Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 16 - Témoignages du 21 octobre 2009
OTTAWA, le mercredi 21 octobre 2009
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui a été saisi du projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois, s'est réuni aujourd'hui à 17 h 2 pour examiner ledit projet de loi.
Le sénateur Pierre Claude Nolin (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : Bienvenue à tous. Nous avons deux choses à régler pour commencer. Premièrement, je dois vous faire part de la déclaration d'intérêts personnels qu'a faite le sénateur Campbell au sujet du projet de loi S-226. Conformément au règlement 32.1(1), sa déclaration sera consignée au procès-verbal de notre comité.
[Français]
Chers collègues, je vous souhaite la bienvenue. Vous aurez compris que le sénateur Fraser est absente aujourd'hui et que j'ai accepté de la remplacer.
Nous continuons aujourd'hui notre étude du projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.
[Traduction]
Nous accueillons aujourd'hui, du ministère de la Justice, M. Paul Saint-Denis, avocat conseil, Section de la politique en matière de droit pénal. Il est là pour répondre aux questions techniques que les membres du Comité ont à poser au sujet du projet de loi, et il n'a donc pas de déclaration liminaire à faire.
Nous vous souhaitons la bienvenue, Monsieur Saint-Denis. Vous et moi discutons de toute cette question depuis de nombreuses années. Bienvenue parmi nous. Je suis sûr que mes collègues auront des questions très intéressantes à vous poser, et nous allons commencer sans plus tarder.
Le sénateur Baker : Bienvenue à vous, monsieur Saint-Denis. Je ne sais pas si vous pourrez répondre aux deux questions que j'ai à vous poser, mais je vais vous les poser quand même. Ce sont les deux choses qui me sont venues immédiatement à l'esprit lorsque j'ai lu le projet de loi.
La première question porte sur l'article 4 du projet de loi, qui correspond à l'article 8 du nouveau projet de loi, sous l'intertitre « Avis ». Même si le libellé n'est pas exactement le même, l'objet de cet article semble être calqué sur celui de l'article 255 du Code criminel, qui porte sur la conduite automobile avec facultés affaiblies, et sur l'article 727, qui est l'article habilitant. Lorsque l'accusé en est à sa deuxième ou troisième infraction, une peine minimale s'applique, à condition que le procureur de la Couronne, comme le propose l'article 8 ici, puisse convaincre le tribunal que la personne accusée a été avisée.
Permettez-moi de vous lire le projet d'article 8, à l'article 4 :
[...] a été avisée avant d'enregistrer son plaidoyer qu'une peine minimale d'emprisonnement peut être imposée pour l'infraction qui lui est reprochée et que le procureur général a l'intention de prouver que l'infraction a été commise dans des circonstances [...]
Ai-je raison de penser que c'est la même chose, en ce sens que c'est le procureur de la Couronne qui enregistre la condamnation précédente de la personne accusée et que cette personne a été avisée avant d'enregistrer son plaidoyer?
Paul Saint-Denis, avocat conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : C'est en partie exact, sénateur. En fait, vous verrez plus loin que le projet de loi prévoit un certain nombre de circonstances aggravantes susceptibles d'entraîner une peine minimale. L'article dont vous parlez sert en fait à aviser la personne accusée et le tribunal qu'il est possible que le procureur demande une peine minimale. Mais pour que cette peine soit appliquée, il faut que certaines circonstances aient été démontrées devant le tribunal. C'est donc un simple avertissement. Sans cela, on ne pourrait pas imposer une peine minimale.
Le sénateur Baker : Permettez-moi de revenir sur votre dernière phrase, quand vous dites que, sans cela, on ne pourrait pas imposer une peine minimale. C'est ce que prévoit aussi l'article 727 du Code, même si vous ne le mentionnez pas, au sujet de la conduite automobile avec facultés affaiblies. C'est exactement ce que vous venez de dire. Si le procureur de la Couronne n'enregistre pas la condamnation précédente, on ne peut pas imposer une sentence minimale, n'est-ce pas?
M. Saint-Denis : En fait, l'article indique que le tribunal « n'est pas tenu ». Cela ne signifie pas qu'il ne le peut pas. Mais le système fonctionne de telle façon que le tribunal « doit », si certaines circonstances ont été démontrées et si la personne a été avisée. Si la personne n'a pas été avisée, le tribunal peut choisir d'imposer une peine minimale, mais il n'est pas tenu de le faire.
Vous avez parlé de la condamnation précédente, sénateur, mais il n'y a pas que les condamnations précédentes qui donnent lieu à une peine minimale. Il peut y avoir toutes sortes d'autres circonstances, comme l'utilisation d'une arme, le recours à la violence, l'appartenance à un gang, et cetera.
Le sénateur Baker : Mais ces circonstances incluent les condamnations précédentes.
M. Saint-Denis : En effet.
Le sénateur Baker : C'est l'élément déclencheur dans cet article du projet de loi. Je vais vous dire maintenant ce qui me tracasse, et je ne sais pas si le ministère y a déjà réfléchi : au cours des 12 derniers mois environ, on a décrété, dans une multitude de causes, que le fait que l'enregistrement de la condamnation précédente relève du pouvoir discrétionnaire du procureur va à l'encontre de l'article 7 de la Charte, qui porte sur les droits fondamentaux.
J'ai sous les yeux plusieurs affaires qui ont été jugées devant des tribunaux de l'Ontario, et où c'est très clair. Cela remonte à une décision rendue par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique. Ces tribunaux ont décrété que seuls le Parlement et les tribunaux avaient le droit d'imposer une peine, et que le pouvoir discrétionnaire conféré ici à la Couronne était anticonstitutionnel et constituait une violation de la justice fondamentale. Avez-vous réfléchi à cette question? Vous préférerez peut-être ne pas répondre.
M. Saint-Denis : Je suis disposé à vous répondre, mais je ne suis pas sûr de pouvoir le faire. Je sais que le pouvoir discrétionnaire conféré à la Couronne est un sujet délicat pour les tribunaux, entre autres. Mais que je sache, les tribunaux reconnaissent que ce pouvoir discrétionnaire est généralement constitutionnel.
Je ne connais pas bien les causes auxquelles vous avez fait allusion, et je me garderai donc de faire des commentaires. Vous dites que seuls les tribunaux et le législateur peuvent imposer une peine ou en déterminer les paramètres, mais cela ne change rien au pouvoir discrétionnaire de la Couronne. Celle-ci a toujours eu le pouvoir de présenter certaines circonstances, y compris les circonstances aggravantes d'un crime, qui sont susceptibles d'entraîner un durcissement de la peine. Cela n'a jamais été contesté, que je sache.
Ici, ce n'est pas vraiment la Couronne qui impose une peine. Par contre, elle peut choisir de présenter certaines circonstances susceptibles d'entraîner, si elles sont démontrées, l'application d'une peine minimale.
Le sénateur Baker : Permettez-moi de vous lire le titre des deux causes. Dans le premier cas, il s'agit de R. c. Gill, Cour de justice de l'Ontario, 2008, Carswell, Ontario, 6139. L'autre cause lui est antérieure et s'intitule R. c. King, 2007, Carswell, Ontario, 3314. La cause la plus récente dresse une longue liste des causes où, en effet, le pouvoir discrétionnaire du procureur ne peut pas être contesté. Toutefois, lorsque ce pouvoir est exercé en dehors des fonctions principales d'un procureur de la Couronne, lesquelles consistent à instruire un procès et à le mener à son terme, les tribunaux ont estimé qu'il était anticonstitutionnel que le procureur ait le pouvoir discrétionnaire d'imposer une peine minimale.
Vous dites que la Couronne n'a pas vraiment ce pouvoir discrétionnaire, mais si elle ne présente pas de preuves, à ce moment-là, la peine minimale ne s'applique pas.
Permettez-moi de vous poser ma deuxième question, car le président ne va pas me donner beaucoup de temps.
Le vice-président : Manifestement, vous n'êtes pas au courant de cette jurisprudence. Vous préféreriez peut-être en prendre connaissance avant de faire des commentaires, et nous transmettre vos commentaires par écrit?
M. Saint-Denis : En effet, je ne sais rien de ces causes, ni s'il s'agit de tribunaux de première instance ou de cours d'appel. En tout cas, il ne s'agit pas de décisions de la Cour suprême, et leur portée est donc plus limitée.
Le sénateur Baker : Vous avez raison, mais ça a commencé avec la Cour d'appel de la Colombie Britannique. C'est la raison pour laquelle les tribunaux de première instance ont pris des décisions similaires depuis. Quand vous prendrez connaissance de ces causes, vous verrez bien celles auxquelles elles font référence.
Le vice-président : Le sénateur Baker soulève une question importante. Ce pouvoir discrétionnaire accordé au procureur de la Couronne préoccupe plusieurs d'entre nous. Je vous invite donc à prendre connaissance de ces causes et à nous faire parvenir vos commentaires par écrit, afin que nous puissions y voir un peu plus clair dans toute cette question.
M. Saint-Denis : Volontiers. Pour ce qui est de la seconde cause, son titre est bien R. c. King, 2007, n'est-ce pas?
Le sénateur Baker : C'est R. c. King, 2007, Carswell, Ontario, 3314. J'ai pris l'exemple de ces causes car elles n'ont pas fait l'objet d'appels. Je ne voudrais pas citer une cause en appel. Dans les deux cas, le délai d'appel est expiré, et c'est la jurisprudence qu'elles invoquent qui m'intéresse.
Ma deuxième question est assez simple. Elle porte sur le libellé du nouvel alinéa 5(3)a)(ii)(A) du paragraphe 1(1) du projet de loi qui dispose que :
[...] ou dans tout autre lieu public normalement fréquenté par des personnes de moins de 18 ans ...
Monsieur Saint-Denis, je siège au Parlement depuis de nombreuses années, et je me souviens qu'en 1993, nous avons dû modifier le Code criminel et notamment l'article 161 qui porte sur le vagabondage de personnes ayant déjà été condamnées pour agression sexuelle. Le libellé était le même que celui-ci, à l'intérieur ou près de « tout autre lieu public », mais nous avons dû le remplacer par « dans un parc public ou une zone publique où l'on peut se baigner ».
Avec la cause R. c. Heywood, Cour suprême du Canada, 1994, Carswell, C.-B., 592, nous avons dû modifier la loi pour y insérer l'article 161 où l'on parle d'un endroit que fréquentent des enfants, et non pas du fait de se trouver à proximité d'un lieu public, qui peut comprendre une rue ou un parc national, parce que la Cour suprême du Canada a décrété dans la cause Heywood que cette « disposition a une portée excessive en raison des endroits qu'elle vise ». La Cour l'a invalidé. L'article 1 de la Charte n'y changeait rien. Par contre, elle a approuvé la modification que nous avons apportée à la loi. Tout cela a été déclenché par une décision de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique car c'est elle qui avait rendu la décision initiale. La Cour suprême a confirmé notre modification de l'article 161, qui restreignait l'endroit où une personne pouvait se trouver. Ainsi, une personne doit se trouver à l'intérieur ou à proximité d'un endroit défini — un parc public ou une zone publique où l'on peut se baigner, et cetera.
Ne vous semble-t-il pas évident que cette question pourrait faire l'objet d'une contestation constitutionnelle?
M. Saint-Denis : Je suppose que, lorsque nous avons soumis nos propositions à nos spécialistes de la Constitution et de la Charte, ils ont examiné attentivement toutes les dispositions de ce projet de loi. J'ignore s'ils se sont attardés sur cette question en particulier, mais je peux vous dire que c'est le libellé de l'actuel article 10 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, la LRCDAS.
Le sénateur Baker : C'est exact.
M. Saint-Denis : Cet article oblige les tribunaux à tenir compte des circonstances aggravantes comme celles qui sont énumérées ici, mais la liste n'est pas exhaustive. L'une des circonstances énumérées ici est libellée exactement de la même façon.
Le sénateur Baker : La liste reprend les mêmes mots.
M. Saint-Denis : En effet.
Le sénateur Baker : On ne parle pas d'une infraction en soi, mais ça fait partie d'une liste.
M. Saint-Denis : Ce n'est pas une infraction en soi mais plutôt une circonstance aggravante, comme dans l'actuelle LRCDAS. Il y a une différence importante en ce sens que la présence dans cet article de cette circonstance aggravante signifie qu'une peine minimale pourra être imposée. Il est possible que les tribunaux jugent cette disposition beaucoup trop vague, mais ce n'est pas sûr. À ma connaissance, ce libellé n'a jamais été contesté, et nul ne sait s'il le sera un jour.
Le sénateur Baker : J'accepte cette explication.
Le sénateur Milne : L'expression à l'intérieur ou près de « tout autre lieu public » est très vague. Nous savons tous que les marges de reculement sont de 16 pieds à partir du centre de la route, dans les zones résidentielles de l'Ontario, tout au moins. Par conséquent, vous pouvez fort bien, en vous tenant devant votre maison, vous trouver à l'intérieur ou près d'un endroit public.
M. Saint-Denis : Mais il ne s'agit pas de n'importe quel lieu public puisqu'on dit « lieu public normalement fréquenté par [...] ».
Le sénateur Milne : J'ai des enfants.
M. Saint-Denis : À mon avis, les tribunaux l'entendront généralement comme un lieu où les jeunes se rassemblent plutôt qu'un endroit qu'ils ne font que traverser ou l'endroit où ils vivent. C'est bien là l'objectif de la disposition.
Le sénateur Milne : C'est l'objectif, mais y a-t-il un précédent juridique?
M. Saint-Denis : Le fait que le libellé proposé soit celui de la loi en vigueur me paraît être un précédent, d'autant plus qu'il n'a jamais été contesté avec succès, et je ne sais même pas s'il a déjà été contesté. Nous sommes donc un peu en terrain inconnu.
Le sénateur Watt : J'avais dit que je ne poserais pas de questions, mais je viens du Nord, où il y a de très petites collectivités. J'aimerais donc savoir ce que vous entendez par « près de ». Avez-vous la réponse?
M. Saint-Denis : Non, je ne l'ai pas. Ce sera aux tribunaux d'en décider, le cas échéant.
Le sénateur Watt : Autrement dit, ça reste assez vague?
M. Saint-Denis : En quelque sorte.
Le sénateur Watt : Ça a une portée très large.
M. Saint-Denis : En quelque sorte.
Le sénateur Milne : Ça a une portée excessive.
M. Saint-Denis : À mon avis, ça dépendra des circonstances. Dans une zone urbaine très peuplée, ça ne sera pas nécessairement interprété de la même façon que dans une zone rurale ou dans les territoires, par exemple. Il est fort possible que les tribunaux fassent des distinctions à cet égard. Nous n'avons pas défini le mot « près » car nous avons estimé que les tribunaux seraient en mesure de le faire.
Le sénateur Watt : Je suppose que lorsque vous avez rédigé la loi, vous pensiez surtout aux grandes villes, et pas aux petites collectivités.
M. Saint-Denis : C'est certainement ça. Je travaille sur ce dossier depuis longtemps, et ça remonte même à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Je me souviens qu'on s'intéressait surtout aux zones urbaines, car c'est là qu'il y avait le plus de problèmes.
Le sénateur Wallace : Le projet de loi C-15 a pour objectif manifeste, à mon avis, d'accroître la sécurité des Canadiens. Il s'attaque au fléau qu'est devenue la drogue dans notre pays, et particulièrement au crime organisé et à tous les problèmes dont il est à l'origine.
Dans ce contexte, un problème se pose. Je dois dire que depuis que le projet de loi C-15 fait partie du domaine public, j'ai reçu toutes sortes de messages qui révèlent une certaine confusion dans la population.
Je pense notamment aux nouvelles peines obligatoires qui sont proposées pour les drogues de l'annexe 2, en l'occurrence les peines minimales prévues en cas de production de marijuana, de cannabis et de cinq autres plantes. On pourrait conclure, d'après les questions qui sont posées, que le projet de loi C-15 porte sur la possession de ces substances, alors que moi, je croyais qu'il portait sur la production dans le but d'en faire le trafic — au sens général du terme —, ainsi que sur l'exportation et l'importation de ces substances. En fait, le projet de loi C-15 ne porte pas sur la possession, mais plutôt sur la production dans le but d'en faire le trafic.
J'aimerais savoir quel genre de preuve il faudra présenter pour démontrer que la production de cinq plantes ou plus vise à en faire le trafic.
M. Saint-Denis : Il faut déjà qu'il y ait au moins cinq plantes. Ça, c'était la partie facile de la réponse. Pour ce qui est de la partie la plus difficile, je dirais qu'il faudra rassembler un certain nombre d'indices qui permettent de conclure qu'il y a trafic. Par exemple, la personne pourrait avoir en sa possession un certain nombre de sacs remplis de cannabis, une liste de ce qui semble être des clients, ou avoir à son dossier des condamnations antérieures pour trafic de drogue. Il pourrait donc y avoir plusieurs événements ou indices qui permettent de conclure que la production de ces substances a pour but d'en faire le trafic. Mais c'est à la Couronne de le prouver, il ne suffit pas d'en faire la présomption.
