Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 13 - Témoignages du 16 septembre 2009
OTTAWA, le mercredi 16 septembre 2009
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-25, Loi modifiant le Code criminel (restriction du temps alloué pour détention sous garde avant prononcé de la peine), se réunit aujourd'hui à 16 h 9 pour en étudier la teneur.
Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue, après le congé estival, à cette première réunion de la session d'automne du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
[Français]
Nous commençons aujourd'hui notre étude du projet de loi C-25, Loi modifiant le Code criminel (restriction du temps alloué pour détention sous garde avant prononcé de la peine).
Ce projet de loi a été adopté à la Chambre des communes le 8 juin 2009. Il est maintenant devant nous au Sénat pour une étude rigoureuse.
Nous avons le très grand plaisir d'accueillir le ministre de la Justice et Procureur général du Canada, l'honorable Rob Nicholson, C.P.
[Traduction]
Monsieur le ministre Nicholson, soyez de nouveau le bienvenu à notre comité, qui est devenu, je crois, votre deuxième famille. Nous sommes très heureux de vous accueillir, comme toujours. Je crois que vous avez préparé une déclaration préliminaire.
Je souligne que M. Nicholson est accompagné de Matthias Villetorte, avocat, Section de la politique en matière de droit pénal, et de Catherine Kane — un autre témoin que nous sommes toujours heureux de revoir —, directrice générale par intérim et avocate générale principale, Section de la politique en matière de droit pénal. Soyez tous les bienvenus.
L'honorable Rob Nicholson, C.P., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Je suis heureux d'avoir l'occasion de comparaître de nouveau devant le comité pour discuter du projet de loi C-25, Loi modifiant le Code criminel, qui restreint le temps alloué pour la détention sous garde avant le prononcé de la peine.
Comme vous le savez, notre gouvernement s'est engagé à lutter contre la criminalité et à rendre nos rues plus sécuritaires. Cet engagement consiste notamment à restreindre le temps alloué pour la détention sous garde avant le prononcé de la peine pour les personnes à qui on a refusé la libération sous caution en raison de leur casier judiciaire ou parce qu'elles ont enfreint les conditions de leur liberté sous caution. Le Code criminel permet au tribunal de tenir compte de la durée de détention provisoire d'un contrevenant dans la détermination de la peine à imposer. Toutefois, le Code criminel ne donne pas d'autres directives concernant le calcul de ce crédit.
En 2000, la Cour suprême a reconnu, dans l'arrêt Regina c. Wust, que même s'il n'existe pas de formule mécanique pour le calcul du crédit à attribuer à la détention présentencielle, un ratio de deux pour un était approprié pour tenir compte des conditions de la détention provisoire. Cependant, la Cour suprême a déclaré qu'il serait possible d'appliquer un ratio de crédit différent.
Dans la plupart des cas, les tribunaux accordent un crédit de deux jours pour chaque jour de détention sous garde avant le prononcé de la peine, communément appelée détention provisoire, et même parfois un crédit de trois jours.
Le gouvernement est d'avis que l'usage d'allouer de généreux crédits pour le temps passé en détention provisoire jette du discrédit sur l'administration de la justice. Cela crée l'impression, dans la population, que les contrevenants reçoivent des peines plus clémentes que ce qu'ils méritent, et risque d'inciter les inculpés à abuser du processus judiciaire en choisissant délibérément de rester en détention provisoire dans l'espoir d'obtenir une peine d'emprisonnement plus courte grâce au crédit accordé pour ce type de détention.
C'est exactement ce qui s'est produit dans l'affaire R. c. Sooch 2008 ABCA 186, dans laquelle le contrevenant, condamné pour voies de fait graves, n'a pas demandé sa libération sous caution afin d'accumuler du temps en détention provisoire et d'obtenir un crédit supérieur pour la peine qu'on lui imposerait. La Cour d'appel de l'Alberta a statué que de choisir délibérément de ne pas demander une libération sous caution lorsqu'il aurait la possibilité de l'obtenir risquait d'empêcher le contrevenant d'obtenir un crédit supérieur pour le temps passé en détention provisoire.
Depuis quelques années, il y a de plus en plus de cas où les tribunaux accordent un crédit inférieur à deux pour un, par exemple dans les situations où l'accusé avait accès à des programmes de réhabilitation, n'allait vraisemblablement pas bénéficier d'une libération conditionnelle au tiers de sa peine en raison de ses antécédents judiciaires, ou lorsque la détention provisoire était attribuable au non-respect des conditions de mise en liberté.
Il ne fait aucun doute que dans l'ensemble du Canada, les procès sont de plus en plus complexes. Cela contribue à prolonger leur durée, d'où les périodes de détention provisoire plus longues. Beaucoup de détenus passent maintenant plus de temps en détention provisoire qu'en détention après condamnation. Les plus récentes données indiquent que le nombre d'adultes en détention provisoire dépasse celui des adultes condamnés et détenus dans les prisons provinciales et territoriales. Dans l'ensemble, la détention provisoire représente 54 p. 100 des admissions dans les établissements provinciaux et territoriaux.
Diverses raisons peuvent expliquer l'augmentation du nombre de personnes en détention provisoire, mais le fait de compter en double cette période est un facteur important. Les procureurs généraux des provinces et les ministres responsables des services correctionnels sont tout à fait d'accord pour limiter le crédit accordé pour la détention sous garde avant le prononcé de la sentence afin de faire diminuer la population en détention provisoire.
En fait, j'ai reçu récemment une lettre du procureur général du Manitoba, Dave Chomiak, qui me demandait de vous aviser que les procureurs généraux des provinces de l'Ouest appuient entièrement cette mesure législative.
Pour toutes les raisons que j'ai mentionnées, la pratique actuelle consistant à accorder systématiquement un crédit double doit être modifiée. Les modifications proposées dans le projet de loi C-25 encadreraient les tribunaux dans la détermination de la peine en limitant le crédit de détention provisoire selon la formule d'un jour par jour de détention dans la plupart des cas, c'est-à-dire que le contrevenant recevrait un crédit d'un jour pour chaque jour passé en détention provisoire. Donc, s'il passait six mois en détention provisoire, on enlèverait six mois à sa peine.
Toutefois, si les circonstances le justifient, les tribunaux pourront accorder un crédit d'un jour et demi pour chaque jour passé en détention provisoire. Le tribunal pourra exercer son pouvoir discrétionnaire et déterminer, au cas par cas, s'il y a lieu d'accorder un crédit supérieur à un pour un. Le cas échéant, le tribunal sera tenu, bien entendu, d'expliquer les raisons de sa décision.
Nous nous attendons à ce que l'on applique un crédit d'un jour et demi pour chaque jour passé en détention provisoire quand les conditions de détention sont très mauvaises ou que le procès est retardé indûment en raison de facteurs qu'on ne peut attribuer à l'accusé.
Par contre, lorsqu'un accusé est mis en détention provisoire du fait d'avoir violé l'une des conditions de sa mise en liberté sous caution ou en raison de son casier judiciaire, le crédit se limitera à un jour pour chaque jour passé en détention provisoire. Cette initiative aura pour effet qu'un plus grand nombre de contrevenants devront désormais purger une peine fédérale, soit une peine de deux ans ou plus, comme vous le savez.
Au tribunal, on donne habituellement des explications sur la durée de la peine lors du prononcé de la sentence. Toutefois, les juges ne sont pas strictement tenus d'expliquer sur quoi se fondent leur décision d'attribuer un crédit de détention provisoire. En conséquence, ils ne le font pas systématiquement, ce qui empêche le public de connaître l'étendue et la nature de la détention provisoire. Les gens se demandent pourquoi cette détention permet à un criminel reconnu de recevoir une peine inférieure à ce que le tribunal imposerait autrement. C'est la raison pour laquelle le projet de loi C-25 propose également d'exiger des tribunaux qu'ils indiquent la période d'emprisonnement qui aurait été infligée n'eût été tout temps alloué, le temps alloué ainsi que la peine infligée. Cette exigence donnerait lieu à plus de certitude et de cohérence, et je crois qu'elle rehausserait la confiance du public en l'administration de la justice.
Madame la présidente, les Canadiens nous ont dit très clairement souhaiter une adéquation de la peine et du crime, ce qui passerait par l'élimination de la pratique consistant à accorder systématiquement un crédit double pour la détention provisoire. Le gouvernement est à l'écoute de leurs préoccupations. J'espère que les membres de ce comité le seront également et en tiendront compte.
La présidente : Je vous remercie beaucoup, monsieur le ministre. Nous allons passer à la période de questions.
[Français]
Le sénateur Nolin : J'aimerais offrir mon temps de parole au sénateur Wallace.
[Traduction]
Le sénateur Wallace : Nous sommes très heureux de vous accueillir aujourd'hui. Nous vous remercions de votre présence, monsieur le ministre.
À titre de parlementaires, nous avons la responsabilité d'élaborer les lois. L'appareil judiciaire est là pour les interpréter. Bien souvent, on nous critique en disant que les lois que nous créons sont si vastes et si vagues qu'en fait, ce sont les tribunaux qui finissent par faire les lois. La population craint que cela n'entraîne un manque de confiance envers notre système judiciaire.
J'estime que le projet de loi C-25 fournit des éclaircissements sur la volonté des parlementaires à l'égard du crédit de détention provisoire. Toutefois, il est également nécessaire d'assurer un équilibre entre cette volonté et le pouvoir discrétionnaire des tribunaux, qui doivent aussi, lorsque les circonstances le justifient, avoir la marge de manœuvre qu'il faut pour trouver le juste équilibre afin d'éviter que le système ne soit trop rigide.
Monsieur Nicholson, pourriez-vous nous donner votre opinion au sujet de la façon de trouver cet équilibre et du rôle que cet objectif a joué dans la préparation du projet de loi?
M. Nicholson : Nous avons la responsabilité constitutionnelle de donner des directives, de proposer des mesures législatives. C'est notre responsabilité. Bien entendu, les tribunaux ont la responsabilité d'interpréter et d'appliquer les lois adoptées par le Parlement. Nous donnons souvent des directives. Les peines imposées dans les cas de meurtre au Canada en sont l'un des meilleurs exemples. Pour un meurtre au premier degré, c'est l'emprisonnement à perpétuité. C'est une décision du Parlement. Le gouvernement est ensuite allé plus loin, et même si je n'en faisais pas partie alors, je répète que j'approuve les dispositions qui rendent admissible à une libération conditionnelle avant 25 ans toute personne qui a commis un meurtre.
Nous donnons très souvent des directives. J'ai participé à l'étude de plus de 30 mesures législatives visant à modifier le Code criminel dans les années 1980 et au début des années 1990. Presque chaque fois, nous avons demandé au Parlement de fixer la nouvelle peine maximale. En fait, je me rappelle qu'une fois, l'un de mes collègues m'a demandé pourquoi la peine maximale était fixée à cinq ans. Pourquoi ne pas laisser les tribunaux décider? Peut-être qu'un juge estimerait qu'elle devrait être de sept ou de neuf ans. Pourquoi ne pas prévoir une peine maximale plus élevée? Je lui ai répondu que nous tentions d'apporter des modifications au Code criminel pour qu'il corresponde aux autres textes législatifs et qu'il ne soit pas trop incohérent sur le plan de la gravité des crimes. Comme je l'ai dit, un gouvernement précédent — dont je ne faisais pas partie — a décidé, par exemple, qu'une personne ne serait pas admissible à une libération conditionnelle avant 25 ans. Encore une fois, cela relève du Parlement.
Par ce projet de loi, nous donnons des directives. Comme l'a souligné la Cour suprême du Canada, aucune disposition précise du Code criminel n'aborde la question du crédit de détention provisoire. Nous donnons donc cette directive. En même temps, nous accordons un pouvoir discrétionnaire aux juges. Dans les situations où ils estiment que cela est justifié, ils peuvent accorder un crédit double à une personne. Toutefois, ce que nous proposons aujourd'hui comme règle de base, c'est d'accorder un crédit d'un pour un, et c'est très raisonnable.
Le sénateur Wallace : Vous dites avoir préparé le projet de loi C-25 en tenant compte des autres mesures législatives existantes, pour qu'il soit compatible avec les autres approches. Si nous comparons ce que nous proposons dans le projet de loi C-25 avec ce que font d'autres pays régis par la common law dans le monde, comme l'Australie ou la Nouvelle-Zélande, où nous situons-nous par rapport à ces pays?
Catherine Kane, directrice générale par intérim et avocate générale principale, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice du Canada : Nous avons regardé ce que les autres pays font en ce qui concerne le crédit de détention provisoire. De toute évidence, on reconnaît qu'un crédit peut être accordé, mais nous n'avons trouvé aucun exemple de crédit supérieur à un pour un.
Le sénateur Campbell : Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre. J'ai pour ma part consulté le procureur général de la Colombie-Britannique, Michael de Jong, et il appuie ce projet de loi. Quant à moi, je l'approuve en principe.
En ce qui concerne le paragraphe (3.2), dont le début se lit comme suit : « Le tribunal motive toute décision d'allouer du temps pour la période passée sous garde [...] », serait-il possible d'imposer des critères? Les trois que j'ai à l'esprit sont les suivants : un tribunal ne peut tenir compte du temps passé en détention par une personne en raison d'une infraction à moins qu'il ne l'estime justifié compte tenu de la gravité de l'infraction; le degré de responsabilité de la personne; et troisièmement, tout facteur aggravant ou atténuant lié à la perpétration de l'infraction.
Je propose ces critères parce que cela montrerait le pouvoir discrétionnaire accordé au tribunal et permettrait également au tribunal de traiter tous les cas de manière uniforme. Plutôt que de se demander pourquoi telle décision a été prise, on pourrait examiner ces trois critères.
Qu'en pensez-vous?
M. Nicholson : Il me semble que ce serait toutes des considérations valables, et l'on en tiendrait sans doute compte dans la détermination de la peine de l'individu. Nous sommes restés vagues et avons indiqué que le tribunal doit motiver toute décision d'allouer du temps pour la période passée sous garde et faire inscrire les motifs au dossier de l'instance. Je suis un peu réticent à imposer trop de critères lorsque nous demandons à quelqu'un d'exercer son pouvoir discrétionnaire. Cela dit, il faut respecter certains critères, comme vous le savez. J'en ai parlé dans ma déclaration préliminaire. Encore une fois, on tient compte de ce qui peut se produire, et je crois qu'il est raisonnable de laisser cela ainsi.
Le sénateur Campbell : Je m'inquiète du fait que le paragraphe (3.4) dicte que si le juge n'observe pas les paragraphes (3.2) et (3.3), la peine est toujours valide. Là encore, nous ne saurions pas ce qui explique la décision du juge. Le tribunal a-t-il vraiment l'obligation juridique de motiver sa décision? Selon moi, il s'agit en quelque sorte d'une échappatoire qui permet de se soustraire à la justification.
Mme Kane : Nous tenons à préciser que si le tribunal ne motive pas sa décision, par inadvertance ou faute de temps, la peine est tout de même valide; nous ne voudrions pas qu'il n'y ait pas de peine que les autorités correctionnelles puissent exécuter. Nous nous attendons à ce que le tribunal observe cette disposition, parce que tous les procureurs généraux tiennent à ces modifications. Nous savons qu'au fil du temps, les juges vont en prendre l'habitude, et nous les encouragerons à le faire. Au début, nous voulons que les peines demeurent valides, même si le tribunal ne motive pas toutes ses décisions, comme je l'ai dit.
Nous avons également ajouté une nouvelle formule, un mandat de dépôt, qui attirera l'attention exactement sur ce qui doit être exposé. Ce sera plutôt difficile de ne pas donner tous les détails, c'est-à-dire la période d'emprisonnement qui aurait été infligée, le crédit octroyé, le ratio accordé et la peine infligée, que nous appelons parfois aussi la « peine résiduelle ».
M. Nicholson : Pour répondre à votre question, nous avons aussi inclus cette disposition dans d'autres mesures législatives. Ainsi, si une obligation technique n'est pas respectée, une personne ne pourra pas dire qu'elle n'a pas vraiment reçu une peine de 20 ans et n'a pas été condamnée du tout parce qu'on n'avait pas fourni toutes les précisions nécessaires. C'est la raison pour laquelle nous inscrivons une telle disposition dans le projet de loi.
Le sénateur Baker : En ce qui a trait au dernier point, un juge doit motiver toutes ses décisions pour permettre un examen en appel. On doit connaître les raisons afin de pouvoir aller en appel. Je n'ai jamais entendu dire que de ne pas motiver les décisions ainsi pouvait entacher la validité de la peine infligée par le tribunal. Je me demande quels en seraient les conséquences, en général, puisqu'un juge n'a peut-être pas à justifier une partie importante de la peine imposée, à savoir le crédit octroyé. Vous voudriez peut-être répondre à la question.
Monsieur Nicholson, vous avez la tâche facile avec nos sénateurs. Habituellement, l'atmosphère est beaucoup plus combative.
Le sénateur Angus : C'est simplement un bon projet de loi. Cela ne le dérange pas.
Le sénateur Baker : Je vais vous poser la question que tout le monde se pose. Je doute que vous trouviez, monsieur le ministre, un professeur de droit ou un avocat de la Couronne ou de la défense qui approuve ce projet de loi. Je ne crois pas que nous les verrons à ce comité. Ils n'ont pas comparu devant le comité de la Chambre des communes.
Toutefois, vous avez raison d'affirmer que tous les ministres des provinces veulent voir adopter ce projet de loi. Comment répondriez-vous aux critiques qui pourraient être formulées selon lesquelles les ministres de la Justice et les procureurs généraux des provinces sont les seuls qui sont touchés par ce projet de loi, parce que ce sont leurs institutions qui font l'objet de la myriade de critiques sur les normes mises en place dans les centres de détention et les prisons? Ce ne sont pas les institutions fédérales, mais bien provinciales que l'on critique. Dans presque tous les procès, on discute des normes qui devraient être appliquées — si l'on devrait octroyer un crédit de deux pour un ou de trois pour un, par exemple — à cause des mauvaises conditions de détention des prisonniers.
Évidemment, ils vont appuyer ce projet de loi pour éviter qu'un juge ne tranche et déclare que ces normes violent les droits des prisonniers garantis par la Charte des Nations Unies et qu'il octroie à l'accusé un crédit de trois pour un ou quatre pour un. Comment répondriez-vous à ces critiques?
M. Nicholson : On dirait que vous dirigez vos critiques vers les procureurs généraux des provinces. J'ai eu l'honneur de présider au moins trois réunions fédérales, provinciales et territoriales des ministres de la Justice; j'ai été très impressionné par leur dévouement à tous les égards et ce, peu importe leur appartenance politique.
