénateur Dawson, ou quoi que ce soit d'autre qui puisse vous venir à l'esprit d'ici là, nous en serions très heureux.

[Français]

Nous allons commencer avec la présentation de M. Jean-Michel Laurin, laquelle sera suivie des questions provenant des membres du comité. M. Laurin est vice-président de Manufacturiers et exportateurs du Canada. Bienvenue au Sénat et la parole est à vous.

[Traduction]

Jean-Michel Laurin, vice-président, Politiques d'affaires mondiales, Manufacturiers et exportateurs du Canada : Comme l'a souligné votre président, je suis vice-président aux Politiques d'affaires mondiales auprès des Manufacturiers et exportateurs du Canada. J'aimerais dire quelques mots sur notre association avant de commencer mon exposé et de vous parler des défis à court terme auxquels nos membres font face en ce moment, ainsi que de certains défis à long terme dont cet examen doit aussi tenir compte. Je ferai ensuite quelques remarques sur le financement en particulier. Nous avons recueilli des anecdotes de nos membres. J'aimerais vous faire part de données sur le sujet, puis il nous restera un peu de temps pour entendre les questions à la fin.

Comme son nom l'indique, mon association, Manufacturiers et exportateurs du Canada, représente les plus grands secteurs commerciaux au Canada. Ensemble, les secteurs manufacturier et exportateur occupent une part importante de notre PIB. L'industrie manufacturière est responsable de 16 p. 100 du PIB; et l'exportation, si l'on inclut les exportations de services et les exportations énergétiques, compte pour plus d'un cinquième de notre produit intérieur brut.

Dans l'ensemble, nos membres représentent les deux tiers des exportations canadiennes, c'est-à-dire que les entreprises manufacturières sont à l'origine des deux tiers des exportations du Canada. Nous expédions des produits d'une valeur de 605 milliards de dollars chaque année au Canada et partout dans le monde. Globalement, nos membres sont les entreprises qui représentent les clients d'EDC.

En ce qui a trait au moment choisi pour cet examen, ou à son contexte, nous avons participé à ce processus depuis le moment où le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international l'a lancé, il y a environ un an. J'estime que la situation n'aurait pas pu changer davantage qu'elle ne l'a fait en une année. Vous êtes actuellement dans une position difficile, puisque vous devez vous pencher sur cet examen. Comme il s'agit d'un examen à long terme sur 10 ans, il vous faut considérer certains enjeux à plus long terme dont on doit tenir compte. En même temps, il faut aussi prendre en considération de sérieux défis à brève échéance. J'aimerais en parler un peu.

Si l'on examine la situation à court terme — M. Hodgson en a déjà glissé mot — on peut voir que les marchés financiers sont dans la tourmente. Cela entraîne des conséquences, même si le système bancaire et financier canadien est probablement dans une situation plus solide que celui de bien d'autres pays sur la planète.

Nous voyons qu'il y a moins de crédit et de financement disponibles sur le marché canadien. Certaines banques canadiennes font du bon travail pour ce qui est d'aller de l'avant et de fournir un financement additionnel, mais beaucoup d'institutions étrangères ont disparu du marché canadien. En ce qui concerne le marché des prêts commerciaux adossés à des actifs, bien des entreprises ont quitté le marché canadien. Par conséquent, nos membres se retrouvent avec moins d'offres de financement.

Simultanément, nous assistons à un niveau accru de risque et d'incertitude sur les marchés. Nous avons davantage de clients qui accusent un retard dans leurs paiements, et nous constatons qu'un plus grand nombre d'entreprises et de marchés d'exportation font faillite. Il y a des risques plus élevés sur le plan des comptes clients et des stocks. Des commandes sont reportées, et des projets d'investissement en capital au Canada et à l'étranger sont retardés en raison d'un manque de financement. Nous avons affaire à un marché où le risque est plus élevé que jamais.