Le sénateur Wallace : En termes simples, une personne trouvée en possession de cinq plantes ou plus ne sera pas nécessairement accusée de trafic de drogue et ne tombera pas sous le coup du projet de loi C-15, c'est bien ça?
M. Saint-Denis : Elle ne sera pas passible des peines minimales. Si elle cultive cinq plantes ou plus — plus de 5 et moins de 201 — et qu'aucune preuve ne démontre qu'elle en fait le trafic, il s'agit alors de simple production assortie d'aucune peine minimale. Par contre, cela constitue quand même une infraction passible à l'heure actuelle d'une peine d'emprisonnement de sept ans.
Le sénateur Wallace : Donc, pour obtenir les peines minimales prévues par le projet de loi C-15, la Couronne devra démontrer que la production de ces plantes a pour but d'en faire le trafic. La Couronne devra en convaincre le tribunal.
M. Saint-Denis : C'est exact. On peut aussi obtenir des preuves par écoute téléphonique ou par témoignage. Il y a toutes sortes de façon de le démontrer, mais la Couronne doit le faire.
Le sénateur Wallace : Merci de ces précisions. C'est important pour beaucoup de gens.
L'usage médical du cannabis et de la marijuana est approuvé au Canada, dans certaines conditions. Un mécanisme d'approbation et d'octroi de permis a été établi à l'intention de ceux qui ont besoin de ces substances à des fins médicales.
Dans quelle mesure les gens qui consomment légalement de la marijuana et du cannabis sont-ils touchés par le projet de loi C-15?
M. Saint-Denis : Ils ne le sont pas. Le projet de loi ne devrait pas entraver la distribution réglementée de marijuana à des fins médicales. Les patients qui ont une ordonnance de leur médecin s'adressent à Santé Canada, et s'ils obtiennent le permis de posséder ou de cultiver la marijuana, ils sont exemptés des dispositions de ce projet de loi et de la LRCDAS relatives à la marijuana.
Le sénateur Wallace : Encore une fois, merci de ces précisions, qui seront certainement très utiles à ceux qui m'ont envoyé des commentaires. Tout est très clair maintenant, et je vous en remercie.
Le sénateur Milne : Moi aussi j'ai reçu des courriels de consommateurs de marijuana à des fins médicales qui craignent d'être poursuivis en vertu de la disposition des cinq plantes ou plus, ou plus exactement plus de 5 plantes ou moins de 201.
Comment le gouvernement pourrait-il les rassurer? Ce que vous nous avez dit aujourd'hui ne va sans doute pas parvenir à leurs oreilles avant quelque temps.
M. Saint-Denis : Il faut faire une distinction importante entre ceux qui consomment légalement de la marijuana à des fins médicales, et ceux qui font de l'automédication. Ceux qui font de l'automédication, sans avoir de permis...
Le sénateur Milne : Tomberont sous le coup de cette disposition.
M. Saint-Denis : Exactement, car ils contreviennent aux dispositions de la LRCDAS. Nous ne pouvons rien faire pour ces gens-là.
Le sénateur Milne : Sinon leur conseiller de demander une ordonnance à leur médecin.
M. Saint-Denis : Exactement. Ceux qui ont un permis ne seront pas inquiétés, si ce projet de loi entre en vigueur...
Le sénateur Angus : Quand?
M. Saint-Denis : Quand? Cela dépend de vous, pas de moi.
Le sénateur Angus : L'espoir fait vivre.
M. Saint-Denis : À ce moment-là, je crois que les médias en parleront et que la population sera bien informée. De plus, la nouvelle loi sera accessible sur le site Web du ministère de la Justice.
Le sénateur Milne : L'accès aux tribunaux de traitement de la toxicomanie me préoccupe beaucoup, car il n'y en a ni au Québec, ni dans les provinces de l'Atlantique, ni dans les territoires. Le gouvernement fédéral envisage-t-il de créer ce type de tribunaux dans ces régions?
M. Saint-Denis : Je crois savoir que certaines de ces régions aimeraient en avoir. Historiquement, les tribunaux de traitement de la toxicomanie n'ont pas été créés du jour au lendemain. On n'a pas décidé, au départ, de lancer un programme judiciaire de traitement de la toxicomanie et de créer six tribunaux à cet effet. Nous avons commencé par en établir un à Toronto, et ensuite un deuxième à Vancouver. Ces deux tribunaux étaient des projets pilotes. En fait, les quatre tribunaux qui ont été créés depuis, même si ce ne sont pas vraiment des projets pilotes, sont plus des projets pilotes que des programmes établis, parce que nous n'avons pas encore fait une évaluation complète des avantages des tribunaux de traitement de la toxicomanie.
Aux États-Unis, où ce type de tribunal existe depuis un certain temps, certains en dénoncent les coûts par rapport aux avantages. Le système est assez lourd et assez coûteux, et certains médecins estiment qu'il serait plus rentable d'ouvrir davantage de centres de traitement plutôt que des tribunaux de traitement.
Nous voulons constater nous-mêmes les résultats et les bienfaits de ce genre d'initiative. Que je sache, nous ne proposons pas, pour l'instant, de créer d'autres tribunaux. Nous allons attendre d'avoir une idée plus précise des avantages qu'ils présentent.
Cela dit, il est vrai que les six tribunaux actuels sont établis dans certaines régions du pays seulement. L'article du projet de loi fait mention du tribunal de traitement de la toxicomanie et également des programmes de traitement, lesquels sont accessibles dans presque toutes les régions du pays. L'article précise également que le tribunal ne sera pas tenu d'infliger une peine minimale d'emprisonnement à la personne qui aura terminé avec succès un programme de traitement judiciaire de la toxicomanie, conformément à l'article 720 du Code.
Ces deux mécanismes fonctionnent donc en parallèle : d'un côté, vous avez les programmes de traitement qui sont plus largement disséminés dans tout le pays, et d'un autre côté, vous avez les six tribunaux de traitement de la toxicomanie. Là où il y a un tribunal, la personne peut se retrouver devant le tribunal ou être envoyée dans un programme de traitement. Là où il n'y a pas de tribunal, il y a des programmes de traitement. Celui qui est aiguillé vers ce genre de programme et qui le termine avec succès peut échapper à l'imposition d'une peine minimale.
Le sénateur Milne : Cela m'amène justement à ma question suivante. Combien de personnes passent devant un tribunal de traitement de la toxicomanie chaque année? Avez-vous des données là-dessus et sur le nombre de celles qui terminent avec succès le programme?
M. Saint-Denis : Nous avons des chiffres là-dessus. En fait, ce nombre est assez limité. Si je me souviens bien, à peu près 100 personnes passent devant un tribunal de traitement de la toxicomanie chaque année.
Le sénateur Milne : Ce chiffre s'applique aux six tribunaux?
M. Saint-Denis : Non, c'est le nombre par tribunal, ce qui fait donc, grosso modo, un total de 600 personnes.
Je crois savoir que les tribunaux ne fonctionnent pas à pleine capacité et que, par ailleurs, les 600 personnes à peu près qui passent devant un tribunal de traitement de la toxicomanie chaque année ne représentent qu'un très faible pourcentage des auteurs d'infractions liées aux drogues. Je sais que les tribunaux de traitement de la toxicomanie suscitent beaucoup d'intérêt, mais ils ne représentent en fait qu'une toute petite partie du phénomène. Autrement dit, un faible pourcentage seulement des auteurs d'infractions liées aux drogues passent par ce système.
Le sénateur Milne : Dans ce cas, combien de personnes pensez-vous que ces nouvelles dispositions permettront de poursuivre en plus, chaque année? Et celles qui demanderont à avoir accès à un tribunal de traitement de la toxicomanie représenteront-elles toujours le même pourcentage?
M. Saint-Denis : Nous entrons dans le domaine de la spéculation. Je ne pense pas que les dispositions proposées se traduiront par des poursuites supplémentaires. La nature des infractions ne change pas. Nous n'en créons pas de nouvelles. Nous disons simplement que la présence de ces circonstances aggravantes, que les tribunaux prenaient déjà souvent en compte, devra donner lieu à l'imposition d'une peine minimale de six mois à trois ans d'emprisonnement, selon le cas.
Nous ne créons donc pas de nouvelles infractions.
Le sénateur Milne : Dans ce cas, le projet de loi ne porte que sur des peines minimales, un point c'est tout.
M. Saint-Denis : C'est exact, il ne crée pas de nouvelles infractions.
Le sénateur Milne : Il ne contient donc rien de nouveau, que des peines minimales. Avez-vous des statistiques sur leur efficacité?
M. Saint-Denis : Je n'ai pas de statistiques quant à leur efficacité. En ce qui concerne les infractions liées à la drogue, aucune peine minimale n'est prévue pour le moment. Nous avons eu une peine minimale jusque vers la fin des années 1980 pour l'importation de drogue, mais elle a été supprimée. C'était une peine minimale de sept ans d'emprisonnement. Nous n'avons donc pratiquement aucune donnée sur l'application des peines minimales au Canada.
L'expérience des États-Unis n'est pas très concluante. Certes, il y a certaines tendances, mais la situation américaine n'est pas la situation canadienne. Les États-Unis ont un énorme problème de drogue, et leur tissu démographique est très différent du nôtre. La situation est donc complètement différente, et on ne peut pas en tirer certaines leçons pour le Canada.
Vous m'avez demandé si j'ai des statistiques ou des renseignements quant à l'efficacité des peines minimales? Non, je n'en ai pas.
Le sénateur Angus : Bonsoir, monsieur Saint-Denis. Pour commencer, j'aimerais m'assurer que j'ai bien compris. Vous êtes avocat conseil à la Section de la politique en matière de droit pénal, au ministère de la Justice.
M. Saint-Denis : C'est exact.
Le sénateur Angus : Quel est le rôle de la Section de la politique en matière de droit pénal?
M. Saint-Denis : Nous conseillons le ministre lorsque des modifications sont apportées à des lois pénales, notamment le Code criminel, mais aussi des lois sur la drogue et sur d'autres sujets. Nous proposons des options à partir d'analyses, et cetera. Nous préparons pour le ministre des documents qui sont soumis à ses collègues du Cabinet.
Le sénateur Angus : Ma question était un peu vague, mais il y a deux choses qui m'intéressaient. Je suppose que la politique en matière de droit pénal est essentiellement la politique législative.
Je me demande si cela inclut aussi la politique relative aux établissements pénitenciers. On entend souvent dire que le surpeuplement des prisons est peut-être causé par ce genre de législation. Pourriez-vous me dire s'il est possible que nous n'ayons pas les établissements pénitenciers nécessaires pour accueillir les délinquants qui seront condamnés par ce genre de projet de loi?
M. Saint-Denis : Oui. Lorsque nous soumettons plusieurs options politiques, nous essayons de tenir compte de différents éléments, y compris leur impact potentiel sur le système de justice pénale.
Le sénateur Angus : Je suis ravi de l'entendre, c'est très intéressant.
Après sa déposition devant notre Comité au sujet de ce projet de loi, et la suggestion, par certains, que cela pourrait contribuer à la surpopulation de nos prisons, le ministre a annoncé la mise en œuvre d'une nouvelle politique pour agrandir les établissements pénitenciers. Je suis sûr que cela a intéressé certains de nos collègues.
Cette décision vient-elle de votre ministère?
M. Saint-Denis : Non, mais je ne suis pas sûr d'avoir parfaitement compris votre question.
Le sénateur Angus : Il y a eu plusieurs articles de journaux là-dessus pendant la fin de semaine. Je me disais que vous réagissiez rapidement.
M. Saint-Denis : Je ne peux pas vous dire. La question de la capacité d'accueil de nos pénitenciers relève du ministre de la Sécurité publique. C'est son domaine, son pré carré en quelque sorte.
Le sénateur Angus : Vous parlez de l'article, n'est-ce pas? Quoi qu'il en soit, cela relève de l'autre ministre.
Le vice-président : Cela ne relève pas du ministre de la Justice.
Le sénateur Angus : C'est ce que je voulais savoir.
J'aimerais vous poser une autre question, qui relève davantage de votre mandat. Le ministre Nicholson a dit, et ça m'a paru tout à fait sensé, qu'avec ce projet de loi, le gouvernement cherchait à enrayer une situation provoquée par le crime organisé — il a bien dit « crime organisé » — et était prêt à tout faire pour que ces criminels ne sévissent plus dans la rue. Il a même dit que « les gens ont peur ».
Cela m'amène à vous poser une question que j'ai déjà posée à un autre témoin, Howard Krongold, un représentant de la Criminal Lawyers Association. Les circonstances étaient telles que je lui ai posé ma question oralement et qu'il devait me répondre par écrit. Ce soir, la greffière m'a remis sa réponse, que j'avais déjà eue en posant une autre question, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Je vais vous lire la question que j'ai posée à M. Krongold :
Je comprends que vous êtes tous deux critiques à l'égard du projet de loi, pour ce qui concerne la disposition sur les peines minimales obligatoires — parce que, d'après vous, elle fera augmenter les frais d'administration de la justice — et pour ce qui concerne des dispositions discriminatoires, notamment contre certains éléments de la société, c'est-à-dire les Autochtones.
Avez-vous les mêmes sentiments à l'égard d'autres aspects du projet de loi? Êtes-vous d'accord avec le ministre sur des choses que le projet de loi permettra de réaliser? Vous avez entendu le sénateur Campbell, qui se dit d'accord avec de nombreuses dispositions du projet de loi parce qu'elles sont sévères contre la criminalité et qu'elles permettront de dissiper la perception actuelle, qui, je vous l'avoue, n'est pas dénuée de fondement. Les gens ont peur, et le projet de loi a le crime organisé dans sa ligne de mire. N'est-il pas vrai que la peur s'est installée dans la collectivité et que nous avons besoin d'un message pour l'apaiser, afin que les gens puissent avoir un environnement plus sûr?
La réponse est la suivante : « Ce projet de loi n'améliorera pas la sécurité publique. » Qu'en pensez-vous? C'est le ministre qui l'a dit, et j'ai paraphrasé sa réponse.
M. Saint-Denis : Je crois que le projet de loi a le potentiel d'améliorer la sécurité publique et la perception que les gens en ont. Vous savez, c'est parfois une question de perception. Le projet de loi vise le crime organisé, mais il s'attaque aussi aux trafiquants de drogue qui ont recours à la violence, même s'ils ne sont pas liés au crime organisé. Il est évident que le trafic de drogue associé à des armes ou à de la violence est une source d'inquiétude pour beaucoup de Canadiens. Si ce projet de loi permet de neutraliser un certain nombre de ces délinquants violents, je pense qu'on pourra dire qu'il aura permis d'améliorer la sécurité publique et la perception que les Canadiens en ont.
Le sénateur Angus : Lors de l'élaboration de la politique qui a abouti à ce projet de loi, est-ce un facteur que vous avez pris en considération?
M. Saint-Denis : L'insécurité causée par le crime organisé est la raison d'être de ce projet de loi.
Le sénateur Angus : À certaines personnes qui lui faisaient remarquer que, dans le cas d'infractions mineures, les peines minimales obligatoires pourraient paraître injustes dans certaines circonstances, le ministre a répondu que le projet de loi pourrait avoir des conséquences imprévues. Il a ajouté, et encore une fois je paraphrase, que « son objectif n'est pas de viser des infractions mineures mais plutôt les criminels dangereux ». C'est bien ça?
M. Saint-Denis : Oui.
Le sénateur Angus : Pensez-vous que le libellé soit suffisamment clair et qu'il ne se prêtera pas à des abus de la part des procureurs et de ceux qui sont responsables de l'application de la loi?
M. Saint-Denis : Je crois qu'il constitue une approche équilibrée face à ce problème.
Le sénateur Angus : Merci.
Monsieur le président, j'aimerais vous donner les références de ces deux articles. Le premier est extrait de la page A1 du Globe and Mail du 16 octobre. Écrit par Bill Curry, il est intitulé « Ottawa will expand prisons to suit tough crime laws » (Ottawa va agrandir les prisons en raison de la nouvelle législation sur la criminalité). L'auteur y explique que le gouvernement a l'intention de rénover et d'agrandir ses prisons pour parer, à court terme, à l'afflux anticipé de détenus.
Je soulève cette question parce que certains ont dit — et cela n'a été démenti ni par le ministère de la Justice ni par le gouvernement — que l'adoption de ce projet de loi aura pour effet d'augmenter la population carcérale, que le gouvernement en est conscient et qu'il prend donc des mesures pour y faire face.