Dans ma déclaration préliminaire, j'ai mentionné Dave Chomiak. Lui et moi ne sommes pas membres du même parti politique, mais je connais son engagement. Je peux vous le dire, l'ancien procureur général de la Colombie-Britannique, M. Oppal, m'en a parlé très clairement.
Je crois que ce qui les inquiète, c'est que cette situation est devenue chose courante. Pour un crédit de deux pour un, on ne parle plus de l'endroit où l'individu s'en va; pour obtenir un crédit de trois pour un, on fait valoir qu'il n'aime pas le centre de détention — peu importe où il est situé, on utilise parfois cet argument. Les procureurs généraux affirment que l'octroi systématique d'un crédit engorge nos tribunaux parce qu'il offre un avantage.
Je vais vous donner un exemple. L'ancien procureur général de la Colombie-Britannique, M. Oppal, m'a parlé d'une affaire où l'accusé ne voulait pas demander sa libération sous caution parce qu'il voulait accumuler des points, des crédits, pour le temps qu'il passait en détention provisoire. Sénateur, comme vous et les autres avocats le savez, la première chose qu'un client souhaite, c'est d'être libéré sous caution; c'était le cas, je me rappelle, au début des années 1980. Si c'était impossible, il fallait s'assurer que l'audience ait lieu au plus vite. Les procureurs généraux de toutes les allégeances politiques considèrent que cela doit changer. La dernière fois que je les ai rencontrés, il y a environ un an, ils réclamaient à l'unanimité que nous allions de l'avant. Selon eux, cela va aider l'administration de la justice.
J'ai déjà comparu devant vous à d'autres occasions. Nous avons parlé de l'accès aux tribunaux et de leur engorgement. D'excellents rapports ont été rédigés. En vertu de la Constitution, les procureurs généraux sont chargés de l'administration de la justice. C'est leur responsabilité. Ils disent que si nous voulons améliorer l'accès aux tribunaux, nous devons les désengorger; ils veulent que nous adoptions ce projet de loi. Je dois respecter cela, et je suis certain que vous le respectez vous aussi.
Le sénateur Baker : En ce qui a trait à la libération sous caution, ce que les ministres de la Justice entendent, c'est que l'on ne demande pas de révision du cautionnement. On obtient automatiquement un renvoi sur le cautionnement, à moins que le juge de première instance ait erré en droit ou que les circonstances aient changé de façon radicale. C'est inscrit dans le Code criminel. Je ne vois rien de tel dans le projet de loi.
Manifestement, le crédit de détention provisoire servait à quelque chose. Il n'était pas rare qu'un juge accorde un crédit de trois pour un. Il s'agissait de jugements rendus en fonction des conditions dans lesquelles ces gens étaient détenus. Il n'y a rien pour les remplacer. Vous avez fermé la porte; ce n'est pas un crédit et demi pour un. Le projet de loi prévoit que quiconque enfreint les conditions de sa mise en liberté sous caution ne peut avoir droit à ce crédit ou quiconque est en détention provisoire en raison de son casier judiciaire ne peut y avoir droit. Le crédit d'un et demi pour un n'est maintenant accordé qu'à environ 1 p. 100 de la population carcérale.
Qu'est-ce qui peut combler le vide? Cette disposition était inscrite dans le Code criminel et elle indiquait, en termes très simples, qu'un juge pouvait prendre en considération le temps passé en détention provisoire. Maintenant, il n'y a rien pour combler le vide. Vous avez fermé la porte; que faisons-nous maintenant?
M. Nicholson : Je ne dirais pas que nous avons fermé complètement la porte, sénateur. Nous avons bien sûr fixé des limites, mais vous avez vous-même souligné qu'il est encore possible d'octroyer un crédit d'un et demi pour un, et encore une fois, ce que nous faisons n'est pas tellement différent des autres pays. Je pense que c'est le sénateur Wallace qui a demandé ce que les autres pays du Commonwealth font à cet égard, et Mme Kane a souligné que nous n'avons pas d'autres exemples de tribunaux qui accordent des crédits de deux, trois, cinq ni dix pour un, peu importe. En général, on accorde un crédit d'un pour un, s'il y a lieu. Je crois que c'est très raisonnable. Nous nous assurons surtout de maintenir la confiance de la population à l'égard du système de justice pénale. C'est une partie importante de ce que nous faisons.
Il se pourrait que le juge dise à l'auteur d'un crime horrible qu'il condamne à une peine de cinq ans : « Comme vous avez passé 18 ou 20 mois en détention présentencielle, vous ne resterez qu'un an en prison ». C'est ce que beaucoup craignent, et moi aussi. Voilà la raison d'être du projet de loi.
Le sénateur Milne : Bonjour, monsieur le ministre. Heureux de vous revoir. J'ai cru comprendre que les témoins du comité de l'autre chambre ne croyaient pas en l'efficacité de ce projet de loi. Ne serait-il pas plus efficace de remédier à la pénurie de juges et de substituts du procureur général ou de financer comme il se doit le système d'aide juridique?
M. Nicholson : Encore une fois, le plus grand nombre des infractions commises au pays relève des procureurs des provinces. Ce n'est pas moi qui les nomme, et l'administration de la justice est du ressort des provinces. Je pense m'être déjà présenté devant votre comité pour annoncer une augmentation du nombre de juges de cours supérieures, qui sont nommés par le gouvernement fédéral.
Pour revenir aux observations que j'ai faites au sénateur Baker, sur deux ou trois réunions que j'ai eues avec les ministres provinciaux et territoriaux de la justice et que j'ai présidées, mes homologues m'ont affirmé, à l'unanimité, que la nouvelle loi faciliterait l'administration de la justice dans leur province ou leur territoire. Comme vous pouvez vous l'imaginer, il est très difficile, dans ce pays, de mettre tout le monde d'accord sur une question. Or, c'était le cas. Ils m'ont dit d'aller de l'avant, que ça aiderait à désengorger les tribunaux et que ça contribuerait beaucoup à une utilisation plus efficace de leurs ressources.
Inutile de vous dire que ça coûtera cher aux provinces et aux territoires. Comme c'est une dépense majeure, on nous demande de maintenir le cap. Je respecte cette position et je les crois sur parole. Ils sont chargés de l'administration de la justice, et je crois que leurs inquiétudes sont tout à fait sincères.
Le sénateur Milne : Je crois que la nouvelle loi augmentera les durées d'incarcération, ce qui, en fin de compte, coûtera plus cher à tous.
Ma deuxième question concerne le point suivant : dans l'autre chambre, le Conseil canadien des avocats de la défense aurait signalé que, par exemple, au Yukon, des femmes sont souvent codétenues d'hommes. Elles ont moins accès qu'eux à toutes sortes de programmes ou aux services de réhabilitation. Je vous félicite d'avoir assoupli le projet de loi, jusqu'à compter un crédit d'une journée et demie pour chaque journée de détention présentencielle. Selon vous, les femmes seront-elles désavantagées?
M. Nicholson : Dans les provinces et les territoires, on me dit qu'on disposera effectivement de plus de ressources, y compris d'argent, si les centres de détention provisoires ne sont pas engorgés par des personnes recevant ce crédit. Le message que je reçois est unanime. Si moins de personnes sont en détention provisoire, en raison de la suppression du double crédit pour la durée de leur détention présentencielle, on se trouve réellement en meilleure posture pour héberger les gens, leur fournir le type d'installations qu'ils veulent.
À mon avis, adoptons le projet de loi, et, sur ce point, je les prends au mot. On me dit que ce sera une amélioration majeure.
Le sénateur Milne : Les prisons seront encombrées.
Qu'en sera-t-il des Autochtones? Apparemment, le nombre d'Autochtones adultes admis en détention provisoire a augmenté de 23 p. 100 entre 2001 et 2007, alors que le nombre total de personnes en détention provisoire a augmenté de 14 p. 100. Les Autochtones seront-ils désavantagés? Nous jouons le rôle de conseillers, mais nous sommes en train d'accorder un pouvoir discrétionnaire aux juges. Encore une fois, je trouve que c'est une réponse très sensée à la problématique.
Le sénateur Nolin : Monsieur le ministre, quelle est la teneur exacte de l'accord que vous avez conclu avec vos homologues des provinces au cours de deux réunions qui ont eu lieu en 2006 et en 2007? Était-ce sur un crédit d'une seule journée ou d'une journée et demie pour chaque journée de détention présentencielle?
M. Nicholson : Merci de votre question. C'est vous qui parlez d'« accord ». C'était une incitation qu'ils ont adressée à mon collègue de la Sécurité publique et à moi-même en 2007 et en 2008. Leurs avis étaient quelque peu partagés : certains voulaient un crédit d'une journée, d'autres un crédit d'une journée et demie pour chaque journée de détention présentencielle. Nous nous sommes entendus sur la règle générale suivante : une journée de crédit pour chaque journée de détention présentencielle et, exceptionnellement, une journée et demie. C'était un peu un compromis entre toutes les idées qui m'avaient été proposées. Ce n'était pas un accord avalisé par toutes nos signatures à la fin de la conférence. C'étaient des observations et des propositions qui m'ont été faites à moi et au ministre de la Sécurité publique au cours des deux dernières réunions que nous avons tenues.
Le sénateur Milne : Je reviens à ma deuxième question. Certaines de ces circonstances particulières ne comprendraient-elles pas les conditions de détention, par exemple celles des femmes au Yukon?
M. Nicholson : Bien sûr. Ce serait un très bon exemple. Encore une fois, je ne connais pas très bien ce qui se passe dans les établissements du Yukon, mais la situation, telle que vous me la présentez, pèserait dans la balance, j'en suis convaincu.
Le sénateur Angus : Bonjour, monsieur le ministre. Toutes mes félicitations pour ce projet de loi. Je veux vous poser deux ou trois questions qui font suite à celles du sénateur Nolin, relativement à l'adéquation de la peine et du crime, notion à laquelle on fait souvent allusion quand on parle de ce projet de loi.
J'ai l'impression que nous avons tendance à sous-estimer la confusion qui existe dans le public sur la détermination de la peine et sa longueur prévisible, confusion qui existe également chez les avocats d'expérience. Pour moi, essayer de comprendre comment la peine est déterminée, c'est beaucoup comme essayer de comprendre comment les tarifs aériens sont calculés. Or, j'ai siégé au conseil d'administration d'Air Canada.
M. Nicholson : Sénateur, je préfère éviter ce sujet.
Le sénateur Angus : J'y ai siégé 19 ans et je n'ai jamais rien compris à ces calculs. J'ai pratiqué le droit pendant 47 ans et je ne réussis pas à prédire comment les peines sont déterminées. Quand je compare les infractions, je suis incapable d'en déduire une règle. Il me semble que cette question est absolument déterminante.
Mon intervention concerne des peines plus faciles à comprendre et à prévoir. Est-ce la principale raison d'être du projet de loi ou, ce projet de loi a-t-il été proposé parce que les personnes en détention présentencielle tendent à être des délinquants plus dangereux et que nous essayons de régler leurs cas?
M. Nicholson : Ce n'est pas qu'une seule chose. Assurément, le projet de loi a pour but, entre autres, de donner confiance aux Canadiens dans le système de justice pénale. Dans les situations que j'ai évoquées, le double ou le triple crédit accordé aux auteurs de crimes horribles pour la durée de leur détention présentencielle nuit à l'administration de la justice. On parle de projet de loi sur l'adéquation de la peine et du crime. Effectivement, c'est une partie de sa raison d'être.
J'ai beaucoup de sympathie pour les procureurs généraux des provinces qui se plaignent de l'engorgement de leurs tribunaux. En d'autres comparutions devant des comités, on m'a demandé d'expliquer ce que je faisais pour doter les tribunaux de ressources suffisantes. En deux ou trois occasions, au moins, tous les procureurs généraux des provinces m'ont rappelé qu'ils étaient chargés de l'administration de la justice en vertu de notre Constitution et ils m'ont assuré que la nouvelle loi les aiderait beaucoup à désengorger les tribunaux et à affecter des ressources à d'autres besoins dans le système de justice. Je crois que c'est vrai.
Encore une fois, ce n'est pas l'opinion de procureurs généraux qui partagent mes convictions politiques; c'est l'opinion des tenants de toutes les tendances politiques au pays, qui me supplient d'agir. Je les crois sur parole et je crois que la loi aura un effet bienfaisant.
Le sénateur Angus : Il me semble que cela fera bondir les coûts fédéraux d'administration de la justice et de prise en charge des prisonniers, et cetera. Avez-vous une idée des coûts supplémentaires que ça entraînera?
M. Nicholson : Mon collègue de la Sécurité publique m'a assuré que nous pouvions absorber les conséquences de cette mesure. J'ai pleine confiance en lui. Nous n'effectuons pas cette analyse nous-mêmes. C'est une question de sécurité publique, et le ministre m'a assuré que nous avions la capacité de nous en occuper.
La présidente : Nous avons invité le ministre de la Sécurité publique à venir témoigner justement parce que nous savions que l'on soulèverait ces questions.
Le sénateur Watt : Je vais essayer de restreindre le champ de mes questions même si, outre la teneur du projet de loi, j'ai un certain nombre de motifs d'inquiétude.
Les communautés autochtones ont-elles été consultées sur cette question?
M. Nicholson : Encore une fois, je n'ai pas mené d'audiences d'un bout à l'autre du pays. J'ai consulté tous les procureurs généraux des provinces et les dirigeants des territoires, et c'est eux qui m'ont communiqué des mémoires sur le projet de loi. Pendant nos consultations avec eux, nous avons révélé au public qu'elles avaient lieu et nous avons fait savoir que nous étions prêts à passer à l'action sur ces questions.
La présidente : Monsieur le ministre, pourriez-vous demander aux fonctionnaires de votre ministère de nous fournir les résultats disponibles des comparaisons qu'ils ont faites avec les régimes en vigueur à l'étranger? Ces renseignements pourraient figurer dans notre rapport si nous pouvions constater des différences fondamentales. Par exemple, si je comprends bien, l'Australie ou la Nouvelle-Zélande tient compte de la durée de détention présentencielle non pas au moment du prononcé de la sentence, mais au moment de la libération conditionnelle. Ce mécanisme intéressant pour certains, pourrait être vu par d'autres comme pouvant avoir un effet sur la méthode d'évaluation du système. C'est une simple demande. Tout renseignement nous sera évidemment très utile.
M. Nicholson : Nous serons heureux de vous transmettre tout ce que nous possédons sur cette question.
La présidente : Pour revenir à la question que je voulais poser, je ne comprends pas l'argument au sujet du désengorgement des tribunaux. Je me demande si les tribunaux ne consacreront pas davantage de temps aux enquêtes sur le cautionnement. Comment, dans ce cas, obtenons-nous le résultat recherché?
M. Nicholson : Les procureurs généraux des provinces m'affirment que les personnes en détention présentencielle, sachant que, automatiquement, elles obtiennent un double crédit pour la durée de cette détention, prennent tout leur temps avant de faire instruire leur dossier. Cela augmente le nombre de renvois.
Au début des années 1980, alors qu'il n'y avait aucun avantage à rester en détention présentencielle, le dossier de l'individu pouvait connaître un ou deux renvois, puis on faisait inscrire l'affaire au rôle, pour instruction ou plaidoyer. On me dit que les renvois beaucoup plus nombreux sont la règle générale. Je sais très bien que ces individus ne cherchent pas tous à profiter d'un crédit double ou triple pour la durée de leur détention présentencielle et qu'ils peuvent avoir un certain nombre d'autres raisons. Le système de justice pénale a changé au fil des ans, mais tout le monde s'accorde à dire que les ressources provinciales sont fortement sollicitées.
Le sénateur Baker : Madame la présidente, votre argument au sujet de l'engorgement des établissements provinciaux était excellent. Ce que le ministre nous dit, c'est que les établissements provinciaux seront désengorgés, mais les établissements fédéraux seront engorgés parce que, avec une peine de plus de deux ans, le condamné se retrouve dans un établissement fédéral.
La présidente : Je m'intéressais davantage aux tribunaux qu'aux établissements. Le ministre m'a répondu pour ce qui concerne les tribunaux.
Le sénateur Baker : Pas vraiment, madame la présidente. C'est pourquoi ma deuxième question portera sur les tribunaux.
Monsieur Nicholson, nos tribunaux possèdent des règles de procédure. Ils ont la gestion des dossiers. Quinze jours avant la tenue du procès, les arguments fondés sur la Charte doivent être connus. Certes, nous ne critiquons personne pour ces arguments alléguant des infractions à la Charte canadienne des droits et liberté. Nous ne considérons pas ça comme un moyen de retarder délibérément les procès. Ce n'est évidemment pas ce que nous prétendons.
Quelles seraient les autres causes de retard d'un procès? Les fonctionnaires de votre ministère pourraient sans doute nommer certaines des méthodes utilisées par les avocats de la défense pour retarder un procès si ce n'est pas pour atteinte à la Charte canadienne des droits et liberté.
Les règles de procédure sont établies par chaque province. Elles sont assez semblables d'une province à l'autre, mais elles diffèrent sur de nombreux points. Si, assurément, il y a engorgement du système, il faut s'en prendre aux règles des tribunaux et éviter de mettre en péril le système de justice, ce que fait, selon certains, le gouvernement avec ce projet de loi.
M. Nicholson : Je ne pense pas que les gens croient que nous mettons en péril d'une façon ou d'une autre le système de justice. Encore une fois, il est rare d'obtenir un appui unanime pour nos projets.
Pour répondre à votre question, je dirais que les retards trouvent de nombreuses causes. Comme je vous l'ai dit, les procureurs généraux des provinces et des territoires incriminent unanimement la norme du double crédit accordé pour le temps passé en détention présentencielle. C'est certainement l'une des causes.
Sur la question de l'efficacité, vous parlez à un converti. Comme vous le savez, j'ai piloté un projet de loi sur l'efficacité qui m'a coûté dix années de difficultés. Nous avons un projet de loi en marche et nous caressons d'autres projets. Je sais qu'il y a des projets au niveau provincial. Les provinces prennent la question très au sérieux, et je dois faire de même. Les procureurs généraux des provinces m'ont dit : « Voilà ce que vous devez faire pour nous aider à désengorger nos tribunaux ». Je devais prendre au sérieux leur unanimité. Encore une fois, je n'ai jamais douté de leur sincérité à cet égard.
Le sénateur Baker : Autrement dit, il y aura encore plus de plaidoyers de culpabilité.
M. Nicholson : Pas nécessairement. Ceux qui se croient innocents saisiront l'occasion. Nous ne voulons pas paralyser artificiellement le processus en maintenant le double crédit pour la durée de détention présentencielle. C'est une mauvaise idée. Nous devons faire quelque chose à cet égard.
