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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 15 - Annexe 5900-2.40/L1-C-15, 15 « 1 »


Annexe 5900-2.40/L1-C-15, 15 "1''

Questions complémentaires après comparution devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles — Réponses de Howard Krongold

Le sénateur Angus : Êtes-vous d'avis que le projet de loi englobe beaucoup de choses, en plus de la disposition sur la peine minimale? Si je comprends bien, les réponses seront données par écrit.

La présidente : Personne n'aime procéder de cette façon, mais mieux vaut agir ainsi que de ne pas avoir l'occasion de poser ses questions.

Le sénateur Angus : Si je comprends bien, vous voyez tous deux le projet de loi d'un œil critique en ce qui concerne la disposition sur les peines minimales obligatoires parce que, à votre avis, le texte de loi fera augmenter les coûts de l'administration de la justice et renferme des dispositions discriminatoires, en particulier contre certains éléments de la société, les Autochtones. Y a-t-il d'autres éléments du projet de loi que vous désapprouvez? Y a-t-il un objectif que le ministre a dit s'être fixé et qui, selon vous, pourra être réalisé grâce au projet de loi? Vous avez entendu le sénateur Campbell dire qu'il souscrit au projet de loi à maints égards parce qu'il réprime sévèrement la criminalité et aidera à atténuer cette perception, qui n'est pas fausse, je vous l'accorde. Les gens ont peur et le projet de loi s'attaque au crime organisé. Les citoyens ont des craintes et nous devons envoyer un message pour atténuer leurs craintes et mieux protéger leur environnement.

Le projet de loi ne protégera pas mieux les citoyens. Les personnes vraiment dangereuses se voient déjà infliger des peines équivalentes ou supérieures à celles prévues dans le projet de loi. Les personnes qui pâtiront de cette mesure législative sont celles qui — du moins avant leur incarcération — ne présentent pas un véritable danger pour la société.

Je crains aussi que toute cette question repose sur de fausses prémisses : je ne crois pas que les Canadiens en général éprouvent de l'insécurité dans leur collectivité. On peut se demander, à mon avis, si une partie de l'insécurité que ressent la population n'est pas le résultat de ce type de mesure législative, plutôt que le contraire. Si les Canadiens se font continuellement dire par leurs dirigeants qu'ils ne sont pas en sécurité, que les lois actuelles sur la détermination de la peine sont trop laxistes et permettent à de dangereux criminels de se promener librement dans les rues et qu'on ne peut pas se fier aux juges pour les protéger, il est inévitable que certains commencent à se sentir vulnérables. En même temps, les faits montrent indéniablement que le taux de criminalité est en baisse depuis des années.

Dans ces conditions, on devrait se demander si le projet de loi, qui ne protégera pas mieux la population et qui créera des injustices, est un moyen valable de contrer la fausse perception de la sécurité publique.

Le sénateur Nolin : Toutes mes questions porteront sur l'article 10 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. D'abord, pour ce qui touche les circonstances aggravantes mentionnées au paragraphe 2 de l'article 10, le projet de loi prévoit au fond, d'après ce que je peux voir, que l'article 2 ne s'appliquera pas s'il y a une peine minimale obligatoire; le paragraphe 2 de l'article 10 ne s'appliquera pas.

Au sujet du nouveau paragraphe 10(4) de la Loi, nous avons beaucoup parlé des programmes judiciaires et des tribunaux de traitement de la toxicomanie, mais il faut être justes envers le ministre et le ministère. Le projet de loi donne aussi deux possibilités avec le paragraphe existant 720(2) du Code criminel, qui est tout à fait nouveau — nous convenons tous que c'était une mesure législative adoptée en 1995, mais qui est seulement entrée en vigueur l'année dernière et qui admet comme circonstance atténuante les centres ou programmes de traitement agréés par la province.

J'aimerais connaître votre opinion. Je saisis bien la question de l'uniformité de la loi et le fait que les Canadiens devraient pouvoir bénéficier de tous les avantages de la loi. Si ce n'est pas le cas, il y aurait au moins lieu de donner des choix, ce qui s'applique aux personnes qui habitent dans le Nord et celles qui ne vivent pas dans nos magnifiques et immenses centres urbains.

