Aller au contenu
 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 14 - Témoignages du 1er octobre 2009


OTTAWA, le jeudi 1er octobre 2009

Le Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 10 h 50, pour étudier le projet de loi C-25, Loi modifiant le Code criminel (restriction du temps alloué pour détention sous garde avant prononcé de la peine).

Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-25, Loi modifiant le Code criminel (restriction du temps alloué pour détention sous garde avant prononcé de la peine).

[Traduction]

Nous avons le très grand privilège aujourd'hui d'accueillir deux ministres de la Justice. Nous recevons M. Dave Chomiak, ministre de la Justice et procureur général du Manitoba, ainsi que Mme Alison Redford, ministre de la Justice et procureure générale de l'Alberta. Monsieur, madame, merci de votre présence.

Je dois expliquer, aux fins du compte rendu, que nous avons — et vous conviendrez, j'en suis certaine, que c'est tout à fait approprié — invité tous les ministres des provinces et territoires à comparaître ou à donner leurs points de vue sur ce projet de loi. Nous sommes ravis de recevoir ces deux ministres ici, en personne. Nous avons par ailleurs reçu des mémoires de la Colombie-Britannique, du Yukon, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick. Le Nunavut a refusé de comparaître ou de soumettre des arguments. Je le précise, pour que tout le monde soit conscient que nous ne favorisons pas certaines provinces plutôt que d'autres. Nous nous estimons chanceux de vous avoir parmi nous.

Madame Redford, veuillez commencer.

L'honorable Alison Redford, ministre de la Justice et procureure générale, Alberta : Merci de nous permettre de comparaître aujourd'hui. Nous sommes heureux d'être ici pour discuter du projet de loi C-25. Mon collègue, l'honorable Dave Chomiak, ministre de la Justice et procureur général du Manitoba, de même que tous les procureurs généraux et solliciteurs généraux de l'Ouest, appuient sans réserve cette réforme.

Nous nous sommes réunis il y a deux semaines, à Saskatoon. Nous avons déterminé qu'il était nécessaire d'adopter cet important projet de loi le plus rapidement possible. C'était en tête de nos priorités. L'élimination de la pratique actuelle qui consiste à ce que les tribunaux accordent un crédit de deux pour un ou même, dans certains cas, de trois pour un pour chaque jour de détention avant le procès est une préoccupation de longue date pour tous les ministres de la justice.

Notre système judiciaire doit être juste et transparent. Ce principe nous protège tous. Nous croyons également qu'il nous faut envoyer un message à propos des conséquences encourues lorsqu'on viole la loi et qu'on fait des victimes. En Alberta, notre gouvernement a pris l'engagement de s'assurer que nous construisions les communautés fortes et sécuritaires. Nous avons appris que l'une des choses qui font que les gens se sentent en sécurité dans leurs communautés, c'est de comprendre le système de justice et d'y faire confiance. Nous croyons que ce projet de loi est utile à cet égard.

Selon nous, tout un chacun doit bénéficier d'un traitement égal en vertu de la loi. Le système doit être également répondre aux besoins de la société dans son ensemble. En tant que législateurs, nous avons l'obligation de représenter la collectivité que nous servons.

Le Code criminel n'établit pas de formule pour calculer la quantité de temps alloué pour détention avant le procès que devrait imposer un juge qui prononce la peine. Mais selon la pratique en cours, les juges accordent deux fois le temps passé en détention sous garde avant le procès. Nous avons également vu des cas où les peines des contrevenants avaient été réduites encore plus que cela. À Calgary, la ville d'où je viens, je me souviens du cas d'un revendeur d'héroïne à qui l'on avait accordé un triple crédit, de sorte qu'il s'est retrouvé avec une peine de prison de moins d'un an alors qu'il avait été condamné à purger une peine de sept ans. On peut voir des exemples de ce type partout au pays, y compris un crédit de quatre jours pour un jour en détention provisoire. Ce n'est pas acceptable. Cela n'inspire pas confiance envers l'administration de la justice dans ce pays.

Les amendements au projet de loi C-25 limiteront en fait à un ratio d'un pour un le crédit accordé pour la détention avant procès. Néanmoins, ils permettront un pouvoir judiciaire discrétionnaire. Ainsi, on pourra accorder un crédit selon un rapport d'un et demi pour un. Si un contrevenant s'est vu refuser une caution parce qu'il n'a pas respecté ses conditions de remise en liberté, son temps alloué ne sera que d'un jour pour un. Nous trouvons cela très important.

Soyons clairs : tout le monde a droit à une enquête sur le cautionnement. Néanmoins, une fois qu'un juge a déterminé qu'une personne ne doit pas être mise en liberté, nous devons nous rappeler pourquoi cette personne est gardée en détention préventive. Le juge aura tranché que l'accusé ne peut se conformer aux éventuelles conditions de mise en liberté, ou qu'il représente une menace pour la communauté. Ou encore, comme nous l'avons vu de plus en plus souvent dans ce pays, cela peut être dû au fait que l'accusé choisit de demeurer en détention préventive pour tirer pleinement avantage d'un éventuel crédit de deux jours pour un.

Chaque fois que ce troisième scénario se réalise, le système s'en trouve discrédité. Nous connaissons beaucoup d'exemples où des individus qui avaient l'intention de plaider coupables ont choisi délibérément de rester en détention préventive le plus longtemps possible pour maximiser le crédit qu'ils en obtiendraient au bout du compte. Nous en voyons les résultats chaque jour aux nouvelles.

Lorsque les contrevenants se jouent ainsi du système, cela ne fait que l'embourber. Cela ne fait qu'engorger nos installations de détention sous garde, en plus d'augmenter les périodes d'attente avant procès et de réduire le temps disponible pour fournir des programmes postsentenciels qui, selon nous, sont essentiels pour bâtir des communautés sécuritaires et pour la réadaptation des personnes qui ont besoin d'aide. Les gens doivent avoir des programmes, et une fois que les contrevenants purgent leurs peines, ils doivent pouvoir accéder à des programmes.

Si nous n'agissons pas, ce cycle ne fera que perpétuer la croissance des populations en détention préventive, ce qui contribuera à empirer les conditions de ce type de détention. Il faut y mettre fin.

Nous devons protéger l'intégrité du processus de détermination des peines et, du même coup, rétablir la confiance envers le système de justice. Lorsqu'on accorde un crédit considérable pour les jours passés en détention avant le prononcé de la peine, la gravité de l'infraction pourrait également s'en retrouver diminuée. Les peines réduites du double ou du triple, comme cela se fait en ce moment — et le public comprend que c'est ce qui arrive actuellement —ne sont pas le reflet fidèle des dommages causés aux victimes et à la communauté. Nous croyons qu'il faudra en tenir compte dans le cadre de l'administration de la justice. Les victimes devraient se sentir confiantes à l'égard du système de justice au lieu de ressentir des frustrations.

Nous attendons beaucoup de nos juges, et ils le savent. En Alberta, nous avons de nombreuses occasions de participer à des discussions publiques avec des juges. J'ai d'ailleurs siégé à des comités en compagnie de juges, qui m'ont dit qu'ils étaient ouverts et disposés à accepter tout projet de loi qui serait adopté. Leur travail consiste à interpréter la loi; notre tâche et notre responsabilité sont d'adopter des lois. Lorsque nous nous acquittons de nos responsabilités au sein du système judiciaire et que les juges remplissent leur devoir, nous sommes en mesure d'avoir un dialogue sur les politiques publiques qui garantit les meilleurs résultats et le meilleur système de justice qui soient pour les Canadiens.