Le vice-président : On a dit tout à l'heure que cela relevait d'un autre ministère. M. Saint-Denis a déjà assez de pain sur la planche pour ne pas avoir à répondre à cette question.
M. Saint-Denis : Je reconnais que c'est une perception bien réelle, mais je ne peux pas vous dire si elle est fondée. Ce n'est qu'une hypothèse.
Le sénateur Angus : Exactement, et la plupart des critiques formulées à l'égard du projet de loi étaient fondées sur des hypothèses également.
Le vice-président : Nous avons invité M. Van Loan à comparaître devant notre comité, et il pourra nous donner des éclaircissements à ce sujet.
Le sénateur Angus : Puis-je demander un éclaircissement, monsieur le président?
Le vice-président : Je peux peut-être vous inscrire pour un second tour?
Le sénateur Angus : C'est à vous que je veux m'adresser, si vous me le permettez.
Le vice-président : Que voulez-vous me demander?
Le sénateur Angus : Un éclaircissement.
Quand nous recevons ces réponses par écrit — et je suppose qu'il s'agit moins de réponses que de questions en retour — qu'en fait-on? Comment sont-elles versées au compte rendu?
Le vice-président : Elles ne le sont pas. Il s'agit généralement de réponses à des questions qui ont été posées. Les questions sont versées au compte rendu, mais pas les réponses.
Le sénateur Angus : Dans ce cas, c'est une pure perte de temps. Le sénateur Milne, pour qui j'ai le plus grand respect, demandait pourquoi je citais le compte rendu, mais je suis bien obligé si je veux poser ma question correctement et faire ressortir, ce faisant, certains points bien précis. L'autre président — et plus exactement Mme la présidente — nous a dit que les réponses seraient données par écrit. C'est la première fois que j'en reçois, et j'apprends qu'elles ne seront pas versées au compte rendu. Franchement, j'aurais bien d'autres choses à faire ce soir.
Le vice-président : Nous devons respecter la procédure. Nous sommes au Sénat, et nous avons une procédure à suivre. Si vous voulez déposer un document pour qu'il soit porté à l'attention du comité, il faut suivre la procédure.
Le sénateur Angus : Cela nous concerne tous. En quoi consiste cette procédure?
Le sénateur Milne : Vous pouvez déposer votre document.
Le sénateur Angus : Est-ce la seule façon de le verser au compte rendu?
Le vice-président : De cette façon, il fera partie du domaine public.
Le sénateur Angus : Très franchement, j'aimerais bien que toutes ces réponses soient versées au compte rendu.
Le vice-président : Chers collègues, il nous reste 15 minutes avec M. Saint-Denis et nous pourrions en profiter pour lui poser d'autres questions. Je vous propose de revenir sur ce problème plus tard.
Le sénateur Angus : J'aimerais bien que ces réponses soient versées au compte rendu car, sinon, je ne peux pas les utiliser. Je ne voudrais pas faire perdre du temps à mes collègues en les lisant intégralement.
Le vice-président : Voulez-vous proposer une motion pour qu'elles soient annexées à notre compte rendu?
Le sénateur Angus : Oui, s'il vous plaît.
Le vice-président : Êtes-vous d'accord, sénateurs?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Watt : J'aimerais poser une ou deux questions. Premièrement, vous avez dit dans votre déclaration liminaire — et le ministre l'a dit lui aussi — que ce projet de loi cible les criminels dangereux, ceux qui font la culture et le trafic de la marijuana. Qu'arrivera-t-il à un jeune, autochtone ou non, s'il se fait prendre avec une certaine quantité de marijuana, même s'il n'avait pas l'intention d'en faire le trafic?
M. Saint-Denis : S'il est accusé de possession, il sera passible des sanctions actuellement prévues par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, car les nouvelles dispositions du projet de loi ne s'appliquent pas à la possession d'une drogue, quelle qu'elle soit.
Le sénateur Watt : D'aucuns prétendent que les sanctions communautaires, accompagnées d'un programme de traitement de la toxicomanie, sont plus efficaces. Qu'en pensez-vous?
M. Saint-Denis : Je ne peux pas vous répondre car je ne connais pas bien le système des sanctions communautaires.
Le sénateur Campbell : Il y a certaines parties de ce projet de loi qui me plaisent, et d'autres que je ne comprends tout simplement pas. Pourquoi la détermination de la peine dépend-elle du nombre de plantes cultivées?
M. Saint-Denis : En partie parce que la gravité de l'infraction dépend du nombre de plantes différentes. Celui qui cultive 500 plantes dans sa maison en fait certainement une autre utilisation que celui qui n'en cultive que quatre ou cinq. En suivant ce raisonnement, nous avons essayé de déterminer les niveaux à partir desquels il était manifeste qu'il y avait une intention commerciale. Lorsque nous disons « à des fins de trafic », nous englobons cette intention commerciale. Nous avons estimé qu'à partir de 201 plantes, il y avait foncièrement une intention commerciale. Ensuite, nous avons fait une distinction entre moins de 500 et plus de 500 pour alourdir les peines en conséquence.
Le sénateur Campbell : Avez-vous déjà vu 200 plantes dans une pièce?
M. Saint-Denis : Non.
Le sénateur Campbell : Je vais vous en donner une petite idée. Cette pièce pourrait facilement contenir autant de plantes.
Lorsqu'un criminel est condamné, s'il a une opération commerciale et qu'il est lié à un gang, on ferait mieux de le garder au fond d'un cachot. C'est ça la réalité, et j'estime que le projet de loi ne fait pas face à la réalité. Plutôt que de se préoccuper du nombre de plantes, on ferait mieux de se préoccuper des liens que ces criminels ont avec des gangs et avec le crime organisé. C'est vraiment ce que je pense.
Or, ce n'est pas ce qui va se produire. J'ai fait partie d'une escouade antidrogue pendant huit ans, et je peux vous dire que c'est tout à fait possible. Lorsque j'ai pris quelqu'un avec six plantes, quelqu'un qui avait déjà eu des ennuis avec la justice, c'était à ce moment-là qu'il fallait frapper. Le problème c'est que, tout d'un coup, la marijuana, qui représente une valeur marchande de 8 milliards de dollars par an dans ma province, est mise dans le même sac que l'héroïne, la cocaïne, la méthamphétamine et le crack. Pourquoi le projet de loi amalgame-t-il toutes ces drogues en proposant une peine de 14 ans d'emprisonnement pour leur possession dans le but d'en faire le trafic? Pourquoi prévoit-il les mêmes sanctions pour toutes ces drogues?
M. Saint-Denis : Je ne suis pas sûr de pouvoir répondre à votre question, mais j'aimerais quand même vous rappeler que le projet de loi propose des peines minimales, et que la peine maximale pour toutes ces infractions est toujours la prison à perpétuité. En fait, nous faisons passer de 7 à 14 ans la peine maximale en cas de production de ces substances.
Pour le reste, je crois que votre question dépasse la portée de ce projet de loi, et je ne peux donc pas y répondre.
Le sénateur Campbell : Lorsque quelqu'un se fait prendre avec 200 plants de marijuana, vers quel programme de traitement l'oriente-t-on? Qu'est-ce qu'on va traiter exactement?
M. Saint-Denis : Le programme de traitement ne s'adresse qu'aux toxicomanes et à ceux qui ont acquis une dépendance à l'égard d'une drogue.
Le sénateur Campbell : A-t-on la preuve que la marijuana crée une dépendance?
M. Saint-Denis : C'est une question controversée.
Le sénateur Campbell : Je vais vous dire ce qui me préoccupe. J'ai eu l'occasion de demander au chef de la lutte antidrogue aux États-Unis si la marijuana créait une dépendance, et il m'a répondu que oui, que c'était l'une des drogues les plus dangereuses. Je lui ai alors demandé comment on déterminait que quelqu'un était toxicomane ou qu'il avait besoin d'être soigné. Il m'a répondu que, si l'inculpé passe devant un tribunal et accepte le traitement, cela signifie qu'il est toxicomane. C'est cette distinction qui me préoccupe dans le projet de loi. Tout d'un coup, nous allons au-delà de ça.
J'aimerais bien que vous comparaissiez à nouveau devant notre comité car j'aurais beaucoup de questions à vous poser. Je regrette terriblement que nous ne puissions pas vous accorder toute la durée de notre réunion, mais je vous remercie d'être venu.
[Français]
Le sénateur Carignan : J'aurais une question sur les facteurs, les circonstances aggravantes prévues au paragraphe 3.
Le vice-président : De quel article?
Le sénateur Carignan : De l'article 7. On les liste :
a) la personne a utilisé des biens immeubles appartenant à autrui lors de la perpétration de l'infraction;
b) la production a créé un risque d'atteinte à la santé ou à la sécurité de personnes de moins de dix-huit ans présentes dans le lieu où l'infraction a été commise ou à proximité;
c) la production a créé un risque d'atteinte à la sécurité publique dans un secteur résidentiel;
C'est assez clair, on voit cela dans les champs de cannabis, pour protéger la culture, ils mettent des trappes. Mais dans le cas de b) et c), pour moi, faire de la culture dans un milieu résidentiel de quantités importantes à des fins de trafic, le fait que ce soit dans un secteur résidentiel en soi est suffisamment un facteur aggravant.
Je crains qu'en mettant « risque d'atteinte à la sécurité », cette condition supplémentaire fasse que ce soit plus difficile d'aller chercher le facteur aggravant. Je cherche des exemples où l'on a un risque d'atteinte à la sécurité publique supplémentaire. Je ne sais pas si je suis assez clair.
Donc, j'ai connu des cultures dans des secteurs résidentiels où c'était très paisible autour. J'essaie de trouver un exemple où il y avait un risque d'atteinte à la sécurité publique. Peut-être est-ce dans la transformation des équipements, j'essaie de voir, je crains que cette exigence mise en preuve ne nous fasse dévier de la volonté d'enlever des cultures dans les secteurs résidentiels. Vous comprenez?
M. Saint-Denis : Premièrement, il faut reconnaître qu'on ne vise pas uniquement la culture de la marijuana. Il y a toute la production des drogues chimiques, la méthamphétamine, l'ecstasy, et cetera.
D'autre part, les cas qui nous préoccupaient avec cette disposition étaient ceux où l'on utilisait des produits chimiques hautement volatils comme les insecticides. Ces produits ont souvent tendance à exploser. Ils causent énormément de dommages et peuvent endommager la propriété et les biens. C'est le genre de cas que nous visions avec cette disposition et non la culture du cannabis paisible, qui ne comporte aucun danger de cette sorte.
Le vice-président : Monsieur Saint-Denis, j'aimerais explorer deux sujets avec vous. Tout d'abord, revenons aux études du ministère en matière de peines minimales obligatoire. On se souviendra qu'en 2002 une étude a été produite par l'Université Carleton. D'ailleurs, celle-ci fut affichée sur le site Internet du ministère pendant quelque temps. Cette étude réalisée par Gabor et Crutcher indique qu'on ne peut mesurer l'effet positif ou négatif des peines minimales infligées pour l'usage de drogues ou la criminalité liée aux drogues, mais que les stratégies axées sur le traitement de la toxicomanie pourraient avoir davantage un effet.
Avez-vous réfléchi à cette étude lors de la rédaction du projet de loi C-15?
M. Saint-Denis : Cette étude fut parrainée par le ministère. Toutefois, elle ne reflète pas la politique officielle du ministère.
Le vice-président : D'ailleurs, lorsque vous avez affiché l'étude, tous les lecteurs étaient avisés qu'il s'agissait d'une opinion qui n'était pas la vôtre.
M. Saint-Denis : En effet.
Le vice-président : Cette étude étant tout de même affichée sur le site du ministère de la Justice.
M. Saint-Denis : Tout à fait.
Pour répondre à votre question, nous étions au courant et connaissions l'existence et la teneur de ces rapports. Dans la mesure où l'on nous a demandé de préparer un projet de loi avec une certaine orientation, les propos de ces rapports, quoiqu'intéressants, devenaient un peu moins utiles.
Le vice-président : Comme je vous l'ai indiqué avant le début de cette réunion, des questions de politique publique seront soulevées tout au long de l'étude du projet de loi. Il serait approprié que le ministre revienne à la fin pour répondre adéquatement, au nom du gouvernement, à toutes ces questions soulevées par les divers témoins.
Je comprends très bien que vous avez, avec toute votre expérience, exécuté les instructions qui vous ont été données par le gouvernement.
M. Saint-Denis : Permettez-moi une petite mise au point. Les conclusions de ce rapport ne sont pas catégoriques. On dénote certaines ambiguïtés.
Comme je l'ai indiqué plus tôt, on faisait état de la situation aux États-Unis et non celle au Canada. Nous n'avions pas de situation au Canada dans le domaine des drogues où l'on pouvait examiner notre expérience. En regardant ce qui s'est passé aux États-Unis, nous sommes arrivés à certaines conclusions provisoires, mais pas absolues. Il faut quand même reconnaître que la situation aux États-Unis n'est pas celle du Canada. La masse démographique est différente, le problème de drogue est différent, les acteurs sont différents.
Le vice-président : Quelles sont les conclusions auxquelles vous êtes arrivés avec l'expérience américaine?
M. Saint-Denis : Pour ma part, aucune. Toutefois, dans le rapport on en fait état.
Le vice-président : Vous parlez de Gabor?
M. Saint-Denis : Oui.
Le vice-président : Nous entendrons des témoins américains qui tenteront de nous éclairer sur l'expérience américaine.
J'aimerais revenir à la question soulevée par l'honorable sénateur Milne au sujet de l'usage thérapeutique et à la question du sénateur Wallace. Vous avez examiné avec lui l'article 3(1)b) du projet de loi, qui fait référence à la production de cannabis marijuana. Au sous-alinéa (i) il est question de l'emprisonnement ne pouvant être inférieur à six mois « si l'infraction est commise à des fins de trafic et que le nombre de plantes en cause est inférieur à 201 et supérieur à cinq ».
Le ministre nous a aussi dit qu'on ne vise pas l'étudiant qui fait pousser sept ou huit plants dans sa chambre à l'université. On vise plutôt les trafiquants, les organisations criminelles avec ce projet de loi.
Monsieur Saint-Denis, nous savons très bien qu'au Canada le phénomène des drogues est majeur et que l'usage du cannabis à des fins thérapeutiques est aussi un phénomène qui va en grandissant. Lorsqu'un comité du Sénat, il y a huit ans, a examiné la situation — et je reconnais que vous avez été un témoin fort intéressé et très intéressant — nous avions établi qu'environ 400 000 Canadiens faisaient un usage au moins annuel du cannabis à des fins thérapeutiques.
Aujourd'hui, nous entendrons des témoins qui viendront démontrer qu'environ un million de Canadiens consomment du cannabis à des fins thérapeutiques.
D'autre part, l'appui de la population canadienne à l'usage du cannabis se situe, selon les mois de l'année, entre 85 et 90 p. 100.
Ma préoccupation et celle de plusieurs Canadiens, qui nous ont écrit depuis que le projet de loi C-15 est connu, concerne le ratissage un peu trop large. Tout le monde s'entend qu'il faut mater le trafic criminel qui met en danger la vie de jeunes canadiens. On connaît la jurisprudence sur la notion de trafic et de possession aux fins de trafic. Vous y avez fait allusion dans votre réponse au sénateur Wallace. Nous savons aussi comment fonctionnent les opérations que j'appellerai « du trafic », puisque lorsqu'on connaît un peu la jurisprudence en matière de trafic, le système de trafic du cannabis à des fins thérapeutiques entre les producteurs et les consommateurs correspond exactement à ce que vous avez décrit comme étant une infraction, qui sera incluse dans l'alinéa (i) du sous-paragraphe b) de l'article 3(1) du projet de loi.
Ne croyez-vous pas qu'il faille resserrer un peu plus le projet de loi afin d'exclure dans le ratissage que veut faire le projet de loi? Je ne crois pas que votre intention soit d'inclure, dans l'attribution de peines minimales, ce million de Canadiens qui utilisent le cannabis à des fins thérapeutiques. Je ne soulève pas avec vous la question que ce soit illégal. Nous pourrons tenir ce débat dans un autre forum. Pour le moment, on examine la question des peines minimales. Est- ce que le projet de loi en ratisse un peu trop large?
M. Saint-Denis : Vous parlez d'usage à des fins thérapeutiques. Lorsqu'on parle d'usage, on parle de l'infraction de possession. Ce projet de loi ne vise pas les cas de possession.
Le vice-président : Je comprends, et c'est la réponse que le ministre m'a donnée. Laissez-moi poser ma question différemment. Plusieurs consommateurs de cannabis à des fins thérapeutiques ne le produisent pas eux-mêmes. Ils vont s'en remettre à un producteur qu'ils connaissent. Et la plupart des consommateurs à des fins thérapeutiques veulent un cannabis de qualité, donc plutôt organique, avec moins de produits chimiques. Ce ne sont pas tous les producteurs de cannabis qui acceptent de modifier leur production justement à cause des rendements beaucoup plus intéressants lorsqu'on ajoute des produits chimiques.
