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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 20 - Témoignages du 26 novembre 2009


OTTAWA, le jeudi 26 novembre 2009

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, à qui a été renvoyé le projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois, se réunit aujourd'hui à 10 h 52 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour, chers collègues; je constate que nous avons le quorum. La séance du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles sera consacrée à la poursuite de notre étude du projet de loi C- 15.

Notre premier témoin ce matin, M. Glenn Greenwald du Cato Institute, va témoigner par vidéoconférence. Bonjour, monsieur Greenwald. Merci d'être avec nous.

Je m'appelle Joan Fraser. Je suis la présidente du comité. Je crois savoir que vous souhaitez faire une déclaration préliminaire avant que nous vous posions des questions. Vous avez la parole.

Glenn Greenwald, Cato Institute : Merci de m'avoir invité à vous parler ce matin. Je suis toujours heureux de pouvoir parler de la décriminalisation des drogues au Portugal, parce que les discussions au sujet des politiques relatives aux drogues se fondent habituellement, par nécessité, sur des hypothèses. Il est bien souvent difficile de savoir quels sont les résultats qui découleront des modifications au droit. Cela est particulièrement vrai lorsqu'on envisage des changements importants, voire radicaux.

Le Portugal est un pays qui, en 2001, a opéré un changement fondamental dans sa loi relative aux drogues — il a décriminalisé toutes les drogues. Il n'est donc pas nécessaire d'émettre des hypothèses sur les résultats que peut entraîner ce genre de changement, parce qu'il existe de nombreuses preuves empiriques qui nous permettent de savoir quelles sont les craintes qui étaient justifiées, celles qui ne l'étaient pas et quels sont les avantages qu'un pays peut retirer d'un tel changement.

Je vais vous décrire brièvement cette loi, vous dire comment elle a été adoptée et vous fournir ensuite un bref résumé des résultats. Je serai ensuite heureux d'écouter vos commentaires, de répondre à vos questions et de parler des sujets qui vous paraissent prioritaires.

Cette loi est entrée en vigueur le 1er juillet 2001 au Portugal. C'était le premier pays occidental à adopter une loi qui décriminalisait expressément les drogues. J'utilise le mot « décriminalisation ». Elle vise toutes les drogues, douces et dures, et comprend la cocaïne, l'héroïne, les métamphétamines et les drogues synthétiques. Cette loi déclarait expressément que le fait d'acquérir, d'utiliser ou de posséder n'importe quelle drogue, en quantité correspondant à un usage personnel, qui est défini comme étant la quantité que la personne moyenne utiliserait en 10 jours, ne constitue plus une infraction pénale

Ces actes ne constituent plus une infraction pénale pour n'importe quelle substance pourvu que la quantité corresponde à une consommation personnelle; le fait de consommer, de posséder ou d'obtenir des drogues constitue uniquement une infraction administrative. Le trafic de drogues, la possession de grandes quantités de drogues demeurent des infractions pénales, mais la consommation personnelle n'est plus une infraction. Aucun citoyen ne peut être déclaré coupable ou envoyé devant un tribunal pénal ou recevoir une peine pour ces faits.

En fait, si un policier ou un autre représentant du gouvernement constate qu'une personne est en possession de drogues ou en consomme, il lui remet une contravention. La personne en question est ensuite tenue de comparaître dans les 72 heures devant ce que les Portugais appellent une « commission de dissuasion ». Cette commission de dissuasion a pour unique mandat d'encourager la personne concernée à demander des services de counselling ou autres si elle et cette personne estiment toutes deux que cela est nécessaire.

Au départ, comme vous pouvez fort bien l'imaginer, le fait de proposer une telle loi a suscité une grande controverse, en particulier dans un pays comme le Portugal qui est très conservateur et qui connaissait un grave problème de drogue. Au lieu de demander à l'assemblée nationale de débattre, d'édicter et d'adopter un tel changement, le gouvernement a créé une commission composée uniquement d'experts sans affiliation politique. Il a confié à cette commission un seul mandat, à savoir, établir la politique qui serait la mieux à même de circonscrire le problème des drogues au Portugal, un problème extrêmement grave et qui prenait de l'ampleur.

La commission a conclu que cette politique était la décriminalisation, et elle s'est appuyée pour le faire sur plusieurs raisons dont nous pourrons parler. Une fois que la commission a publié son rapport, il a été plus facile pour le congrès portugais d'édicter et d'adopter ces recommandations; et pour le président portugais, de signer, en 2000, cette loi qui décriminalisait la consommation de toutes les drogues, loi qui est entrée en vigueur en 2001.

La seule chose que je vais dire pour le moment au sujet des résultats — et nous pourrons les examiner ensuite de façon plus détaillée; le rapport que j'ai préparé fournit des analyses approfondies — est que, parmi tous les pays européens, le Portugal a connu au cours des années 1990 un des pires problèmes de toxicomanie et de pathologies reliés aux drogues, y compris la criminalité, les décès et les maladies transmises sexuellement reliées aux drogues. La répression, même très sévère, n'avait fait qu'aggraver le problème.

Depuis la décriminalisation, le Portugal se situe, dans pratiquement toutes les catégories, parmi les premiers États en mesure de gérer leurs problèmes de drogue, si on le compare aux autres États européens. La proposition était au départ très controversée au Portugal, mais il existe à l'heure actuelle dans ce pays un consensus politique selon lequel la décriminalisation des drogues a donné de bons résultats. Il n'y a pratiquement aucun parti politique, aucun homme ou faction politique dans la société civile qui préconise un retour au régime de criminalisation. Pour moi, c'est là une preuve très convaincante de l'efficacité de cette loi.

Je vous ai donc fourni le contexte dans lequel cela s'est fait au Portugal. Je serai heureux de vous parler des aspects qui vous intéressent.

La présidente : Je vous remercie. Chers collègues, je ne vous ai pas dit que notre témoin, M. Greenwald, nous parle ce matin de Rio de Janeiro, de sorte que nous sommes doublement reconnaissants envers lui. Il semble en effet encore plus impressionnant d'avoir cet échange de si loin.

Le sénateur Nolin : Merci, monsieur, d'être avec nous ce matin alors que vous êtes très loin. Nous étudions un projet de loi dont on ne pourrait pas dire qu'il n'envisage la décriminalisation ni même un allègement de l'interdiction des drogues. Je ne sais pas si vous avez lu le projet de loi que nous sommes en train d'étudier, mais le gouvernement propose une mise en œuvre structurée et très générale d'un régime de peines minimales obligatoires.

J'aimerais que vous nous parliez de la situation des consommateurs trafiquants au Portugal. Je sais que le régime qu'a adopté le gouvernement portugais en juillet 2001 visait les consommateurs et que vous avez conservé des peines très lourdes pour les trafiquants. Quelle est la situation des consommateurs qui font le trafic de drogues pour se procurer de l'argent?

M. Greenwald : La commission dont j'ai parlé a été confrontée au fait que le Portugal était un pays signataire de nombreux traités qui l'obligeaient à conserver l'interdiction légale de la consommation de drogues en général et plus précisément, l'imposition de sanctions pénales pour le trafic de drogues, lorsqu'elle a envisagé les différentes solutions possibles.

La seule solution que la commission a écartée du processus d'élaboration de la meilleure stratégie était d'une part, la légalisation intégrale des drogues par opposition à leur décriminalisation et, d'autre part, la décriminalisation des trafiquants. Il y a donc encore une anomalie au Portugal, à l'heure actuelle, comme vous l'avez fait remarquer, puisque c'est un pays où il est tout à fait légal ou du moins où il n'est pas criminel d'acheter des drogues; alors que certaines activités reliées aux drogues constituent toujours des infractions pénales.

Les responsables des politiques en matière de drogues vous diront qu'une des meilleures façons d'endiguer le problème que constitue le trafic de drogues est de réduire la demande. Bien évidemment, plus il y a de toxicomanes, plus la demande de drogues est forte et plus les trafiquants font de l'argent. Les Portugais estiment qu'ils ont ainsi réussi à réduire sensiblement le trafic de drogues, pas tant grâce à la criminalisation du trafic qui est maintenue, mais plutôt en réduisant lentement, et presque inexorablement, le marché et la demande qui font vivre les trafiquants de drogue.

Vous avez raison de dire que le trafic de drogues est toujours une infraction pénale; il est encore sanctionné, et de façon relativement sévère, mais le nombre des poursuites a diminué à peu près constamment depuis 2001, à mesure que les chiffres relatifs à la consommation de drogues se sont stabilisés et ont ensuite eux-mêmes diminué.

Le sénateur Nolin : Un autre aspect de la réalité canadienne — et on retrouve sans doute cet aspect au Portugal — est l'usage médical du cannabis ou l'automédication à l'aide de cette drogue. C'est un phénomène en pleine croissance au Canada. Nous allons entendre plus tard ce matin des témoins qui vont nous parler de l'ampleur de ce phénomène au Canada. Bien sûr, cela concerne certains aspects du contrôle exercé sur les drogues. Premièrement, il y a la culture du cannabis, qui est en fait interdite, mais lorsque la plante est cultivée pour des raisons médicales, la méthode est différente. Bien sûr, la population canadienne considère ce phénomène d'un autre point de vue.

Quelle est la situation au Portugal?

M. Greenwald : La consommation de drogues à des fins médicales, c'est-à-dire sous la forme de médicaments prescrits par un médecin, est légale. Elle est réglementée par l'État pour empêcher les abus. Cependant, il existe au Portugal des dispensaires publics qui permettent aux patients — des patients atteints de cancer, qui souffrent de symptômes reliés au VIH et d'autres maladies graves — dont les médecins ont estimé que la consommation de stupéfiants permettrait de réduire les symptômes ou les maladies sous-jacentes d'avoir accès à un traitement par les drogues dans un environnement propre, sûr et hygiénique.

Un tel régime n'est toutefois pas unique au Portugal. Je pense qu'il existe dans l'Union européenne un large consensus selon lequel il convient en général de voir dans les drogues davantage un problème de santé qu'un problème pénal. Le Portugal a adopté un régime qui reflète ce consensus puisqu'il autorise et légalise les drogues à des fins médicales et est associé à l'intervention de l'État par le biais d'une réglementation assez poussée.

Le sénateur Nolin : Comme vous le savez, le cannabis, du moins au Canada — je ne sais pas quelle est la situation au Portugal — ne peut pas vraiment être réglementé. Ce n'est pas un médicament. Il est toutefois largement utilisé à des fins médicales; les gens font de l'automédication avec cette drogue. Bien sûr, nous avons un système réglementaire qui concerne un peu moins de 5 000 Canadiens, qui participent à ce processus. Cependant, l'immense majorité des Canadiens qui utilisent le cannabis à des fins médicales ne participent pas à ce régime de réglementation. Par conséquent, la culture de ce cannabis n'est pas réglementée et l'achat et la consommation de cette marijuana illégale à ces fins médicales ne concernent pas le marché noir où opèrent le crime organisé structuré, mais ne sont pas visés par ce régime.

La situation est-elle la même au Portugal, et que faites-vous?

M. Greenwald : Je ne sais pas très bien si la culture de la marijuana par opposition à sa distribution est vraiment réglementée. Je ne connais pas la réponse à cette question. Je sais qu'aux États-Unis, dans les États qui ont légalisé la marijuana à des fins médicales, les dispensaires qui reçoivent des permis des ministères de la Santé s'occupent non seulement de distribuer la marijuana, mais de la faire pousser dans le seul but d'en fournir aux patients qui ont des ordonnances de leur médecin. Je ne sais toutefois pas si le Portugal a adopté le même régime.

Le sénateur Milne : Monsieur Greenwald, au Portugal, le modèle de la légalisation des drogues pour les consommateurs vise probablement — et je vous demande si c'est bien le cas — une population assez urbanisée et non pas une population isolée ou dispersée. Est-ce là une des raisons pour lesquelles ce régime a bien fonctionné?

Un des principaux problèmes du Canada est que la consommation ou l'abus des drogues et la toxicomanie dans les régions isolées du Canada — c'est-à-dire dans le Grand Nord, parmi les peuples autochtones du Grand Nord et des régions nordiques des provinces — constituent le plus grave problème de drogues au Canada. Comment le modèle portugais pourrait-il régler les problèmes du Canada, en particulier dans les collectivités très isolées?

M. Greenwald : Je ne peux accepter l'hypothèse selon laquelle la décriminalisation tire son origine des milieux urbains et je n'accepte pas non plus l'hypothèse selon laquelle le succès de cette approche est limité aux milieux urbains.

Le Portugal est un pays qui a longtemps été un des plus pauvres de toute l'Union européenne. Le seul secteur vraiment urbain ou cosmopolite au Portugal est Lisbonne, qui est une capitale d'Europe de l'Ouest assez traditionnelle et classique. Les problèmes de toxicomanie aigus sont répartis assez également dans l'ensemble du pays. Le Portugal compte 18 provinces ou districts, et les ressources ont été réparties assez également, en tenant compte du fait que le problème ne concerne pas uniquement Lisbonne.

Permettez-moi de vous expliquer le raisonnement qu'a tenu la commission pour proposer la décriminalisation, parce qu'il s'applique assez bien aux milieux ruraux comme aux milieux urbains.

On avait avancé trois principales raisons pour montrer que la décriminalisation donnerait de bons résultats. La première était que les responsables des politiques gouvernementales en matière de drogues chargés des services d'éducation, de mettre sur pied des cliniques pour les toxicomanes, avaient constaté que le principal obstacle auquel ils faisaient face lorsque l'État réprimait sévèrement la consommation des drogues était que celui-ci menaçait d'arrêter les gens et de les envoyer en prison; c'était ce qui avait isolé le gouvernement de la société. Étant isolés, le gouvernement et les responsables avaient du mal à communiquer avec les citoyens, à leur fournir des services et à les sensibiliser à ces questions parce que le gouvernement représentait plutôt une menace d'emprisonnement qu'une promesse d'aide et d'assistance. Les auteurs du rapport ont estimé que tant que cet obstacle ne serait pas aboli, il empêcherait de faire bénéficier cette population vulnérable des politiques en matière de traitement de la toxicomanie.