Non seulement les juges sont capables d'exercer leurs fonctions dans le respect des lois que nous leur donnons, mais ils sont prêts à en discuter avec nous dans le cadre de forums pertinents; il s'agit d'adopter des projets de loi et de leur permettre ensuite d'interpréter ces mesures législatives.

L'indication, dans les dispositions du Code criminel, des limites imposées au crédit relatif à la détention provisoire donne aux juges une orientation plus claire au cours du processus de détermination des peines. Une imposante jurisprudence de décisions récentes démontre que le crédit alloué pour des peines purgées a été limité au ratio établi dans le projet de loi, c'est-à-dire d'un pour un, ou d'un et demi pour un. Néanmoins, cette pratique n'est pas uniforme partout dans le pays. Nous croyons que, pour que la population du pays et de chaque province ait confiance envers le système de justice, il doit y avoir une uniformité. On doit pouvoir compter sur une législation qui s'applique à la grandeur du territoire.

Une limite générale d'un jour pour un jour passé en détention fournit une orientation aux juges. Cela empêche qu'on accorde des réductions de peine selon le double, le triple ou le quadruple du temps de détention avant procès. Cette disposition demeure sensible aux circonstances du contrevenant en laissant la porte ouverte à un crédit maximal d'un jour et demi pour un.

Le projet de loi C-25 est une initiative qui répondra aux préoccupations de longue date des ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la justice. Allouer un temps immodéré ne fait qu'altérer la transparence et l'intégrité du système de détermination de la peine. Et, je le répète, cela mine la confiance du public à l'égard du système judiciaire. Cela contribue au surpeuplement de la population en détention préventive en encourageant les détenus à demeurer en détention sous garde dans le but de réduire la durée de leurs peines.

Mes collègues et moi croyons fermement qu'une peine qu'on inflige à une personne est une peine que cette dernière devrait purger. C'est ainsi que le public l'entend, et c'est ainsi que le système devrait fonctionner.

Les lignes directrices en matière de détermination des peines énoncées dans le Code criminel tiennent compte de la gravité d'un crime ainsi que des programmes de réadaptation, que nous jugeons essentiels au système judiciaire. La pratique du crédit pour la détention avant procès est devenue problématique. L'abolition de cette pratique rendra notre système plus responsable devant la population. Elle aidera à faire en sorte que notre système judiciaire réponde mieux aux attentes du public, et qu'il fonctionne comme il le devrait. La détention préventive a été conçue pour maintenir les gens en détention jusqu'à ce qu'ils aient été reconnus coupables et capables de purger leurs peines et de recevoir les programmes qu'ils ont réclamés, ou que le tribunal leur a attribués.

J'encourage le comité à étudier le projet de loi rapidement et efficacement, comme il en a l'habitude. Je crois, comme je l'ai dit tout à l'heure, que la seule manière pour nous d'obtenir les résultats de politique voulus quant à ce type de questions, c'est de s'assurer d'avoir un dialogue public dynamique entre les législateurs et les tribunaux. Ce projet de loi représente une occasion en ce sens.

Les procureurs généraux et les solliciteurs généraux de l'Ouest appuient fermement le projet de loi C-25 et demandent instamment au gouvernement fédéral, aux députés du Parlement et aux sénateurs de s'assurer de son adoption et de sa mise en œuvre le plus rapidement possible.

La présidente : Merci beaucoup, madame Redford. Monsieur Chomiak?

[Français]

L'honorable Dave Chomiak, ministre de la Justice et procureur général, Manitoba : Je suis très heureux d'être ici avec ma collègue et mon amie, Alison Redford.

[Traduction]

Je vais adopter une approche différente de celle prise par ma collègue dans ses remarques, car je suis entièrement d'accord avec ce qu'elle a dit. Lorsque nous nous sommes réunis il y a deux semaines, il y avait des représentants de pratiquement tous les partis politiques de l'Ouest du Canada : le Parti libéral, le Parti conservateur, le parti de la Saskatchewan et moi-même, du Parti néo-démocrate. Nous ne faisions qu'un dans notre consensus quant à l'importance de ces amendements.

Au Canada, il existe un sentiment d'inquiétude à propos de la validité de notre système de justice pénale. Pour une personne moyenne dans la rue, la logique, ou l'absence de logique de la disposition relative à un crédit double pour la détention provisoire y est pour quelque chose dans ce sentiment. Les motifs de décisions et les raisonnements standards qui figurent dans mon texte préparé au sujet de la majorité des détenus dont la sentence a été prononcée, qui se retrouvent maintenant en détention préventive, et les véritables conditions de détention préventive par rapport à ce que ces conditions étaient à une époque, montrent que s'il y a déjà eu un raisonnement logique derrière le crédit double relatif à la détention provisoire, cette logique ne tient plus. Nous appliquons bien des mesures différentes en Alberta, au Manitoba et en Saskatchewan. Par exemple, nous avons des tribunaux de traitement de la toxicomanie, des tribunaux de santé mentale et des programmes de déjudiciarisation pour pouvoir traiter des conditions des détenus.

Je pratique le droit pénal. Je l'ai pratiqué à une époque où nos centres de détention préventive correspondaient à l'ancienne école. Le nouveau centre de détention provisoire que nous avons au Manitoba, qui a été construit il y a 10 ans, est 80 ans plus jeune que nos principaux établissements correctionnels. Dans la province, 70 p. 100 des détenus sont en détention provisoire. Lorsque je faisais du droit criminel, mes clients me disaient de façon directe qu'ils voulaient profiter du crédit double pour la détention provisoire afin d'optimiser leur situation. L'autre facteur est l'élément du crime organisé. Lorsque je pratiquais le droit pénal, il y a 20 ans, et que j'entrais dans un centre de détention provisoire, il n'existait pratiquement aucune organisation. Maintenant, le crime organisé est présent dans nos centres de détention provisoire, tout comme dans la totalité de nos centres de détention, qui doivent être isolés pour cette raison.

Ce que je veux faire valoir, c'est que les conditions ont changé. Aux yeux du public, la notion qu'une personne puisse purger une peine qui compte pour le double n'a tout simplement pas de sens. Dans l'Ouest canadien, nous reconnaissons tous le fait que des conditions sociales et des préoccupations valables existent dans notre système carcéral. Il est clair que certaines questions concernent les Autochtones. Au Manitoba, la grande majorité de nos prisonniers sont des membres des Premières nations. Il y a également des besoins propres aux femmes. Nous construisons actuellement un établissement carcéral d'avant-garde destiné aussi bien aux contrevenantes en détention provisoire qu'à celles ayant écopé d'une condamnation, qui sera parmi les plus modernes au monde et qui comprendra des jardins et des centres familiaux. L'Alberta a mis sur pied un programme doté d'un budget de 200 millions de dollars à des fins de sécurité communautaire. Nous avons mis en place des mesures pour faire en sorte que bien des individus qui entreraient normalement dans le système de justice pénale n'aient pas nécessairement à le faire. Bien que je soupçonne que dans certains cas, les centres de détention provisoire demeurent un peu plus sévères que les pénitenciers ordinaires, des programmes sont offerts dans la majorité des centres de détention préventive, et il est possible de s'en prévaloir.

