Aller au contenu
 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 8 - Témoignages du 13 mai 2009


OTTAWA, le mercredi 13 mai 2009

Le Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 16 1 heures, pour étudier le projet de loi S-4, Loi modifiant le Code criminel (vol d'identité et inconduites connexes).

Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Bienvenue au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Nous entamons notre étude du projet de loi S-4, Loi modifiant le Code criminel (vol d'identité et inconduites connexes).

[Traduction]

C'est un projet de loi extrêmement intéressant. Nous avons le plaisir d'avoir avec nous notre premier témoin qui est le ministre qui parraine ce projet, l'honorable Rob Nicholson, C.P., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada. Il connaît bien ce comité, il a eu de nombreuses fois l'occasion d'y témoigner puisque la nature de son poste, ministre de la Justice, commande de témoigner souvent devant le comité juridique.

Nous sommes heureux de vous avoir avec nous, monsieur le ministre et nous attendons avec intérêt votre déclaration d'ouverture, ensuite nous vous poserons des questions. La parole est à vous.

L'honorable Rob Nicholson, C.P., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Merci beaucoup, madame la présidente. Je suis toujours heureux de venir défendre un nouveau projet de loi. Je souhaite la bienvenue aux nouveaux membres de ce comité et remercie le sénateur Wallace pour avoir introduit ce projet de loi au Sénat. Ce projet est très apprécié et sera bien accueilli dans tout le pays.

Les modifications contenues dans le projet de loi S-4 s'attaquent à des préoccupations grandissantes concernant les crimes liés à l'identité commis au pays. L'utilisation de l'identité à des fins criminelles n'est pas un problème nouveau, mais il a pris de nouvelles dimensions. C'est ce que les organismes d'application de la loi d'un bout à l'autre du pays me disent.

[Français]

Les criminels ont toujours dissimulé leur vraie identité et en ont emprunté des fausses. Ce qui a changé au cours des dernières décennies est le fait que nous faisons de plus en plus confiance à la technologie.

[Traduction]

Nous jouissons d'une plus grande protection, mais les criminels eux jouissent de nouvelles occasions pour obtenir de meilleurs avantages illicites à moindres risques. Le gouvernement estime que le Code criminel peut et doit se pencher sur ces nouvelles menaces.

Au Canada, nous avons toujours eu des infractions liées à l'identité. En particulier l'usurpation d'identité et d'autres infractions secondaires comme la falsification de documents — notamment les pièces d'identité — la fraude, l'utilisation criminelle des cartes de crédit et des infractions qui touchent la protection de pièces d'identité précises comme le passeport canadien.

Ce projet de loi propose quelques changements qui moderniseront ces infractions qui existent depuis longtemps. Cependant, son objectif principal est la création de nouvelles infractions qui visent précisément les étapes préparatoires au vol et à l'utilisation abusive de renseignements d'identité.

Ces nouvelles infractions peuvent être appliquées avant que les délinquants aient la chance d'utiliser les renseignements personnels. Nous croyons que cela est important pour plusieurs raisons. Premièrement, il s'agit de reconnaître en cette ère moderne que les crimes contre l'identité créent un groupe de victimes distinct. Les dommages économiques que les victimes d'infractions secondaires, telles que la fraude et l'utilisation criminelle de cartes de crédit, ont toujours été ciblés dans le Code criminel. Cependant, la réputation des gens, les cotes de crédit et même la responsabilité criminelle peuvent être affectées. Ces victimes subissent des dommages sans égard au fait que des crimes soient commis avec les renseignements liés à l'identité ou non et ces dommages sont très difficiles à corriger.

Deuxièmement, les nouvelles mesures proposées vont également remplir le fossé créé par les nouvelles technologies et les nouveaux crimes. S'approprier des documents peut être considéré comme un vol selon les lois existantes, mais la copie de ces renseignements n'est pas condamnée comme un crime contre les biens. Dans ce contexte, les groupes criminalisés ont appris à se spécialiser et à coopérer les uns avec les autres. Un groupe peut voler ou fabriquer des renseignements, un autre produira les documents papier ou électroniques et à la fin, des utilisateurs de ces nouvelles identités commettront des crimes.

Troisièmement, d'un point de vue pratique, les nouvelles infractions vont permettre aux organismes d'application de la loi d'intervenir plus tôt dans les étapes d'un schéma criminel. Ceci pourrait avoir comme résultat de réduire les victimes de crimes plus graves.

Quatrièmement, les crimes reliés à l'identité représentent un problème qui évolue rapidement sur le plan international. Le gouvernement s'est engagé à soulever cette question dans les forums internationaux depuis un certain temps. J'ai moi-même soulevé la question avec les ministres de la Justice du G8 à Tokyo l'année dernière, et je soulèverai cette question à nouveau avec mes collègues cette année pour les sensibiliser aux défis et aux engagements auxquels nous devons tous faire face.

En apportant ces modifications, le Canada enverra un message fort à tous les autres pays qui dira que nous prenons ce problème très au sérieux et que nous voulons le régler.

Je propose de laisser de côté les modifications plus techniques pour la période de questions, et maintenant j'aimerais vous parler de ce que je crois être les modifications principales dans ce dossier. En premier lieu, le projet de loi propose un nouvel article 56.1 au Code criminel qui criminalise l'appropriation, la possession, le transfert ainsi que la vente ou l'offre de vente de certains documents d'identité en format papier. En ce moment, la simple possession ou le trafic de renseignements identificateurs d'une autre personne n'est pas un crime et nous pensons que cela devrait l'être, bien sûr avec certaines exceptions justifiées.

Nous avons inscrit ces exceptions dans le nouveau paragraphe 56.1(2) proposé et, à titre de protection supplémentaire, l'infraction prévoit d'autres excuses légitimes de nature plus générale. Par exemple, une personne qui sera surprise à tenter d'entrer au Canada avec une série de différents passeports déclenchera une enquête, mais évidemment, un parent qui est en possession du passeport d'un enfant aura une excuse légitime.

La deuxième modification, et le changement le plus important du dossier, est composée de quatre éléments : l'établissement d'une nouvelle définition de « renseignements identificateurs », une nouvelle infraction de vol d'identité, une nouvelle infraction de trafic de renseignements identificateurs ainsi que la modernisation et l'expansion de l'infraction déjà existante d'usurpation d'identité qui donne lieu à l'infraction nouvellement nommée fraude d'identité.

La nouvelle infraction de vol d'identité proposée s'attaque surtout à l'obtention ou à la possession de renseignements identificateurs dans des circonstances qui montrent une intention de commettre une série d'infractions connexes. Une infraction connexe sera prescrite qui incriminera les personnes qui trafiquent des renseignements et qui savent que ces renseignements pourraient être utilisés à des fins criminelles ou qui ne s'en soucient pas. Chacune de ces infractions sera encadrée par une définition globale des renseignements identificateurs qui couvrent tout type de renseignements qui peuvent servir à identifier une personne.

Il est important de noter que, d'après cette définition, ces infractions visent la mauvaise utilisation de renseignements. Il ne s'agira pas de déterminer si les renseignements sont contenus dans un document officiel d'identification ou s'ils ont été simplement copiés ou stockés sous une autre forme.

Le projet de loi modifie également l'infraction d'usurpation d'identité, le fait de se faire passer pour une autre personne, en lui donnant le nouveau terme de « fraude d'identité ». Il clarifie aussi la mauvaise utilisation de l'identité d'une personne réelle dans le but d'échapper à une responsabilité criminelle en plus d'autres faits répréhensibles.

Le projet de loi S-4 établit également la règle qui force une personne condamnée à réparer les dommages causés par ses infractions. Pourquoi ne pourrions-nous pas aider les victimes qui ont subi des torts aux mains de ces individus? Nous croyons qu'en créant une infraction de vol d'identité, qui cible l'appropriation et la possession de renseignements identificateurs, jumelée avec l'infraction déjà existante de fraude d'identité, nous aurons une image beaucoup plus cohérente des différentes étapes qui composent le crime d'identité.

Le projet de loi S-4 clarifie également et élargit certaines infractions déjà prévues dans le Code criminel. Ce projet de loi va améliorer la loi en ce qui a trait aux infractions liées aux cartes de crédit et de débit, ainsi qu'à l'inconduite relative au courrier et à la contrefaçon.

Finalement, en proposant ces modifications, le gouvernement admet que les agents qui travaillent pour des organismes d'enquête légitimes doivent souvent cacher leur identité ou se faire passer pour une autre personne dans le cadre de leurs enquêtes d'infiltration. Pour faire en sorte que l'application de la loi continue de protéger les Canadiens contre le crime, le projet de loi exclut les infractions liées à la contrefaçon de documents qui sont commises dans le cadre de leur travail ou de leur emploi. Les organismes qui produisent des documents d'identité sont également exemptés si, de bonne foi et à la demande d'un organisme gouvernemental, ils produisent de faux documents d'identité qui seront utilisés au cours d'opérations d'infiltration.

Madame la présidente, ceci met un terme à mon résumé de ce que je crois être les éléments clés du dossier de ce projet de loi important. Je vais faire maintenant quelque chose que j'aurais probablement dû faire dès le début et présenter Johanne Klineberg, du ministère de la Justice, qui est une spécialiste des éléments du projet de loi. Je suis très heureux qu'elle se joigne à nous aujourd'hui.

La présidente : C'est moi qui aurais dû la présenter, et vous m'avez enlevé les mots de la bouche. Je vous demande pardon, madame Klineberg. Nous sommes très heureux de vous avoir avec nous.

Le sénateur Wallace : Monsieur le ministre Nicholson et Mme Klineberg, je vous souhaite la bienvenue aujourd'hui et je vous remercie pour l'exposé.

J'aimerais commencer en disant, puisque je suis le parrain de ce projet de loi au Sénat, que j'étais très fier d'être là avec vous, monsieur le ministre, ainsi que de nombreuses parties intéressées, lorsque vous avez annoncé le dépôt du projet de loi S-4. Parmi les parties intéressées, comme vous vous en souviendrez, il y avait des représentants de Visa, de MasterCard, d'American Express, de l'Association Interac, d'Équifax ainsi que de l'Association des banquiers du Canada qui vous ont tous applaudis pour avoir mis de l'avant ce projet de loi nécessaire et attendu.

J'aimerais citer le communiqué de presse qui a été émis par l'Association des banquiers du Canada et qui cite la présidente Nancy Hughes Anthony :

« À l'heure actuelle, le Canada est le seul pays développé qui n'a pas de loi définissant le vol d'identité comme étant un crime, affirme Mme Hughes Anthony. Ces mesures législatives permettront au Canada de passer en tête du peloton, parce qu'il se dotera d'une loi contre le vol d'identité parmi les plus élaborées du monde industrialisé. »

Le vol d'identité, le vol de renseignements personnels, n'est actuellement pas illégal, mais peut entraîner un large éventail de crimes, qu'il s'agisse de fraude financière, de falsification, de fraude immobilière et d'abus des programmes gouvernementaux.

« Il est important que les forces de l'ordre disposent des outils nécessaires pour enrayer les activités criminelles de façon précoce, souligne Mme Hughes Anthony. Il est prioritaire de faire en sorte que le vol d'identité soit une infraction prévue par la loi — un véritable crime — au Canada, et nous demandons avec instance à toutes les parties de collaborer étroitement et d'adopter cette loi rapidement. »

Mme Hughes a conclu en disant :

« Ces mesures législatives, présentées par le ministre Nicholson, sont une action concrète dans la lutte contre le vol d'identité. Nous applaudissons et soutenons les efforts qu'il déploie pour protéger les Canadiens. »

Monsieur le ministre, je sais que ce projet de loi a été très bien accueilli par les parties intéressées, ce qui est évident. À votre avis, est-ce que le projet de loi a bien été reçu par les Canadiens en général?

M. Nicholson : J'ai reçu de bons commentaires, sénateur Wallace. Encore une fois merci d'avoir introduit ce projet de loi au Sénat. Les Canadiens savent qu'il s'agit d'un problème croissant. J'ai moi-même été victime d'un vol d'identité à un point tel que des renseignements de ma carte de crédit ont été transférés à quelqu'un à Calgary. C'est un point qui me touche, mais la dame qui m'a appelé pour m'informer ne savait pas qui j'étais ni quel lien j'avais avec ce dossier. Lorsqu'elle m'a appelé à la maison pour me parler, elle a dit « Je voulais vous dire que c'est un problème croissant au Canada. » Ce à quoi j'ai répondu « Vous n'avez aucune idée à quel point je suis impliqué dans ce sujet, mis à part le fait que vous m'appelez. »

Je suis allé à Montréal à quelques reprises, et j'ai discuté avec des gens des organismes d'application de la loi qui m'ont dit des choses, que j'avais déjà entendues dans d'autres communautés, à l'effet que les infractions deviennent de plus en plus sophistiquées et que les lois doivent maintenant rattraper le progrès. Nos lois pénales ont été écrites à un moment où l'on pensait que tous les crimes étaient limités au Canada. Cependant, les crimes ne sont plus limités au Canada. Souvent, les renseignements sont transférés dans une fraction de seconde à l'extérieur du pays. En fait, la production de cartes de crédit illégales ou autre mauvaise utilisation des renseignements identificateurs de personne sont souvent faites à l'extérieur du Canada. Nous avons ces lacunes dans la loi qui permettent à ces gens de recueillir des renseignements et de ne pas être poursuivis à cause de ces lacunes dans la loi.