L'usager va vouloir s'en remettre à un producteur qui produit du cannabis qui fait son affaire, compte tenu de son état de santé. Ce producteur, afin de faire ses frais, va produire plus qu'un certain nombre de plants. Je comprends, vous me direz qu'il y a un processus réglementaire d'accès à du cannabis à des fins thérapeutiques qui couvre environ 4 000 usagers. Il y a une différence marquée entre les 4 000 usagers enregistrés en vertu du Règlement du ministère de la Santé et un million de Canadiens qui consomment. Nous aurons des témoins qui peuvent nous expliquer comment on peut affirmer qu'il y a environ un million de Canadiens qui consomment au moins une fois par année à des fins thérapeutiques. Il ne s'agit pas d'une organisation criminelle, dans le sens que vous et le ministre l'utilisez lorsque vous décrivez l'objectif du projet de loi. Il s'agit d'un trafic entre un producteur et un usager qui le fait. Je rappelle aux membres du comité que l'usage à des fins thérapeutiques a été reconnu comme acceptable par la Cour d'appel de l'Ontario. C'est pourquoi nous sommes préoccupés, et il en est de même pour plusieurs Canadiens qui nous ont écrit, au sujet du projet de loi qui ratisse trop large.
M. Saint-Denis : Vous soulevez une question fort intéressante. On nous a demandé de préparer un projet de loi dans un certain sens. Il est possible que, dans certains cas, les dispositions ne viseront pas que le crime organisé ou le crime violent. Il y aura des producteurs qui ne sont peut-être pas violents. Lorsque vous posez la question, le producteur qui vend à des fins thérapeutiques ou à des clients qui s'en servent pour cette utilisation, ce n'est pas un producteur soumis à une réglementation quelconque. Il n'y a aucune façon de savoir à qui il vend. Vend-il seulement à des gens qui en ont besoins à des fins thérapeutiques? Savons-nous si sa production en est une où il n'y a aucun danger pour les citoyens autour du site de production, et ainsi de suite.
Le vice-président : Dans l'Ouest du Canada, il y a deux exemples, et le temps a démontré que ces exemples avaient une certaine crédibilité. Il s'agit des deux clubs compassion, ceux de Vancouver et de Victoria qui ont des producteurs qui les approvisionnent. Ces producteurs produisent, je pense, exclusivement pour l'un ou les deux sites de distribution de cannabis à des fins thérapeutiques. Tout cela se fait en marge du processus reconnu par le processus réglementaire.
C'est pourquoi je vous demande si l'on veut accrocher au passage le producteur biologique de cannabis qui fournit le Club compassion de Vancouver et qui produit 600 plants d'un type particulier du cannabis, si c'est le cas, ce n'est pas ce que le ministre nous a dit.
M. Saint-Denis : Dans l'exemple que vous donnez, il s'agit d'une production illicite. Déjà là, il y a une contravention à la loi. La question que vous soulevez en est une d'ordre politique du projet de loi. C'est un peu en dehors de là où je peux me permettre d'aller.
[Traduction]
Le sénateur Joyal : Si j'ai bien compris, vous avez dit au sujet du rapport Gabor and Crutcher, qui fait état « de la situation aux États-Unis », pour reprendre vos propres termes, que les conclusions de ce rapport, « quoique intéressantes, devenaient un peu moins utiles ». C'est bien ce que vous avez dit?
M. Saint-Denis : Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. Les conclusions étaient intéressantes, mais pas concluantes. De toute façon, que nous les trouvions intéressantes ou pas, une fois que nous avons reçu des orientations politiques très précises, ces études sont devenues moins pertinentes.
Le sénateur Joyal : Si je vous comprends bien, vous nous invitez à approuver des peines minimales pour une série d'infractions, alors que vous n'avez pas de données concrètes ou fiables sur l'impact de ces peines de façon générale.
M. Saint-Denis : Nous n'avons pas de données statistiques sur la situation au Canada.
Le sénateur Joyal : Aucune?
M. Saint-Denis : Pour ce qui est de la drogue, non.
Le sénateur Joyal : En d'autres termes, vous nous demandez de faire quelque chose dont vous ignorez plus ou moins les conséquences réelles?
M. Saint-Denis : D'aucuns prétendent que les peines minimales ont un effet dissuasif, qu'elles permettent de mettre à l'ombre les délinquants dangereux pendant un certain temps, et qu'elles contribuent à rassurer les Canadiens eu égard à la violence et à la criminalité. Mais tant que nous n'avons pas de données concrètes là-dessus, ce n'est qu'une hypothèse.
Le sénateur Joyal : Est-ce la raison pour laquelle on nous propose le nouvel article 8.1, à la page 5 du projet de loi?
M. Saint-Denis : Je crois que c'est la raison pour laquelle le comité de la Chambre des communes l'a ajouté.
Le sénateur Joyal : Parce que nous n'avons pas de données sur les coûts et avantages de ces peines minimales obligatoires, alors qu'on nous demande de les approuver, ici, dans ce projet de loi?
M. Saint-Denis : Je crois que c'est exact.
Le vice-président : J'aimerais poser une question supplémentaire. Si j'ai bien compris, c'est un article qui a été ajouté par le comité de la Chambre des communes qui était saisi de ce projet de loi.
M. Saint-Denis : Oui, en comité, lors de l'examen article par article.
Le vice-président : Nous allons entamer un second tour, mais une question chacun, s'il vous plaît.
Le sénateur Baker : J'aimerais poser une question d'ordre technique qui me préoccupe depuis quelque temps. L'article 6 du projet de loi dispose que « L'annexe I de la même loi est modifiée par adjonction, après l'article 18, de ce qui suit : ». Vous avez ensuite l'article 19, où vous pouvez lire, au paragraphe (8) : « N-méthyl méthylènedioxy-3,4 amphétamine », et ainsi de suite.
À mon avis, c'est de l'ecstasy. J'ai déjà vu des documents d'inculpation comme ça, pour d'autres personnes. Les agents de police sont derrière vous. Le nom de la drogue est indiqué entre parenthèses — dans ce cas, ce serait l'ecstasy —, pour que la personne sache ce dont elle est inculpée. Lorsqu'elle passe devant un juge, le juge dit : « le terme ecstasy » n'a aucune valeur en droit, car il ne figure pas dans la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Ce qui figure dans l'annexe de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances correspond exactement au libellé du paragraphe (8). S'il manque une virgule ou une lettre, le juge déclare un non-lieu. J'ai vu beaucoup de cas de jurisprudence comme ça, où le juge déclarait un non-lieu parce que la substance n'était pas identifiée correctement; il est vrai que le juge n'est généralement pas chimiste. Dans les autres juridictions, ont-ils une façon plus simple de procéder que de l'inscrire sous cette forme dans le document d'inculpation et dans l'annexe? Les autres pays mentionnent-t-il toujours la composition chimique exacte de la substance?
Enfin, puisque vous déplacez l'ecstasy pour la mettre à l'annexe 1, je vous invite à vous reporter au paragraphe 4.1 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Vous verrez que les sanctions sont très différentes entre l'annexe 1 et l'annexe 3, où se trouve l'ecstasy à l'heure actuelle. Va-t-on organiser une campagne d'information publique pour que tous les jeunes qui se rendent à des rave parties et y consomment de l'ecstasy sachent qu'ils sont dorénavant passibles de sanctions plus lourdes s'ils se font prendre?
Je vous ai donc posé deux questions : existe-t-il une façon plus simple d'identifier la substance, et va-t-on prévenir les jeunes?
M. Saint-Denis : Vous voulez savoir s'il existe une façon plus simple d'identifier la substance, et si les autres pays font comme nous. Je crois que certains pays font comme nous, surtout les pays membres de l'OCDE qui ont des systèmes juridiques bien développés. Quant aux autres pays, certains font comme nous, d'autres pas.
J'ai lu le compte rendu de la réunion pendant laquelle le ministre a témoigné, et j'ai vu que certains d'entre vous s'intéressaient à ce qui se faisait dans d'autres pays en ce qui concerne les peines minimales. Je me suis donc renseigné, pour voir comment les autres pays formulaient ou structuraient leur législation sur les stupéfiants. J'ai constaté qu'ils n'énuméraient pas la composition chimique des substances, leurs analogues et leurs dérivés de la façon dont nous le faisons ici. Ils indiquent simplement « amphétamines », et ainsi de suite. Beaucoup de pays ont un libellé aussi détaillé que le nôtre, mais pas tous. On trouve aussi un libellé aussi détaillé dans les traités internationaux.
Ce n'est donc pas rare. Je ne sais pas, lorsque quelqu'un est inculpé de possession d'ecstasy, si on indique seulement le mot « ecstasy » dans le document.
Le sénateur Baker : Non, c'est le nom complet de la substance qui y figure, mais l'agent de la GRC va ajouter entre parenthèses le mot « ecstasy » pour que les gens comprennent.
M. Saint-Denis : Je sais que, s'il y a la moindre erreur dans un document d'inculpation, les juges acceptent qu'on y apporte les modifications nécessaires.
Le sénateur Baker : Certains juges, oui, mais la GRC n'est peut-être pas du même avis.
Le sénateur Milne : Monsieur Saint-Denis, si je me souviens bien, le sénateur Angus a dit que le ministre avait lui- même reconnu que le projet de loi ne rendrait pas nos rues plus sûres. Vous avez dit que le projet de loi ne provoquera pas une augmentation de la population carcérale.
Le sénateur Angus : Ce n'est pas le ministre qui a dit que le projet de loi ne rendrait pas nos rues plus sûres; il a simplement dit que c'était une possibilité. C'est l'avocat criminaliste, dans sa réponse écrite, qui a dit que le projet de loi ne rendrait pas nos rues plus sûres.
Le sénateur Milne : Premièrement, pourquoi prenons-nous la peine d'examiner ce projet de loi? Deuxièmement, pourquoi diable a-t-on rédigé ce projet de loi comme si les tribunaux de traitement de la toxicomanie étaient une option permettant aux délinquants condamnés de repousser d'autant l'application de leur peine? Le ministère de la Justice ne reconnaît pas la validité de ces tribunaux, et vous avez dit que c'était des projets pilotes.
M. Saint-Denis : Je ne pense pas avoir dit que nous ne reconnaissons pas la validité de ces tribunaux. J'ai dit que nous n'avions pas décidé d'en créer d'autres tant que nous n'avions pas fini d'évaluer les résultats de ce projet.
Le sénateur Milne : Êtes-vous en train de les évaluer? De rassembler des données?
M. Saint-Denis : Chaque tribunal fait l'objet d'un processus d'évaluation, et nous espérons pouvoir rassembler des données qui nous permettront de déterminer s'ils sont rentables ou pas.
Le sénateur Milne : Depuis combien de temps rassemblez-vous ces données, et quand pensez-vous terminer?
M. Saint Denis : Je ne peux pas vous dire. Je sais que nous recueillons des données sur les tribunaux de Toronto et de Vancouver depuis pas mal de temps déjà.
Le sénateur Milne : Vous allez bien finir par en tirer des conclusions, tôt ou tard, mais pas trop tard, j'espère.
M. Saint-Denis : La difficulté vient du fait que, étant donné les quartiers où ils sont implantés, ces tribunaux reflètent généralement des réalités différentes. Par exemple, le tribunal de Vancouver a une clientèle que je qualifierais d'assez différente de celle des tribunaux d'Ottawa ou de Toronto. Au début, il y a eu des difficultés avec le processus d'évaluation, tout au moins avec le tribunal de Vancouver, et cela a causé des retards.
On ne peut pas généraliser le processus d'évaluation d'un tribunal d'une ville donnée aux tribunaux de toutes les autres villes. Il nous faut rassembler davantage de données.
Le sénateur Milne : Et ça va durer indéfiniment?
M. Saint-Denis : J'espère que non. J'espère qu'à un moment donné, nous serons en mesure, à partir des données disponibles, de décider s'il est raisonnable d'augmenter le nombre de tribunaux ou non.
Le vice-président : En guise de question supplémentaire, puis-je vous demander de nous faire parvenir les critères d'évaluation que vous utilisez pour évaluer les tribunaux de traitement de la toxicomanie?
M. Saint-Denis : Très franchement, je ne sais pas si c'est possible, mais si vous voulez bien attendre un instant, je vais demander à mes collègues.
On me dit que le dispositif d'évaluation et les données pertinentes pourront être consultés sur le site Web du ministère de la Justice.
Le vice-président : À partir de quand?
M. Saint-Denis : On me dit « bientôt ». Je n'ai pas de date précise.
Le vice-président : Comme nous avons l'intention d'examiner ce projet de loi à fond, ces données seront peut-être accessibles sur le site Web avant que nous ayons terminé notre examen du projet de loi C-15.
Le sénateur Wallace : Monsieur Saint-Denis, le sénateur Joyal vous a demandé de nous parler d'études qui ont été faites sur l'efficacité et les avantages des peines minimales obligatoires. Vous lui avez répondu, et je ne vous demanderai pas de répéter ce que vous avez dit.
On a souvent discuté dans ce comité, à propos de ce projet de loi et dans d'autres circonstances, de la question de savoir si les peines minimales obligatoires avaient vraiment un effet dissuasif. Je sais que le facteur de dissuasion est un élément qui entre en ligne de compte lors de la détermination de la peine, tout comme la dénonciation d'une activité criminelle.
Au cours de son témoignage, le ministre Nicholson a dit clairement que l'un des objectifs du projet de loi C-15 était de débarrasser les rues des criminels, c'est-à-dire ceux qui se livrent au trafic, à la production en vue d'en faire le trafic, à l'exportation et à l'importation de drogue. Pendant toute la durée de leur emprisonnement, ces criminels ne pourront plus se livrer au trafic de la drogue, ce qui sera bénéfique à la collectivité. De plus, leur mise à l'écart de la production et du trafic de la drogue contribuera à perturber les circuits de production et de distribution qui appartiennent souvent au crime organisé.
Puisque vous avez participé à la préparation de ce projet de loi et à la définition de ses grandes orientations, j'aimerais savoir ce que vous pensez des déclarations du ministre Nicholson.
M. Saint-Denis : J'en ai déjà brièvement parlé tout à l'heure : il est évident que l'emprisonnement et la mise à l'écart des délinquants dangereux du trafic de la drogue auront un effet bénéfique sur la collectivité, car ces gens-là ne pourront plus commettre des infractions et mettre en danger la vie des citoyens. Cela aura donc un impact certain.
Je sais que c'est très important pour mon ministre. Et c'est certainement une conséquence positive. Je ne vois pas ce que je pourrais ajouter. Nous allons mettre à l'écart les délinquants dangereux, et, puisqu'ils ne pourront plus se livrer pendant ce temps à leurs activités criminelles, avec la violence et les armes que cela comprend, je pense que ce sera bénéfique pour la collectivité.
Le sénateur Wallace : Je vous écoute, et c'est grosso modo ce que le ministre Nicholson nous a dit. Pour moi, et pour la plupart de ceux qui ne connaissent pas tous les rouages du Code criminel, cela paraît logique et plein de bon sens, et je ne pense pas qu'il y ait besoin d'études pour le confirmer. Si les trafiquants de drogue sont mis à l'ombre, ce sera bénéfique pour la société, et les peines minimales obligatoires nous en débarrasseront encore plus longtemps.
Je n'ai donc pas besoin d'une étude pour me le confirmer. J'en sais assez pour savoir que c'est une conséquence logique, mais les autres ne sont peut-être pas du même avis.
Le vice-président : La question est de savoir si nous allons attraper les vrais criminels?
M. Saint-Denis : Nous allons attraper des délinquants dangereux. Mais vous vous demandez peut-être si nous allons attraper tous les délinquants.
Le vice-président : Parlons du trafic de drogue dans les écoles. Tout le monde sait qu'il y a énormément de trafic et d'échange de drogue dans les écoles. Tout le monde décrie cette situation, mais c'est malheureusement la réalité.
Allons-nous être satisfaits si, avec ce projet de loi, nous attrapons un jeune Canadien en train de distribuer du cannabis ou de l'ecstasy, par exemple, à ses camarades d'école? Il le fait peut-être pour quelqu'un d'autre.
M. Saint-Denis : Il y a certainement des gens qui seront contents que les trafiquants de drogue soient attrapés, que ce soit des élèves ou des adultes. Je sais que beaucoup de parents seront ravis que ce genre d'individus ne puissent plus sévir dans leur école.
Cela dit, nous n'allons pas attraper que ces gens-là; nous allons en attraper d'autres, qui ont recours à la violence ou qui utilisent des armes, entre autres.
