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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 15 - Témoignages du 7 octobre 2009


OTTAWA, le mercredi 7 octobre 2009

Le Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 16 h 9, pour étudier le projet de loi C-25, Loi modifiant le Code criminel (restriction du temps alloué pour détention sous garde avant prononcé de la peine).

Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-25, Loi modifiant le Code criminel.

Comme vous le savez tous, l'ordre du jour nous demande de procéder à l'étude article par article de ce projet de loi, mais avant de commencer, je voudrais vous signaler deux choses.

[Traduction]

Depuis notre dernière réunion, nous avons reçu et distribué aux membres du comité deux autres présentations par écrit. Elles émanent de l'honorable Chris Bentley, procureur général de l'Ontario; et de Mme Deborah Hatch, présidente de la Criminal Trial Lawyers Association of Alberta. Je crois que tous les membres du comité ont reçu ces documents. Je voudrais en plus attirer votre attention sur le fait que nous avons avec nous, bien qu'elle ne soit pas à la table pour l'instant, Mme Catherine Kane, directrice générale et avocate générale principale par intérim à la Section de la politique en matière de droit pénal du ministère de la Justice. Elle est ici pour répondre aux questions que les membres du comité pourraient avoir à poser, pour nous aider dans nos délibérations.

Avant d'entamer l'étude article par article du projet de loi, les membres du comité ont-ils des questions à poser à Mme Hatch? Dans l'affirmative, je l'invite à avancer.

Le sénateur Angus : Pourra-t-elle répondre aux questions tout au long de la réunion?

La présidente : Oui.

Le sénateur Nolin : Est-il possible d'inviter Mme Kane à s'asseoir à notre table pour nous aider, au besoin, tout au long de l'étude article par article?

La présidente : Certainement, c'est possible, puisqu'elle est ici pour nous aider dans notre tâche, si c'est ce que nous souhaitons. Madame Kane, veuillez vous joindre à nous. Vous connaissez bien ce comité.

Très bien.

Êtes-vous d'accord, sénateurs, pour que le comité entame l'étude article par article du projet de loi C-25, Loi modifiant le Code criminel (restriction du temps alloué pour détention sous garde avant prononcé de la peine)?

Des voix : D'accord.

La présidente : Le titre est-il reporté?

Des voix : D'accord.

La présidente : C'est d'accord. L'article 1 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : Y a-t-il des voix contre? Des abstentions? L'article est adopté.

L'article 2 est-il adopté?

Le sénateur Baker : Madame la présidente, j'ai l'intention de proposer deux amendements à ce projet de loi, dont l'un porte sur l'article 2 et l'autre sur l'article 3. Je demanderai à la greffière de distribuer le texte de l'amendement proposé.

La présidente : Nous allons d'abord traiter de votre proposition d'amendement à l'article 2. Nous procéderons dans l'ordre dès que les textes auront été distribués, sénateur Baker.

Le sénateur Nolin : Est-il possible d'en remettre une copie à Mme Kane?

La présidente : Bien sûr.

Sénateurs, vous verrez que le texte est français d'un côté de la page et en anglais de l'autre.

Le sénateur Baker : Je propose :

Que le projet de loi C-25 soit modifié à l'article 2, à la page 1

Par substitution, aux lignes 10 à 12, ce qui suit :

« paix, pour un ou plusieurs des motifs prévus au paragraphe (10), ordonne la détention sous garde du prévenu principalement en raison d'une preuve de condamnation antérieure, il est tenu d'inscrire cette raison ».

Si je peux m'expliquer, je propose l'ajout des mots « pour un ou plusieurs des motifs prévus au paragraphe (10) » en raison du témoignage que le comité a reçu de trois professeurs de droit, et aussi à cause des propos de représentants de la Crown Attorneys Association et de la Defence Lawyers Association. Actuellement, le paragraphe 515(10) du Code criminel stipule les motifs primaires, secondaires et tertiaires pouvant justifier la détention. Le projet de loi C-25 propose une nouvelle exigence pour que le juge détermine si la décision de détention sous garde est prise principalement en raison d'une preuve de condamnation antérieure. Autrement dit, le casier judiciaire d'une personne est le principal facteur déterminant du refus de libération sous caution.

L'article 515 détermine si une personne peut être libérée sous caution. Tous les experts ont dit que ce sont là les trois facteurs déterminants dans le Code criminel pour décider si un prévenu peut être libéré sous caution et c'est sur eux qu'un juge doit fonder ses motifs. Le projet de loi C-25 propose d'assigner une autre tâche au juge : il doit dire si le casier d'un prévenu, dont il peut même ne pas avoir été question dans les motifs de refus de la libération sous caution, est la principale raison de ce refus. Nous savons tous qu'actuellement, selon le Code criminel, ce n'est pas un motif de refus de la libération sous caution.

Mon amendement maintiendrait l'obligation du juge de dire si c'est le motif principal de refus de libération sous caution. Cependant, ce motif s'inscrirait dans l'une des trois catégories existantes établies dans le Code criminel pour la prise de cette décision.

Je suis prêt à répondre aux questions que vous pouvez avoir sur cette proposition d'amendement.

Le sénateur Nolin : D'après le libellé actuel du code, le juge doit se fonder sur le paragraphe 10 pour motiver le refus de libération sous caution. C'est bien cela?

Le sénateur Baker : Oui.

Le sénateur Nolin : Pourquoi ajouter ceci?

Le sénateur Baker : Actuellement, en vertu du Code criminel, un juge n'est pas tenu de dire s'il refuse la libération sous caution principalement en raison des antécédents judiciaires du prévenu. Sénateur Nolin, vous avez tout à fait raison de dire que cette décision est normalement motivée par le motif primaire — pour assurer la présence du prévenu au tribunal; et le motif secondaire — la probabilité que le prévenu commettra à nouveau une infraction criminelle. Vous avez tout à fait raison. Les professeurs ont laissé entendre que le projet de loi exigerait d'un juge qu'il prenne en compte un motif extrinsèque aux considérations liées à la libération sous caution en vertu du code. Donc si nous maintenons la clause proposée, nous devrions nous assurer qu'elle s'intègre aux trois motifs prévus au Code criminel. Il arrive que cela se fasse, comme vous l'avez dit.

Le sénateur Nolin : Je ne comprends pas ce que cet amendement changerait au code tel qu'il est.

Le sénateur Baker : Veuillez me pardonner, mais je n'ai pas compris votre question originale.

Le sénateur Nolin : Un juge doit se fonder sur l'un de ces trois paragraphes du code pour déterminer le motif d'octroi de la libération sous caution.

Le sénateur Baker : Oui, normalement un juge dira que le troisième paragraphe ne s'applique pas.

Le sénateur Nolin : Le troisième paragraphe octroie au juge plus de discrétion pour motiver son refus de libération sous caution.

Le sénateur Baker : Oui.

Le sénateur Nolin : Le projet de loi C-25 propose d'imposer au juge d'expliquer par écrit le motif de sa décision de ne pas accorder la libération sous caution si ce motif est une condamnation antérieure. Vous ne vous opposez pas à l'idée d'imposer cela au juge, mais vous voulez ajouter quelque chose qui me semble inutile. Peut-être Mme Kane pourrait- elle dire ce qu'elle ne pense?

Le sénateur Baker : Le comité a entendu des témoins qui ont dit que l'article 2 du projet de loi C-225 compliquera le processus de libération sous caution parce que les avocats de la Couronne et de la défense ne devront pas seulement répondre à ces trois clauses quand la Couronne essaiera de garder un prévenu en prison ou quand les avocats de la défense essaieront de l'en faire sortir. Cette clause signifierait qu'il y aurait un quatrième motif tout à fait distinct et à part des trois que prévoit actuellement le code. D'après nos témoins, le quatrième motif pourrait faire que l'un contredise l'autre, ou à un autre motif extrinsèque devant être déterminé à part des trois autres. Actuellement, un juge est tenu de considérer les trois motifs. Le code dit bien « doit considérer ».

Les avocats de la Couronne et de la défense ont dit que ceci engendrera quantité de nouveaux arguments. Pourquoi nous faudrait-il faire ceci quand, en temps normal, c'est fait en vertu des trois clauses? Cela mènerait à des appels fondés sur le fait que le motif primaire ne figure pas au nombre des trois motifs pouvant être pris en compte. C'est pour atténuer une complexité qui, selon eux, sera créée.

La présidente : Le sénateur Nolin a demandé l'avis de Mme Kane. J'ai aussi le nom du sénateur Wallace.

Mme Kane : Tout d'abord, il n'est pas question, dans cette clause, d'ajouter un nouveau motif de libération sous caution. Les motifs sont ceux qui sont prévus au paragraphe 515(10). Les tribunaux savent très bien appliquer ces trois motifs pour la libération sous caution.

Cependant, comme vous l'avez souligné, sénateur Baker, il arrive souvent que la raison de l'application du motif primaire ou secondaire, c'est le casier judiciaire du prévenu. C'est généralement subsumé dans le motif primaire ou secondaire, pas souvent le motif tertiaire. Le casier du prévenu est la raison, la libération sous caution ne devrait pas être accordée et l'accusé ne devrait pas être libéré.

Le casier judiciaire du prévenu peut ne pas être l'unique raison sous couvert du motif primaire ou secondaire, mais si c'est le cas, cette clause exige que ce soit inscrit au registre. Plus tard, si la personne est reconnue coupable, au moment du prononcé de la peine, il y aurait cette inscription au registre, indiquant que c'est la raison pour laquelle il n'a pas été libéré sous caution, et c'est alors que s'appliquerait la proportion d'un jour pour chaque jour de détention sous garde.