Le sénateur Wallace : Monsieur le ministre, toutes les questions entourant la détermination de la peine et leurs répercussions sur le système de justice et les tribunaux ainsi que les centres de détention sont évidemment d'une importance vitale, mais, pour le grand public, je crois que le rôle prépondérant de la peine est de protéger le mieux notre société et nos concitoyens. Sur ce point, quelles observations pourriez-vous faire à l'égard du projet de loi C-25?
M. Nicholson : Le projet de loi fait partie d'un ensemble plus vaste d'initiatives. Je suis convaincu que les initiatives proposées sont dans le meilleur intérêt du public pour la protection des personnes et la défense des victimes et des honnêtes citoyens. Je suis convaincu que nous sommes sur la bonne voie.
Un certain nombre de mesures, et, assurément, le projet de loi en fait partie, augmenteront la confiance, je l'espère, dans le système de justice pénale. Il s'agit-là de l'une des marques essentielles ou absolues qui, dans notre système politique, permet de mesurer le degré de réussite de notre société. Voulez-vous savoir si une société, n'importe où dans le monde, est épanouie? Voyez le respect qu'elle voue à la primauté du droit. Là où prime le droit, la société est prospère. Nous devons être vigilants pour faire en sorte que les institutions politiques et le système de justice soient respectés. Nous devons agir dans toute la mesure de nos moyens pour que le système de justice criminel soit mieux perçu et inspire confiance. Le projet de loi, qui va assurément dans ce sens, apporte l'avantage supplémentaire de soulager les ressources des provinces et de désengorger nos tribunaux. En outre, il jouit de l'appui général qui m'a été manifesté par les autres gouvernements chargés, par la Constitution, de l'administration de la justice.
La présidente : Merci beaucoup monsieur le ministre ainsi que madame Kane et monsieur Villetorte. Nous vous sommes très reconnaissants. Vos témoignages sont toujours édifiants.
Lynn Barr-Telford, directrice, Centre canadien de la statistique juridique, Statistique Canada : Je vous remercie de l'occasion que vous m'accordez de venir témoigner sur le projet de loi C-25. Statistique Canada ne prend pas position sur les modifications visant à limiter le crédit accordé pour la durée de la détention présentencielle ou provisoire. Nous ne possédons actuellement pas de données sur la façon dont les juges appliquent ce crédit aux sentences qu'ils prononcent. En conséquence, nous ne pouvons pas parler spécifiquement de ces décisions.
L'adoption du projet de loi C-25 permettrait de modifier le Code criminel en exigeant l'inscription, dans le dossier de l'instance, des renseignements relatifs au crédit accordé pour la durée de la détention provisoire.
Dans notre présentation, nous utilisons les données de notre programme des Services correctionnels pour montrer les tendances de la détention provisoire dans les établissements de correction pour adultes et les données de notre Enquête sur les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes pour montrer l'évolution de la durée des peines et de la nature des affaires judiciaires au Canada. Toutes les sources de données sont clairement indiquées sur les diapos, de même que toutes les notes pertinentes relatives aux données. Nous avons aussi ajouté des renseignements supplémentaires à la fin du dossier, au profit du comité. Vous trouverez notamment des tableaux qui correspondent aux figures utilisées dans la présentation. Nous avons également distribué un exemplaire d'articles parus récemment dans Juristat.
Mes collègues, Mme Kong et M. Grimes, m'accompagnent pour m'aider à répondre à toutes vos questions. Veuillez passer à la page 2 de la présentation.
Depuis le début des années 1990, plus d'adultes ont été admis en détention en milieu provincial ou territorial alors qu'ils étaient en attente d'un procès ou du prononcé de la sentence qu'après condamnation. Les établissements en question accueillent les personnes en détention provisoire et les condamnés à une peine de deux ans moins un jour. En 2007-2008, plus de 128 800 adultes ont été admis en détention provisoire en milieu provincial ou territorial, contre 59 400 admis après condamnation. De 1998-1999 à 2007-2008, le nombre d'admissions en détention provisoire y a augmenté de 37 p. 100. En revanche, les admissions en détention après condamnation y ont diminué de 19 p. 100. Depuis 1998-1999, les admissions en détention provisoire ont augmenté dans tous les territoires et provinces sur lesquels nous possédons des données sur les tendances, sauf la Saskatchewan. Une explication serait que cette province s'est dotée de programmes de surveillance des personnes en liberté sous caution. En revanche, les admissions à la détention après condamnation ont diminué partout, sauf au Nouveau-Brunswick et en Colombie-Britannique.
Dans la diapo suivante, page 3, on voit qu'en un jour donné, dans un établissement provincial ou territorial, les adultes qui attendent la tenue de leur procès ou le prononcé de leur sentence sont plus nombreux que les adultes purgeant leur peine. Dans la diapo précédente, on a montré le nombre d'admissions à la détention provisoire. Les admissions représentent le flux de personnes arrivant dans les Services correctionnels. Tout adulte admis dans un établissement ou assujetti à la surveillance communautaire devient une statistique. La présente diapo, qui montre le nombre moyen de détenus en un jour donné, est un instantané de la population pénitentiaire. En n'importe quel jour donné de 2007-2008, on y comptait 12 800 adultes en détention provisoire contre 9 500 en détention après condamnation. Les premiers sont quatre fois plus nombreux qu'en 1983-1984 et deux fois plus qu'en 1998-1999. De 1998-1999 à 2007-2008, leur nombre a augmenté dans tous les territoires et provinces. Dans le même temps, le nombre d'adultes détenus après condamnation a diminué de 27 p. 100 depuis 1983-1984 et de 21 p. 100 par rapport aux 10 années antérieures. La population journalière moyenne en détention provisoire a diminué partout au cours des 10 dernières années, sauf dans l'Île-du-Prince-Édouard et au Québec.
Dans la diapo suivante, page 4, nous pouvons voir que dans tout le pays, en 2007-2008, les adultes en détention provisoire étaient en proportion plus nombreux dans les établissements provinciaux et territoriaux que 10 ans auparavant. Notons que, en 2007-2008, 69 p. 100 des adultes détenus au Manitoba l'étaient en détention provisoire, tandis qu'en Ontario et en Alberta leur proportion était d'un peu plus de 60 p. 100.
Le graphique suivant montre que, pendant la dernière décennie, la durée de détention provisoire a augmenté. Entre 1998-1999 et 2007-2008, la proportion d'adultes ayant passé une semaine ou moins en détention provisoire a diminué, passant de 59 à 53 p. 100. L'allongement de la détention provisoire est un facteur clé de l'augmentation du nombre d'adultes en détention provisoire.
En revanche, la durée de détention après condamnation, dans les établissements provinciaux et territoriaux, a diminué. La diapo 6 montre que, en 1998-1999, environ 19 p. 100 des condamnés relâchés avaient passé un à sept jours en détention. Une décennie plus tard, ils étaient 28 p. 100. Nous avons vu que la durée médiane de détention après condamnation dans un établissement provincial ou territorial avait diminué, principalement en Ontario, au Manitoba, en Colombie-Britannique et au Yukon.
Si nous ne possédons pas de données sur la façon dont les juges allouent un crédit pour la durée de détention, nous avons toutefois observé une évolution dans la détermination de la peine dans les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes. Cette évolution peut refléter celle que nous avons observée dans les données sur le secteur correctionnel : recours accru à la détention provisoire; augmentation de la durée de détention provisoire; diminution de la durée de la détention après condamnation dans les établissements provinciaux et territoriaux.
Le graphique de la page 7 montre une diminution dans la série de peines prononcées après condamnation dans les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes. L'évolution la plus spectaculaire touche les peines d'une durée d'un mois ou moins. Leur proportion a commencé à augmenter en 1999-2000. Depuis 2000-2001, elles représentent plus de 50 p. 100 des condamnations à la détention. Dans le même temps, la proportion de condamnations à une peine d'un mois à 12 mois diminue. La proportion de causes donnant lieu à des condamnations plus longues (plus de 12 mois à moins de 24 mois et 24 mois ou plus) est restée presque constante depuis 1997-1998.
Sur la diapo suivante, cette évolution vers des peines plus courtes est évidente, notamment lorsqu'un crime contre les biens était le chef d'accusation le plus grave contre le condamné. Depuis 2002-2003, la proportion de procès pour crime contre les biens donnant lieu à une peine de détention d'une durée d'un mois ou moins est plus élevée que la proportion de causes donnant lieu à des peines de plus d'un mois à 12 mois.
Sur la diapo suivante, on voit que les crimes violents ayant donné lieu à des peines de détention ont continué d'être davantage passibles de peines d'un mois à 12 mois que d'une peine plus courte, d'un mois ou moins. Cependant, l'écart a diminué depuis 1999-2000, ce qui porte à croire en une tendance vers des durées de détention plus courtes. Bien que ce graphique ne le montre pas, si la durée des peines de détention a, dans l'ensemble, diminué, nous avons vu que le recours à la détention, comme moyen de sanction, est resté relativement stable.
Récapitulons : jusqu'ici, nous avons vu que le recours à la détention provisoire est en augmentation et que la durée de détention provisoire augmente également. Dans le même temps, les admissions à la détention après condamnation ont diminué, tout comme la durée des détentions après condamnation.
On trouve, dans le Code criminel, l'énumération des motifs de détention provisoire d'un accusé : si on démontre qu'il risque de prendre la fuite; si on estime qu'il pose un danger pour lui-même ou pour d'autres; si on veut maintenir la confiance dans l'administration de la justice.
Beaucoup de facteurs pourraient expliquer le recours accru à la détention provisoire et à l'augmentation de la durée de cette détention. Nous ne pouvons pas nommer avec certitude les causes de ces tendances. Divers facteurs pourraient probablement jouer, notamment l'évolution des lois régissant la durée des peines et la détention provisoire, les facteurs reliés aux personnes accusées, l'évolution du taux de criminalité, la durée plus longue des procès.
Nous pouvons examiner les types d'infractions pour lesquels les accusés sont admis à la détention provisoire, dans les provinces et territoires sur lesquels nous possédons des données et nous pouvons voir si les tribunaux sont saisis plus souvent de ces types d'infractions. Nous pouvons également chercher à savoir si le traitement des cas dans les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes a subi des changements.
À la page 10, on peut voir que près du tiers des adultes admis en détention provisoire sont détenus pour des crimes contre la personne, le quart sont détenus pour des crimes contre les biens, et un autre quart sont détenus pour des infractions contre l'administration de la justice. Par infractions contre l'administration de la justice, on entend la violation des conditions de la liberté sous caution, le manquement aux conditions de la probation, le défaut de comparution, l'évasion d'un lieu de détention, l'entrave au travail d'un agent de la paix, et les prisonniers illégalement en liberté.
À la prochaine diapositive, on constate qu'en 2007-2008, 13 types d'infractions représentaient 70 p. 100 des détentions provisoires dans les secteurs de compétence sondés. Ce sont les infractions les plus graves pour lesquelles des individus ont été envoyés en détention provisoire. Les violations des conditions de la liberté sous caution et les manquements aux conditions de la probation représentaient à eux seuls 20 p. 100 des admissions.
D'après les données des services correctionnels, près de 80 p. 100 des personnes en détention provisoire ont été admises pour des crimes violents, des crimes contre les biens ou des infractions contre l'administration de la justice. Les données de l'enquête sur les tribunaux nous montrent le nombre de causes entendues comportant ce genre d'infractions et leur évolution au fil des ans.
À la diapositive 12, on constate qu'une grande proportion des causes présentées devant les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes correspondent aux données recueillies sur les détentions provisoires. En 2006-2007, 32 p. 100 des causes comportaient des crimes contre les biens, 32 p. 100 des crimes violents et 33 p. 100 comportaient des infractions contre l'administration de la justice. On remarque très bien à la page 12 l'augmentation des causes entendues comportant des infractions contre l'administration de la justice. Bien que le diagramme ne l'indique pas, les données sur le maintien de l'ordre montrent une forte hausse des manquements aux obligations imposées par une ordonnance.
L'évolution des causes comportant des infractions prévues à l'article 145 du Code criminel témoigne également de la hausse des infractions contre l'administration de la justice. Ce sont des causes comportant au moins une omission de se conformer à une condition d'une promesse. Ces infractions sont directement touchées par la loi proposée. Le projet de loi C-25 limite le crédit de détention provisoire à un jour pour un jour pour les détenus qui violent les conditions de leur liberté sous caution.
Vous pouvez voir à la diapositive 13 qu'il y a une hausse du nombre et de la proportion des causes comportant une de ces infractions. Le nombre d'adultes accusés d'au moins une de ces infractions est passé d'environ 48 000 à quelque 58 000, soit une augmentation de 20 p. 100.
La nature des causes judiciaires devant les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes a également changé. Vous trouverez un résumé de cette évolution à la page 14. Les données démontrent que les causes entendues par les tribunaux ne sont plus les mêmes qu'il y a une dizaine d'années. Si le nombre de causes réglées a fléchi, le nombre d'accusations a augmenté. Les causes à accusations multiples sont aussi en hausse, de même que le temps de traitement des causes.
Nous ne pouvons pas établir de lien direct entre l'évolution de la nature des causes et les tendances observées dans les données sur les détentions provisoires au cours des 10 dernières années. La complexité et le temps de traitement des causes ne sont que quelques facteurs qui peuvent influer sur les tendances en matière de détention provisoire.
Jusqu'à présent, nous avons vu une augmentation du nombre de détentions provisoires, une hausse du temps passé en détention provisoire, une baisse du temps passé en détention après condamnation, et une évolution de la nature des causes entendues par les tribunaux pour adultes. Pour un certain nombre de secteurs de compétence, nous pouvons également voir ce qui arrive aux détenus après leur libération de la détention provisoire, c'est-à-dire leur statut dans les 24 heures suivant leur libération.
Si vous examinez le tableau à la page 15, vous remarquerez que 3 p. 100 des détenus libérés de la détention provisoire ont ensuite été admis en détention en milieu fédéral, 30 p. 100 ont été admis en détention en milieu provincial ou territorial, et 21 p. 100 ont eu une peine à purger dans la collectivité. Dans tous les secteurs de compétence montrés dans ce tableau, et pour une proportion notable des libérations, la période de surveillance du Service correctionnel du Canada a pris fin immédiatement après la libération.
Bien des facteurs pourraient expliquer ces données. Il peut s'agir d'adultes qui, par exemple, ont été mis en liberté sous caution non supervisée, ont été déclarés non coupables, ont vu leurs accusations suspendues, retirées ou rejetées, ou qui ont été relâchées en raison du temps passé en détention provisoire. Dans cette enquête, les raisons de la libération n'ont pas été compilées. Comme vous pouvez le voir dans le tableau, toutefois, le temps médian passé en détention provisoire est beaucoup plus court pour les personnes pour lesquelles la période de surveillance correctionnelle a pris fin après leur libération de la détention provisoire, que pour celles qui ont été admises en détention après condamnation ou qui ont purgé leur peine dans la collectivité.
À la dernière diapositive de notre présentation, à la page 16, on vous présente un portrait théorique de la façon dont les admissions en détention après condamnation, selon la durée de la détention, pourraient être influencées par la modification du crédit de détention provisoire. Il ne s'agit pas de données réelles, mais d'une simple illustration fondée sur des hypothèses et des données tirées de certains secteurs de compétence. Comme nous l'avons indiqué, nous ne disposons pas de données réelles sur le nombre de crédits de détention provisoire accordés par les tribunaux.
Les premières colonnes (en bleu clair) montrent, par durée de la période de détention, le nombre d'admissions où la détention provisoire a été suivie directement de la détention après condamnation. Si on suppose qu'un crédit du double au simple a été accordé dans tous les cas, on peut donc estimer la durée de la détention en fonction de crédits différents et ainsi calculer le nombre d'admissions.
On peut donc voir sur cette diapositive ce que serait en théorie le nombre d'admissions en détention après condamnation, par durée de la détention, selon différents scénarios. Ces hypothèses montrent un virage vers des détentions après condamnation plus longues. À critères égaux, selon un crédit de détention provisoire d'un jour pour un jour, le nombre d'admissions en détention d'une durée de un mois ou moins aurait diminué de 47 p. 100, tandis que le nombre d'admissions en détention d'une durée de un à trois mois aurait connu la plus forte augmentation, soit 66 p. 100. Le nombre d'admissions en détention en milieu fédéral aurait augmenté le moins, soit de 11 p. 100. Environ 1 p. 100 des personnes détenues en milieu provincial ou territorial selon la pratique courante acceptée seraient passées en détention en milieu fédéral.
Pour les personnes qui ont passé du temps en détention provisoire et qui ont été admises en détention en milieu fédéral en 2007-2008, on estime que leur période de détention aurait été majorée de 176 jours, soit un peu plus de cinq mois.
En résumé, la présentation nous a montré une utilisation accrue de la détention provisoire au Canada, des détentions provisoires plus longues, et des peines d'emprisonnement plus courtes imposées par les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes.
Le sénateur Nolin : Au dernier paragraphe de votre résumé, à la page 12 de l'article de Juristat, intitulé « Tendances de la détention provisoire dans les services correctionnels pour adultes et de la détermination de la peine », vous établissez des parallèles semblables à ceux que vous venez de faire dans votre mot de la fin.
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi les choses sont ainsi, ou êtes-vous ici simplement pour nous donner des chiffres et nous laisser nous-mêmes conclure ce que signifient ces données et ces fluctuations? J'aimerais savoir si vous pouvez nous dire ce qui se cache derrière ces chiffres.
Mme Barr-Telford : Précisons d'abord que les données montrent une augmentation du nombre d'adultes en détention provisoire au Canada.
Le sénateur Nolin : Pensez-vous qu'il y a un lien entre les deux?
Mme Barr-Telford : C'est une conséquence de l'utilisation accrue de la détention provisoire, de même que de l'augmentation du nombre de jours passés en détention provisoire. Différents facteurs donnés dans la présentation et dans l'article pourraient être à l'origine de l'utilisation accrue de la détention provisoire et du prolongement du séjour en détention provisoire.
Les modifications aux lois régissant l'établissement des peines d'emprisonnement, les nouvelles tendances d'utilisation et les nouvelles lois entourant la détention provisoire, et les variations dans le type de causes présentées devant les tribunaux pourraient être des facteurs déterminants. Par exemple, nous avons examiné l'évolution des infractions contre l'administration de la justice. L'article fait également état d'autres facteurs qui pourraient être en cause. Différentes choses viennent retarder le traitement des causes devant les tribunaux. De nombreux éléments pourraient être à l'origine de l'utilisation accrue de la détention provisoire et du prolongement du séjour en détention provisoire.
Le sénateur Nolin : Le ministre croit que le calcul de la peine d'emprisonnement influe sur la durée de la détention provisoire.
Mme Barr-Telford : Les renseignements que nous avons obtenus des tribunaux ne nous donnent pas d'indications précises sur les décisions rendues par les juges à l'égard des crédits de détention provisoire, ni de justification ou de raison pour expliquer ces décisions.