C'est un problème que nous avons toujours eu, franchement, avec le Code criminel de ce pays. Il ne s'agit pas uniquement de sévir face au crime. La plupart de nous voulons le faire ou croyons que c'est important. Un tel projet de loi sert fondamentalement à combler les lacunes qui existent dans le Code criminel. C'est quelque chose que nous devons faire et je crois que c'est important. Je n'ai reçu que des commentaires positifs au sujet de ce projet de loi. Je ne peux en dire autant au sujet de toutes les lois. En général, je reçois de bons commentaires, mais rien à comparer à ce dossier-ci où la réponse est unanime et les gens veulent aller de l'avant.

Je ne peux pas dire que nous sommes le seul pays au monde ou même parmi les pays industrialisés occidentaux qui n'ayons pas ce type de loi. Les Européens ont une approche quelque peu différente. Certaines des lois dans certains pays européens sont axées sur les pertes financières des victimes, mais il ne s'agit pas uniquement de pertes financières lorsqu'une personne vole votre identité. Il y a d'autres éléments. J'encourage très certainement mes collègues européens ou membres du G8 à se pencher sur la question et à étendre la protection de leurs citoyens.

Le sénateur Wallace : Nous sommes tous témoins de notre époque changeante et de cette nouvelle réalité qui nous entoure. Tout le monde reçoit du courrier à la maison. Je sais que chez moi aucune pièce de courrier portant mon nom et mon adresse et qui entre dans ma maison ne va aux poubelles avant d'être passé par la déchiqueteuse. Nous vivons tous dans la peur. C'est un phénomène tout récent pour la plupart d'entre nous. À cet égard, je crois qu'il y a un sentiment d'urgence et d'actualité qui pousse à faire avancer ce projet de loi et à le rendre loi. Je me demande si vous voudriez ajouter quelques mots au sujet de l'urgence de la situation.

M. Nicholson : Je crois que c'est universellement reconnu et que les gens s'y intéressent. Tout le monde est conscient des changements relatifs à l'identité et au vol d'identité ainsi qu'à la facilité de ce crime. Il a été dit à la conférence de presse à laquelle vous et moi avons participé que le problème au pays était évalué à une perte de 2 milliards de dollars par année. C'est énorme. Et nous savons que dans certains crimes technologiques c'est encore pire. Mais cela se stabilise. Le nombre de personnes impliquées augmente, d'autant plus que la loi canadienne est réputée comporter des lacunes. Il nous incombe de faire avancer le dossier. J'aimerais qu'il reçoive la sanction royale d'ici la fin de la session.

Le sénateur Baker : Bienvenue, monsieur le ministre. Lorsque le projet de loi a été introduit à la Chambre des communes l'année dernière ou l'année d'avant, il a été accueilli par une vive opposition et les manigances du comité qui l'étudiait, ce qui a eu pour effet de faire mourir le projet au feuilleton. Je peux vous assurer qu'il n'y aura aucune manigance de la sorte ici. Nous jugerons le projet de loi sur son fond et nous écouterons les témoins, ce qui n'a pu avoir lieu à la Chambre des communes. C'est pourquoi vous l'avez introduit au Sénat en premier. Vous allez avoir un second examen objectif en premier lieu et sans attendre.

Le sénateur Angus : Sans réfléchir.

Le sénateur Baker : C'est le sénateur Angus qui a dit « Sans réfléchir. »

Je vais poser quelques questions qui vont certainement intéresser les témoins qui se présenteront au comité pendant l'étude de ce projet de loi.

Sous le titre « Documents officiels » du projet de loi S-4 on définit « pièce d'identité » en vertu du nouveau paragraphe 56.1(3) de la façon suivante :

Pour l'application du présent article, « pièce d'identité » s'entend de la carte d'assurance sociale, du permis de conduire, de la carte d'assurance maladie, du certificat de naissance, du passeport au sens du paragraphe 57(5), de tout document simplifiant les formalités d'entrée au Canada, du certificat de citoyenneté, de tout document indiquant un statut d'immigration au Canada ou du certificat du statut d'indien, délivré ou paraissant délivré par un ministère ou un organisme public fédéral ou provincial, ou de tout autre document semblable délivré ou paraissant délivré par un gouvernement étranger.

C'est tout. Aucun autre document n'est considéré comme une pièce d'identité. Par conséquent, une personne qui lit cet article, vous demanderait pourquoi vous limitez les pièces d'identité, sous le titre général de « documents officiels », à une liste qui ne tiendra pas compte de tout autre document d'identité qui pourrait être utilisé.

M. Nicholson : Ceci crée un article spécial. Il n'est pas exclusif dans ce sens qu'aucune autre disposition ne traite spécifiquement de renseignements identificateurs ou de tout type de carte d'identité. Il crée une infraction précise concernant les documents gouvernementaux. Il impose un seuil très bas pour les personnes qui ont en leur possession certains de ces articles sans excuse légitime et qui deviennent alors coupables d'infractions. Nous pensons que ce serait allé trop loin de dire que la possession de tout élément d'information qui peut être recueilli serait une infraction. Avec les documents gouvernementaux, si vous n'avez pas d'excuses légitimes pour avoir en votre possession le passeport de quelqu'un par exemple, nous avons créé une infraction précise.

Vous voulez savoir si la liste est complète. Ça semble être une liste passablement longue de documents gouvernementaux. Veuillez nous faire connaître tout autre document gouvernemental auquel vous pourriez penser. Nous avons indiqué nommément ces infractions particulières, mais cela ne signifie pas — et il faut bien se garder d'avoir une telle impression — que le reste du projet de loi passe sous silence la transmission de tout type de renseignements personnels n'ayant pas de lien direct avec de la documentation gouvernementale.

Le sénateur Baker : Le sénateur Wallace a parlé des personnes qui sont préoccupées par le vol d'identité et qui reçoivent des articles par la poste. Une bonne partie du projet de loi porte sur le courrier. L'indication d'un numéro d'assurance sociale comme pièce d'identité a été décidée aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, la LPRPDE. Chaque semaine, le Commissaire à la protection de la vie privée rend des jugements sur la question de savoir si des institutions fédérales ou des institutions qui relèvent du pouvoir fédéral commettent une infraction quand elles utilisent ou communiquent des renseignements personnels.

M. Nicholson : C'est exact.

Le sénateur Baker : Les banques, par exemple, ont été visées. Un jugement rendu à cet égard a établi que c'était une infraction au sens de la loi d'utiliser le no d'assurance sociale pour identifier une personne sur leurs documents.

Je suis sûr que certaines personnes qui comparaîtront devant le comité diront que le gouvernement utilise nos nos d'assurance sociale pour nous identifier comme personnes âgées. Quand vous recevrez une carte d'identité de personnes du troisième âge — vous en recevrez une un de ces jours, comme j'ai en reçu une il y a quelques années — vous verrez que le no d'identité est votre no d'assurance sociale. Sur les documents de prestations de la Sécurité de la vieillesse ou du Régime de pensions du Canada qui sont envoyés par la poste — pas par courrier recommandé — on indique le nom, l'adresse et le no d'assurance sociale du destinataire, son identité et le code d'accès Internet permettant d'avoir accès à son compte.

Avez-vous pensé à réunir de l'information en vue d'examiner les violations commises par le gouvernement à cet égard et pour informer les divers ministères qu'ils ne peuvent envoyer par la poste ni utiliser comme moyen d'identité le no d'assurance sociale des citoyens?

M. Nicholson : Vous parlez d'un aspect de la LPRPDE, mais le projet de loi que nous étudions ne porte pas là-dessus. Ce n'est pas que ce ne soit pas un sujet important et le gouvernement a toujours à cœur tout ce qui concerne la protection des renseignements personnels. Le projet de loi que nous examinons en ce moment porte spécifiquement sur la mauvaise utilisation de l'information. Pendant votre étude article par article, vous remarquerez qu'il y a toujours une mise en garde : sans excuse légitime ou sans autorisation légitime. Tout au long du projet de loi, les personnes qui utilisent l'information de façon légitime sont spécifiquement exemptées dans tous les cas. La loi vise spécifiquement la criminalité organisée. C'est ainsi qu'on indique qui prend part à ce genre d'activité. Les organisations criminelles collectent ce genre de renseignements, les transmettent à l'extérieur du pays et les utilisent à des fins criminelles.

Cette question constitue un intéressant sujet pour un autre projet de loi à présenter à un autre moment, mais le projet de loi que nous examinons en ce moment n'a pas pour objectif direct d'apporter des modifications à la LPRPDE ou quoi que ce soit d'autre. Son objet est de cibler spécifiquement l'utilisation de l'information concernant les citoyens à des fins criminelles.

Le sénateur Baker : Enfin, vous avez fait mention de cette question dans votre allocution d'ouverture. Il s'agit d'un projet d'article nouveau de la loi qui pourrait concerner certains témoins appelés à comparaître devant le comité. Dans le projet de nouvel alinéa 368(1)c), il est question de toute personne qui transmet des renseignements identificateurs sur une autre personne ou qui les a en sa possession et qui les transmet « ne se souciant pas de savoir » si cette information servira à commettre une infraction.

Ne craignez-vous pas que l'expression « ne se souciant pas », la notion d'insouciance, ouvre peut-être la porte à des poursuites injustifiées aux termes de la loi?

M. Nicholson : Je ne crois pas. J'ai examiné cet aspect lorsque j'ai présenté le projet de loi il y a environ un an. Nous visons les personnes qui affirment ne pas avoir fait attention et qu'elles ne faisaient que collecter de l'information et qu'elles faisaient parvenir à un bon ami au sud de la frontière, simplement pour rendre service.

Nous voulons atteindre cette personne qui a fait preuve d'insouciance en réunissant des renseignements personnels et en les transmettant ailleurs, à une personne qui en fera un usage illégal. Il ou elle fait partie de la chaîne; et nous ne pouvons pas admettre que ces personnes affirment ne pas y avoir pensé et qu'elles aiment tout simplement recueillir des renseignements personnels. Nous voulons atteindre les personnes qui font preuve d'insouciance ou qui ont l'intention de participer à une entreprise criminelle.

La présidente : Est-ce qu'il n'y a pas une différence entre une personne qui fait preuve d'insouciance et une personne qui a une intention criminelle ou des liens avec une organisation criminelle?

M. Nicholson : Le mot « insouciance » revient un certain nombre de fois dans le Code criminel. Les gens qui font preuve d'insouciance dans leur façon d'agir peuvent être tenus criminellement responsables de leurs actes. C'est cette logique que nous appliquons ici.

La présidente : Je pense que c'est l'aspect sur lequel le sénateur Baker voudrait revenir pendant la deuxième série.

Joanne Klineberg, avocate, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice du Canada : Il est exact de dire que le mot « insouciance » est utilisé dans quelques articles du Code criminel. Les tribunaux l'interprètent dans un sens qui le situe légèrement en dessous de la connaissance de cause ou de l'intention. Pour les tribunaux, le mot « insouciance » renvoie à la conscience de l'existence d'un risque important que quelque chose se produise, la conscience subjective chez une personne de l'existence d'un risque qu'il se produise quelque chose et qui décide néanmoins de passer à l'acte.

C'est un peu plus que la simple inadvertance ou que le fait de ne pas y penser. Il doit y avoir de la part de la personne concernée une perception du risque. Ce serait même plus fort que de l'imprudence grave. L'imprudence grave, ce serait l'inadvertance portée à un niveau tel qu'elle en devient très dangereuse. Pour conclure à l'insouciance, il doit y avoir la preuve d'une conscience subjective de l'existence d'un risque chez l'accusé, mais pas forcément la connaissance, seulement la connaissance du risque.

Le sénateur Milne : Monsieur le ministre, le nouveau paragraphe 56.1(2) qui est proposé me met plus à l'aise; on y lit ce qui suit :

Il est entendu que le paragraphe (1) ne prohibe pas un acte qui a été accompli :

b) à des fins généalogiques.