Ce qui est probablement l'un des principaux problèmes pour nos membres en ce moment, c'est l'affaissement de la demande des clients. On a beaucoup parlé des problèmes auxquels sont confrontés l'industrie de l'automobile et le secteur forestier, mais il s'agit là d'une difficulté avec laquelle les entreprises manufacturières sont actuellement aux prises, peu importe à quel secteur industriel elles appartiennent.

En ce qui concerne particulièrement le crédit, M. Hodgson a fait quelques commentaires là-dessus tout à l'heure, dans sa déclaration. Il nous faut des données réellement à jour, car la situation évolue rapidement. Nous révélerons en fait les résultats de notre dernière enquête sur les perspectives du monde des affaires plus tard cette semaine. C'est une enquête mensuelle que nous menons auprès des entreprises manufacturières et d'exportation d'un bout à l'autre du Canada. Nous leur demandons ce qu'elles entrevoient comme débouchés sur les marchés. Ainsi, nous pouvons obtenir cette information plus rapidement que Statistique Canada.

Nous effectuons cette enquête depuis quelques mois maintenant, et il s'avère que la plupart des entreprises s'attendent à ce que leurs commandes régressent au cours des trois prochains mois, mais la situation s'améliore quelque peu. Quarante-neuf pour cent des entreprises indiquent que leurs commandes chuteront durant les trois prochains mois, mais seulement 14 p. 100 d'entre elles déclarent que les commandes diminueront de plus de 30 p. 100. Il y a un mois, ce chiffre était de 33 p. 100. Donc, le pourcentage d'entreprises qui s'attendent à une baisse significative de leurs ventes durant les trois prochains mois a été réduit de moitié.

En ce qui concerne le financement en particulier, les enquêtes indiquent que c'est le problème majeur auquel sont confrontées les entreprises en ce moment, surtout les entreprises d'exportation. C'est leur défi numéro un actuellement. Cinquante-neuf pour cent des entreprises que nous sondons affirment éprouver certaines difficultés à accéder à des niveaux de financement adéquats.

Comme je l'ai dit, c'est un enjeu central pour nos membres en ce moment. Les types de financement qui ne sont pas disponibles sont, par exemple, ceux permettant de couvrir les besoins en fonds de roulement, d'obtenir une plus grande ligne de crédit, des investissements en capitaux et de trouver des fonds pour investir dans les nouvelles technologies. Voilà les types de financement que les entreprises se voient souvent refuser actuellement.

Nous avons parlé de ces problèmes à court terme au gouvernement. Au cours des dernières semaines et des derniers mois, le gouvernement a réagi en mettant en place certaines mesures additionnelles dans le dernier budget. Nous avons communiqué étroitement avec le gouvernement, EDC, la BDC et tous les divers intervenants concernés pour nous assurer que les mesures annoncées soient appliquées assez rapidement. Je pense que ce sera plus facile, maintenant que le budget a été adopté.

Dans l'avenir, je suis d'avis que ces mesures devraient contribuer à améliorer la situation pour nos membres à court terme, et à mieux positionner nos entreprises pour faire face à la concurrence sur les marchés internationaux à moyen ou à long terme.

Quant aux défis à long terme — avant que nous ne passions aux questions —, pour notre pays soit prospère dans l'avenir, il faut nous assurer que nos entreprises puissent exporter, livrer concurrence et réussir mieux que jamais sur les marchés internationaux.

Ce que nous constatons, lorsque nous discutons de ces questions avec nos membres, c'est qu'il a été très difficile de maintenir notre part de marché aux États-Unis de même que dans les marchés d'exportation clés ces dernières années. À l'évidence, l'appréciation du dollar canadien a eu un impact majeur. Les entreprises ont réagi en réduisant leurs coûts, en améliorant la productivité, en mettant au point de nouveaux produits et en tentant de pénétrer de nouveaux marchés auxquels on ne s'intéressait pas auparavant.

Je pense que tout le monde conviendra que pour réussir dans l'environnement d'aujourd'hui, on doit exploiter son entreprise autrement qu'on le faisait auparavant. Je suis certain que beaucoup d'entre vous interagissent régulièrement avec des entreprises de leurs régions. Tout le monde comprend — surtout ceux qui font des affaires à l'étranger— que nous devons changer nos modèles d'affaires très rapidement pour réussir sur les marchés internationaux. J'en sais quelque chose.