Deuxièmement, lorsque le droit réprime sévèrement l'usage des drogues, il crée un stigmate qui touche le consommateur de sorte que celui-ci craint d'être qualifié de toxicomane et se refuse à collaborer avec ceux qui cherchent à l'aider. Ce stigmate incite ces personnes à se cacher, à tromper les autres, à mentir, au lieu de rechercher et d'accepter de l'aide et de l'information.

Un troisième aspect concernait uniquement les ressources; le gouvernement dépensait énormément d'argent pour lutter contre la prostitution, pour interdire les drogues, pour donner à la police les moyens d'arrêter, de poursuivre et d'emprisonner les trafiquants et les consommateurs de drogues. On a pensé que ces fonds seraient mieux dépensés si on les confiait à des spécialistes du counselling en matière de drogue et à des cliniques réparties dans l'ensemble du pays et non pas simplement à Lisbonne. Il est intéressant de mentionner que c'est ce dernier facteur qui a vraiment permis d'améliorer la situation à l'échelle du pays parce qu'il arrive souvent que les gouvernements attribuent des ressources aux zones urbaines, étant donné que c'est là que la consommation de drogues est la plus forte. Les gouvernements ont tendance à négliger les régions rurales et éloignées. En épargnant toutes ces sommes grâce à la décriminalisation, le gouvernement a pu mettre sur pied une infrastructure bien répartie sur le territoire national qui a aidé les toxicomanes à cesser de consommer leurs drogues.

Le sénateur Milne : Vous dites que cette solution fonctionne au Portugal, parce qu'on a réparti les ressources dans les régions rurales et isolées du pays, est-ce bien cela?

M. Greenwald : C'est une des raisons. Il est difficile de mettre des chiffres. Cependant, si vous parlez à des responsables des politiques en matière de drogue au Portugal, ils vous diront qu'il ne suffit pas de mieux répartir les ressources si parallèlement vous ne trouvez pas le moyen d'inciter les citoyens à les utiliser grâce à des campagnes d'information efficaces et en leur faisant comprendre que s'ils signalent qu'ils ont un problème, ils ne risqueront pas d'être stigmatisés, ni même d'être arrêtés.

Je dirais toutefois que le fait que le gouvernement ait pu répartir ses ressources de façon plus efficace, de façon plus égale et dans un ensemble plus vaste, a renforcé l'efficacité de ses programmes.

Le sénateur Milne : Combien y a-t-il de cliniques dans les différentes régions du Portugal?

M. Greenwald : Je ne connais pas le chiffre exact. Il figure dans mon rapport. Ce nombre a augmenté de façon importante depuis 2001, en partie parce que la demande a augmenté et en partie parce que les ressources ont également augmenté. Je ne peux pas vous citer de chiffres même approximatifs, mais ces chiffres se trouvent dans mon rapport.

Le sénateur Campbell : Le Canada a examiné à un moment donné la possibilité de décriminaliser la marijuana. Les questions que cette solution soulevait étaient, premièrement, celle de savoir si cette solution n'envoyait pas un message ambigu à la population, et deuxièmement, si elle n'aidait pas les personnes qui étaient mêlées au crime organisé et qui fournissaient la marijuana, dans ce cas-ci. J'aimerais savoir comment ces aspects ont été considérés au Portugal, et ce qui a été fait à ce sujet.

M. Greenwald : C'était un des principaux arguments, comme vous pouvez fort bien le comprendre. Il est évident que, si l'État passe d'un régime de criminalisation à un régime de décriminalisation, il transmet à la population, en particulier au secteur le plus vulnérable de la population — les jeunes et les adolescents — un message, à savoir que le gouvernement estime que désormais il est permis de consommer des drogues. C'est bien là une objection logique.

Cependant, si vous regardez ce qui s'est produit au Portugal, je pense qu'il serait très difficile de prouver que c'est effectivement ce qui s'est produit. Cela ne s'est pas produit en partie parce qu'il y a des groupes démographiques, comme les jeunes de 15 à 19 ans, dont la consommation a non seulement diminué en termes relatifs depuis 2001, mais également en termes absolus. Lorsque je parle de diminution relative, je veux dire par rapport aux autres États de l'UE, même si c'est ce qui s'est produit. Par conséquent, le pourcentage des personnes appartenant à ces groupes démographiques cruciaux, ceux des 15 à 19 ans et des 11 à 15 ans, a diminué en chiffres absolus pour ce qui est de ceux qui consomment des drogues en général, et pour ceux qui consomment la marijuana et la cocaïne.

Cela va peut-être à l'encontre du sens commun, mais, premièrement, c'est ce que montrent les faits. Deuxièmement, le gouvernement n'essaie pas de faire comprendre à la population que si quelqu'un commet un certain acte, il sera arrêté, poursuivi et emprisonné. Le gouvernement est plutôt en mesure de faire savoir que poser un certain acte peut être dangereux, qu'il s'agisse de consommer de la marijuana ou d'essayer des drogues, et que si les gens le font, il est important qu'ils le fassent de façon prudente. S'il y a des problèmes de toxicomanie, le gouvernement peut ouvrir des cliniques et offrir des services de counselling. Lorsqu'on constate qu'une personne consomme des drogues, au lieu de l'envoyer devant un juge pénal qui risque de lui imposer une lourde peine — ou de menacer de le faire — cette personne est dirigée vers des professionnels de la santé dont l'objectif n'est pas de la punir, mais de l'encourager à se procurer des services de counselling.

C'est une méthode bien plus efficace d'empêcher et de dissuader la population de consommer des drogues de façon irresponsable, et même de commencer à les utiliser, qu'un régime axé sur la criminalisation. Je dirais qu'en fin de compte, les résultats parlent d'eux-mêmes.

Le sénateur Campbell : Connaissez-vous le modèle suédois?

M. Greenwald : Non. Je connais un peu ce que font les autres États de l'UE, mais pas suffisamment pour que je puisse vous en parler.

Le sénateur Joyal : J'aimerais revenir à la page 2 de votre mémoire où je lis que la quantité minimale en matière de possession est, selon la loi, « définie comme étant la quantité moyenne qu'une personne consomme pendant une période de 10 jours. »

Pouvez-vous me dire ce que cela veut dire? Cela veut-il dire une, deux ou trois plantes de marijuana? Est-ce cinq plantes? Je pense que c'est le tribunal administratif qui a défini cette quantité minimale parce que c'est elle qui permet de distinguer les infractions administratives des infractions pénales. C'est pourquoi je pense qu'il doit exister une définition beaucoup plus précise que celle que l'on retrouve dans votre mémoire.

M. Greenwald : La loi elle-même ne précise pas très bien la différence qui sépare l'infraction pénale de l'infraction administrative. Elle définit simplement ce qui constitue une infraction pénale, comme vous venez de le mentionner, qui concerne une quantité supérieure à ce qu'un consommateur moyen utiliserait pendant une période de 10 jours.

Les tribunaux ont élaboré des définitions, les tribunaux pénaux portugais. Différentes affaires ont permis d'évaluer, en se fondant sur l'opinion d'experts, la quantité de marijuana que le consommateur moyen utiliserait sur une période de 10 jours. Je ne peux pas vous dire quelles sont les quantités qui sont considérées comme constituant une infraction pénale pour chacune des substances. L'intention est toutefois de viser les toxicomanes et tous ceux qui consomment de la marijuana sur une base quotidienne.

La question n'est pas vraiment de savoir combien consomme un individu donné; il s'agit de savoir combien consommerait probablement une personne dépendante — une personne qui consomme cette drogue tous les jours. Le but est tout simplement de faire une différence entre les personnes qui achètent des drogues pour leur usage personnel et celles qui ont l'intention de la revendre.

Ce sont les tribunaux et les juges qui, en se fondant sur le témoignage d'experts, précisent la façon dont cette loi doit être appliquée. C'est toutefois bien cet objectif que recherche la loi et c'est la raison pour laquelle elle n'est pas plus précise.

Le sénateur Joyal : La marijuana est la drogue la plus courante, nous pouvons donc la prendre comme exemple. D'après la jurisprudence, pourriez-vous nous dire quelle est la quantité minimale que les tribunaux ont définie comme constituant une infraction pénale? Avez-vous cette réponse?

M. Greenwald : Je n'ai pas cette réponse. Pendant longtemps, la drogue dont on parlait le plus souvent n'était pas la marijuana, mais l'héroïne, la drogue qui était la plus problématique au Portugal. C'est aujourd'hui la cocaïne, et la marijuana vient au second rang. Je ne sais toutefois pas ce que les tribunaux ont décidé pour ce qui est d'une quantité de marijuana supérieure à 10 jours de consommation. J'ai examiné cette jurisprudence, mais je ne me souviens pas des quantités exactes.

Le sénateur Joyal : Depuis la décriminalisation, avez-vous constaté que la consommation des drogues avait augmenté, étant donné que les toxicomanes ne sont plus obligés de se cacher? Avez-vous des études qui montrent que le Portugal est devenu — et je vais reprendre l'expression qu'utilisent nos amis américains — un paradis pour les drogués? Avez-vous constaté au Portugal soit une augmentation de la consommation de drogues par les Portugais ou l'arrivée d'autres Européens au Portugal?

M. Greenwald : Les données montrent clairement qu'aucun de ces deux phénomènes ne s'est produit. Un des arguments des opposants à la décriminalisation en 2000 était que Lisbonne allait devenir un paradis pour les drogués et pour les touristes des drogues — les jeunes Européens viendraient à Lisbonne pour consommer des drogues. Les données montrent clairement que ce n'est pas ce qui est arrivé. Vous trouverez à la page 8 de mon rapport la répartition par nationalité des personnes qui ont été poursuivies pour consommation, possession ou achat de drogues aux termes de cette loi. Près de 98,5 p. 100 des personnes ayant reçu une contravention sont des citoyens portugais; il y a très peu de citoyens d'autres pays de l'UE. Cette crainte ne s'est absolument pas concrétisée.

La réponse à l'autre question, à savoir si les gens n'ont pas augmenté leur consommation de drogues étant donné qu'ils peuvent le faire sans se cacher désormais, est aussi très claire. Comme je l'ai mentionné plus tôt, les taux de consommation pour pratiquement tous les stupéfiants montraient qu'au début des années 1990, le Portugal était un des pires pays de l'Union européenne. Maintenant, il se place pratiquement parmi les meilleurs dans toutes les catégories. Le tableau de la page 21 de mon rapport indique que le Portugal a le plus faible taux de prévalence de la consommation du cannabis parmi tous les États de l'Union européenne pour les années 2001 à 2005. La page 23 montre qu'il enregistre un des taux de consommation les plus faibles pour les jeunes d'âge scolaire de tous les pays d'Europe. La page 24 montre qu'il y a des pays où la consommation de la cocaïne est six à sept fois plus forte qu'au Portugal. Cela comprend certains États qui ont les régimes de criminalisation les plus sévères d'Europe, notamment l'Estonie, le Royaume-Uni et l'Irlande.

Nous avons constaté l'existence d'une corrélation inverse à celle que suggère votre question. Grâce à la décriminalisation, le Portugal a pu rejoindre les toxicomanes, les a amenés à sortir de leur taudis, de leur monde obscur où régnait la peur pour leur offrir des services efficaces de counselling notamment et des programmes de réduction des méfaits. Les problèmes qui étaient parmi les plus aigus en Europe au cours des années 1990 sont devenus des problèmes contrôlés.

Le sénateur Joyal : Parlons des fournisseurs de drogues — le crime organisé. Avez-vous constaté des changements dans la façon dont le crime organisé exerce maintenant ses activités par rapport à ce qui se faisait avant 2001, et j'aimerais savoir si le gouvernement a réussi à lutter contre le crime organisé et à réduire l'augmentation du nombre des fournisseurs?

M. Greenwald : Nous en avons parlé il y a un instant. Au Portugal, les spécialistes de la police et des toxicomanies pensent qu'il y a deux façons de lutter efficacement contre les trafiquants de drogue. La première est de recourir à la police et à des interdictions et la deuxième consiste à réduire la demande pour ces produits. Les responsables des politiques en matière de drogues, les policiers et les responsables fédéraux de la lutte contre la drogue au Portugal sont convaincus qu'en réduisant le taux de toxicomanie et en facilitant l'accès aux services de counselling et en les améliorant, ils ont réussi à endiguer le trafic de drogues et les activités du crime organisé, ce que les autres États de l'UE n'ont pas réussi à faire.

Cela dit, il s'agit là d'une évaluation assez subjective et qu'il est difficile de mesurer ces aspects. On trouvera à la page 15 de mon rapport, le nombre des personnes déclarées coupables de consommation, vente et trafic de drogues. Le nombre des personnes condamnées pour trafic de drogues a diminué assez régulièrement depuis 2001. Il est demeuré assez stable pendant les années 2006, 2007 et 2008, alors que les problèmes liés au trafic de drogues et au crime organisé se sont fortement aggravés dans les autres États de l'UE.

Je ne voudrais pas être toutefois trop optimiste. Je ne pense pas que le Portugal ait vraiment réussi à réduire l'influence et le pouvoir des groupes criminels organisés et des trafiquants de drogue. Cependant, en réduisant la demande, il a certainement réussi à circonscrire les activités des groupes organisés et des trafiquants de drogue.

[Français]

Le sénateur Carignan : La consommation personnelle est décriminalisée, mais il y a quand même une sanction administrative qui peut être une amende pour la possession de drogue. Est-ce exact?

[Traduction]

M. Greenwald : Si la commission constate qu'il y a un problème de toxicomanie et que certaines personnes récidivent constamment alors, en théorie, elle peut imposer des sanctions administratives, comme des amendes, suspendre les permis pour certaines professions, comme les pilotes, les médecins ou interdire à quelques personnes de fréquenter les discothèques, par exemple, où il est notoire qu'il se consomme des drogues.

Elle n'impose presque jamais de sanctions de ce genre. La commission n'a pas le pouvoir de punir les gens qui ne respectent pas les sanctions. La loi n'autorise toutefois la commission à imposer des sanctions administratives que si elle a constaté un problème lié à la toxicomanie et à la perpétration d'une série d'infractions.

[Français]

Le sénateur Carignan : Vous avez dit que les infractions pour trafic de drogue étaient punies sévèrement. Pouvez- vous nous donner le type de sanction dans les cas de production, d'importation et d'exportation?