Je suis la généalogiste familiale, mais les questions que le sénateur Baker pose me font dresser les cheveux sur la tête. J'envoie régulièrement des renseignements personnels au sujet de personnes qui communiquent avec moi pour obtenir des renseignements sur le clan Milne, et je les leur envoie. Je n'ai pas la moindre idée de ce qu'ils feront de cette information. Ils me disent être des généalogistes. Naturellement, c'est probablement le cas, mais il se pourrait que je fasse néanmoins preuve d'insouciance.

Me Klineberg : À moins qu'il soit possible de démontrer l'existence de circonstances qui pouvaient vous faire craindre qu'il y avait un risque grave qu'une personne utilise l'information à des fins criminelles, il ne s'agirait pas d'insouciance de votre part. Si vous avez omis de vous poser la question ou si vous avez simplement présumé que la requête était légitime, il ne s'agirait pas d'insouciance au sens du droit pénal.

Le sénateur Milne : Espérons que cela m'évite d'éventuels ennuis dans l'avenir.

Si j'enchaîne sur ce que disait le sénateur Baker, la loi canadienne actuelle fixe des limites au temps pendant lequel des organisations poursuivant des activités commerciales peuvent conserver des renseignements personnels. Elles ne peuvent les conserver dans leurs archives à perpétuité. Je crois comprendre que le Commissaire à la protection de la vie privée et la BC Freedom of Information and Privacy Association ont souligné que le risque de vol d'identité dans le secteur privé serait considérablement atténué si les organisations se conformaient effectivement à cette loi, et en particulier à l'article 4 de la LPRPDE.

Vos réponses me donnent à penser que vous êtes d'accord avec moi, mais qu'attend le gouvernement pour prendre des mesures pour faire appliquer les lois qui existent déjà et qui seraient d'une très grande utilité relativement à la question dont nous parlons?

M. Nicholson : Le gouvernement a une véritable volonté de protéger les Canadiens contre les infractions reliées à la perte de renseignements personnels conservés par les entreprises. Encore une fois, la loi que nous examinons ne concerne pas la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. Vous avez raison. Il s'agit de renseignements. Il existe une loi qui concerne la protection des renseignements personnels et il faudrait naturellement que tous les organismes d'application de la loi la fassent respecter. Tous les organismes gouvernementaux doivent être très vigilants.

Aujourd'hui, nous ne nous occupons pas d'amendements à cette loi particulière. Nous nous penchons sur la question des activités criminelles, à savoir celles de personnes qui recueillent des renseignements à des fins criminelles, ou le vol de renseignements personnels. Il n'était pas question d'en faire une modification de la LPRPDE.

Le sénateur Milne : Je le sais très bien. S'il existe déjà une loi qui est inexécutable, pourquoi en présenter une autre dont je doute fortement qu'elle soit davantage exécutable?

M. Nicholson : Je ne suis pas d'accord pour dire que la LPRPDE est inexécutable. Elle peut et elle doit être appliquée et tous doivent se conformer à ses dispositions et faire attention.

Nous sommes toujours à la recherche de meilleures façons de protéger les renseignements personnels que détiennent le gouvernement ou les entreprises. Une fois encore, nous n'avons rien contre l'idée de nous pencher sur ces questions. Nous n'avons rien contre l'idée de les examiner, mais le projet de loi que nous étudions maintenant a pour objet spécifique de combler les lacunes que présente le Code criminel en matière de vol d'identité.

Le sénateur Milne : Monsieur le ministre, j'applaudis à l'intention de la loi.

M. Nicholson : Bon.

Le sénateur Milne : Je note également que presque tous les projets de loi qui sont soumis à l'examen de notre comité sont assortis de peines minimales obligatoires qui y sont précisées, ce qui n'est pas le cas avec le présent projet de loi.

M. Nicholson : Je suis disposé à examiner toute suggestion d'amendement que vous pourrez faire.

Le sénateur Milne : Pourquoi cette absence, monsieur le ministre? S'agit-il simplement d'une omission, ou bien avez-vous l'intention de présenter un autre projet de loi pour la corriger?

M. Nicholson : Nous cherchons toujours à indiquer des lignes directrices, c'est notre responsabilité, madame le sénateur. Vous voulez peut-être savoir pourquoi nous indiquons des peines maximales; c'est pour guider les tribunaux. Pour chacune des infractions indiquées, c'est ce que nous faisons, guider les tribunaux en précisant des peines maximales.

Je me rappelle il y a quelques années, alors que je siégeais à titre de membre du Comité permanent de la justice, qu'un de mes collègues a demandé pourquoi le maximum n'était que de cinq ans, et il avait suggéré de laisser au juge le soin de déterminer si l'infraction ne valait pas à son auteur une peine d'une durée de 7 ou de 10 ans.

Nous devons examiner des questions de ce genre en fonction d'autres articles du Code criminel, et c'est là la raison pour laquelle le maximum avait été fixé à cinq ans dans le cas de cette infraction particulière, même si certains collègues de mon propre parti étaient d'avis qu'il aurait fallu le fixer à sept ou 10 ans. Une fois encore, il nous incombe, à titre de parlementaires, de fixer des maximums. Parfois, nous indiquons des minimums. Nous cherchons à guider les tribunaux. Je crois que c'est une bonne façon de procéder.

Le sénateur Milne : C'est bien de minimums que je parle.

M. Nicholson : Nous n'indiquons aucun minimum.

Le sénateur Milne : Avez-vous une preuve quelle qu'elle soit que les peines minimales obligatoires fonctionnent?

M. Nicholson : Madame le sénateur, combien de fois j'ai entendu dire qu'il fallait envoyer un message clair. Il y a une loi qui cible les personnes qui, par exemple, importent des drogues au Canada et qui sont reliées presque exclusivement au crime organisé, à savoir les bandes criminelles qui importent des drogues au Canada. Dans ce cas-là, des peines d'emprisonnement obligatoires sont fixées parce que nous voulons envoyer un message clair, à savoir que les gens qui importent des drogues au Canada s'adonnent à une activité qui détruit des vies de Canadiens. Il faut envoyer un message et nous guidons les tribunaux. Nous ne précisons pas les peines minimales dans tous les projets de loi et nous ne les précisons pas dans le projet de loi devant vous. Mais examinez bien les peines qui y sont indiquées; elles sont raisonnables et elles servent à guider les tribunaux comme il est de notre responsabilité de le faire.

Le sénateur Milne : Je note, madame la présidente, que le ministre ne nous a pas donné la moindre idée de l'efficacité des peines minimales obligatoires, et comme il n'en figure aucune dans le projet de loi, je n'en dirai pas davantage à ce stade-ci.

Le sénateur Nolin : Un projet de loi sera présenté prochainement qui portera exactement sur cet aspect.

La présidente : Il y en aura un certain nombre, je crois.

Le sénateur Nolin : Nous aurons l'honneur d'accueillir de nouveau le ministre.

La présidente : J'ai une question à poser à ce sujet, monsieur le ministre; cela pourra vous surprendre de la part d'une personne qui siège du même côté que vous à la Chambre. C'est au sujet des peines maximales. À titre d'exemple, la peine maximale pour avoir volé un article envoyé par la poste est de 10 ans, mais elle n'est que de 5 ans dans le cas d'une personne qui se serait fait passer pour un agent de police.

Mme Klineberg : Parfois, des anomalies surviennent lorsque nous modifions le Code criminel. Dans ce cas en particulier, l'article 356 du Code criminel porte sur un certain nombre d'infractions liées à Postes Canada. L'article prévoit un emprisonnement maximal de dix ans, alors comme nous ajoutions des infractions à l'infraction en question, nous avons décidé de garder la même pénalité, à savoir dix ans d'emprisonnement.

En ce qui concerne le fait de prétendre faussement être un agent de la paix, il s'agit actuellement d'une infraction punissable par voie de déclaration sommaire de culpabilité. Il s'agit d'une hybridisation dans le présent projet de loi, et la pénalité est augmentée à cinq ans d'emprisonnement. Comme le ministre l'a laissé entendre, il est parfois difficile de déterminer quelles pénalités maximales doivent être imposées et la nature de l'orientation que l'on veut donner aux tribunaux. Si on examine les éléments de cette infraction, nous pensions que cela serait cohérent par rapport aux autres infractions liées aux vols d'identité.

Le sénateur Bryden : En ce qui concerne la différence entre les pénalités, je trouve intéressant que dans le nouvel article proposé 368.1 du projet de loi, tout le monde est coupable d'un acte criminel passible d'un emprisonnement maximal de 14 ans dans certaines circonstances, qui surviennent dans ce contexte.

Pourquoi cette infraction est-elle passible d'une peine maximale de 14 ans, alors qu'une autre infraction est passible d'une peine maximale de 10 ans d'emprisonnement, et que d'autres infractions sont passibles d'une peine maximale de 5 ans? Je crois fermement qu'il n'est pas important de savoir quelle est la peine maximale. Ce qui est important, c'est de savoir si on se fera prendre, et c'est là que ça se corse.

M. Nicholson : Nous essayons d'assurer une cohérence avec les articles qui se trouvent déjà dans le Code criminel. Il y a des gens, monsieur le sénateur, qui ont dit parfois que ce que nous devrions faire serait de recommencer à zéro en ce qui concerne le Code criminel, et essayer de faire concorder tous les articles du Code criminel.

Vous pouvez constater qu'il peut être difficile parfois ne serait-ce que d'apporter des modifications mineures. Je ne me sens pas disposé à attaquer la question de la révision de l'ensemble du Code criminel. De nouveau, le fait de rendre le tout cohérent avec les articles que nous ajoutons peut parfois nous guider sur ce que ces articles devraient être. Comme vous le signalez, les sentences maximales sont rarement imposées, il s'agit plutôt d'un principe directeur.

Le sénateur Joyal : Monsieur le ministre, si vous me permettez, dans le cadre de mes remarques préliminaires, j'aimerais attirer votre attention sur un des sénateurs présents à cette table, notre collègue le sénateur Angus, qui a reçu l'ordre du mérite du Barreau du Québec cette année.

Le sénateur Baker : C'était tout à fait mérité.

Le sénateur Angus : Merci.

Le sénateur Joyal : Monsieur le ministre, ma première question porte sur l'article 11 du projet de loi, qui modifie le paragraphe 738(1) du Code criminel intitulé « Dédommagement ». Il s'agit d'une modification très importante au Code, car la clause renforce le principe de dommages et intérêts, à tout le moins dans la version française, et c'est dans ce cas que j'ai été frappé par le concept de dommages et intérêts, qui est, bien entendu, une notion de nature civile.

Compte tenu des modifications proposées, nous devrions lire les alinéas 738(1)a), b), c) et d) de façon simultanée ou séparée. Si je lis l'alinéa 738(1)a), je devrais peut-être dire qu'il s'agit des dommages qui pourraient être accordés par la Cour lorsque celle-ci reconnaît qu'une personne est responsable de l'acte.

Par conséquent, l'alinéa 738(1)a) permettrait à un juge d'accorder réparation dans le cas d'une perte de biens. Supposons qu'une personne vole l'identité d'une autre personne et que cette situation mène à la perte de la maison de la victime. Nous savons que ce genre de situation est déjà survenu. On a vu une telle situation impliquant des agents immobiliers récemment. Vous en avez probablement entendu parler.

M. Nicholson : Oui.

Le sénateur Joyal : Et si je lis le paragraphe 738(1), une personne trouvée coupable peut recevoir une amende imposée par la Cour couvrant le montant des dommages équivalant à la perte des biens, à savoir la perte de la maison dans ce cas.

Puis on ajoute le nouvel alinéa proposé 738(1)d), l'article 11 de votre projet de loi, qui indique que le juge peut accorder des dommages équivalant au coût du rétablissement de son identité. Autrement dit, cela correspondrait aux frais engagés pour obtenir une nouvelle carte de crédit, un nouveau passeport, et cetera.

J'approuve tout cela, même si la situation soulève une question des plus fondamentales, à mon avis, qui est liée à l'introduction des notions de dommages et intérêts dans le Code criminel. Il s'agit d'un changement des plus fondamentaux à introduire dans le code. Comme vous faites cela afin de compenser la personne pour les frais encourus liés au rétablissement de son identité, pourquoi ne couvrez-vous pas aussi les autres frais qu'une personne aurait engagés? Par exemple, une personne peut être responsable de toutes sortes de dépenses faites en son nom, et bien entendu, la personne serait amenée à s'engager dans un litige car elle ne sera pas capable de recevoir une compensation de la part de l'auteur de la fraude.

Il me semble que si le principe est bon pour la perte de biens, il devrait aussi l'être pour les autres formes de dommages ou de dépenses que la personne aura engagées, pour les autres pertes monétaires, se rapportant au vol de son identité.