Nous assistons également à un changement des tendances au chapitre des échanges commerciaux. Pendant longtemps, nous avons uniquement parlé des exportations. Maintenant, nous discutons de commerce d'intégration, et les entreprises s'approvisionnent, dans différentes régions du monde, en intrants et en pièces qu'elles acheminent ensuite ailleurs dans le monde — dont une partie au Canada — pour assembler les produits avant de les réexporter.

Même dans le secteur manufacturier, que je représente, nous redéfinissons la fabrication. Il ne s'agit pas simplement de fabriquer un produit, mais d'offrir une valeur à ses clients au moyen d'un bien tangible. Une bonne partie de cette valeur provient de la mise en marché, de la R-D, de la capacité à établir des partenariats avec les fournisseurs et clients et d'investir dans la R-D, et cetera. Cette valeur se retrouve en grande partie dans le produit, mais elle ne fait pas nécessairement le produit.

Il y a actuellement certains débouchés commerciaux auxquels nous devons prêter attention, surtout pour le long terme, particulièrement sur les marchés mondiaux et les marchés en crise. Bien des membres viennent nous dire qu'ils voient — malgré le fait que leurs ventes sont à la baisse et qu'il y a toutes ces difficultés sur le marché — la possibilité d'acquérir certains compétiteurs et d'augmenter leurs parts de marché. Il y a de nombreuses possibilités d'acquisitions et de croissance dans de nouveaux marchés.

Les marchés américains et canadiens ont crû plus lentement que certains marchés émergents. De nombreuses entreprises cherchent à développer leurs activités sur ces marchés. En même temps, bien des gens ont mis beaucoup d'efforts pour aider ces entreprises à réussir sur les marchés internationaux.

Dans ce contexte, l'enjeu principal, du point de vue de cet examen, consiste à faire en sorte que les entreprises canadiennes actives sur la scène mondiale aient accès à des niveaux et à des types appropriés de services financiers. Nous devons nous assurer que le gouvernement appuie les compagnies lorsque le secteur privé fait défaut.

Nous avons discuté de cette question avec nos membres, et EDC est un précieux partenaire d'affaires depuis dix ans. Depuis le dernier examen, j'ai parlé à un certain nombre de membres. Globalement, EDC a très bien su s'adapter aux besoins de nos membres à mesure que les conditions économiques changeaient. On assiste à l'émergence de modèles commerciaux. Même en respectant le mandat législatif en vigueur, cet organisme a été capable de prendre nombre de nouvelles mesures qu'on ne prenait pas auparavant. On a ouvert des bureaux à l'étranger. On veut participer davantage à des projets à l'étranger pour offrir des débouchés aux entreprises canadiennes. Je sais que les membres l'ont souligné et qu'ils apprécient certainement le rôle d'EDC à cet égard.

Plus récemment, nous avons été appelés à travailler étroitement avec EDC, la BDC et le ministère des Finances, en particulier, afin de remédier à certains des problèmes les plus pressants auxquels sont confrontés nos membres pour ce qui est de l'accès aux capitaux. Au gouvernement, tout le monde a fait un travail admirable pour essayer de s'attaquer à ce problème difficile, complexe et qui évolue rapidement.

J'ignore quel sera l'impact du budget. Tout le monde collabore pour veiller à ce que ces mesures soient mises en place rapidement et pour répondre aux besoins des entreprises. Nous sommes sur la bonne voie. Dans l'avenir, l'enjeu essentiel sera de faire en sorte que des institutions comme la BDC et EDC aient des niveaux de financement adéquats et soient capables de combler les lacunes du marché.

Voilà qui met fin à ma déclaration préliminaire. Peut-être pouvons-nous entamer la période de questions.