Ma première rencontre fédérale-provinciale-territoriale a eu lieu en 2006. Les ministres alors en poste, qui provenaient de tous les ordres de gouvernement et de tous les partis politiques, ont souscrit à cet amendement. On était en faveur d'une réforme de cette partie du Code criminel. C'était il y a trois ans. Nous vous enjoignons de reconnaître la validité de cette position, ainsi que le fait que les ministres de la Justice et les solliciteurs généraux se sont prononcés d'une seule voix. Nous reconnaissons les préoccupations qui pourraient être soulevées en ce qui a trait aux droits individuels des personnes susceptibles d'être touchées. Nous tentons d'y faire face autrement.

Nous avons beaucoup de chemin à faire à cet égard, mais le concept de crédit double pour la détention provisoire embrouille complètement les gens ordinaires de Winnipeg, au Manitoba, et ne nous est d'aucune aide dans ce que nous tentons de faire. Nous avons eu de longs débats et pourparlers lors de rencontres entre ministres, pour nous assurer que le public ait confiance en l'intégrité du système. Ce projet de loi constituera une petite avancée pour rétablir la logique et l'uniformité des mesures qui s'imposent dans le cadre du système de justice pénale.

Le sénateur Baker : Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos témoins qui sont ici aujourd'hui. La ministre de l'Alberta n'est pas une nouvelle venue à Ottawa et sur la Colline parlementaire. Elle compte à son actif une longue expérience à exercer des fonctions d'autorité au sein des gouvernements en place, il y a de cela bien des années. Je voudrais également souhaiter la bienvenue au ministre du Manitoba. Merci de vos excellents exposés.

Cela dit, laissez-moi clarifier avec vous un point très important. Vous avez dit que l'ensemble des ministres de la Justice étaient d'accord avec ces amendements au Code criminel, et vous avez parlé d'arguments que vous auriez fait valoir par le passé au gouvernement fédéral, à titre collectif.

Pourriez-vous confirmer à ce comité que vous n'avez pas proposé une peine d'un jour pour un jour de détention, mais d'un jour et demi pour un jour?

M. Chomiak : Oui; je me souviens précisément de la réunion qui a eu lieu à Terre-Neuve à ce moment-là. L'endroit était terriblement beau.

Le sénateur Baker : Oui.

M. Chomiak : Nous en avons discuté, mais d'après ce que j'ai compris, par la suite, les premiers ministres ont approuvé une modification. Lors de la rencontre des ministres de l'Ouest, à laquelle nous avons participé il y a deux semaines, nous avons confirmé ce ratio.

Je pense que vous avez raison de tirer cette conclusion. J'ai pris part à ces discussions. Je vous dirais que l'amendement dont vous êtes saisis aujourd'hui en est le reflet, dans la mesure où l'on accorde toujours un pouvoir discrétionnaire. Le principe énoncé traduit très fidèlement la discussion qui a eu lieu à cette rencontre entre ministres. Je crois, bien que je n'en sois pas certain, que les premiers ministres ont ratifié ce qui figure dans l'amendement en ce moment.

Et même si je me trompe là-dessus, je puis vous assurer qu'au cours du débat et du discours tenus lors de la rencontre de Terre-Neuve, je pense que nous nous sommes entendus sur un chiffre similaire à celui précisé dans l'amendement actuel; ensuite, il y a eu modification. Je n'arrive pas à me souvenir tout à fait de la logique à cet égard. Toutefois, le principe d'un jour pour un jour de détention, ainsi que la possibilité d'utiliser un pouvoir discrétionnaire pour établir un ratio d'un jour et demi pour un, sont clairement reflétés dans cet amendement.

Le sénateur Baker : Je me souviens de votre réunion à Terre-Neuve.

Mme Redford : Je voudrais me prononcer sur ce qui était selon moi la logique, bien que je n'ai pas assisté à la réunion de Terre-Neuve. Lorsque je suis devenue ministre, j'ai demandé qu'on m'explique ce qui justifiait cet écart entre le crédit d'un jour pour un jour et d'un jour et demi pour un. Le grand public qui écoute cette conversation en ce moment doit se dire : ces gens n'arrivent pas à se décider.

Il était très clair que le principe fondamental serait un crédit d'un pour un. Néanmoins, nous voulions nous assurer d'intégrer un incitatif pour les personnes en détention provisoire afin qu'ils collaborent, qu'ils accèdent aux programmes et qu'ils entreprennent le travail susceptible de les aider à améliorer leur vie, à l'autre extrémité de toute expérience qu'ils ont pu vivre. Si nous avions seulement la règle d'un jour pour un jour et rien d'autre, nous ne permettrions pas à ce principe de faire partie du système.

Le sénateur Baker : Toutefois, chers témoins, il est important pour nous d'établir avec exactitude ce que les provinces ont demandé, ce qu'elles ont recommandé, et si vous êtes effectivement d'accord avec cet amendement parce qu'il est à peu près adéquat. Les témoins ont raison de dire que cet amendement équivaut approximativement à ce qui était demandé; cela ne fait aucun doute. Toutefois, la distinction demeure : il s'agit d'un rapport d'un jour et demi par opposition à un rapport maximal d'un jour pour un.

Nous avons examiné la jurisprudence de vos provinces. Cette jurisprudence a été établie par la Cour d'appel. Je vais vous lire une phrase tirée du sommaire d'une décision de la Cour d'appel du Manitoba, dont le titre est : R. c. Young, 2004 :

[...] pour le juge qui prononce la sentence dans des circonstances où [...] les conditions de la détention présentencielle n'ont pas été rigoureuses, une balise serait d'allouer un jour et demi pour chaque jour passé sous garde.

Je consulte la jurisprudence pour vérifier le respect de cette ligne directrice. Au paragraphe 38 de l'arrêt R. c. Semple rendu le mois dernier par la Cour provinciale du Manitoba, je constate en effet qu'on suit cette ligne directrice :

Je ne suis pas convaincu que sa participation à ces séances doive entraîner une réduction du temps alloué pour sa détention présentencielle à un jour pour chaque jour passé sous garde, car en décider ainsi dissuaderait les contrevenants de participer aux séances de consultation dont ils ont besoin pour mener une existence honnête [...]. Je suis convaincu que le temps qu'il faudrait lui allouer pour cette période devrait être d'un jour et demi pour chaque jour passé sous garde [...].

Voilà pour la Manitoba.

Je constate la même chose dans la jurisprudence albertaine. Cette année, vos tribunaux n'ont pas alloué du « deux pour un ». Par exemple, dans l'arrêt R. c. Bird, qui remonte à environ un an, on lit :

J'ai déterminé qu'il convenait d'allouer un jour pour chaque jour de détention présentencielle, vu les circonstances et les possibilités de réhabilitation [...]

Voyons maintenant un arrêt rendu il y a à peu près un mois — je serai très bref, madame la présidente. Ce que je veux faire valoir c'est que, dans le passé — et c'était la même chose en Saskatchewan —, chaque jour passé en détention présentencielle comptait pour un jour, moins d'un jour, un jour et demi ou deux jours, selon la situation du détenu qui reçoit sa peine et qui a passé du temps en détention provisoire.

Votre proposition initiale de « un et demi pour 1 » concorde avec les jugements de vos tribunaux, contrairement à votre proposition de « un pour un ».

M. Chomiak : Sans vouloir vous contredire, je crois qu'il est courant, dans les tribunaux du Manitoba, d'allouer deux jours pour chaque jour passé sous garde. Si les tribunaux recherchent des orientations ou un pouvoir discrétionnaire, en vertu de la modification, ils les auraient. Cependant, si j'en crois mes fonctionnaires et mon expérience personnelle, l'usage, au Manitoba, est d'allouer deux jours.

