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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 16 - Témoignages du 22 octobre 2009


OTTAWA, le jeudi 22 octobre 2009

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, à qui a été renvoyé le projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois, se réunit aujourd'hui à 10 h 53 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Je souhaite la bienvenue aux honorables sénateurs et à toutes les personnes présentes à cette réunion du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-15.

[Français]

Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.

Nous avons le très grand plaisir d'accueillir de nouveau comme témoins experts — toujours très utiles pour les travaux de ce comité —, du Centre canadien de la statistique juridique, Mme Lynn Barr-Telford, directrice, M. Craig Grimes, chef d'unité et Mme Mia Dauvergne, analyste principale pour le Programme des services policiers. Bienvenue chez nous.

[Traduction]

Je n'exagère pas lorsque je dis que votre travail nous est toujours très utile. Il l'est vraiment. Vous ne pouvez vous imaginer combien notre comité apprécie le travail que vous faites.

Le sénateur Campbell : Nos vies en dépendent.

La présidente : La vie de quelqu'un en dépend peut-être, en fin de compte.

Je crois que vous avez un exposé à nous présenter, madame Barr-Telford.

Lynn Barr-Telford, directrice, Centre canadien de la statistique juridique, Statistique Canada : Je vous remercie de me donner la possibilité de présenter des commentaires au sujet du projet de loi C-15. Statistique Canada ne prend pas position sur les modifications proposées. Notre exposé contient des données sur les tendances en matière des infractions reliées aux drogues et rapportées par la police et des données sur la façon dont les tribunaux pénaux pour adultes et pour adolescents instruisent les infractions reliées aux drogues. Les sources des données sont clairement indiquées sur les diapositives, tout comme les notes pertinentes relatives aux données.

Dès le départ, il est important de mentionner que les tendances que reflète le nombre des infractions reliées aux drogues rapportées par la police sont influencées par les variations dans les pratiques policières d'application de la loi. Lorsque les services de police décident de concentrer leurs efforts sur l'application de la loi, ou au contraire de les réduire, ils influencent l'évolution des données. En outre, nous ne recueillons pas de données sur les quantités de drogues saisies par la police ni sur l'ampleur des opérations de culture de drogues.

Nous avons fourni au comité des renseignements supplémentaires. En particulier, vous trouverez là des tableaux qui correspondent à ceux de l'exposé. Nous avons également distribué au comité un exemplaire d'un article récent de Juristat qui porte sur les infractions reliées aux drogues rapportées par la police et qui montrent les tendances à long terme.

Mes collègues, M. Craig Grimes et Mme Mia Dauvergne, m'aideront à répondre aux questions. J'invite le comité à examiner la diapositive 2 du diaporama.

Avant de commencer à commenter les diapositives, je vous précise qu'il est expliqué dans les notes dans quel cas nous parlons de l'infraction la plus grave d'un dossier lié aux drogues et dans quel cas nous parlons de toutes les infractions mentionnées dans un dossier donné. J'attire votre attention sur les notes qui accompagnent chacun des graphiques.

Sur la diapositive 2, le graphique de gauche montre le nombre total des crimes rapportés par la police et le nombre des infractions reliées aux drogues de 1998 à 2008. Prenez note du fait que l'échelle utilisée pour les infractions reliées aux drogues n'est pas la même que pour l'ensemble des crimes. Vous pouvez constater que depuis une dizaine d'années, les tendances semblent évoluer dans des directions opposées. Le nombre des infractions reliées aux drogues rapportées par la police a, d'une façon générale, augmenté, tandis que le nombre total des crimes rapportés par la police a, d'une façon générale, diminué.

En 2008, il y a eu environ 102 000 infractions reliées aux drogues et rapportées par la police au Canada. Cela représente un taux d'environ 306 infractions par 100 000 habitants. Dix ans plus tôt, il y avait eu environ 71 000 infractions, soit un taux d'environ 235 infractions par 100 000 habitants.

Le graphique de droite montre que les infractions pour possession de drogues constituent la majorité des infractions reliées aux drogues rapportées par la police. Le nombre des infractions de possession de drogues est beaucoup plus élevé que celui des infractions de trafic, de production, d'importation et d'exportation de drogues.

Pour le moment, nos données nous permettent uniquement de distinguer les infractions de production des infractions d'importation et d'exportation pour le cannabis. Nous ne pouvons pas le faire pour les autres types de drogues, ce qui explique pourquoi nous les avons regroupées dans une seule catégorie.

Vous pouvez également constater, sur le graphique de droite, que le nombre total des infractions de possession de drogues a augmenté depuis 10 ans, tandis que le nombre total des infractions de trafic de drogue est stable depuis quelques années, et que celui des infractions d'importation, d'exportation et de production a diminué ces dernières années.

Sur la diapositive 3, nous examinons plus en détail les tendances en matière d'infractions reliées aux drogues rapportées par la police en les ventilant par type d'infraction et également par type de drogue, en nous attachant particulièrement aux infractions visées par le projet de loi C-15 — trafic, importation, exportation et production.

L'information relative aux infractions de possession se trouve dans les tableaux supplémentaires que nous vous avons fournis. Les infractions reliées au cannabis continuent de représenter le plus grand nombre des infractions reliées aux drogues rapportées par la police. La seule possession de cannabis représente environ la moitié de toutes les infractions reliées aux drogues.

Le graphique de gauche de la diapositive 3 montre les tendances pour les infractions de trafic, et celui de droite les tendances pour les infractions d'importation, d'exportation et de production. Dans ces deux tableaux, les chiffres sont répartis selon le type de drogue concerné. Vous pouvez voir que les tendances diffèrent selon le type de drogue.

Si nous regardons le graphique de gauche, nous pouvons voir que, depuis 2003 environ, le nombre des infractions de trafic de cocaïne rapportées par la police a, d'une façon générale, augmenté, ce qui est également le cas pour les autres infractions de trafic de drogue. La catégorie autres drogues comprend la métamphétamine, l'ecstasy, les drogues du viol, le LSD et les barbituriques. Ces drogues ont toujours été regroupées dans une catégorie. Le nombre des infractions de trafic de cannabis est inférieur à ce qu'il était il y a 10 ans. Il est également bon de noter que le nombre des infractions de trafic de cocaïne est plus élevé que celui correspondant au cannabis depuis environ 2005.

Si nous examinons le graphique de droite, nous pouvons constater que le nombre des infractions d'importation, d'exportation et de production reliées au cannabis est supérieur aux infractions reliées aux drogues. Le nombre des infractions reliées au cannabis diminue toutefois régulièrement depuis une dizaine d'années en raison d'une forte diminution du nombre des infractions de culture de cannabis rapportées par la police.

Pour la cocaïne, le taux des infractions reliées à l'importation, à l'exportation et à la production est demeuré relativement stable au cours des 10 dernières années, alors qu'il y a eu certaines fluctuations pour les autres drogues : ces chiffres ont augmenté entre 1998 et 2003, mais sont maintenant plus proches de ceux qui ont été enregistrés au début de la décennie.

La diapositive 4 montre le taux des infractions reliées aux drogues rapportées par la police par type d'infraction et par province et par territoire. Parmi les provinces, c'est la Colombie-Britannique qui connaît un taux relativement élevé des infractions reliées aux drogues, et cette situation dure depuis environ 30 ans. Le taux des infractions reliées au trafic au Manitoba est toutefois proche de celui qui a été enregistré en Colombie-Britannique. Au Québec, le taux des infractions reliées à l'importation, l'exportation et à la production est semblable à celui de la Colombie-Britannique. Le taux des infractions reliées à la possession et au trafic est plus élevé dans les territoires.

La diapositive 5 présente les mêmes données que la diapositive précédente, mais ventilées selon la région métropolitaine de recensement, RMR. Vous pouvez voir les variations entre ces différentes régions, selon le type des infractions reliées aux drogues. Le taux des infractions reliées au trafic est plus élevé dans le Grand Sudbury, Kelowna, Abbotsford, Mission et Brantford, et on a enregistré des nombres plus élevés d'infractions reliées à l'importation, l'exportation et à la production à Windsor et Trois-Rivières.

La présidente : Désolée de vous interrompre. Voilà des données fascinantes. Je tiens à souligner — et vous pouvez me corriger si je me trompe — que nous parlons ici des infractions reliées aux drogues rapportées par la police. Nous ne savons pas si ces chiffres reflètent la situation réelle, pour ce qui est du nombre des personnes qui en font le trafic, de celles qui en possèdent ou plutôt des différences entre les activités et les priorités policières et la façon dont les services de police traitent ces dossiers. Nous ne le savons pas.

Mme Barr-Telford : C'est absolument vrai. Ce sont des statistiques rapportées par la police. Elles représentent les cas qui sont portés à l'attention des policiers ou sur lesquels ils enquêtent. Ces données sont influencées par les priorités policières qui peuvent privilégier ou non les activités d'application de la loi, ce qui peut avoir un effet sur les tendances constatées dans les données. C'est exact.

La présidente : Savez-vous s'il existe d'autres données statistiques, provenant du recensement ou d'une autre source, qui indiqueraient si la possession est une infraction que l'on retrouve de façon uniforme dans les différentes régions? Pas la possession rapportée par la police, mais la possession réelle. Combien y a-t-il de gens au Canada qui consomment du cannabis? Avons-nous des données précises à ce sujet? Je doute que nous ayons des données exactes provenant du recensement sur les autres drogues, mais nous en avons peut-être pour le cannabis.

Le sénateur Nolin : Nous allons entendre des témoins à ce sujet. Bien sûr, Statistique Canada ne peut nous fournir les données sur le nombre de consommateurs, pour des raisons évidentes, puisqu'il s'agit des infractions rapportées par la police. Nous avons toutefois d'autres moyens de recueillir ces données et d'avoir une image de la consommation des drogues au Canada — comme nous l'avons fait pour les États-Unis et dans d'autres pays. Nous allons entendre des témoins sur cette question. Malgré tous ses efforts, Statistique Canada ne peut nous fournir une réponse.

La présidente : J'étais simplement curieuse.

Le sénateur Milne : Si vous regardez un instant le graphique, vous trouverez des choses fascinantes. Si vous prenez Windsor, vous verrez que le chiffre pour l'importation, l'exportation et la production semble logique, parce que cette ville est située en face de Detroit, ce qui explique que la colonne verte du graphique soit plus élevée. Si vous comparez ensuite Gatineau et Ottawa, ce sont deux villes qui sont de part et d'autre de la rivière.

La présidente : Oui. Savons-nous pourquoi la possession semble être près de deux fois plus fréquente à Gatineau qu'à Ottawa?

Mme Barr-Telford : Je ne peux pas vous offrir de renseignements qui expliquent la différence entre les tendances que vous voyez ici.

La présidente : Nous avons la chance d'avoir notre propre expert en résidence parmi les membres du comité.

Le sénateur Nolin : Encore une fois, si vous le permettez — et corrigez-moi si je me trompe — le témoin qui pourrait répondre à cette question serait les représentants des services de police de ces villes.

La présidente : Nous leur poserons la question.

Le sénateur Nolin : Le comité en arrivera à la conclusion que la loi n'est pas appliquée de façon uniforme dans l'ensemble du pays, pour toutes sortes de bonnes raisons. Mme Barr-Telford y a fait allusion. Ce sont les autorités policières qui décident d'investir dans certaines activités et nous avons entendu hier des témoins parler du fait que la priorité était accordée à la lutte contre les drogues. C'est la raison pour laquelle, dans certaines régions, les activités policières portent davantage sur les laboratoires et la production.

Si vous regardez la page 5, selon la ville ou la région urbaine, il est possible que la proximité de Windsor avec les États-Unis explique en partie la situation. Ce n'est toutefois qu'une déduction. Les meilleurs témoins qui pourraient nous en parler seraient des représentants des services de polie de ces régions, et ils pourraient sans doute expliquer la situation.

La présidente : Vous avez tout à fait raison sur ce point.

Le sénateur Watt : Quand je regarde ce tableau, je suis très étonné de l'ampleur de la présence des drogues à Nunavik, ainsi que dans d'autres régions.

Pour ce qui est de l'importation, de l'exportation et de la production, je vois un petit signe sous Nunavik, un peu plus élevé que pour les Territoires du Nord-Ouest. Cela veut dire qu'il se fait également de la production dans le Nord?

Mme Barr-Telford : Le tableau contient certaines données sur les infractions reliées à l'importation, l'exportation et à la production dans les territoires, si c'est ce que vous voulez savoir.

Le sénateur Watt : Autrement dit, ils font pousser du cannabis dans le Nord?

Mme Barr-Telford : Nous avons regroupé en une seule catégorie les infractions reliées à l'importation, l'exportation et à la production. Nous avons mis ensemble ces trois différents types d'infractions.

Le sénateur Watt : J'imagine que cela se fait dans des serres.

Mme Barr-Telford : Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question ou de vous dire de quel genre de production il s'agit.

La présidente : Veuillez poursuivre.

Mme Barr-Telford : La diapositive 6 montre les tendances dans le taux des jeunes et des adultes inculpés d'infractions reliées au trafic, à l'importation, à l'exportation et à la production de drogues. Les jeunes représentent près de 12 p. 100 des 24 400 personnes qui ont été accusées d'une infraction de trafic en 2008. Ils représentent, par contre, 4 p. 100 des quelque 2 200 personnes qui ont été accusées d'une infraction reliée à l'importation, à l'exportation ou à la production en 2008. Par comparaison, les jeunes représentent 35 p. 100 des personnes accusées d'une infraction reliée à la possession de drogues et 29 p. 100 de toutes les personnes accusées d'un crime en général.

Il existe des variations annuelles, mais le nombre des jeunes accusés d'infractions reliées au trafic de drogue est plus élevé aujourd'hui qu'il y a 10 ans. Le nombre des adultes inculpés d'infractions reliées au trafic a augmenté constamment ou presque, pendant ces 10 années. Il convient de noter que le taux des infractions reliées au trafic impliquant les jeunes est plus élevé que celui des adultes. Pour les jeunes, c'est l'infraction de trafic de cannabis qui est le plus souvent commise, tandis que pour les adultes, c'est l'infraction de trafic de cocaïne.

Le taux des personnes accusées d'infractions reliées à l'importation, à l'exportation et à la production donne une image différente. Premièrement, très peu de jeunes sont accusés de ce type d'infraction; 86 au total, soit environ trois jeunes par 100 000 habitants en 2008. Deuxièmement, le nombre des infractions de ce type commises par les jeunes et par les adultes a diminué au cours des 10 dernières années.

La diapositive 7 montre que près de la moitié des infractions reliées au trafic de drogue rapportées par la police en 2008 ont été commises dans un endroit public comme une rue, un parc ou un terrain de stationnement. Environ un tiers ont été commises dans une résidence et 3 p. 100 dans une école primaire ou secondaire.