Le président : Pour que ce soit bien clair, j'aimerais que ceci figure au compte rendu : on estime que collectivement, les membres de Manufacturiers et Exportateurs du Canada (MEC) comptent pour 75 p. 100 de l'ensemble de la production manufacturière canadienne et 90 p. 100 des exportations du Canada, et que 85p. 100 d'entre eux sont de petites et moyennes entreprises. J'espère que même les personnes qui nous écoutent au petit matin saisiront toute l'importance que revêt votre organisation à nos yeux.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Bonsoir, monsieur Laurin. Le Canada et l'Ontario fourniront à General Motors et à Chrysler environ quatre milliards de dollars en prêts remboursables à court terme, gérés par EDC, dont 2,7 milliards proviendront du gouvernement du Canada.

Dans un même temps, le gouvernement canadien offrira une aide aux fabricants de pièces automobiles en améliorant leur accès au crédit grâce à une assurance compte-client offerte par EDC.

À votre avis, cette emphase sur l'industrie automobile ne risque-t-elle pas d'affecter les entreprises dans d'autres secteurs qui dépendent aussi d'EDC?

Je vais vous poser ma deuxième question tout de suite : selon vous, quelles répercussions aura cette nouvelle activité sur le fonctionnement d'EDC dans d'autres secteurs de notre économie?

M. Laurin : Merci beaucoup. C'est une excellente question. On a beaucoup fait état, ces dernières semaines, ces derniers mois, des difficultés que connaît l'industrie de l'automobile, particulièrement au Canada et aux États-Unis.

Il y a de mauvaises informations qui ont circulé selon lesquelles la plupart des entreprises connaissaient des difficultés d'accès au crédit. Il est important de comprendre que la situation à laquelle on fait face, c'est une chute vraiment importante, rapide, marquée de la demande des consommateurs. Et personne ne s'attendait à cette chute.

On a beaucoup fait état des entreprises du secteur de l'automobile. Les données de nos plus récents sondages confirment que ce sont ces entreprises qui ont vécu les problèmes en premier. En général, ceux qui vendent des produits de consommation sont les premiers affectés, dans le cas d'une chute, de la diminution de la demande.

Par contre, nos sondages démontrent que ce n'est pas vraiment un problème de fabricants d'automobiles ou de pièces d'automobiles. C'est plutôt un problème auquel est confronté l'ensemble de l'industrie manufacturière à travers le Canada. Le problème n'est pas qu'en Ontario, mais bien partout au Canada.

Donc, à la question de savoir s'il faut accorder de l'attention à l'industrie automobile, je répondrais que oui. Parce que si vous regardez l'économie du centre du pays, en particulier en Ontario, l'industrie automobile, dans cette province, est un pôle de compétitivité majeure. Il y a des retombées économiques positives pour beaucoup d'autres secteurs industriels parce qu'on a un pôle de compétitivité, une grappe industrielle dans le secteur de l'automobile, mais qui a des impacts.

Quand on parle, par exemple, de questions comme le développement de la main-d'œuvre, le fait d'avoir des institutions de recherche dans le secteur de l'automobile bénéficie à des entreprises et à plusieurs secteurs industriels. Et il faut savoir qu'il y a beaucoup d'entreprises dans d'autres secteurs, que ce soit des fabricants de plastique, des mouleurs sous pression, des fabricants d'acier. On peut penser qu'ils sont moins touchés, mais leurs plus gros clients ou certains de leurs principaux clients sont souvent dans l'industrie de l'automobile.

Il ne faut donc pas voir ce secteur comme un vase clos qui opère de façon isolée du reste du secteur de la fabrication canadienne. Au contraire, il y a beaucoup d'interaction entre ce secteur et les autres.