Le sénateur Baker : Vous ne répondez cependant pas à ma question. Il y a un écart entre ce que vous avez proposé au gouvernement fédéral, à la conférence de 2006-2007, qui a eu lieu à Terre-Neuve et dont je me souviens très bien, et ce que vous acceptez dans ce projet de loi.

M. Chomiak : Depuis ce temps, un certain nombre de facteurs ont joué, pour autant que je me souvienne. À plusieurs reprises, des tribunaux ont alloué du « trois pour un », en Alberta notamment. De mes discussions avec nos premiers ministres, je retiens qu'ils semblaient penser qu'un crédit de « un et demi pour un » aurait plus de bon sens qu'un crédit de « deux pour un ».

Dans les discussions, on a abordé tour à tour les crédits de « un et demi pour un », « un pour un » et « deux pour un ». Vous y avez acquiescé en principe. Nous savons que le crédit de « deux pour un » est en usage. Nous proposons qu'une application convenable de cette interprétation serait le « un et demi pour un » et le « un pour un », parce qu'il existe un pouvoir discrétionnaire et que ce serait conforme à ce que le Parlement conseille au système judiciaire.

Le sénateur Baker : Dites-moi si vous êtes d'accord ou non avec ce que je vais dire. Dans votre exposé, vous avez dit que le tribunal devra désormais motiver ses décisions, et cetera. Cependant, d'après le paragraphe 719(3.4) du projet de loi, le fait de ne pas motiver la décision — ne pas inscrire les motifs au dossier de l'instance — n'entache pas la validité de la peine infligée.

Jamais je n'ai vu, en droit, une telle autorisation donnée au tribunal de ne pas motiver sa décision. Je me demande si vous êtes d'accord avec ça ou si vous avez examiné cette disposition.

Je comprends que votre démarche générale ne concerne pas cette disposition, mais je m'interroge.

Mme Redford : Merci pour vos observations. Nous avons eu une discussion générale sur le sujet. Je crois que l'objet du paragraphe est de faire en sorte que, dans le cas précis où il faudrait allouer une journée et demie plutôt qu'une journée pour chaque jour passée sous garde, le tribunal doit motiver sa décision. Ce n'est pas toujours le cas, actuellement, dans la pratique courante des tribunaux provinciaux, où, parfois, les motifs peuvent très bien être pris en considération. Toutefois, pour ce qui est des motifs inscrits dans le dossier de l'instance pour ensuite être consultables en vue d'un éventuel recours, ce n'est pas toujours le cas.

Ce n'est assurément pas passé dans la pratique quotidienne des tribunaux.

Le sénateur Baker : Êtes-vous d'accord cependant avec la disposition qui autorise une décision non motivée?

La présidente : Deux dispositions touchent les motifs. L'une d'elles est tout à fait technique : le tribunal doit exposer la nature de l'infraction, le temps passé sous garde, la période d'emprisonnement qui aurait été infligée n'eût été tout temps alloué, le temps alloué, le cas échéant, et la peine infligée.

Cependant, on lit, au paragraphe 719(3.2), qui la précède immédiatement : « Le tribunal motive toute décision d'allouer du temps pour la période passée sous garde et fait inscrire les motifs au dossier de l'instance », ce qui répond de façon beaucoup plus simple et beaucoup plus directe aux questions que vous avez soulevées à l'égard de la transparence et de la confiance du public dans le système de justice.

D'après vous, y a-t-il une différence dans l'importance de ces deux paragraphes par rapport à la disposition qui les suit et à laquelle le sénateur Baker s'intéresse, cette disposition portant que l'inobservation des deux paragraphes en question, c'est-à-dire ne pas fournir tous les renseignements, n'entache pas la validité de la peine infligée?

Le sénateur Baker : J'ignore si vous en avez tenu compte, puisque votre exposé a porté sur un temps alloué de « deux pour un ». Avez-vous des observations à formuler?

M. Chomiak : Les observations de mes fonctionnaires concernent la validité de la procédure judiciaire et l'observation des normes particulières qui s'appliquent. J'ajouterai deux observations. C'est une ligne directrice qui s'adresse au juge qui prononcera la peine à l'égard de la disposition portant sur la détermination de la peine. Certaines de nos réformes que nous mettons sur pied à l'égard des poursuites visent à conserver une plus grande masse de renseignements — et non le contraire — afin de répondre à ce qui nous semble une demande de plus grande transparence de la part du public.

Le sénateur Wallace : Merci, madame et monsieur les ministres. Vos points de vue nous seront extrêmement précieux. J'aimerais commencer à un niveau un peu plus élevé que celui de mon éminent collègue le sénateur Baker.

Ça m'intrigue que le projet de loi C-25 semble avoir suscité l'accord unanime des provinces et du gouvernement fédéral. Dans le monde politique d'aujourd'hui, c'est du rarement vu.

Il est évident que pour parvenir à ce résultat, on a beaucoup réfléchi à la question de la détermination de la peine et du crédit « deux pour un » — les problèmes auxquels s'attaque le projet de loi. Pourriez-vous nous éclairer sur le contexte et l'historique des discussions qui ont eu lieu entre les provinces, pour que nous puissions avoir une idée approximative de la profondeur avec laquelle elles ont étudié et continuent d'étudier la question? Ça pourrait nous être utile.

M. Chomiak : J'ai assisté à toutes les réunions fédérales-provinciales-territoriales qui ont eu lieu depuis 2006, à l'exception d'une seule, et à plusieurs réunions régionales des ministres, y compris à des réunions d'associations avec le Québec et l'Ontario. Nous avons été les témoins d'augmentations spectaculaires de la population en détention présentencielle et d'une évolution spectaculaire de ce type de clientèle.

Permettez-moi de vous en donner un exemple concret. Nous avons un centre de détention présentencielle à Winnipeg qui, malheureusement, est engorgé. Désormais, nous hébergeons des personnes en détention présentencielle dans notre établissement correctionnel provincial. Dernièrement, nous avons agrandi un établissement régional qui était autrefois à sécurité minimale. Nous avons été obligés d'y loger des personnes en détention présentencielle, en contact avec la population qui s'y trouvait déjà.

Le phénomène a été observé d'un bout à l'autre du pays. Les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux et leurs fonctionnaires ont tenté de comprendre cette explosion. Nous ne possédons pas de solution magique au problème et nous ne prétendons pas que le projet de loi renversera la situation. Cependant, il est évident que les populations en détention présentencielle ont augmenté et que le système peine à les absorber.

Dernièrement, le Manitoba a mis sur pied un projet appelé Front End (projet de prétraitement) en matière criminelle. Le projet, qui a reçu une récompense des Nations Unies, avait pour but d'accélérer les procédures et les procès, et cetera. On voulait limiter la durée des détentions présentencielles pour s'assurer d'un début plus rapide des procès. C'est le contraire qui est arrivé. Le projet n'a pas nécessairement entraîné une baisse de la population en détention provisoire. Nous avons un exemple concret, dans notre province, de l'effet démontrable du crédit « deux pour un ».

Cette question particulière a été l'un des deux sujets qui ont été soulevés à toutes les réunions fédérales-provinciales-territoriales auxquelles j'ai assisté. Compte tenu des allégeances politiques des ministres, de leur roulement, du renouvellement de l'administration et des changements de gouvernements, cette conclusion ne s'est pas imposée machinalement. Nous faisons affaire avec des populations différentes, et nous avons des difficultés avec certaines d'entre elles.