[Traduction]

M. Greenwald : Lorsque je dis « très sévèrement », je parle de peine d'emprisonnement. Je ne voudrais pas laisser entendre que le Portugal impose des peines d'emprisonnement particulièrement sévères par rapport à ce que font les autres pays d'Europe, en général. Les trafiquants sont condamnés à des peines d'emprisonnement de 10 ou 15 ans, voire davantage, s'ils font partie d'un réseau criminel. Je pense que les peines imposées aux trafiquants qui se trouvent à un niveau moyen vont de six mois à cinq ans. Il est courant que les trafiquants déclarés coupables d'avoir introduit de grandes quantités de drogues, en particulier des drogues dures comme l'héroïne et la cocaïne, reçoivent des peines d'emprisonnement qui vont de quelques années à une dizaine ou plus.

Les lourdes peines d'emprisonnement auxquelles j'ai fait référence sont conformes à celles qu'imposent les autres pays européens.

[Français]

Le sénateur Carignan : Au cours des dernières années, au Portugal, y a-t-il eu une augmentation du taux de criminalité pour d'autres types de crime comme les meurtres, par exemple?

[Traduction]

M. Greenwald : Oui, le taux général de criminalité a légèrement augmenté, mais très faiblement. Je devrais dire que ma réponse concerne uniquement Lisbonne, la ville où sont commis la plupart des crimes.

Il n'est pas facile de savoir si les crimes liés aux drogues ont diminué parce qu'il faut commencer par déterminer si un crime particulier est relié aux drogues. Il est très difficile de savoir si une agression ou un cambriolage est relié aux drogues.

Les agents d'application de la loi estiment que, lorsque la demande et le nombre de toxicomanes diminuent, cela diminue par définition le nombre des crimes reliés aux drogues. Cependant, le Portugal, et en particulier Lisbonne, a enregistré une augmentation légère, mais constante de la criminalité au cours des cinq dernières années.

Le sénateur Baker : Je m'intéresse particulièrement à la façon dont la loi sur la décriminalisation a été adoptée au Portugal.

Comme vous le savez, au Canada, aux États-Unis et dans de nombreux autres pays, ce sont les gouvernements et les politiciens qui adoptent les politiques. Ils participent aux élections en présentant un programme.

Il est très difficile de modifier les choses dans un régime politique où il faut continuellement tenir compte des souhaits des électeurs. Il arrive que, lorsqu'on veut introduire des changements, on demande à un organisme indépendant de présenter une recommandation et que les politiciens l'acceptent.

Je ne pense pas que le régime politique du Portugal était très différent, lorsque cette loi a été présentée en 2000, du régime que nous avons ici ou aux États-Unis. J'ai appris en lisant votre rapport que le conseil des ministres avait accepté les recommandations d'une commission d'experts, et qu'il s'était ensuite adressé au Parlement avec la bénédiction du président. J'aimerais savoir pourquoi il a été possible au Portugal d'opérer un changement aussi radical alors que cela ne s'est pas produit ailleurs.

M. Greenwald : C'est une question importante et il est intéressant d'examiner ce processus. Vous avez tout à fait raison d'affirmer qu'en général, il est difficile pour un organisme politique élu d'introduire un changement radical, en particulier pour ce qui est des politiques en matière de drogues.

Il se trouve que le Portugal, en particulier, est un pays extrêmement conservateur lorsqu'il s'agit de politiques sociales. L'église catholique joue un rôle important dans ce pays, pas seulement dans les domaines religieux, mais également dans les domaines politiques. Ce pays avait adopté des points de vue très conservateurs sur l'avortement et l'homosexualité. Ce n'est pas le genre de pays de l'Union européenne dont on pourrait s'attendre à ce qu'ils envisagent une réforme des politiques en matière de drogue.

La raison derrière ce changement, et qui l'a favorisé, était premièrement le fait que le Portugal a connu une crise très grave au cours des années 1990. Combiné à la pauvreté, ce pays connaissait un problème de drogue qu'il ne réussissait pas à contrôler et qui s'aggravait d'année en année. Je vous ai donné des statistiques qui montrent l'augmentation très rapide de la mortalité liée aux drogues. On trouvait des toxicomanes couchés dans la rue, pas seulement à Lisbonne, mais même dans les villes de moyenne importance qui étaient situées dans la banlieue de Lisbonne, voire même dans les régions rurales.

Le gouvernement était vraiment désespéré parce que le régime de criminalisation et de répression que faisait qu'aggraver le problème. La gravité de la situation a permis au gouvernement d'envisager des solutions qui n'auraient pu être étudiées autrement. La population était plus ouverte au changement.

L'aspect le plus important est celui auquel vous avez fait allusion, à savoir, une commission a été créée et composée entièrement de spécialistes apolitiques — psychologues, psychiatres, professionnels de la santé, avocats, professeurs — des gens qui ont été chargés de préparer un rapport uniquement basé sur des données factuelles, sans parti pris idéologique ou moral. La question devait être abordée du seul point de vue des faits : comment le gouvernement peut-il arrêter la croissance du problème de la toxicomanie et des pathologies qui y sont associées?

Ce n'est qu'après que cette commission a été créée, a travaillé pendant 18 mois et a élaboré un rapport qui décrivait toutes les raisons, auxquelles j'ai fait allusion plus tôt, montrant que la décriminalisation était le seul moyen de s'attaquer à ces problèmes que les ministres ont, par exemple, été en mesure d'appuyer cette proposition. Cet appui a ensuite facilité l'adoption de la loi par le Parlement et sa sanction par le président. Je pense que sans tout cela, il est inconcevable qu'une telle solution aurait été adoptée.

Pour souligner ce point, je dirais qu'aux États-Unis, un débat encore restreint a démarré au sujet des politiques en matière de drogue pour la première fois depuis très longtemps, parce qu'on a constaté que les régimes axés sur la criminalisation et la répression étaient voués à l'échec. Il y a un sénateur d'un État très conservateur, la Virginie — Jim Webb, un démocrate, qui a été élu pour la première fois. C'est un sénateur relativement vulnérable parce qu'il est démocrate et n'occupe son poste que depuis trois ans.

Il a toutefois pris position sur cette question et déclaré que la façon dont les États-Unis traitaient les infractions reliées aux drogues — le nombre des personnes qui étaient envoyées en prison et les sommes faramineuses dépensées en pure perte sur les approches axées sur les poursuites et la criminalisation — posait un problème fondamental et très grave. Plutôt que de présenter un projet de loi visant à modifier la loi ou à décriminaliser certaines drogues, il a présenté une loi portant création d'une commission du genre que le Portugal a utilisé qui serait chargée d'étudier ces problèmes et de présenter des recommandations dans 12 à 18 mois.

Il existe un appui assez large à l'heure actuelle, même au Sénat américain, un organisme très conservateur, pour ce genre d'étude. Je crois que ce n'est qu'en dépolitisant la question et en en faisant une question scientifique que l'on pourra vraiment en débattre et parler des changements rationnels à apporter à ce régime. C'est ce que le Portugal a réussi à faire.

Le sénateur Baker : Voilà qui répond à mes questions et qui replace ce sujet dans son contexte pour ce qui est de la possibilité d'introduire des changements aussi radicaux que ceux qu'a adoptés le Portugal. Je vous remercie.

La présidente : Pour ce qui est des coûts, le Portugal a réalisé des économies en décriminalisant les drogues et a pu utiliser ces fonds pour mettre sur pied des services de counselling, notamment, mais je voudrais savoir s'il a dépensé davantage, le même montant ou moins, d'après ce que vous savez?

M. Greenwald : Vous voulez dire le montant « total » pour ce qui est du traitement, des services de counselling et de la prévention?

La présidente : Oui. Est-ce qu'en fin de compte le traitement coûte plus, moins ou autant que les activités d'application de la loi privilégiées antérieurement?

M. Greenwald : Je sais qu'environ 80 p. 100 des économies que le Portugal a réalisées ont été affectées directement à des programmes de counselling ou de réduction des méfaits, par exemple. Je sais que le gouvernement a également affecté d'autres fonds à ces programmes, parce qu'il a constaté qu'ils donnaient de bons résultats.

Quant à savoir s'il y a eu un simple transfert des sommes épargnées par le volet application de la loi aux programmes de counselling et de réduction des méfaits, je vous dirais que non. Le gouvernement a augmenté les fonds consacrés à ces derniers programmes, parce qu'il a constaté qu'ils étaient efficaces. Le Portugal est aux prises avec une situation budgétaire difficile, de sorte que les sommes qui ont été affectées aux services de counselling et qui ne venaient pas directement, des économies réalisées grâce à la décriminalisation ne sont pas très importantes, mais il y en a eues. Le gouvernement a consacré progressivement davantage de fonds à ces programmes.

La présidente : Ma deuxième question concerne le fait qu'au Canada, nous aimons beaucoup nous réunir et parler de la constitution. Dans notre fédération, le droit pénal est une compétence fédérale, tandis que les services sociaux et de santé sont, dans l'ensemble, des questions provinciales, même si le gouvernement fédéral y consacre des fonds.

Le Portugal est un État unitaire, et j'en déduis que le droit pénal ainsi que les services sociaux et de santé relèvent du Parlement ou du gouvernement national et qu'il n'y a pas d'élément municipal dans ce domaine.

M. Greenwald : C'est exact. Les politiques sont établies par l'agence fédérale. Bien sûr, il y a des régions administratives qui prêtent leur concours et qui bénéficient d'une certaine autonomie pour ce qui est de l'utilisation des ressources et de la création des commissions.

C'est toutefois un organe centralisé qui s'occupe des questions juridiques reliées aux drogues ainsi que des questions de santé et de ressources. Cela permet au gouvernement de très bien coordonner ces deux aspects.

La présidente : Monsieur Greenwald, je vous remercie. Vos explications ont été extrêmement intéressantes et très utiles. Vous nous avez donné un point de vue que nous ne connaissions pas. Nous vous en sommes reconnaissants.

M. Greenwald : Je suis heureux d'avoir pu le faire.

(La séance est suspendue.)

[Français]

(La séance reprend.)

La présidente : Nous reprenons la séance sur l'étude du projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.

Nous accueillons maintenant du Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies, M. Michel Perron, premier dirigeant, Mme Rita Notarandrea, première dirigeante adjointe, Amy Porath-Waller, conseillère principale en recherche et politique et Rebecca Jesseman, conseillère en recherche et politique.

[Traduction]

Je remercie tous ceux qui sont ici avec nous aujourd'hui et nous sommes heureux de vous accueillir. Je pense que M. Perron va sans doute commencer.

Michel Perron, premier dirigeant, Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies : Je suis très heureux d'être ici. J'apprécie le fait que le comité a eu l'amabilité de bien vouloir accueillir mes collègues. Je peux vous garantir que mon exposé s'en trouvera infiniment amélioré. J'ai préparé un texte que je vais vous présenter. Il vous a également été distribué.

Le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies, CCLAT, se réjouit de comparaître devant ce comité pour parler du projet de loi C-15. Comme vous le savez peut-être, nous sommes un organisme autonome, dirigé par un conseil d'administration bénévole et établi en 1988 par une loi du Parlement pour assurer un leadership à l'échelle nationale et fournir des analyses et des conseils factuels.

Nous aimerions faire un survol des connaissances dans trois secteurs : la prévalence de la consommation de drogues illicites au Canada; les programmes judiciaires de traitement de la toxicomanie et le recours aux traitements obligatoires ou imposés.

L'Enquête de surveillance canadienne de la consommation d'alcool et de drogues (ESCCAD) de 2008 fournit des données récentes sur la prévalence de la consommation de drogues chez les Canadiens. Cette enquête, réalisée par Santé Canada, nous renseigne sur la consommation d'alcool et de drogues illicites chez les Canadiens âgés de plus de 14 ans. Le graphique 1 illustre les taux de consommation de drogues des répondants au cours des 12 derniers mois.

Selon cette enquête, le cannabis est la substance illicite la plus consommée au Canada; en effet, environ 11 p. 100 des Canadiens âgés de plus de 14 ans ont déclaré en avoir pris au cours de la dernière année. Viennent ensuite les hallucinogènes avec 2,1 p. 100, suivis par la cocaïne avec 1,6 p. 100, l'ecstasy avec 1,4 p. 100, les amphétamines avec 1,1 p. 100 et la métamphétamine avec 0,2 p. 100. Le tableau 1 présente une répartition statistique détaillée permettant de comparer les taux à ceux obtenus en 2004 par l'Enquête sur les toxicomanies au Canada (ETC).

Il convient de noter que l'ESCCAD s'inspire de l'ETC, mais comme leur méthodologie diffère légèrement, les comparaisons entre les deux ne sont que des approximations des tendances et doivent donc être faites avec prudence.

De plus, quand on examine les données sur la prévalence, deux observations clés doivent être faites. Tout d'abord, la prévalence de la consommation varie considérablement en fonction de nombreux facteurs comme l'emplacement géographique, l'âge et le sexe. Par exemple, le tableau montre clairement que les jeunes de 15 à 24 ans sont beaucoup plus susceptibles d'avoir pris des substances illicites au cours de la dernière année que les personnes de plus de 24 ans.

L'ESCCAD a également permis de poser aux répondants des questions sur les méfaits de la consommation de drogues illicites. Globalement, 2,7 p. 100 des répondants ont signalé avoir vécu au moins un méfait associé à la consommation des drogues illicites au cours des 12 derniers mois. Chez les consommateurs de drogues illicites, ce taux passait à 21,7 p. 100, et augmentait encore à 37,5 p. 100 si on excluait le cannabis.

Sur le plan international, le graphique 2 permet de comparer la prévalence de la consommation de drogues illicites au cours des 12 derniers mois au Canada, aux États-Unis, en Australie, en Angleterre et au Pays de Galles. Comme vous pouvez le constater, le Canada a été bon premier pour la consommation de cannabis au cours des 12 derniers mois. Cependant, son taux de consommation de cocaïne, d'héroïne, d'ecstasy et d'amphétamines est semblable, voire inférieur, à ceux des autres pays.

La présidente : Monsieur Perron, puis-je vous interrompre? Le document devant moi parle de « au cours de la vie » alors que vous avez dit « au cours des 12 derniers mois ».