Nous avons examiné jusqu'ici les infractions reliées aux drogues rapportées par la police et constaté que, dans l'ensemble, le nombre total de ces infractions a augmenté; la plupart des infractions reliées aux drogues sont des infractions de possession; le nombre de ces infractions a augmenté pratiquement chaque année au cours des 10 dernières années. Nous avons également enregistré des augmentations dans le taux des infractions reliées au trafic de cocaïne et d'autres drogues.

Avec la diapositive 8, nous examinons la façon dont les tribunaux pénaux pour adolescents et ceux pour adultes ont traité les infractions reliées aux drogues comportant au moins une accusation de trafic, d'importation ou d'exportation, de production, c'est-à-dire au moins une inculpation aux termes des articles 5, 6 ou 7 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, la LDS. Ce sont les dispositions visées par le projet de loi C-15.

La diapositive 8 présente un résumé du nombre des causes comptant au moins une inculpation aux termes des articles 5, 6 ou 7 de la LDS en 2006-2007 qui ont donné lieu à une décision judiciaire et de la proportion de la charge de travail des tribunaux que ces causes représentent.

Comme vous pouvez le voir, les tribunaux pour adultes ont instruit près de 13 000 causes de ce genre et les tribunaux pour adolescents, 1 650. Ces chiffres n'ont pas beaucoup bougé depuis cinq ans. En outre, la moitié environ des causes entendues par les tribunaux pour adultes et environ un tiers de celles qui sont entendues par les tribunaux pour adolescents comportaient plus d'une inculpation aux termes des articles 5, 6 ou 7 de la LDS.

La diapositive 9 fournit d'autres informations sur la nature des affaires instruites comptant au moins une accusation prévue aux articles 5, 6 ou 7 de la LDS. La plupart du temps, dans ce genre de cause, il s'agissait de l'inculpation de trafic. Les accusations d'importation et d'exportation sont beaucoup moins nombreuses. Environ une cause concernant les adultes sur cinq comportait une accusation de production, tandis que le pourcentage des affaires concernant les jeunes et une inculpation de production était beaucoup plus faible.

La diapositive 10 nous montre qu'en 2006-2007, un peu moins des deux tiers des causes comportant au moins une inculpation aux termes des articles 5, 6 ou 7 de la LDS ont donné lieu à un verdict de culpabilité. Pour ce qui est des nombres, il y a eu environ 9 000 causes de ce genre. Cela ne veut pas nécessairement dire que l'accusation reliée aux drogues a donné lieu à une déclaration de culpabilité dans ces causes. En fait, dans près des trois quarts des causes, la déclaration de culpabilité concernait une accusation fondée sur les articles 5, 6 ou 7 de la LDS. Cela représentait environ 6 000 causes devant les tribunaux pénaux pour adultes et près de 800 devant les tribunaux pour adolescents. Cela veut dire que dans un quart de ces causes, soit environ 2 000, l'accusation reliée aux drogues n'a pas donné lieu à une déclaration de culpabilité.

Lorsqu'une personne accusée aux termes des articles 5, 6 ou 7 de la LDS a été déclarée coupable, la déclaration de culpabilité concernait le plus souvent un de ces articles et très souvent le chef d'accusation relié aux drogues était le chef le plus grave dans la cause. Au total, en 2006-2007, il y a eu 5 800 causes concernant des adultes et 730 concernant des jeunes ayant débouché sur des condamnations dans lesquelles l'accusation fondée sur les articles 5, 6 ou 7 de la LDS était l'accusation la plus grave. Ce sont ces causes que nous pouvons examiner pour déterminer quel genre de sanctions ont été imposées par les tribunaux; je veux dire que dans ces causes, les données indiquent clairement que la sanction imposée concernait une des accusations reliées à la LDS.

La diapositive 11 montre la proportion des personnes condamnées à une peine d'emprisonnement lorsque l'infraction la plus grave dont elles étaient accusées était une infraction aux articles 5, 6 ou 7 de la LDS. Au total, près de 2 800 personnes ont été condamnées à être détenues pour une infraction aux termes des articles 5, 6 ou 7.

Vous pouvez constater que la détention est plus souvent imposée aux adultes qu'aux jeunes et plus fréquemment imposée pour les infractions reliées à l'importation et à l'exportation. Pour les adultes, la détention a été imposée dans un peu plus de la moitié des affaires de trafic de drogues ayant donné lieu à une condamnation, mais à 78 p. 100 des affaires touchant l'importation et l'exportation. Dix-sept pour cent des adultes déclarés coupables d'une infraction de production ont reçu une peine d'emprisonnement. Plus de la moitié de ces personnes ont fait l'objet d'une peine d'emprisonnement avec sursis.

Enfin, la diapositive 12 montre la durée des peines imposées dans les causes reliées aux articles 5, 6 ou 7 de la LDS par les tribunaux pénaux pour adultes. Le tableau montre que la durée de la peine est d'environ un an ou moins pour les infractions de trafic, d'importation, d'exportation ou de production. Il existe toutefois, quelques différences notables dans la durée des peines. Les infractions d'importation et d'exportation donnent lieu à un pourcentage relativement élevé de peines d'emprisonnement très courtes et très longues. Cela reflète sans doute la diversité de la nature des infractions sanctionnées. Il n'est malheureusement pas possible d'évaluer l'effet que le genre de drogue a sur les peines d'emprisonnement imposées en utilisant nos données relatives aux tribunaux pénaux.

Il existe également certaines variations dans les peines d'emprisonnement imposées pour le trafic et la production, mais ces différences sont moins marquées qu'elles le sont pour les affaires d'importation et d'exportation. La majorité des causes de trafic et de production ayant donné lieu à une peine d'emprisonnement concernaient des peines allant d'un à 12 mois, et la plupart d'entre elles étaient inférieures à six mois.

En résumé, pour ce qui est des tribunaux, il y a eu, au total, en 2006-2007, 6 800 causes ayant donné lieu à une déclaration de culpabilité à l'égard d'une accusation portée aux termes des articles 5, 6 ou 7 de la LDS. Dans la plupart de ces affaires, l'accusation fondée sur la LDS était l'infraction la plus grave du dossier. Il y avait environ 6 500 dossiers de ce type. Parmi les 6 500 dossiers ayant entraîné une condamnation, 2 800 accusés environ ont été condamnés à des peines d'emprisonnement. Les peines d'emprisonnement pour les adultes sont, dans l'ensemble, d'une durée inférieure à un an.

Cela ne paraît pas sur les diapositives, mais nous avons également examiné le nombre des causes ayant donné lieu à une condamnation pour une accusation aux termes des articles 5, 6 ou 7 de la LDS auxquelles s'ajoutait une accusation pour violence ou présence d'une arme. Nous avons utilisé une définition assez large de la catégorie armes. Il y a eu, au total, en 2006-2007, 1 200 causes de ce type.

La présidente : Merci. Voilà qui était fascinant.

Le sénateur Nolin : Merci d'avoir accepté notre invitation.

Selon l'étude intitulée Tendances des infractions reliées aux drogues rapportées par la police au Canada, pour l'année 2006-2007, environ la moitié de toutes les affaires reliées aux drogues ont fait l'objet d'un arrêt, d'un retrait, d'un rejet ou d'une absolution par les tribunaux. Comment cela se compare-t-il avec les autres infractions pénales? Cela semble quelque peu disproportionné si l'on pense à d'autres domaines. Avez-vous une explication?

Craig Grimes, chef d'unité, Centre canadien de la statistique juridique, Statistique Canada : Devant les tribunaux pénaux pour adultes, 65 p. 100 environ des poursuites débouchent sur une déclaration de culpabilité. Environ 30 p. 100 des poursuites font l'objet d'un arrêt, d'un retrait, d'un rejet ou d'une absolution. Ces causes comprennent également celles où l'accusé a été orienté vers un programme de mesures de rechange ou a participé à un programme de justice réparatrice.

Le sénateur Nolin : Je pense que la dernière partie de votre réponse devrait intéresser le sénateur Watt.

Pourriez-vous ventiler les mesures de rechange? Est-ce un chiffre global ou pouvez-vous le répartir entre les différentes options?

M. Grimes : Pas pour toutes les régions, parce qu'il y a des répondants qui n'ont pas la capacité de faire la différence entre les poursuites qui ont été suspendues, retirées ou rejetées à la suite de mesures de rechange ou de déjudiciarisation. Je ne pourrais pas le faire de façon uniforme, et je ne saurais pas si le recours à des programmes de ce genre varie d'une province à l'autre. Je ne pourrais pas vous donner un chiffre approximatif pour le Canada.

Le sénateur Nolin : Au cours des années, nous avons assisté à une diminution du taux de la criminalité au Canada. Je pense que c'est sans doute la même chose aux États-Unis, et probablement en Europe. Est-il exact que nous n'avons pas constaté une telle diminution dans le nombre des crimes commis dans le monde de la drogue?

Mme Barr-Telford : Je vais attirer votre attention sur la diapositive 2 du diaporama, pour que nous puissions examiner cet aspect de plus près.

Le sénateur Nolin : C'est la diapositive que vous avez examinée pendant que j'étais à l'extérieur de la salle. Je vous prie de m'en excuser.

Mme Barr-Telford : Ce n'est rien. Sur cette diapositive, le graphique de gauche montre ces deux tendances. Vous pouvez constater que depuis une dizaine d'années, ces tendances vont dans des directions opposées. Le nombre total des crimes rapportés par la police diminue tandis que le nombre des infractions reliées aux drogues rapportées par la police a augmenté au cours de cette décennie.

Le sénateur Nolin : Si nous comparons avec l'âge de la personne arrêtée, allons-nous constater une corrélation entre le nombre des jeunes arrêtés et le nombre des infractions reliées aux drogues? Ceux qui commettent des infractions reliées aux drogues sont-ils maintenant plus jeunes? Est-ce que cela nous donne une image plus jeune ou est-ce qu'il y a une tendance semblable à celle que nous pouvons constater avec les autres genres de crimes?

Mme Barr-Telford : Mme Dauvergne peut vous parler des tendances. Dans cet exposé, nous avons examiné les tendances concernant les jeunes accusés de différents types d'infractions reliées aux drogues et nous les avons comparées aux tendances concernant les accusés adultes. Vous trouverez cela à la diapositive 6.

Dans le cas du trafic, par exemple, dans le graphique de gauche de la diapositive 6, vous pouvez voir que le nombre des jeunes accusés de trafic de drogue est plus élevé aujourd'hui qu'il l'était il y a 10 ans. Vous pouvez également constater que le nombre d'adultes accusés de trafic a constamment augmenté. Nous savons qu'en 2008, les jeunes représentaient environ 12 p. 100 des personnes accusées de trafic.

Mia Dauvergne, analyste principale, Programme des services policiers, Centre canadien de la statistique juridique, Statistique Canada : Nous pouvons affirmer que le nombre des jeunes accusés des infractions reliées aux drogues a augmenté au cours des 10 dernières années. Nous constatons, toutefois, dans les données une différence entre les jeunes qui sont accusés et les jeunes dont le dossier est classé autrement. Cela est relié à la question que vous avez posée.

Lorsque nous recevons les données policières concernant les jeunes, nous sommes en mesure de savoir si le jeune a effectivement fait l'objet d'une inculpation par la police ou si son dossier a été réglé autrement, comme par le recours au pouvoir discrétionnaire des services de police, aux mesures de rechange ou à des programmes au niveau du service de police. Nous constatons que le pourcentage de jeunes dont les affaires sont classées par d'autres moyens est en fait en train d'augmenter, alors que la proportion de ceux qui sont inculpés diminue. Dans l'ensemble, cependant, nous constatons une augmentation si nous ajoutons ces deux chiffres.

Le sénateur Campbell : Merci d'être venus aujourd'hui. Ce sont là des chiffres vraiment étonnants.

Si nous comparons la diapositive 5 et la diapositive 2, nous voyons une variation importante dans la diapositive 5 entre les provinces et les territoires. Est-ce que la ligne qui figure dans la diapositive 2 pour le nombre des infractions reliées aux drogues représente la moyenne de tous les chiffres que l'on retrouve dans la diapositive 5? C'est donc une moyenne et on voit qu'elle augmente.

Mme Barr-Telford : La diapositive 2 montre le nombre national, c'est donc une combinaison de toutes les sources de données des différentes régions du pays.

Mme Dauvergne : La diapositive 5 indique uniquement les régions métropolitaines de recensement. Par contre, la diapositive 2 tient compte de toutes les régions du Canada, comme les régions rurales ou les régions urbaines de moindre densité qui ne figurent pas sur l'autre diapositive.

Le sénateur Campbell : Cela fait donc une moyenne.

La présidente : Il s'agit également d'infractions différentes — possession, trafic et autre.

Le sénateur Campbell : Je compare uniquement les infractions reliées aux drogues.

Lorsque j'examine la diapositive de la page 2 qui montre le trafic, l'importation et l'exportation, je suis surpris, parce que, d'après la presse et les médias, nous devrions être inondés de trafic, d'exportation et d'importation. Je regarde le chiffre de l'importation et de l'exportation pour Vancouver, et je sais que c'est là qu'il existe, apparemment, les plus grandes opérations de culture au Canada, mais cela n'apparaît pas sur cette diapositive.

Il faut vraiment que j'interroge la police sur ce point. Ces statistiques proviennent de la police, n'est-ce pas?

Mme Barr-Telford : C'est exact.

Le sénateur Campbell : C'est donc une question qui relève de la police.

Je ne sais pas si vous pouvez répondre à ma question suivante. Ce qui me surprend, c'est que le Canada est aujourd'hui un pays source pour la marijuana, l'ecstasy et la meth — sous quelque forme qu'elle se présente. Et pourtant, je regarde ces chiffres et je vois que l'importation, l'exportation et la production sont en train de diminuer. Là encore, cela vient des statistiques de la police, n'est-ce pas?

Mme Barr-Telford : C'est exact.

Au début de l'exposé, j'ai mentionné que les pratiques policières en matière d'application peuvent avoir un effet sur les données qui sont fournies au sujet de l'évolution du nombre total des infractions reliées aux drogues.

Il y a également d'autres éléments d'information que nous ne possédons pas actuellement. Par exemple, nous n'avons pas de données sur l'ampleur des opérations de production de drogue ni sur les quantités de drogue qui sont saisies par la police. Ce sont là des éléments d'information que nous ne pouvons vous fournir pour replacer ces chiffres dans leur contexte.

Le sénateur Campbell : Qui pourrait nous les fournir? Cela m'intéresse, parce que les peines sont calculées en fonction des quantités — nombre de plantes, quantités de drogues, et cetera. Qui pourrait nous dire que les laboratoires de fabrication de métamphétamine fabriquent habituellement tant de livres de cette substance?

Mme Dauvergne : Je pense que la GRC recueille peut-être ces données. Il est également probable que les services de police eux-mêmes recueillent cette information au cours de leurs enquêtes. Nous ne les possédons pas.

Le sénateur Campbell : Reconnaissez-vous qu'il serait important de disposer de ces données puisque nous fixons la peine en fonction des quantités?

Mme Barr-Telford : Nous reconnaissons bien sûr qu'il s'agit là d'une lacune dans les statistiques que nous recueillons. Il faut également tenir compte de la difficulté d'obtenir ce genre d'information.