Cependant, nous avons tous assisté à une augmentation incroyable de la population en détention présentencielle. La perception du public n'est pas favorable. Nous ne sommes pas tout à fait assurés des répercussions pécuniaires, et cetera, dans le système, mais ça ne peut pas faire empirer les choses.

Le sénateur Wallace : D'après le ministre Nicholson, l'un des buts du projet de loi C-25 est de désengorger les tribunaux. M. Chomiak a laissé entendre que certains des accusés, pas tous, pouvaient profiter de l'existence du crédit « deux pour un ». S'ils redoutent l'inculpation, ils retardent l'inscription d'un plaidoyer et le choix d'un procès. C'est ce qui provoque l'engorgement des établissements de détention provisoire.

D'autres témoins, qui représentent les intérêts des accusés, la Société John Howard du Canada, l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, la Criminal Lawyers' Association, repoussent cette accusation et disent que ce n'est pas ce que l'on observe dans la réalité.

Nous avons aussi entendu James Chaffe, qui représente l'Association canadienne des juristes de l'État. Après son témoignage du 24 septembre, M. Chaffe nous a envoyé une lettre, dont je lirai un court passage qui porte sur cette question :

Dans leurs témoignages, la Criminal Lawyers' Association et l'Association du Barreau canadien ont vigoureusement nié qu'un accusé puisse accumuler les crédits de temps en prévision de la peine qu'on lui infligera, en profitant des dispositions en vigueur en la matière [...]

Il poursuit :

Sans vouloir blesser ces témoins, l'Association canadienne des juristes de l'État ne peut pas souscrire à ces dénégations. L'idée et sa réalisation ne sont pas un mythe. Dans tout le Canada, il n'est pas rare que les avocats de la Couronne en fassent l'expérience.

Il s'agit, à l'évidence, d'un enjeu important pour le projet de loi C-25. Pourriez-vous faire des observations sur ce que vous vivez dans les provinces que vous représentez et comment vous évaluez ce problème?

Mme Redford : Je vais répondre à la question selon deux points de vue — bien que je me demande comment je pourrais faire des observations aujourd'hui sur cette question.

Comme vous l'avez laissé entendre, nous sommes loin de présumer que toutes les personnes en détention présentencielle ont ce comportement. Nous ne présumons pas que c'est une tactique constamment utilisée.

J'ai eu des discussions avec un certain nombre de personnes qui œuvrent dans le système de justice et y jouent différents rôles, d'un bout à l'autre du pays. Il est difficile de chiffrer cette pratique, parce que nous ne pouvons pas toujours connaître les motivations sous-jacentes. Cette pratique existerait, si l'on se fie à la masse de renseignements anecdotiques que l'on possède sur le sujet.

En Alberta, nous avons entendu parler de personnes en détention présentencielle qui prennent rendez-vous avec le médecin au centre de détention, en demandant que ces rendez-vous aient lieu à des dates précises. Quand on leur demande le pourquoi, on se fait répondre qu'elles ont déjà calculé que, deux jours après le rendez-vous, elles enregistreront un plaidoyer, car elles n'auront alors plus de temps à purger sous garde. Je vous le concède, c'est anecdotique, mais il y a assez d'histoires de ce genre qui nous sont racontées par d'anciens avocats de la défense, comme mon confrère du Manitoba; c'est plus qu'une coïncidence.

L'autre chose que je voudrais dire à ce sujet concerne le travail fait par les ministres fédéral et provinciaux sur ce qui me semble être une question connexe, c'est-à-dire l'efficacité du système de justice. Indépendamment de ce projet de loi, nous sommes préoccupés par les arriérés du système judiciaire. C'est important. Nous savons que le système est mis à l'épreuve, à savoir si les gens peuvent faire confiance à ce système, que ce soit les victimes, les membres du public ou les accusés, et nous devons essayer de réduire nos délais d'exécution.

L'une des tâches qui ont été faites à cet égard a été d'examiner le nombre de demandes qui sont présentées avant que nous en arrivions au procès, c'est-à-dire le nombre de demandes de mesures provisoires, le nombre de procédures qui peuvent être prises en considération et le nombre de fois que le procureur de la défense peut comparaître. On a trouvé une corrélation entre ces demandes et les cas, de plus en plus nombreux, où on avait établi un rapport de deux pour un. C'est tout ce que je peux dire pour l'instant.

M. Chomiak : J'ajouterais deux choses rapidement. Premièrement, je crois que personne d'entre nous ne souhaite construire une autre prison. Deuxièmement — et ceci est tragique —, la plupart de nos clients ou de nos détenus sont malheureusement des contrevenants qui font partie du système depuis un certain temps et qui en connaissent très bien les rouages. Je ne crois pas qu'on puisse le nier, ni par des statistiques ni par des anecdotes, du moins selon ma propre expérience. C'est une chose tragique que d'avoir des récidivistes. C'est là un problème sur lequel nous devons tous nous pencher sans tarder. Toutefois, je ne doute aucunement que la personne moyenne qui comparaît avant le procès connaît plus ou moins les circonstances entourant la caution et les circonstances entourant sa détention, toujours selon mon expérience.

Le sénateur Joyal : J'aimerais établir une chose clairement pour commencer. Mon éminent collègue, le sénateur Wallace, a mentionné que les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux étaient d'un accord unanime concernant le rapport d'un pour un. Or, le ministre a nié cela lorsqu'il a témoigné le 16 septembre. Le sénateur Wallace a ajouté « accord unanime », mais le ministre n'en a jamais parlé. Voici la réponse qu'il a donnée à une question que lui a posée un éminent sénateur :

C'est vous qui parlez d'« accord ». C'était une incitation qu'ils ont adressée à mon collègue de la Sécurité publique et à moi-même en 2007 et en 2008. Leurs avis étaient quelque peu partagés : certains voulaient un crédit d'une journée, d'autres un crédit d'une journée et demie pour chaque journée de détention présentencielle. Nous nous sommes entendus sur la règle générale suivante : une journée de crédit pour chaque journée de détention présentencielle et, exceptionnellement, une journée et demie. C'était un peu un compromis entre toutes les idées qui m'avaient été proposées. Ce n'était pas un accord avalisé par toutes nos signatures à la fin de la conférence. C'étaient des observations et des propositions qui m'ont été faites à moi et au ministre de la Sécurité publique au cours des deux dernières réunions que nous avons tenues.

C'est ce que le ministre fédéral nous a dit, que vous n'aviez pas conclu un accord unanime disant que la règle devrait être une journée de crédit pour chaque journée de détention. Vous pouvez prétendre que la règle devrait être celle-ci. Je respecte cette position, mais elle ne fait pas l'unanimité parmi tous les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux, selon ce que le ministre ui-même a déclaré ici il y a moins d'un mois. Pouvez-vous confirmer cela d'après les réunions que vous avez eues en 2006-2007?

Mme Redford : Je n'étais pas présente aux réunions de 2006-2007, alors je laisserais au ministre Chomiak le soin de répondre à cette question. Lors des discussions auxquelles j'ai pris part au cours des 18 derniers mois, on a préconisé tantôt le crédit d'un jour, tantôt le crédit d'un jour et demi. Comme je l'ai dit tout à l'heure, si ma mémoire est bonne, c'était toujours pour nous assurer d'avoir l'option d'un jour et demi, pour permettre aux juges d'utiliser cette option pour récompenser ou encourager un bon comportement, à leur discrétion. Si ma mémoire est bonne, ce n'était pas un débat où la chose était tranchée noir sur blanc. On partait du principe d'une journée de crédit pour une journée de détention, et puis on s'est demandé si l'option d'une journée et demie de crédit devait être offerte à discrétion. Par suite des circonstances dont nous avons parlé tout à l'heure, c'était le consensus qui se dégageait des discussions.