Personnellement, je ne suis pas inquiet quant au fait qu'il y a des nouvelles mesures dans le secteur de l'automobile, parce que je ne pense pas que cela se fasse au détriment de mesures qui touchent d'autres secteurs d'activités. Peut-être qu'on n'en a moins parlé, parce que les médias s'y intéressent un peu moins. Par contre, les programmes qui ont été annoncés dans le dernier budget, les mesures additionnelles qui ont été données à EDC, certaines de ces mesures ont été faites spécifiquement pour le secteur de l'automobile, mais beaucoup d'autres sont faites pour soutenir les exportateurs en général. Ces mesures ont retenu beaucoup moins l'attention, mais elles viennent aussi soutenir les entreprises dans d'autres secteurs d'activités. Par exemple, avec les nouveaux pouvoirs et le financement additionnel qui a été accordé à EDC, on a déjà commencé à annoncer des ententes avec des entreprises dont l'une est dans un autre secteur d'activité, puis une autre est située au Manitoba dans un secteur parallèle à l'industrie de l'automobile.

Je pense qu'on a beaucoup parlé de l'industrie de l'automobile puis des mesures dans ce secteur, et il est important de le faire parce que sinon, on risque de voir disparaître un grand pan de notre industrie.

Par contre, peut-être qu'on en a juste moins parlé, mais il y a des mesures disponibles pour les entreprises et d'autres secteurs d'activités.

Pour notre part, il est certain qu'on est inquiet de la situation pour tout le monde, mais on ne voit pas cela comme donner à un plutôt qu'à un autre.

[Traduction]

Le sénateur Zimmer : Monsieur Laurin, vous avez déjà répondu à la première partie de ma question, mais je vais quand même vous poser ma question au complet.

Croyez-vous qu'il y a actuellement suffisamment de ressources financières diverses disponibles pour les sociétés canadiennes qui veulent percer les marchés internationaux?

Pouvez-vous également nous donner une idée du nombre d'entreprises canadiennes qui ne peuvent avoir accès aux marchés internationaux simplement parce qu'elles sont incapables d'obtenir le financement nécessaire?

M. Laurin : C'est une excellente question, mais ne suis pas certain de pouvoir y répondre. Quant à savoir s'il y a assez de ressources, c'est relatif. Comme je parle au nom des exportateurs, je continuerai de dire que non.

Si on examine les marchés financiers actuels, on constate qu'il y a un besoin de capitaux et de financement accrus. Nous avons précisément demandé au gouvernement d'intervenir et d'injecter des liquidités supplémentaires dans les marchés financiers, ce qu'il semble avoir fait. Nous n'avons pas vu les fruits de ces mesures jusqu'à présent, mais nous allons suivre les résultats de nos enquêtes des prochains mois.

Vous parlez d'une crise mondiale du crédit, qui n'a pas été provoquée par le gouvernement canadien ni d'autres acteurs au pays. Nous sommes plutôt privilégiés d'avoir des institutions fiables. Dans l'ensemble, le bilan de nos banques est solide, car ces dernières n'ont pas été autant touchées que certaines banques étrangères. Cependant, le besoin de financement et de crédit supplémentaires continue de se faire sentir sur les marchés.

J'ai répondu en partie à votre question. Les marchés ont effectivement besoin de plus de financement en ce moment.

En ce qui concerne votre autre question, qui porte sur le fait de veiller à ce que le financement soit en quantité suffisante, c'est plutôt complexe. Il faut d'abord et avant tout voir à ce que le bilan des banques internationales devienne plus solide. Cela signifie qu'il leur faudra se pencher sur la manière d'évaluer leurs actifs dans leur bilan et envisager un moyen de régler la crise immobilière américaine. Le gouvernement du président Obama est sans doute en train de s'attaquer à ce problème en priorité.

Les marchés ont besoin de plus de financement. Le gouvernement est intervenu et a probablement fait de son mieux. Il nous faudra attendre un peu et réexaminer la situation dans quelques mois afin de déterminer si ce qui a été fait était suffisant.

La question suivante portait sur la proportion d'entreprises qui ne sont pas en mesure de pénétrer le marché international parce qu'elles ne peuvent pas obtenir le financement nécessaire. Nous avons observé une baisse sur le marché américain, qui est habituellement notre marché d'exportation dans lequel est écoulée 55 p. 100 de la production industrielle canadienne. Nous vendons plus aux États-Unis qu'au Canada. Étant donné que le marché connaît toutes sortes de problèmes et que la demande baisse, nous avons reçu plus d'appels que jamais auparavant de membres de sociétés qui voulaient prendre de l'expansion ailleurs qu'en Amérique du Nord.