Nous avons toutefois analysé l'évolution des tendances en matière d'application des peines d'emprisonnement dans nos tribunaux au cours de la même période où a été constatée cette nouvelle utilisation de la détention provisoire. Nous avons remarqué que les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes avaient tendance à imposer des peines plus courtes. Quelques-unes des diapositives montrent une hausse des peines d'emprisonnement de un mois ou moins.
Nous établissons des parallèles entre l'utilisation de la détention provisoire et les données obtenues sur les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes. Nous ne disposons pas des décisions elles-mêmes, il est donc difficile d'établir un lien direct de cause à effet. Nous ne pouvons que tirer des conclusions à partir des tendances observées dans les deux groupes de données recueillies.
Le sénateur Nolin : Permettez-moi de vous poser la question autrement. Supposons que les juges au Canada n'auraient pas la possibilité d'appliquer un facteur de multiplication au temps passé en détention provisoire. La durée des peines d'emprisonnement s'en trouverait-elle changée?
Mme Barr-Telford : Je vous invite à consulter la diapositive de la page 16. Vous y trouverez peut-être l'information que vous cherchez.
Il s'agit d'un portrait théorique montrant le nombre d'admissions potentiel en fonction d'un nouveau crédit détention provisoire. Il ne s'agit pas de données réelles. La première colonne du diagramme se rapporte au nombre d'admissions en détention après condamnation pour les personnes qui ont passé du temps en détention provisoire. Supposant qu'un crédit de détention provisoire du double au simple a été accordé à tous les détenus, le tableau montre la diminution du temps de détention après condamnation selon les différents scénarios. La prochaine colonne montre l'écart en fonction d'un ratio de 1,5 pour un, et la troisième en fonction d'un ratio de un jour pour un jour.
Par exemple, pour le scénario de un jour pour un jour, le nombre d'admissions en détention de un mois ou moins aurait chuté de 47 p. 100. À critères égaux, il s'agit de la plus forte diminution selon ces hypothèses...
Le sénateur Nolin : Pour de très courtes peines d'emprisonnement.
Mme Barr-Telford : Vous pouvez également voir le nombre d'admissions théoriques pour les peines de un à trois mois.
Le sénateur Nolin : Toutefois, pour ce qui est des détentions en milieu fédéral, on ne remarque pas vraiment de changement.
Mme Barr-Telford : À critères égaux et selon les hypothèses données, le nombre d'admissions en détention en milieu fédéral aurait augmenté de 11 p. 100. En fonction de la pratique courante, 1 p. 100 des personnes détenues en milieu provincial ou territorial auraient été admises en détention en milieu fédéral.
Le sénateur Joyal : C'est la pression exercée sur le système de justice.
Le sénateur Campbell : Où sont la Colombie-Britannique, le Nouveau-Brunswick et le Manitoba dans ces statistiques? On parle de huit secteurs de compétence. Je ne sais pas quelle est la situation au Nouveau-Brunswick, mais la Colombie-Britannique et le Manitoba ont certainement une importante population carcérale. Pourquoi ne retrouve-t-on pas ces provinces dans les statistiques?
Craig Grimes, analyste principal, Programme des tribunaux, Centre canadien de la statistique juridique, Statistique Canada : Nous tentons de dégager une tendance à long terme. Ces secteurs de compétence n'ont pas commencé à fournir des données dès le début de la période visée par l'enquête sur les tribunaux de juridiction criminelle. La Colombie-Britannique et le Nouveau-Brunswick ont commencé à présenter des rapports en 2001-2002, et le Manitoba a commencé en 2004-2005. Pour dégager une tendance qu'il était possible d'analyser, nous avons dû nous concentrer sur les secteurs de compétence pour lesquels nous détenions toutes les données nécessaires.
Le président : Nous serait-il possible de voir des données plus récentes pour les provinces qui ne sont pas incluses dans votre analyse à long terme?
M. Grimes : Nous pouvons produire une analyse sur cinq ans pour 11 secteurs de compétence.
Le président : Ce serait très intéressant si vous pouviez nous la fournir.
M. Grimes : Je peux préparer des graphiques et des tableaux supplémentaires qui vous fourniraient ces données sur les tribunaux, et je les remettrai au greffier.
Le président : Merci. Évidemment, nous aimerions que ce soit fait pour avant-hier. Nous vous sommes très reconnaissants.
Le sénateur Watt : Est-ce que Statistique Canada tient des registres distincts sur ce qui se passe dans la communauté autochtone?
Rebecca Kong, gestionnaire, Programme des services correctionnels, Centre canadien de la statistique juridique, Statistique Canada : Vous parlez des données sur les Autochtones qui sont admis en détention provisoire?
Le sénateur Watt : Que se passe-t-il dans les centres correctionnels?
Mme Kong : L'appartenance à un groupe autochtone est une des données compilées sur les centres correctionnels. En 2005-2006, d'après une analyse des données sur les personnes admises en détention provisoire, nous avons constaté que les Autochtones y étaient en plus grand nombre.
Le sénateur Watt : Combien de temps les détenus autochtones passent-ils en détention sous garde?
Mme Kong : Je n'ai pas cette information avec moi, mais nous pourrions l'obtenir. Ces données ne sont toutefois pas disponibles pour tous les secteurs de compétence. Ils le sont pour Terre-Neuve, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, l'Ontario et la Saskatchewan.
Le sénateur Watt : Nous n'avons rien pour le Québec, le Nunavut et les Territoires du Nord-Ouest selon les informations que vous nous avez fournies aujourd'hui.
Mme Kong : Non, je suis désolée, nous n'avons pas cette information. Ces provinces et territoires ne participent pas à l'enquête détaillée. Je peux dresser des tableaux supplémentaires d'après les renseignements que nous détenons à ce sujet. Grimes.
Le sénateur Watt : Quel pourcentage de détenus autochtones obtiennent une diminution de peine grâce au crédit de détention provisoire par rapport au reste de la population? Avez-vous des données là-dessus?
Mme Barr-Telford : Vous voulez dire le nombre de jours qui ont été accordés grâce au crédit de détention provisoire?
Le sénateur Watt : Oui.
Mme Barr-Telford : Non, nous ne le savons pas. À l'heure actuelle, la base de données sur les tribunaux ne contient pas d'information sur les décisions rendues à l'égard de la détention provisoire.
Le sénateur Watt : Êtes-vous en mesure de nous fournir davantage d'information à ce sujet?
Mme Barr-Telford : Vous voulez savoir si nous pourrons compiler les motifs des décisions et d'autres renseignements de ce genre?
Le sénateur Watt : Oui, si nous avions ces renseignements, nous pourrions brosser un tableau plus complet de ce qui se passe dans la communauté autochtone.
Mme Barr-Telford : Le projet de loi C-25 prévoit notamment l'inscription de renseignements bien précis au dossier. Ce serait déjà une première étape pour rendre ce genre de renseignements disponibles. Pour le moment, nous mêmes ignorons encore l'étendue des informations qui seraient consignées dans les dossiers des tribunaux. Nous savons toutefois que le projet de loi C-25 exigerait l'inscription de certains éléments au dossier.
M. Grimes : Nous avons inclus le statut d'autochtone dans nos spécifications pour l'enquête sur les tribunaux. Aucun système d'information judiciaire au pays ne consigne cette information. D'ici à ce qu'ils le fassent, il nous sera impossible de fournir ce renseignement. Nous avons mis un mécanisme en place, mais nous attendons encore que nos partenaires juridiques l'utilisent.
Le sénateur Watt : Vous attendez l'information.
M. Grimes : C'est exact.
Le sénateur Baker : Juste avant de poser ma question, je tiens à dire que les témoins ont fait de l'excellent travail et qu'ils nous ont présenté de l'information grandement pertinente.
J'aimerais savoir quel est le pourcentage approximatif des personnes en détention provisoire qui sont déclarées non coupables et qui ne sont pas condamnées à purger une peine d'emprisonnement. Autrement dit, combien de détenus sont déclarés non coupables, combien obtiennent un sursis d'instance judiciaire, et combien voient leurs accusations retirées par la Couronne? Combien de personnes détenues dans ces cellules ne sont reconnues coupables de rien? Y a-t-il moyen de trouver des statistiques à cet égard?
Mme Barr-Telford : Nous ne pouvons pas vous donner de chiffres précis. À l'heure actuelle, les dossiers n'indiquent pas les motifs des décisions ni la corrélation avec la détention provisoire. Ce que nous pouvons faire, et vous le constaterez à la fin de la présentation que nous vous avons remise, c'est de recueillir des informations générales sur les taux de condamnation au pays, notamment les taux de condamnation par type d'infraction. Cependant, il nous est impossible pour le moment d'établir quelque lien que ce soit avec les personnes admises en détention provisoire.
Le sénateur Baker : La dernière fois que vous êtes venue témoigner devant notre comité, je crois que nous avons parlé des accusations de voies de fait. Votre tableau nous montrait que 81 p. 100 des personnes accusées de voies de fait avaient été condamnées. En d'autres mots, 19 p. 100 des accusés ont été déclarés non coupables.
Je pense au nombre de personnes emprisonnées qui ne sont pas condamnées, d'après vos tableaux sur les accusations par rapport aux condamnations, et je me demandais si on ne pouvait pas en conclure que 19 p. 100 des personnes en détention provisoire n'étaient jamais déclarées coupables.
Mme Barr-Telford : Nous ne pouvons pas établir de lien direct entre les deux. Les seules conclusions que nous pouvons tirer, et c'est ce que M. Grimes nous a présenté, par exemple, ce sont les taux de condamnation par type d'infraction, les taux de condamnation en général et l'évolution au fil du temps.
Nous avons ces informations avec nous aujourd'hui, et nous pourrions fournir certains autres renseignements aux membres du comité s'ils le souhaitent.
Le sénateur Baker : En tant que statisticiens, avez-vous déjà vu quelque part que 19 p. 100 des personnes admises en détention provisoire ne sont jamais condamnées?
M. Grimes : Sur l'ensemble des causes entendues devant les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes, 65 p. 100 sont condamnés, ou déclarés coupables; 30 p. 100 voient leurs accusations suspendues, retirées ou rejetées, ou sont libérés; les autres sont acquittés ou voient leur cause réglée autrement.
Le sénateur Baker : Vous nous avez dit que 30 p. 100 des détenus voient leurs accusations retirées par la Couronne ou obtiennent un sursis d'instance judiciaire, ce que l'on retrouve dans la Charte. Autrement dit, ils ne sont jamais déclarés coupables. C'est un nombre astronomique. Seuls 65 p. 100 des détenus sont déclarés coupables des infractions dont on les accuse.
M. Grimes : Et c'est un chiffre qui est demeuré très stable au cours des dix dernières années. On peut aussi ajouter aux accusations suspendues ou retirées les programmes de déjudiciarisation, de même que d'autres mesures de rechange.
Le sénateur Baker : Les programmes de déjudiciarisation sont des programmes qui permettent de diriger les détenus vers des établissements à vocation particulière, en vertu, par exemple, de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Si les détenus complètent leur programme, ils peuvent bénéficier d'une peine d'emprisonnement avec ou sans sursis. Nous n'avons pas de ces tribunaux dans l'Est du Canada, ils sont tous dans l'Ouest.
Le sénateur Campbell : L'Ouest canadien jouit d'une civilisation plus évoluée.
Le sénateur Baker : Nous n'allons pas tenir compte de ce commentaire. N'est-il pas alarmant que 35 p. 100 des personnes accusées ne soient jamais condamnées?
Le président : Je ne sais pas. Ce serait plus alarmant encore si 100 p. 100 des personnes accusées étaient déclarées coupables, si vous voulez mon avis.
Le sénateur Baker : C'est une autre façon de voir les choses.
Le sénateur Angus : Seuls 65 p. 100 sont condamnés.
Le sénateur Baker : C'est incroyable. Alors, les « motifs raisonnables de penser » ne sont peut-être pas aussi raisonnables qu'on ne le croit.
Le sénateur Milne : Ils ont une marge d'erreur de 35 p. 100.
À la page 14 de votre présentation, vous faites le bilan de la dernière décennie et vous constatez que le nombre de causes réglées a fléchi de 10 p. 100, alors que le nombre d'accusations a augmenté de 10 p. 100. Les causes à accusations multiples sont en hausse et leur proportion est passée à 61 p. 100 des causes réglées.
Vous dites que le temps de traitement des causes à accusations multiples est une fois et demie plus long que celui des causes à accusation unique. Avez-vous pu établir une corrélation entre l'augmentation du nombre d'accusations et le temps passé en détention provisoire?
M. Grimes : Si nous ne l'avons pas fait, c'est que les données sur la détention provisoire sont tirées d'une enquête totalement différente. L'enquête sur les tribunaux ne contient pas de données sur les personnes admises en détention provisoire, alors nous n'avons pas pu établir de lien entre les deux. Une étude est en cours à cet égard, mais nous n'avons pas les données avec nous pour pouvoir répondre à votre question maintenant.
Le sénateur Milne : Vous n'avez pas les données, mais quelles sont vos impressions?
Mme Barr-Telford : Nous tâchons de nous en tenir aux données.
Le sénateur Milne : Donc, si on s'en tient aux données, peut-être que vous pouvez nous expliquer le tableau donné à la page 26. Chaque année, on constate que le nombre de causes avec condamnation est plus élevé que la proportion de causes réglées. Comment une personne peut-elle être déclarée coupable si la cause n'a pas été réglée?
M. Grimes : Les colonnes indiquent le nombre de causes avec condamnation, et la ligne montre la proportion de l'ensemble des causes. En 2006-2007, les 194 000 causes avec condamnation représentent 65 p. 100 de l'ensemble des causes devant les tribunaux.
Le sénateur Milne : De l'ensemble des causes, pas seulement des causes avec condamnation. Merci.
Le président : Dois-je donc en conclure qu'une déclaration de culpabilité n'est pas nécessairement synonyme de condamnation? Oh, ça l'est. Merci.
Le sénateur Joyal : Je tiens d'abord à vous répéter que j'apprécie le travail que vous faites. Il est important que vous le sachiez, car je sais que ce n'est pas une tâche facile. Ce que vous faites, vous le faites bien, et nous vous en sommes reconnaissants.
J'aimerais essayer de calculer les coûts rattachés à ce projet de loi d'après le tableau de la page 16. Si on prend le coût moyen d'une journée dans une prison provinciale ou territoriale et le coût moyen d'une journée dans une prison fédérale, et qu'on multiplie le tout par le nombre de jours supplémentaires que chacun des détenus devra purger, on peut avoir une idée approximative des coûts entraînés par ce projet de loi. Est-ce que je me trompe?
Mme Barr-Telford : Hormis le coût moyen par jour par détenu, nous ne possédons pas de données sur les coûts du programme correctionnel.
Le sénateur Joyal : Quels sont les coûts pour les pénitenciers provinciaux, territoriaux et fédéraux?
Mme Barr-Telford : Je crois que nous avons cette information en main.
Mme Kong : J'ai les données de 2005-2006 avec moi. D'après les chiffres en dollars indexés de 1992-1993, les dépenses moyennes quotidiennes étaient de 112 $ pour les établissements provinciaux et territoriaux, et de 204 $ pour les établissements fédéraux.
Le sénateur Joyal : Il s'agit des coûts journaliers?
Le sénateur Baker : Ce sont les chiffres de 1992.
Mme Kong : Nous avons indexé les chiffres de 1992-1993 pour obtenir les données de 2005-2006.
Le sénateur Joyal : Est-ce que ma formule fonctionne? Supposons que je suis le ministre responsable des pénitenciers fédéraux et que je veux savoir quel serait le surplus de population à accueillir en milieu fédéral, étant donné que certains détenus sont actuellement gardés en milieu provincial ou territorial. Je sais qu'il y aura une augmentation de la population carcérale en raison du crédit du double au simple. Je vais ainsi accueillir de nouveaux prisonniers, et certains de mes détenus actuels vont rester incarcérés plus longtemps. Autrement dit, je vais devoir absorber des coûts supplémentaires dans mon budget carcéral.
J'essaie d'inclure les différents éléments de l'équation pour comprendre ce que coûtera ce projet de loi.
Mme Barr-Telford : On s'appuie ici sur des faits présumés. Quand on essaie d'estimer les coûts entraînés par quelconque changement, il faut faire très attention de ne pas tomber dans les présomptions. On présume ici qu'un crédit du double au simple a été accordé à toutes les personnes admises en détention provisoire et condamnées à la détention. Nous n'avons pas les données réelles nous permettant, notamment, de connaître les décisions rendues en ce sens. Il est primordial de comprendre les présomptions que l'on se fait dans un exercice théorique de ce genre.
Le sénateur Joyal : Le témoin précédent nous a dit qu'il s'agissait d'une pratique courante.
Mme Barr-Telford : On constate que les peines d'emprisonnement sont plus longues et que le nombre d'admissions du milieu provincial ou territorial au milieu fédéral est en hausse. Comme vous pouvez vous en douter, nos données n'incluent pas toute la gamme des coûts pouvant être associés à un tel changement. Il s'agit d'une estimation somme toute limitée. Il est important de comprendre les présomptions qui sous-tendent ce genre de calcul.
Le sénateur Joyal : Bien sûr, mais si on se fie au nombre de détenus dans les deux types de pénitencier, on peut avoir un nombre approximatif — X millions de dollars — de que cela pourrait représenter pour le milieu provincial ou territorial et le milieu fédéral.
Mme Barr-Telford : Je me dois aussi d'attirer votre attention sur la portée de ces données bien précises. Certains secteurs de compétence n'y sont pas représentés. C'est un autre important facteur à considérer dans ce genre de calcul. Avec les informations dont nous disposons, et les hypothèses que nous pouvons formuler à partir des données disponibles, c'est la seule notion théorique que nous pouvons fournir au comité. Les données que nous détenons sur les coûts n'incluent pas tous les secteurs de compétence du pays, et elles sont fondées dans les limites des hypothèses que nous avons pu formuler. Peu importe les formules que l'on appliquerait, cela demeurerait toujours des hypothèses.
Le sénateur Joyal : Combien y avait-t-il de détenus l'an dernier dans les pénitenciers fédéraux? Et dans les établissements provinciaux et territoriaux? Avez-vous cette information?
Mme Barr-Telford : Nous avons effectivement un décompte journalier.
Mme Kong : Il y avait 13 304 détenus dans les établissements fédéraux. Pour les établissements provinciaux-territoriaux, il faut retrancher le nombre de détenus fédéraux au nombre total de détenus au pays, qui est de 36 330.
Le sénateur Joyal : Il y en a donc approximativement 23 330. Le ministre de la Sécurité publique aurait assez d'information pour évaluer l'impact de ce projet de loi. Nous disposons de suffisamment de données pour estimer l'augmentation moyenne de ce budget ou du budget provincial concerné.