[Français]
Le vice-président : Monsieur Saint-Denis, cela a été, encore une fois, un plaisir de vous avoir comme témoin. Votre témoignage a été très éclairant, je vous remercie pour votre expertise.
[Traduction]
Nous accueillons maintenant, de la GRC, le surintendant principal Pierre Perron, directeur général des Renseignements criminels. Il est accompagné du surintendant Bill Malone, directeur du Crime organisé. Nous accueillons aussi des représentants du Service de police d'Ottawa, la chef adjointe Sue O'Sullivan et l'inspecteur Jill Skinner. Ils sont ici pour nous parler des aspects relatifs à l'application de ce projet de loi.
Surintendant principal Pierre Perron, directeur général, Renseignements criminels, Gendarmerie royale du Canada : À l'invitation du comité, nous nous présentons devant vous aujourd'hui pour donner un aperçu de la situation des drogues au Canada. Dans ce qui suit, je m'appuierai sur les informations et renseignements les plus récents qui ont été rassemblés pour la rédaction du Rapport sur la situation des drogues au Canada 2008, que nous sommes en train de finaliser et de traduire en vue de sa diffusion publique, prévue plus tard cette année.
Bien qu'il soit ici question de la situation des drogues au Canada, il faut garder à l'esprit que c'est en fait le crime organisé qui est à l'œuvre derrière le trafic de stupéfiants. Quoi qu'on y fasse, drogue et crime organisé vont de pair.
Nous croyons que la connaissance et la prévoyance sont au cœur de toute stratégie efficace de lutte contre le crime organisé. Le renseignement criminel est indispensable pour évaluer les menaces avec précision et cibler en priorité les groupes les plus importants.
Ayant reconnu cette nécessité, la GRC a adopté il y a plusieurs années une démarche axée sur le renseignement. Par l'élaboration de renseignements criminels tactiques et stratégiques, la GRC, avec l'aide d'autres services de police canadiens, évalue régulièrement les menaces grandissantes que fait planer le crime organisé.
[Français]
Les tendances observées ces dernières années au pays continuent d'évoluer. Malgré les efforts soutenus des organismes canadiens de l'application de la loi, le commerce de stupéfiant demeure bien implanté au Canada.
Le Canada reste l'une des plus importantes sources de MDMA, aussi appelée ecstasy, et de méthamphétamine au monde. Le trafic de ces drogues synthétiques, tant à l'échelle nationale qu'internationale, constitue toujours une menace sérieuse, si bien que la GRC a dû faire de la lutte contre la production et le trafic des drogues synthétiques une priorité opérationnelle nationale.
Le cannabis, qui demeure la principale drogue produite au Canada, représentait environ 75 p. 100 des saisies de drogue en 2008. Quant à la distribution de la cocaïne, elle reste l'un des stupéfiants les plus largement distribués au Canada.
Le trafic de stupéfiants demeure une activité extrêmement lucrative et, bien sûr, qui dit argent dit crime organisé. Celui-ci tire plus de produits du narcotrafic que du trafic de tout autre type de marchandise. La valeur marchande totale des stupéfiants saisis par les organismes canadiens d'application de la loi en 2008 dépassait 2,4 milliards de dollars. Entre 2006 et 2008, les organismes canadiens d'application de la loi ont intercepté des stupéfiants d'une valeur cumulée supérieure à 7,3 milliards de dollars.
La GRC continue d'assurer la stricte application de la loi en matière de production et de distribution de marijuana au Canada. C'est à la demande forte et constante dont elle fait l'objet, à son processus de production relativement simple et au bénéfice qu'elle génère que la marijuana doit sa position de marchandise numéro 1 sur le marché noir. L'importance de la demande américaine contribue également à stimuler la production canadienne de marijuana.
Même si certains groupes criminels se spécialisent dans une étape ou une autre du narcotrafic, ceux-ci continuent de collaborer à l'établissement de réseaux sophistiqués chargés d'acheminer la marijuana depuis son lieu de production jusque dans la rue. La marijuana continue d'être troquée ou échangée contre de la cocaïne, de l'ecstasy, du tabac de contrebande et des produits de la criminalité.
L'ecstasy et la méthamphétamine restent deux des stupéfiants les plus accessibles et les plus demandés sur le marché canadien des drogues synthétiques. L'implication du crime organisé dans le trafic de ce type de stupéfiants au cours des dix dernières années constitue le plus important facteur responsable de la transformation de ce marché relativement calme en une industrie multidimensionnelle en plein essor.
On estime qu'en 2008, 99 p. 100 de la méthamphétamine et des stupéfiants vendus au Canada, comme de l'ecstasy en comprimés ou en poudre, ont été produits ici, au pays.
À peu près autant de laboratoires clandestins ont été mis sous séquestre en 2008 et en 2007, mais le nombre d'installations où se fabrique plus d'un type de stupéfiants semble augmenter.
Par ailleurs, la capacité de production des laboratoires clandestins a atteint de nouveaux sommets. L'ecstasy produite au Canada alimente le marché de l'Asie-Pacifique. Le premier pays importateur est l'Australie, sur le territoire et à destination de laquelle plusieurs grosses cargaisons ont été saisies, que ce soit par les autorités australiennes, l'Agence des services frontaliers du Canada ou autres organismes fédéraux.
Les réseaux criminels tirent des leçons de leurs succès dans le trafic mondial d'ecstasy et appliquent les connaissances ainsi acquises à la production de méthamphétamine à grande échelle, ainsi qu'à la contrebande et au commerce mondial des précurseurs chimiques. Ces réseaux, qui profitent de la demande croissante dans la région de l'Asie- Pacifique sont les principaux responsables du rapide développement du trafic de méthamphétamine observé ces dernières années.
La cocaïne demeure l'une des drogues dont le transport et la vente au Canada sont les plus répandus. La plupart des organisations criminelles basées au Canada qui se livrent au trafic de stupéfiants sont impliquées, à un degré ou un autre, dans le commerce de la cocaïne. Ces organisations ont des liens à l'étranger qui facilitent l'importation de la cocaïne tant au Canada que vers d'autres pays.
C'est par les États-Unis que transite le plus grand volume de cocaïne importée au Canada, habituellement à bord de véhicules de transport commercial franchissant la frontière terrestre. Comme la plus grande part de la cocaïne qui se trouve en sol américain est acheminée via le Mexique et le long corridor du centraméricain, le Mexique continue de jouer un rôle de premier plan dans l'approvisionnement du Canada en cocaïne.
[Traduction]
En résumé, le crime organisé actif au Canada a élargi la portée de ses activités et complexifié ses réseaux et ses marchés. Il continue de dominer les marchés criminels des drogues synthétiques, de la cocaïne et du cannabis. Le caractère transnational du trafic de stupéfiants rend toujours nécessaire l'acquisition de renseignements, la production d'évaluations des menaces et le renforcement des partenariats nationaux et internationaux.
Je vais maintenant laisser la parole à Bill Malone, qui parlera du crime organisé et du caractère transnational de celui-ci et du trafic de stupéfiants, ainsi qu'il ressort de récentes opérations policières.
Surintendant Bill Malone, Directeur, Crime organisé, Gendarmerie royale du Canada : Bonsoir, comme l'a dit le surintendant principal Perron dans son mot d'ouverture, on ne peut parler de la situation du commerce de la drogue au Canada sans parler aussi du crime organisé.
[Français]
Le crime organisé domine tous les échelons de commerce sur la drogue, depuis l'importation et la production jusqu'à la distribution dans la rue par les réseaux de gangs de rue et de revendeurs de bas échelon. Pour ces groupes, l'attrait de cette activité criminelle réside dans les profits faramineux qu'elle génère.
[Traduction]
Les peines minimales obligatoires n'auront pas d'incidence directe sur la façon dont la GRC enquête sur des criminels et leurs organisations. La GRC ne choisit pas les cibles de ses enquêtes en fonction des peines prescrites dans le Code criminel; elle choisit pour cibles les groupes qui, au terme d'une évaluation rigoureuse, présentent la menace la plus grave pour la sécurité publique dans les collectivités qu'elle protège.
Cela dit, nous accueillons favorablement tous les outils législatifs qui contribueront à accroître la santé et la sécurité dans nos collectivités. La GRC croit qu'une stratégie efficace doit comporter à la fois de la prévention, de la sensibilisation, de la répression, de la thérapie, de la désintoxication et parfois même de la déjudiciarisation pour lutter efficacement contre le fléau de la drogue au Canada.
Personnellement, je préfère laisser les fonctionnaires, les experts judiciaires, les chercheurs et autres spécialistes en la matière débattre de l'efficacité des peines minimales obligatoires comme mesures dissuasives. J'aimerais toutefois profiter de ma présence ici pour attirer votre attention sur d'autres aspects de la législation qui pourraient, s'ils étaient améliorés, accroître la capacité de la police à poursuivre des groupes criminels organisés.
Je commencerai par la liste des organisations criminelles. L'établissement d'une liste étayerait les modifications proposées dans le projet de loi C-15. Pensons par exemple au trafic de drogue et autres délits commis pour le compte d'organisations criminelles. S'ils pouvaient invoquer une telle liste, les organismes d'application de la loi n'auraient qu'à prouver qu'un individu donné faisait partie d'une entreprise criminelle et qu'il s'est livré au trafic de drogue pour le compte de l'organisation pour que les dispositions prévues dans la loi proposée s'appliquent à lui.
Pour le moment, il faut refaire la preuve que l'organisation criminelle est une entreprise criminelle chaque fois qu'on demande l'imposition de ces peines, ce qui limite l'incidence que pourrait avoir la loi proposée. Si le projet de loi C-15 révisé était accompagné d'autres dispositions prévoyant la création d'une liste des groupes du crime organisé, l'effet recherché par ce projet de loi serait amplifié. La GRC appuie l'établissement d'une liste des organisations criminelles, jugeant qu'elle accroîtrait son efficacité dans la lutte contre le crime organisé et qu'elle contribuerait à la sécurité des collectivités.
[Français]
En deuxième lieu, j'aimerais parler d'accès légal. Récemment, un collègue remarquait qu'il n'y a pas lieu que les desseins de la justice soient entravés par les progrès de la technologie, si chacun comprend et accepte le fait que les procédures par lesquelles l'État autorise l'interception des communications sont correctement régies.
Il y a eu, ces dernières années, de grands progrès dans la technologie des communications et les criminels profitent de tous ces avantages, qu'il s'agisse d'anonymat ou de chiffrement. Mais les lois canadiennes n'ont pas évolué au même rythme. De plus en plus complexe, la technologie nous oblige à modifier nos façons habituelles d'accéder légalement à l'information dont nous avons besoin pour traduire ces organisations criminelles en justice. Il faut que cela change pour ne pas nuire à l'efficacité de nos enquêtes.
[Traduction]
Un autre aspect du travail des policiers qui les ralentit considérablement est la divulgation. Au Canada, la divulgation est devenue un exercice coûteux et lourd dans beaucoup de poursuites criminelles. Les exigences sont telles quelles grugent nos budgets et freinent la progression des enquêtes et des poursuites.
Plus l'enquête sur une organisation criminelle est complexe, plus les exigences en matière de divulgation deviennent difficiles à gérer. Elles ont forcément une incidence sur notre capacité d'enquêter rapidement sur d'autres organisations criminelles.
En outre, par son volume, la divulgation réduit la capacité de la police et des procureurs d'attaquer le crime organisé pour l'infraction de « crime organisé » comme telle. Souvent, on préfère poursuivre pour les infractions substantielles que pour ce qui touche au crime organisé. Il convient de fixer un seuil uniforme et bien défini à la pertinence de la divulgation, ce qui pourrait prendre la forme d'exigences et de procédures de divulgation enchâssées dans une loi.
Laissez-moi illustrer pour vous ce que représente la divulgation dans une enquête. Lors d'une enquête menée récemment sur un gros groupe du crime organisé, on a intercepté 1,7 million de pièces de communication. De ce nombre, il a fallu en transcrire 27 000. Toutefois, à peine 200 ont été jugées d'une pertinence suffisante pour être produites en cour. L'exercice a demandé beaucoup de ressources, tant humaines que financières.
Le dernier point que j'aimerais soulever concerne l'inscription dans les annexes de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances de certains précurseurs chimiques qui servent à produire des substances désignées. Pour reprendre ce que disait plus tôt le surintendant principal Perron, le Canada est un exportateur reconnu de drogues de synthèse, notamment la méthamphétamine et l'ecstasy. L'importation et l'exportation de précurseurs chimiques constituent des infractions à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, et la possession en vue de produire des drogues de synthèse et d'en faire le trafic contrevient au Règlement sur les précurseurs. Toutefois, il n'est pas illégal de posséder des précurseurs chimiques ou du matériel de laboratoire nécessaire à la production de drogues de synthèse, par exemple, une presse à comprimés.
Je souligne, en terminant, que la GRC appuie le transfert des amphétamines, du GHB et du Rohypnol de l'annexe III à l'annexe I de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, comme le propose le projet de loi C-15.
[Français]
Pour conclure, nous reconnaissons qu'il faut travailler de manière intégrée pour être mieux en mesure de cibler le crime organisé et ainsi de mieux nous attaquer au problème de la drogue au Canada.
J'espère que nous avons pu vous brosser un tableau éclairant de la situation des drogues au Canada et des difficultés avec lesquelles les collectivités d'application de la de loi composent tous les jours.
[Traduction]
Chef adjointe Sue O'Sullivan, Services de police d'Ottawa : Je vous remercie, monsieur le président, de me donner l'occasion de m'adresser au comité pendant quelques minutes.
Je suis chef adjointe, et je dirige la division des opérations criminelles ainsi que les opérations d'urgence et de soutien. Je suis accompagné de l'inspecteur Jill Skinner qui dirige notre service de lutte contre la drogue, notre service du renseignement et plusieurs autres escouades.
Je suis ici à l'invitation et au nom du chef White — le chef White a comparu devant votre comité en mai dernier, au sujet du projet de loi C-15 — pour vous parler du problème de la drogue au niveau local et du projet de loi C-15.
De concert avec la collectivité, notre service essaie de lutter contre l'abus des stupéfiants au niveau local. Vous avez sans doute entendu parler des différentes approches que nous utilisons, car elles ne s'excluent pas mutuellement. Le projet de loi en fait partie, ainsi que, comme on l'a déjà dit, la prévention, la sensibilisation, la désintoxication, et cetera. Tous ces outils nous aident à lutter contre l'abus des stupéfiants et son impact sur la collectivité.
Nous avons besoin de toute cette panoplie d'outils, et il est bien évident, comme certains l'ont déjà fait remarquer ce soir, que notre rôle consiste non pas à incarcérer tous ceux qui consomment des drogues, mais plutôt à en réduire l'impact sur les victimes, en ciblant la répression sur les individus qui se livrent à l'importation et à la distribution de stupéfiants, au détriment de la santé et de la sécurité de la collectivité.
Dans son témoignage, le chef White avait parlé des aspects importants du projet de loi C-15, dans la perspective de notre service. Comme on l'a dit à plusieurs reprises ce soir, l'objectif du projet de loi est de cibler les organisations criminelles qui se livrent au trafic de la drogue ainsi que les individus qui vendent illégalement de la drogue à des enfants et à des jeunes dans les parcs publics, dans les écoles et dans d'autres lieux publics où se rassemblent les jeunes, qui encouragent des enfants et des jeunes à se livrer au trafic illégal ou au transport de stupéfiants, et qui utilisent des armes pour faire ce commerce.
Les crimes violents sont monnaie courante parmi les gens qui se livrent au trafic et à l'importation de drogue : c'est la façon dont ils fonctionnent.
L'unité des drogues du Service de police d'Ottawa fait enquête sur les organisations criminelles qui se livrent au trafic des substances réglementées, comme le cannabis, la marijuana, la cocaïne épurée, la cocaïne, l'ecstasy et la métamphétamine, entre autres. Il ressort des enquêtes menées par l'unité des drogues que les organisations criminelles utilisent diverses tactiques pour s'assurer que la vente de stupéfiants continue de leur rapporter gros. Par conséquent, les membres de ces organisations sont affectés tantôt aux cambriolages de maisons, tantôt au trafic de drogue, tantôt à la collecte d'argent auprès des trafiquants qui travaillent pour l'organisation, si bien que les policiers ont plus de mal à déceler leurs habitudes. L'activité de collecte d'argent tourne souvent à la violence en cas de retard de paiement, ce qui donne lieu à des blessures graves et à des meurtres.
Nos unités confisquent régulièrement toutes sortes d'armes et d'armes à feu. Les organisations criminelles s'en servent pour se protéger contre leurs concurrents et contre les policiers qui sont chargés de faire enquête sur leurs activités.
Les organisations criminelles sont également très présentes dans la production de cannabis et de marijuana, dont elles tirent des millions de dollars de profits.