Le financement est l'un des problèmes auxquels les sociétés sont confrontées lorsqu'elles tentent de prendre de l'expansion sur les marchés internationaux, mais il y en a aussi d'autres, comme le manque de ressources internes, par exemple.

Beaucoup d'entreprises essaient de gérer le ralentissement à court terme, et la recherche de financement est l'un des obstacles à surmonter pour accroître ses parts de marché ailleurs.

Cependant, je ne peux pas vous fournir de données exactes. Nous pouvons nous renseigner. En ce moment, ce que nos membres désirent en matière de financement, c'est soit d'avoir accès à une ligne de crédit ou simplement un fonds de roulement. En d'autres mots, ils recherchent le genre de financement dont le sénateur Fortin-Duplessis vient de parler. Les entreprises observent une baisse de leur chiffre d'affaires, baisse qu'elles n'avaient pas vu venir. Elles ont besoin de capital supplémentaire pour traverser la crise et pour se repositionner pour l'avenir.

Elles sont aux prises avec les mêmes problèmes que le secteur automobile, comme d'ailleurs tous les fabricants qui vendent des produits aux États-Unis.

Le président : Monsieur Laurin, vous avez laissé entendre que vous n'aviez peut-être pas tous les éléments de réponse. Si vous pouvez faire quelques recherches et étoffer votre réponse, nous vous en saurions gré. Vous pouvez envoyer une lettre à notre greffier, qui la fera circuler aux membres du comité.

Vous avez parlé des changements qu'a apportés la récente Loi d'exécution du budget à EDC et à BDC, mais principalement de ceux concernant EDC, objet de la séance d'aujourd'hui. Il y a deux modifications majeures, si je comprends bien. D'une part, il y a sa présence sur le marché intérieur, même si c'est pour une période limitée — je crois qu'il est question d'une période renouvelable de deux ans. D'autre part, il y a la hausse du plafond de capital autorisé. Pouvez-vous nous expliquer comment votre organisation perçoit l'un ou l'autre de ces changements, ainsi que les avantages qui en découleront?

M. Laurin : Nous constatons que les pouvoirs supplémentaires qui lui sont conférés sont en lien avec le financement intérieur. EDC veille habituellement à ce qu'il y ait un avantage à l'exportation, à savoir que le financement aidera l'entreprise à exporter directement ou à accroître sa capacité de manière à exporter davantage. La règle est maintenant assouplie pour qu'elle puisse offrir de l'aide aux entreprises actives sur le marché intérieur, en réponse à un besoin évident.

Les banques elles-mêmes admettent que moins de la moitié du financement consenti aux entreprises canadiennes provient de banques à charte canadiennes. Beaucoup d'entreprises étrangères injectaient des fonds non bancaires dans le marché canadien, tel que des prêts commerciaux garantis par des actifs. En d'autres mots, si l'on veut acheter de nouvelles machines pour une usine, quelqu'un peut en financer l'achat ou la location. La plupart de ces investisseurs se sont retirés du marché. Les entreprises canadiennes ont grand besoin de rassurer leurs débiteurs intérieurs et jusqu'ici, EDC ne pouvait pas les aider.

Il est certes crucial d'assouplir les règles et de faire en sorte qu'est comblé le manque de crédit actuel sur le marché. Nous avons demandé au gouvernement de présenter des mesures novatrices qui débloqueront suffisamment de capital sur le marché canadien.

Quant au capital supplémentaire qui lui a été fourni, c'est tout à fait logique. On n'a jamais tant eu besoin des services d'EDC. Il est donc parfaitement normal qu'on lui fournisse des niveaux de financement qui lui permettent de jouer son rôle.