Le sénateur Milne : Je suis heureuse que vous soyez revenus, parce que vous nous fournissez toujours des données fascinantes. Vous êtes peut-être un peu découragés par ce que le ministre a déclaré lorsqu'il a comparu devant le comité. Il a dit, et je le cite : « Ce ne sont pas les statistiques qui nous guident. »

Je suis déçue de cette déclaration, en particulier lorsque je regarde la diapositive 2. Dans l'esprit du public, les crimes et les crimes reliés aux drogues sont grandement exagérés alors qu'en fait, le nombre des crimes diminue.

Sur la première diapositive de la page 2, la ligne rouge qui représente le nombre des infractions reliées aux drogues passe d'un peu moins de 250 à un peu plus de 300. Si vous reportez ces chiffres sur la même échelle que le nombre des crimes, qui diminue également, ce serait une petite ligne qui se trouverait dans le premier quart de la ligne qui va de zéro à 1 000 et se situerait au tiers de la ligne qui va de zéro à 1 000. Cela vous donne la véritable image des crimes reliés aux drogues. Est-ce exact?

Mme Barr-Telford : Vous avez raison d'affirmer que nous avons utilisé des échelles différentes et il est exact que le nombre total des crimes rapportés par la police se situe à un niveau supérieur à celui des infractions reliées aux drogues. C'est exact.

Le sénateur Milne : Je sais que vous collaborez avec la police, parce que nous avons entendu hier soir une policière qui nous a déclaré qu'elle était membre d'un comité composé de représentants de Statistique Canada, je crois, qui était chargé d'étudier la question de la collecte de données.

Avez-vous une idée de ce que coûte un détenu pendant un an?

Mme Barr-Telford : Si vous vous reportez à la fin du diaporama, vous trouverez des renseignements supplémentaires susceptibles d'intéresser le comité. Vous verrez que la deuxième diapositive à la page 15 fournit des renseignements sur les coûts par détenu. J'attire l'attention du comité sur la note qui explique ce qui est inclus dans ces chiffres; ce sont les dépenses de fonctionnement et elles ne tiennent pas nécessairement compte de l'éventail complet des coûts que l'on pourrait associer aux services correctionnels. La note explique avec précision à quoi ces chiffres font référence et fournit au comité des renseignements sur le coût par détenu des peines purgées dans les établissements provinciaux et territoriaux — par exemple, la détention dans les provinces et les territoires — ainsi que pour la détention dans les pénitenciers.

Le sénateur Milne : Avez-vous essayé de faire des prévisions? Par exemple, si l'on prend les statistiques actuelles, quel est le nombre des personnes qui ont été inculpées, l'année dernière, d'infractions qui feraient maintenant l'objet, avec le projet de loi C-15, de peines minimales obligatoires?

Mme Barr-Telford : Il est difficile de fournir un chiffre précis qui répondrait à votre question. Le projet de loi C-15 introduit différents critères et nous ne disposons pas de données pour tous ces critères. Les chiffres que nous présentons aujourd'hui au sujet du nombre des personnes accusées, des personnes inculpées, des causes instruites et débouchant sur une déclaration de culpabilité devant les tribunaux résument l'information que nous pouvons fournir au comité au sujet de ce projet de loi particulier.

Comme je l'ai mentionné, nous avons examiné un certain nombre de dossiers ayant donné lieu à une condamnation, dans lesquels il y avait une infraction de trafic, d'importation, d'exportation et de production, combinée à un élément de violence ou à une accusation d'utilisation d'une arme. Nous ne sommes toutefois pas en mesure de suivre tous les critères proposés par le projet de loi avec les sources de données dont nous disposons actuellement.

Le sénateur Milne : Je vous remercie pour toute cette information. Si vous regardez les données générales qui figurent dans l'autre document que vous nous avez remis, en particulier, la diapositive 4, on constate que les chiffres pour les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut sont vraiment effrayants. Le Nunavut a une population de 31 000 personnes et le nombre total des infractions de possession est de 132. Le taux par 100 000 habitants est de 419. Ce sont là des chiffres absolument extraordinaires et terrifiants si l'on tient compte de la consommation globale de drogues au Canada. La situation dans les territoires du Nord est vraiment désolante.

Mme Barr-Telford : Il n'est pas inhabituel de constater que dans les territoires du Nord le nombre des crimes est plus élevé que dans le reste du pays. Par exemple, le nombre total des crimes rapportés par la police au Canada est plus élevé dans les territoires qu'à l'échelon national.

Le sénateur Milne : Est-ce que vous avez utilisé la même échelle que pour ceci?

Mme Barr-Telford : Permettez-moi de vous donner quelques taux, et cela vous fera comprendre la situation. Nous parlons du nombre total des crimes rapportés par la police.

Au Canada, en 2008 — ces taux correspondent à 100 000 habitants — ce chiffre était de 6 588; au Yukon, de 21 805; dans les Territoires du Nord-Ouest, de 43 509 et au Nunavut de 34 867. Il n'est pas inhabituel de constater que dans les territoires du Nord, les taux sont plus élevés.

Le sénateur Watt : Voilà qui est très intéressant. Avez-vous une idée des raisons qui expliquent des chiffres aussi élevés? Vous avez déclaré qu'il n'était pas inhabituel que ces chiffres soient plus élevés dans les régions nordiques. Pouvez-vous me donner une explication de cette situation? Est-ce parce que la population est moins nombreuse, que tout le monde se connaît et que la police n'a pas grand-chose d'autre à faire que de chercher qui possède des drogues dans les collectivités? Je sais également que la police paie des informateurs. C'est une activité lucrative pour la police.

Mme Barr-Telford : Il nous est très difficile de parler des raisons et des facteurs sous-jacents. Nous ne disposons pas du genre de données qui nous permettraient d'explorer tous les facteurs sous-jacents qui peuvent exercer leur influence dans les divers territoires.

Le sénateur Watt : Est-ce que ce que je dis vous paraît logique, qu'il s'agit d'une petite population qui vit dans les collectivités isolées où tout le monde se connaît et qu'il est donc facile de savoir qui commet des infractions?

Mme Barr-Telford : Je ne peux vraiment pas faire de commentaire.

La présidente : Sénateur Watt, je pense que les autres témoins que nous allons entendre plus tard seront en mesure de nous éclairer sur cette question. Tout comme moi, vous voudriez que Statistique Canada puisse nous expliquer ce qui se passe dans l'univers entier. Cet organisme fait beaucoup, mais nous devons accepter le fait qu'il y a des limites à ce qu'il peut faire.

[Français]

Le sénateur Carignan : J'essaie de trouver une information dans les statistiques. Le taux de criminalité est fixé en fonction des accusations qui sont portées. On sait évidemment que ce n'est pas tout le monde qui se fait arrêter et qu'il y a des accusations qui sont portées. C'est pour cette raison que j'ai l'habitude de toujours prendre de façon très relative les taux de criminalité et aussi à cause de ce que vous avez dit, que plus un service est efficace, si on travaille fort dans un secteur, plus cela va augmenter le taux de criminalité de ce secteur en particulier. C'est également en fonction des priorités locales pour combattre un certain type de criminalité qui a une influence.

Est-ce qu'il existe des enquêtes de victimisation ou des sondages sur la criminalité non déclarée? Parfois, on voit des sondages qui montrent que 40 p. 100 des jeunes de 12 à 17 ans ont consommé, au moins une fois, de la marijuana dans leur vie. Cela suppose qu'il y a beaucoup de possessions qui ne figurent pas dans les statistiques. Avez-vous ce genre d'étude ou de sondage?

[Traduction]

Mme Barr-Telford : Nous fournissons de l'information et nous avons effectué une enquête de victimisation. C'est notre enquête sociale générale sur la victimisation que nous effectuons tous les cinq ans. D'une façon générale, nous recueillons des données sur les cas de victimisation. Nous les recueillons pour un certain nombre de types d'infractions, parce qu'il y a d'autres types d'infractions au sujet desquelles il est difficile de poser de nombreuses questions. D'une façon générale, nous avons des données sur la victimisation ainsi que sur le signalement ou l'absence de signalement des faits par la victime à la police.

Pour ce qui est des infractions reliées aux drogues, nous ne recueillons pas de données sur la consommation de drogues dans le cadre de l'enquête sociale générale. Cette enquête nous permet d'obtenir certaines données sur les cas où l'alcool et les drogues se combinent à des crimes violents. Nous demandons aux répondants si l'incident dont ils ont été victimes était relié à la consommation d'alcool ou de drogue. Je sais que ce n'est pas exactement ce que vous souhaitez, sénateur.

La dernière enquête sociale générale que nous avons est celle de 2004. Cette enquête montre que dans un peu plus de la moitié des incidents violents, la victime estimait que la consommation d'alcool et de drogue par l'accusé avait joué un rôle. C'est le genre de renseignements que nous permet d'obtenir l'enquête sur la victimisation pour ce qui est des drogues; elle concerne davantage leur association à l'incident signalé.

[Français]

Le sénateur Carignan : Vous serait-il possible de nous faire parvenir ces données relatives aux enquêtes?

Mme Barr-Telford : Oui, absolument.

Le sénateur Carignan : Dans un deuxième temps, vous nous avez distribué une autre série de documents explicatifs. On y mentionne, à la page 2, des incidents de possession de drogues. Je comprends que par « incidents de possession », il s'agit de cas où la police a vu ou saisi des cultures, pour lesquels la drogue est impliquée et qui sont rapportés ici; mais qui ne sont pas nécessairement traduits dans l'indice de criminalité?

[Traduction]

Mme Barr-Telford : C'est exact. Nous n'incluons pas le nombre des infractions reliées aux drogues dans le calcul officiel du nombre total des crimes rapportés par la police. Nous n'incluons pas non plus les infractions du Code criminel reliées à la conduite. Une des raisons pour lesquelles nous n'incluons pas ce genre d'infraction dans notre chiffre global est parce qu'elle varie en fonction des pratiques policières d'application de la loi. Cela ne veut toutefois pas dire que nous ne les publions pas et que nous ne les fournissons pas en même temps que nous publions le nombre total des crimes rapportés par la police.

Le sénateur Nolin : J'aimerais explorer un peu plus cet aspect. Le sénateur Carignan demande si les incidents rapportés par la police font ou non partie du taux de criminalité.

Mme Barr-Telford : Dans ce taux, si vous regardez, par exemple, la diapositive 2, vous verrez qu'il y a deux lignes dans le graphique de gauche. Il y a le taux de criminalité national, c'est-à-dire le nombre des crimes, ainsi que le nombre des infractions reliées aux drogues.

Le sénateur Nolin : Vous êtes revenu à votre premier diaporama?

Mme Barr-Telford : Oui, à la diapositive 2. Le taux de criminalité, en bleu, comprend les cas reliés au Code criminel, mais pas les cas reliés aux dispositions du Code criminel en matière de conduite ni aux infractions reliées aux drogues et à la LDS. Elles ne sont pas incluses dans le nombre total des crimes.

Le sénateur Nolin : C'est ce que j'avais compris de votre réponse. Cependant, à la page 2 de votre deuxième document, j'aimerais savoir si les cas de possession rapportés par la police sont compris dans le nombre des infractions reliées aux drogues?

Mme Barr-Telford : Ils sont compris dans le nombre des infractions reliées aux drogues, oui. Le nombre des infractions reliées aux drogues comprend la possession, l'importation et l'exportation, le trafic, et le reste.

Le sénateur Nolin : Un cas de possession rapporté par la police n'est pas uniquement une appréciation visuelle, mais fait également l'objet d'un rapport, ce qui veut dire que l'agent ou les responsables de l'application de la loi ont pris des mesures à la suite d'une telle constatation. Est-ce bien exact?

Mme Barr-Telford : Le cas peut être classé de différentes façons. Il peut être classé en déposant une accusation ou en prenant d'autres mesures. Ce chiffre veut dire que le cas a été rapporté comme un cas de possession et que nous avons reçu cette information. Le cas peut être classé de différentes façons.

[Français]

Le sénateur Carignan : Avez-vous des statistiques concernant les saisies plus particulièrement? On voit souvent des cultures qui sont, par exemple sur les fermes, des saisies de plans de cannabis, auquel cas la police n'a manifestement pas d'accusés, et l'enquête et le dossier doivent être clos. Avez-vous des statistiques uniquement sur les saisies de drogues, de cannabis ou de culture de marijuana, par exemple?

Mme Barr-Telford : Non, nous n'avons pas de statistiques.

Le sénateur Carignan : D'accord, merci.

[Traduction]

Le sénateur Wallace : Merci pour votre exposé.

Je pense que vous savez probablement que le projet de loi C-15 est principalement axé sur les crimes graves reliés aux drogues, d'après ce qu'a déclaré le ministre Nicholson et d'après le texte du projet de loi, et, en particulier, sur le fait que le monde des drogues est infiltré ou contrôlé par le crime organisé. Le projet de loi C-15 traite de trafic, de production aux fins de trafic, d'importation et d'exportation. Je pense que vous êtes tout à fait au courant de la situation, parce que les renseignements que vous avez présentés, vos tableaux, et vos statistiques concernent le trafic, l'importation, l'exportation et la production. Avez-vous préparé ces données en vous inspirant de l'orientation du projet de loi C-15 et pour fournir des renseignements à ce sujet? Était-ce bien là votre intention?

Mme Barr-Telford : Nous avons effectivement examiné le projet de loi C-15, et préparé des statistiques pour alimenter l'étude du projet de loi à laquelle procède le comité.

Le sénateur Wallace : Le projet de loi C-15 traite de circonstances aggravantes et de la mesure dans laquelle les circonstances aggravantes peuvent, dans un cas donné, influencer l'imposition d'une peine obligatoire. Par exemple, le fait qu'un crime relié aux drogues soit commis près d'une école serait une circonstance aggravante. Je vois que vous avez fourni des données au sujet du trafic de drogues dans les écoles primaires ou secondaires ou à proximité. Voilà qui est utile. Nous vous en remercions.

Ce que je ne vois pas — et je me demande si cette information existe — ce sont des statistiques montrant dans quelle mesure le crime organisé est impliqué dans ces infractions. Les témoignages que nous avons entendus de la part du ministre Nicholson, de représentants de la GRC hier et du Service de police d'Ottawa est que le commerce des drogues concerne le trafic, la production à des fins de trafic, l'importation et l'exportation et qu'il est sous la coupe du crime organisé.

Pourquoi ne nous avez-vous pas fourni d'information concernant le crime organisé, un aspect très important aux fins de notre étude, et ni des renseignements qui montreraient les tendances dans ce domaine? Je pense que cela nous donnerait la possibilité de replacer le projet de loi C-15 dans ce contexte. Possédez-vous ces renseignements? Si c'est le cas, pourquoi ne nous les avez-vous pas présentés?

Mme Barr-Telford : Je fais quelques commentaires et inviterai ensuite Mme Dauvergne à vous fournir d'autres éléments.