Ceci établit les balises pour limiter le temps alloué à un jour pour un jour de détention sous garde. Il y a deux raisons à cette limite : si l'accusé s'est fait refuser la libération sous caution à cause d'une condamnation antérieure, ou à cause d'une infraction aux conditions actuelles de libération. Ce dernier motif est déjà prévu au Code criminel, pour ce qui est de la consignation au registre. La nouvelle exigence qui est proposée est pour qu'il y ait aussi cette première inscription au moment où le juge doit déterminer la peine.

Je répète qu'il n'est pas question d'ajouter un quatrième motif pour la libération sous caution. J'ai lu la transcription de ce témoignage et j'ai été très étonné que ce puisse être interprété en ce sens. Ce n'est que pour que ce soit inscrit au registre dans le contexte des motifs existants de libération sous caution, en vertu du paragraphe 515(10) du code.

Le président : Est-ce que cela suffit, sénateur Nolin?

Le sénateur Nolin : Oui.

Le sénateur Wallace : Mme Kane a mis le doigt sur un sujet que je voulais soulever. Sénateur Baker, quand je lis l'amendement que vous proposez et le compare à l'article 2 actuel du projet de loi, la seule différence que je vois, c'est que vous avez ajouté les mots « pour un ou plusieurs des motifs prévus au paragraphe (10) ».

Le sénateur Baker : Oui.

Le sénateur Wallace : Vous avez ajouté ces mots, je suppose, pour qu'il soit clair que la disposition de l'article 2 concorde avec le paragraphe 515(10).

Le sénateur Baker : Oui.

Le sénateur Wallace : Puisque c'est le cas, je vais, en grande partie, répéter ce qu'a dit Mme Kane. À ce que je comprends de l'article 2 du projet de loi, il ne vise pas à modifier le paragraphe 515(10), et ne le pourrait pas à moins que ce soit signifié avec précision. Cela étant le cas, l'article 2 ajoute une obligation pour le tribunal si la libération sous caution est refusée en vertu du paragraphe 515(10) principalement à cause d'une condamnation antérieure. Cela signifierait, par exemple, dans le paragraphe 515(10), que la libération sous caution est refusée parce que le juge estime que c'est nécessaire pour assurer la présence du prévenu au tribunal. La question qui vient à l'esprit, c'est : « Eh bien, qu'est-ce qui donnerait à penser le contraire? ». Si la crainte du juge est motivée par une condamnation antérieure, selon le projet de loi, ce devrait être indiqué.

De même, à l'alinéa 515(10)b), si le refus de libération sous caution vient du fait que le juge estime que c'est nécessaire pour la protection et la sécurité du public, qui est un concept assez vaste, le motif secondaire, et que c'est à cause d'une condamnation antérieure ou d'un casier judiciaire, on voudrait que ce soit indiqué. Il en serait de même en ce qui concerne le motif tertiaire prévu à l'alinéa 515(10)c), soit que la libération sous caution est refusée parce que le juge estime que la détention est nécessaire pour ne pas miner la confiance du public dans l'administration de la justice.

L'objet du projet de loi, tel que je le comprends, est d'obliger un juge à faire le lien entre cette protection du public ou le maintien de cette confiance dans l'administration de la justice et la condamnation antérieure. Cela nous ramène à l'un des objectifs fondamentaux du projet de loi C-25, qui est d'affermir et d'éclaircir les dispositions relatives au prononcé de la peine de manière à ce que l'on puisse comprendre pourquoi les juges ont agi comme ils l'ont fait. Je pense, et il me semble que c'est ce que soutient Mme Kane, que c'est justement ce que fait l'article 2. Il donne plus de clarté au paragraphe 515(10), sans le modifier, et il ne pourrait d'ailleurs pas le modifier.

La présidente : Y a-t-il d'autres commentaires?

Le sénateur Angus : J'ajouterais seulement que je voterai personnellement contre cet amendement, non seulement à cause de l'explication que nous avons reçue de Mme Kane, mais aussi parce que l'un des buts de notre étude est d'améliorer le libellé quand nous estimons qu'il y a des erreurs ou qu'il est trompeur. Je pense que cet amendement ne ferait qu'accroître la confusion, au lieu de rendre le libellé plus clair. Je l'ai en fait trouvé assez déroutant quand je l'ai lu. Je ne pense pas qu'il ajoute quoi que ce soit et, en fait s'il fait quelque chose, il nuit au projet de loi.

La présidente : Sénateur Baker, vous avez une réponse, brièvement?

Le sénateur Baker : Il sera difficile d'être bref, mais je m'y efforcerai. Mme Kane a dit avoir lu la transcription des témoignages et avoir compris que les experts que nous avons entendus aient signalé ce problème ou cette confusion. Les avocats de la défense et de la Couronne en ont aussi parlé. Dans leur esprit, cela crée un nouveau problème. Cela établit une nouvelle norme distincte des motifs prévus aux alinéas 515(10)a), b) et c) qui sont les considérations normales prises en compte pour l'octroi de la libération sous caution.

Je dirais simplement, en réponse aux sénateurs Wallace et Angus, que nous ne supprimons pas cette exigence de ce projet de loi. Nous ne faisons que la transposer là où elle devrait être, et c'est dans le paragraphe 515(10), soit là où le code décrit les motifs à prendre en considération pour accorder ou non la libération sous caution.

La présidente : C'était bref.

Le sénateur Baker : Je pourrais poursuivre.

Le sénateur Angus : Nous le savons.

La présidente : Sénateurs, le sénateur Baker propose que le projet de loi C-25 soit modifié à l'article 2, page 1, par substitution, aux lignes 10 à 12, de ce qui suit :

[Français]

« paix, pour un ou plusieurs des motifs prévus au paragraphe (10), ordonne la détention sous garde du prévenu principalement en raison d'une preuve de condamnation antérieure, il est tenu d'inscrire cette raison ».

[Traduction]

En anglais ce serait :

« orders that the accused be detained in custody on the basis of one or more grounds set out in subsection 10 primarily because of evidence of a previous conviction of ».

La modification est-elle adoptée?

Des voix : D'accord.

Des voix : Non.

La présidente : Tous ceux qui sont d'accord, veuillez dire « oui ».

Des voix : Oui.

La présidente : Qui est contre?

Des voix : Non.

La présidente : À mon avis, les « oui » l'emportent.

Y a-t-il des abstentions?

Le sénateur Wallace : J'aimerais que nous procédions par appel nominal.

La présidente : La greffière appellera les noms des membres du comité, en commençant par la présidente, qui ne votera pas, puis elle procédera par ordre alphabétique. Les sénateurs devront indiquer verbalement s'ils sont pour ou contre l'adoption de l'article, ou s'ils s'abstiennent de voter. La greffière annoncera les résultats du vote, et je dirai si la motion est adoptée ou rejetée.

Jessica Richardson, greffière du comité : L'honorable sénateur Fraser.

La présidente : Je ne vote pas.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Angus.

Le sénateur Angus : Contre.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Baker.

Le sénateur Baker : Pour.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Campbell.

Le sénateur Campbell : Pour.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Carignan.

Le sénateur Carignan : Contre.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Chaput.

Le sénateur Chaput : Pour.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Joyal.

Le sénateur Joyal : Pour.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Milne.

Le sénateur Milne : Pour.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Nolin.

Le sénateur Nolin : Contre.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Rivest.

Le sénateur Rivest : Contre.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Wallace.

Le sénateur Wallace : Contre.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Watt.

Le sénateur Watt : Pour.

Mme Richardson : Six voix pour, cinq contre.

La présidente : Je déclare la modification adoptée.

La présidente : L'article 2 est-il adopté tel que modifié?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Nolin : Avec dissidence.

La présidente : Avec dissidence. Y a-t-il des abstentions?

C'est adopté.

L'article 3 est-il adopté?

Le sénateur Baker : J'ai un amendement à proposer à l'article 3. J'en ai parlé tout à l'heure. C'est parce que le projet de loi comporte une disposition qui permet à un juge d'envoyer quelqu'un en prison sans lui expliquer une partie de la peine, ou pourquoi la personne se retrouve là.

La présidente : Je pense que l'amendement que vous envisagez est au dernier sous-alinéa.

Le sénateur Baker : Oui, les lignes 15 et 16, je m'excuse.

La présidente : J'essaie de procéder par ordre chronologique, au cas où quelqu'un aurait un amendement à proposer plus tôt.

Le sénateur Baker : L'article est long.

La présidente : Quelqu'un a-t-il un amendement à proposer?

Le sénateur Joyal : Oui, moi.

La présidente : Nous ne vous oublierons pas, sénateur Baker.

Le sénateur Baker : Je vous remercie.

La présidente : La greffière a distribué le texte de cet amendement du sénateur Baker, qui sera en suspens jusqu'à ce que nous en ayons terminé avec la proposition d'amendement du sénateur Joyal.

Puis-je avoir une copie de cet amendement?

Le sénateur Joyal : Je propose :

Que le projet de loi C-25 soit modifié à l'article 3, à la page 1

a) par substitution, à la ligne 22, de ce qui suit :

« d'un jour et demi pour chaque jour passé sous garde »;

b) par substitution, aux lignes 24 et 25, de ce qui suit :

« tances le justifie, le maximum est de deux jours pour chaque jour passé sous garde, sauf ».

La présidente : Allez-vous expliquer cette proposition, sénateur Joyal?

Le sénateur Joyal : C'est une simple modification en ce sens qu'elle établit la période d'un jour et demi pour chaque jour passé sous garde et plafonne le maximum à deux jours. C'est essentiellement l'objet de l'amendement.

La raison à cela, c'est que le premier amendement reconnaît les précédents de la jurisprudence à la Cour suprême du Canada dans la décision Wust de 2000; à la Cour d'appel du Québec en 2005; et aux Cours d'appel du Manitoba et de l'Alberta en 2005. Elle reconnaît que la détention sous garde n'est pas du tout l'équivalent de la détention après le prononcé de la peine pour deux principales raisons. La première est qu'en détention sous garde, les conditions sont beaucoup plus difficiles, comme l'a reconnu la Cour suprême du Canada, et toutes les cours d'appel du Canada qui ont pris des décisions sur ce plan récemment l'ont reconnu. La deuxième, c'est qu'aucun mécanisme de rémission en vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition ne s'applique quand un prévenu est placé sous garde.