J'aimerais maintenant dire quelques mots sur la complexité des enquêtes qui ciblent le crime organisé, sur la nécessité d'y affecter des ressources humaines importantes, aux dépens d'autres activités d'application de la loi, et sur les coûts qu'elles entraînent. Quand je parle de coûts, je ne parle pas uniquement des coûts monétaires. Quand vous voyez un gros titre annonçant une saisie de drogue importante, cela signifie qu'il a fallu mener une enquête pendant des années, avec un grand nombre d'agents d'infiltration, sans parler des coûts, afin de démanteler ces organisations.
Comme je l'ai dit, ces enquêtes ont un impact considérable sur nos ressources, car comme vous le savez, notre rôle ne s'arrête pas à l'arrestation de ces personnes. Les représentants de la GRC en ont parlé tout à l'heure. Nous devons également participer aux poursuites et aux procédures judiciaires, ce qui représente des ressources humaines et financières considérables lorsqu'il faut divulguer toutes les preuves qui ont été recueillies.
Nous avons également commencé à constater une recrudescence des effractions visant à dérober des drogues délivrées sur ordonnance, comme l'OxyContin. Ce phénomène n'est pas unique à Ottawa, il se produit dans d'autres collectivités. Le Service de police d'Ottawa mène actuellement deux enquêtes importantes sur ce type de cambriolages, qui ont d'ailleurs des liens avec le crime organisé.
Je ne saurais trop insister sur le fait que nous sommes ici pour parler du projet de loi C-15, mais qu'il ne faut pas perdre de vue notre objectif primordial qui est d'améliorer la sécurité de nos collectivités. Chacun d'entre nous ici connaît au moins une personne, un jeune, un membre de sa famille ou un de ses proches, qui a un problème de dépendance à une substance, et chacun d'entre nous sait quels impacts cela peut avoir sur nos collectivités. L'objectif est de cibler les criminels qui se livrent à des activités du crime organisé pour s'enrichir, et de lutter contre toute cette violence qui accompagne ces activités criminelles.
Le projet de loi C-15 n'est pas une panacée, et les peines minimales obligatoires non plus, mais il faut le considérer dans son ensemble et s'assurer que tous ses piliers sont bien stables.
Nous examinons précisément le projet de loi C-15, et c'est sans doute sur l'aspect de la prévention et de la sensibilisation que nous pouvons avoir un impact, mais il faut tenir compte de l'ensemble des mesures qui y sont proposées.
Pour terminer, j'aimerais vous remercier de m'avoir permis de dire quelques mots au nom de notre collectivité de notre service.
Le sénateur Watt : Je vais commencer par m'adresser aux représentants de la GRC. A-t-on constaté une recrudescence des crimes liés à la drogue dans une province ou un territoire du Canada? Voilà pour ma première question.
Deuxièmement, vous n'avez peut-être pas de chiffres exacts sur la consommation de drogue dans le Nord, mais avez-vous constaté certaines tendances dans les collectivités du Nord?
Troisièmement, pour ce qui est des infractions liées à la drogue, avez-vous constaté des tendances différentes chez les jeunes et chez les adultes?
Quatrièmement, pouvez-vous nous dire s'il y a une liste d'attente pour les programmes provinciaux de traitement de la toxicomanie qui ont été établis en vertu du paragraphe 720(2) du Code criminel, et quelle est la durée d'attente?
Le vice-président : Je pense que la dernière question s'adresse davantage à Mme O'Sullivan ou à Mme Skinner.
Je vais d'abord donner la parole aux représentants de la GRC.
M. Perron : En réponse à votre première question sur la recrudescence des crimes liés à la drogue en Colombie- Britannique et dans le Nord, je dirais que nous n'avons pas vraiment constaté une tendance à la hausse. Par contre, on en a davantage parlé dans les médias, surtout avec la guerre des gangs qui sévit en Colombie-Britannique.
À mon avis, la violence liée à cette guerre des gangs à Vancouver est en grande partie attribuable à la pénurie de cocaïne en Colombie-Britannique, mais ce n'est pas la seule raison. Les conflits entre gangs sont aussi causés par des rivalités territoriales et autres. Il est vrai que les médias en parlent davantage depuis quelques années, surtout à Toronto et à Vancouver.
Pour ce qui est du Nord, nous avons observé une tendance constante, à savoir qu'on y fait une grande consommation de stupéfiants. Par contre, je ne pourrais pas dire que cette consommation a augmenté.
M. Malone : Pour ce qui est des tendances, la plupart des produits qu'on retrouve dans le Nord proviennent de plaques tournantes comme Ottawa, Montréal, Edmonton et Vancouver. Tout cela est alimenté par des groupes du crime organisé du Sud, qui sont là où il y a de l'argent. Et de l'argent, il y en a dans le Nord à cause des mines, notamment, et c'est pour cela qu'ils cherchent à y vendre leurs produits. Voilà ce que nous constatons.
Le vice-président : On vous a aussi posé une question intéressante, que vous avez peut-être oubliée, au sujet des tendances qui pourraient être différentes entre les jeunes et les adultes? Ces tendances sont-elles les mêmes?
Le sénateur Watt : C'était ma troisième question. Pour ce qui est des infractions liées à la drogue, avez-vous constaté des tendances différentes chez les jeunes et chez les adultes?
M. Perron : Dans le Nord, nous constatons que les jeunes sont extrêmement vulnérables face aux groupes du crime organisé qui essaient de se tailler une part du marché.
Le sénateur Watt : Il est clair qu'il y a une augmentation.
M. Perron : Parmi les jeunes, je suis d'accord. Comme l'a dit M. Malone, pour ce qui est de la population adulte, le crime organisé essaie d'augmenter sa part du marché au fur et à mesure que l'emploi et les investissements augmentent dans le Nord.
Le sénateur Watt : Qu'en est-il des listes d'attente pour les programmes provinciaux de traitement de la toxicomanie qui ont été établis en vertu du paragraphe 720(2) du Code criminel?
M. Malone : Je ne suis pas en mesure de vous répondre, sénateur.
Le vice-président : La chef adjointe voudra peut-être répondre à cette question.
Mme O'Sullivan : Le tribunal de traitement de la toxicomanie que nous avons à Ottawa est efficace, mais c'est un long processus étant donné tous les éléments qui caractérisent une dépendance. Il faut du temps pour faire des rapports et des contrôles, s'assurer que le protocole est respecté et préparer une nouvelle comparution devant un tribunal. Nous en attendons l'évaluation finale, probablement d'ici la fin de l'année. Nous estimons que ce tribunal a son rôle à jouer.
Mon chef est un ardent partisan des programmes de désintoxication. Je suis moi-même membre du conseil d'administration du Dave Smith Youth Treatment Centre. Nous cherchons désespérément des locaux à Ottawa pour offrir des programmes de désintoxication, car, à l'heure actuelle, la liste d'attente est très longue et les gens doivent aller aux États-Unis. C'est un gros problème.
Nous n'avons pas beaucoup de toxicomanes devant les tribunaux de traitement de la toxicomanie. C'est un système qui marche, et nous avons eu quelques succès, surtout dans les cas de dépendance et de rechute.
Le sénateur Watt : Dois-je en conclure que, étant donné le manque de programmes dans le Nord, les délinquants devront comparaître devant des tribunaux spécialisés du Sud?
Mme O'Sullivan : Pour le Nord, je ne sais pas, mais nous avons quelqu'un qui travaille avec des communautés autochtones à Ottawa et ailleurs au Canada. Toutes sortes de drogues en provenance d'Ottawa se retrouvent dans le Nord. Il y a beaucoup de livraisons de drogue entre Ottawa, Montréal, Toronto et le Nord.
Tout récemment, il y a eu une descente dans un dépôt des Hell's Angels au Québec. Nous sommes en discussion sur l'impact de ce problème dans notre région. La GRC s'intéresse à l'argent lié à la drogue. Nous devons constamment en surveiller les impacts. Les enquêtes sur le crime organisé sont très longues. Le type qui approvisionne une région un jour donné peut très bien en approvisionner une autre le lendemain. Mais il est indéniable qu'on retrouve dans le Nord des cargaisons de drogue provenant d'Ottawa.
Le sénateur Watt : Je sais qu'il y a quelques Inuits à Ottawa.
Mme O'Sullivan : La diaspora Inuit d'Ottawa est l'une des plus importantes.
Le sénateur Watt : Est-ce que beaucoup de ces gens sont en désintoxication? Voyez-vous des résultats?
Mme O'Sullivan : Nous collaborons étroitement avec les centres de santé autochtones d'Ottawa, surtout le Wabano Centre for Aboriginal Health. Ils ont élaboré des plans assez extraordinaires pour lutter contre ce problème. Nous travaillons également avec l'Ottawa Inuit Children's Centre, et, au niveau local, avec les services de santé pour les jeunes, notamment dans les communautés autochtones et Inuits.
Le sénateur Baker : La somme de 1,7 million de dollars dont a parlé le surintendant Malone est assez intéressante. Je vous félicite de la qualité de vos exposés et du travail que vous faites; c'est tout à fait remarquable.
Le projet de loi C-15 va avoir sur vous tous des impacts négatifs ou positifs, selon la façon dont on voit les choses, car comme vous l'avez expliqué, une partie de vos budgets sert à financer les dépenses liées aux procès. J'ai l'impression qu'avec ce projet de loi, la grande majorité des gens vont plaider non coupables et que vous allez vous retrouver, surintendant Malone, encore avec une facture de 1,7 million de dollars en coûts de divulgation, car cela ne se limitera pas à la divulgation initiale. Vous allez devoir comparaître devant un tribunal pour les débats préliminaires, et ensuite pour le procès lui-même. Il vous faudra peut-être même aller en Colombie-Britannique, si c'est là qu'a lieu le procès. Tout cela a donc pour effet de gruger considérablement votre budget. Y avez-vous réfléchi? Vous n'en avez pas parlé, mais j'aimerais savoir si vous avez calculé ce que le nouveau projet de loi va vous coûter, une fois qu'il sera en vigueur?
M. Malone : Je vous signale, sénateur Baker, que le chiffre de 1,7 million s'appliquait aux pièces de communication que nous avons interceptées.
Le sénateur Baker : Mais ça vous a coûté environ 1,3 million de dollars.
M. Malone : Cette cause-là nous a coûté beaucoup d'argent.
Je ne pense pas que quelqu'un ait calculé ce qu'il en coûtera pour notre organisation. Nous faisons notre travail avec les outils qu'on nous donne. Le moment venu, nous devrons faire ce qu'il faut pour appliquer la loi. Il y a quelques années, la décision rendue dans la cause R. c. Stinchcombe a eu un impact considérable sur les services de police au Canada au chapitre de la divulgation. Nous recevons des téraoctets d'informations dans nos banques de données. Si une enquête se poursuit pendant trois ou quatre ans, vous pouvez imaginer le nombre d'interceptions téléphoniques et de données vidéo que cela nécessite, et les coûts considérables que cela entraîne.
Le sénateur Baker : Je comprends.
Le sénateur Angus : J'ai besoin d'un petit éclaircissement. Pourriez-vous nous expliquer en quoi consiste cette divulgation?
Le sénateur Baker : La divulgation initiale, au moment de l'enregistrement du plaidoyer, permet d'informer l'inculpé des faits qui lui sont reprochés et des principales preuves qui ont été recueillies. Elle est suivie de l'ouverture des paquets scellés qui contiennent les données sous serment, dont celles du déposant — c'est-à-dire l'agent de police — et des sous- déposants. La loi prévoit que le déposant et les sous-déposants peuvent être convoqués au moment de l'ouverture des paquets. Les agents en question doivent alors comparaître devant le tribunal pour justifier les 500 pages de données sous serment qui leur permettront d'obtenir un mandat.
Si les personnes inculpées plaident non coupables, tous ces paquets doivent être ouverts, toutes les divulgations doivent être faites et tous les témoins doivent comparaître.
Le sénateur Angus : Il s'agit de la divulgation auprès de l'avocat de la défense?
Le sénateur Baker : Oui.
Cela représente une part importante de leur budget, et je ne comprends pas pourquoi ils n'ont pas calculé les dépenses supplémentaires qu'occasionnera l'entrée en vigueur de ce projet de loi.
Avez-vous essayé de voir avec le procureur de la Couronne s'il était possible de définir ce dont aura besoin l'avocat : les notes de l'agent de police, le rapport de continuation et le rapport du procureur de la Couronne? Les déclarations sous serment et les CD-ROM pourraient être extraits des paquets scellés plus tard, si cela est nécessaire. C'est quelque chose qu'on devrait envisager, car je comprends bien le problème que vous avez.
Le vice-président : Tout cela est très intéressant, mais êtes-vous sûr que cela concerne ce projet de loi?
Le sénateur Baker : Bien sûr, il s'agit des coûts liés à l'application de ce projet de loi.
M. Malone : Nous sommes en discussion avec le Service des poursuites pénales et les avocats de la défense. Toutes les données que nous recueillons au cours de nos enquêtes sont susceptibles d'être divulguées, si elles sont pertinentes. Qui en détermine la pertinence? Moi, la Couronne et la défense, et cela suscite constamment des discussions. J'aimerais bien que ce soit aussi simple que les notes des agents de police et le rapport de la Couronne.
Le sénateur Baker : C'est pourtant aussi simple que ça pour le plaidoyer.
M. Malone : Ça arrive, mais l'avocat de la défense peut fort bien dire qu'il n'a pas assez de données et que, puisqu'il y en aura d'autres plus tard, il préfère reporter le plaidoyer.
Le sénateur Baker : C'est alors que vous ouvrez les paquets scellés, et cetera.
Vous avez également abordé la question de l'accès légal, à propos des efforts que vous déployez pour réduire vos coûts. Qu'est-ce qui ne va pas avec le paragraphe 487.01 du Code criminel, qui porte sur le mandat général? Avec ça, vous pouvez faire quasiment tout ce que vous voulez. J'ai le libellé exact sous les yeux. Nous l'avons adopté. Le comité du Sénat avait des réserves à l'époque, car cela s'applique à tout dispositif ou technique qui « constituerait, sans l'autorisation [du juge], une fouille, une perquisition ou une saisie abusive à l'égard d'une personne ou d'un bien ».
Cela signifie que vous pouvez intercepter et fouiller tout ce que vous voulez. Vous savez de quel article je parle? Bien sûr. Vous pouvez pénétrer dans la résidence de quelqu'un en plein milieu de la nuit et en partir le lendemain. Vous pouvez faire tout ce que vous voulez avec des équipements électroniques sophistiqués.
Le sénateur Angus : Avec un mandat du tribunal.
Le sénateur Baker : Nous avons adopté une loi qui leur donne le pouvoir de faire tout ce qu'ils veulent, alors pourquoi demanderaient-ils un mandat?
Le vice-président : Quand il est question de drogue, les lois sont différentes.
M. Malone : Pour les écoutes téléphoniques, les lois sont les mêmes. Par contre, vu la façon dont la technologie évolue, je ne suis pas sûr. Mais je ne suis pas un expert juridique, et vous feriez mieux de poser votre question à des avocats du ministère de la Justice. Quoi qu'il en soit, je ne peux pas vous dire si les lois actuelles nous donnent les outils nécessaires face aux nouvelles technologies.
Le sénateur Baker : J'estime que vous faites un excellent travail, et que vous savez tirer parti des nouvelles technologies. En fait, vous avez accès à plus de choses que vous ne le dites.
J'aimerais revenir sur la question des coûts, monsieur le président.
Le sénateur Joyal : En raison de cet amendement...
Le sénateur Baker : Oui, en raison de cet amendement, qui leur permet de faire pratiquement tout ce qu'ils veulent.
Pour en revenir à la question des coûts, je constate que vous n'avez pas planifié l'entrée en vigueur de ce projet de loi. Manifestement, votre budget ne sera pas suffisant, et il va vous falloir une augmentation considérable de vos ressources, financières et humaines.
M. Perron : Pour ce qui est des enquêtes pénales menées par la GRC et par d'autres agences d'application de la loi, comme la police d'Ottawa, nous établissons des priorités. En effet, nous devons déterminer, après évaluation, quels groupes du crime organisé constituent la menace la plus dangereuse pour la collectivité. Cette évaluation, nous la faisons en fonction des ressources dont nous disposons, et nous tenons compte également de la capacité de la Couronne d'intenter des poursuites. Nous établissons donc des priorités.
Je ne pense pas que le projet de loi C-15 se traduira par un plus grand nombre d'enquêtes, car notre capacité de poursuivre les membres du crime organisé est déjà limitée.
Le sénateur Baker : Comment ça? Vous allez certainement avoir davantage de causes à poursuivre, et cela augmentera inévitablement vos coûts. Voulez-vous dire que vous allez tout simplement laisser tomber des poursuites?