Il reste que le paragraphe 720(2) du Code est applicable même s'il n'y a pas de centre de traitement fédéral, dans le cas où il existe un centre provincial — et je suppose que le Code fait allusion à des programmes fédéraux et provinciaux. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.

Il est important, en effet, de se pencher sur les programmes judiciaires mentionnés au paragraphe 720(2) et je regrette que nous n'ayons pas eu le temps de traiter ce point au cours des audiences.

En résumé, le paragraphe 720(2) ne remédiera pas à l'incapacité de soustraire de nombreux Canadiens à une peine minimale obligatoire.

Premièrement, je déplore une fois de plus que l'accès aux programmes visés au paragraphe 720(2) doive être approuvé par l'État. J'ai déjà soumis de longs exposés sur la possibilité de décisions inégales et arbitraires de la part de l'État et sur ma crainte que cela n'entraîne des injustices, qui pourraient avoir des ramifications constitutionnelles.

Deuxièmement, les programmes de traitement de la toxicomanie subissent déjà de sérieuses contraintes, et je ne vois rien dans le projet de loi qui corrigera cette situation. À Ottawa, par exemple, j'ai constaté qu'il y a fondamentalement un seul programme de traitement non religieux qui accepte les personnes mises en liberté sous caution adressées par le tribunal. Ce programme a un arriéré constant, et il est inconcevable qu'il puisse répondre à la demande si son accès devient un moyen de soustraire quelqu'un à une peine minimale obligatoire. L'autre programme offert à Ottawa a un caractère très religieux et, pour cette raison, ne convient pas à tout le monde. Il est raisonnable de penser que l'accès à un programme serait encore plus difficile dans les petites localités.

En outre, le projet de loi ne remédie pas à l'absence de programmes dans les petits centres et dans le Nord.

Le sénateur Chaput : C'est un point qui a déjà été abordé, mais j'aimerais poser ma question. À votre avis, quel est le véritable objectif du projet de loi C-15? Si c'est de réduire la criminalité et de protéger la population, on ne peut pas être contre. Nous voulons tous réduire la criminalité et protéger la population. Dans sa présentation, le ministre a dit que le projet de loi punira les trafiquants qui importent de la drogue au Canada. Donc, le projet de loi punirait les trafiquants qui font entrer de la drogue au pays. Il punirait ceux qui achètent la drogue et la revendent. Il punirait ceux qui préservent la culture de la drogue chez nous, ceux qui vendent de la drogue et ceux qui en consomment. Mais est-ce qu'il n'est pas discriminatoire, en ce sens qu'il punirait surtout les Canadiens les plus vulnérables, autrement dit les Autochtones et les jeunes?

La CLA est d'avis que le projet de loi obligera parfois les juges à imposer des peines démesurément longues à des jeunes et à des personnes vulnérables. Ce sera aussi le cas pour de petites transactions, comme une jeune femme qui vend à son amie quelques pilules d'ecstasy dans un centre commercial ou près d'une école et qui écopera d'une peine obligatoire de deux ans de pénitencier.

En ce qui concerne la discrimination contre les Autochtones, le projet de loi aura inévitablement pour effet d'entraîner l'incarcération d'Autochtones qui, en application de l'alinéa 718.2e) du Code criminel et de l'arrêt R. c. Gladue, [1999] 1 R.C.S. 688, de la Cour suprême du Canada, auraient été admissibles à une peine non privative de liberté. Comme il est indéniable que les Autochtones sont depuis longtemps surreprésentés dans les établissements carcéraux — fait reconnu par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Gladue —, le projet de loi aggravera un problème préexistant.

Il faut aussi mentionner que l'absence de tribunaux de traitement de la toxicomanie et d'installations de traitement dans le Nord et en milieu rural est susceptible d'accroître l'inégalité de traitement des Canadiens.

Le sénateur Carignan : Au début de ma carrière d'avocat, j'ai constaté que certains avocats « magasinaient » pour trouver un procureur de la Couronne ou un juge qui, selon la cause à l'étude, serait plus indulgent pour certains types d'accusations ou certains genres d'accusés. Cette pratique existe-t-elle encore? Y a-t-il des documents qui l'attestent? Si oui, avez-vous des documents à ce sujet?

Je ne pense pas que ce soit une pratique courante. Les peines infligées par les juges sont relativement uniformes.


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