Autrement dit, le temps passé en détention sous garde est plus difficile en général qu'après le prononcé de la peine.

Si on établit la période à un jour pour chaque jour passé sous garde, on met sur le même pied deux périodes différentes de détention, qui ne sont pas du tout équivalentes. L'une ne permet pas de bénéficier de programmes et de mécanismes de rémission qui sont essentiels selon la Loi sur le système correctionnel et à la mise en liberté sous condition, tandis qu'en détention après le prononcé de la peine, on peut bénéficier de ces deux éléments. En établissant la proportion d'un jour et demi pour un jour, on rééquilibre le temps passé en détention sous garde et la période qui suit le prononcé de la peine.

Le deuxième amendement propose un plafond de deux jours. Je suis d'accord qu'il devrait y avoir un plafond, mais il devrait s'appliquer dans des conditions tellement spéciales que le juge devrait le justifier. Un plafond de deux jours est raisonnable, encore une fois d'après la jurisprudence établie à la Cour d'appel du Québec dans l'affaire Beauchamps. Le rapport de deux jours pour un, selon le juge au paragraphe 42, ne peut être considéré comme un avantage pour l'accusé. Autrement dit, la période accordée n'est pas un avantage, c'est pour établir un équilibre, une équivalence entre le temps passé en détention sous garde et la période de peine. Comme l'a dit le tribunal, un temps mort, c'est du temps réel. Autrement dit, en fixant le maximum à deux jours, nous ne faisons que reconnaître la jurisprudence et établir un maximum. Bien entendu, comme avec les autres dispositions de la loi, il faut le justifier par écrit, et cetera.

Avec les témoins que nous avons entendus, et particulièrement compte tenu du risque de contestation constitutionnelle, en vertu de la Charte, de l'octroi d'un jour pour un jour passé en détention sous garde, comme l'ont expliqué au moins trois témoins, cette proposition fait en sorte que le projet de loi est solide et satisferait aux critères de constitutionalité, un possibilité que bien des avocats qui ont témoigné ici ont soulevée, avec le projet de loi tel qu'il est libellé.

[Français]

Le sénateur Nolin : J'aurais une question pour le sénateur Joyal. Je veux être certain que votre amendement n'enlève pas au juge la capacité de ne pas appliquer de crédits s'il le désire.

Le sénateur Joyal : Absolument, tout à fait.

Le sénateur Nolin : Tout ce que vous nous demandez, c'est de remplacer la règle de un pour un, la règle de base du projet de loi et d'en faire la règle d'un et demi pour un. Ce serait la règle de base.

Le sénateur Joyal : Tout à fait. Cela signifie qu'un juge, selon la preuve qui lui serait présentée, qui serait convaincu qu'un détenu a bénéficié pendant son temps de détention préventive de conditions particulièrement favorables, ne serait pas obligé d'établir l'un pour un; le texte ne modifie en rien la discrétion du juge de réduire le un et demi à un pour un.

C'est la raison pour laquelle dans certaines décisions qui nous ont été citées, la cour a reconnu du un pour un dans des conditions particulières. On sait que généralement, ces conditions particulières ne sont pas la norme. Les conditions habituelles, c'est une détention qui est beaucoup plus difficile et qui ne permet pas d'accumuler du temps susceptible de bénéficier de la libération conditionnelle.

Le sénateur Nolin : Nous avons entendu deux procureurs généraux provinciaux la semaine dernière à qui on a posé des questions similaires quant à la qualité de l'incarcération des détenus en attente de procès ou de sentence. La collégialité de ces ministres provinciaux et du ministre fédéral semble avoir pesé le pour et le contre de l'argument similaire au vôtre et ne pas l'avoir retenu. Cela ne semble pas avoir obtenu votre aval.

Le sénateur Joyal : Surtout qu'en fin de semaine il y a eu une mutinerie au Brandon correctionnal center à Winnipeg. Cette prison accueillait 240 détenus, soit 90 de plus que la capacité de la prison. Cette surpopulation de la prison a causé l'insurrection ou la mutinerie selon ce qui nous a été rapporté dans les journaux.

Malgré le fait que nous ayons entendu un procureur général présenter un témoignage selon lequel les conditions s'étaient sensiblement améliorées, malheureusement deux jours après, la mutinerie a démontré que ce n'était pas le cas dans tous les centres de détention du Manitoba.

Il y a des centres au Manitoba, je ne me souviens plus du nom, où les conditions se sont améliorées. Si c'est le cas, le juge pourrait réduire la période de 1,5 à 1 ou à 1,25 à la limite. Mais on ne peut pas être satisfait à cette étape compte tenu des résultats que nous avons obtenus des inspecteurs des institutions carcérales au Canada que la situation dans les prisons canadiennes soit tout à fait stable.

Au contraire, comme on l'a entendu au cours des trois derniers mois de 2008, il y a eu trois décès dans les prisons suite à des insurrections ou à des difficultés de détention.

Par conséquent, je ne crois pas que le témoignage que nous avons entendu est à généraliser. D'autre part, on a entendu également le procureur général de l'Alberta. Si vous lisez la lettre que nous avons reçue de l'Association des avocats de défense de l'Alberta, ils ont soulevé des questions fort sérieuses suite à l'arrêt ou à la décision de la cour d'appel de l'Alberta dans l'affaire Chan que le procureur général de l'Alberta avait souligné comme étant une décision inacceptable.

Alors quand on lit le mémoire qui a été envoyé à la présidence du comité sur les conditions particulières de cette décision de la cour et si on lit la décision de la cour, on arrive à des conclusions relativement différentes que ce que nous avons entendu de la part du procureur général de l'Alberta que nous n'avons pas pu questionner très longuement sur cette question.

[Traduction]

Le sénateur Angus : Honorables sénateurs, le gouvernement du Canada, représenté par le ministre de la Justice Rob Nicholson, était tout à fait au courant de la jurisprudence quand le projet de loi a été rédigé. Le gouvernement était aussi au courant des conditions déplorables dans bien des centres de détention sous garde, à ce qu'on nous a dit. Nonobstant tout cela, la politique du gouvernement se reflète dans le libellé du projet de loi. Le ministre a réitéré que c'est sa politique. Le projet de loi a été adopté à l'unanimité à l'autre Chambre et approuvé en principe au Sénat.

Sénateur Joyal, vous savez mieux que moi, même si je suis ici depuis 16 ans et demi, que bien souvent, nous aimerions que le projet de loi soit différent de celui qui est présenté. Toutefois, il ne nous appartient pas d'amender les projets de loi pour que le libellé corresponde à ce que nous souhaitons ou à ce que certains souhaiteraient. Les projets de loi servent à corriger les lacunes qu'il y a dans les lois. Il faut que le projet de loi reste conforme à ce qui a été présenté dans le mémoire au Cabinet et à l'objectif énoncé au départ.

J'ai écouté avec attention la plupart des témoins et j'ai pris connaissance des témoignages présentés la semaine dernière. J'ai des réserves concernant le fait d'amender un projet de loi quand les amendements vont à l'encontre de sa teneur. Pour rendre les projets de loi plus clairs et corriger les erreurs, les changements de nature technique sont les bienvenus, mais pas les changements d'ordre sociologique, qui pourraient facilement être effectués par le gouvernement, s'il le souhaitait. Le gouvernement a eu l'occasion de le faire.

[Français]

Le gouvernement, en pleine connaissance de cause, en pleine connaissance de la situation dans les centres de détention, en pleine connaissance de l'état actuel de la jurisprudence...

[Traduction]

... est pleinement conscient de ce qui se passe aux États-Unis et dans d'autres pays. Nous avons entendu les témoignages. Pour ces motifs et en toute objectivité, si nous décidions d'appuyer l'amendement du sénateur Joyal, nous modifierions manifestement la teneur du projet de loi. Je vais voter contre cet amendement et j'espère que tous les autres sénateurs vont en faire autant.

Le sénateur Campbell : Non.

La présidente : L'intervention du sénateur Angus soulève toutes sortes de questions. Je vais simplement me pencher sur une question de procédure, à savoir si cet amendement dépasse la portée du projet de loi C-25, approuvé en principe par le Sénat à l'étape de la deuxième lecture. Je ne le crois pas. Selon moi, le principe de cet article du projet de loi est d'imposer un maximum et de laisser la possibilité à un juge d'exercer son pouvoir discrétionnaire en octroyant un crédit pour la détention provisoire. Ce principe demeure dans l'amendement proposé. Quant à savoir si les sénateurs estiment que l'amendement proposé est approprié, c'est une autre question. Je crois, sénateur Angus, qu'il est conforme aux règles de procédure.

Le sénateur Angus : Nous sommes en désaccord, madame la présidente, mais ce ne sera ni la première, ni la dernière fois.

[Français]

Le sénateur Carignan : J'ai une courte expérience de ce comité, mais j'ai quand même eu la chance d'écouter les témoignages des ministres provinciaux. J'ai eu le temps de prendre connaissance des autres témoignages. J'ai également examiné la jurisprudence rendue sur les articles du Code criminel, particulièrement les articles qui sont devant nous.

Je pense qu'on doit agir d'un commun accord avec les provinces. L'ensemble des ministres de la Justice des provinces nous a signalé un grave problème, un problème de perception de la population et un problème de confiance de la population dans la justice.