Que le ministre Nicholson se rappelle ou non qu'il s'agissait d'un accord ou d'un accord unanime, en ce qui a trait à ce dont nous avons parlé aujourd'hui, il est clair dans l'esprit des ministres de l'Ouest que c'est ce que nous en pensons. Comme le ministre Chomiak l'a dit, les premiers ministres se sont exprimés à ce sujet.

Je vais laisser M. Chomiak ajouter ses commentaires.

M. Chomiak : Je vais lire simplement un passage de notre communiqué :

Même s'il est vrai que les ministres FPT responsables de la justice recommandaient de limiter le temps alloué à un jour et demi pour chaque journée passée en détention sous garde, en général, et d'un jour pour un, dans des situations exceptionnelles, ceux-ci ne recommandaient pas, dans la réforme proposée, que la proposition législative remplace le temps alloué de deux jours pour chaque jour de détention sous garde, étant donné que le droit pénal est de compétence fédérale. Plus exactement, les ministres recommandaient l'application d'une approche politique pour atteindre l'objectif d'éliminer le temps alloué de deux jours pour un et empêcher que soit alloué plus de temps.

Le sénateur Joyal : Merci de nous faire cette lecture. Nous pourrons ainsi mieux comprendre le contexte. Comme vous le savez, dans le débat politique actuel, nous étirons le sens des mots. Vous le savez; vous participez à des débats publics et des débats parlementaires régulièrement. À un moment donné, nous ne savons plus trop quel était le raisonnement derrière les propositions qui sont à l'étude. Je vous remercie d'avoir fait la lumière sur les mythes entourant ce premier point.

Si j'ai bien compris vos réponses, madame Redford et monsieur Chomiak, vous n'avez aucune statistique précise sur le nombre de cas de récidive, où l'accusé abuserait du système de détention provisoire. Avez-vous mené des études? Avez-vous des rapports internes qui vous permettraient de nous dire que dans votre province, le système fonctionne de cette façon et que vous observez des abus à répétition? Avez-vous ces rapports ou est-ce plutôt, comme vous l'avez mentionné dans votre exposé, l'impression générale de Monsieur Tout-le-monde, d'un avocat, d'un procureur de la Couronne ou du ministère de la Justice? Pouvez-vous nous donner des faits plus précis, concernant le système de détention provisoire, qui justifieraient, selon vous, la règle du un pour un?

M. Chomiak : Je vais essayer de vous répondre. D'un point de vue éthique, je crois que parmi tous ceux qui prennent part au système de justice, personne ne laisserait entendre qu'il agit contrairement à l'éthique, et ainsi de suite. Je dois confirmer cela; mes collaborateurs ne le peuvent pas. Je sais qu'un grand pourcentage des gens en détention provisoire, souvent, ne demandent même pas une caution, pour diverses raisons.

Devant la perspective d'un procès et du prononcé d'une sentence, en sachant qu'un crédit de deux jours pour chaque jour de détention peut lui être accordé, il semble évident, comme on le disait à l'école de droit, qu'une personne raisonnable arriverait à la conclusion qu'une telle décision pourrait être rendue.

Je peux vous assurer aussi que, lorsque j'étais un jeune avocat, les procureurs plus expérimentés m'avaient informé de cette mesure précise.

Je ne crois pas que nous ayons ces statistiques. Je ne crois pas que vous puissiez sonder le raisonnement d'un individu sur ce point précis. Tout ce que nous pouvons examiner, ce sont les statistiques. Pour une raison quelconque, les cas de détention provisoire ont fait un bond extraordinaire au Canada. Je suis certain que c'est là un facteur.

Le sénateur Joyal : Toutefois, vous ne pouvez pas quantifier le phénomène.

M. Chomiak : Je ne sais pas comment on pourrait le quantifier dans un contexte quelconque. Les criminalistes ne diraient certainement pas qu'ils conseillent leurs clients dans ce sens. Je ne suis pas certain que ce serait dans l'intérêt du contrevenant moyen de laisser entendre une telle chose.

Je ne sais pas comment ce phénomène pourrait être quantifié.

Mme Redford : C'est très difficile de le faire. Comme vous le savez, nous ne pouvons pas assister aux conversations qui ont lieu entre un avocat et ses clients. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je ne présumerai pas que quelqu'un suit cette approche.

Par contre, je dirais que la chose est assez grave, puisque dans l'affaire Sooch entendue par la Cour d'appel de l'Alberta, en 2008, au paragraphe 16, la Cour d'appel a fait un commentaire disant que le fait d'omettre de demander une libération est un facteur qui complique une demande de crédit supérieur pour une période de détention avant procès.

Par conséquent, on voit que la question est importante, du fait que cette dynamique fait partie des discours que tiennent les tribunaux et la communauté juridique en Alberta et qu'elle est devenue assez importante pour que notre Cour d'appel aborde cette question et la commente.

Le sénateur Joyal : Toutefois, à titre de ministre de la Justice, vous n'avez jamais demandé à un expert en droit criminel d'une des universités de l'Alberta d'essayer de quantifier le phénomène et de comprendre dans quelle mesure cette situation se généralise dans le système albertain. Nous avons entendu ici des experts en droit criminel et nous avons essayé de comprendre ce phénomène. Toutefois, personne ne semble être en mesure de vraiment le quantifier, selon ce que je comprends.

Le phénomène existe-t-il? Je dirais oui. Existe-t-il au point où nous devons mettre le système sens dessus dessous? Je n'en suis pas certain. C'est pourquoi j'essaie d'obtenir cette réponse de vous.

Mme Redford : À titre de ministre de la Justice de l'Alberta, je n'ai pas retenu les services d'un expert. Je crois que le phénomène existe, mais je ne crois pas qu'il mette le système sens dessus dessous. Par contre, on s'attaque au problème.

Le sénateur Wallace : J'aimerais clarifier un commentaire que vous avez fait, sénateur Joyal. Tout à l'heure, lorsque j'ai parlé de l'appui que manifestaient les provinces à l'égard de ce projet de loi, vous avez retenu un élément en particulier — le rapport un pour un — et vous cherchiez à savoir si, dans toutes les discussions, il y avait un accord unanime parmi toutes les provinces à ce sujet.

Là n'est pas la question. Je tiens à le préciser pour qu'il n'y ait pas de malentendu. J'aimerais tout particulièrement que nos témoins comprennent bien mon commentaire.

Il avait trait à l'appui que toutes les provinces ont exprimé à l'égard du projet de loi C-25 dans son ensemble, le projet de loi que nous avons aujourd'hui. C'était là mon commentaire. Je veux simplement m'assurer que tous les témoins ont compris le contexte dans lequel j'ai soulevé cette question.

Le président : Merci. Je crois que c'était là une précision plutôt qu'une question, mais c'était une précision valable.

Le sénateur Wallace : J'ai eu en fait une réponse de la ministre Redford.

Mme Redford : Oui, j'ai dit « merci ».

Le sénateur Wallace : Sénateur Chomiak, est-ce bien ce que vous aviez compris?

Le président : Sénateur Chomiak? Nous serions heureux de vous avoir parmi nous en tout temps.