Mme Barr-Telford : Il est difficile pour moi de répondre au nom du ministère de la Sécurité publique à cet égard.
Le sénateur Joyal : Je veux simplement dire qu'il est possible d'évaluer l'impact du projet de loi avec ce genre d'information.
Mme Barr-Telford : Il est certainement possible de formuler des hypothèses et d'articuler des théories autour d'elles.
Le sénateur Joyal : Au tableau 14, vous indiquez que le temps de traitement moyen des causes, de la première comparution à la décision finale, a progressé de 47 p. 100, passant de 168 à 247 jours.
Avez-vous des statistiques sur les éléments qui ont pu mener à cette hausse du temps de traitement des causes?
Mme Barr-Telford : Nous avons en effet des données sur les facteurs associés à la hausse du temps de traitement des causes. Nous pouvons fournir au comité certains renseignements sur les différents facteurs qui y sont associés, par exemple la tenue d'une enquête préliminaire ou un mandat d'arrêt décerné sur le siège. Nous avons également analysé le temps de traitement des causes par type d'infraction. Nous savons que certains types de causes prennent plus de temps à traiter, et d'autres moins. Nous avons des données à ce sujet et nous pouvons certainement les fournir au comité.
Le sénateur Joyal : Croyez-vous qu'il y ait un lien entre cette augmentation et les statistiques que vous nous présentez à la page 2, à l'effet que les séjours en détention provisoire sont devenus de plus en plus longs au cours des 10 dernières années?
Mme Barr-Telford : Comme je l'ai indiqué, différents facteurs sont associés à la hausse de l'utilisation de la détention provisoire et de la durée des séjours. La complexité accrue des causes entendues par les tribunaux, le nombre d'accusations par cause, les causes à accusations multiples et la hausse du temps de traitement des causes sont quelques-uns des facteurs qui sont peut-être à l'origine des tendances observées. Mais il y en a aussi d'autres : les changements législatifs concernant la détention provisoire pour la détermination de la peine, le changement de statut de l'accusé, la modification de la nature d'une cause entendue par les tribunaux, la modification des types d'infraction, et la modification des infractions contre l'administration de la justice. Les deux facteurs auxquels vous faites allusion peuvent être en cause, comme pourraient l'être plusieurs autres.
Le président : Toutes les informations que vous pouvez nous donner nous seront sans doute utiles. Ce serait apprécié si vous pouviez nous les transmettre d'ici deux semaines, tout au plus, à partir d'aujourd'hui ou, mieux encore, à partir d'hier.
Mme Barr-Telford : Certaines de ces données sont déjà disponibles. Nous tâcherons de vous les communiquer le plus rapidement possible.
Le sénateur Nolin : Au cours de cette même période, nous avons modifié le Code criminel et les procédures de façon à réduire la durée des procès. Le but était d'accélérer le traitement. Je suis persuadé que vous avez les dates auxquelles nous avons modifié le Code criminel. Pouvez-vous faire correspondre cette information avec les données que vous nous fournirez, afin que nous puissions voir quelles répercussions ont eu les modifications qui ont été adoptées au fil des années? Voyez-vous où je veux en venir?
Mme Barr-Telford : Je crois que oui. Nous allons voir si nous pouvons faire correspondre ces données. Vous avez fait mention de modifications législatives, par exemple. Nous savons que des changements ont été faits concernant la détention provisoire à la fin des années 1990.
Le sénateur Nolin : Nous n'envisagions pas une augmentation de 47 p. 100 lorsque nous avons modifié le Code criminel. Ce serait plutôt le contraire.
Le sénateur Wallace : Madame Barr-Telford, cette question fait suite à la question du sénateur Joyal et à votre réponse concernant les autres renseignements que vous pourriez avoir. Nous pourrions tous avoir des idées différentes sur les effets du crédit du double au simple et les répercussions de cette mesure sur la durée de la détention provisoire et le nombre d'accusés concernés.
Dans les renseignements supplémentaires, trouve-t-on des comparaisons par catégorie d'infractions et le temps moyen que l'accusé a pris pour présenter un plaidoyer et choisir son type de procès?
Enfin, pourrait-on avoir de l'information établissant une comparaison au fil des ans sur le nombre d'accusés en détention provisoire qui ont fini par plaider coupable et évité de subir de procès?
Je réalise à quelle conclusion on peut arriver avec ces renseignements et qu'il y a là matière à débat. Mais je crois que ces renseignements nous seraient utiles dans nos délibérations.
Mme Barr-Telford : Dans la dernière question que vous avez posée au sujet du lien entre la détention provisoire et la décision du tribunal, comme M. Grimes l'a fait remarquer, il existe deux bases de données distinctes : celle du système correctionnel, qui comprend de l'information sur les individus qui sont admis ou qui sont en détention provisoire, et celle du système judiciaire, qui contient de l'information sur les affaires et les décisions rendues. Nous n'avons pas actuellement la capacité de faire le lien entre ces deux sources pour voir s'il existe un rapport éventuel.
En outre, nous n'avons pas actuellement de renseignement sur le temps alloué, les raisons pour lesquelles il l'a été, et cetera. Selon le projet de loi C-25, ce type d'information doit figurer dans les dossiers du tribunal. Nous n'avons tout simplement pas directement accès à ce type de renseignements.
Le sénateur Wallace : Pour que tout soit bien clair, je ne cherche pas à connaître les raisons, mais bien à obtenir de l'information sur la durée moyenne de détention par catégorie d'infractions. Je veux savoir combien il a fallu de temps aux accusés pour présenter un plaidoyer et faire leur choix.
Quelles sont les tendances au fil des années? Leur faut-il plus de temps? Nous avons peut-être tous des opinions différentes sur les raisons derrière ces tendances, mais il serait intéressant s'il existait des statistiques à ce sujet.
M. Grimes : En raison de la manière dont l'information est recueillie et conservée, nous n'avons accès qu'au plaidoyer final. Si le plaidoyer initial est par la suite modifié, l'information est écrasée, et il n'est pas possible de recueillir ces renseignements.
En ce qui concerne les plaidoyers, environ 90 p. 100 des personnes déclarées coupables avaient plaidé coupables. Le délai est très court en cas de plaidoyer de culpabilité, soit de 95 jours. S'il y a procès et acquittement, ce délai passe à 267 jours. Cependant, si un accusé plaide coupable, le délai est généralement très court.
Je peux fournir de l'information sur le choix final, mais pas sur le temps qu'il faut pour le faire. Nous pouvons identifier certaines de ces procédures, comme les choix et le type de plaidoyer, qui figurent parmi celles que nous nous efforçons continuellement d'améliorer pour corriger la situation au fil du temps. La question s'est déjà présentée par le passé et il semble que nos partenaires de recherche veuillent s'informer à ce sujet pour déterminer l'efficacité du système de justice.
Le sénateur Wallace : Si vous disposez de renseignements de ce genre qui pourraient nous aider, nous vous saurions gré de nous les transmettre; nous jugerons ensuite de leur pertinence.
Mme Barr-Telford : Dans les renseignements du système correctionnel, nous avons de l'information sur le type d'infraction, l'infraction la plus grave pour laquelle un individu a été mis en détention provisoire et la durée de l'incarcération, si cela peut vous être utile.
Le sénateur Wallace : Cela pourrait nous aider.
Mme Barr-Telford : Nous pouvons vous remettre l'information.
Le sénateur Dickson : Je m'intéresse particulièrement aux infractions liées au monde de la drogue. Quels renseignements précis pouvez-vous fournir concernant la détention provisoire et les décisions rendues concernant ce type d'infractions? Hier, au sein d'un autre comité, nous avons reçu des renseignements troublants au sujet des infractions comme le trafic de la drogue. Je suis très intéressé à savoir comment on traite ces dossiers.
Le président : Ce serait très intéressant.
Le sénateur Nolin : Nous pouvons examiner la question dans le prochain projet de loi.
Le sénateur Milne : J'aimerais savoir si vous avez réuni des statistiques comparant le nombre d'hommes et de femmes en détention provisoire, le nombre d'hommes qui purgent toute leur sentence comparativement au nombre de femmes dans une situation semblable, et le nombre de femmes qui sont en détention provisoire et qui purgent leur peine au complet dans des institutions pénitencières pour hommes, si vous avez ce genre de renseignements.
Le président : Mme Barr-Telford, Mme Kong et M. Grimes, je vous remercie beaucoup. Nos séances sont toujours extrêmement intéressantes lorsque vous témoignez. Nous vous sommes redevables du travail exceptionnel que vous accomplissez.
Mme Barr-Telford : C'est moi qui remercie le comité de nous avoir convoqués.
Le président : Je demanderai à nos nouveaux témoins de passer outre les formalités et d'aller droit au but. Le comité prendra pour acquis que vous êtes heureux d'être ici, que vous représentez vos associations, et cetera.
Jamie Chaffe, président, Association canadienne des juristes de l'État : Lorsque nous avons préparé ces mémoires, nous avons consulté toutes les associations de juristes de l'État provinciales et fédérales pour connaître leur opinion sur l'incidence qu'aurait le projet de loi C-25 sur leur travail quotidien. Ce que nous espérons mettre en lumière, c'est l'opinion des procureurs de première ligne et l'effet de la mesure législative, pour autant que nous puissions le prévoir.
En général, on considère que s'il y a eu augmentation du temps alloué pour la détention avant le prononcé de la peine, c'est en raison de facteurs résultant directement du manque de ressources dans les établissements de détention provisoire, où les détenus se trouvent jusqu'au prononcé de leur peine. Puisqu'habituellement, les conditions de détention de ces établissements ont pour effet d'infliger aux détenus des préjudices indus et puisqu'ils ne peuvent pratiquement pas y bénéficier de programmes de réadaptation, on admet comme principe qu'il faut leur allouer, en guise de compensation, une durée de détention supérieure à la durée réelle lorsque vient le temps de déterminer leur peine. Il importe de reconnaître que le projet de loi C-25 ne s'attaque pas aux racines du problème.
Ceci dit, notre association et les associations des diverses régions du pays se sont efforcées d'analyser les répercussions concrètes dans cinq domaines. Il y a d'abord la motivation à plaider coupable. L'ACJE considère que le projet de loi C-25 réduirait probablement l'avantage qu'a l'inculpé de retarder son procès dans le but de réduire la durée d'incarcération. Dans le cas d'inculpés qui ont l'intention de plaider coupable ou contre qui pèsent des preuves accablantes, le projet de loi C-25 pourrait accélérer la présentation d'un plaidoyer de culpabilité au cours des procédures.
Pour les procureurs de première ligne, l'aspect le plus important serait peut-être l'impact sur la charge de travail, et notre association aimerait formuler des observations à deux égards. La première est la fréquence et la durée des audiences de mise en liberté provisoire.
L'ACJE est d'avis que le projet de loi C-25 augmenterait probablement la fréquence et la durée des audiences de mise en liberté provisoire, et ce, pour deux raisons. Tout d'abord, compte tenu de la réduction du temps alloué pour la détention avant le prononcé de la peine, l'inculpé aurait généralement moins tendance à consentir à sa détention ou à renoncer à son droit à une enquête sur le cautionnement. En outre, si le juge ordonne la détention d'un inculpé principalement en raison d'une condamnation antérieure, le projet de loi C-25 exigerait qu'il inscrive ce motif au dossier de l'instance. Une fois déclaré coupable, l'inculpé ne pourra, en pareil cas, se voir allouer davantage que le temps réel de détention avant le prononcé de sa peine. Par conséquent, on peut s'attendre en toute logique à ce que l'avocat de la défense fasse valoir des arguments à l'étape de l'enquête de cautionnement pour que ses clients soient admissibles à une augmentation du temps alloué pour la détention avant le prononcé de la peine.
Cette question ayant une incidence directe sur la durée de la peine, le projet de loi entraînerait le déploiement d'un arsenal de moyens de défense à l'étape de l'enquête sur le cautionnement. Il faudrait alors augmenter substantiellement la capacité des tribunaux chargés des enquêtes sur le cautionnement ainsi que le temps de préparation des avocats de la défense à cette étape de la procédure. Dans les cas où l'on ne se rend pas jusqu'à l'étape du procès et dans les cas où l'inculpé est acquitté, au terme de son procès, le temps consacré à l'enquête sur le cautionnement en vue de la détermination de la peine constituerait une perte sèche pour le système de justice, qui gaspillerait ainsi une partie de sa capacité. Les tribunaux chargés des enquêtes sur le cautionnement sont déjà manifestement débordés. Il faudrait donc, pour appliquer les modifications au projet de loi C-25, que d'importantes ressources soient injectées dans le système de justice pénal.
Le troisième domaine, qui est également délicat sur le plan des ressources, est celui des effets sur les négociations de plaidoyers et sur la proportion des affaires donnant lieu à un procès. Tel qu'indiqué, le projet de loi C-25 réduirait l'avantage qu'a l'inculpé à retarder son procès dans le but de réduire la durée d'incarcération. Dans toutes les provinces ainsi qu'à l'échelon fédéral, les gens sont d'avis que les inculpés auraient ainsi un motif pour se décider plus rapidement à présenter un plaidoyer de culpabilité ou pour consentir à ce que leur procès commence plus tôt. Selon les régions du pays, on est d'avis tantôt qu'il y aurait un plus grand nombre de procès, tantôt qu'il y aurait un plus grand nombre de plaidoyers de culpabilité.
Dans de nombreuses provinces, on craint qu'à l'instar des autres modifications récentes au Code criminel, qui y ont enchâssé de nouvelles infractions, de nouvelles peines minimales obligatoires pour certaines infractions et de nouvelles règles de désignation de délinquants dangereux, le projet de loi C-25 cause une augmentation de la proportion des affaires qui donnent lieu à un procès ou à une diminution de la proportion des plaidoyers de culpabilité. Si c'est le cas, on verra augmenter substantiellement la charge de travail, et il faudra accroître la capacité du système judiciaire criminel en conséquence si l'on veut que ces modifications soient efficaces.
Dans certaines provinces, on pense à l'inverse que, grâce au projet de loi C-25, le nombre de plaidoyers de culpabilité augmentera, particulièrement dans les circonstances où le procureur dispose d'une preuve accablante contre l'inculpé. On pense aussi que les plaidoyers de culpabilité seront déposés plus rapidement au cours de la procédure. Aux endroits où le système est déjà engorgé et où le délai est déjà important entre d'une part le moment où commence la détention et où des accusations sont portées et, d'autre part, la date du procès, les procureurs et les juges d'avant procès pourraient se voir obligés, si le projet de loi C-25 est adopté, d'offrir un allégement de la peine pour inciter les inculpés à présenter un plaidoyer de culpabilité et ainsi désengorger le système, de manière à ce que l'on puisse tenir des procès dans les cas qui le nécessitent le plus.
Aux endroits où les inculpés détenus provisoirement peuvent obtenir plus rapidement la tenue de leur procès, une fois que les accusations ont été portées, le projet de loi C-25 pourrait entraîner un plus grand nombre de procès, puisque le gain obtenu en plaidant coupable et en misant sur le temps alloué pour la détention provisoire n'est pas aussi important à ces endroits. Bien qu'on puisse y voir un effet souhaitable, les procureurs auront à gérer un plus grand nombre de procès, qui auront lieu plus rapidement, ce qui augmentera grandement la charge de travail.
Il y aura en outre des effets particuliers sur les inculpés dans le Grand Nord. C'est un fait admis dans la plupart des provinces qui y envoient des tribunaux itinérants, largement dans les communautés autochtones. À de nombreux endroits dans le Grand Nord canadien, on dispose d'une infrastructure de justice pénale rudimentaire. Les établissements de détentions provisoires y sont pratiquement inexistants. Les inculpés provenant de cette région sont détenus en attendant leur procès dans des centres urbains qui se trouvent à des centaines de kilomètres de leur milieu de vie et dont la culture et la langue dominantes sont complètement différentes. Dans la plupart des cas, compte tenu des faibles ressources du tribunal, dont les séances ne sont pas fréquentes, ces inculpés passent davantage de temps en détention provisoire que les inculpés contre lesquels pèsent des accusations semblables, mais qui viennent du Sud du Canada.
On convient que le projet de loi C-25 réduirait considérablement et éliminerait pour ainsi dire le pouvoir discrétionnaire dont disposent les juges et les procureurs quasi judiciaires pour prendre en compte judicieusement ces conditions extrêmes. Il semble qu'il soit très crucial que les juges disposent d'une certaine discrétion à cet égard.
Enfin, en ce qui concerne la compréhension, par les victimes, des règles sur le temps alloué pour la détention avant le prononcé de la peine, et ces observations concernent précisément l'article 3.3, le projet de loi C-25 est susceptible d'aider le public à mieux comprendre les règles de détermination de la peine, que ce soit statistiquement ou autrement. L'effet de la détention provisoire sur la peine infligée aux termes d'une procédure sera plus transparent et plus facile à saisir pour le public, et ce dernier comprendrait mieux comment les peines sont établies. Je crois que les témoins précédents ont indiqué qu'il faut connaître les statistiques sur la manière dont on utilise le crédit.
Ce sont essentiellement les observations de l'Association canadienne des juristes de l'État.
Mark A. Lapowich, représentant, Conseil canadien des avocats de la défense : Je vous remercie de nous avoir demandé de laisser tomber les formalités. Je m'exécute avec plaisir, à une exception près, si vous me le permettez. Au nom du Conseil canadien des avocats de la défense, j'aimerais souligner particulièrement la présence ici aujourd'hui de M. Jamie Chaffe, qui représente l'Association canadienne des juristes de l'État. William Trudell, président du CCAD, a proposé de faire appel à ce dernier lorsque la question a été soumise au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Nous sommes heureux d'avoir le point de vue de l'État sur ce projet de loi.
Le CCAD a le plus grand respect envers le ministre Nicholson et est entièrement d'accord avec lui lorsqu'il affirme que les Canadiens ont de la chance d'avoir un patrimoine juridique remarquable, qui constitue les fondements d'un des meilleurs systèmes de justice au monde. On n'exagère pas en disant que notre système de justice fait l'objet d'une grande admiration à l'échelle internationale.
Nous ne pouvons toutefois approuver des projets de loi qui sapent ce que nous considérons respectueusement comme l'une des plus grandes forces de ce système : le pouvoir judiciaire discrétionnaire. J'y reviendrai plus tard au cours de mon exposé. En outre, nous ne pouvons accepter les prémisses sur lesquelles s'appuie ce projet de loi, selon lesquelles les accusés abusent du processus judiciaire en choisissant délibérément de rester en détention provisoire en espérant recevoir une peine d'emprisonnement plus courte en fonction du temps déjà passé en détention. Nous considérons respectueusement que les témoins qui ont comparu devant la Chambre le 25 mai 2009 ont montré qu'il n'y avait pas de preuve pour appuyer cette position. Ces témoins ont également dénoncé les conditions souvent déplorables qui prévalent dans de nombreuses installations de détention provisoire au pays. Pour le moment, je ne veux pas répéter ce qui a déjà été dit. Vous avez leurs témoignages en main, et je ne ferais que reprendre leurs propos.