M. Perron : C'est « au cours des 12 derniers mois » qui est l'expression correcte. Excusez-moi; je pensais que le texte avait été modifié. Je préciserai pour le compte rendu que le dernier paragraphe qui énonce « Comme vous pouvez le constater, le Canada a été bon premier pour la consommation de cannabis au cours des 12 derniers mois. » est la version correcte; pour la suite, nous parlons également des 12 derniers mois.

La présidente : Merci.

[Français]

En ce qui a trait aux traitements obligatoires et imposés, dans son invitation à comparaître, le comité s'est montré intéressé à en savoir plus sur le traitement obligatoire. De nombreuses études ont été faites sur l'efficacité du traitement imposé tant du point de vue de la réadaptation des contrevenants que de la consommation de substances. De manière générale, les données montrent que la structure des programmes, par exemple les programmes factuels, et un personnel qualifié sont de meilleurs indicateurs de la réussite que la motivation du client. Ainsi la recherche a montré que les programmes de réadaptation s'adressant aux automobilistes reconnus coupables de conduite avec facultés affaiblies ont un effet bénéfique sur le taux de récidive.

Pour ce qui est des tribunaux de traitement de la toxicomanie, le CCLAT favorise un aspect accru aux services et soutien liés à la consommation.

Les données montrent clairement que les personnes ayant des démêlés avec le système de justice pénal risquent davantage d'avoirs des antécédents d'abus de substances. Pendant le reste de notre présentation, nous parlerons donc de l'ajout proposé des articles 10(4) et 10(5) dans le projet de loi C-15.

Le comité a entendu bon nombre d'informations et débats sur le rôle global et l'efficacité des TTT. Plutôt que de revenir sur ce débat, je voudrais mentionner certains éléments touchant les pratiques exemplaires en traitement, qui pourraient guider les délibérations du comité.

Tout d'abord, les TTT ne sont pas en mesure de surmonter les obstacles que présente la diversité canadienne. Sur le plan géographique, les personnes accusées dans des villes autres que les six centres urbains actuellement dotés d'un TTT n'ont tout simplement pas accès à ce service.

La semaine dernière, le comité à entendu James Bonta, qui a abordé le principe du risque, du besoin et de la réceptivité dans les traitements efficaces des contrevenants. Les TTT font preuve d'une réceptivité particulièrement pauvre par rapport aux clients aux antécédents divers comme les femmes, les Premières nations, les Inuits et les jeunes.

Ensuite, il faudrait revoir les politiques des TTT et celles des partenaires communautaires pour les adapter au profil de la clientèle. Comme les petits trafiquants de la rue sont assez faciles à intercepter par les policiers, ils se retrouvent souvent avec de longs antécédents criminels, parfois marqués de violence, ce qui les rend inadmissibles au programme.

Il est donc crucial que l'admissibilité au programme tienne compte de la réalité et de la clientèle potentielle afin de répondre à ses besoins.

Enfin, le CCLAT se joint à d'autres témoins pour demander la réalisation d'évaluation de programme complète et à la méthodologie rigoureuse. Étant donné les coûts des infrastructures et les coûts opérationnels substantiels des TTT, ce modèle de prestation de services doit faire la preuve de son efficacité et de sa valeur par rapport aux frais encourus, et de sa supériorité sur les autres approches destinées aux personnes ayant des problèmes de drogue qui les poussent vers la criminalité.

Au cœur même de l'évaluation se trouve la définition de succès. Selon l'article 10(5), un contrevenant n'a pas à purger des peines minimales obligatoires s'il termine un programme avec succès.

Les TTT estiment habituellement qu'un programme est réussi après environ trois mois d'abstinence. La recherche actuelle montre toutefois qu'il est préférable d'aborder la consommation de substances comme un défi à long terme. On considère de moins en moins la rechute comme un échec du traitement. On voit plutôt la participation dans les services après une rechute comme une preuve de réussite tant sur le plan personnel que systématique. Si le projet de loi proposé est adopté, le CCLAT propose qu'on définisse le succès en fonction des progrès faits dans un laps de temps établi par le tribunal et des plans d'intervention individualisés, créés lors d'une évaluation et d'un dépistage factuel.

[Traduction]

Pour ce qui est des options en matière de traitement dans les provinces, le nouveau paragraphe 10(4) de la loi contient une disposition sur la participation à un traitement. Le CCLAT croit que cette option est nécessaire, car les programmes de traitement de la toxicomanie (PTT) ne sont pas offerts dans toutes les provinces et territoires. Il n'est donc pas surprenant que la capacité de traitement au Canada présente actuellement des lacunes considérables qui empêcheront le système de justice pénale de diriger davantage de personnes vers le traitement.

De nombreux programmes communautaires excluent les personnes dont la participation au traitement est imposée par le système pénal. En outre, comme l'ont mentionné MM. Bonta et Bourgon dans leurs témoignages, il arrive que les prestataires de services communautaires travaillant avec des personnes ayant des démêlés avec la justice pénale ne possèdent pas l'expérience nécessaire pour gérer les besoins complexes de cette clientèle en s'appuyant sur des méthodes basées sur les données scientifiques. Les toxicomanies complexes font appel à tout un ensemble de services et de mécanismes de soutien dans des secteurs comme le logement et la santé mentale.

Les services offerts au Canada varient de façon considérable d'un endroit à l'autre. Le manque d'uniformité dans l'accès aux programmes qui répondent aux besoins d'un contrevenant ne se limite d'ailleurs pas aux programmes judiciaires de traitement de la toxicomanie. Par exemple, le Grand Nord est une région qui préoccupe particulièrement le sénateur Watt. Il sait peut-être que le Nunavut ne compte actuellement aucun centre de traitement. La clientèle inuite doit donc venir à Ottawa pour participer à des programmes adaptés à sa culture. Elle n'aura accès qu'à des options limitées, voire inexistantes, en matière de suivi à son retour dans ses collectivités.

Nous n'avons malheureusement pas encore une idée précise des services offerts ou du nombre de personnes qui y ont accès actuellement au Canada. Comme je l'ai mentionné, l'accessibilité, la qualité et la nature des services varient considérablement. Ces défis, tout comme les recommandations pour les relever, sont présentés dans le rapport intitulé Approche systématique de la toxicomanie au Canada : Recommandations pour une stratégie nationale sur le traitement, qui figure dans la trousse qui vous a été remise. La stratégie repose sur la notion de soins personnalisés associés à une coordination et une collaboration systémiques.

Enfin, nous devons savoir que le traitement relève principalement des provinces et des territoires. La Stratégie nationale sur le traitement adopte une approche intégrée qui tient compte des diverses compétences dans ces domaines. Il est important de mentionner le financement fourni pour le traitement en vertu de la Stratégie nationale antidrogue, en particulier par l'entremise du Programme de financement du traitement de la toxicomanie de Santé Canada. Le financement des différents régimes provinciaux et territoriaux par Santé Canada privilégie le renforcement des capacités recommandé par la Stratégie nationale sur le traitement.

Autrement dit, il existe un plan et nous essayons de le mettre en œuvre. Nous reconnaissons toutefois qu'il reste beaucoup à faire. C'est pourquoi nous encourageons le gouvernement à travailler en étroite collaboration avec les provinces et les territoires pour mettre en place la capacité de traitement nécessaire pour appuyer le projet de loi C-15.

Même si le paragraphe 10(4) vise à s'assurer que les contrevenants qui ont besoin de se faire traiter puissent le faire à l'extérieur du système carcéral, nous devons aussi reconnaître que pour ceux qui n'y ont pas droit, le système carcéral offre peu d'options thérapeutiques aux prisonniers, en particulier au niveau provincial et territorial. Ces services doivent faire partie intégrante du renforcement des capacités globales du système.

En conclusion, le projet de loi C-15 peut être interprété comme un moyen de favoriser l'accès au traitement pour les personnes qui en ont besoin. Le CCLAT tient à souligner que la consommation de substances est avant tout un enjeu social et de santé. Par contre, nous sommes conscients que le système pénal est un point d'accès commun à l'évaluation de la consommation et à l'intervention et nous accueillons favorablement les mesures permettant de diriger la clientèle du système pénal ayant besoin de se faire traiter vers des services qui répondent mieux à ces besoins. C'est pourquoi le CCLAT recommande d'implanter un système de suivi en temps réel de la capacité de traitement afin d'évaluer l'efficacité et l'incidence du projet de loi C-15, s'il est adopté. C'est un aspect dont j'aimerais parler plus en détail au cours de la période de questions, si cela est possible.

Merci au comité pour le dévouement constant qu'il manifeste au sujet de toute cette question. Je sais que vous avez entendu des témoignages fortement polarisés. Vous avez devant vous une tâche difficile.

Le Canada a enregistré des progrès considérables dans de nombreux domaines, notamment l'élaboration de la Stratégie nationale sur le traitement, l'harmonisation de l'action des différents paliers de gouvernement et la collaboration du secteur privé et du secteur à but non lucratif. Ce sont là des acquis qui faciliteront d'autres initiatives. Le travail à accomplir est énorme, mais la situation est aujourd'hui bien meilleure qu'elle l'était il y a cinq ans. C'est un aspect auquel le comité pourra réfléchir et nous serons heureux de l'aborder de façon plus détaillée à un moment qui vous conviendra.

[Français]

Le sénateur Nolin : Dans un premier temps, j'ai une question ou deux au sujet du traitement.

[Traduction]

Vous ou vos collègues pouvez répondre à ma question. J'aimerais surtout parler d'un mot fameux, le « succès ». Je me pose des questions au sujet de ce mot, parce que c'est un mot très subjectif. Je préférerais qu'il ne soit pas utilisé et qu'on ait recours à l'idée que l'individu en question doit achever un programme de traitement offert aux termes d'une loi fédérale ou provinciale. Bien sûr, c'est le juge qui décide en dernier ressort du fait que l'individu a terminé ou non le programme.

Que pensez-vous de la suggestion qui consisterait à supprimer l'expression « avec succès » du nouveau paragraphe 10(5)?

M. Perron : Mes collègues peuvent vous répondre au sujet des divers sens du mot « succès ». C'est un mot très subjectif qui peut s'interpréter de différentes façons.

Le sénateur Nolin : Comme vous le savez, en droit, les termes subjectifs posent des problèmes.

M. Perron : Exactement. Vous avez déjà remarqué qu'il existe parmi les témoins que vous avez entendus de grandes différences d'opinions.

Le sénateur Nolin : Exactement.

M. Perron : Il est important de savoir qu'un traitement est efficace. Si l'objectif de ce projet de loi consiste à aider ceux qui ont besoin d'être traités et à leur donner accès à des services efficaces et de qualité, cela pourrait aider les toxicomanes. C'est la première remarque que je veux faire pour convaincre les membres du comité que le fait d'orienter ces personnes vers ces programmes servira à quelque chose.

Nous savons que c'est le risque constant de rechute qui empêche de définir avec précision le mot « succès » de façon à pouvoir l'appliquer. Pour ceux qui en ont besoin, l'existence de services appropriés, de moyens d'accès et la capacité de répondre aux besoins sont des éléments essentiels de la définition du succès.

Le sénateur Nolin : Je vais vous expliquer un peu plus pourquoi je crains le mot « succès ». Vous avez parlé d'abstinence totale dans votre témoignage. Je sais que vous en savez beaucoup plus que nous sur ces questions, mais je crains que les gens comprennent qu'il s'agit d'une abstinence totale pendant six mois ou un an. Nous savons que, dans certaines régions et pour certaines personnes, ce serait un résultat difficile à obtenir. Je ne pense pas que ce soit vraiment ce que nous recherchions. Nous voulons quelqu'un qui accepte d'abord de suivre un programme pour essayer de régler ses problèmes.

C'est la raison pour laquelle, je n'aime pas le mot « succès ».

Rebecca Jesseman, conseillère en recherche et politiques, Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies : Je peux vous parler de cet aspect en prenant comme exemple le Programme judiciaire de traitement de la toxicomanie de Vancouver, le DTCV. Je sais qu'en ce qui concerne le DTCV, il y a des participants qui terminent le programme et d'autres qui obtiennent un diplôme. Pour obtenir un diplôme, il faut s'abstenir pendant quatre mois de consommer des drogues et atteindre une série d'objectifs en matière de santé sociale, comme la stabilité du logement et l'amélioration du style de vie. Le participant est alors considéré comme un diplômé, mais il est possible de terminer le programme sans répondre nécessairement à tous les critères exigés pour obtenir le diplôme.

Avec ce projet de loi, il est difficile de savoir si les personnes qui terminent le programme et celles qui obtiennent un diplôme seraient toutes considérées comme ayant suivi le programme avec succès. C'est pourquoi nous suggérons respectueusement au Sénat d'examiner la possibilité d'ajouter quelques lignes directrices, parce que nous savons également qu'en matière de traitement, le programme doit être adapté aux besoins de chaque participant. Si nous essayons d'imposer des critères universels à tous les contrevenants, alors que leurs besoins sont extrêmement divers, il ne sera pas possible d'adopter des pratiques fondées sur les données scientifiques.

Le sénateur Nolin : Nous avons entendu de nombreux témoins — et vous aussi — parler de diversité d'options. Ils affirment tous qu'il n'y a pas de traitement universel, et que chaque traitement doit être adapté à celui qui doit le suivre. Qu'en pensez-vous?

Mme Jesseman : C'est vrai.

Le sénateur Nolin : C'est la raison pour laquelle, monsieur Perron, nous nous dirigeons, à votre avis, dans la bonne direction pour ce qui est du traitement de la toxicomanie.

M. Perron : Absolument. Nous utilisons souvent ces termes généraux, mais pour prendre un exemple concret, je dirais que nous avons entendu la semaine dernière au cours de notre congrès tenu à Halifax, un conférencier, M. Christopher Kennedy Lawford. Vous avez peut-être entendu parler de sa famille, les Kennedys. Il a été dépendant de l'héroïne pendant des années. Cela fait 22 ans qu'il n'en a pas pris, mais il lui a fallu neuf ans pour en arriver là. Il parle de façon très éloquente de sa guérison. Il a mentionné qu'il avait rechuté régulièrement pendant ces neuf ans, mais cela lui a quand même permis d'arriver là où il est aujourd'hui.