Nous ne disposons pas, à l'heure actuelle, d'éléments d'information que nous pouvons présenter au comité au sujet de la participation du crime organisé aux infractions reliées aux drogues. Nous avons toutefois essayé avec nos partenaires des services de police d'examiner les moyens de recueillir de façon fiable des données relatives au crime organisé. Il n'est pas facile de recueillir des statistiques fiables dans ce domaine. Nous avons travaillé sur ce sujet avec nos partenaires, mais nous ne sommes pas en mesure, à l'heure actuelle, de vous fournir des renseignements.

Mme Dauvergne : Je pense que cela résume très bien la situation. Nous avons constaté, il y a quelques années, qu'il existait une lacune, non seulement dans les renseignements reliés aux drogues, mais aussi pour les autres crimes, dans les données concernant le rôle que jouent les organisations criminelles dans tous ces crimes. Comme Mme Barr-Telford l'a déclaré, nous collaborons étroitement avec les services de police pour essayer de trouver la meilleure façon d'inclure avec précision cette information dans nos données. Il est parfois très difficile de découvrir la meilleure façon de mesurer ces éléments d'information, compte tenu de la complexité que soulève ce genre d'enquêtes. Nous essayons de résoudre divers éléments complexes, notamment la collecte de données sur le nombre des accusés et la gravité des types de violations reliés à chaque cas.

Le sénateur Wallace : Oui. Je pense que, si vous examinez les tendances du code et des nouvelles infractions qui sont créées, vous constaterez qu'elles sont axées principalement sur le crime organisé. Il y a une définition. Je pense que ce genre de question sera posé de plus en plus souvent à l'avenir.

D'après les renseignements dont je dispose, le Service canadien des renseignements criminels et l'Appréciation nationale des renseignements criminels de 2008 indiquent que 900 groupes criminels environ opèrent au Canada. Je vous mentionne ces documents, parce qu'ils montrent qu'il existe, bien évidemment, certaines statistiques dans ce domaine. Pour ce qui est des tendances dont je parlais, je dirais que nous avons tous l'impression, et je crois que c'est également la réalité, que le crime organisé continue à faire sentir son action sur le commerce des drogues et que cela a des répercussions pour nos citoyens. Tout ce que vous pourriez nous fournir à l'avenir sur ce sujet nous intéresserait.

Le sénateur Milne : J'aimerais poursuivre sur ce point. Le sénateur Wallace a parlé de la définition de crime organisé, mais quelle est la définition utilisée? Un de vos problèmes vient-il du fait qu'il n'y a pas de définition uniforme dans l'ensemble du Canada ou dans les différents services de police?

Mme Dauvergne : Comme je l'ai mentionné, nous avons commencé ce travail il y a quelques années. Après consultation des services de police et de diverses organisations, nous avons adopté une définition uniforme qui comprend ce que nous considérons comme étant le crime organisé. Depuis que nous avons adopté cette définition, nous nous heurtons à une difficulté qui touche davantage la complexité des affaires.

Par exemple, des faits que nous qualifions d'incident peuvent s'être produits au cours d'une enquête qui a duré deux ou trois ans au sujet de différents groupes de personnes qui ont été arrêtées ou de différents genres de crimes commis par plusieurs groupes de personnes. Nous travaillons surtout sur la façon de quantifier ces choses et de les refléter avec précision dans nos données. Si nous parlons d'un incident, les services de police estiment que cela ne reflète pas exactement ce qui se passe dans leurs services et dans leurs enquêtes.

M. Grimes : Les données judiciaires permettent uniquement de savoir si une organisation criminelle est impliquée dans une affaire donnée et si une inculpation aux termes des articles 467.11, 467.12 ou 467.13, les dispositions du Code criminel relatives aux organisations criminelles, a été portée. Jusqu'ici, nos séries de données ne contiennent qu'un très petit nombre de ce genre d'accusations.

Le sénateur Baker : J'aimerais féliciter les témoins et les remercier d'être venus. Ils ont fait de l'excellent travail.

Je m'intéresse toutefois à un aspect qui n'est pas abordé ici. Dans vos tableaux, vous parlez du nombre des déclarations de culpabilité, mais vous ne ventilez pas les chiffres relatifs à ceux qui ont plaidé coupables, n'est-ce pas?

M. Grimes : Ils ne sont pas dans les tableaux. Dans l'ensemble, devant les tribunaux pénaux, 90 p. 100 des condamnés ont plaidé coupables.

Le sénateur Baker : C'est un chiffre fascinant.

La présidente : Je croyais que ce chiffre était légèrement différent. S'agit-il des drogues ou de tous les crimes?

M. Grimes : De tous les crimes.

Le sénateur Baker : Il est de 90 p. 100. C'est la raison pour laquelle j'affirme généralement que le plaidoyer de culpabilité est un élément essentiel du fonctionnement de notre système judiciaire. Il n'est pas possible de fonctionner sans cette option, sans tous ces plaidoyers de culpabilité; 90 p. 100 des accusés plaident coupables. Bien sûr, avec les peines minimales, ce chiffre va certainement diminuer sensiblement.

Ma deuxième question concerne la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et vos diapositives. Vous dites que 65 p. 100 des personnes qui comparaissent devant un tribunal ont été déclarées coupables ou ont plaidé coupables. Vous affirmez ensuite que 30 p. 100 des affaires ont donné lieu à une suspension des poursuites, ordonnée par le juge ou par la Couronne, à un rejet des poursuites ou à un retrait des accusations. Cela fait 95 p. 100 — 30 p. 100 plus 65 p. 100 — il manque donc 5 p. 100.

Avons-nous le nombre des personnes qui ont été déclarées innocentes à la fin du procès? Avez-vous des données sur cet aspect?

M. Grimes : Nous avons ces données, et je vais essayer de vous les trouver. Ils se trouvent dans les tableaux supplémentaires. Je suis désolé que les tableaux ne soient pas numérotés. C'est un document assez volumineux. Voulez- vous que je compte les pages?

Le sénateur Baker : Non. Donnez-nous seulement les chiffres. Tout cela figurera dans le compte rendu.

M. Grimes : Il y a le nombre de causes instruites par les tribunaux pénaux pour adultes, et il y a les chiffres correspondant aux articles 4, 5, 6 et 7 de la LDS répartis selon le type de décision finale prise par les tribunaux. Je veux simplement parler des pourcentages.

En 2006-2007, pour l'article 5 de la LDS, 1 p. 100 des causes ont donné lieu à un acquittement. C'est une répartition qui diffère de celle que nous avons présentée dans nos diapositives. Cinquante-trois pour cent des accusés ont été déclarés ou ont plaidé coupables; 45 p. 100 des accusations ont été suspendues, retirées, rejetées ou absoutes; et il reste 1 p. 100 pour les autres décisions.

Le sénateur Baker : Oui.

Le sénateur Nolin : Sur quelle page cela figure-t-il?

La présidente : Cela suit immédiatement la page qui fait référence à la diapositive 12. Je crois que c'est le tableau que nous examinons.

Mme Barr-Telford : C'est le quatrième à partir de la fin.

La présidente : C'est donc un autre.

Le sénateur Baker : Cela me convient. C'est très bien.

M. Grimes : En 2006-2007, pour l'article 6 de la LDS, encore une fois, devant les tribunaux pénaux pour adultes : 75 p. 100 des accusés ont été déclarés coupables; aucun n'a été acquitté; 23 p. 100 des accusations ont été suspendues, retirées, rejetées ou absoutes et 2 p. 100 pour les autres. Pour l'article 7 : 76 p. 100 des accusés ont été déclarés coupables; 1 p. 100 ont été acquittés; 22 p. 100 des accusations ont été suspendues, retirées, rejetées ou absoutes; 1 p. 100 pour les autres.

Voulez-vous les chiffres pour les tribunaux pour adolescents?

Le sénateur Baker : Oui, j'aimerais bien les avoir pour l'année dernière. Avez-vous ces chiffres?

M. Grimes : Oui.

Le sénateur Baker : Voilà qui est fascinant.

M. Grimes : J'ai également les chiffres pour les possessions. Les voulez-vous aussi?

Le sénateur Baker : Ce n'est pas important, allez-y.

M. Grimes : En 2006-2007, pour l'article 5 de la LDS, devant les tribunaux pour adolescents : 56 p. 100 des accusés ont été déclarés coupables; 2 p. 100 ont été acquittés; 42 p. 100 des accusations ont été suspendues, retirées, rejetées ou absoutes; 0 p. 100 d'autres décisions.

Le sénateur Baker : Vous venez de présenter les chiffres pour l'article 5. Vous avez sauté l'article 4, la possession.

M. Grimes : Oui, j'ai sauté l'article 4.

Le sénateur Baker : Allez-vous maintenant parler de trafic?

M. Grimes : Je n'ai pas non plus présenté les chiffres pour l'article 4 pour les adultes. J'y reviendrai.

Le sénateur Baker : C'est très bien.

M. Grimes : En 2006-2007, pour l'article 6 de la LDS, devant les tribunaux pour adolescents : 86 p. 100 des accusés ont été déclarés coupables; aucun n'a été acquitté; 14 p. 100 des accusations ont été suspendues, retirées, rejetées ou absoutes; 0 p. 100 pour les autres décisions.

En 2006-2007, pour l'article 7 de la LDS, devant les tribunaux pour adolescents : 54 p. 100 des accusés ont été déclarés coupables; 5 p. 100 ont été acquittés; 41 p. 100 des accusations ont été suspendues, retirées, rejetées ou absoutes; 0 p. 100 pour les autres décisions.

Voulez-vous les pourcentages pour la possession?

Le sénateur Baker : Non, c'est très bien. Nous savons où cela se trouve et nous pourrons faire une recherche.

J'aimerais toutefois faire une mise en garde, c'est du moins mon opinion personnelle : le nombre élevé d'affaires dans lesquelles les accusations ont été retirées correspond habituellement à des affaires où la Couronne abandonne les poursuites, comparaît devant le juge et met un terme aux poursuites. Les suspensions et les retraits d'accusations par la Couronne montrent habituellement que la Couronne n'avait pas de preuves suffisantes pour continuer les poursuites. Je vous remercie.

Le sénateur Joyal : Merci de votre apport à notre étude.

Ma question concerne la page 12 de votre exposé général, qui fait référence au tableau supplémentaire du document annexe qui correspond à la diapositive 12 dans laquelle vous présentez la répartition de la durée de l'emprisonnement.

Comme vous le savez, à la page 3 et en haut de la page 4, le projet de loi C-15 énumère une série de durées des peines d'emprisonnement qui diffère des statistiques que vous avez fournies aujourd'hui. Sur la diapositive 12, vous parlez d'un mois au moins et ensuite d'un mois à 12 mois et la suite.

M. Grimes : C'est exact. Ces chiffres sont toutefois cumulatifs. On les retrouve dans la catégorie emprisonnement d'un à 12 mois.

Le sénateur Joyal : Est-il possible de prévoir, grâce aux statistiques que vous possédez, les changements qu'introduirait l'adoption du projet de loi C-15 dans les échelles que vous représentez par des couleurs différentes? Autrement dit, quels seraient les résultats que nous obtiendrions à l'avenir en nous basant sur la durée des peines prévues par le projet de loi C-15?

M. Grimes : Il nous est difficile de faire des prévisions à partir des données relatives aux tribunaux pénaux, parce que nous n'avons pas de renseignements sur les diverses circonstances aggravantes et atténuantes associées aux différentes causes. Lorsque nous essayons de prévoir les éléments dont les juges tiennent compte, nous obtenons des renseignements peu fiables. Il serait extrêmement difficile de faire des prévisions en utilisant les données judiciaires.

Le sénateur Joyal : Vous pourriez quand même modifier les échelles en vous fondant sur les statistiques qui se trouvent dans le tableau supplémentaire pour savoir quelle serait la situation si le projet de loi avait été en vigueur en 2006-2007.

M. Grimes : En tenant pour acquis que tous les condamnés reçoivent la peine minimale.

Le sénateur Joyal : Exactement. Vous n'avez pas besoin de nous fournir la réponse aujourd'hui, parce que je sais qu'il va vous falloir modifier les statistiques, mais cela nous donnerait une idée de ce que ce tableau aurait été en 2006- 2007.

M. Grimes : Les circonstances aggravantes que nous possédons dans toutes ces affaires concernent uniquement la présence d'une infraction reliée à la violence.

Le sénateur Joyal : Bien sûr. Comme vous le savez, le premier article du projet de loi traite de cet aspect.

M. Grimes : Également du fait qu'il y a eu une infraction reliée aux armes. Nous avons défini cette catégorie de façon très large; elle comprend tous les articles de la partie III du code plus les 10 infractions qui emportent une peine minimale de quatre ans. Tous ces éléments ont été inclus dans ces prévisions. Il y a 1 200 causes de ce genre. Oui, nous pouvons reprendre les chiffres et essayer de produire quelque chose.

Le sénateur Joyal : Nous ne voulons pas obtenir des fractions de pourcentage; nous voulons simplement avoir une idée générale de ce que serait la situation.

Mme Barr-Telford : Pour ce qui est des 1 200 causes auxquelles M. Grimes fait référence, nous pourrions remettre au comité un tableau qui montrerait comment nous sommes arrivés à ce chiffre particulier en ajoutant quand nous le pouvons les critères applicables.

Il me serait extrêmement difficile de vous fournir un chiffre qui résumerait pour vous les répercussions globales de ce projet de loi. Il nous manque des éléments d'information, d'après nous, notamment sur les peines. C'est ce qui complique les choses.

Nous pourrions, par contre, fournir au comité des données sous forme de tableau qui indiqueraient le nombre des causes ayant donné lieu à une condamnation associée par exemple à une infraction violente. Nous pouvons également montrer le nombre des causes ayant donné lieu à une condamnation associée non seulement à une accusation reliée à la violence ou aux armes, mais à une condamnation pour une telle accusation, si le comité l'estime utile.

M. Grimes : Pour ces 1 200 causes, je pourrais vous présenter un tableau indiquant les peines telles qu'elles existent actuellement.

Le sénateur Joyal : Voilà qui serait fort utile. J'examine en ce moment le tableau 7 ainsi que l'article 1 du projet de loi en haut de la page 2, qui prévoit une peine minimale de deux ans pour la personne qui a commis une infraction près d'une école, sur un terrain d'école ou dans tout autre lieu public normalement fréquenté par des personnes de moins de 18 ans.

Bien sûr, si je regarde le tableau 7, il y a l'école primaire ou secondaire pour 3,3 p. 100; la résidence est exclue, le bar est exclu. J'essaie de comprendre l'effet qu'aurait cet article sur l'information que vous nous donnez avec le tableau 7.

M. Grimes : Il faut bien comprendre que ces deux tableaux — le tableau concernant les peines et celui auquel vous venez de faire référence — utilisent des sources de données différentes. Pour les données judiciaires pénales, nous ne disposons pas de renseignements sur le lieu où a été commise l'infraction ni sur les caractéristiques de la victime. Nous ne disposons pas de cette information. Nous savons uniquement s'il y a eu une infraction violente ou une infraction reliée aux armes.