Ce qui nous préoccupe, c'est que nous ne voulons pas qu'EDC ait à choisir entre l'un ou l'autre de ses rôles. Je veux dire par là qu'elle est maintenant tenue de faire plus de financement intérieur. Elle a donc un rôle à jouer à cet égard, et nous croyons bien sûr que c'est une bonne idée. Parallèlement, nous voulons nous assurer qu'EDC est aussi en mesure de remplir ses fonctions premières, soit d'aider les exportateurs et de leur fournir de l'assurance crédit à l'exportation, ainsi que de fournir du financement aux sociétés qui essaient de prendre de l'expansion sur les marchés internationaux.

Il sera important, au cours des deux prochaines années, de veiller à ce qu'EDC reçoive assez de financement pour pouvoir maintenir un équilibre entre ces deux fonctions, de manière à pouvoir jouer le rôle qu'on attend d'elle actuellement sur le marché.

Le président : Faut-il élargir ses pouvoirs? Nous savons qu'un certain nombre d'institutions financières se sont retirées du marché, comme vous l'avez dit, et que, par le fait même, cette source de fonds a disparu.

Vos membres ont-ils besoin de ces services supplémentaires étant donné le ralentissement économique? Auront-ils droit aux capitaux supplémentaires qui sont mis à leur disposition?

M. Laurin : Nos membres disent avoir besoin de plus de liquidités sur le marché et de plus de capital disponible à des prix concurrentiels.

Le président : Vos entreprises en font-elles assez?

M. Laurin : Il y a effectivement un besoin réel d'aide d'EDC et il est évident que le gouvernement doit intervenir.

Le Canada peut profiter de la situation du point de vue commercial. Actuellement, tout le monde sur le marché a besoin d'argent. La liquidité est une question clé au Canada comme partout ailleurs. Si nos entreprises peuvent accéder à du capital et trouver des liquidités, elles peuvent profiter d'occasions nombreuses.

Nos membres nous disent qu'ils pâtissent de la crise, mais ils savent que c'est aussi le cas de tous les autres membres du marché et qu'il y a de réelles aubaines dont il faudrait profiter. Puisque certaines sociétés sont en très fâcheuse position, les entreprises canadiennes pourraient en faire l'acquisition. Elles pourraient ainsi accroître leur part de marché et percer sur de nouveaux marchés dont certains de leurs concurrents se retirent.

Beaucoup de sociétés sont préoccupées par leur situation financière à court terme. Cependant, si elles envisagent les choses de manière stratégique et si elles trouvent du financement, elles peuvent en faire beaucoup pour se repositionner sur le marché. Toutes les entreprises du monde sont actuellement confrontées au même problème : le manque de liquidités.

Les institutions financières canadiennes sont en relativement bonne position lorsqu'on les compare à leurs concurrentes étrangères. Si le Canada peut profiter de la situation et utiliser comme levier financier le fait qu'il a une agence de crédit à l'exportation solide et reconnue pour ses bonnes relations d'affaires avec la majorité des exportateurs du pays, il peut améliorer sa position concurrentielle sur les marchés internationaux.

Certes, à court terme, les entreprises auront des difficultés. Cependant, si elles réussissent à trouver l'argent nécessaire, elles sauront en profiter.

Le président : Je vous suis reconnaissant pour vos réponses sincères. Vous nous avez présenté de nombreux renseignements qui nous seront utiles lors de la rédaction du rapport. Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie du temps que vous nous avez accordé. Nous aurons certainement le plaisir de vous revoir.

M. Laurin : Merci, monsieur le président.

Le président : Je demanderais aux collègues de bien vouloir rester ici quelques minutes. Nous avons quelques questions à régler.

Le sénateur Stollery : Le sénateur Dawson, qui a dû partir, voulait faire un rappel au Règlement à propos du témoin dont nous avons parlé tout à l'heure.

Le président : Cela n'a rien à voir avec l'actuel témoin.

Le sénateur Stollery : En effet, mais c'est tout de même un rappel au Règlement.

Le président : Le greffier me dit que cette question est reportée à demain, si vous n'y voyez pas d'inconvénients.

Le sénateur Stollery : D'accord.

Le président : Nous reprenons nos travaux demain à 16 heures.

(La séance est levée.)


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