C'est un élément de justice fondamentale que la population en général ait confiance dans le système judiciaire. Et l'article de loi tel qu'il est rédigé, en vigueur actuellement, pose un problème majeur, aux ministres de la Justice et au fonctionnement de la justice provinciale, mais également auprès du grand public par rapport à la confiance qu'il porte à la justice. La population croit que les criminels ont plus de droits que les non-criminels. Et ce que l'on entend, les éléments qui ont été dits devant nous, c'est qu'il y a un effet pervers. Certains criminels vont utiliser le 2 pour 1 à un effet inverse. Et je pense qu'il faut être prudent face à cela. Il ne faut pas être naïf et tomber dans le jeu des gangsters et des bandes criminalisées. Lorsque l'on entend que des criminels vont donner à leur avocat le mandat de retarder pour pouvoir plaider coupable plus tard et profiter du 2 pour 1, je me dis qu'il y a des gens qui jouent avec le système. Ce n'est certainement pas l'objectif qui a été établi quand le Code criminel a laissé la discrétion au juge pour accorder un temps avant la sentence.

Je pense qu'on doit être conscient de cela et on ne doit pas tomber dans le jeu des bandes criminalisées ou des gens qui jouent avec le système. On doit aussi inspirer la confiance en la justice, on doit lancer des messages clairs que les journées passées en détention sont équivalentes à une journée en prison.

Les ministres de la Justice ont mentionné qu'ils avaient amélioré les conditions de détention et le deux pour un cause un autre effet pervers. On a dit que les conditions de détention se détérioraient parce qu'il y avait surpopulation. Par contre, le crédit de deux pour un crée une surpopulation parce que les gens l'utilisent pour sauver du temps au pénitencier.

Donc il y a un effet pervers en plus du crédit de deux pour un, qui fait en sorte qu'en acceptant l'amendement, on maintient cet effet pervers. On veut donc sanctionner les mauvaises conditions de surpopulation, mais en accordant le deux pour un, on augmente la population dans les prisons et on a un deuxième effet pervers qui est systémique.

Je suis toujours sensible parce que je suis un grand défenseur des libertés fondamentales. Ces arguments me touchent toujours. Par contre, lorsqu'on regarde dans toutes les grandes démocraties du monde, il y a peu de démocraties qui accordent le crédit du deux pour un, c'est plutôt du un pour un. Et dans beaucoup de situations, on n'applique même pas le crédit un pour un, c'est moins que cela.

Je suis convaincu qu'avec la jurisprudence actuelle et l'article 7 de la Charte, le fait d'enlever complètement le crédit pour le temps subi avant la sentence serait probablement une atteinte à un principe de justice fondamentale, mais je pense que le fait d'accorder le un pour un n'est manifestement pas une atteinte à un principe de justice fondamentale. Et si elle l'était, je pense qu'elle se justifie dans le cadre d'une société libre et démocratique.

Et un aspect raisonnable, c'est le 1,5. Il donne une discrétion au juge. Donc le juge a la discrétion entre le zéro et le 1,5. Donc cela lui donne manifestement suffisamment de manœuvres lorsqu'il y a des éléments particuliers pour accorder le 1,5. Mais je pense, jusqu'à 2 ou le fait que le 1,5 soit la norme, que le public ne l'accepterait pas. Et pour toutes ces raisons, je vais être en désaccord avec l'amendement.

La présidente : Merci, sénateur Carignan. Honorables sénateurs, il est relativement inhabituel d'avoir des discussions aussi larges pendant la considération article par article d'un projet de loi. Il m'a semblé qu'il était approprié de le faire ici, avec ce projet de loi, d'abord parce qu'au niveau pratique, le projet de loi est court, donc on peut se permettre une plus grande latitude, mais aussi parce qu'il y a des principes de base qui sont touchés et qui intéressent tout le monde.

Je demanderais quand même aux honorables sénateurs d'essayer d'exprimer leur point de vue tout en expliquant leur pensée avec une certaine concision si cela est possible sans vouloir limiter votre liberté d'expression.

[Traduction]

Le sénateur Wallace : Mon exposé sera bref. Je ne peux pas appuyer l'amendement du sénateur Joyal. Pensons à la façon dont nous en sommes arrivés ici et dont ce projet de loi a cheminé jusqu'à présent. Il a été présenté en raison du paragraphe 719(3) du code, qui prévoit qu'un tribunal, pour fixer la peine à infliger à une personne déclarée coupable d'une infraction, peut prendre en compte toute période que la personne a passée sous garde par suite de l'infraction. Comme nous le savons, il n'y a absolument aucune limite. Je crois qu'il appartient aux législateurs de définir les paramètres des lois. Nous avons le droit et la responsabilité, quand nous l'estimons approprié, de définir ces paramètres.

D'après les témoignages entendus à ce comité, les tribunaux accordent régulièrement et même systématiquement un crédit de deux pour un lors de la détermination de la peine pour le temps passé en détention provisoire. Dans certains cas, c'est un crédit de trois pour un. La population, comme bon nombre d'entre nous, a le sentiment que les peines ne sont pas proportionnelles à la gravité des crimes. Par conséquent, elles ne reflètent pas les principes de la détermination de la peine, c'est-à-dire qu'elles ne servent pas de façon appropriée à dénoncer le comportement illégal, à avoir un effet dissuasif à l'avenir et à protéger le public. La confiance de l'ensemble de la population envers le système judiciaire, comme nous l'ont dit tous les ministres provinciaux, est donc ébranlée.

Nous avons entendu les témoignages des procureurs généraux de l'Alberta et du Manitoba et nous avons reçu des mémoires d'à peu près toutes les autres provinces; c'est exactement ce qu'ils indiquaient, et ils imploraient le Sénat d'aller de l'avant et d'approuver le projet de loi C-25 dans sa forme actuelle.

Dans leur témoignage, les procureurs généraux ont dit vouloir améliorer la sécurité de leurs citoyens et estimer que l'article, dans sa forme actuelle, n'offre pas cette sécurité et porte atteinte à la crédibilité et à l'intégrité du système judiciaire.

Ils nous ont dit également que le crédit de deux pour un donnait lieu à un engorgement des tribunaux. Ils ont constaté que les accusés retardaient le procès et le prononcé de la peine afin de profiter d'un crédit de deux pour un. C'est ce que nous ont affirmé les procureurs généraux pour expliquer de nombreux problèmes. C'est ce que nous a dit James Chaffe, le président de l'Association des avocats de la Couronne. Ce n'est pas une opinion, ce sont des faits.

On nous a dit que le crédit de deux pour un était peut-être justifié à une certaine époque, mais que les temps ont changé. Les conditions de détention provisoire se sont améliorées. C'est ce que nous a dit le ministre de la Justice du Manitoba, David Chomiak, et il en a été question dans les lettres des autres procureurs généraux.

La présidente : Sénateur Campbell, puis-je vous demander de conclure? Ou plutôt sénateur Wallace.

Le sénateur Wallace : Par conséquent, après avoir vérifié ce que faisaient les États-Unis et les pays du Commonwealth, on a estimé qu'un crédit d'un pour un était conforme au principe du droit. Toutefois, si les circonstances le justifient, il pourrait être d'un et demi pour un. Comme le sénateur Joyal l'a souligné, dans certains établissements, les conditions de détention ne sont peut-être pas aussi bonnes qu'ailleurs, et les tribunaux ont besoin d'une certaine marge de manœuvre. Le projet de loi C-25 leur donne ce pouvoir discrétionnaire et cette latitude.

Le sénateur Joyal a parlé de ce que l'on pourrait considérer comme une incohérence relativement à la liberté conditionnelle, à la réduction de peine et à la façon dont elle est déterminée. Comme l'a dit le ministre Nicholson, il est entendu que des changements sont nécessaires et seront apportés au régime de libération conditionnelle.

Je tiens à vous signaler que de se fonder sur un régime de libération conditionnelle aussi déficient pour amender ou reporter le projet de loi C-25 serait la pire chose à faire.

Je crois que le projet de loi C-25 représente le principe à privilégier, celui qui a été accepté et demandé par les provinces et les territoires.

Enfin, vous avez parlé des avocats de la défense qui ont comparu devant nous et ont fait valoir leurs arguments. Ils représentent les accusés et les condamnés, et c'est tout à fait compréhensible. Ils sont en faveur de changements qui vont satisfaire le plus possible leurs clients. Nous le comprenons, mais je crois que nous devons situer tous ces commentaires dans le contexte de ce que nous ont dit les procureurs généraux des provinces et des territoires. Ils réfléchissent à cette question non pas depuis quelques semaines, mais bien depuis des années. Je crois que leur approche est judicieuse et qu'elle correspond à l'essence du projet de loi C-25.

Je vais appuyer le projet de loi C-25 dans sa forme actuelle.

La présidente : Je vous présente mes excuses, à vous et au sénateur Campbell, d'avoir mélangé les noms écossais. Je suis certaine que le sénateur Angus va comprendre.

Le sénateur Campbell : Une partie du problème découle du commentaire que vient de faire le sénateur Wallace, à savoir que l'avocat de la défense représente les accusés et les condamnés. C'est faux. Il représente les personnes accusées, qu'elles soient condamnées ou acquittées. Je pense que nous perdons cela de vue.

Ce projet de loi est fondé sur une légende urbaine, des statistiques dépassées, des données strictement empiriques et un manque de responsabilité. Bien entendu, les procureurs généraux affirment que tout va pour le mieux dans leurs centres de détention provisoire. Pensez-vous vraiment qu'ils vont venir ici et dire : « Nous gérons des centres communautaires? » Nous savons bien que non. Vous irez voir la prison Don un de ces jours, ou n'importe quel centre de détention provisoire.

Je tiens à dire au sénateur Carignan que nous avons déjà entendu des témoignages à propos de la légende urbaine dont nous continuons d'entendre parler, selon laquelle les accusés veulent être placés en détention provisoire parce qu'on leur accorde un crédit de deux pour un. Statistiquement et mathématiquement parlant, nous savons qu'ils vont être incarcérés plus longtemps qu'une personne qui a été reconnue coupable de la même infraction et libérée sous caution. C'est un fait. On répète constamment que les accusés pensent que ce sera avantageux pour eux d'aller dans ces centres. Ce n'est pas le cas; ils sont incarcérés plus longtemps.