L'une des principales raisons pour lesquelles on a augmenté le temps alloué pour la détention avant le prononcé de la peine, c'est que les conditions carcérales sont si mauvaises qu'elles sont souvent inférieures aux normes minimales établies par les Nations Unies il y a 50 ans. Ainsi, en pouvant augmenter le temps alloué pour la détention avant le prononcé de la peine, nos juges peuvent insuffler une certaine justice à un système affligé d'une certaine injustice inhérente.
Comme le comité le sait, une des autres raisons est que la détention avant le prononcé de la peine n'est pas prise en compte lorsqu'il s'agit d'établir l'admissibilité de l'inculpé à la libération conditionnelle. Selon le Code criminel, une sentence commence le jour du prononcé de la sentence plutôt que le premier jour de détention. À cet égard, M. Anthony Doob a, dans ses explications au comité de la Chambre des communes, mis en lumière les lacunes de la méthode de calcul de la durée réelle d'une peine. En fait, il a conclu que cette mesure compliquait ce qui est un système de détermination de la peine déjà complexe plutôt que de le simplifier, comme l'entend pourtant le projet de loi.
L'un des autres objectifs énoncés du projet de loi est la réduction du nombre de personnes en détention provisoire au pays, qui va croissant. Ici encore, les témoins qui ont comparu au mois de mai ont présenté des arguments solides pour prouver que le projet de loi ne réduira pas le fardeau qui pèse sur les centres et les installations de détention provisoire, mais ajoutera plutôt une pression énorme sur les institutions fédérales déjà éprouvées.
J'étais présent au cours des témoignages précédents et ai entendu les nombreuses statistiques qui ont été fournies. Je crois qu'un des témoins de Service correctionnel du Canada a indiqué qu'il pensait que le projet de loi aurait pour effet de faire augmenter de 10 p. 100 le nombre de détenus dans leurs installations, ce qui cadre avec l'augmentation de 11 p. 100 dont il a été question aujourd'hui. Selon les témoignages recueillis par le comité de la Chambre des communes, le projet de loi nuirait à un système institutionnel fédéral déjà engorgé. Ce que l'on craint, c'est de ne pas atteindre l'objectif de ce projet de loi, c'est-à-dire réduire les pressions et le nombre de personnes en détention provisoire dans les provinces; nous pourrions même aller à l'encontre du but recherché en engorgeant davantage les ressources surmenées des institutions fédérales.
D'aucuns affirment également que le fait d'accorder le crédit majoré pourrait jeter le discrédit sur le système de justice parce que le public n'en comprend tout simplement pas les rouages. Selon Andras Schreck, de la Criminal Lawyers Association, si le public ne comprend pas, la solution ne consiste pas à modifier la loi en fonction de croyances potentiellement mal fondées. Selon nous, nous sommes collectivement tenus d'informer et d'éduquer le public plutôt que d'apporter des modifications législatives qui semblent simplifier la loi, mais qui pourraient en fait la compliquer. Nous, ainsi que les membres du public, nous en remettons aux juges de ce pays pour traduire en justice les gens qui commettent des crimes graves. Nous pouvons certainement faire confiance à l'opinion éclairée du public à cet égard. Si nous réussissons à informer le public, alors notre système de justice jouira au pays de la même réputation dont il bénéficie à l'étranger.
J'en viens à la question du pouvoir judiciaire discrétionnaire, car à notre avis, c'est l'un des principaux problèmes qui découlent du projet de loi. Lorsque M. Trudell a témoigné il y a plusieurs mois, il a fait référence à l'arrêt du juge Rutherford dans l'affaire Khawaja, dont j'aimerais vous lire un extrait. Votre comité connaît probablement bien cette affaire, qui concerne de graves infractions en matière de terrorisme. Dans cet arrêt, le juge Rutherford a dit ce qui suit :
Dans la présente affaire, je n'estime pas nécessaire ou approprié de spécifier une formule arithmétique précise ou particulière pour donner un crédit de détention présentenciel. Cela inviterait tout simplement à l'utilisation et à l'adoption de pareilles formules à l'avenir, réduisant ainsi le prononcé de la peine à un simple processus mécanique tel que celui de la confection de biscuits. Or, c'est au contraire un processus hautement individualisé, dans lequel le jugement personnel et les principes généraux permettent de juger des circonstances particulières de l'affaire [...]
Le pouvoir discrétionnaire constitue la pierre angulaire de notre système. Il est intéressant d'entendre le gouvernement affirmer à l'occasion que nos juges ne sont pas assez sévères, ne comprennent pas et n'appliquent pas les lois qui ont été adoptées. Pourtant, le Conseil canadien des avocats de la défense a le privilège d'être souvent invité à la cérémonie d'assermentation des nouveaux juges, qui sont de grandes occasions. Le gouvernement comble des postes de juge, intronisant les nouveaux titulaires en grande pompe au cours de cérémonies au cours desquelles il souligne les qualités que les nouveaux juges, y compris la sagesse et l'exercice adéquat du pouvoir discrétionnaire. Il nous semble donc incohérent que le même gouvernement se plaigne plus tard de ne pouvoir se fier à ces juges pour exercer adéquatement leur pouvoir discrétionnaire. Ces observations sont selon nous mal venues, opinion que partagent certains des témoins qui ont comparu devant le comité de la Chambre des communes. On ne peut se fier à un ou deux cas isolés ou inhabituels pour juger des résultats dans certaines circonstances. Le public pourrait en être choqué. On ne modifie pas un système qui a fait ses preuves sur la foi de quelques affaires inhabituelles.
Un aspect souvent oublié de ce bon système est l'examen en appel. Lorsqu'un juge erre et alloue trop de temps en exerçant son pouvoir discrétionnaire, cette décision peut toujours être renvoyée à un tribunal de plus haute instance. Comme M. Chaffe l'a fait remarquer, dans un pays comme le Canada, il faut disposer d'un pouvoir discrétionnaire pour pouvoir prendre en compte les conditions fort diversifiées qu'on y trouve. Le Conseil canadien des avocats de la défense compte des membres dans toutes les régions du pays. M. Chaffe a mis en lumière la situation du Grand Nord. Lorsque nous avons comparu précédemment, M. Trudell a indiqué qu'au Yukon, des hommes et des femmes sont incarcérés ensemble dans les installations de détention provisoire. Les femmes ne peuvent se prévaloir des quelques programmes offerts aux hommes, car ils ne peuvent se côtoyer.
Dans le système judiciaire du Yukon, en raison de cette situation, on en est arrivé à accorder aux hommes un crédit de seulement 1,5 jour pour chaque jour de détention dans la détermination de l'admissibilité à la libération conditionnelle, mais pas précisément en raison des conditions carcérales et de l'absence de programmes dans les institutions. De façon générale, les femmes obtiennent un crédit du double au simple pour tenir compte de leur situation particulière.
Une mesure qui pourrait être efficace dans le Yukon pourrait faire chou blanc au centre-ville de Toronto. Voilà ce qu'il y a de bien dans notre pays. Nous avons intégré à notre système une approche purement canadienne, en nous fondant en grande partie sur le fait que nous faisons confiance à ceux à qui nous avons confié la tâche de rendre des jugements appropriés. Ce qui nous préoccupe le plus avec ce projet de loi, c'est précisément le risque qu'il ne mine le pouvoir discrétionnaire.
Je dirais en terminant que nous nous réjouissons d'avoir été appelés à témoigner. Nous croyons que ce processus est essentiel et sommes heureux d'en faire partie et de participer aux efforts que les comités comme le vôtre déploient pour examiner ces questions très importantes. Même si je sais que ce n'est pas votre intention, je vous demanderais simplement de ne pas faire fi des opinions largement consensuelles et impartiales qu'a recueillies le comité de la Chambre des communes et que je reprends aujourd'hui.
J'ai commencé mon exposé en disant que j'étais d'accord avec le ministre de la Justice Nicholson lorsqu'il vantait les mérites de notre système. M. Trudel, après avoir témoigné, a affirmé que c'était une journée remarquable. Un grand nombre de témoins d'horizons des plus divers ont comparu devant la Chambre, soulevant des préoccupations bien concrètes, et j'espère que nous réussirons à aider réellement le comité de la Chambre et votre propre comité à décider si ce projet de loi sera adopté.
Michael Spratt, membre, Criminal Lawyers Association : Le projet de loi C-25 est très important pour les membres de la Criminal Lawyer Association, puisqu'il a des répercussions sur ceux avec qui nous travaillons quotidiennement. Les personnes les plus touchées par ce projet de loi sont nos clients et ceux que nous côtoyons tous les jours.
La CLA considère que le projet de loi C-25 restreint indûment et, dans bien des cas, supprime complètement le pouvoir judiciaire discrétionnaire qui, de l'avis de plusieurs, joue un rôle important quand vient le temps de donner le crédit de détention présentencielle.
Le plus haut tribunal du pays s'est penché sur la question au cours de la dernière décennie. Je suis sûr que le comité connaît bien l'affaire Regina c. Wust dont a été saisie la Cour suprême. J'aimerais évaluer le projet de loi C-25 dans le contexte de cet arrêt.
La vérité est parfois bonne à dire. La vérité, c'est que les principes de base sont importants. La vérité, c'est que les personnes sont considérées innocentes jusqu'à preuve du contraire et que les inculpés qui sont incarcérés dans des centres de détention provisoire en attendant leur procès sont présumés innocents.
Les membres de notre société, présumés innocents, qui sont incarcérés en attendant leur procès sont privés de liberté. Il faut se rappeler que ce sont souvent les plus démunis de notre société — ceux qui n'ont pas de domicile fixe, de famille ou d'argent et les personnes ayant des problèmes de dépendance et de santé mentale — qui se retrouvent derrière les barreaux, incapables dans la plupart des cas d'obtenir leur libération en raison des mesures législatives adoptées récemment concernant le régime de cautionnement.
La vérité — et c'est un fait reconnu en de multiples occasions par le milieu judiciaire —, c'est que la détention présentencielle est rendue encore plus pénible en raison de l'absence de programmes et d'installations de réhabilitation, le manque de mécanismes de réduction de peine, les restrictions imposées aux visites de la famille, le surpeuplement des prisons et les conditions carcérales déplorables.
La vérité, c'est qu'aucun inculpé ne choisit d'être incarcéré dans de telles conditions. Parlons d'ailleurs de l'idée « farfelue » selon laquelle certains choisiraient de rester en détention pour augmenter le temps qui leur sera alloué au bout du compte.
Je sors à peine du tribunal des cautionnements ici-même, à Ottawa, où je suis resté de 9 h 30 jusqu'à 17 heures aujourd'hui. Deux de mes clients, arrêtés il y a deux semaines, cherchaient à être libérés sous caution. Ces personnes, issues de groupes défavorisés, ont des problèmes de dépendance, et il nous a fallu un certain temps pour communiquer avec des membres de leur famille et établir ce que je crois être de bons plans de libération sous caution. La semaine dernière, nous avons fixé la date des audiences, qui étaient prévues pour aujourd'hui. Mes causes figuraient en tête de la liste des comparutions. Je me suis présenté à l'heure pour les audiences, ainsi que les garants. Oh surprise, même les détenus étaient en avance.
Je me suis présenté en cours et me suis efforcé de faire entendre les causes. Je peux vous affirmer que je suis resté là toute la journée et que je n'ai pas été convoqué, car il y avait un cas prioritaire qui n'avait pas été réglé la veille. Puisqu'il y a eu une deuxième affaire prioritaire qui n'avait pas été réglée la journée d'avant, mes clients sont toujours détenus. Ces personnes sont toujours présumées innocentes; pourtant, elles n'ont pu se prévaloir de leur audience pour la libération sous caution. Ces audiences sont maintenant prévues pour la semaine prochaine. Ces personnes n'ont pas choisi d'être en prison. Il est donc injuste d'affirmer qu'elles ont choisi d'être en prison, puisqu'elles ne veulent pas y être.
Dans l'arrêt Wust, la Cour suprême du Canada a rejeté l'utilisation d'une formule mécanique dans la détermination de crédit de détention présentencielle. C'est un tribunal unifié qui en est arrivé à cette conclusion. Intrigué, j'ai cherché à savoir hier soir qui faisait partie de ce tribunal. Bien sûr, c'est la juge Arbour qui a rendu la décision. Nous avons tous entendu parler dans les médias des nominations effectuées par le gouvernement libéral et des idéologues libéraux qui occupent des postes de juge. Ne vous y trompez pas : ce tribunal était tout à fait équilibré. Quatre membres avaient été nommés par le premier ministre Mulroney, au pouvoir à l'époque, et trois l'avaient été par le premier ministre Chrétien. Leur décision était unanime. Ils ont réaffirmé que « l'objectif de la détermination de la peine est l'infliction d'une peine juste et appropriée, qui prend en compte la situation du délinquant et les circonstances particulières de la perpétration de l'infraction ». Le tribunal a expressément indiqué que même si un crédit du double au simple pourrait convenir pour toutes les raisons que votre comité connaît et que je n'aborderai pas, une formule différente pourrait s'appliquer. Ce sont là les propos de la Cour suprême, qui a cité l'exemple d'un détenu bénéficiant de programmes pour qui le crédit du double au simple ne conviendrait pas. C'est une question de pouvoir discrétionnaire, lequel permet aux juges de prendre en compte les pratiques et les conditions particulières des institutions, comme on l'a déjà souligné.
Il ne faut pas oublier que depuis que la Cour suprême a rendu sa décision dans l'affaire Wust et même avant, les tribunaux ont une certaine latitude pour décider s'ils accordent ou non le crédit majoré. Par exemple, si quelqu'un est détenu en raison d'une inobservation de l'engagement, d'une révocation de la caution ou d'un défaut de comparution, le juge pourrait accorder un crédit différent, comme dans les affaires Ramsey, Stewart, White, Gagné, Lapointe et Jacome. Ils peuvent, dans certains cas, accorder un crédit moins important.
Les tribunaux ont appliqué des crédits différents en cas de bris de probation. C'est ce qui s'est passé dans des affaires comme Pilch, Ogden, Singh et M.(G). Si l'accusé était détenu dans un pays étranger, ils ont appliqué un autre crédit. C'est également le cas si l'accusé a retardé sciemment les procédures, comme dans les affaires McIvor et Beauchamp. Si vous le souhaitez, je me ferai un plaisir de vous transmettre ces dossiers.
S'il est peu probable que l'accusé soit admissible à une libération conditionnelle, certains tribunaux ont décidé de ne pas leur accorder le crédit du double au simple pour la détention présentencielle. Plus précisément, dans l'affaire Mills, le tribunal a statué que l'accusé obtiendrait réparation pour un préjudice qu'il ne subirait probablement pas.
Ce que les tribunaux évitent souvent de faire et disent qu'ils devraient peut-être ne pas faire, c'est chercher à prévoir si et quand l'accusé obtiendra la libération conditionnelle. Et si l'inculpé est accusé d'un crime grave ou est considéré comme délinquant dangereux, les tribunaux exercent leur pouvoir discrétionnaire, que le projet de loi C-25 cherche à restreindre, et accordent un crédit moindre pour la détention présentencielle. Dans l'arrêt Wust, la Cour suprême du Canada souligne l'importance de préserver le pouvoir judiciaire discrétionnaire et rejette l'utilisation d'une formule rigide — une mesure que le projet de loi C-25 cherche à imposer.
Au Canada, nous nous trouvons dans une position enviable. Nous pouvons vanter de par le monde l'honnêteté et le financement adéquat des procureurs de la Couronne et des services judiciaires. Nos avocats de la défense ne sont peut-être pas aussi gâtés, mais ils n'en sont pas moins tenus de respecter des normes éthiques. Nous bénéficions d'un barreau indépendant et autoréglementé. Notre système judiciaire est incorruptible, contrairement à ce que l'on voit ailleurs. Or, le projet de loi C-25 vise à éliminer le pouvoir discrétionnaire de ce système judiciaire incorruptible, ouvrant ainsi la porte à l'injustice.
Comme mon ami l'a déclaré, il existe des mécanismes auxquels on pourrait avoir recours si quelqu'un abusait de ce pouvoir discrétionnaire ou n'invoquait pas de motifs pour son usage. Il vaut la peine de répéter que l'on a beaucoup reproché aux accusés de retarder intentionnellement les procédures. Je peux vous assurer qu'il n'en est rien. Vous ne faites pas suffisamment confiance aux juges. Les tribunaux peuvent repérer aisément ce genre de tactiques.
De manière pragmatique, un accusé qui plaide coupable rapidement — endosse sa responsabilité rapidement — en bénéficie. Cet avantage disparaît si les procédures sont retardées. Même en étant cynique, on peut dire que le dépôt tardif d'un plaidoyer de culpabilité annule tout avantage gagné découlant de procédures retardées. Je vous ai donné plusieurs exemples dans lesquels les tribunaux ont utilisé leur pouvoir discrétionnaire pour limiter la détention provisoire.
J'ai représenté des centaines de prévenus qui ont été détenus provisoirement. Aucun d'eux ne voulait partager une cellule avec deux autres détenus; aucun d'eux ne voulait dormir accroupi près d'une toilette; aucun d'eux ne voulait être limité à deux visites familiales; aucun d'eux ne voulait être privé de programmes. Bon nombre de mes clients ont demandé d'avoir accès à des programmes, mais leurs demandes sont demeurées sans réponse. La détention provisoire est pénible.
Si le projet de C-25 est adopté, cela donnera lieu à des litiges constitutionnels. Le projet de loi C-25 viole la Charte. Il aura comme véritable conséquence d'accomplir une chose que nous ne souhaitons pas faire lorsque nous prononçons une sentence. Lors du prononcé de la peine, nous nous efforçons de traiter pareillement les délinquants semblables qui commettent des infractions semblables.
On peut facilement imaginer plusieurs scénarios dans lesquels des délinquants semblables, qui commettent des infractions semblables et dont les circonstances personnelles se ressemblent, sont châtiés différemment. Un de ces châtiments consiste à passer une longue période de temps dans des établissements de détention provisoire qui n'offrent aucun programme et où les conditions sont difficiles, tout comme les personnes qui n'ont pas obtenu leur enquête sur le cautionnement aujourd'hui. Ils ne participent à aucun programme.
Le gouvernement a répété maintes fois que le crédit de détention provisoire donne l'impression que les délinquants reçoivent des peines beaucoup plus clémentes qu'ils ne le méritent. C'est peut-être l'impression que cela laisse, mais ce n'est pas ce qui se passe lors de la détermination de la peine. La détention provisoire n'est pas clémente, elle est cruelle.