Le fait est que, même pour une personne qui dispose des moyens et de l'accès aux ressources qu'a un Kennedy aux États-Unis, avec tous les services qui existent, il faut quand même du temps. Il faut faire beaucoup d'efforts. De plus, il faut qu'il existe un système de soutien approprié, fondé sur des données scientifiques et des principes fondamentaux comme ils sont exprimés dans la Stratégie nationale sur le traitement, pour pouvoir rejoindre ces personnes. Il est tout à fait exact qu'il faut utiliser un processus adapté au participant, qui respecte son rythme et soit axé sur des objectifs, mais qui autorise cette personne à suivre son chemin tout en comprenant qu'en fin de compte, l'abstinence est l'objectif final. Une personne comme M. Lawford vous permet de comprendre comment cela peut se faire.

La présidente : Nous ne pouvons pas logiquement nous attendre à ce qu'une disposition législative précise que le succès devra se mesurer après 9 ou 10 ans ou une période de ce genre, de sorte qu'il serait peut-être utile de préparer des lignes directrices. Elles pourraient être effectivement très utiles et favoriser la justice. Il faudrait également qu'elles soient, dans une certaine mesure, artificielles, parce que nous proposerions que le juge fixe une date limite réaliste, sur le plan du droit, qui ne serait peut-être pas réaliste sur le plan du traitement de la dépendance. Cela constitue un dilemme.

M. Perron : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Pour ce qui est de la relation entre le programme de traitement proposé et la fixation d'un délai, la seule raison pour laquelle j'ai parlé de M. Lawford est que je voudrais vous donner un exemple concret. Il y a des gens qui changent après une seule intervention et qui s'abstiennent ensuite de prendre des drogues. Cela varie énormément. La difficulté à laquelle vous faites face est que vous devez trouver des termes qui facilitent l'accès au système et à un traitement approprié et qui donnent au juge un outil ou un indicateur qui permet de poursuivre ce succès. Nous pourrions probablement vous proposer plus tard une formulation qui pourrait vous être utile lorsque vous vous envisagerez des lignes directrices; nous pourrions nous inspirer de la Stratégie nationale sur le traitement qui a été préparée par les provinces et les territoires et nous-mêmes pour vous proposer des recommandations.

Le sénateur Nolin : Les tribunaux qui peuvent ordonner à l'accusé de suivre ce programme ont déjà l'expérience d'examiner les aspects sociaux de la situation de l'accusé auxquels ils imposent une peine. Avec la façon dont est rédigée cette disposition, si nous supprimons le mot « succès », les tribunaux disposeront d'une grande latitude parce que ce sont eux qui décident de la peine à imposer, et qui déterminent si le traitement est terminé. Je crois qu'ils vont, à mon avis, pouvoir en déduire qu'ils connaissent la situation de décider et qu'ils sont en mesure de décider ce qui lui convient. Il faut que quelqu'un décide qu'il est convaincu que le client en question a suivi le traitement, l'a terminé et est revenu dans le droit chemin. Il faut que ce soit le juge.

M. Perron : Cela ne vise pas n'importe quel programme. Bien évidemment, la loi vise un programme particulier. Ce sont les programmes judiciaires de traitement de la toxicomanie et ceux qui sont agréés par les provinces. Ce n'est pas l'un ou l'autre.

Le sénateur Nolin : Nous avons accès aux deux maintenant.

M. Perron : Sur le même sujet, la plupart des circonstances aggravantes mentionnées dans le projet de loi constituent principalement des moyens d'exclure l'accusé des programmes judiciaires de traitement de la toxicomanie. Cet aspect constitue à lui seul un sujet de discussion.

Le sénateur Nolin : J'aimerais passer à l'usage médical de la marijuana et à la prévalence de cet usage.

La présidente : C'est un sujet nouveau.

Le sénateur Nolin : Je peux attendre.

La présidente : Vous interviendrez pendant le second tour de questions.

Le sénateur Wallace : Monsieur Perron, je remarque qu'à la page 4 de votre mémoire, sous le titre « Prévalence et méfaits », vous présentez une analyse statistique des méfaits de la consommation de drogues. Existe-t-il d'autres études ou d'autres analyses des coûts fondées sur des données scientifiques, entreprises par votre organisation qui ont tenté de chiffrer les méfaits de la consommation des drogues illicites dans la société canadienne, disons pour ce qui est des coûts en matière de santé ou de productivité au travail?

M. Perron : Oui, sénateur, et nous avons rendu public en 2002 un deuxième rapport intitulé Les coûts de l'abus de substances au Canada 2002. Je ne sais pas si vos trousses contiennent un exemplaire de ce rapport. Si ce n'est pas le cas, nous vous en enverrons. Veuillez accepter mes excuses pour cette omission.

Pour vous donner un ordre de grandeur, l'étude que nous avons effectuée en 2006, en nous basant sur les données de 2002, évaluait le coût de l'abus de substances, ce qui comprenait l'alcool, le tabac et les drogues illégales, à 39,9 milliards de dollars par an dont 8,2 milliards de dollars pour les seules drogues illicites.

J'aimerais faire un premier commentaire et dire que ce montant est moins important que celui qui concerne les drogues légales et je sais que vous avez déjà été amenés à faire face à ce dilemme — drogues légales contre drogues illégales. Il demeure toutefois que les drogues illégales entraînent des coûts très réels.

Si vous répartissez ce montant de 8,2 milliards de dollars par an, il y a les coûts directs de santé de 1,1 milliard de dollars, les coûts directs d'application de la loi qui s'élèvent à 2,3 milliards de dollars, et les coûts indirects, la perte de productivité, d'un montant de 4,6 milliards de dollars — ce sont là des coûts considérables causés par le suicide, les décès par surdose et donc, l'impossibilité d'apporter à long terme une contribution à la société. Ces coûts s'élèvent donc à 8,2 milliards de dollars, et ce sont là des chiffres conservateurs concernant les coûts directs et indirects tant sociaux qu'en matière de santé.

Le sénateur Wallace : C'était le résultat de l'analyse effectuée en 2006?

M. Perron : Fondée sur les données de 2002. C'est notre deuxième étude. L'étude précédente qui avait été faite en 1996 mentionnait un coût total de 20 milliards de dollars. On pourrait demander ce que nous faisons pour que les chiffres continuent d'augmenter de cette façon. C'est que les stratégies dont j'ai parlé à la fin de mon exposé ont maintenant été mises en œuvre et essaient d'atténuer ces coûts. La toxicomanie a un coût réel et important pour la société et, sous de nombreux aspects, un coût que l'on pourrait éviter; c'est pourquoi la prévention est un volet important de notre action.

Le sénateur Wallace : À la page 8 de votre mémoire, vous parlez du financement du traitement fourni dans le cadre de la Stratégie nationale antidrogue qui vient du programme fédéral et qui est versé aux provinces et aux territoires dans le but d'appuyer les recommandations de la Stratégie nationale sur le traitement.

Avez-vous effectué une analyse ou une évaluation de ces programmes de prévention et de traitement qui ont été financés par la Stratégie nationale antidrogue?

Mme Jesseman : Le Programme de financement du traitement de la toxicomanie, PFTT, a été récemment mis sur pied, de sorte que la plupart de ces programmes sont encore à l'étape de la conception au sein de Santé Canada. De nombreux accords conclus avec les provinces et les territoires n'ont pas encore été finalisés. Je pense donc qu'il n'existe pas encore d'évaluation, mais vous pourriez sans doute communiquer avec Santé Canada pour obtenir un rapport sur ce qui a été fait jusqu'ici.

M. Perron : Si vous examinez le rôle que joue le gouvernement fédéral dans le domaine des services et du traitement, des aspects qui sont principalement provinciaux et territoriaux, vous constaterez que celui-ci finance directement des programmes qui en sont encore à leur début.

La deuxième tranche doit être versée aux provinces pour améliorer le rendement du système. Les provinces reçoivent des fonds importants, sous la forme de paiements de transfert, qui sont destinés apparemment aux programmes de traitement. Je pense que le gouvernement fédéral voulait, dans le cadre de la Stratégie nationale antidrogue, créer un système de pointe.

Pouvons-nous mesurer les résultats? Pourrons-nous savoir si notre action donne des résultats? Nous avons peu de données concernant l'accès, l'efficacité, les résultats et l'adaptation aux besoins de nos services de traitement. Cela fait partie de ce que le gouvernement fédéral essaie d'ajouter à ce pilier traitement dans le cadre de la Stratégie nationale antidrogue.

Le sénateur Wallace : Avez-vous une idée de la répartition du financement de ces efforts provinciaux et du traitement? Ces fonds sont-ils surtout accordés à une province, par exemple, ou plutôt à différents programmes dans l'ensemble du pays?

M. Perron : Je pense que Santé Canada pourrait probablement vous fournir une réponse précise. Je peux toutefois vous dire que, d'après ce que j'ai appris de mes collègues des différentes provinces, ces fonds sont assez bien répartis. Les provinces utilisent pleinement ce financement.

Il est également important de mentionner que cette Stratégie nationale sur le traitement que mes collègues qui sont ici ont élaborée avec les provinces et les territoires pour définir le traitement fourni au Canada, et la façon de le faire découle de ce produit. Il nous reste maintenant à mettre tout cela en œuvre.

Il est intéressant de noter que le gouvernement fédéral a formulé les conditions que les provinces doivent remplir pour obtenir ce financement en s'inspirant de cette stratégie de traitement. Les fonds fédéraux qui sont fournis répondent aux besoins de traitement tels que perçus par les provinces, les territoires et les organismes à but non lucratif. Idéalement, cela devrait faciliter le fonctionnement du système.

Le sénateur Wallace : Les objectifs des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, sont harmonisés et semblent vouloir obtenir des résultats communs, et d'éviter que chaque palier de gouvernement aille dans sa propre direction.

M. Perron : C'est ce que je pense également, mais je ne suis pas en mesure d'affirmer que c'est bien là le but du gouvernement fédéral, étant donné que je ne suis pas son représentant.

Le sénateur Watt : Je vais essayer de parler de la question de la toxicomanie. C'est une question qui me concerne particulièrement, étant donné que je viens du Grand Nord.

J'ai été heureux de constater que vous avez parlé dans votre exposé d'une des régions à laquelle je m'intéresse particulièrement. Pour votre information, je ne me limite pas uniquement au Nunavik; cela englobe le Nunavut, avec Labrador et les Inuvialuits du coté ouest.

Il n'y a pas d'établissement de traitement dans le Grand Nord, que ce soit au Nunavut, au Nunavik, au Labrador ni du côté des Inuvialuits. Nous avons toutefois des études sur les services médicaux qui nous sont fournis à des fins générales, pour le Medicare. Vous avez parlé dans votre exposé du logement, qui est également un des facteurs qu'il convient d'examiner sérieusement. J'essaie en fait d'examiner le volet réadaptation et la criminalité.

Pour ce qui est de l'accès à ces établissements dans les deux régions, il n'y en a pas. C'est pourquoi nos jeunes doivent quitter leur foyer et être envoyés dans le sud où ils se fondent dans la population carcérale des pénitenciers. J'ai entendu des témoins avant vous, des gens qui sont responsables de ce qui se passe dans les établissements correctionnels, et ils ont tous déclaré que ces chiffres augmentaient. J'aimerais savoir comment éviter que ces personnes se retrouvent dans ces établissements — les pénitenciers fédéraux, voire même les pénitenciers provinciaux.

Je sais que les personnes qui nous présentaient des exposés faisaient tout ce qu'elles pouvaient pour éviter d'utiliser le mot « discrimination ». Personnellement, j'ai du mal à croire que la discrimination existe encore dans notre pays, mais c'est quand même un fait. Si c'est là la principale raison pour laquelle les Autochtones, en particulier les Inuits, ne sont pas correctement traités, quelle serait la bonne façon de le faire à votre avis? Il est facile de dire que nous devrions éviter de les envoyer dans ces établissements, mais d'un autre côté, nous ne disposons d'aucun établissement ici.

Pour ce qui est des Autochtones qui vivent dans le Grand Nord, que pouvons-nous faire pour faire en sorte que leurs besoins spéciaux soient pris en compte? Le Sud ne peut répondre à nos besoins spéciaux. Seul le Nord est en mesure de répondre à ces besoins.

Je me dis même que si cela était nécessaire, le secteur privé devrait peut-être intervenir pour fournir les établissements dont ont besoin nos collectivités. Par la suite, le gouvernement pourrait peut-être offrir une autre solution.

Est-ce que nous les dirigeants autochtones de ce pays devrions nous inquiéter davantage? Si nous ne faisons rien, nous allons continuer à perdre nos gens très rapidement, et leur nombre ne fait qu'augmenter dans les pénitenciers. Si nous ne faisons rien, je ne sais pas ce que nous apportera l'avenir. Pouvez-vous répondre à tout cela?

M. Perron : Ma réponse va être courte, mais elle ne reflète pas la gravité de la situation.

Tout d'abord, la plupart des gens qui comparaissent pour témoigner au sujet des politiques en matière de drogue présentent souvent les choses en noir ou blanc; il faut faire ceci ou cela. En fait, il faut faire beaucoup de choses en même temps. Cela veut dire mettre en place des programmes de prévention et d'éducation, fournir un accès au traitement, ainsi qu'aux programmes de réduction des méfaits et d'application de la loi, mais selon un tout qui soit cohérent.

Il y a quelques années, nous avons constaté que ces chiffres ne faisaient qu'augmenter parce qu'il n'existait pas de stratégie pour l'ensemble du Canada. Les provinces faisaient une chose, les territoires une autre, le gouvernement fédéral encore une autre, et c'est pourquoi nous avons élaboré le Cadre national d'action pour réduire les méfaits liés à l'alcool et aux autres drogues et substances au Canada dans le but de préciser qui devait faire quoi et où : quel est le rôle des territoires par rapport au secteur privé, par rapport au secteur à but non lucratif?

Nous nous sommes entendus sur la façon d'agir et deux grandes priorités sont ressorties de ces discussions : la nécessité d'entamer un dialogue avec le Grand Nord et amener les Premières nations, les Inuits et les Métis à bien comprendre, comme vous l'avez si bien expliqué, l'effet disproportionné qu'ont ces problèmes dans ces collectivités.