M. Nicholson : Je crois que ce sujet serait couvert par l'alinéa 738(1)a). Dans votre cas, la personne qui a perdu sa maison pourrait recourir à l'alinéa 738(1)a), et ainsi, nous ajoutons d'autres dépenses qui pourraient être recouvrables.

Le sénateur Joyal : Je comprends que la maison est couverte par l'alinéa 738(1)a), mais la personne pourrait avoir encouru d'autres dépenses en raison du vol de son identité, et la personne a été considérée comme responsable de la situation.

La présidente : Une facture de carte de crédit ne constitue pas un bien.

Le sénateur Joyal : Pour moi, un bien, c'est un immeuble.

M. Nicholson : Monsieur le sénateur, je vais demander à Mme Klineberg de faire un commentaire à cet égard.

Mme Klineberg : Il s'agit d'une question difficile liée à la portée de toutes les conséquences du crime. Les frais directs associés au rétablissement de l'identité seraient couverts. La question à savoir si les frais supplémentaires, comme les frais liés à un procès civil, doivent être couverts constitue un aspect très difficile à aborder en ce qui concerne la mesure dans laquelle on veut recourir au pouvoir de dédommagement dans le droit pénal pour s'occuper de ce qui constitue essentiellement un sujet lié au droit civil. Il existe des inquiétudes en ce qui concerne l'éventuel dédommagement pour beaucoup de choses qui nécessitent l'intervention d'un tribunal civil qui s'engagerait dans un processus d'établissement des faits, afin d'évaluer et de mesurer de façon exacte les coûts engagés, cela serait trop onéreux pour un tribunal criminel dans le contexte d'une audience de détermination de la peine visant à déterminer les coûts. Il est également possible que ces frais ne soient pas connus au moment où la sentence est prononcée à l'encontre d'un contrevenant. S'il y a un genre de procès civil au cours duquel la personne doit, par exemple, s'acquitter d'une fausse hypothèque souscrite sur son bien, cela peut prendre beaucoup de temps avant de déterminer les frais réels se rapportant à l'hypothèque. Il ne serait pas nécessairement facile de déterminer le tout au moment du prononcé de la sentence à l'encontre du contrevenant.

Si vous remarquez dans les alinéas 738(1)a), b), c) et dans le nouvel alinéa proposé d), tous les coûts recouvrables par dédommagement doivent être déjà déterminés. C'est qu'au moment du procès criminel, la cour criminelle doit être en mesure de dire de façon concrète quels sont les coûts afin d'être capable d'ordonner le dédommagement des biens. Lorsqu'on sort de ce contexte, on tombe dans le domaine du droit civil et du dédommagement lié au droit civil.

Le sénateur Joyal : Je ne veux pas prolonger la discussion, mais il me semble que la ligne est très mince entre le fait d'être responsable d'une hypothèque prise sur le bien d'une autre personne et le fait de perdre son propre bien parce qu'une autre personne a volé notre identité et a vendu notre bien. Cela est déjà arrivé. Comme vous le savez, nous en avons des exemples.

Lorsqu'il est évident qu'il y a des dommages, que l'hypothèque a été enregistrée et qu'on peut voir le montant car celui-ci a été enregistré et qu'il s'agit d'un véritable problème qui est réel — lorsque les dommages sont réels, comme cela être votre préoccupation en termes de concept — je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas avoir une définition qui permette une extension de la responsabilité financière de l'auteur de la fraude.

Mme Klineberg : Je dirais seulement qu'il s'agit d'une question d'être en mesure de dire que nous pouvons être précis en ce qui concerne la nature de ces coûts au moment du prononcé de la sentence.

M. Nicholson : S'il y a autre chose, monsieur le sénateur, vous savez ce qui arriverait : toute la question serait retardée, et il faudrait rediriger la question ailleurs, ce qui pose la question des dommages civils. Vous-même et d'autres personnes pourriez dire que nous allons trop loin et que nous empiétons sur la juridiction provinciale, qu'il existe des recours civils pour les poursuites, et vous pourriez demander pourquoi nous abordons ce sujet de cette façon.

C'est clair, direct, précis et facile à réaliser au moment du prononcé de la sentence. Nous voulons que rien ne retarde le prononcé de la sentence.

Le sénateur Joyal : Comme je l'ai dit, les dommages sont réels, comme dans l'exemple que j'ai donné concernant l'hypothèque. C'est très réel; c'est facile à définir et à identifier. Le montant apparaît dans le document.

M. Nicholson : De nouveau, monsieur le sénateur, il s'agit d'une amélioration par rapport à ce que nous avons maintenant. C'est un pas dans la bonne direction.

Le sénateur Joyal : Je ne dis pas que je m'y oppose.

M. Nicholson : Je comprends ce que vous dites. Vous demandez pourquoi nous n'allons pas plus loin. Habituellement, ce n'est pas le résultat que j'obtiens lorsque nous présentons une loi. Ce que nous avons peut être définissable et défendable, et cela constitue un pas dans la bonne direction.

Mme Klineberg : Dans le cas des hypothèques, on a constaté une hausse des activités dans certaines provinces. Comme vous l'avez mentionné, monsieur le sénateur, nous avons un certain nombre d'hypothèques frauduleuses. Dans une affaire très délicate en Ontario, la Cour d'appel de l'Ontario a déclaré en réalité que le propriétaire du bien était responsable de l'hypothèque frauduleuse, même si c'est le prêteur hypothécaire qui a préparé tous les papiers. La Cour a ensuite renversé sa propre décision dans ce cas en particulier, et les gouvernements provinciaux, également, adoptent maintenant des lois dans ce domaine qui abordent toute perte liée à une hypothèque frauduleuse en rendant responsable le prêteur hypothécaire, et non l'acheteur de la maison.

En ce qui concerne précisément les cas d'hypothèques frauduleuses, les provinces règlent ce genre de cas à l'avantage du propriétaire du bien.

Le sénateur Angus : Bienvenue, monsieur le ministre et madame Klineberg. Merci d'être venus et merci de votre initiative visant à présenter cette loi. Au cours des dix dernières années, si un sujet a été porté à mon attention de façon répétée en tant que membre du Comité permanent des banques et du commerce qui nécessitait une étude et une intervention et une législation du gouvernement, c'est bien le vol d'identité.

Selon ce que je comprends de la preuve que vous avez présentée, il s'agit d'une première étape — ou d'une autre étape parmi de nombreuses autres — mais d'une étape dirigée, comme vous le dites, davantage au niveau macro ou concernant des aspects du crime organisé où il semble exister une preuve de l'existence d'un établissement central à l'échelle internationale. C'est sur cela que j'aimerais poursuivre un peu la discussion, si je le peux.

À Montréal, qui constitue à mon avis un des pires centres pour ce type de vols, nous constatons que des voitures, surtout des modèles récents, qui sont mis en pièces la nuit comme si de rien n'était. Tout ce qui touche à l'identité est visé. Il semble y avoir un modus operandi très précis. Les voleurs cherchent des ordinateurs ou des portefeuilles contenant des cartes d'essence, et cetera.

Malheureusement, cela m'est arrivé deux fois au cours de la dernière année, et la police a déclaré essentiellement la même chose que vous, à savoir qu'il s'agit du crime organisé et que je ne reverrai plus jamais mes biens. J'ai perdu des passeports et des documents de même nature qui se trouvaient dans une valise. On ne pense pas à ça. Bien sûr, c'est facile de le dire a posteriori : on ne doit jamais laisser quoi que ce soit dans une voiture.

Mais ce que j'aimerais avoir de la police et de votre part, monsieur, c'est plus d'information sur ce que vous savez et ce qui est derrière cette loi. Où vont nos affaires après? Une fois qu'elles sont rendues de l'autre côté de la frontière, aux États-Unis ou à Milan, ou je ne sais trop où, rien ne se passe. J'attends et je m'inquiète. Est-ce que ces gens laissent passer cinq ans puis se disent : » Bon, nous avons les papiers du sénateur Baker ou du sénateur Angus. Ils devaient être vigilants juste après le vol, mais plus maintenant. »

Qu'est-ce qui arrive? En avez-vous une idée?

M. Nicholson : Comme vous pouvez l'imaginer, j'ai déjà eu des discussions avec des organismes d'application de la loi et des gens qui sont aux prises avec cette question. Vous avez donné l'exemple de quelqu'un qui brise la fenêtre de votre voiture et qui vous vole des biens...

Le sénateur Angus : Des documents d'identité.

M. Nicholson : Oui, des documents d'identité. C'est un crime au Canada, c'est clair. La personne qui vole votre carte de crédit ou qui fabrique une fausse carte de crédit est un criminel.

On nous rappelle tout le temps que ce réseau est vaste et qu'on n'attrape pas tout le monde. On peut faire un rapprochement avec le vol de voiture. Les lois sont désuètes, et un jour vous devrez vous pencher sur ce type de crime. Les gens me disent la même chose : » Oh, il existe une disposition dans le Code criminel pour ceux qui sont en possession d'un bien volé. »

Et l'autre gars qui était là? Le gars qui s'occupait de la vente? Bien des personnes impliquées ne sont pas arrêtées, et c'est ce qu'on me dit par rapport à ce problème. Quand j'ai parlé de ce dossier il y a un an à Montréal, un journaliste m'a demandé si j'essayais de garder une longueur d'avance sur les malfaiteurs. Je lui ai répondu que nous voulions seulement les rattraper. Ce que nous faisons, c'est pour faire face à une situation continue.

Le sénateur Angus : Vous parlez de l'ensemble de la chaîne.

M. Nicholson : Oui, de toute la chaîne.

C'est pourquoi le projet de loi cible tous ceux qui jouent un rôle dans ces activités. C'est ce que nous devons faire, parce que ces opérations sont complexes. Ce n'est pas acceptable de se limiter à arrêter seulement la personne qui utilise la carte de crédit, ou la personne qui l'a volée dans votre portefeuille ou votre voiture. Il faut trouver tous ceux qui jouent un rôle dans ces activités illégales. C'est ce que permet ce projet de loi, et c'est pourquoi il sera bien accueilli.

Comme le sénateur Wallace l'a dit, tous ceux qui voulaient être à la conférence de presse, qui s'intéressent de près à l'ensemble de cette question, estiment que nous devons mettre à jour le Code criminel du Canada. Nous avons toujours le même problème avec le Code criminel. Les gens disent qu'il a été rédigé en 1992. Mais il a seulement été assemblé en 1992. Certaines dispositions existaient déjà depuis 100 ans à ce moment.

Nous devons continuellement examiner les dispositions du code pour ne pas être dépassés par des activités criminelles qui, aujourd'hui, sont assez développées.

Le sénateur Angus : Vous avez parlé d'Internet. Il se passe des choses dans le cyberespace.

M. Nicholson : Ce n'est plus un milieu restreint. On peut faire une comparaison avec la pornographie juvénile. Il y a 50 ans, quelqu'un produisait de la pornographie juvénile et la vendait. Mais il n'y a plus de transfert d'argent. Et souvent, ce n'est plus produit au Canada. Nous devons continuellement revoir nos lois pour pouvoir cibler les activités illicites qui ont cours.

Le sénateur Angus : Ce problème nous touche tous. Quelqu'un brise la fenêtre de la voiture, ou quelque chose du genre, et la police me dit : » Eh bien, c'est la vie. Il y a 96 vols de ce genre par soir en moyenne à Montréal, entre l'avenue Université et la rue Peel, par exemple. Nous ne retrouverons jamais vos choses. Vous pouvez chercher dans les ordures vous-même, mais vous n'en reverrez pas la couleur. »

J'aimerais donc que vous nous disiez quelle sera l'utilité de ce projet de loi sur ce plan.

M. Nicholson : Il leur donnera des outils pour cibler toute personne qui joue un rôle dans le processus, qui prend ou transporte vos pièces d'identité, et les envoie outre-mer; la loi vise toute personne qui fait partie de l'organisation criminelle. C'est exactement ce qu'il nous faut au Canada. Il faut des dispositions pour sévir contre le vol de voitures et la pornographie infantile, en ciblant tous ceux qui sont impliqués.

Quand nous savons que ce type d'activité existe, nous devons mettre à jour le Code criminel pour inclure tous ces aspects. C'est ce que permet ce projet de loi.

[Français]

Le sénateur Nolin : Merci, madame la présidente. Nous utiliserons un peu la langue de Molière puisqu'il s'agit de la deuxième langue officielle du Canada.

Merci, monsieur le ministre, de vous être déplacé pour nous rencontrer.

Le sénateur Joyal : Ce n'est pas la deuxième langue, c'est une des deux langues officielles.

Le sénateur Nolin : Merci, sénateur Joyal.

Monsieur le ministre, je voudrais explorer avec vous les articles 7 et 9 du projet de loi qui prévoient des exemptions pour les agents de l'État, les fonctionnaires publics, qui fabriquent des faux documents pour les gouvernements provinciaux et fédéral.