Ce qui est le plus troublant, c'est que rien n'indique que ce projet de loi nous protègera davantage ou qu'il contribuera à réparer les iniquités dans le système. Quant à la perception du public, elle repose sur ces légendes urbaines, dont les procureurs généraux viennent nous parler encore et encore.

J'appuie l'alternative proposée par le sénateur Joyal. En fait, comme nous pouvons le voir dans nos notes, les procureurs généraux voulaient un crédit d'un et demi pour un. C'est ce qu'ils ont demandé. Nous ne faisons rien pour changer cela. Nous ne faisons qu'examiner la question parce que nous voulons faire avancer les choses. Nous pourrions attendre que le procureur général du Canada modifie le régime de libération conditionnelle, comme on l'a proposé. Quand le régime de libération conditionnelle aura été modifié, nous pourrons nous pencher sur la question.

J'appuie l'amendement du sénateur Joyal. Enfin, je ne suis pas du tout d'accord avec le sénateur Angus. Notre tâche est de procéder à un second examen objectif des projets de loi. Je sais que les libéraux ont voté en faveur de ce projet de loi et qu'ils se sont dépêchés pour le faire. Je crois qu'ils ont tort. Nous avons le devoir d'examiner ce projet de loi.

La présidente : Vous parlez des libéraux à la Chambre des communes, sénateur Campbell.

Le sénateur Campbell : Oui.

[Français]

Le sénateur Rivest : Je suis sensible aux arguments de nos collègues quant à la crédibilité du système judiciaire auprès de la population qui constitue un très grave problème. Mais en tant que parlementaire, vous conviendrez que d'être placés devant un projet de loi, si effectivement il y a un très grave problème de crédibilité, le gouvernement devrait régler ce problème d'une façon beaucoup plus large que par un projet de loi dont la portée est très limitée. Cela nous permettrait de faire progresser le niveau de crédibilité.

Je suis favorable aux amendements du sénateur Joyal parce que ses amendements laissent l'entière discrétion au juge.

Je comprends les procureurs généraux de dire que les conditions de détention, d'une façon générale, ont pu s'améliorer. Mais lorsque l'on est dans un procès, il n'y a pas de conditions générales, pas de généralités. Il y a un accusé, un crime et des circonstances particulières.

Deuxièmement, le juge peut certainement tenir compte et être conscient dans la détermination de sa sentence, des considérations stratégiques que certains avocats peuvent avoir pour gagner du temps. Ils peuvent tenir compte de cela et rendre une décision qui est la plus juste à leurs yeux. Parlant de la crédibilité du système judiciaire, il est vrai que le gouvernement en a la responsabilité. Les administrateurs de la justice, bien sûr, ont la responsabilité. Mais au premier chef, je pense que les juges sont aussi très conscients de ce qu'il faut pour l'amélioration du système et les amendements du sénateur Joyal dans ce sens m'apparaissent raisonnables et conformes aux principes et aspirations de la Chambre. C'est la raison pour laquelle je vais appuyer les amendements.

[Traduction]

La présidente : Voici comment nous allons procéder : après le sénateur Milne, le sénateur Nolin pourra poser une deuxième question ou faire un autre commentaire, puis le sénateur Joyal pourra répondre.

Le sénateur Milne : En réponse à l'idée que ce projet de loi permettrait de désengorger les tribunaux, comme l'affirme le sénateur Wallace, les avocats de la Couronne nous ont dit que ce texte législatif en désencombrerait peut- être certains, mais qu'il engorgerait probablement complètement les tribunaux des cautionnements. À long terme, il ne désengorgerait pas du tout les tribunaux.

Je dois vous dire, chers collègues, que je ne peux me rappeler de la dernière fois où l'Association des avocats de la Couronne est venue témoigner devant ce comité et s'est activement opposée à ce que ses procureurs généraux ont dit. C'est la première fois que cela se produit, je crois, depuis que je siège à ce comité, soit depuis environ 15 ans. En fin de compte, les procureurs généraux, pour commencer, ont proposé un crédit d'un et demi pour un, et c'est ce que le sénateur Joyal propose. Je suis d'accord avec lui.

[Français]

La présidente : Est-ce que vous avez suivi le témoignage du sénateur Milne?

Le sénateur Carignan : Oui.

Le sénateur Nolin : Si vous permettez, je vais poser une question à Mme Kane.

La présidente : Absolument.

[Traduction]

Le sénateur Nolin : Madame Kane, mon collègue, le sénateur Angus, a soulevé une question à propos de la portée du projet de loi. J'aimerais vous poser une question; peut-être que vous connaissez la réponse. Dans le cas contraire, dites- le moi.

Les ministres provinciaux, territoriaux et fédéraux font-ils souvent preuve de solidarité sur un sujet commun?

Madame Kane : Ce n'est pas rare, mais ces dernières années, ils ont eu des priorités différentes. Parfois, les priorités varient. Ils disent de façon assez unanime que cette question est une priorité depuis quatre ans et qu'elle est à l'ordre du jour de toutes les réunions fédérales, provinciales et territoriales. Ils demandent tous que le crédit de détention provisoire soit limité. Bien que quelques-uns aient suggéré un crédit d'un pour un, personne n'a proposé que l'on accorde un crédit supérieur à un et demi pour un, quelles que soient les circonstances.

Diverses options ont été envisagées. Quand le projet de loi C-25 a été déposé, il a obtenu beaucoup d'appuis, puisque le crédit d'un pour un en est le principe général.

Le sénateur Nolin : Diriez-vous également que la portée de ce projet de loi a comme principe de base le crédit d'un pour un, et que le crédit d'un et demi pour un est l'exception?

Mme Kane : C'est ainsi qu'est rédigé le projet de loi. Ce n'est pas à moi de parler de sa portée, mais le rédacteur est parti de ce principe, c'est-à-dire d'allouer, pour chaque jour passé sous garde : jusqu'à un jour; seulement un jour dans les deux circonstances où la libération sous caution a été refusée pour ces deux motifs; jusqu'à un jour et demi, lorsque les circonstances le justifient.

Le sénateur Nolin : Je pose la question et j'utilise le mot « portée » parce que le fait de passer d'un jour à un jour et demi pour chaque jour passé sous garde équivaut à une augmentation de 50 p. 100. Ça me semble déborder un peu la portée ou le sens du projet de loi.

Mme Kane : Ça ne correspond pas à l'option qui bénéficiait d'un appui important lorsque l'on a déposé le projet de loi.

[Français]

Le sénateur Joyal : Sur ce point, sénateur Nolin, lorsqu'on lit le sommaire du projet de loi qui, normalement, détermine la portée du projet de loi, je le lis dans la version française :

Le texte modifie le Code criminel afin de préciser dans quelle mesure le temps passé sous garde par un contrevenant avant le prononcé de sa peine peut être pris en compte par le tribunal.

C'est donc sur le principe de la limite, mais la limite n'est pas dans le sommaire du projet de loi. Par conséquent, à mon avis, il n'y a absolument aucun doute possible sur le fait que l'on puisse augmenter...

Le sénateur Nolin : Sénateur Joyal, l'article 719 prévoit déjà un texte similaire au sommaire.

Le sénateur Joyal : Oui, bien sûr.

Le sénateur Nolin : Le juge peut tenir compte du temps passé sous garde.

Le sénateur Joyal : Bien sûr, sauf que dans le sommaire du projet de loi, il n'y a pas de limite. Actuellement, comme vous le dites, à l'article 719 du Code criminel, il y a une discrétion générale. Ce projet de loi vise, comme l'a dit le sénateur Wallace, à limiter la discrétion du juge. Je reconnais et j'accepte ce principe qu'il faille limiter la discrétion du juge. C'est l'objectif du projet de loi. Je me situe à l'intérieur des paramètres du projet de loi.

Là où j'ai une divergence d'opinion, c'est sur le maximum. C'est là où en pratique, il y a une différence d'une demi- journée. C'est 50 p. 100 d'un jour, sauf que le principe reste le même dans les amendements que j'ai proposés. Les amendements ne visent pas à nier le principe de ce projet de loi qui est de mettre une limite sur la norme générale et ensuite sur un maximum. Je dois vous avouer, sénateur Nolin, que je me suis aussi posé la question au départ. Est-ce que le projet de loi permet ce genre d'amendement sans en dénaturer l'objectif? Je ne crois pas que les amendements dénaturent l'objectif. De toute façon, si l'un d'entre nous a encore un doute, il pourra toujours le soulever à la troisième lecture et demander une décision de la Présidente à ce sujet. Cependant, je ne le crois pas à cette étape-ci.

La présidente : Très chers collègues, nous avons déjà eu une discussion qui était à peu près le quintuple d'une discussion normale au sujet d'un amendement proposé. Les sénateurs Angus et Wallace aimeraient avoir la parole. Je vais vous accorder à chacun environ 90 secondes.

[Traduction]

Le sénateur Angus : Je suis d'accord avec le sénateur Milne pour dire que la déclaration du procureur principal de la Couronne était tout à fait extraordinaire. Cela m'a amené à réfléchir davantage et à faire plus de recherches. Son propos n'avait rien à voir avec les ratios dont nous discutons, lesquels constituent l'essentiel du projet de loi. C'est pourquoi je persiste dans mon point de vue selon lequel tout ceci s'oppose au principe fondamental du projet de loi déterminé par la politique publique. Nous pouvons discuter et nous accorder sur de nombreux points. Cependant, le procureur de la Couronne s'en prenait au type d'administration du système judiciaire qui affecte des ressources humaines au jour d'enquête sur le cautionnement. C'était un appel au secours pour avoir plus de juges et de meilleures installations. Il faudra répondre à beaucoup de ces demandes.