Pour ce qui est de votre question sur ce que l'on peut faire, l'engagement personnel que j'ai pris en tant que chef du CCLAT a été d'aller dans le Grand Nord et de dire que je me refusais à perpétuer ce qu'avaient fait mes prédécesseurs, c'est-à-dire vous dire comment régler vos problèmes. Nous attendons que les résidents du Grand Nord nous disent ce qu'ils souhaitent.

Nous avons créé, il y a quelques années, un comité d'anciens qui nous guide dans notre collaboration avec des organismes clés comme l'Inuit Tapiriit Kanatami et le programme de santé mentale que cet organisme a mis sur pied dans le but d'amener les intervenants clés dans le Grand Nord, en particulier le Nunavut et le Labrador, à harmoniser leur action.

Il faut, dans la plupart des cas, commencer par la prévention. La prévention est un signe d'espoir. Il faut donner aux gens l'espoir qu'il existe des possibilités; il faut leur fournir des solutions. Il ne suffit pas de leur dire qu'il ne faut pas prendre de drogue; il faut qu'ils puissent dire oui à quelque chose. Nous avons l'obligation de leur fournir des options dans ce domaine, de véritables options en matière de traitement.

Ils quittent le Grand Nord et arrivent au Mamisarvik Healing Centre d'Ottawa, qui offre un programme extraordinaire, adapté à la culture des participants; ils doivent revenir dans une collectivité qui n'offre pas toujours les services complémentaires dont vous avez parlé, qu'il s'agisse de logement — dont nous savons qu'il constitue un problème très grave dans le Grand Nord — d'emplois, d'offres d'emploi et du reste; nous savons qu'il y a beaucoup de problèmes dans le Grand Nord.

Je ne veux pas vous brosser un tableau encore plus décourageant. Il est important de réunir des personnes efficaces qui s'entendent sur la façon de lutter contre ces problèmes, en se fondant sur les données scientifiques et en utilisant des fonds, en sachant qu'il faut arrêter de faire ce qui est inefficace et s'entendre sur une stratégie.

À un certain niveau, nous avons progressé, parce que nous avons eu des discussions et élaboré des solutions. Cependant, pour le long terme, il faudra investir. Il faudra préciser qui doit faire quoi et où, tout en respectant la transparence et la reddition de compte.

C'est en partie le rôle qu'essaie de jouer le CCLAT. Nous intervenons toutefois en ayant beaucoup de respect pour l'ITK, pour tous les groupes des Premières nations, et leurs responsabilités en matière de gouvernance, pour les aînés, qui sont ceux qui nous guident dans ce domaine. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

Le sénateur Watt : Cela répond en partie à mes questions. J'en conclus que nous allons devoir réfléchir à beaucoup de choses avant de nous donner des orientations.

Vous avez mentionné qu'il existe déjà diverses instances, notamment une organisation comme l'ITK. Nous le savons. Certaines de ces instances commencent tout juste à aller dans cette direction et à essayer de trouver des solutions aux problèmes auxquels elles font face.

Parallèlement, elles sont tout à fait isolées des législateurs, parce qu'elles n'ont même pas été invitées à comparaître devant le comité permanent de la Chambre des communes qui s'occupe de cette question. On les garde à distance des changements qui s'opèrent; elles ne peuvent suivre les changements et donc s'y adapter. Il y a en quelque sorte deux poids deux mesures. J'aimerais que vous me parliez de cet aspect.

M. Perron : Pour la plupart des raisons que vous avez mentionnées, l'ITK copréside le comité directeur sur la Stratégie nationale sur le traitement. Nous les avons invités à travailler en étroite collaboration avec les provinces et avec tous ceux qui essaient de mettre en œuvre cette Stratégie nationale sur le traitement pour le Canada, pour être sûrs que le Grand Nord, et le Nunavut en particulier, puissent se faire entendre par l'entremise de l'ITK.

Quant aux relations avec les parlementaires, je vous laisse le soin d'en juger. Il est évident qu'il faut un engagement politique et que ces voix puissent se faire entendre dans ces instances.

Vous avez également parlé de la question de la discrimination et de la stigmatisation. Lorsque nous utilisons ces termes dans notre monde, le monde des toxicomanies, cela transcende toutes les cultures. Le fait d'être un toxicomane est un stigmate qui réduit les possibilités d'accès aux services dont il a besoin. On mentionne souvent en exemple le fait que si vous êtes diabétique, vous allez à l'hôpital, mais que, si vous êtes un toxicomane, vous avez un problème.

Le stigmate de la discrimination s'applique à tous les consommateurs et pas seulement à ceux qui font partie d'une culture particulière. C'est un aspect important dont il faut parler.

Le sénateur Watt : Ce n'est pas moi qui aie utilisé nécessairement directement le mot « discrimination »; ce sont les témoins que nous avons entendus. Apparemment, dans ces établissements, lorsque la personne est détenue, elle est exploitée et fait l'objet de discrimination parce que l'on sait que cette personne est désavantagée.

La présidente : Il y a deux sortes de discrimination : la discrimination directe et personnelle et la discrimination systémique. Il est plus difficile, pour plusieurs raisons, de lutter contre la discrimination systémique.

M. Perron : Nous sommes tout à fait disposés à parler de tous ces aspects avec vous quand cela vous conviendra et à vous informer de tout ce que nous faisons dans le Grand Nord.

Le sénateur Watt : J'en serais ravi.

[Français]

Le sénateur Carignan : Vous avez traité un peu de la conduite avec facultés affaiblies. C'est un exemple que je trouve intéressant parce que le problème existe ici. On peut prendre des exemples de l'extérieur, mais il faut toujours se méfier, car ce n'est pas toujours le même type de population avec la même culture.

L'alcool est un problème de dépendance comme la toxicomanie. Il y a eu des amendements au Code criminel qui imposaient des peines minimales. Il y avait tout un ensemble de mesures, un peu comme la stratégie sur le plan des drogues, pour la conduite avec facultés affaiblies. Le fait d'avoir des peines minimales connues a permis de les publiciser et cela a eu un effet dissuasif. Quand on n'a pas de peine minimale fixe, c'est difficile de publiciser la peine. Ici, il a été possible de le publiciser. On a accès à des traitements. On sait qu'il y a eu une diminution des conduites avec facultés affaiblies de façon importante.

Est-ce qu'il existe des études sur la conduite avec facultés affaiblies qui présenteraient des chiffres avant l'entrée en vigueur de la peine minimale? Y a-t-il des données sur les gens qui ont été forcés de suivre des traitements et sur les taux de réussite — avec la notion de réussite un peu vague, tel que le sénateur Nolin l'a souligné plus tôt? Avez-vous vraiment approfondi ces éléments de conduite avec facultés affaiblies?

M. Perron : Je vais demander à mes collègues de répondre. Cependant, je peux vous dire que le succès que nous avons eu sur le plan national, quant à la question de conduite avec facultés affaiblies, fait en sorte qu'il y a un alignement, non seulement avec des partenaires des gouvernements fédéral, provincial et territorial, entre autres, mais un alignement de répression, un alignement de prévention et d'éducation. C'était un changement sociétal. La conduite avec facultés affaiblies n'est pas permissible dans notre société. Tout le monde allait dans la même direction pour tenter de régler cette problématique.

C'est lorsqu'il y a un alignement de toutes ces forces — prévention, éducation, traitement, réadaptation et répression — que nous voyons un changement important. C'est un peu ce qu'on essaie de faire avec le Cadre national sur les toxicomanies qui va rejoindre tous ces éléments pour les drogues. C'est un succès dont on devrait s'inspirer.

Concernant les données précises que vous avez demandées, je vais demander à ma collègue Amy de vous répondre. Elle connaît cet aspect mieux que moi.

[Traduction]

Amy Porath-Waller, conseillère principale en recherche et politiques, Centre canadien de lutte contre I'alcoolisme et les toxicomanies : Je ne connais pas d'étude ayant porté sur ce point. Cependant, un de mes collègues du CCLAT a participé à un rapport dans lequel étaient examinés les programmes obligatoires pour la conduite avec facultés affaiblies. Je serai heureuse de faire une recherche et de vous fournir ce document.

J'aimerais ajouter au commentaire de mon collègue qu'une des raisons pour lesquelles nous avons réussi à réduire les taux de conduite avec facultés affaiblies est que nous avons investi des sommes importantes dans la prévention. Depuis une vingtaine d'années, les autorités ont lancé de nombreuses campagnes de prévention et investi des sommes importantes dans ce domaine. Nous sommes donc en train de constater des progrès pour ce qui est de la conduite avec facultés affaiblies. Les études montrent que les efforts de prévention dans lesquelles nous avons investis, ont effectivement réduit le nombre des infractions de conduite avec facultés affaiblies.

[Français]

M. Perron : La réussite d'un programme de traitement n'est pas nécessairement reliée à la façon dont on s'est présenté pour le traitement. Donc, le traitement coercitif — si on peut l'appeler ainsi — a autant de succès qu'un traitement offert à quelqu'un qui se présente volontairement.

À l'occasion d'une arrestation ou d'une incarcération, si vous avez un problème, on devrait vous acheminer vers le programme de traitement approprié. Par traitement « approprié », on entend un traitement qui va focaliser sur des données probantes de votre condition pour voir comment mieux traiter le problème.

Il arrive qu'on refuse un traitement à des gens parce qu'ils ont ces attributs. Si le projet de loi va de l'avant tel quel, il faut s'assurer que les programmes de traitement et de réadaptation en place puissent être offerts à cette clientèle particulière. C'est essentiel parce que cela fait partie de l'esprit de la loi. Il faut que le système soit en place pour offrir de l'aide à une personne qui en a besoin.

Le sénateur Carignan : Cela fait partie des statistiques que j'aimerais avoir. L'idée populaire — en tout cas la mienne —, c'est que la personne devait elle-même faire la démarche et que tant qu'elle n'était pas convaincue qu'elle avait un problème et qu'elle devait se faire traiter, les chances de succès étaient amoindries.

Je vois, selon votre témoignage, que ce n'est pas nécessairement le cas.

D'autres témoins ont indiqué que parfois la détention était ce qui avait déclenché la décision de suivre un traitement et que celui-ci avait eu un certain succès. Par conséquent, le fait demeure et il doit exister des statistiques.

M. Perron : Nous tenterons de trouver ces statistiques. Que la menace d'emprisonnement soit un élément motivateur, soit. Toutefois, cela ne veut pas dire qu'on doive emprisonner les personnes. Il suffit de leur fournir les services nécessaires.

La présidente : Avant de passer au deuxième volet, j'aimerais vous demander de nous faire parvenir tous les documents pertinents aux questions du sénateur Carignan. Vous pouvez les envoyer à la greffière du comité.

Par contre, nous avons déjà l'étude de mars 2006 sur les coûts à laquelle vous faisiez référence. On pourra la faire circuler aux membres du comité. Vous n'avez donc pas besoin de la produire.

Le sénateur Carignan : Ma question porte justement sur cette étude. Nous l'examinerons, certes, mais je ne suis pas certain qu'elle saura répondre à ma prochaine question. A-t-on calculé les coûts indirects liés, par exemple, à la perte de productivité? Une personne qui devient schizophrène ou qui souffre d'une maladie mentale suite à une consommation importante encourra des pertes de revenus et de productivité jusqu'à la fin de ses jours. Ce facteur a-t-il été pris en considération dans les calculs?

M. Perron : Les coûts liés à la perte de productivité ont été calculés en se basant sur le nombre d'années perdues dans les cas de mortalité. Ils ne se sont pas nécessairement basés sur des conditions telles que vous avez suggérées.

Le sénateur Carignan : Handicapantes?

M. Perron : Exactement. Il y a quand même une limite aux données actuelles.

Le sénateur Carignan : On parle donc de décès prématurés, soit avant d'avoir atteint l'espérance de vie normale.

M. Perron : Une jeune personne qui, après avoir consommé de l'alcool, se tue en frappant un arbre représente un coût X ou Y à la société en fait de contribution perdue. Ces calculs sont difficiles. Lorsqu'on parle de drogues illicites, les coûts sont estimés à 8,2 milliards de dollars par année. L'alcool représente un montant global de 14,5 milliards de dollars par année.

Le sénateur Carignan : Avez-vous étudié la situation au Portugal? On dit que les consommateurs de drogues illicites sont plus susceptibles de commettre des crimes. Dans votre présentation, on parle de 21,7 p. 100 des cas, et lorsqu'on exclut le cannabis, on parle plutôt de 37,5 p. 100 des cas. Le nombre de consommateurs semble donc proportionnel au taux de criminalité. Je suis surpris de constater un pays où les statistiques montrent que le nombre de consommateurs diminue alors que le taux de criminalité augmente. Vous êtes-vous penché sur la situation particulière du Portugal?

M. Perron : Je ne l'ai pas fait, personnellement. Je demanderai à mes collègues, s'ils le désirent, d'apporter une précision sur l'interprétation des données que vous venez de citer.

[Traduction]

Mme Jesseman : Il y a peut-être un malentendu. Ce paragraphe parle des méfaits et non pas des infractions.

[Français]

Le sénateur Carignan : On parle donc des méfaits?

M. Perron : On parle des méfaits commis envers les personnes mêmes.

Le sénateur Carignan : Ces actes ne se sont pas traduits nécessairement en accusations criminelles?

M. Perron : Non.

Le sénateur Carignan : On ne peut donc pas établir de liens.

M. Perron : En effet. Que l'on compare le Portugal à la Suède ou au Canada, chaque pays a sa situation. Il faut considérer les problèmes de même que les moyens législatifs et les programmes pour y remédier.

Ces questions furent abordées lorsqu'on a traité du développement du cadre national. Au Canada, nous avons plusieurs éléments à prendre en considération. Il faut donc se demander comment aller de l'avant pour régler ce problème qui s'accroît. Voilà la stratégie qui en résulte.

Le sénateur Carignan : Je comprends qu'il faille être prudent avant de copier les modèles.

M. Perron : Absolument. De façon similaire, je ne dirais pas aux Suédois d'adopter nécessairement le modèle canadien. On peut s'inspirer des modèles en se basant sur des données probantes et comparables. La situation est toutefois différente dans chaque pays.