Nous avons adopté au Parlement il y a un peu moins de 10 ans, l'article 25.1 du Code criminel. Ma première question vise à savoir si la procédure prévue à l'article 25.1 s'appliquera aux exemptions que vous introduisez au projet de loi S-4 aux paragraphes 7 et 9 ?

[Traduction]

M. Nicholson : Est-ce que vous me demandez s'il y a des exceptions? On a prévu des exceptions pour les gens qui, de bonne foi, fabriquent des documents, même de faux documents, pour une raison légitime.

Le sénateur Nolin : Vous avez prévu deux exceptions, monsieur le ministre. Je crois que ces deux exceptions sont valables. Je ne remets pas leur bien-fondé en question. Je crois que des spécialistes ont critiqué les modifications qui ont été apportées au Code criminel en 2001, si je me souviens bien. Il s'agissait de l'article 25.1. Au Sénat, nous avons fait des amendements à ce projet de loi à l'époque pour nous assurer que le processus qui était inclus dans le code respecterait la règle de droit et certains principes.

J'aimerais savoir si les deux exceptions que vous proposez dans le projet de loi S-4 feront partie du processus prévu à l'article 25.1. Dans le projet de loi, vous répétez ce qui figure déjà dans le code. J'aimerais savoir pourquoi vous le répétez. Voulez-vous exclure ces exceptions de l'article 25.1?

Mme Klineberg : Je dirais qu'il y a deux façons d'aborder cette question.

Le sénateur Nolin : Et c'est pourquoi je pose la question.

Mme Klineberg : D'abord, d'après les consultations que nous avons faites avec les organismes d'application de la loi, même en dehors du contexte de ce projet de loi, ils se préoccupaient tout particulièrement du fait que l'article 25.1 ne permettait pas facilement de justifier qu'on fabrique, qu'on transporte et qu'on utilise de fausses pièces d'identité dans les opérations d'infiltration, pour préserver une identité cachée.

D'après leur compréhension de l'article 25.1, il faut qu'une enquête soit déjà en cours. Autrement dit, on a créé l'article 25.1 pour justifier à l'avance une infraction à la législation pénale dans le cadre d'une enquête déjà en cours. Ces organismes nous ont dit qu'il leur arrive souvent d'établir une entité cachée ou une fausse identité bien avant qu'une enquête soit entreprise.

Le sénateur Nolin : Je m'attendais à cette réponse. Pour tout vous dire, je craignais cette réponse.

Lorsque l'article 25.1 a été présenté en 2001, nous avons longuement discuté du fait que la police commette des actes qui seraient illégaux. Nous avons dit que nous serions d'accord, même si la jurisprudence et la Cour suprême avaient accepté ce principe, mais avec un système de contrôle, ce qui est bien. Le gouvernement de l'époque a décidé de modifier le code. Et puis le Sénat a dit : « Allons vraiment jusqu'au bout, faisons intervenir le Parlement, et demandons aux différentes autorités de nous dire, sans nous donner les détails des opérations secrètes, comment les droits des Canadiens sont protégés lorsque la police exerce ces droits extraordinaires. »

Lorsque j'ai vu le projet de loi et que j'ai vu ces deux exceptions, je craignais d'entendre ce que vous venez de me dire. C'est difficile. Nous avons décidé de contourner l'obstacle parce que la police le demandait. C'est exactement pour cette raison que l'article 25.1 existe. Nous ne voulons pas avoir à nous adresser à la Cour suprême et dire que nous avons des excuses, que c'était dans l'intérêt de l'application de la loi. C'est ce qui a été invoqué devant la Cour suprême, et la cour a décidé d'intégrer cet aspect dans une structure plus rigoureuse.

Mme Klineberg : Puis-je essayer sous l'autre angle?

Le sénateur Nolin : Bien sûr. C'est pour cette raison que nous faisons un second examen objectif.

Mme Klineberg : Une chose dont on doit tenir compte dès le départ, c'est que dans le cas du crime de faux et usage de faux, le seuil fixé pour l'intention coupable n'est pas élevé. Pour fabriquer et utiliser un faux document, il suffit d'avoir l'intention de tromper quelqu'un. Il n'est pas nécessaire d'avoir l'intention de frauder. Par exemple, si je voulais prétendre que j'étais diplômée de l'École de droit de Harvard et que je créais un faux certificat sur mon ordinateur pour ensuite l'accrocher au mur, peut-être voulais-je tromper les personnes qui entrent dans mon bureau, et d'un point de vue technique, je pourrais être coupable d'avoir créé un faux document. Le seuil est assez bas.

Nous comprenons que la police peut violer ces dispositions tous les jours lorsqu'ils font des opérations d'infiltration parce que chaque fois, ils risquent d'utiliser une carte de crédit ou une carte professionnelle établies au nom de leur couverture. Ils font ces gestes à répétition. Il s'agit de gestes plutôt banals et on a cru que des exemptions distinctes étaient justifiables dans ces cas.

Des exemptions sont également prévues pour d'autres infractions au Code criminel, dont la pornographie juvénile. On retrouve des exemptions claires concernant la possession de pornographie juvénile dans un dessein lié à l'administration de la justice. Certaines personnes violent techniquement la loi en commettant certaines infractions, mais la police peut être en possession de matériel de contrebande lorsqu'elle en reçoit et lorsqu'elle en confisque au cours d'une enquête criminelle. C'est une façon simple de dire qu'ils font leur travail en ce qui concerne cette catégorie limitée d'infractions, qui ne causent pas de lésions corporelles et qui ne constituent pas une fraude. Il s'agit seulement d'être en possession de certains types de documents. Nous croyons que c'était justifié dans ce cas précis.

Le sénateur Nolin : J'espère que la cour en conviendra. Cependant, c'est exactement ce que je craignais. Dans l'article 25.1, on parle de surveillance civile, de contrepoids, et des rapports du ministre uniquement pour s'assurer qu'on surveille les personnes qui tentent de faire leur travail de bonne foi, mais qui doivent parfois tourner les coins ronds pour appliquer la loi. J'espère que la cour appuiera le projet de loi S-4 et confirmera sa validité.

Le sénateur Merchant : Monsieur le ministre, merci de nous accorder du temps pour que nous puissions vous faire part de nos préoccupations. J'ai une question à trois volets, et je pense que je vais les présenter les trois en même temps.

Vous avez parlé de la dimension internationale du vol d'identité. Premièrement, avez-vous pris des mesures avec d'autres pays? Collaborons-nous et échangeons-nous actuellement de l'information avec certains pays?

Deuxièmement, sur le plan national, envisagez-vous de créer une base de données comme nous l'avons fait pour d'autres types de crimes commis par des groupes organisés au Canada?

Troisièmement, je m'intéresse à ce que nous pourrions faire pour sensibiliser le public afin qu'il comprenne comment il doit se protéger contre le vol d'identité. On nous a déjà donné l'exemple d'individus qui entraient par infraction dans des véhicules pour nous faire comprendre que nous ne devons rien laisser dans nos autos. On nous dit souvent comment nous protéger lorsque nous faisons un retrait à la banque. Y a-t-il des choses que nous pouvons faire pour éduquer les gens afin qu'ils prennent des mesures pour se protéger?

M. Nicholson : Je vous remercie pour vos questions, madame.

Nous partageons nos préoccupations avec les autres pays, et la collaboration est meilleure que jamais. Je peux vous parler par exemple des pédophiles. Vous remarquerez maintenant que lorsque nous recherchons ces individus, leurs photos font le tour du monde. C'est assez récent. Nous avons innové pour tenter de retracer ces individus afin qu'ils n'aient nulle part où se cacher. Oui, la collaboration est plus grande entre les forces policières. Encore une fois, ce n'est pas particulièrement lié au portefeuille de la justice, mais Interpol et les autres organismes travaillent de concert pour retrouver ces personnes. Il y a aussi le terrorisme. Par exemple, nous savons que le Canada, la Grande-Bretagne, les États-Unis, ainsi que d'autres pays, mettent leurs efforts en commun pour retracer ces individus, parce que nous sommes tous exposés aux torts qu'ils peuvent causer.

En ce qui concerne une base de données qui serait utilisée relativement à cette loi, je n'ai pas de plan précis, mais je vous remercie pour vos commentaires à ce sujet.

Pour le processus d'éducation, nous faisons ces annonces et nous faisons participer des gens du secteur privé. Lorsque je discute avec les intervenants, je leur dis toujours la même chose, c'est-à-dire qu'ils doivent transmettre le message à leurs clients et au grand public. Je crois qu'il y a bel et bien une plus grande sensibilisation aujourd'hui. Les gens comprennent les embûches et les défis que représente la protection de leurs renseignements. Le message qui circule entre le gouvernement, le secteur privé et les particuliers, c'est que nous faisons face à un problème chronique qui peut devenir plus grave. Ça explique en partie pourquoi nous présentons ce projet de loi.

Le sénateur Merchant : Plus particulièrement, comment inciterez-vous les gens à se protéger? Par « vous », je parle du gouvernement, et non de ceux qui parlent à leurs clients.

M. Nicholson : Je n'annonce pas de nouveau programme. Nous avons annoncé des programmes relativement à la stratégie nationale antidrogue. Nous annonçons continuellement des programmes. Nous travaillons avec les ONG et les groupes communautaires. Je n'ai aucun programme particulier de sensibilisation contre le vol d'identité à annoncer. Cependant, lors de mes discussions avec les intervenants, je leur dis qu'ils ont beaucoup en jeu et qu'ils doivent s'assurer que le message est transmis. Et ils réagissent bien.

Le sénateur Bryden : Monsieur le ministre, merci d'être venu.

Je serai bref. Je vais m'écarter un peu du sujet pour parler du libellé ou de la terminologie utilisés. La première chose qui m'a frappé se trouve dans la version anglaise du nouveau paragraphe 56.1(1). Je crois comprendre, mais je ne suis pas certain.

Every person commits an offence who, without lawful excuse, procures to be made, possesses, transfers, sells or offers for sale an identity document that relates or purports to relate, in whole or in part, to another person.

Pourquoi dit-on « procures to be made »? Cette tournure est étrange.

M. Nicholson : Je poserai la question au rédacteur.

Mme Klineberg : Dans ce contexte, nous nous disions que si un individu devait utiliser de faux renseignements pour faire une demande, par exemple, pour obtenir un passeport ou un permis de conduire, il tenterait par ce geste de faire délivrer le document lui-même sous un faux nom. C'est ce que nous tentions de rendre par « procuring to be made ».

Le sénateur Milne : Par conséquent, ça devrait être « causes to be made », et non « procures to be made ».

Mme Klineberg : Je ne peux pas vous dire à quel point nous avons travaillé la formulation. Je ne peux pas affirmer que nous avons utilisé la seule bonne formule lors de la rédaction. Cependant, c'est ce que nous voulions dire.

Le sénateur Bryden : Monsieur Milne, je crois que le mot « causes » est bien compris par la plupart des gens.

M. Nicholson : Nous examinerons la question et vous donnerons une réponse.

Le sénateur Bryden : J'ai moi-même fait un peu de rédaction. Certaines personnes ont tendance à vouloir faire de la poésie en tentant d'éviter les répétitions. Cependant, lorsqu'on rédige une loi, on vise la clarté; il ne s'agit pas de poésie.

L'article 5 du projet de loi modifie le paragraphe 342.01(1) de la loi, dans lequel on peut lire en anglais :

(1) Every person is guilty of an indictable offence and liable to imprisonment for a term of not more than 10 years, or is guilty of an offence punishable on summary conviction, who, without lawful justification or excuse, makes, repairs, buys, sells [...]

Je comprends ça et on peut le lire dans le projet de loi à deux ou trois reprises. Cependant, il y a un élément du sénateur Baker sur lequel je ne peux pas fermer les yeux. On peut lire à l'article 4, toujours en anglais :

Every person who, fraudulently and without colour of right, possesses, uses, traffics in or permits another person to use [...]

Pourquoi choisissez-vous d'utiliser cette terminologie, ce « colour of right », qui peut sembler archaïque pour certains?

M. Nicholson : Je ne savais pas que c'était archaïque, monsieur le sénateur. Je croyais que ce terme était plutôt courant.

Mme Klineberg : L'article 4, qui porte sur les modifications au paragraphe 342(3) du Code criminel, traite d'une infraction qui se trouve déjà dans le code. Cette expression s'y trouve. Le libellé y est différent de celui de l'article 5, qui concerne le paragraphe 342.01(1). L'article 5 traite de la fabrication, de la possession, de l'importation et de l'exportation d'instruments — des choses concrètes — tandis que l'article 4, qui modifie le paragraphe 342(3), traite de l'inconduite relative à l'information qui se trouve sur la carte de crédit d'une autre personne. L'élément de fraude, de tromperie et de malhonnêteté qu'on trouve dans l'utilisation des renseignements d'autrui ne se trouve pas dans les cas de la fabrication ou de la réparation d'instruments utilisés pour le crime. C'est pourquoi on voit un terme comme « frauduleusement » être utilisé pour une infraction et pas pour l'autre.