Le sénateur Joyal : Vous ne pouvez pas nous fournir des renseignements plus détaillés au sujet de ce tableau par rapport à l'article du projet de loi auquel je fais référence?

Mme Barr-Telford : Non, nous ne pouvons pas.

Le sénateur Baker : J'invoque le Règlement. Excusez-moi, madame la présidente, mais je pense que le sénateur Joyal n'a pas mentionné que le tableau présentait également les infractions commises dans un « endroit public ». C'est l'expression exacte. C'est la terminologie utilisée dans l'article auquel faisait référence le sénateur Joyal.

Où avez-vous obtenu cette définition d'« endroit public »?

Le sénateur Joyal : Si vous me permettez de faire un commentaire sur la question du sénateur Baker, je me suis posé moi-même cette question. Lorsque j'ai examiné cet alinéa du projet de loi et la définition contenue dans les tableaux, j'ai essayé de les comparer de façon à comprendre quel serait l'impact de cet article du projet de loi.

Le sénateur Milne : « Endroit public » comprend les huit premiers pieds de ma pelouse devant ma maison.

Le sénateur Joyal : C'est une rue, un terrain de stationnement, un parc.

La présidente : Comment avez-vous défini « endroit public »?

Mme Dauvergne : Comme M. Grimes l'a mentionné, ces données proviennent des services de police. Ce sont les données relatives aux infractions reliées aux drogues rapportées par la police. Nous saisissons des données concernant 20 à 21 lieux différents. Je pourrais ventiler davantage ces données. Pour présenter les données selon un format plus compréhensible, nous regroupons les catégories en des catégories logiques et appropriées; pour l'essentiel, nous choisissons des lieux qui possèdent des caractéristiques semblables.

La première colonne, sous le titre « endroit public », comprend les infractions commises dans des lieux situés à l'extérieur, mais non pas sur une propriété privée, qui concerne la deuxième colonne. Résidence regroupe les logements des gens, votre pelouse et votre cour arrière.

Le sénateur Milne : Mais jusqu'à huit pieds, parce que la servitude municipale comprend jusqu'à huit pieds de ma pelouse.

Mme Dauvergne : Si le comité le souhaite, je pourrais lui fournir une définition détaillée de chacune de ces catégories.

La présidente : Cela serait utile, parce que le projet de loi parle d'« endroit public ».

Nous avons largement dépassé l'horaire.

Le sénateur Campbell : Nous pourrions peut-être demander aux témoins de revenir.

Le sénateur Joyal : Dans le tableau 2, les statistiques figurant à droite montrent que les infractions de possession ont augmenté; le trafic est demeuré relativement stable depuis cinq ans tandis que l'importation, l'exportation et la production ont diminué. J'essaie de comprendre comment cela a pu se produire.

Serait-ce parce que les forces policières concentrent leurs efforts sur l'importation et l'exportation? Nous avons entendu des membres de la GRC hier soir. Ils concentrent leurs efforts sur le trafic. Comme le sénateur Nolin l'a déclaré, la possession vise tous les consommateurs — c'est-à-dire, la population en général — tandis que le trafic, l'importation et l'exportation impliquent, comme le sénateur Wallace l'a dit, le crime organisé.

J'essaie de comprendre le phénomène que reflètent ces statistiques. Est-ce qu'elles reflètent les priorités des services de police en matière d'intervention? Les policiers qui ont témoigné hier soir nous ont déclaré qu'ils décidaient des secteurs sur lesquels ils allaient concentrer leurs ressources. Ils ont déclaré qu'ils s'attaquaient aux sources des crimes les plus importants.

Mme Barr-Telford : Les tendances que vous voyez dans ces graphiques reflètent effectivement les cas rapportés par la police. Ils indiquent les cas qui ont été introduits dans le système du point de vue de la police. Pour ce qui est des crimes reliés aux drogues, ces tendances peuvent être influencées par le fait que les pratiques policières en matière d'application peuvent varier ou changer. Lorsque des services policiers changent leurs pratiques en matière d'application de la loi, et concentrent leurs ressources sur un type particulier d'infraction pénale, cela pourrait se refléter sur les données. C'est exact.

Il existe d'autres types d'infractions pour lesquels le même phénomène joue. Les infractions du Code criminel en matière de conduite, comme la conduite avec facultés affaiblies, sont très influencées par les variations et les changements introduits dans les pratiques policières en matière d'application de la loi.

[Français]

La présidente : Sénateur Carignan? Une question de pas plus d'une minute.

Le sénateur Carignan : Elle ne durera pas parce que la question supplémentaire du sénateur Joyal m'a éclairé. À cause de l'ensemble des facteurs atténuants, je comprends que c'est impossible de faire un pronostic avec une petite marge d'erreur de ce que cela pourrait être avec l'adoption du projet de loi C-15, parce qu'il y a beaucoup de données que vous n'avez pas comme information de base. Donc cela a répondu à ma question.

La présidente : Et la réponse est effectivement oui, si j'ai bien compris.

Le sénateur Carignan : En effet.

[Traduction]

Le sénateur Milne : Le sénateur Wallace cite des statistiques que nous n'avons pas. Pourrait-il nous les remettre pour que nous puissions tous les examiner?

Le sénateur Wallace : Si je les avais, je vous les donnerais. Ce sont des renseignements qui m'ont été donnés. Je peux essayer d'en trouver la source, mais je ne les ai pas avec moi.

La présidente : Lorsqu'on cite des statistiques, il est toujours utile que les membres du comité les possèdent.

Le sénateur Wallace : Je ne témoignais pas.

La présidente : Non, nous le savons.

Le sénateur Wallace : Je vais faire un suivi sur cette question.

La présidente : Si vous le pouvez, cela serait utile, car nous disposerions alors tous des mêmes renseignements.

Je vous remercie, madame Barr-Telford, madame Dauvergne et monsieur Grimes. Nous allons probablement vous inviter à revenir, parce que je soupçonne que la suite de l'étude de ce projet de loi va soulever des questions que nous aimerions vous poser.

Mme Barr-Telford : Merci.

La présidente : Nous sommes très heureux d'accueillir à nouveau M. Chaffe, président de l'Association canadienne des juristes de l'État.

Votre point de vue nous est particulièrement précieux, monsieur Chaffe, parce que votre association représente des personnes qui ont une perspective unique.

Jamie Chaffe, président, Association canadienne des juristes de l'État : L'Association canadienne des juristes de l'État, ACJE, se compose des associations de procureurs de la Couronne et de juristes et de notaires de l'État aux niveaux fédéral et provincial. Ces associations représentent les procureurs de première ligne de chaque province et du Service des poursuites pénales du Canada. Nous nous efforçons de défendre les intérêts des procureurs auprès de leurs ministères de la justice et du système juridique tout entier au niveau national. À ce titre, nous sommes ravis de l'occasion qui nous est donnée de témoigner au sujet du projet de loi C-15.

Je tiens à préciser que, lorsque l'ACJE fait des commentaires au sujet d'un projet de loi, elle le fait d'un point de vue apolitique et impartial. Vu la nature quasi judiciaire du rôle des procureurs de la Couronne dans le système de justice pénale, nous ne nous prononçons pas sur le point de savoir si un changement proposé est une bonne ou une mauvaise politique, mais nous cherchons à faire ressortir les conséquences probables qu'il aura pour le système sur le terrain, du point de vue d'un procureur de première ligne. Nous croyons fermement que cette perspective vous est essentielle au moment de modifier le droit pénal.

En prévision de ces commentaires, nous avons consulté les associations provinciales et nationales des procureurs de l'État sur les incidences concrètes probables du projet de loi C-15. Nous avons essayé d'analyser et de prévoir l'impact du projet de loi C-15 sur les aspects concrets suivants de la pratique canadienne des tribunaux pénaux canadiens. Je vais vous décrire brièvement les répercussions que nous entrevoyons.

Le projet de loi C-15 augmentera probablement la fréquence et la durée des enquêtes sur la mise en liberté provisoire — cautionnement — pour les personnes accusées d'infractions pour lesquelles le projet de loi inverse la charge de la preuve. Avec cette clause de renversement du fardeau de la preuve, il est probable que les procureurs de la Couronne et les poursuivants fédéraux seront plus réticents à accorder un cautionnement, ce qui multipliera le nombre des enquêtes sur cautionnement.

De loin, le principal effet de ce projet de loi, du point de vue de toutes les associations canadiennes, serait son effet sur les marchandages de plaidoyer et le nombre des procès. Le projet de loi C-15 crée de nouvelles peines de prison minimales pour les personnes accusées aux termes de la LDS. Les provinces et les territoires sont tous d'avis que ces peines minimales obligatoires auront pour effet de réduire le nombre des plaidoyers de culpabilité et d'augmenter le nombre des procès relatifs aux infractions visées par le projet de loi C-15.

Nous nous attendons également à ce que ce projet de loi alourdisse la charge de travail à l'étape de la détermination de la peine et, bien sûr, nous prévoyons qu'il occasionnera un surcroît de travail aux procureurs de première instance en appel quand la constitutionnalité des nouvelles dispositions sera contestée devant les tribunaux.

Comme les autres lois modifiant le Code criminel qui ont récemment créé des infractions, le projet de loi C-15 instaure des peines minimales obligatoires et de nouvelles procédures de désignation de délinquant dangereux, ce qui va faire augmenter sensiblement le nombre des procès et réduira celui des plaidoyers de culpabilité.

Dans les provinces et les territoires qui sont déjà engorgés et où il s'écoule passablement de temps entre la date de l'accusation et de la détention et celle du procès, le projet de loi C-15 risque de modifier les priorités en matière de détermination de la peine. Devant ces tribunaux surchargés, les procureurs de la Couronne et les juges d'avant procès seront peut-être amenés à offrir des allégements de peine ou la déjudiciarisation aux personnes accusées d'autres infractions pour faire face à l'augmentation de la charge de travail des tribunaux découlant des nouvelles dispositions.

Lorsque de telles pressions se feront sentir, les procureurs de la Couronne devront essayer de désengorger les tribunaux et y parviendront probablement en soustrayant les affaires concernant des infractions non violentes aux tribunaux de première instance, habituellement des affaires reliées à des infractions contre les biens, comme le vol, la fraude, la possession de biens volés, l'introduction par effraction, par exemple.

À moins d'une coûteuse expansion de l'infrastructure judiciaire et du nombre des procureurs, des tribunaux, des juges, des agents de libération conditionnelle et des agents correctionnels, ces nouvelles dispositions imposeront au système de justice pénale un surcroît de travail qui risque de compromettre les poursuites visant les autres infractions pénales.

À moins qu'une part importante du montant de 67,7 millions de dollars qui doit être affecté au Plan d'action en matière d'application de la loi ne serve à l'expansion précitée du système de justice pénale, le surcroît de travail occasionné par le projet de loi C-15 aura un impact sur les procureurs de première ligne, notamment ceux du Service des poursuites pénales du Canada, à qui échoient le plus grand nombre de ces accusations. Compte tenu du fait que la plupart des provinces et territoires canadiens ont décrété un gel d'embauche, officiel ou non, et ne remplacent pas régulièrement ou pas du tout, les procureurs partis à la retraite ou en congé, il serait encore plus essentiel aujourd'hui de disposer de ressources accrues.

Lorsque je parle de la capacité du système de justice pénale, je ne parle pas uniquement du fait qu'il faut disposer de suffisamment de procureurs de la Couronne pour s'occuper de toutes les accusations. Nous parlons également de l'expertise et de l'expérience de ces procureurs ainsi que de leur capacité.

Le Service des poursuites pénales du Canada prend en charge la majeure partie des infractions qui sont directement touchées par le projet de loi C-15, et je ne peux laisser passer les événements survenus la semaine dernière sans faire de commentaires. La question que le comité doit, tout comme moi, se poser est celle de savoir si nous aurons les moyens de conduire des poursuites dans les grandes affaires de drogue. Nous tenons pour acquis que l'intention du législateur et du gouvernement est bonne et que cette mesure est principalement axée — ce que nous espérons d'ailleurs — sur les affaires très importantes qui vont être portées devant les tribunaux des différentes régions du pays.

Les mesures qu'a prises le gouvernement fédéral la semaine dernière au sujet du Service des poursuites pénales appellent un commentaire au sujet de la question de la capacité. Le gouvernement a décidé de geler l'embauche des avocats de catégorie LA-2 jusqu'au 31 décembre 2009. Ce sont les poursuivants qui ont le plus d'expérience, ceux qui s'occuperaient des affaires de drogue importantes. Ceux qui ont été promus dans la catégorie des LA-2 à titre intérimaire demeureront dans leur poste jusqu'au 31 mars 2010. Il est présumé qu'à ce moment-là, ils retourneront dans la catégorie immédiatement inférieure, celle des LA-1.

Le but officiel de la mesure est d'augmenter le nombre des avocats LA-1 du Service des poursuites pénales, des avocats ayant moins d'expérience et recevant un salaire moins élevé, pour qu'ils représentent 60 p. 100 de l'ensemble des avocats. Cela ne sera possible qu'en réduisant le nombre des personnes qui font partie du service des poursuites et qui ont le plus d'expérience.

Il est également bon de dire qu'avant l'annonce de ces mesures, le Service des poursuites pénales du Canada connaissait déjà de graves problèmes de rétention pour ce qui est d'empêcher les avocats les plus brillants de chercher d'autres postes dans les milieux juridiques. Les événements de la semaine dernière vont entraîner une diminution importante du nombre de nos avocats les plus qualifiés, et nous perdrons ainsi l'expérience accumulée, leurs connaissances historiques ainsi que leurs capacités de jouer un rôle de mentor.

La présidente : Merci, monsieur Chaffe. Avant de prendre la liste, j'aimerais poser une question. Dans votre exposé, vous avez parlé de soustraire les affaires non violentes aux tribunaux de première instance. Est-ce que cela veut dire qu'il faudra s'abstenir de porter des accusations?

M. Chaffe : Non. Dans la plupart des provinces et territoires, nous recevons les accusations très tard. Cela veut dire que dans certaines provinces et territoires, nous nous chargeons d'approuver les accusations. Cependant, pour la majorité des régions du pays, il s'agirait plutôt d'avoir recours au marchandage de plaidoyer pour les infractions non violentes, de façon à libérer les tribunaux de première instance pour les autres affaires.

Le sénateur Nolin : Bonjour, monsieur Chaffe.

Essayons de bien comprendre le témoignage que nous a fourni, hier soir, M. St. Denis, du ministère de la Justice. C'est l'expert en drogues du ministère.

La culture de six plantes à des fins de trafic déclencherait une peine minimale de six mois. Cela se trouve dans le projet de loi, en haut de la page 4, le nouveau sous-alinéa (i) du paragraphe 3(1).