Le sénateur Rivest : Vous avez parlé, entre autres, de l'aspect répression. Est-ce que la nature actuelle des sentences imposées par les tribunaux, soit sans peine minimale, selon vous a un impact significatif sur l'évolution de la consommation des drogues?

[Traduction]

Mme Jesseman : En bref, non. Il n'y a pas de corrélation étroite entre ces deux facteurs.

Le sénateur Rivest : Merci.

Le sénateur Nolin : Attendez la réponse.

Mme Jesseman : Je sais que mes collègues du ministère de la Justice du Canada et de Statistique Canada pourraient vous fournir d'autres chiffres sur cette question. Cependant, d'une façon générale, les études indiquent qu'il n'y a pas de corrélation entre les peines prévues par la loi pour les infractions reliées aux drogues et la perpétration de ces infractions.

[Français]

Le sénateur Rivest : Donc, à votre avis, l'imposition de sentences minimales ne semble pas nécessaire à l'amélioration du traitement des consommateurs de drogues?

M. Perron : D'après ce que je comprends du projet de loi, toute personne souffrant de toxicomanie, qui se fait arrêter pour un crime commis, se verra fournir de l'aide. À cet égard, le CCLAT souligne l'importance que ces traitements rejoignent les personnes qui en ont besoin. Qu'il s'agisse des tribunaux, des TTT ou des programmes provinciaux, dès que l'on ouvre la porte pour aider ces personnes appréhendées souffrant d'un problème de toxicomanie, on doit s'assurer que le système de traitement soit en place avant d'imposer une peine minimale qui imposera un tel traitement, sinon on contrevient à l'esprit de la loi.

À mon avis, l'esprit de la loi dit qu'on devrait aider ceux qui ont un problème de toxicomanie. Par contre, ceux qui en profitent commercialement devraient être punis.

Le sénateur Joyal : J'aimerais revenir sur cet aspect du projet de loi, qui semble être dans votre domaine et de votre compétence.

Comme vous l'avez bien indiqué, il existe deux façons pour un usager de drogues de se réhabiliter. Celui-ci peut comparaitre devant une cour spécialisée. Il en existe six dans cinq provinces canadiennes. Elles sont toutes en Ontario et dans l'Ouest. On n'en retrouve aucune au Québec, dans les quatre provinces de l'Atlantique ni dans les trois territoires. Dans ce cas, on tombe sous l'autre option.

M. Perron : En effet.

Le sénateur Joyal : Qui est celle de l'article 720(2) du Code criminel, qui se lit comme suit :

[Traduction]

La disposition énonce :

[...] de participer, sous la surveillance du tribunal, à un programme de traitement agréé par la province, tel un programme de traitement de la toxicomanie ou un programme d'aide en matière de violence conjugale.

[Français]

Combien de ces programmes ont été approuvés par la province ou le territoire?

M. Perron : Je ne peux répondre à cette question, à moins que mes collègues puissent m'aider. Les façons d'approuver ces programmes varient selon les provinces. Certains programmes sont approuvés car les traitements sont subventionnés par le gouvernement.

En Ontario, par exemple, si on ne peut traiter une personne qui se présente avec un problème de toxicomanie, on l'enverra, bien souvent, suivre sont traitement aux États-Unis ou dans une autre province.

Évidemment, le manque de capacité est important pour les personnes qui ont recours à ces services aujourd'hui. Pour augmenter le nombre de clients potentiels pour ces services par l'entremise d'une voie judiciaire, cela requiert un investissement important. C'est pour cela qu'on vous suggère : autant il y a un élément dans le projet de loi pour l'évaluation dans deux ans, autant on devrait faire une évaluation immédiatement, un suivi en temps réel, pour s'assurer que si, en effet, il y a toutes sortes de personnes qui seraient de bons candidats pour ces programmes, s'il n'y a pas de programmes, on devrait le savoir plus tôt que plus tard. Si on revient à l'esprit de la loi qui est si vous avez besoin d'aide, on va vous la fournir, il est certain que l'aide doit être là. On pourrait vous donner quand même une liste de programmes de traitements dans les provinces qui sont bien établis, financés et évalués, mais la liste en tant que telle de programmes qualifiés, nous ne l'avons pas.

[Traduction]

Rita Notarandrea, première dirigeante adjointe, Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies : Je dirais qu'il existe un certain nombre de programmes de traitement de la toxicomanie en milieu hospitalier qui ont dû être agréés par les provinces, de sorte qu'il y en a quelques-uns. Il y a le Conseil canadien d'agrément des services de santé, et il existe des normes associées aux toxicomanies. Nous avons effectivement des programmes qui répondent aux normes d'agrément.

Le sénateur Joyal : Vous avez donc une liste de ces programmes agréés et vous pouvez les présenter par province et par territoire. Même dans les provinces où ces programmes existent, ils sont habituellement offerts dans une grande ville. Il existe toutefois des problèmes liés aux drogues à l'extérieur des grandes villes. Prenons, par exemple, le cas de la Colombie-Britannique. Je suis certain que notre collègue, le sénateur Campbell, pourrait nommer plusieurs villes autres que Vancouver dans lesquelles résident un nombre important de consommateurs de drogues qui devraient avoir accès à ce programme.

Autrement dit, un programme de traitement de la toxicomanie offert dans six villes au Canada n'est même pas en mesure de desservir le territoire complet d'une seule grande ville.

La première solution ne fait pas problème; nous savons ce que sont les programmes de traitement de la toxicomanie. Cependant, la seconde semble constituer ce qu'on pourrait appeler un objectif très difficile à atteindre. J'ai formulé cette phrase de la façon la plus positive possible. À la page 7 de votre mémoire, dans la section intitulée « Options de traitement dans les provinces », vous dites « La capacité de traitement au Canada présente actuellement des lacunes considérables qui empêcheront le système de justice pénale de diriger davantage de personnes en traitement. »Je crois savoir qu'il existe des listes d'attente parce que les ressources sont limitées.

Vous poursuivez en disant que « de nombreux programmes communautaires excluent les personnes dont la participation au traitement est imposée par le système pénal. » Autrement dit, ils ne veulent pas s'occuper de criminels. Voilà qui constitue un autre obstacle.

Troisièmement, vous énoncer « Les services effectivement offerts varient considérablement d'un endroit à l'autre. » Vous revenez à ce que vous venez de dire. Par conséquent, en fait, et je cite, « Nous n'avons pas encore une idée précise des services offerts ou du nombre de personnes qui y accèdent à l'heure actuelle au Canada. » Autrement dit, nous nous trouvons en territoire inconnu.

J'ai ensuite lu votre rapport, Approche systémique de la toxicomanie au Canada : Recommandations pour une Stratégie nationale sur le traitement. La première recommandation est d'investir des ressources suffisantes et de créer des infrastructures pour veiller à ce que « les services et les soutiens requis à chaque niveau soient offerts dans l'ensemble des autorités administratives. »

Voilà qui soulève la question du financement. Si aucun financement n'est prévu, tout cela demeurera au niveau des bonnes intentions. Par contre, sur le plan pratique, rien ne changera demain matin, si le projet de loi est adopté par le Parlement.

M. Perron : Vous avez fort bien résumé la situation.

Si le projet de loi a pour objectif de rejoindre ceux qui ont besoin d'aide, alors je dirais que c'est une excellente mesure. J'aimerais toutefois revenir un peu en arrière, si vous le permettez. J'espère que nous aurons plusieurs fois l'occasion d'intervenir auprès des toxicomanes avant qu'ils ne soient traduits devant les tribunaux pénaux. Il ne faut pas oublier que bien souvent, ils sont très nombreux. Pour ceux que nous rencontrons, lorsque cela est possible, nous préférerions les aider que de les envoyer en prison. C'est là d'après moi l'intention que reflète ce projet de loi et c'est aussi celle du gouvernement qui propose deux moyens d'y parvenir.

Les programmes judiciaires de traitement de la toxicomanie sont l'élément sur lequel le gouvernement fédéral exerce un contrôle étroit, étant donné que c'est lui qui les finance. Ces programmes sont tout nouveaux. Vous avez entendu des témoignages au sujet de leur efficacité et de la façon dont il conviendrait de les mettre en œuvre. Nous savons dès le départ que l'accès à ces programmes est interdit à certaines personnes qui ont commis des infractions associées à des circonstances aggravantes, qui constituent ainsi des facteurs d'exclusion. À titre de recommandation, ou de politique, le gouvernement fédéral devrait au moins offrir à ses clients la possibilité d'avoir accès à ces programmes judiciaires — je dis « ses », parce que c'est lui qui les finance — étant donné qu'avec cette loi c'est lui qui les a mis sur pied.

Il est incontestable qu'il existe des disparités sur le plan de l'offre de programmes provinciaux agréés et sur leur nécessité. Il faut atténuer ces disparités. Je reviens à la réponse que j'ai donnée au sénateur Watt qui vient du Grand Nord. Il ne s'agit pas d'une alternative; nous devons faire ces choses en même temps. S'il y a un problème de capacité, pouvons-nous augmenter cette capacité? Il faut toutefois que le gouvernement fédéral et les provinces collaborent à la mise en œuvre de ces programmes.

Encore une fois, l'objectif de base demeure. Nous sommes satisfaits de constater que cette mesure prévoit un point d'accès aux traitements, mais il faut qu'il existe un système de traitement capable d'accueillir ces personnes.

La présidente : Cette conversation devient de plus en plus fascinante.

Le sénateur Wallace : Une précision, le sénateur Joyal a soulevé la question des programmes de traitement provinciaux. Monsieur Perron, je crois que vous avez dit — ou j'ai déduit de ce que vous avez dit — que vous avez la liste des programmes provinciaux de traitement qui existent dans l'ensemble du Canada. J'ai cru que vous aviez affirmé que vous étiez disposé à la fournir. Je ne sais pas si nous avons demandé à M. Perron de le faire. S'il demeure un doute, j'aimerais le dissiper.

Le sénateur Joyal : Nous acceptons toute offre sérieuse.

M. Perron : J'aimerais préciser ce que j'ai offert; nous avons une liste des services de traitement offerts par les provinces. Cela ne veut pas dire qu'il s'agit de services agréés et approuvés, tel que défini par l'article de la loi, cité par le code ou le projet de loi C-15. Cela constitue toutefois un point de départ.

La présidente : Nous serions heureux de recevoir les renseignements que vous possédez. Vous pouvez les transmettre à la greffière, et le plus tôt sera le mieux.

M. Perron : Vous l'aurez d'ici la fin de la journée.

Le sénateur Wallace : Très bien.

Le sénateur Baker : Savez-vous ce qui se passe dans une province qui n'offre aucun programme de traitement? Je vais prendre l'exemple de Terre-Neuve-et-Labrador. Le juge chargé de fixer la peine est informé que l'accusé est accepté dans un programme de traitement qui est soit financé par l'État par l'intermédiaire des services sociaux soit par l'accusé lui-même au Nouveau-Brunswick. Il ne semble pas qu'il y ait d'uniformité dans les programmes qualifiés d'acceptables par les tribunaux.

C'est pourquoi je vous demande si vous ne pourriez pas examiner la jurisprudence pour savoir quelles sont les provinces qui reconnaissent les autres provinces dans l'étude que vous allez faire au sujet de ces établissements? J'aimerais que vous nous fournissiez tous les documents qui traitent d'aspects comme la justice, l'équité ou la charte qui reconnaissent que certaines provinces et le Grand Nord sont soumis à cette obligation alors qu'il ne semble pas exister de politique nationale uniforme quant aux établissements qui sont reconnus aux termes du paragraphe 720(2) du Code criminel.

M. Perron : Nous ferons de notre mieux, sénateur.

Cela dit, nous ne serons peut-être pas en mesure de vous fournir tout ce que vous demandez. Nous allons probablement nous baser sur les programmes que les provinces sont en mesure de facturer au gouvernement fédéral. Nous allons nous adresser à nos collègues provinciaux et territoriaux pour le faire.

Il existe, comme vous le savez, certaines pratiques à Terre-Neuve. Le CCLAT ou le système doit faire davantage pour sensibiliser les juges, les procureurs de la Couronne et les avocats de la défense sur ce que sont les toxicomanies et les raisons pour lesquelles ces personnes se retrouvent devant les tribunaux. Il faudrait qu'ils comprennent mieux ce qui se passe en dehors du système de justice pénale. C'est un commentaire qui ne figurera pas dans la recherche que nous allons faire.

Le sénateur Baker : J'aimerais également voir les coûts associés à une demande de participation à un programme.

Le sénateur Joyal : Vous allez nous remettre la liste des programmes de traitement qui existent par province. Si vous avez des renseignements qui précisent quels sont les programmes reconnus par les tribunaux, pourriez-vous également nous les fournir?

M. Perron : Je dois vous dire que nous allons obtenir ces renseignements auprès des provinces. Nous allons communiquer avec le groupe avec lequel nous travaillons dans le domaine du traitement et, peut-être contacter Santé Canada. Nous allons faire ce que nous pouvons pour vous préparer cette liste aussi rapidement que possible.

Le sénateur Joyal : Vous déclarez en conclusion dans votre mémoire à la page 8 : « Il faudra renforcer le système pour qu'il puisse fournir ces services, et ce, sans diminuer les services offerts au grand public [...] ».

Avez-vous une idée de l'ordre de grandeur de l'investissement public qu'il conviendrait d'effectuer pour pouvoir réaliser l'objectif de la loi?

Non pas pour le faire en un an, mais dans un délai raisonnable, par exemple, entre trois et cinq ans; combien faudrait-il d'argent pour pouvoir offrir le niveau de services dont vous parlez dans votre mémoire?

Mme Notarandrea : Il y a un certain nombre d'experts en recherche qui ont participé à l'élaboration de ce rapport. Nous avons demandé une étude pour obtenir le chiffre dont vous parlez. En fin de compte, il n'a pas été possible d'obtenir ce chiffre à cause de tous les éléments dont il aurait fallu tenir compte.