Je voudrais rappeler que ces infractions se trouvent actuellement dans le Code criminel. C'est une autre décision difficile que nous avons dû prendre. Devons-nous profiter de l'occasion lorsque nous modifions la loi pour assurer une certaine uniformité avec les autres infractions? Souvent, on décide de ne pas le faire parce que cela crée des difficultés pour la police et pour les procureurs, qui dans leurs poursuites devraient utiliser des énoncés un peu différents. Nous décidons parfois de simplement utiliser les mêmes mots lorsqu'il ne nous semble pas y avoir de problème avec l'interprétation de ces infractions ou à l'étape de l'application.

La présidente : Tandis que nous sommes dans le sujet de la rédaction, je comprends comment cela s'est trouvé ici, mais j'aimerais attirer votre attention sur le libellé anglais du paragraphe 56.1(3), que je vais lire :

For the purposes of this section, "identity document" means a Social Insurance Number card, a driver's licence, a health insurance card, a birth certificate, a passport as defined in subsection 57(5), a document that simplifies the process of entry into Canada, a certificate of citizenship, a document indicating immigration status in Canada or a certificate of Indian status, issued or purported to be issued by a department or agency of the federal government or of a provincial government, or any similar document issued or purported to be issued by a foreign government.

J'ai dû lire cet énoncé trois fois avant de comprendre que tous les documents auxquels on se réfère doivent être délivrés ou paraître être délivrés par un ministère ou un organisme d'un gouvernement. Je me demandais s'il serait possible de reformuler un peu afin que l'on comprenne dès le départ. Je sais que l'article au complet est intitulé « Documents officiels ». Cependant, ce paragraphe en particulier est à mes yeux presque illisible et, fait rare, le français n'a pas beaucoup aidé. Souvent le français est plus clair que l'anglais, mais je ne trouvais pas que c'était le cas ici.

M. Nicholson : Est-ce que vous suggérez que nous définissions mieux quels sont les documents du gouvernement?

La présidente : Non, j'aimerais simplement qu'il soit clairement établi que tous les documents de la liste, et non seulement le dernier, sont des documents délivrés par le gouvernement. Il y a une série de virgules et après l'une d'elles, on trouve « issued or purported to be issued by a department or agency of the federal government ». Comme je disais, je trouvais ça très lourd. Peut-être que tous les avocats du pays trouvent que c'est clair. Ce n'était pas mon cas.

Le sénateur Nolin : Non, c'est pire.

M. Nicholson : Je croyais que les avocats aimaient ce genre de définitions.

La présidente : C'est très lucratif.

On m'a informé que le ministre a un vote dans 10 minutes. Monsieur le ministre, nous avions d'autres questions. Est-ce que je pourrais inviter les sénateurs Baker et Joyal à poser leurs questions? Peut-être pourriez-vous nous donner une réponse par écrit, ou peut-être Mme Klineberg pourrait-elle rester avec nous et répondre à ces questions si elles font partie de son mandat. Je suis désolée, chers collègues; je n'étais pas au courant.

Le sénateur Baker : Ma question se rapporte aux questions du sénateur Joyal. Comme vous l'avez indiqué, le recours civil est intégré au Code criminel à des fins d'indemnisation à la suite d'un crime qui a été commis. Dois-je comprendre qu'il s'agira d'une procédure similaire à celle de la confiscation en vertu du Code criminel? Autrement dit, il s'agira d'une procédure après détermination de la peine, après que la personne aura été déclarée coupable. Ensuite, le tribunal rendra un jugement fondé sur la recommandation de la Couronne en ce qui concerne l'étendue des dommages-intérêts. Autrement dit, la procédure ressemblera-t-elle à un jugement de confiscation après détermination de la peine?

Le sénateur Joyal : Lorsque le projet de loi C-27 a été présenté, la commissaire à la protection de la vie privée a souligné que le projet de loi tel que rédigé à l'époque ne s'appliquait pas au pourriel ou à l'hameçonnage, un crime répandu qui vise à amener les gens à croire qu'on est une personne autorisée à leur soutirer de l'information. Nous savons que cette initiative fait beaucoup de « victimes ». Est-ce une bonne chose que la préoccupation exprimée par la commissaire à la protection de la vie privée ne figure pas dans le projet de loi S-4 tel que rédigé actuellement?

M. Nicholson : Je vous laisse avec Mme Klineberg. Je m'entretiendrai avec elle à propos des réponses à ces questions, et nous communiquerons avec vous pour vous donner d'autres renseignements dont vous pourriez avoir besoin.

La présidente : Nous vous remercions, et je m'excuse. Les votes comptent, et je ne savais pas que vous en aviez un sous peu.

Avez-vous des réponses à ces questions, madame Klineberg, avant de poursuivre?

Mme Klineberg : En ce qui concerne la seconde question, la question du sénateur Joyal, en quittant, le personnel du ministre m'a informée que le ministre de l'Industrie venait de déposer un projet de loi sur le pourriel.

Le sénateur Joyal : Le pourriel sera-t-il examiné individuellement?

Mme Klineberg : Malheureusement, je ne peux pas en dire plus à ce sujet.

Le sénateur Angus : Oui, je crois que c'est ce qui est prévu.

Mme Klineberg : Je crois qu'il s'agit d'une loi exhaustive.

La présidente : On m'informe qu'il s'agit du projet de loi C-27. Nous pouvons nous informer à ce propos à mesure que nous avançons.

Mme Klineberg : En ce qui concerne l'hameçonnage, dans la mesure où l'hameçonnage vise à tenter d'obtenir les renseignements personnels des gens, cela constituerait une tentative de vol d'identité, alors le projet de loi n'en parle pas explicitement. Toutefois, l'hameçonnage est une façon de commettre un vol d'identité; c'est l'une des nombreuses façons de le faire. L'hameçonnage, si c'est là le but qu'il vise, pourrait constituer une infraction de tentative de vol d'identité. Si c'est réussi et que les gens répondent en fournissant leurs renseignements, cela constituerait un vol d'identité.

Le sénateur Joyal : Ne devrions-nous pas expliquer clairement la tentative dans le projet de loi?

Mme Klineberg : Je crois que l'article 24 du Code criminel est la disposition générale pour les tentatives. Le fait de tenter de commettre une infraction constitue une tentative, alors pour la plupart des infractions, nous n'expliquons pas clairement que le fait de tenter de faire quelque chose constituerait une infraction. Habituellement, nous le laissons simplement à l'application générale de l'article 24 du Code criminel.

Le sénateur Joyal : À l'article 11 du projet de loi, encore une fois, le libellé des exemples qui sont donnés concernant les dépenses qu'une personne peut engager liées au rétablissement de son identité se lit « notamment pour corriger son dossier ». C'est facile à comprendre. Si on veut remplacer notre passeport, c'est facile, ou si on veut obtenir un autre certificat de naissance, no d'assurance sociale, carte d'assurance maladie, et cetera.

Ce qui est plus problématique, et je regarde le sénateur Angus à ce propos, c'est la partie qui dit « et sa cote de crédit ». Quelles sont les dépenses liées à la correction d'une cote de crédit?

Ce concept est très large parce que nous pouvons imaginer toutes sortes de situations. Si je dois rétablir ma cote de crédit auprès d'une banque, d'une institution financière, d'une société émettrice de carte de crédit ou d'une autre institution associée au crédit, cela peut signifier beaucoup, car l'institution pourrait me demander de rembourser les dépenses qu'elle a dû engager pour assumer cette responsabilité, et cetera. C'est un concept très large.

Que devons-nous comprendre par rétablissement du dossier de crédit? En quoi cela consiste-t-il?

Mme Klineberg : Avec Equifax, par exemple, je crois qu'on peut obtenir un exemplaire gratuit de notre cote de crédit par année, alors si on essayait d'en obtenir beaucoup d'autres pour s'assurer que les changements qu'on a apportés ont été insérés dans leurs documents, il y aurait des coûts associés à ces exemplaires.

Les exemples que vous avez mentionnés pourraient également s'appliquer. Comme vous le dites, le concept a été rédigé de façon assez large. Nous ne voulions pas énumérer spécifiquement toutes les choses potentielles pour lesquelles les gens pourraient réclamer un dédommagement. Comme vous le dites, nous avons plutôt misé sur le concept afin que les gens ou que la Couronne, au nom de la victime, puissent présenter des arguments qui feraient en sorte que certains coûts seraient remboursés.

Je ne peux pas vous donner beaucoup d'autres détails sur ce qui serait compris, mais l'idée c'était que les coûts directs liés à la victimisation d'une personne qui se serait fait voler son identité seraient remboursés.

Ce serait à la Couronne de présenter des arguments sur la façon exacte dont ça pourrait se passer dans un cas particulier.

Le sénateur Joyal : Cela est assujetti à la dernière phrase, aux derniers mots : « si ces dommages peuvent être facilement déterminés ».

Mme Klineberg : Exactement, cela doit toujours faire partie d'une ordonnance de dédommagement parce que le tribunal pénal ne peut pas entreprendre le même genre d'analyse qu'un tribunal civil pour déterminer les recours. Le procureur doit avoir déposé devant le tribunal pénal les coûts facilement déterminés et relativement clairs associés au crime. Cela sera toujours assujetti à cette qualification particulière, mais la nature des réclamations pourrait faire l'objet d'une interprétation plus large.

Le sénateur Baker : Ma question a trait à la question que j'ai posée plus tôt, à laquelle je n'ai pas obtenu de réponse. Je pose la question parce qu'elle s'inscrit dans la série de questions du sénateur Joyal.

En vertu des articles actuels du Code criminel, lorsqu'il y a confiscation, en vertu de divers articles, c'est facilement disponible, car les dispositions sur la confiscation ont déjà une valeur, ou il s'agit de la confiscation d'argent à la Couronne, une confiscation de la valeur de l'infraction qui a été commise. C'est facilement disponible, de sorte que si une personne plaide coupable à une infraction et que le procès ne se déroule pas avant un an, deux ans, trois ans ou quatre ans, comme c'est le cas pour certains, la Couronne est en mesure de déterminer immédiatement un montant d'argent.

Toutefois, dans le présent cas, comme l'a mentionné le sénateur Joyal, il pourrait y avoir des conséquences plus tard. C'est pourquoi lors des poursuites civiles, on attend habituellement entre deux et cinq ans pour obtenir les résultats de l'infraction pour laquelle on essaie d'obtenir une indemnité.

Dans le présent cas, cela doit être immédiat, au moyen d'une certaine formule établie à l'avance. Avez-vous une idée de la formule qui pourrait être proposée à la Couronne pour régler ce problème très sérieux? Avez-vous reçu des observations à ce chapitre ou avez-vous examiné le type de formule qui pourrait être proposé? Cela pourrait se produire dans deux ans.

Vous pourriez dire que nous nous tournerons vers les tribunaux civils, mais le recours civil figure maintenant dans la loi. Avez-vous examiné une formule?

Mme Klineberg : Rien que j'appellerais une formule. Selon moi, les procureurs de la Couronne entreprendraient le même genre d'analyse que pour d'autres réclamations qu'ils essaient de faire pour obtenir un dédommagement en vertu des alinéas 738(1)a), b) et c) du Code criminel. Il peut s'agir de lésions physiques, dont le recours se poursuivrait toujours après le procès et ne pourrait faire l'objet d'une ordonnance de dédommagement. Il ne vise pas à remplacer une procédure civile. Le dédommagement fait partie de la phrase afin d'instaurer un sens des responsabilités chez le contrevenant. Il n'est pas censé être un chemin vers le recouvrement et le recours complets pour la victime.

Le sénateur Baker : Si cette question devait être jugée par un tribunal criminel, vous ne voulez sûrement pas dire que quelqu'un pourrait demander qu'elle soit jugée de nouveau dans le cadre d'une poursuite civile subséquente?

Mme Klineberg : Non, c'est une voie de recours différente pour le dédommagement. Il y a également chevauchement en ce qui a trait aux paragraphes 738(1)a), b) et c). Ces pertes pourraient être également réclamées dans une poursuite au civil. En fait, la victime peut recourir à d'autres méthodes pour obtenir la restitution de biens.