M. Perron : Je dis qu'il y a beaucoup de groupes connus du crime organisé au Canada, et que nous sommes obligés d'établir des priorités en fonction des risques qu'ils présentent. C'est ce que nous appelons le SPLEIPNIR. Nous déterminons lesquels de ces groupes constituent la menace la plus importante et doivent donc être neutralisés et mis à l'ombre par la police. Cet établissement des priorités se fait chaque année.
Le sénateur Milne : De quelle façon ce projet de loi va-t-il vous toucher?
Le sénateur Angus : De façon positive. Vous laissez entendre que ce sera négatif. Non, ce sera très bénéfique.
Le sénateur Milne : J'ai l'impression que cela va leur coûter beaucoup plus cher.
Le vice-président : Laissez les témoins répondre.
Mme O'Sullivan : Au niveau local, c'est exactement ça. Nous avons nos groupes du crime organisé; nous faisons des évaluations de la menace qu'ils représentent et nous prenons nos décisions en fonction des priorités que nous avons établies. Comme dans toute organisation, nos budgets et nos ressources sont limitées.
Il y a beaucoup de groupes du crime organisé et beaucoup de dossiers, mais je ne pense pas, contrairement à vous, que l'application de peines minimales entraînera une forte augmentation du nombre d'inculpations...
Le sénateur Baker : Pas des inculpations, des poursuites.
Mme O'Sullivan : Vous avez le droit de penser qu'un plus grand nombre d'inculpés vont plaider non coupables à cause de ces peines minimales.
Le sénateur Baker : Mais tout le monde le pense.
Mme O'Sullivan : Nous espérons et nous faisons tout pour recueillir les meilleures preuves possibles afin de convaincre le tribunal de la validité des faits reprochés. Dans certains cas, cela nécessite un grand nombre de décisions. Je ne peux pas parler au nom des avocats de la défense, qui ont bien sûr une grande expérience de toutes ces questions, mais je suppose qu'ils évalueront les preuves qui leur seront présentées et qu'ils prendront une décision dans l'intérêt de leur client.
Quant à savoir ce qui se passera et quel impact auront les peines minimales sur tout cela, je ne peux pas vous dire. Je peux vous dire par contre que, comme dans toute organisation, nous collaborons étroitement avec nos agences partenaires, et que nous établissons des priorités à partir de nos évaluations de la menace. Les ressources humaines, on en manque souvent, surtout lorsqu'il s'agit de poursuivre des groupes du crime organisé.
J'ai dit tout à l'heure, et c'est ce que le chef White avait dit lui aussi, que ce projet de loi est un outil de plus pour lutter contre les criminels qui sévissent dans nos collectivités en se livrant à la production et au trafic de drogue. Comme vous l'avez vu, cette situation n'est pas unique à Ottawa. Il y a beaucoup de règlements de comptes entre gangs et malheureusement, il arrive que des innocents en soient victimes. C'est un phénomène qui se produit partout dans le monde. Et la cause en est souvent la production et la vente de cocaïne et d'autres substances.
Le sénateur Baker : Vous pouvez avoir recours, non seulement au mandat de l'article 11 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, que notre président connaît bien, mais aussi, le cas échéant, à tous les autres mandats prévus par le Code criminel. L'ouverture de ces mandats scellés est une procédure compliquée. L'interrogatoire des gens qui ont prêté serment sur les affidavits est une procédure compliquée devant le tribunal.
C'est la raison pour laquelle je pense que vous allez manquer de ressources. Vous n'avez déjà pas suffisamment de personnel. Et vous allez devoir envoyer vos agents dans tout le pays, là où auront lieu les procès.
Le vice-président : Je pense qu'ils vous ont répondu, à moins qu'ils n'aient quelque chose à ajouter.
Inspecteur Jill Skinner, Service de police d'Ottawa : J'aimerais dire quelque chose. Nous appuyons à fond ce projet de loi car, si nous ciblons un dossier une année, nous savons que nous n'aurons pas à le faire l'année suivante puisque les criminels seront en détention.
Le vice-président : Sénateur Baker, je vous inscris pour un second tour.
Le sénateur Wallace : Je trouve les observations du sénateur Baker intéressantes, et celles du sénateur Milne aussi, dans une certaine mesure. Quand vous entendez ça et que vous êtes en première ligne pour assurer la protection du public — c'est-à-dire nous tous et nos enfants — vous vous rendez compte qu'en effet, la protection a un coût. Ça coûte de l'argent de protéger les enfants et la société. Il est donc utile que nous comprenions les conséquences du projet de loi C-15 et les ressources qu'il nécessitera.
J'espère sincèrement que nous n'en conclurons pas que nous n'avons pas les moyens de protéger la société, et que tout ce qui concerne la protection de la société ne sera pas ramené à des critères financiers. Il est évident que ça va coûter de l'argent, mais il va falloir le trouver, cet argent.
Ma position est claire, et le sénateur Baker serait certainement d'accord avec moi, mais je ne vais pas lui demander de le confirmer.
J'aimerais m'adresser pour commencer à l'inspecteur Skinner. Le projet de loi C-15 porte surtout sur le trafic de la drogue dans la mesure où il touche nos enfants. Les circonstances aggravantes prévues pour les drogues de l'annexe 1 et de l'annexe 2 prévoient notamment les infractions liées à la drogue et commises à proximité d'une école. En tant que parents et grands-parents, notre souci primordial doit être la protection de nos enfants.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez, étant donné que vous êtes en première ligne et que vous faites face à ce genre de problème dans la rue, à proximité et à l'intérieur de nos écoles, et pas autour d'une table de conférence. Le trafic de drogue est-il vraiment un problème dans nos écoles? Quelle menace représente-t-il pour nos enfants? J'aimerais que, dans votre réponse, vous me précisiez l'impact qu'aura le projet de loi C-15.
Mme Skinner : C'est vraiment un problème à proximité et à l'intérieur de nos écoles. Les enfants sont des proies faciles, et ils sont prêts à expérimenter des choses. Ils ne comprennent pas ce qu'est un risque. Ils se croient invincibles et sont prêts à essayer de nouvelles drogues. Ils s'imaginent aussi qu'ils seront capables de s'arrêter.
Malheureusement, les membres du crime organisé savent tout cela. Ils commencent par donner aux enfants des échantillons gratuits, pour les accrocher. Ils augmentent aussi la puissance des drogues et font des mélanges. Souvent, quand nous faisons une saisie, nous constatons que ce qui est vendu comme de l'ecstasy contient de la méthamphétamine, qui est très accoutumante.
C'est le genre de choses qui nous inquiète. Les enfants s'imaginent qu'ils achètent une drogue et, en fait, ils en achètent une autre qui est extrêmement accoutumante.
Mme O'Sullivan : Nous parlons des drogues, mais les enfants font face à beaucoup d'autres problèmes, que l'usage de la drogue ne fait qu'aggraver et dont l'inspecteur Skinner a parlé tout à l'heure. Parmi ces problèmes, il y a celui de la santé mentale et, notamment, de l'automutilation, qui frappe beaucoup d'enfants à Ottawa.
Nos enfants font donc face à d'autres problèmes, que l'usage de la drogue ne fait qu'aggraver. Les criminels qui leur vendent de la drogue savent comment les aborder. Tout cela ne fait que rendre la situation encore plus difficile pour les enfants, les parents et les responsables des écoles.
Le sénateur Wallace : Vous avez dit tout à l'heure que le système reposait sur plusieurs piliers, et qu'il n'y avait pas de solution unique à ce problème de société. Pensez-vous toutefois qu'en ce qui concerne nos enfants et le trafic de la drogue qui sévit dans nos écoles, le projet de loi C-15 est un outil efficace pour lutter contre ce problème?
Mme O'Sullivan : Oui, je le pense.
Le sénateur Wallace : Surintendant Malone, vous avez dit, à propos du rôle dissuasif des peines minimales obligatoires, que ceux qui avaient analysé la question étaient mieux placés pour y répondre, et par conséquent, je ne m'attarderai pas là-dessus.
Le ministre Nicholson a dit que le projet de loi C-15 contribuerait indéniablement à éloigner les trafiquants de nos rues et de nos enfants, perturbant ainsi la production et le trafic de la drogue, ce qui est à son avis un objectif fort louable.
Pensez-vous que les peines minimales obligatoires contribueront à l'atteinte de cet objectif et que vous en avez besoin pour faire votre travail?
M. Malone : Je ne sais pas si elles sont efficaces. Certes, si elles permettent d'incarcérer un gros trafiquant de drogue liée au crime organisé, ça en fera un de moins dans la rue. Comme l'a dit l'inspecteur Skinner, ça en fera un de moins dont nous aurons à nous préoccuper. Pour ce qui est des peines minimales, je pense, comme je l'ai déjà dit, que les législateurs et les chercheurs sont mieux placés pour dire si elles sont efficaces.
Le sénateur Wallace : Vous venez de me répondre dans le contexte des peines minimales obligatoires et de leur rôle dissuasif. Ce n'est pas de cela que je parle. Le simple fait que les trafiquants de drogue soient mis à l'ombre pendant une longue période, grâce à l'application de peines minimales obligatoires, devrait contribuer à perturber le trafic de la drogue, ce qui est positif, non?
M. Malone : Tout à fait.
Le vice-président : Comment faites-vous, à l'heure actuelle, sans le projet de loi C-15? Dois-je comprendre que, sans le projet de loi C-15, vous ne pouvez pas arrêter les trafiquants de drogue et les mettre en prison?
M. Malone : Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit.
Le vice-président : C'est ce que je voulais vous faire dire. Je suis sûr que vous faites votre travail.
M. Malone : Absolument, et du mieux que nous pouvons.
Le vice-président : Ce que nous voulons savoir, en fait, c'est comment le projet de loi C-15 va vous aider à faire votre travail.
M. Malone : Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, ce projet de loi ne va pas modifier la façon dont nous ciblons les groupes du crime organisé, puisque nous avons les dispositifs d'évaluation de la menace dont ont parlé le surintendant principal Perron et la chef adjointe O'Sullivan. Nous ciblons en priorité les problèmes qui posent la plus grande menace. J'espère avoir répondu à votre question.
Le vice-président : Oui, mais je me demande si le projet de loi C-15 en vaut la peine, puisqu'il y a déjà une loi et que vous faites un excellent travail.
M. Malone : J'espère bien.
Le vice-président : Oui, nous en sommes convaincus.
Le sénateur Angus : Le président a mis le doigt dessus, car c'est exactement la question que je voulais poser. Je vais m'y attarder quelque peu.
Premièrement, je vous félicite tous de résister aux efforts que déploie mon collègue pour vous faire dire ce que vous n'avez pas dit. Cela me redonne confiance, non seulement dans les services d'application de la loi de cette ville, où je séjourne trois jours par semaine, mais aussi dans la GRC. Vous faites tous du bon travail, et un travail qui n'est pas facile.
Avec ce projet de loi, le gouvernement essaie manifestement de vous donner davantage d'outils, comme vous l'avez dit. Pouvez-vous nous expliquer brièvement comment le projet de loi C-15 va vous aider à faire votre travail?
Mme O'Sullivan : Il va nous permettre de cibler ceux qui se livrent au trafic et à la production de ces drogues, surtout lorsqu'il y a des circonstances aggravantes comme l'utilisation d'une arme et la présence dans des lieux fréquentés par des jeunes enfants. L'Association canadienne des chefs de police, l'ACCP, a présenté un mémoire dans lequel elle appuie la décision de transférer les drogues de l'annexe III à l'annexe I afin d'en faire des infractions plus graves.
Ce sont là des exemples de ce que le projet de loi C-15 va nous apporter.
Mme Skinner : Dans la mesure où nous incarcérons des gens pendant de longues périodes, nous n'avons plus besoin de les surveiller de sitôt.
Le sénateur Angus : Mon ami le sénateur Baker aime bien citer la jurisprudence pour démontrer que ce projet de loi augmentera votre charge de travail. Cependant, si ces gens-là sont mis à l'ombre pendant de plus longues périodes, ils ne se retrouveront plus dans le boxe des accusés tous les six mois et il y aura donc moins de causes, n'est-ce pas?
Mme Skinner : C'est exactement ce que je voulais dire.
Nous avons parlé des autres outils et de la divulgation. Nous essayons d'accroître nos capacités en matière de divulgation. Ainsi, nous sommes en train de passer à la divulgation électronique, ce qui nous permet de ne plus avoir les énormes classeurs que nous avions dans le passé. Bref, nous essayons de trouver des façons d'améliorer le système. Notre objectif est de rendre les preuves accessibles afin de faciliter leur présentation.
Le sénateur Angus : Le projet de loi va-t-il vous aider à cet égard?
Mme Skinner : Non.
Le sénateur Angus : J'aimerais que les représentants de la GRC me disent dans quelle mesure le projet de loi va les aider dans leur travail.
M. Perron : Il est possible que ceux qui feront face à des peines obligatoires se voient contraints de se montrer utiles en devenant informateurs ou agents. Ce sera peut-être un effet bénéfique, avant la procédure judiciaire. En effet, celui qui fait face à une peine obligatoire sera peut-être mieux disposé à collaborer avec les services de police en nous aidant à cibler les grandes organisations ou les menaces importantes.
Le vice-président : L'épée de Damoclès.
M. Malone : Le projet de loi ne change en rien la procédure de préparation des documents qui doivent être divulgués devant un tribunal.
Le sénateur Angus : Le projet de loi a-t-il un effet bénéfique dont vous ne nous auriez pas encore parlé?
M. Malone : Non, je n'ai rien à ajouter.
Le sénateur Angus : Si j'ai bien compris, et j'ai relu vos déclarations liminaires, vous nous recommandez de faire tout ce que nous pouvons pour faire adopter une autre loi qui réduirait la paperasserie qu'exigent les dispositions actuelles sur la divulgation. Vous nous avez expliqué, et cela n'a rien à voir avec le projet de loi C-15, que les dispositions en question prennent beaucoup de votre temps et entravent vos interventions, et vous demandez donc au gouvernement de présenter un autre projet de loi pour y remédier. C'est bien cela?
M. Malone : C'est exact.
Le sénateur Milne : Le sénateur Angus a déjà posé la question que je voulais vous poser. Surintendant Malone, vous avez dit que la GRC estimait qu'il fallait adopter une approche pluridimensionnelle vis-à-vis du problème de la drogue au Canada, c'est-à-dire qu'il fallait faire à la fois de la prévention, de la sensibilisation, de la répression, de la thérapie, de la désintoxication, de la réhabilitation et, s'il y a lieu, de la déjudiciarisation.
Je suis malheureusement convaincue qu'on n'aura pas les budgets pour faire toutes ces choses que nous savons être efficaces. Nous savons pourtant que c'est ça qu'il faut faire pour empêcher les jeunes de se faire accrocher par la drogue, qu'il faut faire de la sensibilisation et de la réhabilitation.
Dans votre déclaration liminaire, vous nous avez fait six suggestions. La première concerne les organisations criminelles : il faut pouvoir démontrer qu'une organisation criminelle est une entreprise criminelle chaque fois que vous voulez intenter des poursuites. La deuxième concerne l'accès légal : la législation canadienne est en retard sur la technologie. La troisième concerne la divulgation, et c'est le cheval de bataille du sénateur Baker : il faut fixer un seuil raisonnable en matière de divulgation pertinente. La quatrième concerne l'inscription, dans une annexe de la loi, des précurseurs chimiques qui servent à la production de certaines de ces substances.
Vous nous avez fait d'excellentes suggestions. J'espère que les membres du gouvernement vous ont entendu, car je suis convaincue que nous n'investissons pas assez dans le traitement et la prévention. Pensez-vous que ce soit vraiment les solutions?
Mme O'Sullivan : Tout à fait, et je vais le répéter encore une fois : ce n'est pas l'un ou l'autre, ce sont tous les outils du dispositif dont nous avons besoin. L'application de la loi fait partie de ce dispositif, qui est extrêmement coûteux. Mais vous avez entièrement raison, il faut que tous les piliers de ce dispositif soient stables.
L'inspecteur Skinner vient juste de me souffler « produits de la criminalité ». Il y a en effet beaucoup d'argent que nous pouvons saisir et réinvestir dans nos collectivités.
Je fais partie de plusieurs autres comités, notamment celui de la prévention du crime. Nous avons une coalition nationale de tables rondes et collaborons avec 40 autres agences nationales pour essayer de trouver des solutions aux mêmes problèmes, au niveau local. La stratégie nationale de lutte contre la drogue s'intègre également dans tout ce dispositif.
Toutes ces questions me passionnent, comme vous l'avez sans doute constaté, et je peux vous dire que nous sommes convaincus de l'utilité de tous ces outils pour faire appliquer la loi. Aujourd'hui, il s'agit du projet de loi C-15, et des moyens qu'il nous donne, mais vous avez tout à fait raison de dire que nous avons besoin de tous ces outils, qui sont tous aussi importants les uns que les autres.