Le sénateur Wallace : Sénateur Joyal, vous avez de nouveau fait allusion à la deuxième partie de votre amendement, à l'alinéa b), dans lequel vous proposez d'allouer un maximum de deux jours pour chaque jour passé sous garde. D'après les témoignages que nous avons entendus, la norme sur laquelle se fondent les juges était de deux jours pour chaque jour de détention. Ils sont rarement plus généreux. Je dirais que votre amendement revient à codifier le système actuel du deux pour un, qu'il ne change rien à la situation et qu'il va à l'encontre des souhaits des provinces et des territoires.

Le sénateur Joyal : Je ne le pense pas. Mon amendement établit comme norme un jour et demi pour chaque jour passé sous garde et prévoit un maximum. Le texte ne changerait pas. Les normes seraient d'un jour et demi pour chaque jour passé sous garde, ce à quoi beaucoup de procureurs de la Couronne et le ministre, selon les témoignages, ont souscrit. Le maximum de deux jours pour chaque jour passé sous garde deviendrait l'exception, à la condition que les juges motivent par écrit leurs décisions.

Le sénateur Wallace : Je vous conseillerais...

La présidente : Sénateur Wallace, vous avez dit ce que vous aviez à dire. J'ai annoncé que, après la réponse du sénateur Joyal, nous passerions à la mise aux voix. Sauf si vous avez une remarque complètement nouvelle à faire, je propose la mise aux voix.

Le sénateur Wallace : J'ai une remarque supplémentaire, si vous permettez. Actuellement, en vertu des dispositions du code en vigueur, les juges ont toute la latitude pour ne pas appliquer la règle du un pour un. D'habitude, ils appliquent la règle du deux pour un, c'est-à-dire le double. L'amendement du sénateur Joyal ne changera rien à ça. Les juges conserveront leur pouvoir discrétionnaire absolu pour appliquer plutôt la règle du deux pour un. Ils pourraient exercer ce pouvoir, à leur gré, et c'est précisément ce que le projet de loi tente de maîtriser. À cette fin, il réduirait le pouvoir discrétionnaire des juges et il leur imposerait la limite supérieure d'un jour et demi pour chaque jour de détention. Je vous répète donc, sénateur Joyal, que l'amendement que vous proposez ne changera rien à l'application réelle de la loi.

Le sénateur Baker : Ce soir, nos discussions sont télévisées, et nous ne voulons pas donner l'impression que la norme précise est d'un jour pour un jour de détention. Peut-être le sénateur s'est-il mal exprimé ou a parlé sans réfléchir, mais il arrive souvent qu'on n'alloue rien pour la période passée sous garde ou, parfois, qu'on n'alloue seulement une demi- journée pour chaque jour de détention. Je suis convaincu qu'il sera d'accord avec moi sur ce point.

Le sénateur Joyal : Tous ont exprimé leurs points de vue et exposé leurs arguments. Comme personne ne semble vouloir changer d'opinion, nous sommes donc prêts pour une mise aux voix.

[Français]

Il est proposé par le sénateur Joyal,

Que le projet de loi C-25 soit modifié à l'article 3, à la page 1 :

a) par substitution à la ligne 22, de ce qui suit :

« d'un jour et demi pour chaque jour passé sous garde. »

b) par substitution, aux lignes 24 et 25, de ce qui suit :

« tances le justifient, le maximum est de deux jours pour chaque jour passé sous garde, sauf ».

[Traduction]

L'amendement est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Des voix : Non.

La présidente : Que tous ceux qui sont pour le disent.

Des voix : Pour.

La présidente : Contre?

Des voix : Contre.

La présidente : Y a-t-il des abstentions?

Je déclare l'amendement...

Le sénateur Wallace : Pouvons-nous avoir un vote par appel nominal?

La présidente : La greffière va procéder à l'appel nominal.

Mme Richardson : Sénateur Fraser?

La présidente : Abstention.

Mme Richardson : Sénateur Angus?

Le sénateur Angus : Contre.

Mme Richardson : Sénateur Baker?

Le sénateur Baker : Pour.

Mme Richardson : Sénateur Campbell?

Le sénateur Campbell : Pour.

Mme Richardson : Sénateur Carignan?

Le sénateur Carignan : Contre.

Mme Richardson : Sénateur Chaput?

Le sénateur Chaput : Pour.

Mme Richardson : Sénateur Joyal?

Le sénateur Joyal : Pour.

Mme Richardson : Sénateur Milne?

Le sénateur Milne : Pour.

Mme Richardson : Sénateur Nolin?

Le sénateur Nolin : Contre.

Mme Richardson : Sénateur Rivest?

Le sénateur Rivest : Pour.

Mme Richardson : Sénateur Wallace?

Le sénateur Wallace : Contre.

Mme Richardson : Sénateur Watt?

Le sénateur Watt : Pour.

Mme Richardson : Sept voix contre quatre.

La présidente : Je déclare l'amendement adopté par sept voix contre quatre.

Avant de voter sur l'article 3, le sénateur Baker a annoncé qu'il avait un autre amendement à proposer pour cet article. Sénateur Baker, voulez-vous proposer cet amendement?

Le sénateur Baker : Ce n'est qu'un amendement très simple.

La présidente : Je crois qu'on en a distribué des copies. Est-ce que chacun en possède une copie? Pendant que nous vérifions cela, je dois vous avertir, chers collègues, que, contrairement à ce que nous pensions tous, y compris moi- même, notre réunion n'est pas télévisée. Le petit voyant rouge signifie qu'elle passe sur le réseau radiophonique public, mais non sur la Chaîne d'affaires publiques par câble (CPAC).

Le sénateur Baker : Madame la présidente, c'est un amendement très simple. Tous comprendront ce dont il s'agit. Vous remarquerez que, à la page 2, au paragraphe 3.2...

La présidente : Pourriez-vous lire l'amendement, s'il vous plaît?

Le sénateur Baker : Bien sûr. Voici.

Que le projet de loi C-25 soit modifié à l'article 3, à la page 2,

par substitution, aux lignes 15 et 16, de ce qui suit :

« (3.4) L'inobservation du paragraphe (3.3) n'entache pas la validité de la peine ».

En somme, nous ne supprimons qu'une chose du paragraphe 3.4 et c'est « paragraphe (3.2) ». La raison en est fort simple. Le paragraphe 3.2 porte que le tribunal motive toute décision d'allouer du temps pour la période passée sous garde et fait inscrire les motifs au dossier de l'instance. C'est bien. Je souscris à cela.

Le paragraphe 3.3 proposé porte que le tribunal fait inscrire au dossier de l'instance et sur le mandat de dépôt... et cetera. Le paragraphe 3.4 proposé porte que l'inobservation de ces deux paragraphes n'entache pas la validité de la peine infligée.

Je peux comprendre qu'un juge puisse oublier de remplir tous les formulaires prévus au paragraphe 3.3. Si ce paragraphe est adopté tel quel, cela revient à dire qu'une décision non motivée n'entache pas la validité de la peine infligée. L'objet de l'amendement est de motiver toute période allouée pour les jours passés sous garde et de faire inscrire ces motifs au dossier de l'instance. Cela comprend tout temps alloué. Ce pourrait être 0,1 jour pour une journée de détention ou 0,5 jour, mais ce temps, quel qu'il soit, serait inscrit. D'après le libellé actuel du projet de loi, si le juge ne motive pas sa décision, la peine reste valide.

Notre amendement revient à exiger que le juge motive sa décision, comme il est dit dans le projet de loi. C'est assez simple.

Nous avons déjà apporté deux modifications au projet de loi et nous pouvons assurément corriger l'impression qu'en éprouve le lecteur. Nous avons posé la question aux témoins et, personnellement, je la leur ai posée également à titre officieux. Ils ne voient aucune logique dans la version actuelle. De fait, des témoins ont affirmé qu'ils contesteraient immédiatement la loi dès qu'elle serait promulguée.

Je propose simplement la suppression de « paragraphe 3.2 » du paragraphe 3.4.

Le sénateur Nolin : Madame Kane, pouvez-vous nous faire part de vos observations sur cet amendement, pour nous éclairer?

Mme Kane : Bien sûr. Je ne pense pas que l'amendement soit nécessaire. Je pense qu'il augmente la confusion, mais c'est à vous d'en décider. Je me contenterai de formuler des remarques sur le sens du projet de loi.

Comme vous le savez tous, une disposition du Code criminel exige que le juge motive sa décision concernant l'ensemble de la peine : l'ensemble de la peine infligée, qu'elle comprenne un séjour en prison, une sentence conditionnelle, la probation, et cetera. Les motifs incluraient tout facteur aggravant ou atténuant dont il a tenu compte, de l'applicabilité ou non de peines minimales, et cetera. Voilà l'obligation générale, pour les juges, de motiver leurs décisions.

Les nouvelles obligations portent uniquement sur le temps alloué pour la période passée en détention. L'un des objectifs du projet de loi, outre celui de limiter le temps ainsi alloué, est de rendre le dossier plus clair. Cela signifie que le public et le délinquant comprendront mieux la nature de la peine, la longueur totale de la peine infligée, le temps alloué, le facteur de multiplication ou le ratio que l'on a utilisé et le temps de peine qu'il reste à purger et que l'on appelle la peine infligée.

Souvent, aujourd'hui, le problème est que le public qui lit, dans le journal, qu'une peine de quatre mois a été infligée par le juge, réagit sans bien comprendre que, de fait, la peine était de 18 mois, mais qu'il a fallu tenir compte du temps passé en détention présentencielle. Un objectif central du projet de loi et de ces deux dispositions est d'assurer cette clarté. La première obligation du juge est de motiver le temps alloué et d'inscrire ces motifs au dossier; la deuxième est d'exposer ces renseignements avec les détails précis que j'ai mentionnés, c'est-à-dire longueur totale de la peine, temps alloué, facteur de multiplication, longueur de la peine qui reste à purger.