Le sénateur Wallace : Il y a toujours de la place pour un de plus.

Le sénateur Joyal : Si je peux revenir à ma question, nous savons que le phénomène existe, mais nous ne pouvons pas le quantifier et il ne met pas le système sens dessus dessous. Toutefois, ce projet de loi annule une décision rendue par la Cour suprême du Canada en 2000, qui était clairement établie dans l'arrêt Wust en 2000, et qui porte spécifiquement sur la question du crédit pour le temps passé en détention provisoire. Je vais citer cette décision parce qu'il est important de comprendre ce que nous faisons avec ce projet de loi. Le paragraphe 45 de la décision dit ceci :

Dans le passé, nombre de juges ont retranché environ deux mois à la peine du délinquant pour chaque mois de détention présentencielle. Cette façon de faire est tout à fait convenable, quoiqu'un autre rapport puisse aussi être appliqué, par exemple si l'accusé a été détenu avant son procès dans un établissement où il avait pleinement accès à des programmes d'enseignement, de formation professionnelle ou de réadaptation. Le rapport de 2 pour 1 qui est souvent appliqué reflète non seulement la rigueur de la détention en raison de l'absence de programmes, rigueur qui peut être plus grande dans certains cas que dans d'autres, —

Je parle de la population autochtone ici.

— mais également le fait qu'aucun des mécanismes de réduction de la peine prévus dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition ne s'applique à cette période de détention. Le « temps mort » est de la détention « concrète ». Comme la période à retrancher ne peut ni ne doit être établie au moyen d'une formule rigide, il est par conséquent préférable de laisser au juge qui détermine la peine le soin de calculer cette période, car c'est encore lui qui est le mieux placé pour apprécier soigneusement tous les facteurs permettant d'arrêter la peine appropriée, y compris l'opportunité d'accorder une réduction pour la période de détention présentencielle.

Par conséquent, si nous établissons le principe du un pour un, premièrement, nous nions la rigueur de la détention provisoire et, deuxièmement, il n'y a plus de mécanisme de réduction de la peine. En fait, nous changeons quelque chose de fondamental. Nous n'essayons pas simplement d'échanger une pomme pour une pomme. Nous disons que lorsque vous êtes en détention provisoire, vous vivez dans un environnement beaucoup plus difficile et vous n'avez pas de mécanisme de réduction de la peine. Lorsque vous serez en détention, vous purgerez une peine dans des conditions plus difficiles que celles que l'on retrouve après le prononcé de la sentence. Il me semble que ces choses ne sont pas égales. Nous n'établissons pas un équilibre avec les conditions que l'on retrouve dans les prisons en général, que ce soit au niveau provincial ou fédéral.

Nous respectons d'ailleurs tous les efforts que vous faites pour améliorer ces conditions.

M. Chomiak : Lorsque le projet de loi sur la réforme du cautionnement a été adopté en 1972, nous avons abordé cette question. Le principe sous-jacent au concept s'est affaibli au fil des années. On peut le voir dans les installations provinciales et dans la décision Gladue concernant les Autochtones. Au Manitoba, où 90 p. 100 de la population carcérale est autochtone, nous reconnaissons qu'il faut traiter les gens de façon différente. C'est pourquoi, dans les commentaires que j'ai faits un peu plus tôt, j'ai fait allusion aux tribunaux de la santé mentale, aux tribunaux des narcotiques, aux étuves et à d'autres programmes que nous offrons. Nous avons reconnu cela dans notre système. Je ne crois donc pas que le principe sous-jacent concernant la rigueur de la détention soit encore pertinent.

L'autre point, c'est que le concept de la perception du système de justice au pays est très important pour nous tous. Il force à un examen de pratiquement tout ce que nous faisons dans le système de justice, un système qui bouge très lentement et qui n'est pas perçu par le Canadien moyen comme étant d'actualité et efficace. À mon avis, une chose aussi évidente que le rapport de deux pour un est un principe qui vaut la peine d'être examiné quant on songe au changement que le Canadien moyen peut espérer.

Enfin, le ministre a indiqué qu'un projet de loi sur la réforme de la détermination de la peine sera déposé, dans lequel on reconnaîtra le temps de détention ainsi que les conditions de détention provisoire.

Je dirais que 1972 et 2009 comportent des différences presque générationnelles quand on songe à la population criminelle que nous retrouvons dans notre système correctionnel. Cet aspect touche à une question plus vaste dont je pourrais parler ad nauseam. Je vais donc m'arrêter ici.

[Français]

Le sénateur Carignan : On a parlé de statistiques concernant des personnes qui utilisaient le système pour faire du « deux pour un ». Je peux comprendre en tant qu'avocat que c'est difficile d'avoir des statistiques qui permettent de quantifier ce jeu. Je vois mal comment un avocat pourrait les divulguer. Je vois mal comment on pourrait avoir des statistiques plausibles à ce sujet.

Il y a un autre principe qui est celui de la confiance du public dans le système de justice qui selon moi fait partie du système de justice fondamental. Il doit aussi être mis de l'avant et que vous en avez parlé. Avez-vous des études, des statistiques sur la confiance de la population en général dans le système de justice? Avez-vous encore plus particulièrement des études ou des statistiques qui touchent cet élément de la peine du « deux pour un » et son effet sur la perception des gens sur la justice, ou est-ce, que j'appellerais, un peu comme la connaissance judiciaire, la connaissance politique du fait de votre expertise dans le domaine?

[Traduction]

Mme Redford : Je n'ai pas les statistiques ici, mais il y a deux ans en Alberta, lorsque notre premier ministre a accédé à ce poste, il s'est engagé à établir des communautés plus sécuritaires et plus fortes. Depuis ce temps, le ministère de la Justice a élaboré son cadre de gestion axé sur les résultats à partir de questions différentes de celles que nous avions posées auparavant à la population.

Les questions sont formulées pour savoir si les gens ont confiance au système de justice. C'est un débat très émotionnel. Si l'on pose cette question à la population après que plusieurs sentences ont été publicisées et semblent un peu difficiles à comprendre ou après une recrudescence de crimes violents dans la ville, les statistiques tendent à varier un peu.

Par contre, lorsque les questions sont formulées pour savoir si les gens se sentent en sécurité dans leurs communautés, nous avons constaté que la réponse reste passablement la même, c'est-à-dire que 55 p. 100 des gens ne se sentent pas en sécurité. Quant à savoir s'ils ont confiance dans le système de justice, cette donnée est restée la même au cours des deux dernières années, avec pratiquement le même pourcentage.

Je pourrais probablement vous donner plus de précision à ce sujet après la séance. Nous nous sommes efforcés de formuler nos questions de cette manière, parce que nous ne croyons pas que la population comprenne pleinement les tenants et aboutissants d'une peine ou d'une décision qu'un juge peut rendre. Les gens en général ne seraient pas en mesure d'en parler dans le détail.

La présidente : Ces renseignements nous seraient très utiles.

Mme Redford : Nous vous les fournirons.

[Français]

Le sénateur Carignan : La question du sentiment de sécurité, c'est une chose, et la perception de la sécurité, une autre. Est-ce que j'ai un sentiment de sécurité dans ma ville? Je comprends que cela peut être une étude, mais également, ai-je confiance dans le système de justice? Est-ce qu'il est juste? Est-ce qu'il y a des études ou des statistiques là-dessus? Pour moi, ce sont deux choses. Je peux me sentir en sécurité ou non, c'est une perception. Mais est-ce que j'ai aussi confiance? Souvent, on voit des sondages, ceux que je vois sont publiés dans les journaux, où l'on parle des professions : où se situe les juges, les politiciens, les avocats? Ils sont classés. Cela nous donne des indices que la confiance des gens en certaines professions peut être limitée. Est-ce qu'il existe le même genre d'étude sur la confiance dans le système de justice?