Du point de vue de la justice criminelle, il y a un avantage à intégrer cet élément dans la peine imposée parce que, dans le contexte du droit criminel, par opposition au droit civil, cela crée un sentiment de responsabilité et une obligation de réparation de la part du contrevenant, ce qui constitue une approche légèrement différente par rapport à la situation d'un point de vue civil. Il s'agit d'un recours différent pour ce genre de choses, mais il est beaucoup plus limité et, par conséquent, les montants doivent être garantis plus rapidement. C'est également un recours plus facile pour une victime qui ne souhaite pas entamer de poursuites lorsqu'elle estime suffisant le dédommagement qu'elle peut obtenir.

Le sénateur Joyal : Ainsi, une fois que vous êtes trouvé coupable, le dédommagement prévu à l'article 11 s'applique presque automatiquement.

Par ailleurs, si la victime s'adresse à un tribunal civil, c'est un type de mesure tout à fait différent et cette personne pourrait ne pas obtenir autant que par ce recours, plus particulièrement du point de vue du dédommagement. Il faut voir ce que cela signifie au niveau des antécédents en matière de crédit et de la cote de crédit. Dans certaines situations, cela peut signifier beaucoup, plus particulièrement si vous pensez à ces groupes organisés et « experts » dans l'art d'extorquer de l'argent par toutes sortes de moyens.

C'est un concept très important que nous mettons de l'avant ici. Le sénateur Nolin connaît bien la question des réclamations ou dommages dans un procès civil. En fait, nous avons devant nous toute une série d'approches différentes que nous souhaitons intégrer au Code criminel. Nous parlons ici de dommages immatériels, alors que l'article 738(1) parle de biens. Les biens sont matériels alors que la cote de crédit ou les antécédents en matière de crédit sont immatériels.

Le sénateur Angus : Non, elle parle des coûts directs liés au dédommagement des éléments immatériels. C'est différent.

Le sénateur Joyal : C'est très différent. C'est pourquoi j'attire l'attention du ministre et votre attention, à vous, honorables sénateurs, sur cette question. En principe, je n'y suis pas opposé, mais comment peut-on l'évaluer? Comment peut-on le formuler? Quelles sont les conséquences parallèles?

À mon avis, ce sont des questions très importantes. Je crois que nous devrions entendre les autres témoins sur le sujet parce que j'estime que c'est un élément important du projet de loi.

Le sénateur Angus : Si je comprends bien, c'est une peine additionnelle. Nous avons déjà des peines d'emprisonnement plutôt sévères. Ce dédommagement est en quelque sorte une sanction additionnelle et, par conséquent, j'imagine qu'elle se veut dissuasive. C'est essentiellement ce à quoi servent les peines; elles doivent dissuader les criminels et les encourager à ne pas commettre le crime envisagé.

Je crois que ce que vous dites n'est pas très clair et que ces coûts directs sont probablement insignifiants dans la plupart des cas. Selon ce que j'ai entendu au Comité des banques, on dit qu'Equifax impose des frais de 50 $, mais les coûts réels en cause pour Equifax et d'autres agences de crédit sont beaucoup plus élevés. Vous devez embaucher des avocats. Il faut compter sept années sans dettes impayées pour rétablir un dossier de crédit.

Je ne crois pas que le Code criminel devrait s'engager dans cette voie. Je ne sais pas si c'est ce que vous voulez dire, mais il est évident que nous ouvrons la porte à quelque chose que nous devons examiner très attentivement.

Le sénateur Joyal : J'ai une question au sujet de l'expression « permettent de conclure raisonnablement » qui figure à la page 7 du projet de loi S-4, dans le nouvel article 402.2 proposé. Pouvez-vous nous indiquer si d'autres articles du code nous aideraient à comprendre cette expression?

Mme Klineberg : Le meilleur exemple d'une infraction libellée de la même façon se trouve à l'article 351 du Code criminel, soit une infraction pour possession d'outils de cambriolage.

Le sénateur Baker : Entrer par effraction afin de commettre un crime est une infraction criminelle. Évidemment, tout se trouve dans les outils.

Mme Klineberg : Je crois qu'il peut y avoir un ou deux exemples de plus, mais généralement c'est l'article 351 que nous évoquons comme principal exemple puisque cette infraction particulière a été jugée par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Holmes. Je crois que c'était en 1988. En effet, la Cour suprême a interprété cette expression de la façon suivante : des circonstances qui ont permis de conclure raisonnablement que la personne avait l'intention d'utiliser les outils ou que les outils avaient été effectivement utilisés dans l'intention de commettre une infraction criminelle. La Cour suprême a indiqué que, selon le droit criminel...

Le sénateur Joyal : À quelle affaire faites-vous référence?

Mme Klineberg : L'affaire Holmes.

Dans cette affaire, la Cour suprême a interprété cette expression comme exigeant que la norme criminelle de la preuve hors de tout doute raisonnable conclut que la personne accusée avait réellement l'intention d'utiliser les outils. Bien que formulée de la façon suivante : « des circonstances qui permettent de conclure raisonnablement », les tribunaux ont statué que, en droit criminel, le seul sens possible de cette expression est une conclusion qui prouve hors de tout doute raisonnable que la personne avait vraiment l'intention de commettre une infraction.

Le sénateur Joyal : Par conséquent, vous devez tout de même prouver l'intention de commettre l'infraction?

Mme Klineberg : Oui. Cependant, nous constatons parfois que, dans le cas des infractions, la police ou les avocats sont plus intéressés par ce type de formulation car, bien qu'une infraction criminelle puisse être prouvée par inférence, la preuve hors de tout doute raisonnable de l'intention d'une personne peut quand même être démontrée par des preuves circonstancielles et des conclusions tirées de preuves circonstancielles. Il arrive que les services d'exécution de la loi et les avocats préfèrent cette formulation d'une infraction parce que, la façon dont elle est rédigée, elle intègre directement la notion d'inférence à l'infraction.

Néanmoins, on l'interprète comme s'il était écrit que la personne avait l'intention d'utiliser les outils ou l'information à sa disposition. C'est une façon différente de dire les choses.

Le sénateur Joyal : Oui, cependant, le mot « circonstances » constituerait probablement la preuve à démontrer devant le tribunal pour déduire l'intention ou pour appuyer l'intention.

Mme Klineberg : Exact, mais c'est généralement le cas, peu importe la façon dont vous rédigez l'infraction. Une infraction devra toujours être prouvée en se fondant sur les inférences déduites des circonstances. À moins d'avoir mis une personne sur écoute, par exemple, ou qu'une personne affirme « J'ai l'intention d'utiliser ces renseignements pour faire ceci ou cela », dans la plupart des cas, vous devrez demander au tribunal de conclure la preuve à la lumière des inférences fondées sur les circonstances.

Le sénateur Joyal : Pour terminer, au sujet de la question des définitions soulevées au début du nouveau paragraphe 56.1(3) : « Pour l'application du présent article, « pièce d'identité » s'entend de la carte d'assurance sociale [...] » et ainsi de suite.

Disons que je reçois mon dossier d'impôt sur le revenu du gouvernement, sur lequel figurent mon no d'assurance sociale et des renseignements personnels, et que je le classe. La banque peut, par exemple, me demander ma déclaration d'impôt sur le revenu pour décider de m'accorder un crédit, un prêt ou une hypothèque, ou toute autre aide financière. Comme il s'agit d'un document du gouvernement, pourquoi n'est-il pas visé par le paragraphe 56.1(3)?

Comme l'a signalé le sénateur Fraser, « la pièce d'identité » est définie comme étant une pièce délivrée ou paraissant délivrée par un ministère ou un organisme public gouvernemental. Le document que je reçois du ministère du Revenu est délivré par un ministère du gouvernement et contient des renseignements très personnels qui pourraient donner à quiconque la possibilité de voler une identité.

Pourquoi un tel document est-il exclu de cette définition? Est-ce en raison de l'énumération restrictive qu'en donne la définition?

Mme Klineberg : Oui. Comme le ministre l'a indiqué précédemment, dans le cas de cette infraction le seuil de déclaration de culpabilité est très bas parce qu'on n'exige aucune preuve de l'intention de la personne d'utiliser ce document de façon frauduleuse. La seule possession ou le seul transfert de ces documents suffit à prouver l'infraction à moins, bien sûr, que la personne n'avance une excuse légitime ou l'un des motifs énumérés. Le seuil de l'élément servant à prouver l'infraction est effectivement très bas.

En raison de ce seuil très bas, et à notre avis, pour des raisons liées à la Charte en particulier, cette catégorie de documents devait être très restreinte. C'est semblable à une négociation. Si nous voulons situer le seuil de l'élément de preuve de l'infraction au niveau le plus bas possible, plus notre définition d'une infraction doit être claire, restreinte et circonscrite.

Dans le cas de cette infraction particulière, nous tentons de nous limiter aux documents utilisés par des personnes à des fins d'identification — donc pas de documents contenant de l'information, pas d'états financiers ni aucun autre document que vous pourriez recevoir du gouvernement et susceptible de contenir des éléments d'information de nature privée ou confidentielle, mais bien des pièces d'identité de base sur lesquelles se fondent les relations entre, d'une part, les particuliers et, d'autre part, le gouvernement et le secteur privé. Il s'agit de documents qui constituent le fondement même de l'identité. De plus, pour nous assurer d'un maximum de vraisemblance que cette infraction soit jugée constitutionnelle, nous avons déployé beaucoup d'efforts pour limiter le type de documents aux pièces d'identité essentielles qui régissent toutes nos interactions avec le secteur privé et le secteur public.

Le sénateur Joyal : Qu'en est-il d'un certificat de décès? Votre liste parle du certificat de naissance, mais un certificat de décès pourrait être utile à toute personne qui cherche à rétablir l'identité d'une personne par un certificat de naissance. En fait, il pourrait parfois s'avérer plus utile et ce, pour des raisons évidentes, parce que personne n'ira se plaindre que son identité a été volée.

Le sénateur Angus : Vous connaissez bien les listes électorales.

Le sénateur Joyal : Oui, je suis un vieux routier, tout comme vous.

Un certificat de décès est un document délivré par le gouvernement. Aucun doute là-dessus. En fait, c'est un document délivré par un gouvernement provincial. Il est tout aussi utile et nécessaire aux personnes qui désirent rétablir l'identité d'une autre personne ou qui prétendent à l'identité d'une autre personne que tout autre document. Alors pourquoi ce certificat n'est pas inclus dans la liste des documents?

Mme Klineberg : Honnêtement, c'est que nous n'y avons pas pensé. Nous avons établi cette liste en consultant un certain nombre de ministères. Nous avons consulté tout un éventail de ministères qui délivrent ce genre de documents. Ensemble, nous avons essayé de déterminer les principaux documents à inclure dans cette liste. Je peux tout simplement vous dire qu'il ne nous est pas venu à l'idée d'y inclure les certificats de décès. Comme vous le savez, c'est un document délivré par une province. Tout le monde a un certificat de naissance. Aucun d'entre nous ne possédons, à ce jour, un certificat de décès. C'est pourquoi nous n'y avons pas pensé. Toutefois, à mon avis, ce serait un ajout très justifié à la liste.

Le sénateur Nolin : Ce type d'acte criminel n'est pas limité à une province. C'est une infraction à l'échelle internationale qui, de ce fait, concerne de nombreuses compétences. Les coûts associés à une enquête de ce type menée par un organisme d'application de la loi pourraient constituer un frein à la mise en œuvre du projet de loi S-4. En fait, le ministre serait probablement la bonne personne qui pourrait répondre à cette question. Comme nous le savons tous, il reviendra aux provinces d'assurer l'application du système. Qu'entendons-nous faire pour les aider? Avez-vous réfléchi à certains types d'échange d'information qui pourraient les aider à faire leur travail?

Mme Klineberg : À ma connaissance, rien n'a été envisagé pour le moment quant à la nature d'une base de données commune aux fins d'échange d'information. Pour ce qui est du financement additionnel aux fins de l'application de la loi, c'est une question que je ne veux pas aborder; je suis désolée.

La présidente : Nous pouvons écrire au ministre sur le sujet ou peut-être pourriez-vous tout simplement transmettre cette question au ministre, ce qui serait plus rapide. C'est un élément sur lequel nous aimerions en savoir davantage.

Le sénateur Nolin : Il ne sert à rien d'adopter des lois si nous ne faisons que créer un monstre encore plus gros pour ceux qui ont la responsabilité d'appliquer ces lois.

La présidente : Comme on nous l'a rappelé plus tôt aujourd'hui dans un autre contexte, la GRC est le service de police de nombreuses provinces. Ce n'est même pas un service provincial; il relève directement du gouvernement fédéral.

Le sénateur Nolin : Je croyais que le ministre serait le mieux placé pour répondre à cette question. C'est pourquoi j'ai arrêté là.

Le sénateur Milne : J'aurais quelque chose à ajouter à ce que vient de dire le sénateur Nolin, et j'aurais une autre question, si vous me permettez.