L'amendement Baker insiste sur la disposition selon laquelle l'inobservation de ces obligations par le juge n'entache pas la validité de la peine. À notre avis, l'administration de la justice se déconsidérerait si, à cause d'une omission à la fin du processus, on concluait que la peine n'est pas valide et que le tribunal doit se réunir à nouveau pour condamner encore une fois l'accusé. D'autres articles du code sont assortis de dispositions similaires, par exemple ceux qui concernent les sentences conditionnelles. J'ai cherché les articles en question, mais je ne les ai pas trouvés. Il y en a aussi qui se rapportent à la probation et aux amendes. Tous ces articles se trouvent sous la rubrique concernant la détermination de la peine.

D'autres dispositions du code précisent que la validité de la peine n'est pas entachée par l'inobservation d'une ou de plusieurs obligations. Elles n'ont rien d'exceptionnel. Elles sont fondamentalement des mécanismes de protection visant à éviter la contestation de la peine si le juge, par inadvertance, ne s'est pas conformé à toutes les obligations qu'on espère qu'il observera. Elles assurent la validité de la peine.

Un autre exemple seraient les dispositions du code qui exigent que, dans certains cas, le juge envisage le dédommagement de la victime. L'inobservation de cette obligation ne signifie aucunement que la peine infligée est invalide. Si le juge ne tient pas compte de certains éléments de la déclaration de la victime ou n'impose pas une suramende compensatoire, ça ne signifie pas que la peine est entachée d'invalidité ou que le juge est passible de conséquences fâcheuses. C'est un principe de la common law que la substance a préséance sur la forme. La situation actuelle en serait une autre illustration. La peine est imposée de façon valide. Le juge a tenu compte de ces facteurs, mais le dossier ne le montre pas. La peine infligée reste la peine qui peut être administrée par Service correctionnel Canada ou un établissement correctionnel provincial. La peine reste valide. La disposition dont je parle clarifie simplement ce principe.

La présidente : Merci, madame Kane.

Sénateur Nolin? Sénateur Carignan?

[Français]

Le sénateur Carignan : La réponse de Mme Kane a satisfait à mon interrogation.

[Traduction]

Le sénateur Campbell : Je suis devant un dilemme difficile. D'une part, ce projet de loi a pour objectif — et j'espère qu'il l'atteindra — d'atténuer la perception de la population selon laquelle un prévenu est gagnant quand on l'envoie en détention préventive. D'autre part, nous permettons au juge d'ignorer l'obligation d'expliquer au public les motifs exacts de sa décision et de préciser que cela n'a aucune influence la sentence.

En réponse à Mme Kane, je souhaite que l'on tienne rigueur au juge fautif. Je voudrais le voir expliquer, dans l'embarras, les raisons pour lesquelles il a ignoré cet article du code.

Un des points que j'apprécie de cet amendement est que les gens peuvent comprendre les décisions. Ainsi, ils peuvent exprimer leur indignation. Je ne crois pas que l'on devrait appliquer la formule du deux pour un, mais le juge doit le dire. Je suis en faveur de cet amendement parce que, bien que les juges aient un important pouvoir discrétionnaire, il arrive un moment où l'on doit dire : « Vous devez rendre des comptes. » Je vais donc appuyer cet amendement.

Le sénateur Wallace : Ma question s'adresse à Mme Kane. Dois-je comprendre que selon vous le paragraphe 3.4 du projet de loi C-25 doit être rédigé tel qu'il l'est pour assurer la cohérence avec les autres dispositions du projet de loi?

Mme Kane : Mon point est qu'il ne s'agit pas là d'une disposition exceptionnelle, puisqu'il y en a des semblables dans d'autres parties du Code criminel.

Le sénateur Wallace : Répondez-vous par l'affirmative : le paragraphe 3.4 est rédigé ainsi à des fins de cohérence?

Mme Kane : Oui, il faut mentionner les deux paragraphes, à savoir 3.2 et 3.3. Cela créerait de la confusion s'il n'y avait qu'un seul renvoi.

Le sénateur Wallace : Je voudrais faire une observation sur ce qu'a dit le sénateur Campbell. Sans contredit, l'objectif de ce projet de loi est de clarifier le processus décisionnel et de s'assurer que les juges fournissent les motifs de leur décision et qu'ainsi les dossiers soient plus représentatifs de leur réflexion et de ce qui l'a influencée. Mon interprétation est que le paragraphe 3.4 vise les occasions où, par inadvertance je présume, cette étape a été omise. La finalité de ce projet de loi est de protéger la population et de s'assurer que les personnes déclarées coupables purgent leurs peines. Il s'agirait d'une grande régression si un point de détail venait mettre en doute ou annuler la validité d'une sentence.

Le sénateur Angus : Avec tout le respect que je dois à mon ami le sénateur Baker, je ne crois pas que cet amendement soit d'une quelconque utilité. En fait, c'est une proposition cynique à mon avis et voici pourquoi. Nous connaissons suffisamment bien les tribunaux. Si une disposition stipule que le tribunal est tenu de faire une certaine chose, et c'est le cas au paragraphe 3.3, alors quel juge sérieux pourrait l'ignorer? Votre amendement laisse entendre que cette situation pourrait se répéter encore et encore. Évidemment nous avons besoin des motifs des décisions et c'est pourquoi ces dispositions existent. Elles précisent que le tribunal doit motiver toute décision. Toutefois, si une situation exceptionnelle se présente ou si le juge prend beaucoup de temps pour dîner et oublie de lire ces deux articles, alors la validité de la sentence ne sera pas entachée. Cela est conforme avec la législation pénale selon ce que nous a indiqué un représentant du bureau du ministre. Nous devons nous opposer à cet amendement, car il s'agit d'un petit coup de poignard cynique.

La présidente : Je ne voudrais pas que le compte rendu de nos délibérations contienne des propos diffamatoires, sénateur Angus.

Le sénateur Angus : Je suis d'accord avec vous, madame la présidente, et je vous prie de m'excuser.

Le sénateur Joyal : On nous a dit qu'il était important que la sentence soit claire et compréhensible du public, et que chacun puisse bien saisir la teneur du processus et de la peine imposée. Il existe des dispositions, les articles 3.2 et 3.3, qui obligent le juge à expliquer ses motifs. À la page 3 du projet de loi, on y va d'une explication détaillée qui vise, non pas à proposer l'utilisation d'un formulaire, mais à l'inscrire effectivement dans la loi.

Selon ce que je puis comprendre, ce projet de loi a un but éducatif. On veut que les gens comprennent en quoi consiste le temps alloué, quelle est la nature de l'infraction, quelles sont les observations formulées et ainsi de suite; je suis d'accord avec tous ces objectifs. Mais on conclut en disant : « Si vous ne faites rien de tout cela, ce n'est pas important. La peine demeure valide. » Il me semble que l'on va ainsi à l'encontre de l'objectif même du projet de loi qui vise à ce que tout le monde comprenne bien la nature du temps alloué, son ampleur et les motifs pour lesquels il est alloué. On contredit tout simplement ces bonnes intentions en indiquant que l'inobservation de ces dispositions est sans importance et n'entache pas la validité de la peine. Il me semble qu'il y a quelque chose qui cloche.

[Français]

La présidente : On peut revenir au sénateur Carignan et on demandera au sénateur Baker de répondre.

Le sénateur Carignan : Pour la même raison concernant la confiance du public, j'essaie de me placer dans la peau d'un citoyen généralement bien informé qui regarde la situation de la peine où l'on a accordé deux pour un, donc un an vaut deux ans, sur une peine de 10 ans. Il est déjà un peu surpris de cette décision parce que dans sa perception, une journée en prison, cela vaut une journée.

Et maintenant, on doit lui expliquer, parce que le juge a omis, par inadvertance, d'écrire le motif pour lequel il a accordé 1,5 pour 1, cela invaliderait la décision. Je pense que le citoyen généralement bien informé serait très surpris que l'on oblige le processus, que l'on remette les tribunaux à la disposition pour retrancher à nouveau et fixer une autre sentence, d'autant plus que cela peut créer un vide juridique, parce que la partie ou la sentence est annulée, si la sentence est trois ans et que l'appel vient l'annuler par la suite et qu'on retourne le dossier, l'individu était probablement en prison à ce moment-là et cela peut causer des problèmes d'application pratiques.

Je pense que c'est d'embourber les tribunaux inutilement, je pense que l'article est clair : le juge doit motiver sa raison. Par contre, entacher la validité de l'ensemble de la décision de la sentence pour une partie seulement de non- motivation, si c'est une sentence de 10 ans, la partie de la détention présentencielle, c'est peut-être 10 p. 100 de l'ensemble. Et parce qu'il y a 10 p. 100 de l'ensemble où le juge aurait omis d'écrire ses motifs, on annule la décision rendue; je pense que le public en général ne comprendrait pas et cela n'augmenterait pas sa confiance dans le système judiciaire, d'autant plus que ce sont essentiellement des questions techniques et de bureaucratie.

Le sénateur Chaput : À l'inverse de ce que le sénateur vient de mentionner, les amendements qui sont proposés aujourd'hui clarifient le projet de loi en y ajoutant une certaine structure et en laissant une flexibilité au juge. Bien entendu, je ne suis pas avocate, mais voici comment je vois ce qui va se passer avec les amendements que nous discutons présentement.

On précise et on structure le projet de loi tout en laissant une certaine flexibilité au juge, ce qui est tout à fait naturel et normal. Mais en ce qui a trait à la confiance du public envers notre système de justice, nous voulons que le juge fournisse les motifs relatifs au crédit de peine lorsqu'il rend une décision et pour moi, c'est une question de transparence susceptible d'augmenter la confiance du public envers le système de justice.