Aux fins de notre discussion, imaginons que des policiers découvrent six plantes dans la chambre d'un étudiant de l'Université d'Ottawa et que la perquisition est légale. Je sais que l'on parle de « résidence », mais laissons de côté la question de la légalité de la saisie. Il s'agit de six plantes de cannabis. Au cours de l'enquête, vous découvrez des preuves qui vous convainquent que l'étudiant donne ce cannabis à ses amis et que ce n'est pas seulement pour lui. Que feriez-vous face à une telle situation?

M. Chaffe : C'est une question personnelle.

Le sénateur Nolin : Non, non. Je veux faire appel à votre expertise.

M. Chaffe : Il y a une disposition de l'article 8 de la LDS qui oblige la Couronne à donner un avis si elle entend demander la peine minimale. J'essaie d'expliquer que le poursuivant a le pouvoir discrétionnaire de prendre d'autres mesures que de demander que soit imposée la peine minimale obligatoire. Vous ne m'avez pas donné beaucoup de faits, je vais donc en profiter pour formuler ma réponse.

Le devoir du procureur de la Couronne et du poursuivant fédéral est de veiller à ce que justice soit faite — c'est notre devoir principal, notre devoir constitutionnel — et de faire respecter la suprématie de la loi. Il semble que le nouvel article 8 proposé par l'article 4 du projet de loi accorde un certain pouvoir discrétionnaire de sorte que nous ne serions pas obligés de déposer un tel avis. Cela s'est déjà produit. Nous avons déjà une longue expérience de ce genre de chose au sujet des infractions de conduite avec facultés affaiblies et des peines minimales obligatoires.

Je ne dirai pas ce que je ferais ou ce que ferait un autre procureur de la Couronne, mais il serait conforme à l'intention du projet de loi, tel qu'il se lit, de demander une peine de six mois. Si une telle peine entraînait une injustice, alors nous pensons que le nouvel article 8 nous donnerait le pouvoir discrétionnaire de ne pas fournir cet avis.

Le sénateur Nolin : Vous baseriez-vous sur votre interprétation du nouvel article 8, qui se trouve à la page 5, et à l'article 4 du projet de loi? Auriez-vous recours à ce nouvel article 8 de la LDS? Quelle serait la limite? Est-ce bien là le chiffre? Est-ce bien là l'intention?

M. Chaffe : Non.

Le sénateur Nolin : Supposons qu'il s'agisse d'une personne qui cultive le cannabis, et que vous avez toutes les preuves. Elle produit un certain type de cannabis organique et son seul client est un club de compassion de Vancouver, ou un autre. Nous parlons de 500 plantes. Feriez-vous la même chose?

M. Chaffe : Vous me placez en terrain dangereux, sénateur.

Le sénateur Nolin : Vous savez que vous êtes protégé par un privilège ici.

M. Chaffe : Je me sens tout à fait protégé, monsieur.

J'ai eu le temps de réfléchir un peu et j'ai trouvé une réponse qui est encore meilleure. Sur le plan pratique, les poursuivants fédéraux se basent sur les politiques qu'adoptent leurs directeurs des poursuites pénales et les procureurs généraux. Je vais prendre comme exemple les politiques applicables aux peines minimales obligatoires pour les cas de conduite avec facultés affaiblies.

En Ontario, il existe une politique selon laquelle les infractions de conduite avec facultés affaiblies qui sont commises plus de cinq ans après une première infraction du même genre ne donnent pas normalement lieu à la signification d'un avis indiquant que le procureur demande la peine minimale obligatoire.

Les sénateurs savent-ils que dans le cas des infractions de conduite avec facultés affaiblies, nous pouvons, conformément à la politique et au droit, demander une peine minimale obligatoire pour les infractions subséquentes commises à l'intérieur d'une période de cinq ans?

Le sénateur Nolin : Oui.

M. Chaffe : Concrètement, la réponse à votre question dépend de la façon dont le procureur général de la province et le directeur des poursuites fédérales vont formuler les directives destinées à leurs agents de première ligne au sujet du projet de loi et du recours à l'avis. Je ne sais pas si cela a déjà été envisagé.

C'est une bien meilleure réponse que de me demander ce que je ferais dans des circonstances données. C'était une excellente question. J'ai eu un peu chaud.

Le sénateur Baker : J'aimerais poursuivre sur cette question, mais avant de le faire, je dois dire que je suis étonné d'entendre que le gouvernement fédéral a décidé hier d'imposer un gel, pour jouer avec les procureurs de la Couronne du Canada, et que nous allons nous retrouver avec des personnes ayant moins d'expérience. Avez-vous d'autres commentaires à faire à ce sujet? Je sais que vous vous trouvez dans une position délicate, mais pour la plupart d'entre nous, c'est une surprise totale.

M. Chaffe : Cela ne s'applique pas uniquement aux poursuivants fédéraux. Je crois que cette mesure s'applique à tous les fonctionnaires du ministère de la Justice. Cette mesure est donc un peu plus large.

Le sénateur Baker : Je vois.

M. Chaffe : Je crois que l'annonce a été faite la semaine dernière, pour être précis.

Nous ne sommes pas venus devant le Sénat pour critiquer un projet de loi particulier. Ce n'est pas ce que nous faisons. Ce n'est pas notre rôle. Nous voulons parler des conséquences concrètes d'une telle mesure. Cela fait longtemps, et là je ne parle pas de ce gouvernement, ni du gouvernement précédent, ni de celui qui l'a précédé, que l'on rédige des dispositions de droit pénal sans tenir compte des conséquences concrètes des modifications. Nous voulons parler ici d'une loi qui va alourdir la charge de travail et nous disons qu'il faut nous donner les moyens de l'assumer. Si le gouvernement ne prévoit pas des ressources supplémentaires, il va falloir redéployer les ressources du système de justice pénale pour poursuivre ces infractions, à l'exclusion des autres. C'est ici un aspect qui me paraît très important de discuter et d'examiner lorsqu'on adopte des dispositions de droit pénal.

Du point de vue de l'Association canadienne des juristes de l'État, une association qui regroupe tous les poursuivants provinciaux de l'ensemble du pays, cela place le Service des poursuites pénales du Canada dans une situation dangereuse. À un certain moment, cela va avoir un effet sur la sécurité publique et il faut conserver les meilleurs avocats et les plus brillants pour qu'ils conduisent les poursuites relatives à ces infractions très graves. Le Service des poursuites pénales du Canada a déjà du mal à conserver ces personnes et cela rendra les choses encore plus difficiles. Nous connaissons déjà des problèmes de conservation de personnel.

La capacité est un élément important lorsqu'on adopte de nouvelles dispositions pénales. Je ne voudrais pas que quelqu'un pense qu'il s'agit là d'une attaque partisane. Je parle du fonctionnement du système et de ce qui se fait concrètement.

La présidente : Je pense que vous avez indiqué que les gouvernements successifs nous ont amenés dans cette voie.

M. Chaffe : Ce n'est pas une tendance nouvelle.

La présidente : Je tiens à souligner que le comité n'estime pas qu'une déclaration au sujet des politiques des gouvernements successifs est une déclaration partisane.

M. Chaffe : Très bien.

Le sénateur Baker : Bien entendu, c'est un élément important de l'examen de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Pensez-vous que ceci va occasionner des litiges très complexes qui vont durer pendant des années, dans certains cas, avec la présentation de nombreuses questions préalables, et l'examen de sujets complexes reliés à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances? Voilà ma première question.

Je vais poser tout de suite ma deuxième question. Il y a deux parties du projet de loi qui font appel au pouvoir discrétionnaire de la Couronne. La première est celle qui permet à l'accusé d'échapper à une peine minimale et de participer à un programme judiciaire de traitement de la toxicomanie; la seconde est celle à laquelle vous avez fait référence, le nouvel article 8. Ces deux dispositions accordent un pouvoir discrétionnaire au poursuivant, n'est-ce pas?

M. Chaffe : Pour ce qui est de la première partie de la question, je dirais, sénateur, que ce genre de questions risque de soulever de nombreuses contestations fondées sur la Charte. Les infractions graves reliées aux drogues sont punissables par des peines graves. Elles attirent des avocats de la défense très compétents. Ce sont des poursuites et des défenses très intenses et très exigeantes sur le plan de la préparation. C'est un domaine qui exige que toutes les parties, y compris le tribunal, y consacrent beaucoup de temps. Cela est tout à fait vrai.

Je souscris à votre interprétation du pouvoir discrétionnaire qui est accordé dans deux domaines — le premier étant le dépôt de l'avis et le second, la participation à un programme de traitement de la toxicomanie.

Le sénateur Baker : Cela m'amène à ma question principale. Vous travaillez dans la province de l'Ontario; n'est-ce pas?

M. Chaffe : Oui.

Le sénateur Baker : Connaissez-vous les décisions récentes dans lesquelles les juges ont déclaré que le fait d'accorder au poursuivant le pouvoir discrétionnaire de fixer la peine minimale est contraire à la Charte et constitue une violation de l'article 7 de la Charte? Êtes-vous au courant de l'existence de certaines de ces affaires?

M. Chaffe : Je connais ces affaires.

Le sénateur Baker : Permettez-moi alors de vous poser une question. J'ai vu cet aspect traité pour la première fois dans une affaire intitulée R. c. Singh 2008, Carswell, Ontario, 7644, dans laquelle on peut lire la phrase suivante :

« [...] le fait d'accorder à la Couronne le pouvoir discrétionnaire de demander une peine minimale va à l'encontre de la justice fondamentale. »

Dans R. c. Gill (2008), Carswell, Ontario, 6139, on trouve cette phrase au paragraphe 40 :

Je souscris à la conclusion à laquelle en est arrivée la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans Kumar selon laquelle un régime des peines dans lequel la peine minimale est uniquement imposée lorsque le poursuivant décide qu'elle le soit, entraînerait une privation de liberté selon une procédure qui va à l'encontre de l'article 7 de la Charte.

Cela vient de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique.

Le paragraphe 41 énonce :

Je souscris également au jugement du juge Knazan, dans R. c. King [...] dans lequel il écrit :

J'estime que de confier au juge le soin de fixer la peine est un principe de justice fondamentale. Le législateur peut prévoir un éventail de peines, y compris un minimum, mais il ne peut fixer un minimum qui s'applique selon la décision discrétionnaire du poursuivant, décision qui n'est pas assujettie au pouvoir de contrôle des tribunaux.

Il me semble qu'il ressort de ces jugements récents que l'ensemble du projet de loi va à l'encontre du droit, parce qu'il vous donne le pouvoir discrétionnaire de demander une peine minimale. Supprimez tout le superflu et vous verrez que c'est ce qu'ils disent.

Avez-vous des commentaires à ce sujet?

M. Chaffe : Vous me donnez chaud.

Les deux affaires ontariennes que vous avez mentionnées ont été portées en appel devant la Cour d'appel de l'Ontario. C'est une question qui est d'actualité dans l'ensemble du pays. La Cour suprême du Canada n'a pas encore eu l'occasion de se prononcer sur ce sujet. J'hésite à faire des commentaires sur les deux jugements de la Cour provinciale de l'Ontario et sur la décision singulière prononcée dans l'affaire Kumar. J'ai lu le jugement. La question en litige était de savoir si le pouvoir discrétionnaire du procureur de la Couronne de signifier un avis de demande de peine minimale était une des fonctions essentielles du poursuivant.

Le sénateur Baker : Oui.

M. Chaffe : À ce titre, s'il s'agit bien d'une fonction essentielle du poursuivant, cela pourrait être justifié. Dans le cas contraire, la question est de savoir si cette décision peut être révisée par un tribunal et si la Couronne doit la motiver.

Le sénateur Baker : L'abus de procédure serait la seule façon.

M. Chaffe : Ce serait la seule façon d'y parvenir.

Pendant toute ma carrière, j'ai signifié des avis au sujet des peines minimales, lorsque cela me paraissait approprié dans les affaires de conduite avec facultés affaiblies. Je ne peux en fait faire de commentaires tant que cette question n'aura pas été tranchée par les tribunaux supérieurs ou par le tribunal suprême. Il me semble toutefois que cela constitue une pratique acceptable qui est conforme au droit et qui est appliquée dans l'ensemble du pays.

La présidente : Le sénateur Nolin veut poser une question supplémentaire. Serait-il bon de lui demander de le faire maintenant?

Le sénateur Baker : Le seul autre aspect que j'allais mentionner était de savoir si le gouvernement avait déclaré que cette peine minimale était obligatoire.

Le sénateur Nolin : C'est exactement ce que j'allais dire. Autrement, il n'y a pas de pouvoir discrétionnaire. Je comprends la façon dont vous pensez utiliser l'article 8.

M. Chaffe : Oui.

Le sénateur Nolin : Je reviendrai sur ce point au cours du second tour. Avez-vous vraiment le choix? C'est la vraie question. Voulez-vous prendre quelques minutes et donner votre réponse pendant le second tour?

Le sénateur Baker : Il a déjà déclaré pour le compte rendu qu'à son avis, il possédait ce pouvoir discrétionnaire.

Le sénateur Nolin : Nous allons étudier l'article 8 proposé pour savoir exactement comment il peut l'utiliser.

La présidente : Je vous rappelle, monsieur Chaffe, qu'en plus des sujets que nous abordons au cours des deuxièmes tours, vous pouvez toujours compléter votre témoignage en nous écrivant. Pour les sénateurs qui s'intéressent à ces aspects, je dirais qu'une telle lettre serait placée dans une annexe au dossier.

M. Chaffe : Je ne suis pas sûr que j'aie le pouvoir de vous fournir une réponse. Je vous ai donné mon sentiment personnel au sujet de la portée de l'article 8. La réalité qui s'impose à tous les poursuivants du pays est que, lorsque les directeurs des poursuites pénales et les procureurs généraux prennent position sur la façon d'utiliser cet article, ils doivent s'y conformer. Mon opinion n'a aucune importance sur ce point. Je serais heureux d'en discuter, mais cela ne vous aidera peut-être pas beaucoup.

Le sénateur Nolin : Je veux être sûr que nous comprenons tous cet aspect; ce n'est pas seulement vous, mais celui qui agit en qualité de poursuivant; vous faites partie d'un groupe de personnes que l'on appelle le pouvoir discrétionnaire des poursuivants. Le pouvoir discrétionnaire pourrait être le ministre qui enverrait une note de service à tous les intervenants du système judiciaire dans sa province. Cela constitue aussi un pouvoir discrétionnaire. Ce pourrait être le ministre provincial.

Le sénateur Baker : Pourrais-je préciser quelque chose?

La présidente : Nous sommes limités par le temps. Cette discussion est vraiment fascinante, mais nous allons de question supplémentaire en question supplémentaire.

Le sénateur Baker : C'est pourtant l'aspect essentiel.

La présidente : Sénateur Baker, poursuivez vos questions sur ce point pendant une autre minute.

Le sénateur Baker : C'est certainement l'aspect essentiel du projet de loi. Le témoin est-il prêt à admettre que ces dispositions ressemblent au régime de l'article 255 du Code criminel, la conduite avec facultés affaiblies, et au pouvoir accordé au procureur de la Couronne? C'est vous qui décidez si vous allez transmettre un avis. C'est exactement la formulation que l'on retrouve ici. La disposition contient les mots « le procureur général ».