Au lieu d'informer le public, au lieu de fournir les ressources nécessaires pour réduire la période de temps qu'un prévenu passe en détention et au lieu de résoudre les problèmes liés aux conditions déplorables de la détention provisoire, le gouvernement cherche à éliminer le pouvoir discrétionnaire dont disposent les juges pour trouver une solution juste et équitable qui tient compte de ces conditions déplorables. On ne doit jamais oublier que, si le gouvernement résout ces problèmes, il n'y aura plus beaucoup de raisons de bonifier le crédit de détention provisoire.
Le projet de loi C-25 corrige peut-être la perception erronée du public mais, à mon avis, il n'établit en rien l'adéquation de la peine et du crime.
Gaylene Schellenberg, avocate, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien : L'Association du Barreau canadien est une association nationale composée de 37 000 avocats, étudiants en droit, universitaires et notaires. Chercher à améliorer le droit et l'administration de la justice est l'un des volets importants du mandat de l'ABC. C'est dans cette optique-là que nous comparaissons devant vous aujourd'hui.
Eric Gottardi qui travaille pour la Section nationale du droit pénal de l'ABC m'accompagne. Cette section comprend des représentants de la Couronne et de la défense des quatre coins du pays. M. Gottardi travaille à la fois pour la Couronne et la défense à Vancouver. Je vais lui laisser la parole afin qu'il vous expose nos préoccupations.
Eric Gottardi, secrétaire, Section nationale du droit pénal, Association du Barreau canadien : Madame la présidente, l'ennui, lorsqu'on est la dernière personne à témoigner, c'est qu'on risque de répéter certaines choses. Je ferai de mon mieux pour être bref.
Nous témoignons aujourd'hui devant le comité afin d'exprimer nos inquiétudes concernant la mesure législative proposée. Le projet de loi C-25 vise à limiter la tendance à octroyer des crédits supérieurs au temps passé en détention provisoire. La Section nationale du droit pénal de l'ABC croit que les amendements proposés nuiraient à l'équité et l'efficacité de l'administration de la justice au Canada.
La détention préventive ou provisoire relève des provinces et des territoires. Par conséquent, tous les détenus sont incarcérés dans des centres de détention provinciaux. Comme vous l'avez entendu, les centres de détention sont surpeuplés et leurs cellules, conçues pour une ou deux personnes, en accueillent trois ou quatre. Ces détenus bénéficient de très peu de programmes et de services. Dans le meilleur des cas, être en détention, c'est être enfermé dans un entrepôt. Dans le pire des cas, c'est vivre dans des conditions insalubres, dégradantes et dangereuses.
On a pris l'habitude d'octroyer, dans certaines situations, des crédits supérieurs au temps passé en détention provisoire pour tenir compte de deux facteurs qui ont été discutés aujourd'hui. Premièrement, certains délinquants, bien que présumés innocents, sont incarcérés dans des conditions pires que celles qu'ils connaîtraient s'ils étaient reconnus coupables des crimes dont ils sont inculpés. Le Code criminel permet aux juges qui prononcent des sentences au Canada de prendre en compte les conditions de détention provisoire lors de la détermination d'une peine juste et appropriée. Cela doit continuer. Deuxièmement — et certaines personnes pourraient faire valoir qu'il s'agit là du facteur le plus important —, le fait que les remises de peine méritées ne s'appliquent pas au temps que les accusés passent sous garde en attendant leur procès ou leur sentence prouve qu'il est toujours utile d'octroyer des crédits bonifiés. C'est aussi le cas pour les libérations conditionnelles anticipées.
En tant qu'avocats de la Couronne et de la défense, nous travaillons quotidiennement dans les tribunaux canadiens. L'expérience que M. Spratt a vécue dans un tribunal des cautionnements et qu'il vous a décrite est identique à celle que nous avons eu en tant qu'avocats de la Couronne et de la défense partout au pays. Les choses ne sont pas différentes à Vancouver. Les tribunaux de cautionnements ordinaires sont engorgés de gens qui ont hâte que leur enquête sur le cautionnement commence et qui attendent de voir s'ils auront cette chance.
Puisque nous sommes présents quotidiennement dans les tribunaux, nous savons ce que font les juges et nous savons qu'ils le font bien. En tenant compte de tous les facteurs pertinents, y compris la durée et les circonstances de toute détention provisoire, ils sont bien placés pour parvenir à une sentence juste et appropriée. Les juges ne sont pas tenus d'octroyer des crédits supplémentaires pour le temps passé en détention provisoire et ils peuvent refuser d'accorder des crédits.
Selon notre expérience, lorsque les procureurs exposent les raisons pour lesquelles il ne faut pas bonifier les crédits d'une personne, les tribunaux prennent leurs arguments au sérieux. Cela se produit de plus en plus souvent. Au cours des audiences de détermination de la peine, les juges entendent davantage de témoignages à propos des programmes auxquels un certain accusé a eu accès ou des conditions de sa détention préventive. Les juges tiendront compte de ces preuves, mais n'octroieront pas, machinalement ou comme allant de soi, deux jours de crédit pour un jour de détention. Les accusés doivent le mériter, et l'on entend de plus en plus d'observations et de témoignages à ce sujet pendant les audiences de détermination de la peine.
C'est à ce moment-là que les témoignages devraient être entendus. La question de la sentence ne devrait pas être abordée au cours de l'enquête sur le cautionnement. Une autre question qui a été mentionnée plus tôt a trait à certaines des inquiétudes concernant la prise en considération des motifs de la détention au cours de l'audience de détermination de la peine. C'est une question très préoccupante qui, à mon avis, engendrera une énorme quantité de problèmes dans les tribunaux de cautionnement de tout le pays.
Le projet de loi C-25 représente une érosion inutile de la discrétion judiciaire du régime de détermination de la peine. En plus de tenir compte des conditions présentencielles, le pouvoir discrétionnaire qui permet aux juges d'octroyer des crédits pour le soi-disant « temps mort » est essentiel si on veut éviter d'imposer des peines biaisées.
Dans notre mémoire au comité, nous présentons un exemple qui aide à illustrer mon propos. Je n'ai pas fait une majeure en statistiques, et je ne suis pas très doué pour les mathématiques, mais je pense que l'exemple qui figure à la page 3 de notre mémoire est clair. Il illustre concrètement comment deux délinquants dont les circonstances sont semblables et qui font face aux mêmes accusations encourraient des peines différentes, compte tenu uniquement de la question de la détention provisoire, et la façon dont le projet de loi C-25 aggraverait cette situation.
Dans l'exemple, il y a deux délinquants de sexe masculin qui se trouvent dans des situations semblables et qui sont accusés de la même infraction. L'un d'eux se voit refuser la liberté sous caution — soit la personne A —, et l'autre est remis en liberté — soit la personne B. Six mois plus tard, leurs procès commencent, et tous deux sont condamnés à trois ans d'emprisonnement.
En vertu de la loi actuelle, la personne A recevrait habituellement un crédit de deux jours pour chaque jour des six mois de « temps mort » passés en détention et serait condamnée à 24 mois de détention supplémentaires pour purger sa peine de trois ans. La personne B commencerait à purger sa sentence de trois ans au pénitencier. Ni la personne A, ni la personne B n'a antérieurement été reconnue coupable d'infractions graves et, en vertu de la LSCMLC, elles seraient normalement toutes deux mises en liberté conditionnelle après avoir purgé un tiers de leur peine d'emprisonnement.
Donc, au six mois de détention provisoire de la personne A s'ajouteraient huit mois supplémentaires, pour un total de 14 mois d'incarcération. La personne B, qui était en liberté pendant toute la période, purgerait 12 mois d'incarcération avant d'être mise en liberté conditionnelle. La personne A purgerait donc deux mois d'emprisonnement de plus que la personne B, malgré qu'elles soient toutes deux coupables de la même infraction.
Le projet de loi C-25 accentue cet écart. On octroierait alors à la personne A un crédit de six mois pour le temps qu'elle a passé en détention provisoire, et elle purgerait 10 autres mois d'emprisonnement, pour un total de 16 mois d'emprisonnement — dont six mois purgés dans un établissement de détention provisoire où les conditions sont généralement plus pénibles. En revanche, la personne B ne purgerait toujours que 12 mois.
Dans cet exemple, la peine est relativement courte. Cependant, l'écart s'accentue, et la durée de la peine s'accroît.
La section de l'ABC est d'avis qu'en limitant le pouvoir discrétionnaire des juges qui prononcent des sentences, on les empêche de remédier à ces écarts, ce qui n'établit en rien l'adéquation de la peine et du crime. En fait, lorsqu'on ignore ou néglige l'incidence de la peine d'emprisonnement sur la détention, on ne fait que brouiller davantage le rapport entre la peine et le crime.
J'aimerais effleurer la question des accusés qui abusent du processus judiciaire en enjoignant leur avocat d'ajourner constamment l'affaire afin d'accumuler des crédits. La section de l'ABC est d'avis qu'il s'agit d'un mythe.
Dans le document d'information fourni par le gouvernement, on reconnaît que les périodes de détention augmentent parce que les affaires pénales sont de plus en plus complexes et que les ressources du système judiciaire et des tribunaux s'épuisent. C'est pourquoi les affaires mettent de plus en plus de temps à être instruites. Une fois qu'on a ordonné la mise sous garde de l'accusé — une décision sur laquelle il ou elle n'exerce aucun contrôle —, il ou elle n'a aucune influence sur la rapidité avec laquelle son affaire passe en jugement.
Une des statistiques mentionnées plus tôt pendant la séance a trait au fait qu'il faut en moyenne 95 jours pour déposer un plaidoyer de culpabilité, et qu'il faut environ 260 jours pour passer en jugement si le procès aboutit à un acquittement. La raison en est simple. En tant qu'avocat de la défense, une fois que les renseignements de l'affaire ont été divulgués et que l'on se rend compte que l'affaire est fichue parce que la preuve est accablante, on peut alors informer le client qu'il ferait peut-être mieux d'envisager un plaidoyer de culpabilité.
L'étape de la divulgation des renseignements est très importante; elle permet à l'avocat de la défense d'indiquer à son client ce qu'il pourrait vouloir faire. C'est un processus qui échappe complètement à l'accusé, de même qu'à l'avocat de la défense. Dans la plupart des cas, il échappe également à la Couronne. C'est une étape importante et essentielle du processus, et elle se produit au début de celui-ci.
La section de l'ABC croit que le gouvernement devrait, avant tout, se préoccuper d'accroître les ressources judiciaires et d'informer le public en vue d'apaiser les inquiétudes que les crédits préalables au procès peuvent provoquer, plutôt que de se concentrer sur la perception erronée selon laquelle les accusés, confortablement installés en prison, accumulent des crédits qu'ils pourront utiliser après avoir déposé leur plaidoyer de culpabilité.
En conclusion, la section de l'ABC est d'avis que le projet de loi C-25, Loi sur l'adéquation de la peine et du crime, cherche davantage à amender la perception du public concernant l'usage actuel du pouvoir discrétionnaire, qu'à adopter une approche soigneuse et réfléchie pour réformer le droit. Sir Winston Churchill a déclaré ce qui suit :
L'attitude et les réactions du public devant les méthodes utilisées pour lutter contre la criminalité sont parmi les meilleurs critères d'évaluation du niveau de civilisation d'un pays.
À mon avis, cette mesure législative ne respecte pas ces critères.
Le sénateur Wallace : Je vous remercie beaucoup de vos exposés. Vos propos semblent coïncider; ils communiquent un message que j'ai certainement entendu très clairement.
Je devrais peut-être vous adresser cette remarque, monsieur Spratt. Chaque témoin est préoccupé par la nécessité de perpétuer la discrétion judiciaire. Les juges entendent les causes, entendent les faits et travaillent en première ligne. C'est tout à fait logique. Cependant, dans vos observations, vous mentionnez que le projet de loi C-25 élimine le pouvoir discrétionnaire des juges, qu'il consiste en une formule rigide et mécanique. Je vous ferais remarquer que le paragraphe proposé (3.1) dans le projet de loi stipule que, si les circonstances le justifient, le juge pourrait accorder un crédit maximum de 1,5 jour par jour de détention provisoire. Lorsque je lis le projet de loi, je constate également que ces circonstances ne sont nullement limitées.
Ne conviendriez-vous pas que le projet de loi C-25 n'éliminerait pas la discrétion judiciaire, qu'elle existerait toujours, même si elle était plus limitée qu'autrefois? Les juges n'auraient plus le pouvoir discrétionnaire d'octroyer un crédit de deux ou trois jours pour chaque jour passé en détention provisoire, mais vous exagérez énormément lorsque vous affirmez que le projet de loi éliminerait la discrétion judiciaire. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Spratt : Je conviendrais que le paragraphe (3.1) limite la discrétion judiciaire et que les articles qui suivent l'éliminent dans certains cas. Par exemple, lorsque quelqu'un est mis sous garde, une demande en vertu de l'article 524 est déposée — ou la personne est détenue parce qu'elle n'a pas respecté les conditions de sa liberté sous caution. Il ne faut pas oublier que, lorsqu'une demande en vertu de l'article 524 est déposée ou qu'une accusation de non-respect de la liberté sous caution est portée, cette accusation n'a pas été prouvée. Cette personne est toujours présumée innocente de cette accusation, et elle pourrait être acquittée de l'accusation initiale qui est à l'origine de sa liberté sous caution.
Dans ce cas-là, la discrétion judiciaire serait éliminée complètement. La demande en vertu de l'article 524 serait déposée; le juge ne serait pas du tout en mesure d'accorder un crédit supérieur à un jour par jour de détention provisoire, et la personne serait jugée innocente d'une des infractions.
Même si l'on prend le temps, pendant le procès, de présenter les éléments de preuve qui prouvent que les circonstances le justifient, dans les cas où le juge jouit toujours d'un peu de pouvoir discrétionnaire, le calcul mathématique de 1,5 jour par jour de détention provisoire ne fait que prendre en considération l'absence de remise de peine méritée. Il ne tient pas compte des conditions pénibles de la détention provisoire. Si le crédit de 1,5 jour était accordé, la personne finirait par purger exactement le même temps au total. Ainsi, on peut se retrouver avec deux personnes, dont l'une qui purge la plupart de son temps dans un établissement fédéral ou un établissement qui offre des programmes, et l'autre qui, bien qu'elle ait été condamnée à la même période d'emprisonnement, l'a purgée au début, malgré elle, dans un établissement de détention provisoire où les conditions sont beaucoup plus pénibles. Ces deux personnes purgent un nombre identique de jours, mais l'une d'entre elles subit un emprisonnement beaucoup plus pénible et est punie beaucoup plus sévèrement.
Le sénateur Wallace : Vous avez fait allusion à la façon dont le Canada est perçu sur la scène mondiale. En tant que Canadiens, nous sommes fiers de notre système judiciaire, et je pense que nous sommes très respectés. Toutefois, je crois comprendre que le Canada est l'un des rares États régis par la common law qui accorde un crédit supérieur à un jour pour chaque jour passé en détention. Que dites-vous de cela?
M. Spratt : Je suppose qu'en tant que Canadiens, nous devrions être gênés qu'il soit nécessaire d'octroyer un crédit de plus d'un jour pour chaque jour de détention provisoire. Nous devrions être embarrassés par les conditions qui sévissent dans nos prisons. Je ne souhaiterais pas imiter tous les modèles qui existent de par le monde. Je peux penser à des exemples d'États voisins qui n'ont pas un système de libération conditionnelle progressiste comme le nôtre. Celui-ci a bien servi notre pays et, à mon avis, a contribué à la réinsertion et au maintien d'un taux de criminalité plus faible que dans les autres États auxquels le centre fait peut-être allusion.
Le sénateur Wallace : Je comprends votre remarque, mais lorsque vous parlez de la position du Canada sur la scène internationale et où nous nous classerions comparativement aux autres pays, cela importe.
M. Spratt : Je choisirais un juge canadien avant tout autre.
Le sénateur Wallace : Je ferais probablement de même.
La présidente : N'importe quel Canadien, en tout temps et n'importe où.
Le sénateur Baker : D'abord, j'aimerais féliciter toutes les personnes qui ont témoigné aujourd'hui. Vos exposés ont été vraiment instructifs. J'aimerais également mentionner la présence de M. Jamie Chaffe, qui représente l'Association canadienne des juristes de l'État. J'ai passé 35 années sur la colline du Parlement et je n'ai jamais vu un représentant de l'Association des juristes de l'État comparaître devant un comité. J'aurais bien aimé voir cela parce que l'on aurait eu l'occasion de procéder à un contre-interrogatoire. J'ai vérifié avant de venir ici, car j'ignorais ce que M. Chaffe dirait.
Lorsque nous mentionnons le rapport Martin, monsieur Chaffe, savez-vous à quoi nous faisons allusion?
M. Chaffe : Je crois que oui.
Le sénateur Baker : Bien entendu, vous le savez. Il indique qu'un avocat de la Couronne est un ministre de la justice. Il est impartial et ne peut pas prendre parti. C'est pourquoi, dans votre mémoire que vous n'avez pas lu, vous affirmez que vous n'êtes pas ici pour prendre parti, mais simplement pour répondre aux questions. Je désire vous rappeler que j'ai devant moi une affaire où vous avez préconisé l'octroi d'un crédit de trois jours par jour de détention provisoire. Il s'agit de l'affaire R. c. Burke en 2002. Vous en souvenez-vous?
M. Chaffe : Je vous avoue que je ne m'en souviens pas.
Le sénateur Baker : Je vous en donnerai une copie.
Lorsqu'on examine la jurisprudence, on remarque que des avocats de la défense signalent aux juges que cela viole la charte de l'ONU sur le traitement des détenus que nous avons ratifiée. Les juges ont mentionné dans leur jugement que la preuve était plutôt manifeste. Cela ne fait pas partie du droit national, donc cela ne compte pas, mais cela fournit une ligne directrice à cet égard.
Il est incroyable de lire les descriptions des conditions qui existent dans certaines prisons de Toronto et d'Ottawa. En pratique, le projet de loi nous empêche d'accorder à une personne un avantage en compensation de telle conditions ou de l'indemniser pour cette infraction en vertu de notre système de justice fondamentale. La mesure législative proposée referme une porte; ça ne fait pas de doute. La question que je vous pose est la suivante : Comment cet écart sera-t-il comblé?