M. Chomiak : Je voudrais essayer de parler en français pour discuter de ce sujet. Je pense que c'est très difficile. Nous savons que cela est quelque chose de très important pour les politiciens, c'est un sujet émotif. Je sais cela. Tous les ministres le savent. Mais en même temps, je pense sans doute que les gens ne comprennent pas le système de justice. On écoute la radio, on écrit dans les journaux que quelqu'un peut passer un jour dans une prison, on lui accorde deux jours pour sa sentence. C'est quelque chose de très difficile à comprendre pour les gens.

[Traduction]

Les garants du système de justice que nous sommes savent que la mission du Sénat consiste à examiner attentivement les projets de loi ainsi qu'à réfléchir sans nécessairement réagir, mais qu'il doit également intervenir ou examiner les questions différemment. Encore une fois, je signale que, si les procureurs de la Couronne, les ministres de la Justice et les premiers ministres provinciaux avaient l'impression que le crédit double n'était plus appliqué dans notre régime de justice ou si ce sentiment était partagé par la population, les principes sous-jacents n'auraient alors plus aucune valeur. Cela ne donnerait cependant pas au public nécessairement confiance dans le système de justice.

Le Manitoba offre une multitude de programmes auxquels les gens ont accès. La rigueur de la détention provisoire ne peut plus justifier, selon moi, le crédit double.

Dans une certaine mesure, je peux simplement ajouter que le public veut un système logique et uniforme, ce qui est l'objet du présent projet de loi. Néanmoins, c'est pourquoi j'ai souligné que les ministres de la Justice et les autres intervenants dans ce domaine sont bien conscients des changements qui se révèlent nécessaires dans notre système de justice en général.

Le Manitoba est parfaitement au courant des problèmes auxquels sont confrontés les Autochtones, les femmes et les Premières nations.

C'est par d'autres moyens qu'il faudra instaurer la confiance dans le système de justice et favoriser la réalisation de ces objectifs. Le projet de loi est utile à cet égard, mais il ne propose qu'une des modifications rigoureuses qu'il faut apporter dans l'ensemble du système.

Mme Redford : Je m'excuse, mais la greffière nous avait indiqué que notre comparution durerait une heure. Le problème, c'est que nous venons de l'Ouest et avons fait des réservations pour retourner chez nous en avion. Le ministre Chomiak doit être présent en Chambre cet après-midi.

La présidente : Nous comprenons la situation. Je pense que les sénateurs souhaiteraient vous poser quelques questions. C'est certainement mon cas, du moins, et je suis disposée à vous les poser si vous vous engagez à y répondre ultérieurement.

Mme Redford : Je serais enchantée de satisfaire à cette demande. Nous aimerions bien poursuivre, mais nous ne devons retourner dans l'Ouest.

La présidente : Prendre l'avion n'est pas une activité qui nous est étrangère.

Mes questions relèvent du domaine de la statistique. Nous avons entendu les témoignages des procureurs de la Couronne et des avocats de la défense qui nous ont signalé que le projet de loi notamment engorgerait les tribunaux lors des séances de libération sous caution, ce qui impliquerait une augmentation du nombre de personnes purgeant une détention préventive. Avez-vous établi les répercussions de toutes les dispositions du projet de loi sur les personnes en détention provisoire? Si vous connaissez déjà la réponse, ce serait magnifique. Sinon, pourriez-vous nous la transmettre ultérieurement?

Ma deuxième question relève davantage de la philosophie. Elle porte sur les estimations dont vous êtes au courant, j'en suis sûr, et qui ont été effectuées par MM. Doob et Webster sur les écarts décelés compte tenu des aléas du régime de libération conditionnelle et sur le fait que le temps de détention préventive n'est pas pris en considération aux fins des libérations conditionnelles.

La détermination de la peine sans tenir compte du temps déjà purgé est différente si les gens reconnus coupables de la même infraction ont été libérés sous caution ou non. Le résultat est fonction des circonstances. La personne qui n'a pas été libérée sous caution purgerait, en théorie, une peine supérieure, et ce n'est pas un cas exceptionnel.

Adhérez-vous à cette théorie ou se pourrait-il que ces éminents professeurs n'aient pas tout bien saisi? Si vous n'y adhérez pas, en quoi cela modifie-t-il votre perception du pouvoir judiciaire discrétionnaire qu'il faudrait accorder?

Mme Redford : Même si j'avais plus de temps, je voudrais probablement y réfléchir un peu avant de vous répondre. Je crois que nous pourrons vous donner la version de l'Alberta. Je m'y engage.

M. Chomiak : Le Manitoba fera de même.

Le sénateur Nolin : Veuillez m'excuser de mon retard. J'ai raté le début de votre témoignage. J'avais des engagements plus urgents. Il a beaucoup été question de la confiance du public dans le système. Nous comprenons parfaitement notre rôle à cet égard. C'est probablement la raison pour laquelle mon collègue, le sénateur Joyal, vous a cité un passage important d'une décision rendue en 2000 par la Cour suprême. Ce n'est cependant pas immuable. Nous comprenons parfaitement que la population doit avoir confiance dans le système.

Vous n'êtes pas tenus de répondre maintenant, mais j'aimerais bien connaître votre position sur cette question, du moins celle à titre de représentants des ministres de la Justice de l'Ouest. Quelles mesures prenez-vous pour faire comprendre à la population que nous devons donner à la Cour suprême et aux tribunaux judiciaires non seulement le texte législatif, mais également toutes les raisons justifiant pourquoi nous devons respecter la loi et pourquoi ce respect est si essentiel à la qualité de notre démocratie? Nous ne pouvons pas avoir toujours recours aux militaires et aux policiers pour nous assurer que tous respectent la loi. Vous l'avez dit, c'est une question de confiance.

Comme mon collègue, le sénateur Carignan, l'a signalé, vous avez ces statistiques. Cependant, que faites-vous pour garantir que la loi est respectée conformément aux principes démocratiques que nous voulons établir ensemble? Sinon, contentons-nous d'adopter des lois pour y parvenir. Vous n'êtes pas tenus de répondre maintenant.

Le sénateur Joyal : Ma question porte sur la hausse de la criminalité dans vos provinces respectives. Selon les données de Statistique Canada, la criminalité a chuté dans l'ensemble du Canada. La perception de la population ne reflète pas vraiment la réalité. Je voudrais savoir si le taux de criminalité a augmenté considérablement dans vos provinces respectives et si cette hausse amène la population à s'interroger sur la façon dont le système judiciaire s'attaque à ce problème.

Mme Redford : Je prends note de votre question.

La présidente : Vous n'avez pas à nous le préciser. Nous présumerons que vous l'avez fait.

Le sénateur Watt voulait poser une question. Nous vous la ferons parvenir par télécopieur cet après-midi. Sénateur Watt, pouvez-vous faire parvenir aux témoins votre question par écrit pour qu'ils puissent y répondre?

Le sénateur Watt : Oui.

La présidente : Madame la ministre et monsieur le ministre, je vous souhaite un bon voyage.

Mme Redford : Merci beaucoup.

(La séance est levée.)


Haut de page