Monsieur Chaffe, pensez-vous qu'il soit possible d'interpréter autrement ces dispositions que de dire qu'elles sont comparables et que chaque province va préparer un guide à l'intention des procureurs de la Couronne qui prévoira, comme vous l'avez mentionné, cinq ans ou la durée prévue? Ce guide contiendra des directives sur la façon normale d'exercer votre pouvoir discrétionnaire sans toutefois vous obliger à l'exercer d'une certaine façon. Admettez-vous que le résultat de l'application de ces dispositions entraînera, en fait, une violation de l'article 7?

M. Chaffe : Si les trois décisions que vous avez citées sont suivies dans l'ensemble du pays et confirmées par la Cour suprême du Canada, alors je dirais que vous avez raison pour ce qui est de la dernière partie de votre intervention. Concrètement, c'est comme cela que je comprends ce projet de loi. Je ne pense pas pouvoir aller plus loin. J'ai déjà été bien au-delà des commentaires que m'ont transmis les diverses associations provinciales et les poursuivants fédéraux. À mon avis, ce projet de loi ressemble aux dispositions relatives à la conduite avec facultés affaiblies. Je ne peux pas vous en dire davantage.

Le sénateur Baker : Merci.

Le sénateur Milne : Vous serez ravis d'apprendre que je demande simplement une précision.

Monsieur Chaffe, vous avez affirmé que le projet de loi C-15 aurait probablement pour effet d'augmenter la fréquence et la durée des enquêtes sur cautionnement ou de mise en liberté provisoire pour les accusés qui font face à des accusations pour lesquelles le projet de loi C-15 renverse le fardeau de la preuve.

M. Chaffe : Oui.

Le sénateur Milne : Lorsque vous parlez de « renversement du fardeau de la preuve », parlez-vous des peines minimales obligatoires?

M. Chaffe : Non.

Le sénateur Milne : À quoi faites-vous alors référence dans ce projet de loi?

M. Chaffe : La disposition relative au renversement du fardeau de la preuve précise la partie qui doit établir les éléments pertinents dans une enquête sur cautionnement. Si c'est la Couronne qui a le fardeau, c'est elle qui doit établir les trois motifs démontrant qu'il y a lieu de détenir l'accusé. Si c'est une clause de renversement du fardeau de la preuve, c'est à l'accusé d'établir pourquoi il devrait être libéré.

Le sénateur Milne : Où cela se trouve-t-il dans le projet de loi?

M. Chaffe : Je peux vous aider sur ce point. Je suis sûr que d'autres sénateurs y arriveront plus vite que moi. Cela figure à l'article 10. Cette disposition modifie l'alinéa 515(6)d) du Code criminel, qui est l'article qui prévoit le renversement du fardeau de la preuve en matière de mise en liberté provisoire par voie judiciaire.

Le sénateur Milne : J'examine les articles 1 et 2.

M. Chaffe : C'est à la page 8.

Le sénateur Milne : Habituellement, je ne vais pas au-delà.

M. Chaffe : Cela se trouve dans le code que je n'ai pas avec moi.

Le sénateur Baker : Votre citation était exacte.

La présidente : Cela figure à l'article 10 de la page 8 du projet de loi.

Le sénateur Milne : Merci.

Le sénateur Campbell : Monsieur Chaffe, vous êtes vraiment un des hommes les plus courageux que j'ai rencontré.

M. Chaffe : Vous devriez élargir le cercle de vos connaissances, monsieur.

Le sénateur Campbell : Vous êtes manifestement conscient des limites du Sénat.

Ma première question est la suivante : Votre organisme a-t-il été invité à témoigner devant le comité de la Chambre des communes au sujet du projet de loi C-15?

M. Chaffe : Non.

Le sénateur Campbell : Avez-vous offert vos services?

M. Chaffe : Non.

Le sénateur Campbell : Ce qui m'inquiète le plus, c'est une de vos déclarations au sujet des pressions que vous subissez. J'ai constaté que, depuis 1969, peut être pas la majorité, mais une bonne partie des meilleurs éléments du service des poursuites ont quitté la fonction publique. La plupart des gens disent que c'est pour des raisons financières, mais je sais que ce n'est pas le cas. Je sais que cela vient des pressions qui s'exercent sur ces personnes avec des projets de loi comme le projet de loi C-25 et la série des projets de loi qui vont être présentés plus tard, il est impossible de pratiquer la profession comme elle devrait l'être.

Je m'inquiète aussi du fait qu'il n'y a pas seulement le service des poursuites qui subit des pressions, mais également certains services gouvernementaux. Le comité peut-il faire quelque chose pour que l'adoption de ces projets de loi, dont certains sont d'un grand intérêt, en partie au moins, ne vienne pas surcharger les procureurs de la Couronne? Pouvons- nous faire quelque chose pour veiller à ce que vous receviez les ressources dont vous avez besoin? J'imagine qu'un ministre pourrait comparaître devant le comité et affirmer que nos prisons ne sont pas surpeuplées, à quoi je répondrai « Foutaise ».

Comment pouvons-nous vous aider à agir en notre nom pour faire respecter la loi?

M. Chaffe : Il serait utile de préciser que le système de justice pénale est un système holistique. Lorsqu'on change une de ses parties, cela influence toutes les autres parties, en particulier lorsqu'on change le régime des peines et introduit de nouvelles dispositions pénales. Ce genre de modification crée de graves problèmes de charge de travail pour tous les éléments du système de justice pénale. Sachant cela, vous pourriez en tenir compte au moment de la rédaction des projets de loi pour faire en sorte qu'il y ait des ressources pour appuyer les nouvelles dispositions législatives ou les modifications du Code criminel, de la LDS ou d'autres dispositions pénales. Je ne peux, bien sûr, dire que je sais comment vous effectuer votre travail, mais la première étape de l'objectif de notre organisation est de vous sensibiliser à tous ces aspects.

J'ai énormément de respect pour le ministre Nicholson. Les ministres de la Justice prennent leur travail très au sérieux et s'occupent des questions de sécurité publique. S'ils ne savent pas vraiment comment les modifications ont des répercussions sur l'ensemble du système, ils ne pourront pas concrétiser leurs bonnes intentions. Notre objectif consiste à faire en sorte que le Parlement et le gouvernement fédéral soient sensibilisés à cette réalité.

Cela fait trop longtemps que la justice pénale et l'administration de la justice ne sont plus des priorités financières pour les gouvernements fédéral et provinciaux. Nous sommes à la limite ou au-delà de la surcharge de travail et si l'on demande davantage à ces structures, il sera impossible d'obtenir de bons résultats. Il faut que le Parlement, le gouvernement fédéral et tous les gouvernements provinciaux soient sensibilisés à cet aspect. Nous savons que vous êtes de bonne foi et que vous voulez que ces mesures législatives soient efficaces. Je ne peux pas vous expliquer comment il faudrait le faire, sénateur. Je sais tout simplement que cela aura un effet.

Le sénateur Campbell : Lorsque le gouvernement prépare des projets de loi concernant le Code criminel, est-ce que l'ACJE est régulièrement consultée?

M. Chaffe : Non.

Le sénateur Campbell : Je ne vais pas vous placer dans une situation encore plus délicate. J'estime que vous êtes un des meilleurs et je suis heureux que vous ayez témoigné aujourd'hui.

Le sénateur Baker : Bravo, bravo!

M. Chaffe : Vous me mettez en danger, sénateur.

Le sénateur Campbell : J'ai toujours un poste à combler dans mon bureau.

Le sénateur Milne : Pas au même traitement.

Le sénateur Wallace : Monsieur Chaffe, comme vous le savez très bien, le projet de loi C-15 vise principalement la production, le trafic, l'exportation et l'importation de drogues illicites. Il s'attache en particulier à la façon dont ces crimes sont traités. D'après votre expérience pratique de poursuivant de la Couronne, pouvez-vous parler au comité des tendances ou de ce que vous avez connu avec les poursuites concernant ces infractions et le crime organisé? La situation est-elle grave? Devient-elle de plus en plus grave? Vous oblige-t-elle à consacrer davantage de temps à ces aspects?

M. Chaffe : Je vais vous parler personnellement, sénateur, parce que je ne suis pas sûr de pouvoir vous répondre au nom de mon association. Il est évident que l'Association canadienne des juristes de l'État estime qu'il s'agit là d'un problème grave et nous voulons avoir les moyens de lutter contre ce phénomène. Je ne vais pas parler de mes expériences personnelles, mais je serai tout à fait disposé à vous en parler en privé. L'ACJE ne m'a pas envoyé ici pour que je vous parle de mes exploits guerriers, je vous prie de m'en excuser.

Le sénateur Wallace : Très bien. J'ai compris de ce que vous avez dit que l'ACJE estime que le crime organisé joue un grand rôle dans le commerce des drogues. Vous avez également très clairement indiqué que si vous voulez faire votre travail de la façon dont les Canadiens le souhaitent, vous avez besoin de ressources. C'est à ça que tout cela revient, ce qui me paraît logique.

M. Chaffe : Très bien.

La présidente : Nous essayions également, il y a un instant, d'aborder cet aspect avec Statistique Canada. Nous comprenons qu'il soit difficile d'obtenir des renseignements concrets et des faits précis au sujet des tendances et de l'implication du crime organisé. La prochaine fois que vous consulterez vos membres, vous pourriez peut-être leur demander s'ils estiment que le crime organisé prend de l'ampleur ou est stable. Comprenez-vous ce que nous cherchons à savoir?

M. Chaffe : Oui.

La présidente : Il faudrait que nous sachions si le problème est en train de s'aggraver.

Ma question supplémentaire concerne la nature des activités du crime organisé. Le sénateur Wallace a cité un chiffre intéressant, que nous avons, je crois, également vu ailleurs, selon lequel il existerait au Canada quelque 900 organisations criminelles, dont certaines sont assez petites. Il y en a dans le comté d'East Upperton, si cette place existe vraiment, où l'on trouve une douzaine de personnes qui sont très bien organisées et qui terrorisent peut-être les villages avoisinants. Ce n'est toutefois pas une grande organisation, alors que nous savons que le crime organisé exerce non seulement des activités internationales, mais aussi intercontinentales et transocéaniques.

C'est pourquoi j'aimerais savoir de quoi il s'agit exactement ici? Comprenez-vous? Je ne vous demande pas d'abuser du temps précieux que vos collègues consacrent à leur travail pour obtenir des chiffres précis. Cependant, étant donné que vous faites partie des hommes de première ligne qui jouent un rôle essentiel, même des commentaires impressionnistes de la part de vos membres pourraient nous intéresser et nous être utile pour la suite de notre étude.

M. Chaffe : Je serais heureux de le faire. Les procureurs de la Couronne vivent dans la collectivité, mais nous voyons devant les tribunaux les affaires que la police nous présente.

La présidente : Bien sûr, et c'est ce dont traite ce projet de loi.

M. Chaffe : Lorsqu'un arbre tombe dans la forêt et qu'il n'y a personne — il est facile de répondre à cette question philosophique pour un procureur de la Couronne : non, l'arbre n'est pas tombé.

Nous sommes probablement mal placés pour vous fournir autre chose que des éléments impressionnistes et anecdotiques sur ce sujet.

La présidente : Je le comprends.

M. Chaffe : Nous avons discerné des tendances, et je peux, bien sûr, interroger nos membres à ce sujet.

La présidente : Voilà qui serait aimable et utile. Je vous remercie. Excusez-moi de vous avoir interrompu.

Le sénateur Wallace : Très bien.

Le sénateur Joyal : Monsieur Chaffe, j'aimerais revenir à votre exposé, en particulier à votre mise en garde; vous avez dit que, lorsqu'il s'agit du système de justice, nous devrions adopter une approche holistique. J'ai lu votre conclusion qui suit votre évaluation du projet de loi C-15, et votre première remarque s'intitule « Fréquence et durée des enquêtes sur cautionnement ».

M. Chaffe : Oui.

Le sénateur Joyal : Lorsque vous avez témoigné devant nous, il y a deux semaines, au sujet du projet de loi C-25, vous avez décrit, en vous fondant sur votre expérience, l'effet qu'auraient les modifications du régime de détermination de la peine du projet de loi C-25 pour les enquêtes sur cautionnement. Pour reprendre une expression qui a été utilisée à ce moment-là — je crois que c'était le sénateur Milne qui l'a utilisée — cela aurait tendance à engorger les tribunaux.

Vous revenez aujourd'hui et affirmez que ce projet de loi « [...] augmenterait probablement la fréquence et la durée des enquêtes sur cautionnement de ceux qui sont accusés des infractions [...] ».

Si j'ai bien compris votre déclaration d'aujourd'hui, il semble que nous allons exercer des pressions supplémentaires sur les enquêtes sur cautionnement. Est-ce bien exact, d'après ce que vous avez dit aujourd'hui, et ce que vous avez dit auparavant au sujet du projet de loi que nous étudiions à ce moment-là?

M. Chaffe : Oui. Cependant, si je replace les choses dans leur contexte, je dois dire que la modification, pour ce qui est de cette série de renversements du fardeau de la preuve, aura beaucoup moins d'impact, parce qu'elle ne vise que certaines infractions. Les dispositions de renversement du fardeau de la preuve ont un effet très limité. La modification de la règle du deux pour un risque par contre de se faire sentir sur toutes les enquêtes sur cautionnement.

Pour répondre à votre question, cela aura un effet, mais pas autant que le projet de loi C-25. Je ne peux pas être plus précis. C'est tout simplement ce à quoi nous nous attendrions si nous nous trouvions devant le tribunal des enquêtes sur cautionnement et qu'il s'agissait d'une affaire visée par la nouvelle disposition. Les répercussions du projet de loi C- 25 sont beaucoup plus vastes.

Le sénateur Joyal : Passons à votre seconde conclusion, que vous présentez sous le titre « Impact sur les négociations de plaidoyer et le taux de judiciarisation ».

Vous concluez :

Toutes les juridictions sont d'avis que les peines minimales obligatoires ont pour effet de réduire le nombre de plaidoyers de culpabilité et d'augmenter le taux de judiciarisation des infractions visées par le C-15.

J'en conclus que cela aura un effet sur la détention préventive. En diminuant le nombre de plaidoyers de culpabilité, les personnes qui font l'objet d'un renvoi à procès vont demeurer en détention plus longtemps parce qu'elles vont subir un procès. Nous savons tous qu'il y aura des procès et que les procédures sont lourdes et le reste.

Serait-ce là une des répercussions du projet de loi tel qu'il est rédigé?

M. Chaffe : C'est une conclusion raisonnable.

Le sénateur Joyal : Je vais passer à la conclusion suivante. Vous dites : « [...] nous prévoyons qu'il occasionnera un surcroît de travail aux procureurs en première instance et en appel quand la constitutionnalité des nouvelles dispositions sera contestée devant les tribunaux. »

Quelle est la partie du projet de loi dont la constitutionnalité risque d'être contestée?