Évidemment, je vais appuyer l'amendement.

[Traduction]

Le sénateur Baker : Pour chaque décision qu'il rend, peu importe laquelle, un juge doit fournir des motifs. Cela fait suite à quelques arrêts de la Cour suprême dont R. v. Shepherd à Terre-Neuve-et-Labrador en 1972 où la cour a conclu qu'un juge doit fournir ses motifs pour tous les éléments influant sur sa décision finale; une conclusion qui a été réitérée à maintes reprises. Cet arrêt portait sur une décision mineure rendue au moment de l'audition préalable au procès.

Je conviens avec Mme Kane que différents articles du Code criminel prévoient que le manquement d'un juge à accomplir certaines tâches ou l'omission de certains éléments n'a pas de répercussion sur la peine imposée en fin de compte. Par exemple, si l'on vous retire votre permis de conduire, le Code criminel prévoit que l'agent de police vous remet un formulaire, vous en explique la teneur et vous demande de le signer au verso. Si vous n'apposez pas votre signature, la loi indique que cela ne change rien au fait que vous avez perdu votre permis de conduire. Ou encore si une erreur est commise après la citation à procès à l'issue de l'enquête préliminaire, par exemple, si la date est erronée ou si l'on invoque le mauvais article du Code criminel, la décision rendue par le tribunal n'est pas invalidée. Le Code criminel comporte de nombreuses dispositions à cet effet. Cependant, il ne prévoit aucun cas où un individu serait incarcéré sans savoir pourquoi parce que le juge n'a pas fourni ses motifs.

Le sénateur vient de nous donner un exemple. Il a indiqué que la disposition ne s'appliquerait qu'au dixième d'une peine de 10 ans. On parle ici d'une année d'incarcération. Le motif doit être inscrit aux fins de la révision en appel. On doit pouvoir contester la détermination de la peine dans le cadre du processus d'appel. C'est l'un des principes de base de notre droit. Je comprends bien d'où vient le libellé proposé; il est déjà utilisé dans différents articles du code. Ces articles ne concernent toutefois pas l'emprisonnement d'un individu.

Je pense que nous améliorerions ce projet de loi et que nous irions dans le sens de l'objectif visé ici par le gouvernement, si nous apportions une simple correction en précisant que le juge doit effectivement préciser ses raisons.

[Français]

Il est proposé par le sénateur Baker

Que le projet de loi C-25 soit modifié à l'article 3, à la page 2, par substitution, aux lignes 15 et 16 de ce qui suit :

« (3.4) L'inobservation du paragraphe (3.3) n'entache pas la validité de la peine ».

[Traduction]

L'amendement est-il adopté?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

La présidente : Que tous ceux qui sont en faveur disent oui.

Des voix : Oui.

La présidente : Que ceux qui sont contre disent non.

Des voix : Non.

La présidente : Y a-t-il des abstentions? Je déclare l'amendement adopté.

Le sénateur Wallace : Pourrions-nous avoir un vote par appel nominal?

La présidente : Certainement. La greffière va procéder à l'appel nominal.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Fraser?

La présidente : Ne vote pas.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Angus?

Le sénateur Angus : Contre.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Baker?

Le sénateur Baker : Pour.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Campbell?

Le sénateur Campbell : Pour.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Carignan.

Le sénateur Carignan : Contre.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Chaput?

Le sénateur Chaput : Pour.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Joyal?

Le sénateur Joyal : Pour.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Milne?

Le sénateur Milne : Pour.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Nolin?

Le sénateur Nolin : Contre.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Rivet?

Le sénateur Rivet : Contre.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Wallace?

Le sénateur Wallace : Contre.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Watt?

Le sénateur Watt : Pour.

Mme Richardson : Six pour; cinq contre.

La présidente : Je déclare l'amendement adopté par six voix contre cinq. Nous avons apporté deux amendements à l'article 3. Sénateurs, l'article 3 modifié est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

La présidente : L'article 3 est adopté, avec dissidence.

Sénateur Watt, pourrais-je terminer l'examen article par article? Normalement, nous devrions poursuivre cet examen, mais souhaitez-vous soulever un point d'ordre général?

Le sénateur Watt : J'aimerais aviser le comité que je compte proposer un amendement à l'étape de la troisième lecture. Si vous voulez que j'apporte des précisions, je suis disposé à le faire.

Le sénateur Angus : Avez-vous des copies de votre amendement?

Le sénateur Watt : Oui, je pourrais les distribuer.

La présidente : Sénateur Watt, pour ne pas nous embourber dans le traitement des amendements que nous examinons actuellement, nous pourrions vous laisser un certain temps pour nous présenter le vôtre une fois que nous aurons terminé cet examen article par article.

Le sénateur Watt : C'est parfait.

La présidente : Nous vous reviendrons tout à l'heure.

L'article 4 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : Des oppositions? Des abstentions? L'article 4 est adopté.

L'article 5 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : Des oppositions? Des abstentions? L'article 5 est adopté.

L'article 6 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : Des oppositions? Des abstentions? L'article 6 est adopté.

Le titre est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : Des oppositions? Des abstentions? Le titre est adopté.

Le projet de loi modifié est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Nolin : Avec dissidence.

Le sénateur Wallace : Avec dissidence.

La présidente : Le projet de loi est adopté, avec dissidence.

Le comité souhaite-t-il que des observations soient jointes au rapport?

Le sénateur Campbell : Non.

La présidente : Personne ne semble favorable.

Puis-je faire rapport du projet de loi modifié au Sénat?

Des voix : D'accord.

La présidente : Je le ferai à la prochaine séance du Sénat.

Sénateur Watt, nous vous écoutons.

Le sénateur Watt : Au cours de nos audiences, nous avons pu entendre les observations de plusieurs témoins très crédibles, dont certains représentaient la Couronne. Ils nous ont indiqué que ce projet de loi ne serait pas nécessairement une bonne chose pour les Autochtones de différentes régions.

Le ministre Nicholson nous a précisé qu'il avait consulté les procureurs généraux des provinces, mais il ne m'a pas répondu lorsque je lui ai demandé s'il avait consulté les Autochtones du Canada.

Je crois que l'on porte atteinte à nos droits constitutionnels. Il ne fait aucun doute que nous devons permettre aux Autochtones de présenter leur point de vue au sujet de ce projet de loi. Vous avez entendu tout comme moi des témoins nous dire à quel point les Autochtones sont nombreux dans nos pénitenciers tant provinciaux que fédéraux. Si nous ne nous employons pas à trouver des moyens d'améliorer le système en faveur des Autochtones, nous ne remplissons pas notre rôle.

Nous devons comprendre que les Autochtones sont aussi des Canadiens. En tant qu'Inuits, nous sommes des contribuables à part entière. Nos frères des Premières nations sont exemptés d'impôt, mais pas nous. À ce titre, j'aimerais que notre voix puisse être entendue et que nous ayons la possibilité de faire valoir les éléments néfastes pour nous dans ce projet de loi qui ne va pas améliorer le sort des Inuits, des Premières nations et des Métis.

On nous a parlé de ces nombres très élevés d'Autochtones au sein de la population carcérale. Au Manitoba, ils comptent pour plus de 90 p. 100 des détenus. C'est trop. Il y a quelque chose qui cloche quelque part. Regardez la situation en Saskatchewan. La proportion est élevée là-bas également. Elle atteint 80 p. 100. Des témoins nous ont par ailleurs souligné l'autre jour que la proportion de femmes était de 32 p. 100. C'est le chiffre qu'on nous a donné pour les femmes seulement dans les établissements correctionnels.

À la lumière des témoignages que j'ai entendus, j'estime que ce projet de loi va faire grimper encore ces proportions. Nos témoins sont des spécialistes de ces questions; je dois me fier à ce qu'ils nous disent. J'aurais peut-être un léger doute s'ils ne représentaient pas la Couronne lorsqu'ils nous font ces déclarations. Je devrais alors avouer qu'ils n'ont pas froid aux yeux en venant ici nous affirmer que ce projet de loi ne servira pas la cause des Autochtones.

C'est la raison pour laquelle je vais déposer un amendement à l'étape de la troisième lecture pour que les Autochtones soient exemptés de l'application de cette loi et pour faire en sorte que le système déjà en place continue d'être en vigueur pour les Autochtones d'ici à ce que nous ayons pu examiner adéquatement leur situation et déterminer une fois pour toute de quoi il en retourne exactement. Ces nombres élevés de détenus ne me rassurent guère.

J'ose espérer, chers collègues, que vous comprenez ma démarche. J'ai un travail à faire ici.

La présidente : Chers collègues, le sénateur Watt a eu la grande amabilité de nous expliquer ses intentions pour la suite des choses. Je ne crois pas que nous devrions discuter dès maintenant de sa proposition. Le sénateur Watt nous a avisés de ce qu'il comptait faire et nous pourrons en débattre comme il se doit au moment venu au Sénat. Je ne crois pas qu'il serait approprié d'amorcer maintenant le débat alors que l'amendement n'a pas encore été présenté. Êtes-vous d'accord avec ma façon de voir les choses?

Des voix : D'accord.

La présidente : Voilà qui termine donc notre étude en comité du projet de loi C-25. Notre prochaine réunion aura lieu ici même demain matin à 10 h 45.

Le sénateur Milne : Avez-vous demandé la permission de faire rapport du projet de loi au Sénat?

La présidente : Je l'ai fait et elle m'a été accordée.

Nous amorcerons notre étude du projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Notre premier témoin sera l'honorable Rob Nicholson, ministre de la Justice et procureur général du Canada.

Madame Kane, je vous remercie infiniment. Vous nous êtes toujours d'une aide très précieuse et nous vous en sommes reconnaissants.

(La séance est levée.)


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