Le sénateur Milne : Ce projet de loi vous est-il utile? En tout cas, ça ne vous apporte rien pour ce qui est de la prévention, et j'ai entendu beaucoup de témoins, y compris le représentant du ministère, nous dire qu'à leur avis, le projet de loi ne se traduirait pas par une augmentation du nombre d'incarcérations.
Mme O'Sullivan : Permettez-moi de revenir sur ce que je disais tout à l'heure. Vous avez raison de dire que le projet de loi C-15 n'apporte rien en ce qui concerne la sensibilisation et la prévention. Toutefois, nous espérons pouvoir réinvestir dans ces deux activités une partie des produits de la criminalité.
C'est l'un des outils que nous donne le projet de loi, et c'est donc un outil de plus dans notre arsenal qui va nous permettre de faire incarcérer plus facilement les gens qui se livrent au trafic de la drogue. Je sais que le chef White en a parlé, car il s'intéresse passionnément à tout ce qui concerne la désintoxication et aux autres mesures de déjudiciarisation. C'est donc un outil parmi d'autres, dans un dispositif bien équilibré.
M. Perron : En tout cas, le projet de loi est un signal très clair que le Canada prend très au sérieux le problème du trafic de la drogue. Nous estimons que cela constitue une grave menace pour la collectivité, pour nos enfants et pour la population générale. Voilà donc, à mon avis, ce que le projet de loi nous apporte.
Le sénateur Milne : Merci.
Le vice-président : Le sénateur Carignan.
[Français]
Le sénateur Carignan : J'aimerais soulever deux ou trois points. Je connais quand même assez bien la question de la prévention parce que j'ai eu l'honneur d'être conférencier au congrès de l'Association des chefs de police du Canada à Charlottetown cet été où l'on a beaucoup parlé de prévention. Je sais que les chefs de police qui étaient là étaient très sensibilisés à la prévention. Par contre, j'ai également compris que la prévention pouvait fonctionner avec un certain type de délinquant et pas nécessairement avec l'ensemble des criminels répertoriés.
Les gens qu'on vise ici sont des trafiquants. Selon votre expérience, croyez-vous que la prévention ait vraiment un impact sur ce type de personnes hautement criminalisées?
[Traduction]
Mme O'Sullivan : Non, et c'est là le problème. C'est presque comme la théorie de Maslow. C'est sur les gens au bas de l'échelle qu'on va probablement avoir le plus d'impact. Dans les échelons plus élevés du crime organisé ou des gangs, notre capacité d'intervention est bien moindre. À ce niveau-là, il n'y a plus que le système judiciaire, bien souvent, qui puisse s'attaquer au problème.
M. Perron : Vous avez demandé, je crois, si le projet de loi nous donne des outils en matière de prévention, et je peux vous assurer qu'il ne nous en donne aucun à ce chapitre-là.
En revanche, il peut avoir un impact indirect sur la prévention en ce sens que le crime organisé est avant tout une opération économique, et si vous réussissez à réduire l'offre et la demande grâce à la prévention, vous aurez un impact sur le crime organisé. Bien sûr, il s'agit là d'une stratégie à très long terme, mais c'est un résultat qu'on peut envisager.
[Français]
Le sénateur Carignan : Ma deuxième question porte sur l'évolution. Vous avez parlé — surtout M. Perron — de l'évolution géographique du commerce. Les producteurs et les trafiquants procèdent en fonction de la demande, donc selon l'endroit où elle se trouve géographiquement.
Vous avez également parlé des drogues qui sont destinées aux jeunes. Je crois comprendre que dans le marché, le produit est modifié et présenté de façon à ce qu'il soit attrayant pour les jeunes. Au cours des dernières années, avez- vous remarqué, suite à vos enquêtes ou à vos perquisitions, une évolution dans les méthodes de transformation de la drogue afin qu'elle cible plus particulièrement les jeunes?
M. Perron : La manipulation de la drogue pour la rendre plus attrayante aux enfants est un phénomène qui existe depuis plusieurs années. On n'a qu'à penser aux années 1970 avec le LSD qui était présenté avec des petits papiers de différentes couleurs ou avec différentes photos. On voit la même chose maintenant avec les comprimés d'ecstasy et la méthamphétamine qu'on rend attrayants pour les jeunes. Cependant, je ne suis pas sûr que cela ait un effet sur la consommation.
[Traduction]
Mme Skinner : Oui, ils mettent la drogue dans des suçons que les jeunes vont consommer, ou ils utilisent des logos qui attirent les jeunes.
[Français]
Le sénateur Carignan : Est-ce que vous avez constaté que c'est plus fréquent depuis quelques années? Je n'avais jamais entendu parler des suçons. C'est rendu là?
Mme Skinner : Pas vraiment.
[Traduction]
Mme O'Sullivan : Pour les jeunes, les drogues les plus courantes sont la marijuana, la cocaïne et l'ecstasy. C'est ce que nous constatons quand nous faisons analyser les saisies que nous avons effectuées. Nous constatons également une augmentation du nombre de cambriolages de pharmacies dans le but de se procurer de l'Oxycontin. Cela ne touche pas seulement notre collectivité, car c'est une drogue très accoutumante. Vous avez certainement entendu parler de cas où des jeunes subtilisent les médicaments prescrits à leurs parents et les mettent dans un sac. Ils appellent ça le « jelly beaning ». Les enfants peuvent avoir accès à toutes sortes de drogues, mais les trois qui leur sont offertes le plus souvent sont la marijuana, la cocaïne et l'ecstasy. Je crois que c'est la même chose dans la plupart des collectivités du Canada.
M. Perron : C'est la même chose dans les autres collectivités, et c'est ce que nous indiquons dans notre rapport sur la drogue.
[Français]
Le sénateur Carignan : Rassurez-moi parce que quand j'entends des arguments économiques pour justifier ou non des enquêtes, cela m'inquiète toujours. J'imagine que dans le cadre de vos budgets, vous regardez la proportion entre les individus ou le type d'enquête que vous visez et le montant que cela va générer. Mais j'espère que vous ne considérez pas l'aspect économique pour décider de ne pas faire une enquête sur un suspect du crime organisé qui fait du trafic.
M. Perron : Je peux vous rassurer que notre évaluation de la menace ne comporte pas cet aspect. Nous déterminons la plus haute menace qu'un groupe peut poser au Canada que l'on devrait attaquer ou neutraliser. La base du système est assez complexe, mais la partie financière n'a certainement aucun impact.
[Traduction]
Le vice-président : Madame la chef adjointe, vous êtes sans doute la personne qui connaît mieux le budget de la police. Quelle somme de votre budget consacrez-vous à la lutte contre la drogue?
Mme O'Sullivan : C'est une question à multiples facettes étant donné que nous avons adopté une approche pluridimensionnelle pour lutter contre le problème de la drogue dans notre collectivité. Le chef White vous en a beaucoup parlé lorsqu'il a comparu la première fois pour vous parler de notre unité des crimes de la rue. Pas très loi d'ici, il y a un quartier où l'on peut observer ce phénomène : consommation de drogue, trafic de drogue et graves cas de toxicomanie. Ça se passe juste au bout de la rue.
Nous avons une unité qui s'occupe de ce genre de situation quotidiennement, car elle provoque beaucoup d'autres problèmes, et pas seulement au niveau de la sécurité. En effet, un toxicomane va souvent se livrer à des cambriolages dans les voitures pour se procurer de l'argent. Nous avons donc mis sur pied une unité distincte car le chef White a décidé qu'il fallait lutter contre ces délits mineurs liés à la drogue.
Nous menons également des enquêtes très complexes sur le crime organisé, qui peuvent être aussi bien des projets de petite envergure que des projets de plusieurs années, nécessitant des millions de dollars. Pour ces enquêtes, nous collaborons avec d'autres services de police. À titre de représentante de notre service de police local, je peux vous assurer que nous n'avons pas, dans notre budget, des millions de dollars à y consacrer.
Le vice-président : Quel pourcentage de votre budget total y consacrez-vous?
Mme O'Sullivan : Il m'est difficile de répondre à cette question parce qu'un grand nombre d'homicides, de cambriolages, de fusillades et d'autres crimes sont liés à la drogue. Je porte une autre casquette, celle de présidente du comité POLIS, notre comité des données et des statistiques. Ce comité, qui est coprésidé par Statistique Canada, s'intéresse aux données sur la criminalité. Il est difficile de recueillir des données sur le crime organisé. Il en a justement été question lundi dernier, à notre comité sur le crime organisé. Il nous est donc difficile de répondre à certaines de ces questions pour ce qui est du crime organisé, mais nous faisons notre possible.
Quel pourcentage des crimes commis dans nos collectivités sont liés à la drogue? Là encore, il est difficile de recueillir des données là-dessus. Le Service de police d'Edmonton a fait une étude sur la qualité de la vie et a recueilli des données à ce sujet, mais on n'y trouve pas énormément d'informations. Votre question paraît simple, mais il est difficile d'y répondre.
Le vice-président : Pourriez-vous nous donner une réponse plus détaillée par écrit?
Mme O'Sullivan : Si c'est ce que vous voulez, volontiers.
Le vice-président : Il nous serait utile d'avoir des informations plus précises sur les problèmes de ressources qui affligent le service de police d'une importante collectivité urbaine typique du Canada dans sa lutte contre le fléau de la drogue. Cela nous permettrait aussi de mieux appréhender la situation au niveau national.
Mme O'Sullivan : Oui, parce que le problème de la drogue est intimement lié à un grand nombre de crimes commis dans notre collectivité.
Le vice-président : Faites ce que vous pouvez, nous ne vous demandons pas l'impossible.
Mme O'Sullivan : Je comprends.
Le vice-président : Pour le second tour, j'ai le nom du sénateur Baker pour une brève question.
Le sénateur Baker : Le surintendant Malone a recommandé la création d'une liste des organisations criminelles. La difficulté est en effet que, dans le Code criminel, il faut démontrer chaque fois qu'il s'agit d'une organisation criminelle. Les Hell's Angels, par exemple, étaient reconnus comme une organisation criminelle dans deux ou trois provinces, mais pas dans les autres. Je comprends votre problème, mais la façon dont la norme de preuve est libellée dans le Code criminel risque de s'y opposer.
Pour en revenir à la divulgation, j'estime que nous devrions examiner sérieusement cette question car il y a véritablement un problème. Les coûts que cela représente sont énormes. Maintenant que vous utilisez des CD-ROM, ce qui est bien, il faudrait peut-être que la GRC et les services de police municipaux et provinciaux s'entendent pour n'avoir qu'un seul programme à interroger.
Mme Skinner : Je me bats pour ça.
Le sénateur Baker : Ah bon, vous êtes d'accord avec moi? J'espère que vous allez réussir, car il n'y a aucune uniformité d'une province à l'autre. Chacune est différente. Dans certaines provinces, on peut interroger le programme, dans d'autres, ce n'est pas possible. Ça crée d'énormes problèmes. Je suis d'accord avec vous pour dire qu'un comité du Sénat ou de la Chambre des communes devrait examiner toute la question de la divulgation. Il y a certainement une solution au problème. Comme vous l'avez fait remarquer, surintendant Malone, on n'a besoin que d'un nombre limité de renseignements pour un plaidoyer. On connaît la nature des faits reprochés, et on ne devrait pas être obligé d'ouvrir tous les paquets scellés tant que le procès n'a pas avancé.
Je tiens à vous féliciter d'être venue. Si vous réussissez à mettre en place un seul programme interrogeable, ce sera bien.
Le vice-président : Vous avez déjà répondu à cette question.
Le sénateur Milne : Il vous intéressera peut-être de savoir, madame O'Sullivan, que le ministre a déclaré : « Ce ne sont pas les statistiques qui nous guident. » Je trouve ça décourageant.
Le sénateur Baker a parlé tout à l'heure des ajouts qui ont été faits à l'annexe I. De nouvelles substances y ont été ajoutées, qui portent des noms terriblement difficiles à prononcer aussi bien pour lui que pour moi, et sans doute aussi pour tous les policiers du Canada. Il a parlé du paragraphe 19(8), à l'article 6 du projet de loi. Si je compte les syllabes de la substance que le sénateur Baker pense être de l'ecstasy, il y en a 16, sans compter les tirets, les virgules et les lettres grecques que le mot contient. Pensez-vous que ce genre de description risque de vous poser des problèmes au moment de l'inculpation, si un juge refuse votre document?
M. Malone : Comme l'a dit le représentant du ministère de la Justice tout à l'heure, nous utilisons le nom scientifique ou chimique de la substance lorsque nous rédigeons le document d'inculpation, en collaboration avec le service des poursuites pénales, au cas où des modifications auraient besoin d'y être apportées. Par contre, il arrive qu'on ajoute le mot « ecstasy », par exemple, entre parenthèses, afin que tout le monde comprenne bien ce dont il s'agit. Mais vous avez raison, je ne suis pas chimiste, et si je devais prononcer le nom de certaines de ces substances, j'aurais beaucoup de mal.
Pour ce qui est du document d'inculpation, je ne pense pas que cela soit un problème. C'est la raison pour laquelle nous avons besoin de la collaboration du service des poursuites pénales, pour qu'il nous aide à nous y retrouver.
Mme O'Sullivan : J'aimerais faire une dernière observation. Il est évident que tous les services de police du pays s'efforcent d'établir des priorités dans leur lutte contre les trafiquants et pourvoyeurs de drogue qui sévissent dans leur collectivité.
Nous n'avons pas parlé de certains types de coûts liés à la drogue et aux enquêtes, comme les descentes dans les laboratoires. À Ottawa, nous obtenons en moyenne chaque année 50 à 52 mandats de perquisition dans des laboratoires de production de marijuana.
Il y a aussi les équipements de protection personnelle qu'on utilise quand on fait une descente dans un laboratoire où ils manipulent des produits chimiques très toxiques, qui posent un grave danger pour la santé et la sécurité. Le démantèlement d'une opération de production coûte de l'argent, et encore plus si on y manipule des produits chimiques dangereux.
Puisqu'on parle des coûts, je voudrais insister sur le fait que, lorsqu'on fait une descente dans ce genre de laboratoire, il faut que nos agents de police aient les équipements de protection personnelle appropriés. Nous n'en avons pas encore parlé, mais quand on essaie d'évaluer les coûts des enquêtes, il faut tenir compte de ce matériel.
Le vice-président : C'est justement pour cela que je vous ai demandé une réponse écrite. Je pensais bien qu'elle pourrait être assez compliquée, avec toutes les ramifications. Je vous invite donc à mettre par écrit tout ce que vous jugez bon que nous sachions.
M. Malone : En ce qui concerne les coûts, lorsque nous mettons sous séquestre une maison où l'on cultive de la drogue, il faut aussi tenir compte du coût de remise en état de cette maison, si elle est cédée à la Couronne à la suite de la condamnation. Autrement dit, nous avons la responsabilité de nous assurer que, avant sa remise sur le marché, la maison est en bon état. Si la maison contient des moisissures, il faut faire des travaux importants et coûteux avant de pouvoir la revendre à des familles avec des enfants.
Mme O'Sullivan : L'inspecteur Skinner vient de me dire quelque chose. Comme elle est de la région, elle s'intéresse beaucoup à toutes ces questions et aimerait lancer une invitation à tous les membres du comité qui aimeraient voir tout cela de plus près.
Mme Skinner : Nous invitons ceux d'entre vous qui le désirent à faire une patrouille avec notre escouade antidrogue. Nous assurerons votre sécurité, et en même temps, cela vous donnera l'occasion de voir comment les choses se passent dans la réalité. C'est un autre monde, et si cela vous intéresse, vous êtes les bienvenus.
Le sénateur Angus : À quoi nous invitez-vous?
Mme Skinner : À faire une patrouille avec notre escouade antidrogue. Ça pourrait vous être utile, pas seulement pour le projet de loi C-15. Je sais que vous examinez beaucoup d'autres amendements à d'autres lois, et j'ai constaté que le sénateur Baker s'y connaissait très bien. Mon invitation s'adresse à tous les membres du comité.
Le vice-président : J'ai déjà fait cette expérience à Toronto et à Vancouver, et le sénateur Milne était avec moi. Merci beaucoup de l'invitation, inspecteur Skinner.
J'aimerais maintenant remercier nos témoins d'avoir participé à nos discussions de ce soir. Veuillez nous excuser de notre retard, mais c'était pour une bonne cause.
Chers collègues, nous nous retrouverons demain matin à 10h45. Nous accueillerons alors des représentants de Statistique Canada, ainsi qu'un nouvel invité, M. Chaffe, de l'Association canadienne des juristes de l'État.
(La séance est levée.)