M. Chaffe : Je pense que vous avez déjà entendu des discussions au sujet de certaines parties de ce projet de loi. Je pense que ce sont les avocats de la défense qui vont contester la constitutionnalité du projet de loi. J'ai pu lire les commentaires de l'ABCO, ainsi que ceux de l'Association canadienne des libertés civiles, au sujet du projet de loi C-15.

Il s'agit là d'attaques constitutionnelles que je qualifierais d'habituelles. Nous en avons déjà connues qui portaient sur des mesures législatives semblables. Je n'ai fait que reproduire ce qui se trouvait dans leurs études. Je pense qu'elles constituent un bon guide. Ces organisations ont demandé à leurs membres ce qu'ils feraient si ce projet de loi était adopté. Leurs commentaires sont, d'après moi, assez justes, lorsqu'ils précisent la nature des contestations juridiques qui pourraient surgir.

Je ne vais pas revenir sur ces aspects, parce que ma mémoire n'est pas très bonne. Je peux toutefois vous dire que celles auxquelles je faisais référence dans notre document étaient celles que proposaient l'ABCO et l'ACLC, si cela peut vous aider.

Le sénateur Joyal : Nous aurons, bien entendu, la possibilité d'entendre ces témoins.

Il y a alors une conclusion qui me paraît plus problématique, qui se trouve au quatrième paragraphe.

Sous de telles pressions, les procureurs de la Couronne devront désengorger le tribunal probablement en faisant le triage des infractions sans violence, le plus souvent des infractions contre les biens.

Vous mentionnez alors le vol, la fraude, l'introduction par effraction et d'autres.

Autrement dit, ce projet de loi aura des conséquences imprévues dans la mesure où les accusations portées contre les prévenus seront traitées différemment, parce qu'il faudra accorder la priorité à d'autres affaires plus importantes. Il n'est pas possible de conclure que la justice sera rendue normalement si cette capacité demeure ce qu'elle était avant l'adoption du projet de loi.

M. Chaffe : Uniquement si le nouveau projet de loi ne donne pas lieu à l'attribution de ressources supplémentaires. Nous ne travaillons pas dans un système ouvert. Nous ne sommes pas dans le monde économique d'Adam Smith; notre système est fermé et fini.

Si vous concentrez des ressources sur un aspect du Code criminel ou des lois fédérales, il faut bien que cette capacité vienne de quelque part. Vous ne pouvez pas la créer à partir de rien. L'ACJE affirme que l'infrastructure canadienne est utilisée à la limite ou est même surchargée. Il faudra donc prévoir des ressources supplémentaires. C'est la conclusion logique, sénateur. Nous allons être obligés de désengorger les tribunaux en traitant différemment ces autres types d'accusations.

Le sénateur Joyal : Disposez-vous d'éléments indiquant que l'on va vous fournir des moyens supplémentaires?

M. Chaffe : C'est en fait le contraire.

Le sénateur Joyal : Les conséquences indirectes du projet de loi que vous décrivez pourraient fort bien se produire, n'est-ce pas?

M. Chaffe : Oui. C'est notre prévision, en nous fondant sur notre expérience de poursuivants de première ligne.

[Français]

Le sénateur Carignan : Est-ce que vous avez des statistiques sur le nombre de procureurs de la Couronne et le nombre de dossiers traités par les procureurs de la Couronne au cours des années? Est-ce que cela existe comme type de statistiques?

[Traduction]

M. Chaffe : Chaque province et chaque poursuivant fédéral enregistrent ces statistiques de façon légèrement différente. Il est très difficile de comparer les chiffres d'une province à l'autre.

Par exemple, il peut arriver qu'une province base ses statistiques sur les causes, ce qui peut comprendre des accusations multiples; d'autres provinces établissent leurs statistiques d'après le nombre des accusations et ne tiennent pas compte du fait que celles-ci sont peut-être toutes regroupées dans une seule cause. Il existe au Canada différentes séries de statistiques qui sont difficiles à comparer.

Ce dont nous sommes sûrs — et c'est peut-être l'essentiel — c'est que nous avons beaucoup d'expérience sur le genre de préparation que nécessiteront différents types de causes. Le guide à l'intention des procureurs de la Couronne expose les pratiques que nous devons suivre pour exécuter les obligations que nous avons à titre de procureurs de la Couronne.

Nous savons quelles sont les charges de travail. Il serait utile de disposer d'une série de statistiques que nous pourrions comparer. Nous n'en avons pas.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je comprends que vous n'avez pas les statistiques par provinces, par procureurs de la Couronne, le « case load »?

[Traduction]

M. Chaffe : Je connais une province qui enregistre peut-être le nombre des causes entendues par chaque poursuivant. En Ontario, nous ne le faisons pas; nous avons le nombre de toutes les accusations qui sont entendues par les tribunaux et nous savons combien il y a de poursuivants dans chacune des provinces. C'est là la difficulté.

Lorsque l'on parle de charge de travail, l'aspect le plus important à examiner est l'ensemble des accusations portées par les services de police pour un bureau particulier des procureurs de la Couronne. Si je m'occupais uniquement de meurtres au premier degré, j'en ferais peut-être deux par an, en plus d'un certain nombre d'enquêtes préliminaires; mais le chiffre correspondant à mes activités à la fin de l'année serait peut-être de six causes. Si j'étais un jeune poursuivant, je devrais peut-être m'occuper de 700 à 1 200 accusations par an.

C'est le nombre des accusations par province qui détermine la charge de travail. C'est une analyse pour laquelle il faut avoir beaucoup d'expérience et de doigté pour savoir quelles sont les causes onéreuses et celles qui ne le sont pas.

Par exemple, les affaires de conduite avec facultés affaiblies et de trafic de drogue sont des affaires où l'on invoque souvent la Charte. Les procureurs qui s'en occupent n'ont pas à conduire un grand nombre de poursuites de ce genre, mais il leur faut beaucoup de temps pour s'en occuper à cause de toutes les demandes qui sont présentées à leur sujet. D'autres types d'affaires n'exigent pas autant de travail.

À notre avis, il ne sert pas à grand-chose d'examiner uniquement les chiffres. Si vous voulez vous faire une idée des charges de travail, il faut procéder à une analyse beaucoup plus fine.

[Français]

La présidente : On pourrait peut-être demander à Statistique Canada de fournir des données dans les limites du possible à ce sujet.

Le sénateur Carignan : Oui, c'est ce que je pensais.

[Traduction]

M. Chaffe : Je crois que nous avons vu des séries de chiffres de Statistique Canada concernant les accusations et la population. C'est peut-être un aspect que vous pourriez examiner en fonction du nombre de poursuivants.

Je pense que ces chiffres existent, mais je dirais au comité qu'il est peut-être difficile de savoir ce qu'ils veulent dire sans procéder à une analyse assez fine.

[Français]

Le sénateur Carignan : En parlant d'analyse sensible et réfléchie, les éléments sur les facteurs aggravants dont on va tenir compte pour demander une peine minimale sont des éléments comme, je les liste ici, pour le bénéfice du crime organisé, avec violence ou menace de recours à la violence, avec l'aide d'une arme ou avec menace de recourir à une arme, que ce soit fait relativement à des jeunes ou dans des lieux fréquentés par des jeunes. Donc, je comprends que tous ces éléments sont déjà des facteurs aggravants, dont vous allez tenir compte dans un procès pour obtenir une condamnation et/ou une sentence plus lourde selon le cas.

[Traduction]

M. Chaffe : C'est exact.

Le sénateur Nolin : J'aimerais revenir à l'article 8.

M. Chaffe : Mon article préféré.

Le sénateur Nolin : L'article 8 accorde un pouvoir discrétionnaire. Je le relis et j'essaie de comprendre comment vous pouvez considérer que cet article accorde un pouvoir discrétionnaire. En résumé, le juge doit décider si l'accusé a été informé, premièrement, de la possibilité qu'il fasse l'objet d'une peine minimale obligatoire et, deuxièmement, du fait que le procureur général a l'intention d'établir les facteurs qui permettent d'en arriver à une telle conclusion. À quel moment pouvez-vous utiliser un pouvoir discrétionnaire? Est-ce en ne le mentionnant pas? Peut-être que le tribunal va vous demander de le préciser.

M. Chaffe : Peut-être que le tribunal va le faire. Je me base uniquement sur le contexte de la conduite avec facultés affaiblies.

Le sénateur Nolin : C'est la raison pour laquelle j'ai relu l'article 255 du Code criminel. Nous devrons peut-être y revenir à l'avenir, parce que je ne pense pas qu'il s'agisse de la même chose.

M. Chaffe : Sénateur, vous avez peut-être raison lorsque vous dites que cet article ne prévoit pas de pouvoir discrétionnaire. C'est ce que j'ai cru, mais...

Le sénateur Nolin : C'est à vous de le décider — vous n'avez pas la réponse — mais d'après moi, vous pourrez exercer votre pouvoir discrétionnaire en lisant les pièces du dossier et en décidant si projet de loi C-15 ou la LDS modifiée est applicable.

Le nouvel article 7, sous-alinéas 2b)(i), (iii) et (v), aux termes du paragraphe 3(1) de la page 4 du projet de loi, prévoit une peine minimale de six mois pour la production à des fins de trafic, lorsque le nombre de plantes se situe entre cinq et 200, un emprisonnement d'un an pour un nombre de plantes se situant entre 201 et 500 et de deux ans lorsqu'il y a plus de 500 plantes.

Cela fait-il partie de l'élément matériel de ces trois infractions ou de cette série d'infractions? L'infraction doit-elle avoir été commise au profit ou sous la direction d'une organisation criminelle ou en association avec elle, au sens de l'article 467.1 du code?

M. Chaffe : Je ne connais pas la réponse à cette question, excusez-moi.

Le sénateur Nolin : Vous ne la connaissez pas?

M. Chaffe : Non. Il va falloir que j'étudie la question. Je suis sûr que les rédacteurs techniques à qui vous parlez vous seront plus utiles que moi.

Le sénateur Nolin : Le ministre nous a déclaré que l'objectif du projet de loi était de viser les organisations criminelles qui s'occupaient de la production de cannabis ou d'autres substances. J'essaie de savoir si les trois infractions que je vous ai mentionnées doivent avoir été commises au profit ou sous la direction d'une organisation criminelle ou en association avec elle.

Je pense que la réponse est claire; la réponse est non. Vous avez toutefois, bien sûr, droit à votre opinion.

M. Chaffe : Très bien. Est-ce que vous me demandez de donner mon avis sur les questions qui touchent la rédaction du projet de loi? Je peux vous dire quel est le sens ordinaire de cette disposition, d'après moi. Je ne pense pas que mon opinion sur ce point vous soit particulièrement utile. Je vous demande de ne pas me considérer comme étant une autorité en matière d'application du projet de loi.

La présidente : Vous n'êtes pas non plus le seul témoin que nous allons entendre, monsieur Chaffe. Ne vous inquiétez pas.

M. Chaffe : Nous sommes tout à fait en mesure de vous dire quels seront les résultats concrets d'une mesure donnée.

Le sénateur Nolin : C'est ce que je veux entendre.

Le sénateur Baker : Je pense que le sénateur Nolin s'oriente dans la bonne direction avec son interprétation de l'article 8. Je rappelle au sénateur Nolin que l'article relatif à la conduite avec facultés affaiblies a commencé comme un article qui prévoyait uniquement la remise d'un avis à l'accusé. Il a été transformé en un régime complètement nouveau qui a fait l'objet de toute une série de décisions. Nous en sommes maintenant arrivés à un point où il semble être contraire à la Charte, d'après certains commentateurs.

Lorsque vos membres parlent d'une augmentation des contestations constitutionnelles, ils font peut-être référence à cette question. Vous l'avez comparée aux dispositions relatives à la conduite avec facultés affaiblies qui soulèvent des questions constitutionnelles. Cependant, rien n'est comparable aux accusations portées aux termes de la LDS — trafic et complot en vue d'en faire le trafic. Les poursuites dans ce genre d'affaires peuvent durer des années, de la phase préalable au procès jusqu'après le procès. La plus grande partie de ce temps est consacrée à l'examen des contestations présentées en vertu de la Charte — articles 7, alinéas 10a), 10b) et 11b), et autres. Admettez-vous que c'est la LDS qui donne lieu, peut-être, aux poursuites les plus longues en vertu du droit fédéral?

M. Chaffe : Je ne dirais pas les plus longues.

Le sénateur Baker : Quelles sont les plus longues?

M. Chaffe : Je ne sais pas. Il y a eu des homicides qui ont pris beaucoup de temps. Si vous me demandez s'il y a une différence entre les dispositions relatives aux facultés affaiblies et la LDS, je dirais que oui, bien sûr, il y en a. Elles constituent des catégories différentes pour ce qui est de la charge de travail qu'imposent les affaires de trafic de drogue dont nous parlions aujourd'hui et qui sont très complexes.

Le sénateur Baker : Il arrive qu'un poursuivant s'occupe d'une affaire pendant deux ou trois ans.

M. Chaffe : Ce n'est pas inhabituel.

Le sénateur Joyal : J'ai un commentaire à faire au sujet de la réponse que vous avez fournie à la question du sénateur Nolin. Il semble clair que le projet de loi, tel que je le lis, fait directement référence aux organisations criminelles lorsqu'il s'agit de la modification introduite à ce projet de loi par son article 1 dans le cas du trafic d'une substance.

Le sénateur Nolin : L'article 5 de la LDS concerne le trafic.

Le sénateur Joyal : Oui, l'article 5.

Le sénateur Nolin : Ma question portait sur l'article 7.

Le sénateur Joyal : Oui, mais l'intitulé de l'article 7 est « Production d'une substance. » Le projet de loi modifie uniquement les alinéas 1a) et b). Il ne fait aucune référence au crime organisé. Le projet de loi ne mentionne aucunement le crime organisé.

Le sénateur Nolin : Merci pour votre réponse. Vous essayez d'influencer le témoin.

Le sénateur Joyal : Non, le témoin a déjà répondu à cette question.

Je dirais pour ma part que la LDS et les modifications ont été rédigées avec une grande précision. Il n'existe pas de disposition générale qui traite du trafic, de l'importation ou de la production en rapport avec le crime organisé. Les activités du crime organisé sont strictement concentrées sur le trafic d'une substance, l'importation et l'exportation, mais non pas sur la production. La production est une chose tout à fait différente, d'après ce que je comprends.

Le sénateur Nolin : Merci pour votre témoignage.

La présidente : Il est toujours intéressant de travailler avec ce comité, monsieur Chaffe.

M. Chaffe : Je le vois bien.

La présidente : Non seulement nous l'espérons, pour les témoins, mais aussi pour les membres du comité.

Nous vous remercions. Vous nous avez été très utile. Nous serions très heureux de recevoir vos commentaires. Si vous pouvez nous fournir d'autres renseignements, nous en serions heureux, comme nous l'avons été de recevoir votre témoignage principal.

(La séance est levée.)


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