Le sénateur Nolin a demandé si les juges contourneraient cette restriction d'une manière ou d'une autre. Ma question est la suivante : Les avocats de la défense trouveront-ils une façon de la contourner? Le feront-ils en invoquant la Charte en fin de compte? Il faut donner un préavis de 15 jours avant la date du procès pour pouvoir avancer un argument fondé sur la Charte. Alors, comment parviendrez-vous à le faire au moment du prononcé de la sentence, à moins que vous ayez déjà indiqué que vous le feriez à ce moment-là? Que ferez-vous dans l'immédiat? Vous avez un client, alors que ferez pour tenter de contourner cette mesure législative, si elle est adoptée? J'aimerais recevoir une réponse directe de la part de chacun des quatre plaideurs actifs ici présents.
M. Chaffe : Si le projet de loi C-25 est adopté, les avocats de la Couronne appliqueront la loi. Défendre la primauté du droit est l'un des rôles fondamentaux des avocats de la Couronne dans le système de justice pénale.
Cela étant dit, dans les juridictions les plus sollicitées du pays, nous devrons trouver des façons de négocier des plaidoyers afin de conserver les ressources des tribunaux pour nos affaires les plus graves. Nous ne fonctionnons pas en vase clos. Lorsque des mesures législatives, quelles qu'elles soient, émane du gouvernement fédéral, elles doivent être appuyées par le système de justice pénale financé par les provinces.
Si la charge de travail augmente sans que l'infrastructure de la justice pénale soit développée, les avocats de la Couronne, plus que quiconque peut-être dans le système, doivent réorganiser leurs ressources en fonction des affaires les plus graves et, inévitablement, d'autres secteurs de la fonction de poursuite en souffrent. Les ressources de nos tribunaux de première instance partout au pays sont extrêmement limitées, et ce projet de loi occasionnera un surcroît de travail, à tout le moins dans les tribunaux de cautionnements. D'ailleurs, dans les régions, on se demande si le projet de loi n'accroîtra pas le nombre global de procès. Si cela se produit, il faudra faire des redressements d'une façon ou d'une autre.
Dans notre exposé de position, nous discutons la possibilité d'offrir une incitation en matière de sentence, de sorte que nous puissions libérer des ressources pour nos causes les plus graves. L'Association canadienne des juristes de l'État est non partisane et fait preuve d'objectivité à l'égard de cette question. Nous sommes seulement ici pour parler des répercussions que les changements proposés auront sur la façon dont les choses fonctionnent sur le terrain.
La présidente : Nous comprenons cela, monsieur Chaffe. Nous ne vous demandons pas de prendre parti.
M. Lapowich : Je pense qu'il ne fait aucun doute — comme M. Spratt l'a déjà mentionné aujourd'hui dans son témoignage — qu'il y aura des contestations en vertu de la Charte. Pour ce qui est des précisions, nous pouvons envisager des contestations en vertu de l'article 7, atteinte à la vie, à la liberté, et en vertu du paragraphe 11b), retard injustifié. Nous pouvons nous attendre au dépôt de demandes de sursis et, comme cela a été mentionné précédemment, de contestations en matière de traitements ou peines cruels et inusités relativement à l'argument que vous avez soulevé concernant la façon dont, au cours des 50 dernières années, nous avons si mal respecté les traités que nous avons peut-être signés.
J'espère que cela répond brièvement à votre question. Cela entraînera des litiges et des complications supplémentaires, ce qui entravera nos efforts visant à réduire le nombre de personnes en détention et le temps qu'il faut pour instruire une affaire et juger de ses mérites.
M. Spratt : Le sénateur a tout à fait raison. Vous pouvez constater le problème que cela pose. Personne n'anticipe une condamnation; je ne m'y attends certainement jamais. Le jour où le jugement est rendu et que votre client est condamné, il se peut que, dans des circonstances normales, vous soyez en mesure de passer immédiatement au prononcé de la sentence. Cependant, il se peut que, pour déposer une contestation en vertu de la Charte, il soit nécessaire de demander un ajournement afin de recueillir à la prison les preuves concernant les conditions et obtenir les transcriptions relatives au retard dans les procédures. Il existe certains étalons pour guider les tribunaux dans leur examen de ce qui constitue des retards acceptables. Si on limite les crédits octroyés pour la détention provisoire, on peut s'attendre à ce que ces étalons soient abaissés. Cela entraîne encore plus de travail pour les tribunaux et le bureau du sténographe, et exige d'assigner le surintendant à témoigner devant le tribunal. En outre, cela contraint précisément les personnes qui sont touchées par les mauvaises conditions, à passer encore plus de temps en détention en raison des problèmes occasionnés par ce projet de loi. Encore une fois, limiter la discrétion judiciaire ne résout pas le problème dans la plupart des cas.
M. Gottardi : Je ne peux pas ajouter grand-chose à cela. Je suis d'accord avec mes amis pour dire que le nombre de tentatives officielles et officieuses visant à régler la question augmentera. Pour tirer M. Chaffe d'un mauvais pas, je dirais que j'imagine que les avocats de la défense poursuivront agressivement la Couronne afin d'obtenir un genre de remise ou de crédit de la Couronne. Ainsi, nous pourrons parvenir à une solution qui bénéficiera au client et qui permettra à la Couronne de retirer une affaire de son registre débordant.
Les contestations qui ont été mentionnées sont limitées uniquement par ce que nous pouvons imaginer en matière de contestations fondées sur la Charte qui pourraient être déposées à l'encontre de la mesure législative proposée, que ce soit parce que la mesure a restreint l'examen des conditions ou l'examen de l'iniquité en matière d'accès à la remise de peine méritée ou la libération conditionnelle anticipée. Différentes démarches peuvent être entreprises, en plus des questions qui pourraient être soulevées si l'on transforme une audience de détermination de la peine en un procès sur les faits et gestes du délinquant pendant sa détention, plutôt qu'en un examen de son comportement moralement répréhensible. Ce projet de loi est problématique de tous ces points de vue.
Le sénateur Baker : Bien entendu, même s'ils parviennent à s'entendre avec la Couronne pour réduire la sentence, cela ne règle pas la question parce que le juge doit être d'accord avec cette entente. Comme le sénateur Nolin l'a mentionné, c'est peut-être ainsi que le juge arrivera à contourner la mesure législative.
Le sénateur Joyal : Les témoins ont répondu à mes questions quant à la constitutionnalité du projet de loi. Le Code criminel reconnaît un principe fondamental relatif aux infractions identiques selon lequel des personnes distinctes condamnées pour le même crime devraient recevoir la même sentence. Il ne peut pas y avoir de divergence dans la peine en vertu du Code criminel. Cela violerait, bien entendu, l'article 7 de la Charte.
Peut-être que certains arguments présentés aujourd'hui par le ministre parlent en faveur du projet de loi. Étant donné la manière dont le système fonctionne, en particulier le système engorgé de la libération sous caution, ce projet de loi entraverait plus qu'il ne déchargerait le système au lieu de la faciliter. Un des principaux arguments du ministre en faveur du projet de loi était qu'il désengorgerait le système. Selon les statistiques qui nous ont été présentées et ce que vous nous avez dit, cela aura plutôt des conséquences antagonistes sur le système. Tout le monde s'entend là-dessus. Ce sont les moyens qu'on utilise pour désengorger le système qui pourraient avoir un effet conflictuel.
Lorsque j'ai demandé au ministre si ce serait le cas, il a répondu par la négative. Il est absolument certain que ce projet de loi atteindra les objectifs qu'il a exposés. Il me semble qu'avant de voter en sa faveur, il vaudrait mieux étudier les graves questions soulevées, sinon nous finirons par obtenir le contraire de l'effet attendu du projet de loi.
La présidente : Monsieur Chaffe, désirez-vous formuler des remarques?
M. Chaffe : Du point de vue de notre association, il est certain que la charge de travail assumée par le système de libération sous caution augmentera. On peut raisonnablement s'y attendre. On transfère une partie du processus de détermination de la peine à l'enquête sur le cautionnement qui, selon toute probabilité, sera entièrement plaidée par les avocats de la défense et de la Couronne. En ce qui concerne l'incidence du projet de loi sur le nombre de procès, nous n'avons pas encore rendu notre verdict à ce sujet. Les régions ne sont pas toutes d'accord pour dire qu'il engendrera une hausse importante du nombre de procès. Bon nombre de juridictions croient qu'il aura cet effet. Certaines juridictions pensent que, dans certains cas où l'affaire est accablante du point de vue de la Couronne, cela entraînera, en fait, le dépôt d'un plaidoyer de culpabilité plus tôt au cours de la procédure.
La présidente : La cause de la Couronne est-elle souvent accablante?
M. Chaffe : Je dis à mes juristes que chaque affaire est accablante.
La présidente : Bien entendu. Je ne vous demande pas un chiffre précis. Cependant, je présume que, si l'affaire est instruite, elle n'est pas accablante du point de vue de la Couronne.
M. Chaffe : Dans ce contexte, le point de vue le plus important est probablement celui de l'accusé, parce qu'il doit prendre la décision de plaider coupable. Dans le projet de loi, nous essayons de cerner les mesures incitatives qui ont été retirées et celles qui ont été ajoutées. Il incombe aux clients de ces messieurs de déterminer si l'affaire est accablante du point de vue de la Couronne. C'est ce sur quoi notre analyse a mis l'accent.
Le sénateur Angus : Je vous félicite tous pour vos exposés réfléchis, intéressants et utiles. J'ai écouté attentivement. Nous avons parlé de notre merveilleux système de justice dont nous sommes si fiers au Canada. Cependant, il comporte de nombreux éléments qui ont évolué dans la common law, notamment les dispositions légales qui se trouvent dans les statuts. L'infrastructure que nous fournissons ou ne fournissons pas afin que la loi soit appliquée en est un autre. Il me semble qu'aujourd'hui, nous parlons de deux choses différentes. Monsieur Spratt, à la fin de votre exposé, vous avez plutôt bien répondu à mon argument.
Nous sommes ici pour déterminer si cette mesure législative sera une bonne ou une mauvaise loi. Nous avons entendu le ministre dire que le crédit d'un jour par jour de détention provisoire fonctionne très bien et sans problème dans d'autres pays occidentaux. Toutefois, vous dites qu'en ce moment, compte tenu de l'état de l'infrastructure provinciale et fédérale, cela ne fonctionnera pas de convenablement. Vous nous avez fourni certaines preuves pratiques pour étayer votre opinion, mais vous n'avez pas déclaré que le projet de loi était une horrible mesure législative qui va à l'encontre de la justice naturelle et d'un bon système. Vous affirmez que les installations des établissements de détention provisoire sont épouvantables et vous avez mentionné diverses autres choses. En tant qu'avocat, j'ai attendu pendant des jours et ça me rend absolument dingue. Cela me donne le goût de frapper sur la table et de dire que ce système est le pire qui soit. Que faisons-nous ici; vivons-nous à l'âge des ténèbres?
Le message que vous nous lancez et que je lance, dans la mesure où je peux le transmettre ailleurs, y compris au Sénat, c'est que nous avons un gros problème. Il ne s'agit pas tant des dispositions de ce projet de loi, d'autres projets de loi ou du Code criminel, mais de l'infrastructure nécessaire pour faire marcher notre système correctement en 2009, en fonction de la population actuelle. L'infrastructure actuelle est tout simplement insuffisante. La situation devient injuste, accablante et regrettable.
Voilà ce que vous semblez me dire aujourd'hui. Vous ne vous êtes toutefois pas opposés au projet de loi. Je ne vois donc pas d'objection à voter pour. Cependant, j'aimerais connaître tous les arguments que vous ferez valoir lorsqu'il sera mis en application.
Reconnaissez-vous que le problème ne découle pas du projet de loi comme tel, mais plutôt du fait qu'il ne donnera pas le résultat escompté compte tenu de l'infrastructure actuelle? Je vais utiliser l'approche Baker; vous êtes tous formidables.
M. Spratt : Même s'il existe des programmes et que tout est parfait, nous ne devons jamais perdre de vue qu'au stade de la déclaration de culpabilité, chaque contrevenant affiche des caractéristiques particulières. Que le système soit parfait ou non, il faut examiner ces particularités. À mon avis, nous mettons la charrue devant les bœufs en avançant que ce projet de loi nous poussera à résoudre les problèmes des centres de détention provisoire. Ce devrait peut-être être l'inverse; lorsque les problèmes de détention provisoire seront réglés, cette loi deviendra inutile.
Le sénateur Angus : C'est ce que je voulais dire.
M. Spratt : Cependant, même dans le meilleur des mondes, il faut que les juges puissent utiliser leur pouvoir discrétionnaire afin d'adapter les peines à chaque individu.
Le sénateur Angus : Les juges en ont le pouvoir. Je ne crois pas au bien-fondé de miner ce pouvoir, dans les circonstances. Je suis d'accord avec le sénateur Wallace. La notion de « pouvoir discrétionnaire » est comprise dans l'expression même du « pouvoir judiciaire discrétionnaire », que l'on ajoute ou soustraie le temps passé en détention. Il existe bien des formes de pouvoir discrétionnaire. Le mot « miner » est celui que je vous ai entendu utiliser.
La présidente : Sénateur Angus, voilà une discussion passionnante, mais les membres du comité ne sont pas ici pour débattre de ces concepts.
Le sénateur Angus : Je suis désolé; je ne voulais pas lancer de débat, mais poser des questions.
M. Lapowich : Précisons tout de même que quel que soit le terme utilisé, nous allons nuire au système, efficace bien qu'imparfait, si nous éliminons ou minons le pouvoir discrétionnaire. Je fais allusion aux peines minimales qui ne font pas l'objet des discussions d'aujourd'hui.
Il y a des imperfections et des facteurs individuels que les parlementaires ne peuvent pas prévoir. Vous pourriez passer des heures à essayer d'imaginer tous les scénarios possibles, mais vous n'y arriveriez pas. Il serait ridicule de vous le demander. Le plus important pour nous, c'est de laisser de la marge de manœuvre aux personnes à qui nous confions la tâche d'exercer ce pouvoir.
Je doute que nous puissions être sans aucune inquiétude.
Le sénateur Angus : Vous seriez moins préoccupés.
M. Lapowich : C'est vrai. Le problème, c'est qu'il y aura toujours de quoi s'inquiéter, même si les juges n'ont pas autant de latitude. Pour ce qui est des conditions et ainsi de suite, je suis d'accord; c'est mettre la charrue devant les bœufs. Il faudrait donc s'atteler à mettre les ressources là où elles devraient se trouver. C'est la première étape. C'est ce qui rendra nos collectivités plus sûres. Nous favorisons la réadaptation plutôt que de laisser les gens croupir en prison. C'est d'ailleurs le genre de mesure qui nous permettra d'en arriver à une juste détermination de la peine.
La présidente : Monsieur Chaffe, selon vous, quelles étapes fondamentales pouvons-nous prendre pour désengorger les tribunaux? L'injection de fonds supplémentaires? L'embauche de juges et la création de nouvelles salles d'audience? L'ajout de programmes? Qu'en pensez-vous? Je n'en ai aucune idée. Voilà ma question qui complète les réflexions du sénateur Angus. Vous pouvez y répondre maintenant ou y donner suite partiellement par écrit.
M. Chaffe : Je peux répondre aux deux questions et je serai heureux de vous transmettre une réponse écrite à la question principale. La raison pour laquelle l'ACJE est ravie de témoigner aujourd'hui, c'est qu'elle représente les intérêts de l'ensemble des procureurs canadiens chargés de mettre en application les lois adoptées par le Parlement.
Nous avons affaire à un appareil de justice pénale à pleine capacité ou en surcapacité, selon la région. Chaque nouvelle loi et chaque modification à une loi existante alourdit notre charge de travail.
Le message que nous aimerions lancer à cette chambre est le suivant. Nous espérons que les organes législatifs envisageront l'appareil de justice pénale en tant qu'entité globale à diverses composantes, comme les policiers, les procureurs, les avocats de la défense, les avocats de la Couronne, les agents de probation et de libération conditionnelle et les agents de correction.
À mon avis, lorsque vous devez apporter des modifications qui peuvent avoir des répercussions, il importe que vous écoutiez les personnes qui vont appliquer les lois afin d'en évaluer l'impact. Bien souvent, les lois sont rédigées par des gens bien intentionnés, mais elles ont un effet contraire une fois mises à exécution. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous sommes ravis d'être des vôtres aujourd'hui.
La présidente : Voilà peut-être pourquoi votre présence nous réjouit autant et pourquoi il est si important pour nous d'entendre votre témoignage, comme vous l'avez mentionné, ainsi que celui des autres intervenants dans le cadre de notre examen de ce projet de loi.
Le sénateur Milne : Monsieur Chaffe, un peu plus tôt, le ministre a répété bon nombre de fois que ce texte de loi permettrait de désengorger les tribunaux. Cependant, vous avez affirmé, de façon assez convaincante, qu'il va engorger au moins les tribunaux des cautionnements. Comment les membres du comité sont-ils censés se sortir de cette impasse?
M. Chaffe : Vous posez une question difficile. Je ne voudrais pas nécessairement être à votre place. Tous nos membres au pays ont un mouvement de recul. Je ne sais pas comment vous devez vous y prendre.
Nous vous avons donné la meilleure prévision possible quant à l'impact de cette loi, du point de vue des procureurs directement touchés.
Le sénateur Milne : Très franchement, jusqu'à ce soir, j'avais l'intention d'appuyer ce projet de loi, mais je n'en suis plus certaine.
Enfin, la question suivante s'adresse à M. Gottardi. Dans la foulée des remarques du sénateur Joyal, à votre avis, quelle est la probabilité d'une contestation constitutionnelle de ce projet de loi, compte tenu du précédent arrêt de la Cour suprême dans l'affaire Wust?
M. Gottardi : Je crois qu'il est fort probable qu'il y ait des contestations constitutionnelles. Elles pourraient être nombreuses et variées. Je continue de m'interroger sur les répercussions que cette loi régissant les peines aura sur le processus de cautionnement. Il y a matière à une contestation intéressante, puisque cette loi pourrait conférer un poids démesuré aux casiers judiciaires et aux antécédents dans les conditions de détention et la détermination de la peine de même que du crédit à octroyer.
Il y a déjà trois motifs de détention bien établis et énoncés. Le projet de loi en crée-t-il un quatrième ou met-il en évidence un facteur ayant préséance sur tous les autres? Ce ne sont là que quelques unes des réflexions qui me viennent.
Il est très probable qu'il y aura des contestations constitutionnelles de diverses natures. Je ne sais pas si les appelants auront gain de cause, mais la question ne sera pas réglée avant une bonne décennie. En attendant, les avocats de la défense et les procureurs de la Couronne directement touchés devront composer avec ces questions au fur et à mesure.
La présidente : Je vous remercie tous très sincèrement. Nous vous savons gré de votre témoignage. Nous savons qu'il n'est pas amusant de participer à une séance où beaucoup de gens sont invités à témoigner, mais vous vous êtes débrouillés à merveille. Nous vous sommes tous très reconnaissants.
(La séance est levée.)