Est-ce que le projet de loi obligerait les entreprises à informer les consommateurs du vol de leur identité? Y a-t-il quelque chose de prévu au projet de loi pour forcer les entreprises à informer les gens?

Mme Klineberg : Non. Nous n'utiliserons pas le Code criminel pour mettre en place ce type de mécanisme.

Le sénateur Milne : C'est là que la banque de données serait pratique.

Mme Klineberg : Je sais que cette question fait déjà l'objet de débats à savoir s'il faudrait modifier la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE). Malheureusement, je ne sais pas où en sont les discussions ni si des décisions ont été prises à cet égard. Si vous le souhaitez, il me ferait plaisir d'en parler avec mes collègues d'Industrie Canada.

La présidente : J'apprécierais, car j'aimerais savoir les raisons pour lesquelles il ne faudrait pas l'inclure au droit criminel. D'une certaine façon, ça nous ramène à la discussion que nous avons eue plus tôt sur l'insouciance.

Le sénateur Milne : Ça nous ramène à l'application de la loi.

La présidente : Quand quelqu'un sait que des renseignements personnels importants ont été volés, pourquoi le fait de ne pas informer la personne victime du vol de ces renseignements ne constituerait pas une infraction criminelle, puisque tant de choses constituent des crimes, et à juste titre, selon ce que nous avons entendu?

Le sénateur Milne : Il existe un cas de jurisprudence concernant le vol d'identité. Il s'agit de l'affaire R. c. Boyle, 2005. Je crois que ça s'est passé en Colombie-Britannique. M. Boyle a été condamné pour s'être fait frauduleusement passer pour un homme mort avec l'intention d'obtenir un avantage pour lui-même. Cela est contraire à l'alinéa 403a) du Code criminel. Il a interjeté appel du verdict de culpabilité. L'appel a été rejeté. Le juge qui présidait l'audience a établi qu'il suffisait de déterminer que l'accusé avait l'intention d'obtenir un avantage en se faisant passer pour quelqu'un d'autre. Tout ça est déjà dans le Code criminel. Selon vous, en quoi le projet de loi changerait quelque chose?

Mme Klineberg : Comme vous l'avez correctement souligné, ceci fait référence à la supposition de personne, qui est l'étape finale du cycle du vol d'identité. Elle a été introduite au Code criminel, je crois, en 1892, mais il faudrait que je vérifie. D'autres types de fraudes couvrent-elles aussi l'étape finale, où les gens prétendent être quelqu'un d'autre, par exemple, pour contracter un faux prêt hypothécaire relativement à la propriété de quelqu'un d'autre. L'étape finale du vol d'identité est déjà couverte par le Code criminel.

L'un des amendements dont nous n'avons pas encore parlé concerne l'infraction de supposition de personne qui, dans le projet de loi S-4, serait renommée la « fraude à l'identité ». Les nouvelles infractions amenées par le projet de loi S-4 toucheraient les premières étapes du cycle du vol d'identité. Ces infractions touchent notamment la collecte de renseignements dans l'intention de s'en servir plus tard, le trafic de renseignements, et l'insouciance de savoir que quelqu'un s'en servira plus tard. Les nouvelles infractions concerneraient les premières étapes du vol d'identité, même si elles sont déjà plutôt bien couvertes par les infractions actuellement prévues au Code criminel. Nous voulons renommer la supposition de personne la « fraude à l'identité » et créer de nouvelles infractions relatives au vol d'identité dans l'espoir d'améliorer la compréhension des processus impliqués dans le vol d'identité et les crimes liés à l'identité, si l'on peut dire.

Il existe beaucoup d'incohérences dans l'utilisation de la terminologie dans ce domaine, ce qui explique aussi pourquoi nous voulons renommer la supposition de personne la « fraude à l'identité ». Si chacun d'entre nous avait à donner une définition de ce qu'est le vol d'identité, nous arriverions probablement à des résultats légèrement différents. Certains parlent de vol d'identité plutôt que de supposition de personne, alors qu'il s'agit en fait de la même activité, mais à deux étapes différentes.

Le projet de loi S-4 comble les lacunes, comme l'a dit le ministre. Les lacunes concernent les premières étapes : la collecte, la manipulation et le trafic de renseignements. Nous avons entendu à maintes reprises des organismes d'application de la loi dire qu'ils allaient bientôt dévoiler une opération dans le cadre de laquelle ils auraient accumulé un entrepôt de documents, de profils d'identité et de documents contrefaits, mais ils n'ont pas réussi à prouver qu'aucun de ces documents n'avait été utilisé. Si ces documents avaient été utilisés, on parlerait alors de l'étape de la supposition de personne ou de fraude, mais comme ils n'ont pas encore été utilisés, il n'y a rien à faire compte tenu de la loi. Le projet de loi S-4 comblerait cette lacune.

Le sénateur Joyal : Je m'excuse auprès de mes collègues.

Qu'en est-il des documents biométriques que le gouvernement compte développer pour quand vient le temps de traverser les frontières? Nous savons que ce type de documents pourra être développé et utilisé dans le futur puisque la technologie le permet.

Pourquoi n'auriez-vous pas une définition qui couvrirait la création éventuelle de ces documents? Les travaux sont en cours. Si nous sommes pour nous attaquer à ce problème dans le futur, pourquoi ne pas en tenir compte?

Mme Klineberg : Pour répondre brièvement, disons seulement que nous avons essayé de tenir compte du laissez-passer NEXUS et de la carte CANPASS dans la définition proposée au nouveau paragraphe 56.1(3). Nous y parlons de passeport, mais aussi de « tout document simplifiant les formalités d'entrée au Canada ». Nous connaissions le laissez-passer NEXUS, et nous avons essayé d'en tenir compte.

Pour ce qui est des documents qui seront créés, les renseignements qu'ils pourraient contenir correspondraient à la définition de « renseignement identificateur » proposée dans le nouvel article 402.1. Ces renseignements seraient protégés par les infractions relatives au « vol d'identité » et au « trafic de renseignements identificateurs ».

Vous faites bien de souligner que les nouveaux documents ne correspondraient pas aux infractions prévues, à moins qu'il y ait un amendement prévu au Code criminel au moment où la loi sera adoptée. On nous a conseillé de donner à cette infraction le plus de chances possible de survivre à une contestation constitutionnelle; il nous fallait donc limiter au maximum le type de documents inclus. De vouloir laisser plus de place aux nouveaux documents qui pourraient un jour être créés nous aurait obligés à être beaucoup moins précis dans nos propos, mais nous avions peur de rendre ainsi cette infraction plus vulnérable.

Seul le nouvel article 56.1 a été quelque peu critiqué par les associations juridiques, et seulement parce qu'il ne faisait pas mention de l'état mental. On n'y parle que de la possession de documents. Il n'est pas question de documents contrefaits. Nous pouvons tous en avoir. À tout moment, je pourrais me promener avec le passeport de ma mère, et cetera.

Cette infraction bien précise peut constituer un risque. C'est ce que vous entendrez si vous demandez à des associations juridiques de témoigner devant vous. Nous avons limité cette liste seulement dans le but de lui laisser une chance de survie.

Le sénateur Joyal : Ce que je comprends, c'est que le projet de loi, de la façon dont il est rédigé, ne couvre pas les cas où quelqu'un fabriquait une nouvelle identité à partir d'éléments provenant de différentes sources, créant ainsi une nouvelle personne.

Le sénateur Baker : C'est intéressant.

Mme Klineberg : L'infraction de supposition de personne, qui existe actuellement au Code criminel, se limite aux personnes vivantes ou mortes.

Nous étions très conscients de ce problème quand nous avons créé les nouvelles infractions — le vol d'identité, le trafic de renseignements identificateurs et l'infraction relative aux pièces d'identité. Je ne crois pas que les gens se rendent compte des légères modifications que nous avons apportées au projet de loi pour régler ce problème. Vous remarquerez le passage « une pièce d'identité qui concerne ou paraît concerner, en totalité ou en partie, une autre personne ».

Si vous vous rendez à l'article 402.1, vous verrez que « renseignement identificateur s'entend de tout renseignement [...] d'un type qui est ordinairement utilisé, seul ou avec d'autres renseignements, pour identifier ou pour viser à identifier une personne physique ».

Nous avons volontairement utilisé ces mots pour dire que même si une personne n'est pas réelle, mais que les renseignements sont présentés comme si cette personne existait vraiment, la loi devait s'appliquer.

Une personne qui lit cette loi mais qui n'a pas l'habitude des lois criminelles ne saisira pas tout le sens de ces mots. Toutefois, nous voulions couvrir toute identité fictive ou mixte, auquel cas des renseignements fictifs sont combinés à des renseignements appartenant à une vraie personne.

La présidente : J'aimerais faire remarquer que le sénateur Joyal est passé maître dans la lecture des lois criminelles.

Mme Klineberg : C'est vrai.

Le sénateur Baker : Elle ne parlait pas de lui.

Le sénateur Nolin : Je me pose des questions depuis que vous avez parlé de transporter le passeport de votre mère. Certains Canadiens nous écoutent en ce moment, et — je suis certain — ils ont très hâte d'entendre votre réponse. Je présume que vous seriez protégée étant donné que le projet de loi S-4 utilise les mots « sans excuse légitime ». Est-ce que c'est ce que vous voulez dire par excuse légitime?

Mme Klineberg : Nous avons fait encore mieux. Si vous regardez l'alinéa 56.1(2)c), on y lit « avec le consentement de la personne visée par la pièce d'identité ».

Le sénateur Nolin : Ça veut dire que vous devez prouver le consentement de la personne. Si vous transportez le passeport de votre mère dans votre sac à main, et que bien qu'elle ne soit pas en mesure de donner son consentement, elle a besoin d'un passeport pour passer l'immigration, avez-vous une excuse légitime?

Mme Klineberg : Oui.

Le sénateur Nolin : D'accord, ça va.

Mme Klineberg : L'excuse légitime a été prévue pour les cas où les exclusions citées ne s'appliquent pas.

Le président : Dans le même alinéa, je présume que vous seriez la « personne autorisée à donner son consentement » si vous avez à faire passer les douanes à votre mère.

Le sénateur Wallace : Madame Klineberg, vous avez dit que le projet de loi comprenait de nouvelles infractions concernant l'utilisation des cartes de crédit et des données relatives à une carte de crédit. Il n'y a aucune mention des cartes de débit ni des cartes de guichet automatique cependant, qui sont pourtant quelque peu similaires. Y a-t-il une raison pourquoi il n'en est nullement mention?

Mme Klineberg : Il s'agit d'une des situations malencontreuses où la définition donnée dans une partie du code nous évite de devoir tout répéter dans les infractions. L'article 321 du Code criminel donne une définition de carte de crédit qui inclut les cartes de débit.

Le sénateur Wallace : D'accord.

Mme Klineberg : La voici :

« carte de crédit » désigne notamment les cartes [...] délivrés afin :

b) soit de permettre l'accès, par un guichet automatique, un terminal d'un système décentralisé ou un autre service bancaire automatique, aux différents services qu'offrent ces appareils.

La définition se trouve donc à l'article 321 du Code criminel, ce qui nous évite d'avoir à répéter « carte de crédit » et « carte de débit » chaque fois qu'il en est question. Il s'agit simplement d'une convention de rédaction, mais malheureusement, je remarque que ça peut parfois porter à confusion.

Le sénateur Joyal : Cette définition clarifie beaucoup les choses.

Mme Klineberg : Oui. Il ne fait aucun doute que les organismes d'application de la loi, les procureurs de la Couronne et les tribunaux savent très bien que les cartes de débit sont couvertes par la loi, même si ça ne semble pas être le cas à la simple lecture des infractions.

La présidente : Pourquoi alors parlez-vous de « no de carte de crédit ou de débit » à l'article 402.1?

Mme Klineberg : C'est ce qui arrive à un code criminel après plus de 100 ans. Il y a parfois des incohérences.

La définition de l'article 321 ne s'applique qu'à la partie 9 du Code criminel.

La présidente : D'accord.

Mme Klineberg : Il faudrait aussi dire que les cartes de crédit comprennent...

La présidente : Non, ça va. Ce n'est pas l'idéal, mais c'est une réponse compréhensible.

Le sénateur Wallace : C'est tiré de la définition. C'est une réponse claire. Merci.

La présidente : Cette séance a été extrêmement intéressante. Merci, madame Klineberg. Ce n'est pas tous les jours que quelqu'un accepte de venir répondre à toutes nos questions techniques. Je vous félicite. Vous avez très bien relevé le défi.

Honorables sénateurs, nous nous rencontrerons de nouveau dans cette salle à 10 h 45 demain matin pour continuer notre étude du projet de loi.

(La séance est levée.)


Haut de page