Nous disons dans le rapport qu'il ne faudrait pas que tous les toxicomanes aient uniquement accès à ces services spécialisés. Il faut veiller à ce que le reste du système dispose des outils nécessaires pour évaluer et prendre en charge les toxicomanes pour que seuls ceux qui ont des besoins spéciaux et dont le cas est très complexe, ceux dont nous parlons ici, aient accès à ces services spécialisés. Seules ces personnes devraient avoir accès aux services spécialisés qui s'occupent de santé mentale et de toxicomanie. Si nous pouvons donner aux autres éléments du système les moyens de prendre en charge ces clients avant qu'ils se retrouvent devant les tribunaux pénaux, nous aurons fait tout ce qu'il est possible de faire en termes de traitement.

Pour répondre simplement à votre question, je vous dirais que nous avons essayé de le faire et que c'était impossible.

Le sénateur Joyal : Avez-vous des chiffres approximatifs? Faudrait-il multiplier les ressources existantes par 5, 10 ou 20? Avez-vous une idée de l'ampleur de l'effort qui devrait être déployé?

Mme Notarandrea : Non. Cependant, si nous obtenons les trois tranches de financement dont nous avons parlé, s'il y a davantage de services de prévention, au lieu d'examiner ce que fait le système actuel, nous pourrons peut-être réduire à l'avenir le nombre des personnes qui ont besoin d'un traitement. Il y avait trop de facteurs démographiques dont il fallait tenir compte — les personnes âgées, les jeunes — pour pouvoir en arriver à une réponse.

Nous avons toutefois essayé de le faire pour ce rapport.

M. Perron : Les coûts associés aux seules drogues illicites sont d'environ huit milliards de dollars par an. C'est le montant qu'il est possible d'établir. Si nous voulons agir de façon efficace et productive, nous devrions prendre ce montant comme une base pour évaluer l'investissement requis.

Quant au chiffre réel, si nous voulions effectuer une évaluation cumulative des répercussions de ce projet de loi pour ce qui est de l'accès au système, nous pourrions peut-être les transposer en temps réel. C'est un gros travail et il faudrait répartir auparavant les tâches.

Premièrement, nous ne pouvons pas tenir pour acquis que tous les services sont rendus de façon aussi efficace que possible; deuxièmement, il faut se demander quelle est la meilleure façon de rationaliser les diverses catégories de services; et troisièmement, il faut évaluer les besoins financiers et déterminer qui fournirait les ressources. En l'absence de réponse à ces trois questions, il me paraît inapproprié de vous fournir un chiffre précis, en raison du manque de données. Tout ce que nous savons, c'est qu'il faudrait davantage de ressources.

La présidente : Nous parlons ici d'une somme importante. Il se pourrait toutefois qu'il soit extrêmement profitable d'investir une telle somme.

M. Perron : La dernière personne qui m'a posé cette question dans cette salle était le sénateur Kirby dans le cadre de son rapport De l'ombre à la lumière : la transformation des services concernant la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie au Canada. J'estime que ce rapport constitue un excellent dossier de rentabilité si vous appliquez ce point de vue au genre d'investissement qu'il faudra effectuer.

[Français]

Le sénateur Nolin : En ce qui concerne l'usage thérapeutique du cannabis, avez-vous des données empiriques quant au nombre de Canadiens qui utilisent du cannabis à des fins thérapeutiques, qu'ils s'en procurent en utilisant la voie réglementaire ou non pour y avoir accès?

[Traduction]

M. Perron : Oui, tout dépend de la question posée. Si vous extrapolez à partir des chiffres et faites les calculs en utilisant la dernière question posée dans l'Enquête sur les toxicomanies au Canada, vous constaterez qu'environ un million de Canadiens ont déclaré avoir utilisé une substance illicite à des fins « thérapeutiques » au cours de l'année précédente. Voilà l'ordre de grandeur.

Le sénateur Nolin : Je m'intéresse davantage à un ordre de grandeur qu'à un chiffre précis.

M. Perron : Avec toutefois une mise en garde, à savoir que, si vous posez une question qui est formulée de façon assez large et qui ne permette pas de déterminer exactement le nombre des personnes qui ont consommé de l'alcool à des fins thérapeutiques, vous obtiendriez probablement le même résultat. Cela ne veut toutefois pas nécessairement dire qu'il faut recommander cet usage thérapeutique.

Le sénateur Nolin : Ce n'est pas ce que je dis.

M. Perron : Il n'est pas non plus approprié de dire que ce groupe devrait être visé par les lignes directrices de Santé Canada. Cette enquête dit simplement qu'un certain nombre de personnes ont fait cette affirmation. Nous n'avons toutefois pas repris cette question dans l'ESCCAD, parce que nous avons estimé que cette conclusion était fallacieuse, compte tenu de la façon dont la question était formulée et qu'elle risquait de déformer la réponse ou de fournir de faux renseignements.

C'est un aspect que nous devrions sans doute examiner, mais les données ne sont pas très fiables dans ce domaine.

Le sénateur Nolin : Un peu moins de 5 000 Canadiens utilisent le mécanisme réglementaire pour avoir accès à de la marijuana. Il existe un multiplicateur d'un ordre de grandeur inconnu — je ne connais pas ce chiffre — qui permet de calculer le nombre des Canadiens qui consomment de la marijuana pour des raisons thérapeutiques et qui croient bien faire. Je suis sûr que vous êtes en mesure de nous fournir ces chiffres.

M. Perron : Oui. Nous les remettrons au comité avec la réponse à la question posée.

Le sénateur Nolin : J'aimerais également connaître le nombre des personnes qui sont à la fois des consommateurs et des trafiquants. Possédez-vous ces chiffres, étant donné que le projet de loi à l'étude risque de viser ces personnes?

Mme Porath-Waller : J'ai les chiffres concernant le pourcentage des Canadiens qui consomment du cannabis. Selon les données de 2004, 14,1 p. 100 des Canadiens ont déclaré en avoir consommé au moins une fois au cours de l'année précédente. Cela représente environ 3,6 millions de Canadiens âgés de plus de 14 ans. Pour les données de l'ESCCAD, pour l'année 2008, 11,4 p. 100 des Canadiens âgés de plus de 14 ans ont déclaré en avoir consommé au moins une fois.

Le sénateur Nolin : Ce sont là les consommateurs. Si vous ajoutez les consommateurs aux trafiquants — ceux qui font le trafic pour alimenter leur consommation —avez-vous ce renseignement?

Mme Porath-Waller : Je n'ai pas ces données avec moi, mais nous pourrions vous les fournir.

Le sénateur Nolin : Votre réponse précédente m'a donné l'impression que vous connaissiez probablement la réponse.

Mme Jesseman : Je devrais toutefois préciser que ces chiffres proviennent de la source qu'aurait utilisée le témoin précédent, à savoir le Centre canadien de statistique judiciaire, de sorte que vous devriez sans doute avoir ces chiffres dans votre trousse.

Le sénateur Nolin : Ils ne concernaient pas les utilisateurs alors que vous le faites. Je voulais vous poser cette question.

Mme Jesseman : Il faut revenir encore une fois aux infractions rapportées par la police. Le taux du trafic est de 24,1 par 100 000 personnes pour le cannabis, et de 206,3 au total pour la possession de substances illicites; pour la production, l'importation et l'exportation — et là encore, il s'agit de substances illicites — le taux global est de 27,8 pour 100 000.

La présidente : Nous ne connaissons pas le nombre des trafiquants qui sont des consommateurs et vice versa?

M. Perron : Nous ne le savons pas avec précision. Tous les consommateurs ne sont pas des trafiquants et tous les trafiquants ne sont pas des consommateurs. La difficulté est de savoir comment ces deux groupes se recoupent et quelle est la taille de ce sous-ensemble.

Le sénateur Nolin : Le projet de loi C-15 contient un article qui va viser ces personnes. Il y a au moins les nouveaux paragraphes 10(4) et (5) qui vont s'appliquer à ces personnes.

M. Perron : Les seules données que nous pourrions examiner sont les chiffres des arrestations, qui sous-estiment probablement le nombre réel, étant donné les plaidoyers et les autres mesures qui peuvent être prises à ce stade. Nous pouvons essayer de vous donner un chiffre par extrapolation. Nous allons probablement l'accompagner d'une longue liste de mises en garde, mais cela vous donnera au moins un ordre de grandeur. Il ne vous donnera pas une réponse définitive permettant de prendre une décision, mais complétera les connaissances générales du comité sur ce point.

[Français]

Le sénateur Carignan : Madame Jesseman, le sénateur Rivest a posé une question sur l'effet dissuasif des peines. Vous y avez répondu par un oui ferme. J'aimerais que l'on clarifie ce oui.

Pour qu'une peine ait un effet dissuasif, elle doit, selon moi, être connue. La connaissance de la peine amène alors un changement de comportement. Si je prends l'exemple de conduite automobile en état d'ébriété, laquelle est criminalisée, les peines qui en découlent sont très bien publicisées. Peu de gens ne savent pas que c'est criminel. Cela a résulté en une diminution de la conduite avec alcool au volant.

J'ai posé une question à Me Joncas, spécialiste en droit criminel, lors de sa comparution au comité hier, à savoir quel était le pourcentage de ses clients qui connaissaient la peine pour laquelle ils étaient susceptibles d'être sanctionnés s'ils étaient reconnus coupables. Elle a esquissé un maximum de 2 p. 100, ce qui suggère que 98 p. 100 des gens ne la connaissent pas.

Autre exemple, en Californie, suite à l'adoption de la Loi sur les trois fautes, qui a été très publicisée également, on a vu une diminution des taux de criminalité pour la même période.

Alors les études sont contradictoires. Existe-t-il des études ou des sondages qui évaluent l'importance de la connaissance de la sanction par rapport à son effet dissuasif sur la récidive? Quand vous répondez oui, cela tient-il compte du taux de connaissance des gens sur cette sanction? Est-ce la faible proportion qui connaît la sanction qui dit qu'elle n'est pas influencée ou est-ce l'ensemble du tableau?

[Traduction]

Mme Jesseman : J'aimerais apporter une précision : dans la réponse que j'ai fournie tout à l'heure au sénateur Rivest, je voulais dire qu'il n'est pas clairement établi qu'il existe une relation entre la sévérité de la peine et son effet dissuasif sur les activités criminelles. Je tenais à le préciser.

Je reconnais que selon la recherche en criminologie, il y a trois éléments qui influencent l'effet dissuasif. Le projet de loi C-15 est manifestement fondé sur l'idée de la dissuasion lorsqu'il s'agit des peines minimales obligatoires et de la dénonciation. Néanmoins, si nous voulons vraiment dissuader les criminels, les gens doivent connaître les risques associés à leur comportement. Il faut que la peine soit certaine, lourde et imposée rapidement. Cela veut donc dire qu'il faut que les gens soient sûrs qu'ils seront punis, ce qui met en cause les activités d'application de la loi. La gravité de la peine concerne les peines minimales obligatoires, qui sont un exemple de peines sévères. Toutefois, la sévérité n'a pas d'effet à elle seule; il faut que le contrevenant potentiel sache qu'il risque davantage de recevoir une sanction. Il faut également que la sanction soit imposée rapidement, ce qui fait appel à la notion de peine immédiate. Il faut donc que le processus judiciaire soit rapide et adapté et il faut qu'il prévoie également un accès rapide et adapté à un traitement de qualité. Il faudrait que ces peines fassent partie d'un ensemble très global pour être efficaces.

[Français]

Le sénateur Carignan : La publicité est incluse?

[Traduction]

Mme Jesseman : Absolument. Cela constituerait un élément important. Pour ce qui est des études sur la conscience du risque d'être puni associé aux activités criminelles, je dois reconnaître que cela remonte à mes études de premier cycle, mais à l'époque, les études dont je me souviens n'indiquaient aucunement que les personnes qui exerçaient des activités criminelles étaient particulièrement sensibles à l'existence de peines associées à leurs activités.

[Français]

Le sénateur Nolin : Cela fait longtemps que vous occupez ce poste, monsieur Perron, alors vous êtes certainement à même d'informer le comité quant aux tendances sur l'usage au Canada sur une période de temps assez longue. Nous avons devant nous les données les plus récentes, soit 2004. L'autre étude aussi importante que vous avez réalisée avant remontait à quelle année?

M. Perron : L'étude de 1994.

Le sénateur Nolin : Pendant cette période de dix ans, les tendances sur l'usage à la fois des substances psychoactives légales, tabac et alcool, et illégales, le cannabis étant la plus grande, ont grandement évolué. Qu'est-ce qui peut avoir causé cela, d'après vous?

M. Perron : L'augmentation concernant la consommation d'alcool n'est pas autant à la hausse que les autres. Il y a toutes sortes de suggestions pour lesquelles on a vu une hausse, que ce soit la question de décriminalisation ou de la banalisation de la consommation des drogues. Pendant une période de temps, beaucoup de jeunes Canadiens pensaient que c'était légal ou qu'il n'y avait aucun effet nocif à consommer. La confusion au Canada et due au fait qu'on ne savait pas trop ce que voulait dire drogue ou si on devait ou non en prendre. Le manque de programmes de prévention ou d'éducation auprès des jeunes faisait défaut auparavant.

Il y a toutes sortes de raisons qu'on pourrait pointer du doigt quant à la hausse de la consommation. Je ne peux pas vous dire vraiment quelles sont les raisons, mais je peux vous dire que non seulement la consommation, qui n'est qu'un côté de la médaille, connaît une hausse importante, mais aussi l'envers, les méfaits qui en dépendent.

Le fait que 80 p. 100 des Canadiens consomment de l'alcool, c'est une statistique, mais quels méfaits en ressortent et où devrait-on cibler nos efforts pour en diminuer les méfaits que ce soit pour la santé sociale ou économique, est un point important. C'est sur ces données qu'on devrait se pencher à l'avenir. Qui est le mieux placé pour les traiter? C'est sur cette lancée que nous avons élaboré ce cadre national pour une vraie entente.

Toute route ne mène pas uniquement vers le fédéral. Il faut s'assurer que l'investissement soit bien coordonné au sein des paliers gouvernementaux, du secteur des ONG et du secteur privé. Cela doit se faire de façon transparente, évaluée et fondée sur des données probantes.

Et c'est exactement la façon dont nous procéderons au cours des prochaines années.

La présidente : Merci infiniment.

[Traduction]

Nous avons une discussion extrêmement intéressante et utile, tout comme le seront les renseignements que vous allez nous transmettre. Nous allons distribuer aux membres du comité l'étude portant sur les coûts.

(La séance est levée.)


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